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Category: Politique belge
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10 ans de Vivaldi ? La résistance s’impose, même contre des coupes budgétaires sans provocations
Le président du PS Magnette a déclaré que le gouvernement Vivaldi est censé durer 10 ans. Selon lui, il s’agit d’un gouvernement équilibré qui, d’une part, s’en prend aux bénéfices du secteur de l’énergie pour donner un chèque énergie à la population et, d’autre part, soutient les patrons dans les moments difficiles. Il décrit comme suit la différence avec le gouvernement précédent dirigé par Charles Michel : « Ce gouvernement gère les crises au lieu de les alimenter ».
Par Geert Cool, article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste
L’équilibre apparent
Le gouvernement Michel s’est livré à une attaque brutale contre la classe travailleuse en 2014 avec entre autres un saut d’index et une augmentation de l’âge de la pension à 67 ans. Une pluie de cadeaux a déferlé sur les employeurs et les travailleurs en ont payé le prix. Ces politiques néolibérales portaient la marque de la N-VA de Bart De Wever. Lorsque la Vivaldi est arrivée au pouvoir, il a été expressément décidé de ne toucher à aucune des attaques antisociales du gouvernement Michel.
Il existe maintenant une politique qui n’a que l’apparence de l’équilibre. Le dernier contrôle budgétaire pré-voyait un cadeau d’un milliard d’euros aux employeurs sous la forme d’une baisse des cotisations de sécurité sociale. Cela portera le total des cadeaux aux employeurs à 16,7 milliards d’euros par an d’ici 2027. On a im-posé plus de flexibilité aux travailleurs et réduit les fonds destinés aux soins de santé et aux fonctionnaires. Le rail n’a pas reçu suffisamment d’argent pour développer l’offre.
Le petit coup de pouce pour l’énergie des ménages (largement inférieure à la hausse des factures) ne fait pas du tout un tout « équilibré ». Le maintien du mécanisme d’indexation est utilisé comme une monnaie d’échange pour bloquer les négociations salariales libres et toute réelle augmentation des salaires. Le résultat net est que les travailleurs sont perdants tandis que les grandes entreprises font des profits records.
Quid de la N-VA ?
Magnette et le PS espèrent que le gouvernement actuel tienne au-delà de 2024 malgré les tensions internes au gouvernement. Encore faut-il gagner les élections. Et si la Vivaldi a besoin de renfort, ce sera à la N-VA d’entrer en scène.
Le Premier ministre De Croo souhaite mener une politique d’austérité sévère, comme le défendent la N-VA et le MR, mais reconnaît que cela n’est pas possible pour le moment. « Lorsque le ciel sera dégagé et que la tempête sera calmée, il faudra remettre de l’ordre dans la maison », a déclaré le Premier ministre. Où peuvent-ils encore économiser ? Dans les soins de santé, la garde d’enfants, l’enseignement, les transports publics, les infrastructures, les pensions ? Le manque de moyens et les listes d’attente interminables ont tout infecté après 30 ans de politiques néolibérales. Malgré ça, De Wever dit qu’on peut travailler encore plus longtemps et qu’on peut économiser dans la sécurité sociale.
Quand la N-VA, rejointe en cela par le Vlaams Belang, appelle à des économies supplémentaires, elle ne vise pas les milliards d’euros de bénéfices des entreprises de l’énergie, elle cible les demandeurs d’asile qui dor-ment dans les rues de Bruxelles. Elle aide ainsi le gouvernement Vivaldi à se présenter comme « équilibré ». L’alternative qui revient le plus souvent du côté néerlandophone est en effet celle de politiques néolibérales sévères.
Sur le plan économique, la N-VA a un problème : l’exemple britannique de la très éphémère première ministre Liz Truss n’a pas vraiment été un succès. Le patronat se rend bien compte qu’un tel néolibéralisme thatchérien débridé est trop risqué face aux troubles économiques et sociaux potentiels actuels. La politique économique de la N-VA est dépassée par la crise et De Wever ne semble faire aucun effort pour s’y adapter. Il est possible que la N-VA compense en mettant davantage l’accent sur le communautaire. Cependant, une réforme de l’État après 2024 n’est pas non plus évidente : cela nécessiterait une majorité des deux tiers, ce qui est quasiment impossible dans le paysage politique actuel.
