Category: Politique belge

  • Pour notre portefeuille et pour la planète : nationalisation du secteur de l’énergie


    Les hivers ont beau avoir été moins rudes en Belgique ces dernières années (les sept dernières années sont les plus chaudes jamais enregistrées dans le monde), se chauffer est synonyme d’angoisse chez de plus en plus de personnes. Avant même l’actuelle explosion des tarifs, pas moins de 20,8% des ménages belges étaient déjà confrontés à la précarité énergétique (1) ! En Wallonie et à Bruxelles, on dépassait même les 25%, les locataires de logements sociaux étant particulièrement touchés. Et aujourd’hui ? Combien de personnes ont des sueurs froides en voyant leurs factures qui doublent ou triplent ? Pour certains, la hausse des prix de l’énergie pourrait dépasser les 3.000 euros par an !

    Pas mal de dogmes néolibéraux sont sérieusement malmenés par les crises multiples que nous subissons. C’est le cas des prétendus bénéfices de la libéralisation avec l’actuelle flambée des prix de l’électricité et du gaz. Ne nous avait-on pas garanti que l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence allait bénéficier aux consommateurs et leur offrir une belle opportunité de réduire leurs factures ? Soyons clairs : cette approche n’a jamais été à l’avantage des consommateurs, ni maintenant, ni avant.

    Par contre, les actionnaires d’Engie-Electrabel, Luminus & Co n’ont cessé de se frotter les mains. Ils ont encore plus de raisons de le faire aujourd’hui : le service d’études du PTB a calculé qu’Engie-Electrabel réalise 2,6 milliards d’euros de surprofits grâce aux prix élevés de l’énergie. Alors que nous sommes considérés comme de vulgaires vaches à lait (en payant la production d’énergie, les frais de réseau et une multitude de taxes), les grandes entreprises du secteur collectionnent les cadeaux fiscaux et subventions publiques.
    Fin du monde et fin du mois, même combat !

    Le dimanche 27 février, le PTB organise une manifestation dans les rues de Bruxelles (13h, Gare centrale) sous le slogan « Protégeons les gens, pas les puissants », contre l’explosion des prix de l’énergie et en faveur de la baisse de la TVA sur l’énergie de 21% à 6 %, une revendication portée par le PTB depuis très longtemps. Son application permettrait de soulager quelque peu pas mal de ménages, c’est certain. La TVA est par essence une taxe antisociale, qui ne fait aucune différence entre une mère célibataire qui travaille au salaire minimum et un riche héritier : tout le monde paie la même chose indépendamment du revenu. Il est impossible de rendre plus sociale une taxe antisociale : c’est tout le mécanisme de la TVA qui doit dégager.

    Tout le monde s’accorde de plus en plus sur le fait que le véritable problème, ce sont les aléas du marché. L’occasion est à saisir pour mener campagne de manière offensive pour la nationalisation de la totalité du secteur énergétique sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité. Nous ne devons pas perdre de temps à tenter de rester respectable pour l’establishment et les médias dominants : partons de ce qui est nécessaire, pas de ce qui est acceptable sur un plateau télé.

    Ce qui est nécessaire, c’est protéger la population de la précarité énergétique en assurant des tarifs planchers et avec des investissements publics pour un plan public d’isolation du bâti, quartier par quartier. Ce qui est nécessaire, c’est assurer une transition énergétique rapide dans le renouvelable et y consacrer les moyens que cela exige. Seule la nationalisation du secteur permet de prendre ces objectifs au sérieux. Ce constat ne doit pas figurer dans les détails d’un texte de Congrès : cela doit être un élément clé d’une campagne offensive pour populariser la nécessité d’un changement de système.

    Selon Oxfam, alors que 99% de la population mondiale a vu baisser ses revenus à cause de la pandémie, la fortune des dix hommes les plus riches au monde a plus que doublé pendant les deux premières années de la pandémie, passant de 700 milliards de dollars à 1.500 milliards de dollars (au rythme de 15.000 dollars par seconde). Si ces dix hommes perdaient demain 99,999 % de leur fortune, ils seraient toujours plus riches que 99% de toute l’humanité. Le système qui permet cet état de fait, le capitalisme, doit être renversé pour que la production économique réponde à des impératifs sociaux et environnementaux, sur une base rationnelle et démocratiquement planifiée. C’est ce que nous appelons le socialisme.

    1) « L’incapacité pour un ménage d’accéder — dans son logement — à l’énergie qui lui est nécessaire, pour un coût abordable au regard de ses revenus. » définition que donne le Forum Bruxellois de Lutte Contre la Pauvreté

  • Le baromètre social de la pandémie est sans appel : luttons pour une autre société !

    Le personnel des soins en action le 7 décembre dernier.

    À la veille de l’année nouvelle, la crise sanitaire a une fois de plus exposé la faiblesse des différents gouvernements du pays. Le flamand, le wallon, le bruxellois et le fédéral s’emmêlent les pinceaux, trébuchent et ne trouvent pas de réelle stabilité.

    Edito de Michael issu de l’édition de février de Lutte Socialiste 

    Un mauvais vaudeville ne fait pas une politique culturelle

    L’impressionnante mobilisation du secteur culturel le 26 décembre et la menace de désobéissance civile ont forcé les décideurs politiques à reconsidérer leur décision d’introduire de nouvelles mesures restrictives uniquement pour ce secteur, qui était déjà sur les dents. La colère s’y accumule depuis longtemps. La culture a symbolisé par excellence la politique sanitaire déterminée par l’activité économique et ceux qui en profitent. Pour les autorités, la culture est un luxe qui pouvait bien être fermé simplement pour faire passer un message. Mais le retrait des mesures sous la pression de la mobilisation est insuffisant pour de nombreux petits acteurs du secteur. Une chaine de cinémas peut fermer et relancer son activité plus facilement qu’une troupe de théâtre.

    La responsabilité des nouvelles mesures incombe à tous les gouvernements, y compris le gouvernement fédéral autour du tandem De Croo-Vandenbroucke. Contrairement à Paul Magnette qui, sous la pression des actions, a parlé d’une erreur collective (tout en pointant du doigt les ministres de la Culture), Jan Jambon, ministre de la Culture et Premier ministre flamand, n’a même pas essayé tenté de faire croire qu’il se soucie du secteur.

    Il n’a pas caché son arrogance néolibérale en décrivant la dernière semaine d’école avant les vacances de Noël comme « une semaine avec peu d’impact pédagogique » parce qu’elle se limite à « une fête de Noël par-ci, un peu de lecture par-là et je ne sais quoi d’autre ». Face au tollé, il a persisté : « cette dernière semaine implique moins de transfert de connaissances ». Pour la N-VA, le développement et l’enseignement doivent être économiquement pertinents. Le parti ne manque jamais une occasion de dépeindre les enseignants comme des profiteurs.

    Tous les gouvernements sont faibles et divisés

    Le populisme de Georges-Louis Bouchez (MR) l’a poussé si loin dans la provocation qu’il a mis en danger le gouvernement wallon début décembre. Quant au PS, il sent sur sa nuque le souffle du PTB et souhaite marquer les esprits. C’était ce à quoi devait servir le projet de décret wallon pour « un impôt plus juste », rejeté par Bouchez. Désavoué par son propre parti, le ministre wallon du Budget Jean-Luc Crucke a jeté l’éponge, mais a fait son entrée à la Cour constitutionnelle (emploi extrêmement bien payé). Les tensions entre PS et MR au niveau wallon impactent également la coalition fédérale. Quant au gouvernement bruxellois, il n’est pas exempt de pression avec le débat sur la mobilité, entre autres.

    La Vivaldi est née à un moment précis : la crise sanitaire avait relégué au second plan certaines vaches sacrées néolibérales et donné plus d’assises à l’aspiration en faveur d’un gouvernement stable. La situation rendait possible un gouvernement moins provocateur pour le mouvement des travailleur.euse.s. La stabilité politique a toutefois disparu. Le crédit de toutes les institutions politiques du capitalisme a durement souffert ces dernières années. La base de soutien des partis traditionnels est de plus en plus érodée. À droite, le Trumpisme progresse.

    Le mouvement des travailleur.euse.s doit agir

    Cependant, il ne devrait pas échapper au mouvement des travailleur.euse.s que l’instabilité des représentants politiques du système est finalement causée par la menace des mobilisations sociales, ce qu’a illustré la protestation du secteur culturel. La polarisation entre Bouchez et le PS est alimentée par la croissance du PTB du côté francophone. En Flandre, le gouvernement, et surtout la N-VA, est également vulnérable aux luttes sociales. Cela met les revendications de la classe travailleuse à l’ordre du jour, ce qui pousse le populisme de droite sur la défensive. C’est le meilleur vaccin contre le Trumpisme.

    Tous les éléments du baromètre social de la classe ouvrière sont dans le rouge. La hausse rapide des prix, surtout des biens auxquels les travailleur.euse.s et les pauvres consacrent en moyenne une part plus importante de leur budget comme l’énergie et le logement, dégrade nos conditions de vie. Des années successives d’austérité ont saigné à blanc nos services publics. Mais pour le grand capital, de bonnes conditions de vie sont un luxe aussi superflu que la culture et les loisirs. Toutes les crises que subit le capitalisme se renforcent mutuellement. Chaque revendication, même la plus basique, se heurte aux limites du système dans son ensemble.

    De ce baromètre social découle une évidence : nous devrons nous battre. Les syndicats ont recueilli 25.000 signatures en une semaine pour changer la loi qui impose une camisole de force à nos salaires et pour défendre le mécanisme d’indexation. Cette pétition peut servir d’impulsion pour nourrir de nouvelles mobilisations de masse. Une telle campagne serait d’autant plus efficace intégrée dans un plan d’action qui allie grèves, manifestations et campagnes d’information. L’action « Basta » du PTB le 27 février prochain peut renforcer cette idée. Une grande marche pour une énergie abordable, des salaires décents et des services publics forts (y compris les soins de santé) peut aider à mettre ces questions sur le devant de la scène et à lancer une discussion sur nos revendications et sur ce qui est nécessaire pour les faire respecter.