Un mouvement ouvrier à l’offensive
Le mouvement des travailleuses et des travailleurs ne doit pas se laisser prendre au piège de la prétention à l’équilibre de la Vivaldi. Ce gouvernement ne défend pas les intérêts des travailleurs et de leurs familles, mais ceux des grandes entreprises.
La classe travailleuse n’a pas le choix de rester passive pendant la crise en espérant que la récession ne soit pas trop profonde ou ne dure pas trop longtemps. Cela ne fera que renforcer l’extrême-droite. Nous avons besoin d’un programme et d’actions qui partent des nombreux besoins de la classe ouvrière. Cela peut susciter l’enthousiasme et faire passer les doutes au second plan. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons construire un rapport de force permettant de remporter des victoires.
La récession est une conséquence des contradictions du capitalisme, et non de nos efforts pour tout gérer. Toute tentative de nous faire payer la crise, qu’elle soit provocatrice ou sournoise, doit être accompagnée de réponses. Si le capitalisme ne peut pas nous offrir un meilleur avenir, nous ne pouvons pas nous permettre ce système.
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Pour vaincre : de l’audace, de l’audace, encore et toujours de l’audace… et un programme
Le 9 novembre dernier, plus de 800 piquets de grève recouvraient un pays à l’arrêt. Une belle réussite, en dépit des réticences de certains, dans les hautes sphères syndicales, qui « nous mobilisent avec le frein à main », comme nous l’écrivions dans notre tract. Le constat était partagé sur les dizaines de piquets visités par nos équipes militantes.
Quel aurait été l’effet d’entraînement si les 80.000 personnes qui avaient répondu à l’appel du front commun syndical pour manifester à Bruxelles le 20 juin étaient retournées auprès de leurs collègues et de leurs proches avec la date d’une grève générale et du matériel de mobilisation ? Malgré tout, le 21 septembre, un rassemblement syndical qui se voulait symbolique est devenu sous la pression des affiliés une manifestation de 20.000 personnes. A la tribune, c’est la mention de la grève générale qui a suscité l’enthousiasme. Mais même alors, les hésitations ne manquaient pas chez les dirigeants syndicaux. Finalement, la grève générale était passée de 15 jours lorsque la manifestation nationale de décembre a été annoncée par la FGTB, tandis que les secteurs partaient déjà à la bataille en ordre dispersé. La mobilisation hoquette, et cette irrégularité sans perspectives claires nourrit l’exaspération.
Canaliser la colère ?
Au sein des équipes gouvernementales et dans les milieux patronaux, on espère avant tout que les syndicats soient en mesure de canaliser la colère et de jouer un rôle de digue contre les « dérapages sociaux ». L’intention est partagée dans les sommets syndicaux, comme l’exprime ouvertement Marie-Hélène Ska (Secrétaire Générale de la CSC): « Notre rôle est de ne pas hurler à tort et à travers. Nous sommes les premiers à dire que les réponses à apporter à la crise actuelle ne sont pas simples. Et nous savons qu’il est faux de dire que rien n’a été fait. »
Tant dans l’appareil dirigeant de la CSC que dans celui de la FGTB, la tendance est à la répétition du scénario de la pandémie : se montrer « responsable » vis-à-vis des autorités en attendant le « retour à la normale ». Sans ouvertement empêcher la prise d’initiative par des délégations ou des secteurs, les structures évitent soigneusement de les coordonner et de les stimuler pour construire un véritable rapport de force offensif. La peur panique du retour d’un gouvernement de droite dure conduit les dirigeants syndicaux à l’acceptation résignée des limites étroites de la logique du marché et à un soutien officieux au gouvernement fédéral.
Un programme à hauteur des enjeux
« Pour vaincre, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace », disait Danton à l’époque de la Révolution française. L’audace d’agir, mais aussi d’exiger. La meilleure manière de prendre le pouls de la situation, d’impliquer le plus de monde possible dans l’action et dans les décisions et de consolider la dynamique de lutte à chaque étape, c’est de généraliser les assemblées du personnel et de défendre une démocratie de combat. De cette manière, les spécificités et besoins de chaque secteur pourraient également être pris en compte et intégrés dans le programme plus large du mouvement.
Un programme n’est pas figé, il vit et se développe au fur et à mesure de la lutte. Il déclenche celle-ci, mais s’y adapte aussi pour ne laisser aucun chantage patronal sans riposte. Quand nous parlons d’augmentation de salaire – 2 euros de plus de l’heure pour tout le monde et un salaire minimum de 15 euros, ce n’est quand même pas trop demander – les patrons crient qu’ils ont la corde au cou. Des (petites) entreprises et des indépendants étouffent, essentiellement parce que l’énergie coûte trop cher. Mais leur désarroi est cyniquement instrumentalisé par les fédérations patronales pour attaquer nos salaires et dévier l’attention des bénéfices record ailleurs.
Quand des entreprises alertent de leurs difficultés, exigeons l’ouverture de leur comptabilité pour vérifier si leurs comptes sont bien à sec et si les actionnaires n’ont pas été dorlotés au lieu de constituer des réserves. Et si des entreprises menacent de licencier, il faut les nationaliser sans rachat ni indemnité (sauf sur base d’un besoin avéré) et les placer sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs et de la collectivité. Nous devons d’ailleurs directement le faire pour des secteurs clés de l’économie tels que l’énergie et la finance.
La crise du capitalisme réduit le réformisme à l’impuissance
Une des raisons des hésitations dans les sommets syndicaux est d’ordre politique. On y craint qu’un mouvement social fasse tomber le gouvernement fédéral déjà faible et divisé, car il serait remplacé par un gouvernement appliquant les mêmes politiques si ce n’est encore pire. Gardons en tête que tout gouvernement arrivé au pouvoir une fois son prédécesseur dégagé par le mouvement ouvrier aurait une ardeur antisociale sérieusement refroidie. Et quelle confiance cela donnerait à la base militante !
Une autre raison est d’ordre économique. Selon la Commission européenne, la Belgique devrait entrer officiellement en récession (deux trimestres de croissance négative consécutifs) à la fin de l’année, à l’instar de la zone euro. Cela aura un impact sur les finances des autorités publiques ou encore sur le taux de chômage. Pour combien de temps ? « L’incertitude reste exceptionnellement élevée », dit la Commission. Incertitude partagée dans les sommets syndicaux.
En substance, ces doutes proviennent du manque d’alternative et de l’impasse du réformisme. Si l’on ne réfléchit qu’en fonction de ce que permet la camisole de force d’un système capitaliste qui plonge d’une crise à l’autre sans sortir de la précédente (récession, climat, guerre, inégalités…), on ne peut pas aller bien loin. D’où l’écho syndical en faveur de la proposition de primes pour certaines catégories de travailleurs, ou la vieille prière pour « plus de justice fiscale ».
De plus en plus de gens comprennent bien qu’il n’y a plus d’autre choix que d’envoyer ce système à la poubelle, sans savoir par où le prendre ni dans quelle direction aller. De là un découragement qui explique que certains cherchent un réconfort dans de petites mesures progressistes, ou considérées comme telles, qui existent à l’étranger et expliquant que l’on peut avancer centimètre par centimètre alors que la catastrophe nous fonce dessus. Nous devons explicitement et audacieusement lier les inquiétudes du quotidien au type de société socialiste démocratique dont nous avons besoin en alternative à la barbarie capitaliste. En faire l’économie peut sembler plus facile, mais cette pente conduit à une dangereuse impasse.
Défendre une telle alternative, cela donne de plus un objectif ambitieux de nature à renforcer l’enthousiasme pour construire un puissant rapport de force. N’oublions pas non plus que nous ne sommes pas seuls. Notre combat s’inscrit dans un contexte de renaissance des luttes ouvrières à travers l’Europe. Au lieu de laisser les patrons nous monter les uns contre les autres au nom de la « compétitivité », nous avons besoin d’une coordination de lutte internationale. Le capitalisme est un système international, notre organisation doit l’être également. C’est pourquoi le PSL/LSP fait partie d’une organisation socialiste révolutionnaire mondiale, Alternative Socialiste Internationale. Votre place vous attend à nos côtés.