    Pendant la pandémie, la classe travailleuse a retrouvé un visage : ce sont les travailleur.euse.s qui font tout tourner. C’est leur solidarité qui s’épanouit immédiatement à chaque catastrophe alors que les autorités sont absentes ou à côté de la plaque. Le personnel soignant et les autres personnels essentiels bénéficient d’un soutien considérable dans l’opinion publique. Le manque de moyen causé par des années de sous-investissement est désormais plus qu’évident. La pandémie a douloureusement illustré ce que nous savions depuis longtemps déjà : le secteur des soins est « plumé à mort », comme l’a fait remarquer un soignant dans l’hebdomadaire populaire Dag Allemaal.

    Les travailleur.euse.s portent le monde sur leurs épaules, mais les patrons et leurs porte-parole cherchent à leur faire payer les conséquences des crises. Même l’index est à nouveau en ligne de mire, avec un saut d’index ou une nouvelle manœuvre pour qu’il reflète encore moins la hausse réelle des prix. En décembre, l’inflation s’est établie à 5,71 % sur une base annuelle, tandis que l’indice-santé s’est établi à 5,21 %. Si la classe ouvrière ne réagit pas, le patronat passera à l’attaque. La faiblesse incite à l’agression.

    Un changement de système

    Cependant, la classe travailleuse reste potentiellement très puissante. Ses besoins sont largement compris et, par l’action, la solidarité est toujours renforcée. Des revendications telles que la suppression de la loi sur les salaires, l’augmentation du salaire minimum à 14 euros de l’heure, le maintien et le renforcement de l’index et de la sécurité sociale, un plan d’investissement massif dans la santé et l’enseignement (ainsi que d’autres services publics), la propriété publique du secteur de l’énergie pour que la collectivité contrôle les prix et permettre une transition verte… peuvent motiver et mobiliser la classe des travailleur.euse.s.

    Concrétiser ces revendications nous confronte directement à tout le système. Cette société capitaliste a permis aux dix plus riches au monde de doubler leur fortune durant la pandémie (15.000 dollars par seconde !), tandis que 160 millions de personnes supplémentaires sont devenues pauvres. Non, ce ne sont pas nos salaires qui posent problème. C’est l’accumulation de richesses au sein d’une petite élite qui exerce une pression sur nos revenus et nos conditions de vie. Imaginez ce qui serait possible si les ressources disponibles sur cette planète étaient utilisées démocratiquement pour assurer une vie saine et décente à toutes et tous. Cela exige de se battre : les capitalistes ne permettront pas une transformation socialiste de la société.

  • Pour nos portefeuilles et la transition verte : un secteur de l’énergie totalement public

    Photo : Pixabay

    L’énergie devient inabordable. En un an, une facture moyenne est devenue plus chère de 501 euros pour l’électricité et de 1.726 euros pour le gaz. Sur base annuelle, un ménage paye en moyenne désormais 4.075,96 euros, contre 1.848 euros il y a un an. En d’autres termes : au lieu d’un mois de salaire, vous devez maintenant en payer au moins deux pour vos besoins en énergie. Ces chiffres proviennent du régulateur de l’énergie CREG pour le mois de décembre. Et les tarifs ont encore augmenté en janvier. Les chiffres de l’autorité flamande de régulation du marché de l’électricité et du gaz démontrent que l’augmentation moyenne des contrats d’énergie conclus en janvier par rapport à décembre est de 43 %.

    Les politiciens traditionnels qui essayent d’adopter quelques mesures en prenant bien garde de ne pas toucher aux grandes entreprises énergétiques ne parviennent à rien. Des mécanismes ont été introduits à Bruxelles pour protéger les consommateurs, mais cela conduit les fournisseurs d’énergie à se retirer du marché parce qu’ils craignent un trop grand nombre de factures impayées. Les politiciens de droite tentent de profiter de l’occasion pour octroyer des cadeaux supplémentaires à l’industrie nucléaire tout en sapant le concept de transition énergétique verte.

    La revendication d’une réduction de la TVA de 21% à 6% est plus que justifiée : pourquoi l’énergie est-elle taxée de la même façon qu’un produit de luxe ? C’est une honte ! Le mieux serait d’ailleurs d’abolir cette taxe antisociale qui frappe de la même manière un petit salaire et une grosse fortune. Réduire la TVA peut aplanir la courbe de l’augmentation des prix de l’énergie, mais c’est insuffisant pour la faire baisser.

    Le cœur du problème est que l’énergie est la proie des aléas du marché. Aujourd’hui, les grandes entreprises énergétiques réalisent de grands profits sur des prix élevés. Selon le PTB, Engie réaliserait un bénéfice supplémentaire de près de 2,6 milliards d’euros sur la période 2021-2024 ! Les tensions géopolitiques, notamment autour de l’Ukraine, jouent un rôle majeur dans la hausse des prix. Il ne semble pas que cela puisse changer. En outre, il y a un manque évident de planification pour développer la production d’énergie verte à grande échelle. Les entreprises privées du secteur de l’énergie ne pensent qu’à leurs profits à court terme, et non à une stratégie à plus long terme visant à fournir une énergie bon marché à la population.

    L’ensemble du secteur de l’énergie doit être placé en mains publiques afin que l’accent ne soit pas mis sur les profits d’un petit groupe de capitalistes, mais sur la satisfaction des besoins de la population. L’énergie est trop importante pour la soumettre à l’avidité sans borne des actionnaires. Elle doit être placée dans des mains publiques sous la gestion et le contrôle démocratiques du personnel du secteur et de la collectivité, afin d’établir une planification démocratique de la production. C’est la seule façon de lier des factures abordables et une transition énergétique efficace.

  • La faiblesse des gouvernements mise à nu par les mobilisations du secteur culturel, un exemple à suivre

    Des actions qui ont fait tomber le rideau sur la fermeture arbitraire du secteur culturel

    L’entrée en action du monde culturel et du secteur du divertissement bénéficiait d’un large soutien, les gouvernements ont été contraints de reconsidérer la décision de fermer ces secteurs. La faiblesse des différents gouvernements a été démontrée au grand jour. L’événement a également illustré à quel point les mesures prises dans le cadre de la lutte contre la pandémie visent principalement à sauvegarder les profits des grands acteurs économiques. Dans ce cadre, la culture n’est considérée que comme un luxe parfaitement facultatif. Le dédain des autorités vis-à-vis du secteur a été maintes et maintes fois démontré depuis le début de la pandémie.

    Le Comité de concertation, dans lequel tous les gouvernements du pays sont représentés, entendait prendre des mesures juste avant les vacances de Noël destinées à faire comprendre que la pandémie n’est pas terminée et que le danger du nouveau variant Omicron n’est pas à prendre à la légère. Mais adopter de nouvelles mesures restrictives étant une question sensible, une solution apparemment “facile” a été choisie : pas de nouvelles mesures, sauf pour les secteurs de la culture et du divertissement. La décision est tombée sur ceux-ci sans la moindre consultation avec les principaux concernés. Pourtant, l’institut scientifique Sciensano avait clairement fait remarquer que les théâtres, les cinémas et les salles de concert ne sont pas des lieux où de contamination massive.

    La mobilisation du secteur culturel a pu compter sur un large soutien. Le dimanche 26 décembre, entre 5000 et 15.000 personnes se sont réunies au Mont des Arts à Bruxelles. Au même moment, des centaines d’autres étaient rassemblées devant le cinéma Sauvenière à Liège. Plusieurs lieux indiquaient clairement leur intention d’entrer en désobéissance civile en restant ouvert malgré l’interdiction. Plusieurs décideurs politiques, y compris de partis présents aux gouvernements, ont alors subitement tourné casaque. Le président du PS, Paul Magnette, a déclaré qu’une erreur collective avait été commise lors du comité de concertation tout en disant soutenir les critiques du monde culturel tout en rejetant la responsabilité de la décision sur les ministres de la culture qui n’ont pas su défendre “leur” secteur. Une décision du Conseil d’État a débloqué la situation et a contraint le gouvernement à revenir sur la fermeture du secteur culturel.

    Le gouvernement fédéral n’est pas le seul a avoir reçu une baffe, c’est le cas de tous les gouvernements du pays. Déjà affaiblis, ils ressortent de l’aventure encore moins vigoureux. Le tandem De Croo-Vandenbroucke est aux prises avec l’opposition interne des partis gouvernementaux, dont l’imprévisible président du MR, George Louis Bouchez, qui a déjà failli faire exploser le gouvernement wallon récemment. Mais le PS tente de se profiler au risque de mettre à mal la coalition Vivaldi. Quant au gouvernement flamand, dont le discours est systématiquement qu’il se débrouille mieux que les autres, ce n’est visiblement pas le cas. Il est lui aussi aux prises avec des tensions internes, le leader de l’Open-VLD Bart Somers déclarant par exemple qu’en s’y prenant de la sorte le gouvernement « Jambon I ne sera pas un succès ».

    Cette mobilisation a clairement mis en évidence la faiblesse des gouvernements. Le mouvement des travailleur.euse.s doit se saisir de l’occasion pour défendre plus catégoriquement les intérêts et les préoccupations de la classe travailleuse et passer à l’offensive.

    N’est-ce pas le moment d’intensifier la lutte en faveur d’un plan massif et immédiat d’investissement public dans les soins de santé ? Pourquoi ne pas appeler à une manifestation nationale, couplée à des revendications telles que l’abolition des brevets sur les vaccins et la nationalisation du secteur pharmaceutique sous contrôle et gestion des travailleur.euse.s ?

    D’autre part, dans ce contexte de hausse rapide de l’inflation, ne serait-il pas temps de développer un véritable plan d’action qui ne se contente pas de donner l’occasion de se défouler, mais vise consciemment à construire un rapport de forces autour de revendications claires, comme l’abolition de la loi sur les salaires de 1996 et la nationalisation de la totalité du secteur de l’énergie pour assurer une transition écologique et des prix abordables pour la population ? Si le mouvement des travailleur.euse.s (tant les syndicats que la gauche) ne s’engage pas dans la lutte pour une transformation de la société, d’autres forces tireront profit du mécontentement et de la frustration.