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Assurons le succès de la grève générale !
Nationalisation du secteur de l’énergie
Augmentation de tous les salaires
Le 11 octobre, une mère et sa fille ont été tuées à Wilrijk (Anvers) par un empoisonnement au CO2. Elles essayaient de se chauffer en allumant un barbecue à l’intérieur. Les pompiers ont déclaré craindre l’hiver. «Nous craignons qu’en raison des prix élevés de l’énergie, les gens cherchent des alternatives parfois dangereuses pour chauffer leur maison ou cuisiner.»
Les appels à consommer moins ne manquent pas. La consommation de chauffage baisse ; dans une école de Bruxelles, il a fallu un arrêt de travail pour que le chauffage soit remis en route aux premiers froids d’octobre. Mais nos factures ne cessent d’augmenter. Même celles et ceux qui sont particulièrement économes risquent des factures anticipées inabordables.
Nous ne pouvons pas nous permettre de payer autant ! Une généralisation pauvre se profile. Dans les banques alimentaires, la demande a augmenté de 15,2% au cours du premier semestre de cette année pour atteindre 204.000 personnes par mois. Selon le Bureau du Plan, 34,9% de la population bruxelloise sera bientôt menacée de pauvreté. En Allemagne, les hôpitaux risquent la faillite. Serons-nous bientôt tou.te.s pauvres ?
Le gouvernement prétend agir. Mais donner 1.000 euros pour compenser des factures qui ont augmenté de plusieurs fois cette somme, c’est insuffisant ! La moindre menace de s’en prendre à une partie des profits colossaux du secteur, et les entreprises d’énergie menacent d’arrêter les investissements pour la transition verte. Nous sommes le jouet de la soif de profits de ces entreprises et des autres multinationales. Cette crise n’est pas exceptionnelle ou ponctuelle, c’est la nouvelle « normalité » du capitalisme en déclin. Ce système est capable de produire un armement capable de détruire la planète des dizaines de fois, mais doit s’en remettre à espérer un hiver pas trop rigoureux pour résister à la tempête énergétique.
Une taxe sur les bénéfices particulièrement importants n’éliminera pas le problème fondamental du secteur de l’énergie : la communauté n’a aucun contrôle sur la production, la distribution, les investissements et la recherche puisque le secteur est privé et repose donc uniquement sur le profit. L’ensemble de ce secteur doit être nationalisé sous le contrôle démocratique du personnel et de la collectivité.
Le spécialiste de l’énergie André Jurres, ancien cadre supérieur d’Essent, a déclaré dans Het Nieuwsblad : « Le mécanisme du libre marché est une utopie. L’électricité et le chauffage sont des choses essentielles dans cette partie du monde, on ne peut pas simplement laisser cela aux lois du marché. » Même l’ancienne présidente du parti libéral flamand, Gwendolyn Rutten, doit aujourd’hui reconnaître à contrecœur que la libéralisation de l’énergie était « naïve ». Le marché capitaliste est une camisole de force pour la classe ouvrière.
Même les plus grands défenseurs des libéralisations doivent admettre l’échec du marché. Nous devons riposter avec des revendications qui ne se limitent pas aux frontières étroites du marché, mais qui remettent en cause la propriété privée des moyens de production. Ce que la collectivité ne possède pas, elle ne peut le contrôler. L’ensemble du secteur doit être nationalisé ! De telles réponses socialistes doivent partir des besoins à satisfaire, pas de ce que la course au profit autorise.
Ces dernières semaines, le personnel des chemins de fer et de l’enseignement francophone se sont mis en grève. Des manifestations ont lieu pour dénoncer les pénuries dans les crèches en Flandre. Le personnel du CPAS de Bruxelles se mobilise contre les pénuries. Il est possible de réunir tout ce mécontentement dans une véritable grève générale qui démontre toute la force et la puissance du mouvement ouvrier et lui donne aussi une perspective de victoire. Une grève générale bien organisée et soigneusement préparée, considérée comme le début d’un plan d’action montant en puissance, avec d’autres grèves générales.