    Chaque crise illustre l’étendue de l’échec du système tout en aggravant les autres. Les activistes du climat qui scandent le slogan « system change » ont raison. Nous devons renverser ce système où tout est sacrifié pour les profits des actionnaires. La crise sanitaire n’a-t-elle pas suffisamment démontrer dans quel cul-de-sac cela nous mène ? Il suffit encore de penser à la décision de la Commission européenne de donner au gaz et à l’énergie nucléaire un “label vert”…

    Il nous faut un système différent, et celui-ci doit reposer sur les intérêts et les besoins de la majorité de la population. Les moyens ne manquent pas pour cet autre monde : en 2021, les dix personnes les plus riches de la planète se sont enrichies de 400 milliards de dollars supplémentaires. Imaginez ce qui serait possible si les ressources disponibles sur cette terre étaient utilisées démocratiquement pour permettre une vie saine et décente pour toutes et tous ! Cela nécessite de se battre : la transformation socialiste démocratique de la société ne tombera pas du ciel, aucun cadeau ne nous sera donné par les capitalistes qui regardent la planète brûler : nous devons nous organiser et nous battre pour finalement abattre le capitalisme.

  • Nouveau président du PTB, même question : comment atteindre le socialisme ?

    Peter Mertens et Raoul Hedebouw lors d’une manifestation syndicale cette année. (Photo : Liesbeth)

    Ce début décembre, Raoul Hedebouw devient le nouveau président du PTB. Il succède à Peter Mertens, qui avait repris le flambeau de Ludo Martens en 2008 et avait incarné la rupture avec « l’ancien PTB », une rupture nécessaire à la survie du parti. La réforme fut fructueuse : le parti est passé de 2.300 membres à l’époque à 24.000 aujourd’hui. Les succès électoraux – objectifs autour desquels s’est construite la réforme du parti – n’ont pas manqué. En 2018, le PTB a remporté 169 élus locaux et 43 députés un an plus tard. Tout cela exprime l’aspiration croissante en faveur d’une critique de gauche de la politique dominante ainsi que la recherche d’une alternative à la société capitaliste en crise permanente.

    Par Bart Vandersteene, édito de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste

    La présence du PTB dans les enceintes parlementaires donne plus d’échos aux préoccupations des travailleuses et des travailleurs. Nous nous en réjouissons, tout en continuant à vouloir débattre des tactiques et de la stratégie nécessaires pour effectivement rompre avec le capitalisme. C’est à ce titre que nous nous inquiétons de voir les considérations électorales du PTB prendre le pas sur le développement des luttes sociales. Les changements annoncés à la tête du parti n’annoncent pas un nouveau cap.

    Même les revendications minimales se heurtent aux limites du système

    Cela fait un moment que les grandes campagnes du PTB se cantonnent à quelques propositions minimales : la baisse de la TVA sur l’énergie à 6 %, la taxe des millionnaires, une banque publique, la pension à 65 ans,… Cela résonne agréablement chez pas mal de monde et ce seraient sans conteste des pas en avant. Après 40 ans de contre-réformes de droite, ces revendications semblent souvent radicales.
    Cependant, même ces revendications se heurtent immédiatement à la maximalisation du profit inhérente au capitalisme. Arracher des conquêtes sociales exige des luttes sociales menées avec acharnement par la base, pour construire un rapport de force que les capitalistes ne peuvent contourner.

    La lutte des classes est le moteur du changement social. Les positions parlementaires doivent avant tout servir à son développement. Chaque victoire obtenue sous le capitalisme (salaires, conditions de travail, sécurité sociale,…) est toujours sous la pression de la concurrence brutale entre entreprises et de leur besoin d’optimiser les profits. La lutte des classes est permanente et omniprésente et il en ira de même tant qu’existeront ces deux classes sociales fondamentalement opposées.

    D’une part la classe capitaliste qui possède les banques, les entreprises, la technologie, les terrains et les bâtiments. C’est la classe sociale qui bénéficie de l’organisation actuelle de la société. D’autre part, la grande majorité de la population, c’est-à-dire la classe des travailleuses et travailleurs, celle et ceux qui dépendent de la vente de leur force de travail pour leur subsistance. Cette majorité sociale a tout intérêt à ce que la société repose sur la coopération et la solidarité plutôt que sur la compétition et la rivalité. Cette majorité sociale a intérêt à ce que les problèmes tels que le climat, la sécurité alimentaire, la misère et la santé soient abordés de manière globale et solidaire, à ce qu’il y ait une sécurité sociale partout dans le monde de même qu’un enseignement et des services publics gratuits et de qualité, à la disparition des discriminations et de l’exploitation. Entre cette société solidaire et la propriété privée des moyens de production, il faut choisir. C’est l’un ou l’autre.

    Convaincre, par l’agitation et la lutte sociale, l’audience la plus large possible de l’idée que le capitalisme est incompatible avec une politique sociale est la tâche fondamentale de toutes celles et ceux qui défendent le socialisme. Le PTB ne remplit pas cette mission. Il ne lie pas ses revendications minimales à la remise en cause de la propriété privée des moyens de production, pierre angulaire de la société capitaliste.

    Ce faisant, le PTB s’aligne sur la tendance dominante au sein de la gauche actuelle : l’adaptation au système. La chute des dictatures staliniennes il y a 30 ans pèse encore lourdement sur les esprits. L’idée qu’une alternative au capitalisme soit possible a semblé être une illusion naïve aux yeux de plusieurs générations. Le tourbillon idéologique du néolibéralisme et de l’individualisme a exercé une pression terrible sur les organisations de gauche et sur leurs programmes. De nombreux partis que le PTB prend comme point de référence en Europe ont relégué à l’arrière-plan la défense du socialisme pour ne plus parler que de corrections sociales du système capitaliste. Le PTB évolue aussi dans cette direction.

    Comment le PTB nouveau a-t-il vu le jour ?

    Au début de ce siècle, Peter Mertens s’est imposé comme chef de file de la jeune garde qui a mené une révolution interne en mettant un terme au stalinisme très ouvert du parti. Raoul Hedebouw est alors devenu le porte-parole jovial qui a traduit ce virage en passant d’une rhétorique stalinienne à l’ancienne à un style direct parfois simpliste, mais électoralement porteur. Dans les années 1990, Mertens et Hedebouw étaient des pionniers du mouvement de jeunesse du PTB qui s’appelait alors le MML (Mouvement Marxiste-Léniniste). De nombreux cadres centraux de la direction actuelle du parti ont reçu leur formation politique stalinienne « à l’ancienne » au cours de cette période.
    Mais au tournant du siècle, ce modèle stalinien est devenu complètement obsolète. Cela a plongé le PTB dans une crise existentielle.

    Parallèlement, l’espace pour une alternative politique à la social-démocratie et aux « verts » s’est élargi car ces derniers avaient de plus en plus ouvertement embrassé la logique néolibérale. Le PTB ne parvenait pas à occuper cet espace. À l’époque, nous défendions la nécessité de construire un nouveau parti large et combatif de la classe ouvrière auquel pourraient appartenir tous les opposants aux politiques néolibérales. Nous avons fait valoir que le PSL (qui s’appelait encore du côté francophone le Mouvement pour une Alternative Socialiste, MAS) ferait tout son possible pour soutenir un tel parti tout en continuant à construire sa propre organisation marxiste.

    Plusieurs tentatives pour combler le vide à gauche ont existé. En 2006, le Comité voor een Andere Politiek (CAP) a été fondé, avec, entre autres, l’ancien parlementaire du SP Jef Sleeckx. Il y avait alors Une Autre Gauche (UAG) à Bruxelles et en Wallonie. En 2011, SP.a-Rood s’est détaché du SP.a et a constitué le groupe Rood ! Nous avons participé à diverses collaborations comme le Front des Gauches et Gauches Communes, ou encore à l’appel de 2012 de la FGTB de Charleroi et Sud-Hainaut. Aucune de ces initiatives n’avait la bonne approche et la bonne composition pour aboutir à un nouveau parti. Néanmoins, le PSL a fait tout ce qu’il pouvait pour renforcer ces initiatives. Au final, le PTB est parvenu à remplir l’espace laissé vacant, étape par étape. Il est toutefois malheureusement resté résolument hostile au soutien du PSL à ce processus.

    Cela ne nous empêchera pas, lors des prochaines élections, d’appeler certainement à voter pour le PTB, car il s’agit aujourd’hui de la meilleure option pour renforcer la voix de la classe ouvrière dans le débat politique et de soutenir ainsi la lutte de classe. Nous examinerons attentivement les conclusions du congrès du PTB le 5 décembre. Non pas parce que nous sommes critiques pour le plaisir de critiquer, mais parce que le débat sur la voie pour réaliser une transformation de société est essentiel pour les militants et les syndicalistes combatifs. Dans ce cadre, nous lions inextricablement chaque conquête sociale de la classe ouvrière à la nécessité d’une lutte déterminée et internationale pour une transformation socialiste de la société.

  • Ce système est malade – Tout sera différent une fois aux commandes la classe des travailleurs et travailleuses

    Les vaccins contribuent à nous protéger. Il ne faut toutefois pas y voir la panacée qui nous conduira au « Royaume de la liberté », surtout en l’absence de stratégie de vaccination mondiale. Les capacités de production ne manquent pas pour ce faire, mais elles sont emprisonnées dans la propriété privée des moyens de production. La crise sanitaire met à nu les déficiences du capitalisme. Des problèmes économiques à l’escalade des catastrophes environnementales, les crises se renforcent les unes les autres et conduisent toutes à une même conclusion : ce système est malade, il est grand temps de le renverser !

    Par Geert Cool, article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste

    La quatrième vague de la pandémie illustre dans la douleur le cul-de-sac où conduisent les raccourcis et les belles paroles. Celles-ci sont de moins en moins convaincantes, si bien que les gouvernants se rabattent sur la division et la répression.

    Cela ne peut que renforcer la méfiance qui se diffuse déjà aux quatre vents, avec son lot de conversations pénibles entre collègues et amis. Seul le mouvement des travailleuses et travailleurs est en mesure de nous tirer de cette impasse. La première vague a mis en lumière que c’est lui qui fait tout tourner, pas les actionnaires. C’est également lui qui peut tout renverser et prendre en main.

    Quand notre vie est confrontée à de graves difficultés, nous ne négligeons aucun effort pour y faire face. À chaque catastrophe, nous constatons à quel les gens regorgent d’une grande inventivité et d’une grande solidarité instinctives. Nous devons traduire cela pour affronter un problème social comme cette pandémie. Il faut rassembler toutes les connaissances, tout le savoir-faire et toutes les capacités scientifiques pour les déployer de façon à vaincre la pandémie. Mais cette mise en commun des possibilités entre immédiatement en conflit avec la loi du profit aujourd’hui au centre de tout.

    Pfizer, BioNTech et Moderna réalisent ensemble 1.000 dollars de bénéfices PAR SECONDE alors que les populations des pays les plus pauvres n’ont pas accès aux vaccins. Ces trois géants ont pu compter sur au moins 8 milliards de dollars d’argent public pour le développement de leurs vaccins. Le doublement du chiffre d’affaires de Pfizer a déjà permis à la société d’augmenter de 3 % ses dividendes par action.

    La science qui sous-tend les vaccins est essentielle pour protéger la population mondiale de cette pandémie. Mais la stratégie vaccinale ne sera efficace que si cette technologie est libérée des contraintes imposées par la propriété privée de la connaissance et des capacités de production. Big Pharma n’a finalement absolument aucun intérêt à ce que cette pandémie se termine rapidement. Nous ne devons pas laisser ce secteur vital être la proie de la recherche du profit maximal !

    Combien d’autres vagues nous faudra-t-il avant que le secteur des soins de santé ne soit revu de fond en comble ? En commençant par drastiquement augmenter le personnel et les infrastructures. Actuellement, le manque de moyens conduit la totalité du personnel soignant droit à l’épuisement. Quant aux capacités de dépistage et de traçage, tout a été réduit au premier signe de diminution des contaminations. Près de deux ans après le début de la pandémie, il n’existe toujours pas de véritable système de tests gratuits à grande échelle. Les gouvernements semblent n’avoir rien appris des vagues précédentes. Ils ne sont pas stupides, ils sont juste coincés dans la camisole de force de la logique du système capitaliste. Les travailleurs et travailleuses de la santé et la collectivité doivent pouvoir décider eux-mêmes de ce qui est nécessaire pour sortir de l’impasse.

    Chaque contradiction du capitalisme renforce l’impact de la pandémie. La rupture croissante de l’harmonie entre l’homme et la nature a joué un rôle dans la transmission du virus de la chauve-souris à l’homme. Le capitalisme est fait de relations mondiales, mais le système reste essentiellement géré au niveau national. La propriété privée des moyens de production empêche la libre coopération dans le développement des vaccins et l’élaboration d’une stratégie globale pour la vaccination. Avec la logique austéritaire de ces dernières années, c’est à peine si des secteurs tels que les soins de santé et l’enseignement ont pu garder la tête hors de l’eau.

    Notre destin doit être protégé de la course infernale aux profits. La classe des travailleurs et travailleuses elle-même doit passer à l’offensive et mobiliser toutes les ressources et richesses disponibles. Aucune crise ne peut être résolue sans remettre en question l’ensemble du système capitaliste. Nous en débarrasser exige de construire dès aujourd’hui le rapport de force nécessaire pour briser l’emprise de Big Pharma, arracher plus de moyens pour les soins de santé, placer la totalité de la recherche scientifique sous contrôle et gestions publics, élaborer une véritable stratégie mondiale contre la pandémie reposant sur la solidarité et la coopération,… Le potentiel pour des luttes croissantes est là : début novembre, des dizaines de milliers de jeunes et de travailleurs et travailleuses ont manifesté pour un « changement de système » lors de la COP26 à Glasgow ; fin novembre nous avons protesté contre les violences sexistes et LGBTQUIA+phobes ; dans de nombreux secteurs les travailleurs et travailleuses ont mené des grèves et actions. Nous devons réunir et mobiliser tout ça en une lutte commune pour une transformation socialiste de la société, c’est-à-dire une société où la classe des travailleurs et travailleuses est aux commandes !

  • Nouvelle vague covid : le capitalisme et ses représentants politiques sont responsables !

    Le mouvement des travailleurs et travailleuses doit réagir de manière offensive

    Près de 2 ans après le début de la pandémie, c’est toujours l’impréparation la plus totale. Aucun scénario n’existait pour la possibilité d’une forte circulation du variant delta, y compris parmi les personnes vaccinées, ou de l’apparition d’un autre variant plus coriace. Un système de dépistage efficace qui n’alourdit pas l’énorme charge de travail des médecins se fait toujours attendre. À nouveau, des patients atteints de maladies ou victimes d’accidents graves ne pourront pas être pris en charge. Ce manque de prévoyance et de planification est criminel.

    Dossier de Stéphane Delcros

    Pointer du doigt les non-vaccinés et s’enfoncer dans une politique de répression ne résoudront rien au manque de moyens dans les soins de santé. Cela sert par contre surtout à dévier l’attention de la responsabilité des autorités tout en divisant la population. « Diviser pour mieux régner », la recette n’est pas neuve. Mais la gauche et le mouvement des travailleuses et des travailleurs ne doivent pas laisser la critique du gouvernement aux antivax et à l’extrême droite, qui n’ont aucune solution.

    Encore heureux qu’il y ait eu, au début de la pandémie, le groupe d’action militant « La Santé en Lutte » pour réunir les témoignages de terrain, élaborer un programme de revendication sur cette base et appeler à des actions et manifestations, essentiellement à Bruxelles, mais aussi en Wallonie. Nos soins de santé craquaient déjà de partout avant la pandémie, minés par le manque de moyens, la marchandisation et la logique managériale. Une fois que la pandémie a frappé, le personnel s’est retrouvé démuni, sans suffisamment de matériel adéquat ou de collègues. Il n’a pourtant pas ménagé ses efforts, jusqu’à l’épuisement, parfois dans l’isolement le plus total, de crainte de contaminer des proches.

    Toute la société était prête à soutenir un combat du personnel soignant. Un potentiel gigantesque. Mais les directions syndicales et le PTB n’ont pas pris au sérieux l’organisation d’un véritable rapport de force à la base avec agitation sur les lieux de travail, actions et manifestations. Le collectif La Santé en Lutte s’est retrouvé bien seul au front en jouant un rôle moteur dans diverses actions (dont la haie du déshonneur à l’Hôpital Saint-Pierre où les soignantes et soignants ont tourné le dos à la Première ministre Sophie Wilmès en mai 2020) et en organisant les seules manifestations nationales de la santé en septembre 2020 et en mai 2021. Le collectif a subi attaques et pressions de toutes parts, y compris de la part d’une partie des directions syndicales. Sans ce groupe militant et la « colère blanche » (Witte woede) en Flandre, relayés au Parlement par le PTB, il y a fort à parier que les budgets supplémentaires promis pour refinancer les soins de santé n’auraient pas été débloqués par les autorités. « La paix sociale dans ce secteur peut avoir ce prix », disait Servais Verherstraeten (CD&V). Ces sommes sont les bienvenues, mais elles restent largement insuffisantes et tardent d’ailleurs à arriver sur le terrain.

    La 4e vague frappe les hôpitaux alors que la situation est bien plus grave qu’auparavant. L’ensemble du personnel soignant est à bout de souffle. Dans les hôpitaux, l’absentéisme est plus élevé que jamais. À l’Hôpital Universitaire de Gand (UZ Gent) – entre les burn-out, les maladies diverses et les quarantaines – 20% des soignants et soignantes sont absents en ce moment. À la surcharge de travail est venu s’ajouter le fait de devoir refuser de prendre en charge certains patients non-covid, chose qui pèse lourdement sur le mental du personnel.

    La vaccination obligatoire du personnel soignant

    Entre le 1er janvier et le 31 mars 2022, les membres du personnel soignant qui ne seront pas vaccinés seront suspendus. À partir du 1er avril, ils seront licenciés (avec droit aux allocations de chômage), sauf s’ils ont demandé le maintien de leur contrat (ils seront alors suspendus et pourront chercher du travail dans un autre secteur). Comme le souligne Évelyne Magerat, secrétaire permanente CNE pour les hôpitaux Bruxelles et Brabant Wallon : « Si le 1er avril, il y a 15% du personnel en moins, en plus de celui qui est absent aujourd’hui, ça va être une catastrophe en termes de santé publique. (…) Aujourd’hui, on doit fermer des services, des lits hospitaliers parce qu’il n’y a pas assez de personnel. Est-ce que le gouvernement va mettre de côté ce personnel essentiel pendant la crise ? » En réalité, dans toutes les unités de soins, le personnel ne peut s’imaginer comment faire s’il perd ne serait-ce qu’un seul membre du personnel non vacciné…

    Bien entendu, les soignants et soignantes doivent pouvoir travailler avec un maximum de sûreté ; de même que les patients ont le droit d’être soignés dans un environnement le plus sain possible. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est opposée au principe d’obligation vaccinale et insiste sur le fait de convaincre plutôt que contraindre. Au lieu de l’obligation vaccinale, des tests de dépistage devraient être régulièrement effectués afin de pouvoir détecter l’éventuelle présence de cas covid-positifs parmi le personnel. Le dépistage quotidien du personnel permettrait de maintenir l’unité du personnel et d’offrir le temps nécessaire à des campagnes visant à convaincre les collègues de l’utilité du vaccin. Cela s’impose également pour détecter les contaminations survenant en dépit de la vaccination. Mais évidemment, tout cela exige des moyens pour du personnel, du matériel et des laboratoires supplémentaires. Un éventail d’autres possibilités existent également, comme la possibilité pour les soignants non-vaccinés de s’occuper de tâches administratives ou autres qui ne nécessitent pas de contact avec les patients.