Au-delà des revendications sectorielles, nous pouvons nous unir autour de revendications qui vont plus loin que des propositions défendues par le front commun syndical le 9 novembre : la nationalisation de tout le secteur de l’énergie, une augmentation générale des salaires de 2 euros de l’heure et un salaire minimum de 15 euros de l’heure et d’autres mesures d’urgence. Il est possible de susciter l’enthousiasme autour de ces revendications et de créer un événement avec un rapport de force qui ne laisse d’autre choix aux gouvernements et grands patrons que de nous faire des concessions.
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Les antifascistes battent l’extrême droite à Anvers
Filip Dewinter fait le tour des universités flamandes pour asséner ses théories complotistes et racistes aux étudiants. A Louvain et Anvers, c’est à l’invitation du NSV (Nationalistische Studentenvereniging, organisation étudiante officieuse du Vlaams Belang), à Gand le 1er décembre sous le nom du KVHV (Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, cercle étudiant catholique d’extrême droite). L’objectif de cette tournée est de tenter de rendre le racisme acceptable dans les universités. Cette tournée prend place à l’heure où un débat public se développe dans les universités flamandes au sujet des abus d’autorité et harcèlements sexistes. Le constat ne saurait être plus clair : le combat contre le racisme, le sexisme, la LGBTQIA+phobie et tout ce qui nous divise doit redoubler d’intensité.
C’était d’ailleurs l’intention affichée de la manifestation combattive qui a défilé dans le quartier étudiant d’Anvers. Un appel à la mobilisation a été largement diffusé en quelques jours, appel qui a eu son écho parmi les étudiants. Une pétition a été signée plus de 500 fois. Les campus étaient remplis d’affiches. Finalement, plus de 100 personnes ont manifesté après une mobilisation de trois jours, ce qui a dépassé la participation au meeting du NSV grâce aux efforts combinés des Etudiant.e.s de Gauche en Action (EGA), de la Campaign ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité), Anarchist Collective Antwerp, Fridays For Future et quelques autres organisations et individus. Cette manifestation comprenait également un groupe de membres du personnel de l’Université d’Anvers. L’unanimité de vue s’est rapidement faite concernant la forme de l’action (une manifestation combative dans le quartier étudiant) et sur une approche politique liant le combat antifasciste à des revendications sociales face à la crise du capitalisme.
L’objectif principal de la manifestation était de participer à la construction d’une relation de forces, c’est-à-dire que le camp antifasciste soit plus fort et bénéficie d’un soutien plus important et plus actif parmi les étudiant.e.s, mais évidemment aussi parmi d’autres catégories de la population.
Avant qu’un appel au blocage d’un meeting n’ait la moindre chance de réussir, il faut s’atteler à la construction d’un tel type de rapport de force. Dans les années 1990, il était hors de question pour l’extrême droite d’organiser de telles réunions dans une université. Un puissant mouvement antifasciste s’était développé à la suite du « dimanche noir », la première grande percée électorale du Vlaams Blok en 1991. A l’époque, la simple demande de reconnaissance d’un cercle d’extrême droite par une université entraînait immédiatement d’énormes mobilisations, sans parler des multiples réunions et assemblée antifascistes.
C’est ainsi que l’on construit l’efficacité d’une action de blocage : par une démonstration de force. Avec des slogans combatifs – ce n’était certainement pas une « marche silencieuse » comme l’a écrit la Gazet van Antwerpen – nous nous sommes assurés que notre message antifasciste était audible dans tout le quartier étudiant.
La participation à la manifestation a été plus importante qu’initialement prévu. La sensibilité générale des jeunes à l’égard de questions telles que l’oppression joue sans aucun doute un rôle à cet égard. Nous avons déjà vu s’exprimer la colère autour du sexisme et de la LGBTQIA+phobie avec des manifestations plus importantes le 8 mars ou encore avec les actions et manifestation « Pride is a Protest » organisées par la Campagne ROSA en Flandre. La mobilisation lancée par la Campagne ROSA contre le KVHV de Gand suite à leur réunion avec le sexiste notoire Jeff Hoeyberghs avait largement été commentée en 2019.