    Comme le soulignent les organisations syndicales du secteur : « ce sont les conditions de travail déplorables qui sont le véritable danger en matière de qualité des soins ». Elles ont raison de s’opposer à cette mesure de vaccination obligatoire et d’organiser des rassemblements et une journée nationale d’actions en front commun le 7 décembre. Avec la manifestation nationale du 4 décembre des pompiers, cela offre l’occasion de rectifier le tir en donnant corps à la voix des travailleuses et des travailleurs. Il ne faut pas en rester là.

    Une méfiance compréhensible

    Faute de réactions de la gauche syndicale et politique à la hauteur des enjeux, la colère sociale a cherché à s’exprimer d’autres manières. C’est ainsi que le 21 novembre, deux jours après l’annonce de l’accord du gouvernement concernant la vaccination obligatoire dans le secteur des soins de santé, plus de 35.000 personnes ont participé à la manifestation « Ensemble pour la liberté » dans la capitale. Cette mobilisation faisait écho à d’autres aux Pays-Bas, en Italie, en Autriche ou encore en France métropolitaine. En Guadeloupe et en Martinique, l’imposition de l’obligation vaccinale pour le personnel soignant a été reçue comme une gifle supplémentaire par une population structurellement discriminée par l’État français. Des grèves générales y ont été déclenchées contre l’obligation vaccinale pour les soignants, mais aussi contre la cherté de la vie et le prix des carburants ainsi que pour des augmentations des salaires et des allocations sociales. Méfiance envers les autorités, colère contre la hausse des prix de l’énergie et le coût de la vie en général,… les événements ne sont pas sans rappeler le mouvement des Gilets jaunes fin 2018 -début 2019.

    Alors oui, on trouvait à Bruxelles le 21 novembre bon nombre de complotistes et d’antivax de même que des individus et groupes d’extrême droite (Vlaams Belang, Voorpost, Schild&Vrienden, Nation, Civitas,…), qui ont habilement manœuvré pour se mettre en avant. Beaucoup d’autres, vaccinées ou non, les personnes présentes à cette manifestation expriment un ras-le-bol et des doutes bien plus généralisés. Les autorités ont collectionné les incohérences avec une arrogance jamais démentie. À l’été 2020, le problème, c’était les jeunes. Ce mois de septembre, c’était les Bruxellois. Et puis finalement non. Au même moment, la Flandre et ses 95% de vaccinés rouvrait toute la société comme si l’affaire était pliée. Bardaf, ça n’aura duré qu’un mois. Du cirque des masques au début de la pandémie à la réduction de la capacité de dépistage juste avant cette quatrième vague, nous avons pu voir à quel point les autorités n’étaient absolument pas préparées à changer de politique de la même manière que nous changeons de masque.

    À raison, la population est devenue impatiente et constamment plus sceptique à l’égard de la politique menée. On restreint l’accès aux loisirs pour éviter les contacts ? Pendant ce temps, les bus et métros sont toujours aussi bondés et rien n’est fait pour augmenter le service. Les communiqués du Codeco n’ont pas mis longtemps avant de sentir l’hypocrisie ; or la crédibilité et la confiance sont primordiales dans les questions de santé.

    La grande majorité des non-vaccinés se méfie d’un vaccin « arrivé très vite », qui « semble être surtout utile pour les groupes à risques et moins pour les autres », tandis que la perspective d’une 3e dose généralisée renforce le sentiment erroné d’un vaccin lancé en urgence à l’efficacité incertaine. Mais la technologie liée à l’ARN messager était à l’étude depuis plus de 20 ans et déjà utilisée en médecine vétérinaire dès le début des années 2000. D’autre part, un vaccin (outil collectif de santé publique) n’est pas un médicament (outil de santé individuel) : son efficacité ne se juge que s’il est administré à la collectivité. Dans le cas présent, il aurait fallu administrer de manière coordonnée le vaccin à 80% de la population mondiale. Mais la liberté d’une minorité d’actionnaires de multinationales pharmaceutiques à continuer de se remplir les poches sur notre dos a pris le monde en otage. C’est de « Big Pharma » qu’il faut se méfier, pas de la vaccination en soi.

    Comme le souligne « La Santé en Lutte », le maintien des brevets, la propriété privée sur les vaccins et leur prix creusent un fossé entre les États qui peuvent se le permettre et les autres : « Dans 29 pays les plus pauvres, où vit environ 9% de la population mondiale, à peine 0,3% du nombre total de vaccins a été acheminé. Sur l’ensemble du continent africain, moins de 4% de la population a été vaccinée deux fois. Il est donc évident que la campagne mondiale de vaccination est un échec et que cette politique dangereuse abandonne les personnes fragiles qui ne vivraient pas au « bon endroit ». Ces choix politiques nous reviendront en pleine face, sous la forme de nouveaux variants. » Ce n’est pas dans la nature du système capitaliste d’envisager la mise sur pied d’une stratégie vaccinale à l’échelle globale.

    D’autre part, toutes les études sur le sujet soulignent que fracture sociale et fracture vaccinale vont de pair. Il suffit de dire qu’en Fédération Wallonie-Bruxelles, 4 personnes sur 10 renoncent à des soins de santé pour des raisons financières. Avec une médecine de proximité gratuite garantie par un service national de soins de santé financé à hauteur des besoins, les choses seraient totalement autres.

    Mais si la confusion règne parmi une bonne partie de la population, elle s’accompagne d’une recherche à tâtons d’une explication et d’une réponse face à la crise générale que traverse la société. Si la gauche syndicale et politique avait appelé à l’organisation de rassemblements et de manifestations pour arracher plus de moyens pour les soins de santé, en finir avec les brevets sur les vaccins, mettre sur pied un service national de soins de santé correctement financé et nationaliser le secteur pharmaceutique sous contrôle et gestion de la collectivité, les complotistes et l’extrême droite se seraient vu couper l’herbe sous le pied.

    Briser le pouvoir de Big Pharma pour une campagne de vaccination efficace

    Les vaccins fonctionnent, ils offrent une protection importante contre les formes graves du virus. De même, même là où les contaminations explosent, il permet de fortement limiter le nombre de décès. Toutes les études montrent aussi que le vaccin entraîne une réduction du risque de transmission ; mais pas une disparition, d’autant que l’efficacité du vaccin a tendance à très légèrement diminuer avec le temps.

    Mais la vaccination a été présentée comme la solution ultime, ce qu’elle n’est pas si elle n’est pas planifiée à l’échelle mondiale. Dès qu’un pourcentage appréciable de vaccinés a été atteint en Belgique, la société a été complètement réouverte aux vaccinés, sur base du Covid Safe Ticket, comme si cela empêchait le virus de circuler. Dans la lutte contre le virus, la vaccination est importante, mais elle ne suffit pas à enrayer l’épidémie.

    Le système capitaliste repose sur la concurrence et sur la course aux profits. Cela empêche le développement de campagnes médicales préventives sérieuses. Les gouvernements capitalistes courent d’une urgence à l’autre, en tentant de colmater des cratères à l’aide de rustines, en ayant comme priorité absolue la sauvegarde des marges bénéficiaires des grandes entreprises. Et protéger le portefeuille des plus riches et mobiliser toutes les ressources de la société pour affronter un péril tel qu’une pandémie, c’est inconciliable.

    Il ne faut pas être un génie pour se rendre compte que les transports en commun sont trop remplis, que les écoles sont trop remplies et qu’il s’agit de grands vecteurs de transmissions. Nous avons besoin de bien plus de transports en commun (et gratuits, c’est une évidence écologique) ainsi que de nouvelles écoles avec des infrastructures sanitaires adéquates. En fait, nous avons besoin d’un plan d’investissements massif dans les infrastructures et les services publics, au premier rang desquels les soins de santé, afin de ne laisser personne de côté. Afin de pleinement mobiliser les ressources nécessaires, nous n’avons pas d’autre choix que de retirer les leviers économiques des mains de la minorité de capitalistes qui détruit la planète et nous exploite afin d’élaborer un plan de production respectueux de l’environnement consacré à la satisfaction des besoins sociaux. C’est ce que nous appelons le socialisme démocratique.

    Aux travailleuses et travailleurs de donner le ton !

    Si la pandémie et les confinements ont bien illustré quelque chose, c’est que ce sont les travailleuses et travailleurs qui font tourner le monde, pas les actionnaires ! Le mouvement ouvrier doit imprimer sa marque sur les événements, à l’aide d’un syndicalisme de combat et d’une gauche de combat. Si le mouvement ouvrier n’avance pas offensivement ses positions dans cette situation de crise, d’autres forces vont le faire. Un programme de revendications et d’actions centré sur les intérêts de notre classe sociale permettrait de fournir une clarté là où existe la confusion.

    Sur les lieux de travail, les CPPT doivent jouer leur rôle

    Sur les lieux de travail, les organisations syndicales doivent être davantage offensives. L’utilité des Comités pour la prévention et la protection au travail (CPPT) a été fortement confirmée par cette pandémie, mais ils ont été largement sous-exploités. Ils peuvent pourtant stimuler la discussion collective avec les travailleurs et travailleuses sur les mesures à adopter sur le lieu de travail puisque ce sont eux et elles qui savent le mieux ce qui s’impose pour assurer leur sécurité. Ils peuvent aussi stimuler des discussions sereines entre collègues pour répondre patiemment aux doutes et questions concernant le vaccin.

    Des moyens doivent être dégagés pour que chaque travailleur et travailleuse puisse travailler en toute sûreté, notamment avec un stock suffisant de masques FFP2. Des tests gratuits doivent également être disponibles pour tout le monde sur les lieux de travail, mais aussi dans les établissements scolaires et dans chaque quartier. Quand un ou une membre du personnel est testé positif, il ou elle doit être écarté. La mise en quarantaine ne doit impliquer aucune perte de salaire et du personnel supplémentaire doit être engagé pour assurer le remplacement des effectifs qui ne peuvent travailler. Dans le cas de la fermeture d’une école ou d’une crèche, les parents doivent être assurés d’obtenir un congé payé.

    Un programme d’actions qui répond aux besoins – Luttons contre le système !