Nous pouvons nous appuyer sur ces éléments à l’approche du 1er décembre pour le meeting que où Dewinter compte prendre la parole à Gand à l’invitation du KVHV, le club dont est par ailleurs issu Dries Van Langenhove (Scield&Vrienden) et qui, comme on l’a vu, a déjà tenté de rendre le sexisme acceptable à l’université. Une action antifasciste est prévue et des semaines de campagne parmi les étudiant.e.s et le personnel seront organisées pour faire comprendre sans la moindre équivoque que la haine raciste n’est pas la bienvenue à l’université.
La manifestation à Anvers s’est déplacée du Stadswaag au Graanmarkt (place du marché aux grains), en dehors du quartier étudiant. Une deuxième action y était organisée par Comac (organisation de jeunesse du PTB) et soutenue par un certain nombre d’organisations de la société civile, dont la FGTB et la CSC, qui y ont pris la parole. C’est une excellente chose que les syndicats aient pris une position antifasciste claire. Uwe Rochus, de la CGSP, a fait explicitement référence à la tradition du Front Antifasciste en Flandre et de Steunpunt Antifascisme. Le camarade Fons Van Cleempoel, récemment décédé, était donc quelque part également présent à cette action.
Un peu moins d’une centaine de participant.e.s étaient réuni.e.s à l’action au Graanmarkt, nombre qui a plus que doublé lorsque la manifestation est arrivée. Nous avions insisté pour que le cortège finisse son parcours à cet endroit afin de participer à cette action. Malheureusement, l’accord verbal pour un micro ouvert sur cette place n’a pas été respecté. Faute de temps, nous a-t-on dit. Le hasard a fait que cela ne laissait pas de place à un membre de notre organisation. L’action sur cette place a pourtant commencé à 20 heures pour finir à 20 h 40. Nous estimons qu’une approche inclusive et ouverte renforce la mobilisation antifasciste. Un micro ouvert permet aux personnes présentes de s’approprier l’action et de renforcer l’engagement dans le combat antifasciste à plus long terme. C’est ainsi que l’on forge une unité durable tout en laissant place au débat nécessaire sur les diverses approches politiques du combat antifasciste.
Les Etudiant.e.s de Gauche en Action (EGA), la Campagne ROSA et Blokbuster (la campagne antifasciste du PSL) désiraient laisser la parole au délégué CGSP Andrej. Faute d’avoir pu l’entendre, nous publions ci-dessous (en-dessous de la vidéo) ce qu’il avait l’intention de dire.
« Le message est clair : pas de fascistes dans notre ville ou dans notre université. Notre présence ici est extrêmement importante.
« Dans notre combat contre l’extrême droite ainsi que sa haine et sa violence, nous devons aussi discuter des causes qui permettent leur existence et défendre une alternative. De nombreu.ses.x travailleur.euse.s et jeunes considèrent le Vlaams Belang avant tout comme un vote de protestation. Nos conditions de vie se détériorent. La pression sur le monde du travail et la jeunesse est énorme. Le capitalisme valse d’une crise à l’autre, laissant à chaque fois un bain de sang social dans son sillage. Les politiciens des partis traditionnels ne parviennent plus à faire vendre leurs sornettes, les gens voient clair et en ont assez. C’est alors qu’émerge l’extrême-droite, comme de la moisissure sur un système pourri.
« Dewinter n’est pas un inconnu. Il a déjà une longue carrière de haine derrière lui. Tout le monde connait les images de Dewinter en tenue de combat lors des manifestations de la milice d’extrême droite Voorpost dans les années 1980. Dewinter ne fait pas non plus mystère de ses relations avec d’autres organisations d’extrême droite. En 2008, il a rencontré le chef du KKK. Il figure parmi les proches de Geert Wilders (Pays-Bas) et des Le Pen. Il a rendu une visite amicale au criminel de guerre syrien Assad. Durant la guerre de Yougoslavie, il a rendu visite aux troupes paramilitaires et ouvertement fascistes croates. La liste est sans fin.
« En 2008, nous avons bloqué un bâtiment universitaire de l’UGent avec 500 militants de gauche et syndicalistes. Le NSV avait invité Dewinter à s’exprimer. Je n’oublierai jamais comment Dewinter et ses troupes de choc du NSV nous ont attaqués. A côté de moi, un activiste a été attrapé à la gorge par Dewinter. Voilà sa vraie nature.