    Il est plus que temps que le mouvement ouvrier réponde à la situation de crise actuelle et la division insérée, et entrent en action pour imposer l’application des revendications nécessaires :

    • Pour la gratuité des tests de dépistage ; davantage de laboratoires doivent être mis sur pied, avec l’engagement de personnel et du matériel supplémentaire ;
    • Pour un plan d’investissements publics massifs dans les soins de santé, à la hauteur des besoins réels, déterminés par les travailleurs et travailleuses du secteur ; pour l’engagement de personnel supplémentaire avec de bonnes conditions de travail et de salaire (conditions primordiales pour convaincre les milliers de soignants et soignantes diplômés mais travaillant dans un autre secteur de revenir dans les soins de santé) et la construction de nouvelles unités de soins publiques et l’amélioration des conditions de travail et de salaire du personnel soignant ;
    • Pour l’instauration d’un véritable service public national de santé, géré démocratiquement par les travailleurs et travailleuses, permettant aussi enfin une approche préventive des soins de santé ;
    • Il faut une campagne de vaccination aussi forte que possible pour lutter contre la pandémie, accompagnée d’une information publique transparente menée par des instances indépendantes du gouvernement et de Big Pharma. Pour une telle campagne de vaccination efficace ; toute la recherche scientifique et le développement doivent donc être placés sous contrôle et gestion publics ; il faut convaincre les non-vaccinés et non les réprimer ;
    • Chaque personne à travers le monde doit avoir gratuitement accès au vaccin : pour la collaboration libre et complète de la communauté scientifique en toute transparence par la fin des brevets et de la propriété privée sur la connaissance scientifique, l’ouverture de la comptabilité des entreprises pharmaceutiques et leur nationalisation sous gestion et contrôle démocratique des travailleurs et travailleuses, et l’expropriation sans indemnisation de leurs installations, connaissances et matériels, sauf sur base de besoins prouvés.

    Pour financer cela, les richesses existent largement, dans les comptes bancaires des ultra-riches et dans les paradis fiscaux, comme l’ont encore récemment révélé les Pandora Papers. Nationaliser les secteurs-clés de l’économie permettrait d’assurer que les richesses créées par nous-mêmes soient utilisées selon nos besoins.

    Un tel programme offensif, assorti d’un plan d’action permettant la création d’un rapport de force favorable aux intérêts des jeunes et des travailleurs et travailleuses, c’est la meilleure manière de convaincre les sceptiques et même de les impliquer dans le combat pour une société débarrassée de la soif de profit et du chaos de l’économie de marché. Une lutte collective avec pour but d’arracher le contrôle des leviers politiques et économiques des mains de la classe capitaliste, et enfin pouvoir répondre pleinement aux besoins de tous et toutes.

    Une société socialiste démocratique permettrait d’en finir avec l’incapacité qu’a notre société de répondre aux crises. La cupidité des ultra-riches y sera remplacée comme axe central de la société par une coopération et une solidarité internationales visant à satisfaire les besoins et les revendications de la majorité de la population.

  • L’énergie aux mains du privé, une tragédie pour notre porte-monnaie, un désastre pour la planète

    La hausse des prix de l’énergie est-elle la simple conséquence de la loi de l’offre et de la demande dans le sillage de la reprise économique ainsi que de mois de printemps et d’été exceptionnellement froids ? En apparence seulement. En dernière instance c’est le mode de production qui détermine la pénurie ou l’abondance des produits. Ce premier est déterminé par les lois du marché libre dans lequel le profit est le plus important et non les besoins de l’humanité et de la planète.

    Dossier de Michael

    Augmentation des prix et énergies polluantes

    La hausse des prix de l’énergie domine l’actualité… et nos factures ! Ceux qui n’ont pas un revenu de ministre s’inquiètent. Les chômeurs ou les travailleurs précaires se disent ne se chaufferont peu, voire pas, cet hiver.

    Comme souvent, ces événements à l’impact considérable sur nos vies sont considérés comme des fatalités qui font tout simplement partie de l’économie et de la société. Pour nombre d’économistes et de journalistes enfermés dans la logique néolibérale et ses dogmes, cette hausse des tarifs est une incitation à consommer moins. Ce serait donc finalement une bonne nouvelle pour le climat. Nous y reviendrons plus tard.
    Rappelons d’abord que pendant les mois de confinement, la baisse de la demande de combustibles fossiles avait suscité des espoirs euphoriques. Lorsque le prix du baril de pétrole est passé sous la barre du zéro en avril 2020 (faute de demande de pétrole et en raison des coûts de stockage plus élevés que le rendement du baril), certains commentateurs se sont bercés d’illusions. Ils estimaient que les multinationales pétrolières allaient être contraintes de changer de cap et de se concentrer davantage sur les énergies renouvelables. Notre dépendance aux combustibles fossiles allait enfin être brisée grâce au coronavirus.

    Aujourd’hui, ces commentateurs sont plus riches d’une illusion supplémentaire. La relance économique après le confinement repose bien entendu sur les moyens de production qui étaient disponibles. Pendant le confinement, alors que l’économie était à l’arrêt, les capitalistes n’ont pas investi massivement leurs bénéfices dans les énergies renouvelables. Une telle prévoyance est gaspillée dans le chaos du marché. Seul compte le profit à court terme. Les besoins de l’humanité et de la planète sont totalement accessoires.

    Cette vision à court terme est également à l’origine de la pénurie de réserves de gaz qui fait actuellement grimper les prix. Dans l’économie capitaliste, l’offre et la demande contribuent évidemment à déterminer le prix des produits. La combinaison de la reprise économique et de mois de printemps et d’été relativement froids a aussi joué un rôle. Mais la réalité est que les capitalistes ajustent la production aux marges bénéficiaires. C’est ce que fait l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole du Moyen-Orient et d’Afrique, plus le Venezuela) lorsqu’elle limite délibérément la production de pétrole afin de faire monter les prix. Il en va de même pour l’approvisionnement en gaz de la Russie, qui utilise aussi ses réserves de gaz pour des raisons géopolitiques. Le prix des combustibles fossiles augmente également pour l’électricité : les capitalistes du secteur utilisent les prix élevés pour s’en mettre plein les poches. Le PTB a calculé qu’Engie/Electrabel réalise ainsi un bénéfice supplémentaire de 120 millions d’euros par mois. Cela représente un milliard et demi sur base annuelle. En bref, les augmentations des prix du gaz et de l’électricité sont principalement dues à la soif de profits.

    Les taxes sur le CO2 sont non seulement antisociales, mais aussi extrêmement inefficaces dans la lutte contre la crise climatique. En Europe, le prix du CO2 a dépassé les 60 euros par tonne pour la toute première fois au début du mois de septembre, le double du prix au début de cette année. Les émissions des producteurs d’énergie sont compensées par l’achat de droits d’émission dans le cadre du système européen d’échange de quotas d’émission. Ces coûts sont répercutés sur le prix de l’électricité. En bref, notre facture augmente sans que l’énergie verte vienne la remplacer.

    Le CO2 émis en moins en obligeant simplement les gens à moins chauffer leur maison et à moins cuisiner n’est pas seulement une goutte d’eau dans l’océan, cela ne touche que les consommateurs et surtout les plus pauvres d’entre eux. En l’absence d’investissements massifs dans des énergies renouvelables et abordables, cela entraîne une pression supplémentaire sur les factures d’énergie des ménages et une augmentation de la pauvreté énergétique pour les plus pauvres. L’incitation à l’augmentation de la production en faveur des énergies renouvelables est complètement annulée par le fait que les énergies à faible teneur en CO2, loin d’être toujours renouvelables, voient également leurs prix augmenter sur le marché. C’est d’ailleurs ce qui ressort de l’augmentation du prix de l’électricité produite par le nucléaire.

    La libéralisation du marché de l’énergie en Belgique (2003 en Flandre et 2007 à Bruxelles et en Wallonie) ne nous a pas apporté la baisse des prix promise. Il n’y a pas de planification à long terme et seuls les profits comptent. Nous payons donc pour les profits des compagnies d’énergie et sommes à la merci du chaos du marché.

    En outre, un autre facteur joue dans l’impact des prix de l’énergie. Nos salaires n’augmentent pas. Les prix à la pompe ne sont plus comptés dans l’index depuis 1994 (c’est l’index-santé). L’indexation automatique ne suit pas l’augmentation des prix du diesel ou de l’essence. Diverses autres manipulations de l’index assurent également que l’augmentation de nos salaires et allocations sociales sociaux soit toujours bien inférieure à celle du coût de la vie. Ces années de sous-indexation et le saut d’index de 2016 ont tout simplement laminé nos salaires. En outre, pour le gouvernement et les patrons, l’augmentation salariale maximale ne sera que de 0,4 % pour cette année et la suivante.

    Centrales à gaz ou énergie nucléaire ? Un faux dilemme

    L’urgence à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui n’est pas tombée du ciel. Une transition fondamentale était déjà nécessaire il y a 30 ans. Depuis 30 ans, le néolibéralisme a déployé tous ses efforts pour rejeter la responsabilité sur le consommateur, tandis que les producteurs d’énergie et les grandes compagnies pétrolières ont poursuivi leurs activités sans être inquiétés. Aujourd’hui, tous les politiciens et commentateurs néolibéraux limitent le débat à un faux dilemme entre l’énergie nucléaire et les combustibles fossiles.

    La logique de Groen! et en particulier de la ministre de l’énergie Tinne Van Der Straete est scandaleuse. Construire des centrales à gaz comme alternative à la fermeture des centrales nucléaires revient à combattre le feu par le feu. La production d’électricité représente 18% des émissions totales (2019) en Belgique. Selon le Bureau du Plan, si les centrales nucléaires devaient être remplacées par de nouvelles centrales à gaz, la production d’électricité entraînerait entre 3 et 4,4 millions de tonnes d’émissions supplémentaires d’ici 2030. Cela signifie une augmentation de 2,5 à 3,8% des émissions totales de la Belgique (116,7 Mt) en 2019.(1) Dans le contexte actuel, c’est tout sauf une « augmentation négligeable » comme le qualifie le Bureau du Plan. Il est insensé qu’une ministre « écologiste » s’oppose à la revendication parfaitement justifiée du mouvement pour le climat en faveur de la fermeture des centrales nucléaires dans l’intérêt de notre planète.

    Les partis « verts » donnent ainsi au lobby nucléaire et à une partie de l’establishment un bâton pour les battre. L’énergie nucléaire est progressivement devenue la réponse capitaliste à la crise climatique. Les entreprises du secteur de l’énergie peuvent réaliser des profits monstrueux grâce à l’énergie nucléaire, notamment par un transfert massif de fonds publics dans les poches des actionnaires. Malgré son coût faramineux, l’énergie nucléaire est particulièrement lucrative pour les capitalistes du secteur énergétique : c’est la collectivité, le contribuable, qui subventionne directement et indirectement les centrales nucléaires. Le stockage des déchets, les problèmes potentiels qui en découlent, le démantèlement des centrales, la réparation des centrales et le risque de catastrophe nucléaire, tout cela est répercuté sur la société, tandis que les bénéfices de la vente de chaque kWh vont aux multinationales. Il est également révélateur que les centrales nucléaires soient toujours sous-assurées parce qu’aucune compagnie d’assurance ne veut payer pour le risque insensé d’une catastrophe nucléaire. La loi stipule que les propriétaires de centrales nucléaires doivent contracter une assurance avec une couverture de 700 millions d’euros. C’est une somme dérisoire quand on sait que les dégâts de la catastrophe de Tchernobyl sont estimés à 430 milliards d’euros.(2)

    La campagne de promotion de l’énergie nucléaire essaye de la présenter comme une source d’énergie neutre sur le plan climatique. L’énergie nucléaire est loin d’être une source d’énergie neutre en CO2 et l’uranium est une ressource limitée. Les centrales nucléaires émettent du CO2 en raison de l’extraction et du raffinage de l’uranium. Selon une étude de Mark Z. Jacobson, professeur d’ingénierie civile et environnementale à l’université de Stanford, toutes les centrales électriques émettent également 4,4g-équivalent CO2/kWh par la vapeur d’eau et la chaleur qu’elles dégagent. Cela contraste avec les panneaux solaires et les éoliennes, qui réduisent les flux de chaleur ou de vapeur d’eau dans l’air d’environ 2,2g-CO2e/kWh, ce qui donne une différence nette de 6,6g-CO2e/kWh pour ce seul facteur.(3)

    Ceux qui préconisent la construction de nouvelles centrales nucléaires oublient de mentionner que « les réacteurs nucléaires nécessitent 10 à 19 ans ou plus entre la planification et le démarrage, contre 2 à 5 ans pour l’énergie solaire ou éolienne. Par conséquent, l’énergie nucléaire entraîne des émissions supplémentaires de 64 à 102 g-CO2/kWh par rapport aux énergies éolienne et solaire sur 100 ans, en fonction du délai d’attente pour qu’elles deviennent actives. »(4)

    En résumé, conclut Mark Z Jacobson, les nouvelles centrales nucléaires coûtent 2,3 à 7,4 fois plus cher par kWh que les parcs éoliens terrestres ou les cellules solaires. Par rapport à l’énergie solaire, à l’énergie éolienne ou à l’énergie hydraulique, elles nécessitent de 5 à 17 ans de plus entre la planification et l’exploitation et produisent de 9 à 37 fois plus d’émissions par kWh que l’énergie éolienne.(5)

    En raison de ce coût et du long délai de mise en route, on parle de plus en plus de SMR (Small Modular Reactors), des réacteurs dits de petite taille, basés sur les versions militaires telles que celles des sous-marins nucléaires. Ils seraient plus sûrs, mais c’est surtout un moyen de rendre la construction et l’exploitation plus supportables en répartissant les coûts et en arrivant plus rapidement à une unité de production finie. Cependant, cela ne change rien aux conséquences d’une éventuelle catastrophe nucléaire ou à la gestion des déchets. Le coût exorbitant que la société paie pour chaque kWh d’énergie généré par le nucléaire demeurera, au lieu de convertir ces ressources en énergies renouvelables.

    Limiter le choix entre les combustibles fossiles et l’énergie nucléaire découle du cadre du capitalisme. Si tous les coûts ou avantages à long terme étaient pris en compte dans la recherche d’alternatives, le choix serait facile : chaque euro investi rapporterait le plus dans la recherche, la production et le déploiement d’une production et d’une distribution d’énergie entièrement renouvelable. Aujourd’hui, cependant, les coûts sont amortis sur la société, la planète et les générations futures, tandis que les bénéfices vont aux actionnaires.

    Protéger l’énergie des griffes du secteur privé

    Nous vivons dans une société où nous pouvons communiquer instantanément avec l’autre bout du monde, avec des voitures à conduite autonome, où des individus peuvent se lancer dans l’espace… mais nous serions impuissants pour assurer la transition de notre énergie ?
    Le programme Apollo, qui s’est déroulé aux États-Unis de 1961 à 1972 et qui a envoyé le premier homme sur la lune au bout de huit ans, représentait 5 % des dépenses publiques américaines à son apogée. Aujourd’hui, cela représenterait 350 milliards de dollars par an pour les États-Unis. Bien sûr, la comparaison n’est pas entièrement valable et la Belgique n’est pas les États-Unis, mais cela illustre les possibilités.

    L’éditorialiste britannique George Monbiot affirme que le climat exige une action aussi radicale que la façon dont les États-Unis se sont mis sur le pied de guerre après l’attaque de Pearl Harbour en 1941. Les dépenses publiques ont été décuplées, tout étant axé sur l’effort de guerre. Des industries entières ont changé de production en quelques semaines. Monbiot affirme à juste titre que ce n’était pas un miracle, mais « l’exécution d’un plan bien pensé ». En effet, la même chose est nécessaire aujourd’hui : non pas pour faire la guerre et causer des ravages, mais pour faire face aux menaces planétaires.

    Comment mobiliser les ressources pour lancer un plan d’investissement à long terme qui ne sera pas saboté par la course aux profits à court terme ? Sur la scène politique parlementaire, le PTB est le seul parti qui s’oppose systématiquement à la fois au nucléaire et aux combustibles fossiles. Il est important que la gauche ne se laisse pas entraîner dans le faux dilemme que présente le capitalisme. Le PTB souligne à juste titre que tout investissement dans le gaz ou l’énergie nucléaire est un désinvestissement dans l’énergie durable. La réduction de la TVA de 21% à 6% sur l’énergie est également une revendication qui ferait une différence pour des centaines de milliers de familles.

    En même temps, le PTB semble limiter sa réponse à des mesures qui n’affectent pas le secteur privé de l’énergie. Lors d’une interview sur LN24, David Pestieau, vice-président du PTB, a affirmé que son parti n’était pas favorable à la nationalisation du secteur énergétique. Selon lui, on pourrait contrôler le secteur de l’énergie en créant une entreprise publique de l’énergie en concurrence avec des sociétés privées.

    Mais, si une telle entreprise publique d’énergie veut contrôler non seulement la production et la distribution de l’énergie, mais aussi coordonner les investissements et la recherche de nouvelles technologies respectueuses de l’environnement, elle ne peut pas se permettre d’être en concurrence avec le secteur privé. L’urgence est telle aujourd’hui que les investissements doivent largement dépasser les revenus directs.

    Dans un océan capitaliste, une entreprise publique d’énergie sera finalement obligée de se joindre à la concurrence si elle ne veut pas se noyer. Les investissements massifs nécessaires à la production et à la distribution d’énergie verte, combinés à des prix de l’énergie abordables, ne peuvent être rentables face à la concurrence qui reporte la pollution sur la collectivité et les générations futures. Il s’agit d’un avantage concurrentiel démesuré par rapport à une entreprise publique d’énergie. Seul un contrôle public total du secteur de l’énergie, une nationalisation sous le contrôle et la gestion des travailleurs, est capable d’assurer un investissement à long terme en intégrant tous les coûts réels. On pourrait ainsi sortir du nucléaire dans le cadre d’un plan visant à réduire à zéro les émissions de CO2 du secteur de l’énergie.

    Le prix abordable de l’énergie et la transition vers une production entièrement durable sont donc les deux faces d’une même médaille. Il est urgent que le mouvement pour le climat et le mouvement ouvrier discutent de la revendication de la nationalisation et la défendent. L’ensemble du mouvement ouvrier doit se rallier à la revendication d’un secteur de l’énergie totalement aux mains de la collectivité afin de renforcer le mouvement pour le climat. C’est aussi la seule manière de garantir le maintien et même l’extension de l’emploi dans la transition énergétique.

    Bien entendu, ce débat sur le secteur de l’énergie et sa nationalisation débouche sur une discussion beaucoup plus large concernant la société dans laquelle nous voulons vivre. Mobiliser les énormes richesses, les technologies et les capacités productives pour les investir dans les énergies renouvelables, mais aussi dans l’enseignement, les soins de santé, les transports publics, la sécurité sociale, la science et la technologie, permettrait de réaliser de grandes avancées sociales et technologiques pour l’ensemble de la population mondiale. Mettons fin au système capitaliste qui empêche cela, et dirigeons-nous vers le socialisme démocratique !

  • Après la chasse aux chômeurs, celle des malades de longue durée. Mais les fraudeurs fiscaux peuvent dormir tranquilles…

    Mi-octobre, le gouvernement De Croo a produit son premier budget de « l’après-covid ». Sur l’emploi, l’objectif est de porter le taux d’emploi à 80 % (contre 71 % actuellement). Sur le budget, c’est encore un « effort » qu’on nous demande.

    Par Julien (Bruxelles), article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste

    S’attaquer aux victimes et cajoler les responsables

    Aujourd’hui, l’âge de la pension est de 67 ans, alors qu’une personne de 25 ans ayant un faible niveau d’éducation a une espérance de vie en bonne santé de 62 ans, qu’une personne de 25 ans ayant un niveau d’éducation moyen a une espérance de vie en bonne santé de tout juste 67 ans et qu’une personne ayant un niveau d’éducation élevé atteint 72 ans. (1) Les patrons peuvent profiter de nous jusqu’à ce que notre santé de nous le permette tout simplement plus.