« Nous devons entrer en résistance et ne pas céder un pouce à l’extrême droite. Ce ne sont pas les réfugiés qui s’en prennent à nos salaires, ce ne sont pas les musulmans qui font des profits monstrueux sur notre exploitation, ce n’est pas la communauté LGTBQ+ qui saccage notre culture et ce ne sont pas les Wallons qui privatisent nos services publics. C’est facile de pointer du doigt les groupes les plus faibles de la société. Il ne faut pas être lâche, il faut pointer du doigt les vrais coupables : les actionnaires, les capitalistes et leurs politiciens.
« Pendant que la majorité de la population se bat pour garder la tête hors de l’eau, ils réalisent des bénéfices records. Engie a réalisé 5,3 milliards d’euros de bénéfices en six mois. Les entreprises belges ont canalisé 266 milliards d’euros vers les paradis fiscaux en 2021.
« A quand des investissements dans des logements sociaux décents ? Quand les propriétaires et les géants de l’immobilier seront-ils traités comme ils le méritent ? Il n’y a pas de problème de « grand remplacement » – d’ailleurs les nazis utilisaient la même rhétorique pour se débarrasser des Juifs, des Roms, des homosexuels et des dissidents – il y a un problème de pénurie de logements sociaux et de contrôle démocratique sur la conception et la planification publique des zones urbaines. Cette société n’est pas construite pour répondre aux besoins de la majorité de la population, mais pour satisfaire la soif de profits des géants de l’immobilier qui se réunissent avec Bart De Wever (bourgmestre d’Anvers) et ses amis dans des restaurants de luxe.
« Notre opposition à l’extrême droite doit être un combat anticapitaliste, un combat en faveur d’une politique sociale qui garantit un logement décent et abordable à chacun.e. Un combat en faveur de la propriété collective et du contrôle et de la gestion du personnel des secteurs clés de la société tels que l’énergie. Un combat en faveur d’investissement publics dans la culture et l’enseignement. Un combat en faveur d’une société capable de décider collectivement et démocratiquement de son aménagement du territoire. Un combat en faveur d’un monde chaleureux et débordant de solidarité entre les travailleur.euse.s de tous les peuples. »
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Maîtriser les prix de l’énergie? Oui, mais comment? Contrôle public, pôle public, nationalisation du secteur entier?
En septembre, dans son rapport mensuel, la Banque nationale a indiqué que le taux de confiance des consommateurs se trouvait à un plancher historique, pis encore que lors la première vague du Covid. Peu avant la concentration du front commun syndical du 21 septembre, le « Grand Baromètre Le Soir-RTL-Ipsos » dévoilait que 64% des Belges craignent de ne pas pouvoir payer leur facture d’énergie. À la veille de la manifestation syndicale des 80.000 en juin dernier, on en était encore qu’à 38 %… Comment s’en sortir ?
Par Boris Malarme
Taxer les « surprofits » du secteur et plafonner les prix arrivent largement en tête des réponses parmi les sondés. Mais « produire l’énergie par l’État plutôt que par le secteur privé » arrive en 6e position au coude-à-coude avec un impôt sur la fortune alors que, jusqu’ici, ni les syndicats ni le PTB n’ont parlé de la nationalisation du secteur comme le propose le PSL. En Grande-Bretagne, un sondage indique que même la moitié des électeurs du parti conservateur souhaitent le retour du secteur dans le giron public ! Margareth Thatcher, cheffe d’orchestre de la privatisation du secteur, doit se retourner dans sa tombe. Imaginons ce qu’il en serait si le mouvement organisé des travailleurs s’emparait de cette revendication.