    Toutes les « réformes » du marché de l’emploi ces dernières années ont servi à nous rendre corvéables à merci, à nous presser comme des citrons. L’explosion des malades de longue durée n’est donc pas du tout une surprise. Ce n’est pas la suppression du certificat médical pour absence courte 3 jours par an qui va y changer quelque chose.

    On dénombre près de 471.000 malades de longue durée en Belgique, un nombre qui dépasse celui des personnes au chômage (366.000 chômeurs complets indemnisés). Parmi eux se trouvent 78.330 personnes en dépression (+42 % par rapport à 2016), 33.402 personnes en burn-out (+33,09 %), pour un total de 170.224 personnes en invalidité en raison de troubles mentaux (+26,02 %). C’est Frank Vandenbroucke qui, il y a une quinzaine d’années, fut le père du plan initial de chasse aux chômeurs. Aujourd’hui ministre de la Santé, il utilise exactement la même recette. Le gouvernement a budgétisé une économie de 124 millions d’euros en 2022 et de 500 millions autour du principe de pousser 5.000 malades de longue durée par an à retourner au travail. Pour François Perl (Solidaris) : « Il faudrait sanctionner les premiers responsables de la situation, les employeurs. »

    Le gouvernement et le patronat aiment présenter les travailleurs comme des fainéants qu’il faudrait sans cesse rappeler à l’ordre. Dans les faits, un grand nombre de travailleurs se rend au boulot dans un état physique ou psychologique qui nécessiterait au contraire de prendre le temps de se soigner. Selon une étude réalisée en France par le cabinet de ressources humaines Midori Consulting, le phénomène du présentéisme (rester au boulot alors que l’on en peut plus) dépasse d’ailleurs de 1,4 à 2 fois le taux d’absentéisme.

    Il n’y a pas 36 solutions pour s’en prendre à la racine du problème : diminuer la charge de travail, augmenter le nombre de collègues et permettre de partir en pension à un âge raisonnable.

    Le gouvernement annonce vouloir récupérer 400 millions d’euros via un plan de lutte contre la fraude fiscale. Nous connaissons bien ces effets d’annonce jamais suivis d’effets. Michel Claise, juge d’instruction spécialisé dans la criminalité financière, s’est exprimé ainsi dans la foulée du scandale des Pandora Papers : « Nous manquons cruellement de moyens, tant au niveau du SPF Finances qu’au niveau de la justice. Lorsque le gouvernement Vivaldi annonce qu’il va lutter contre la fraude fiscale mais qu’il supprime le poste de secrétaire d’État la lutte contre la fraude fiscale, NdlR, il y a là une contradiction immense. (…) Nous avons perdu près de la moitié des policiers qui traitaient ce genre d’affaire. C’est une véritable catastrophe. »

    Refinancement du rail ?

    Côté investissements, la Vivaldi se gargarise d’investir 250 millions dans le chemin de fer. C’est une blague au regard des enjeux climatiques et de la situation catastrophique que subissent cheminots et voyageurs.

    Dans une carte blanche (18 octobre), des chercheurs expliquent : « Début 2021, 44 guichets de gare ont été fermés. Plus récemment, le 9 septembre, le gestionnaire des infrastructures Infrabel a tiré une sonnette d’alarme : si l’on continue les coupes budgétaires, plusieurs lignes devront être fermées (Charleroi-Couvin, Termonde-Lokeren, notamment). Enfin, ce 8 octobre, les cheminots ont déclenché une grève spontanée. En cause ? Le personnel a été réduit de 41.000 à 28.000 travailleurs en vingt ans, et le sous-effectif pousse les chemins de fer à refuser aux cheminots de récupérer 116.000 heures supplémentaires prestées » (il s’agit en réalité de 110.000). Il y a bien quelques investissements ponctuels chez Infrabel, mais 94 millions d’euros sont économisés sur le budget de fonctionnement structurel pour les années 2021-2024.

    La Vivaldi suit la partition du patronat

    Les mesures liées au budget 2022 mériteraient encore de nombreux commentaires (lire par ailleurs notre article ci-contre sur la semaine de 4 jours sans réduction du temps de travail et notre dossier sur l’énergie). Certains pourraient éprouver un soulagement relatif au souvenir du catalogue des horreurs du gouvernement Michel. La Vivaldi tente de se présenter plus verte et plus progressiste. Mais le vernis de communication et les quelques investissements cachent mal que ce gouvernement sert les mêmes intérêts, comme l’avaient déjà amplement démontré le dernier Accord Interprofessionnel et sa scandaleuse marge d’augmentation salariale de 0,4% en 2 ans.

    (1) https://www.gezondbelgie.be/nl/gezondheidstoestand/levensverwachting-en-levenskwaliteit/gezonde-levensverwachting#def-hly-25

  • Crise du logement, spéculation, catastrophes climatiques,… Il nous faut une autre approche de l’urbanisme

    Trouver un logement convenable coûte de plus en plus cher et la crise sanitaire n’a rien arrangé. De plus les inondations de cet été 2021 ont souligné l’absolue nécessité de revoir de fond en comble l’urbanisme et la gestion du territoire. Sur ce terrain aussi, il faut en finir avec la loi du marché.

    Par Giulia (Liège)

    Le type d’approche urbanistique qui règle les villes et les espaces des campagnes suit depuis le XIXe siècle une logique d’exploitation des terrains liée avant tout au développement économique au profit des grandes entreprises privées dans différents secteurs : agriculture, construction, production d’énergie, etc. Il est urgent de sortir de cette logique.

    Les inondations ont dramatiquement illustré la nécessité d’occuper rationnellement le territoire, de protéger les zones naturelles, de récupérer les tissus urbains dégradés, de végétaliser les villes, de donner moins de place à la voiture au profit des transports publics, etc. A cela s’ajoute l’impératif de l’isolation des bâtiments. Selon la GABC (Alliance Mondiale pour les Bâtiments et la construction), ces derniers sont les premiers consommateurs en quantité d’énergie au sein de l’Union Européenne et ils sont à l’origine de 36 % des émissions de gaz à effet de serre. Tous ces aspects doivent être considérés dans un ambitieux plan de restructuration globale à différentes échelles, locale, nationale et même internationale.

    L’impasse de la logique de marché

    Des chartes au sujet de l’urbanisme qui traitent l’importance du développement durable des villes et la planification intégrée ont été rédigées au cours des dernières années pour donner suite au sommet de Rio de 1992 (Charte d’Aalborg 1994, Charte de Leipzig 2007 renouvelée en 2020) dans le but d’intégrer le concept de soutenabilité environnementale dans tous les niveaux et secteurs économiques et sociaux. Mais sur là aussi, il existe un fossé entre la théorie et la pratique.

    On parle beaucoup aujourd’hui de la construction « d’éco-quartiers » résidentiels de standing. Il s’agit de projets totalement déconnectés de la demande des habitants si on pense à la crise du logement et au nombre croissant de personnes qui ne savent pas se payer une habitation. Bétonner des sols naturels plutôt que réhabiliter des zones désaffectées et parler d’écoquartier en utilisant des matériaux dont la production se base sur la pollution et l’exploitation du travail laisse apercevoir des ambitions écologiques ridicules fondées entièrement sur le profit.

    A l’heure actuelle, en suivant les lois du marché, construire du neuf est toujours beaucoup plus avantageux que de rénover. Des grands promoteurs et constructeurs immobiliers opteront toujours pour cette solution en argumentant leur choix avec la performance énergétique des nouveaux matériaux. Mais si l’on prend la globalité du processus, la rénovation sera toujours plus soutenable écologiquement qu’une nouvelle construction, même « passive ». Bien sûr, cela exige une main-d’œuvre plus qualifiée, un diagnostic sur l’existant, la recherche et la réutilisation des matériaux et autres caractéristiques qui donnent lieu à un faible rendement pour une société de construction.

    D’autre part, la manière actuelle d’isoler les bâtiments pose souvent question d’un point de vue écologique. Parmi les matériaux les plus utilisés, on trouve le Polyuréthane, un dérivé pétrochimique présenté comme un produit miracle alors que son efficacité se situe simplement dans la moyenne et que la totalité de son cycle de production (énergie grise) est extrêmement consommatrice d’énergie. Dans les faits, son principal avantage est d’être un isolant qui permet d’excellentes marges bénéficiaires, mais qui est par contre extrêmement toxique en cas d’incendie. Il ne serait pas étonnant que l’on fasse à l’avenir payer la population pour l’évacuer comme ce fut le cas avec l’amiante précédemment…

    Nationalisation des grandes entreprises de la construction

    Pour en finir avec le bricolage et obtenir un changement réel, nous avons besoin d’un secteur public de la construction qui englobe la production à grande échelle d’alternatives écologiques en termes d’isolation dans le cadre d’une stratégie de planification territoriale qui implique les habitants dans la prise de décision. Cela permettrait de mettre rapidement sur pied un plan public d’isolation des bâtiments quartier par quartier mais aussi de rénover et de construire rapidement les logements sociaux qui font cruellement défaut actuellement ou encore d’en finir avec l’exploitation dans ce secteur et d’assurer de bonnes conditions de travail et de salaire.

    Il est urgent d’exproprier les grandes sociétés de construction de même que les entreprises de matériaux chimiques polluants, de les nationaliser sous contrôle et gestion démocratiques. On exproprie bien des gens pour faire passer une autoroute, pourquoi pas des entreprises ou des patrons pour répondre aux enjeux sociaux et environnementaux ? Les autorités publiques actuelles n’ont aucune volonté d’aller dans cette direction, comme l’illustre la loi Onkelinx sur la réquisition d’immeubles abandonnés pour y loger des personnes sans abri… utilisée à UNE SEULE reprise en 27 ans ! Il nous faudra lutter pour un changement qui retire la gestion de notre territoire des mains de promoteurs immobiliers et de leurs alliés parmi les décideurs politiques capitalistes.

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