Le capitalisme, c’est connu, repose sur la soif de profits à court terme. Les géants de l’énergie profitent de la crise pour engranger des profits record. À titre d’exemple, rien qu’au 2e trimestre de cette année, BP a réalisé un profit de18 milliards de dollars, Total 5,7 milliards, Eni 3,8 milliards, Exxon 17,9 milliards, Chevron 11,6 milliards,… Joseph Stiglitz, ancien économiste en chef de la Banque mondiale, dénonce « un phénomène de redistribution des revenus des consommateurs vers les riches entreprises de combustibles fossiles » et défend l’idée de taxer les « superprofits » pour aider celles et ceux qui souffrent. En Belgique, chacun a sa variation sur ce thème. Taxer ceux-ci à 25% pour Tinne van der Straeten, ministre de l’énergie (Groen), à hauteur d’un milliard d’euros pour Paul Magnette (président du PS), à 50% pour Thierry Bodson (président de la FGTB) ou encore 100 % pour Sofie Merckx (cheffe de groupe du PTB à la Chambre). Le bureau d’études du PTB a calculé le «surprofit» d’Engie-Electrabel à 1,8 milliard d’euros pour les 12 derniers mois.
Un tigre ne devient pas végétarien
Les géants de l’énergie peuvent bien s’accommoder d’une taxe temporaire symbolique dans l’idée de sauvegarder le système capitaliste face à la colère grandissante. Mais taxer Engie-Electrabel à hauteur de 9 milliards d’euros sur 3 ans comme le propose le PTB ne sera pas une promenade de santé. La multinationale ne se laissera pas faire sans résister de toutes ses forces. Elle n’a pas hésité par le passé à recourir au chantage sur l’approvisionnement. Les règles du marché permettent aux grandes entreprises privées d’organiser la pénurie et de saborder l’économie. Le fait que le bancassureur Belfius, dont les pouvoirs publics sont actionnaires, cherche à réduire le contrat caissier qui le lie à la Région wallonne depuis des années(1) par crainte d’une accession au pouvoir du PTB en Wallonie en 2024 donne une petite idée du type de sabotage et de chantage auquel est prêt le capital. Le mouvement organisé des travailleuses et travailleurs doit s’y préparer dès maintenant, autour d’un programme capable d’y faire face.
Tant la FGTB, dans le document de son Congrès tenu du 30 mai au 1er juin, que le président du PTB Raoul Hedebouw affirment aujourd’hui qu’il faut que le secteur énergétique soit aux mains de l’État et non pas du privé et du marché et que le public doit exercer un contrôle du secteur. Est-ce pour autant synonyme de nationalisation du secteur ?
La nationalisation, une revendication qui n’a pas pris une ride
Dans leurs revendications à destination de la concentration du front commun syndical du 21 septembre, les syndicats ont parlé de revenir sur la libéralisation, dont l’échec est total, et de réguler le secteur et les prix. Il faut toutefois noter que l’ensemble du secteur de l’énergie n’a pas été nationalisé en Belgique après la Deuxième Guerre mondiale, contrairement à d’autres pays où cela a dû être concédé au mouvement ouvrier.
Comme l’a expliqué Jean-Pierre Hansen, ex-patron d’Engie-Electrabel, dans un podcast sur la RTBF intitulé « Flambée des prix : faut-il nationaliser l’énergie en Belgique ? » : « En Belgique l’électricité n’a jamais été nationalisée. Les sociétés étaient de droit privé mais elles étaient régulées (…) avec des méthodologies très claires et des instances bien précises qui régulaient leurs revenus. Avec l’objectif qu’elles puissent gagner suffisamment pour faire appel au marché des capitaux, y compris internationaux. Point. Pas moins mais pas plus. Et ça, ce n’est pas un système de nationalisation, c’est un système de régulation. »
Après-guerre, la FGTB a réclamé dans son congrès de 1954, la nationalisation des industries de base et plus particulièrement celle du secteur de l’énergie et le contrôle du crédit pour introduire une forme de planification dans l’économie. Le Premier ministre social-démocrate Achille van Acker (1954-58, à la tête d’un gouvernement alliant PSB et libéraux) balaya l’idée: les nationalisations ne faisaient pas partie de l’accord de gouvernement. Les dirigeants syndicaux et les représentants patronaux l’industrie d’électricité se sont accordés en 1955 sur un modèle de régulation du marché. La nationalisation de l’énergie faisait encore partie du programme d’action de réformes de structure de la FGTB en 1958.
L’idée revient aujourd’hui avec force, y compris par moment dans les sommets de la FGTB, à l’image du président de la CGSP Michel Meyer à l’occasion de la grève des services publics du 31 mai dernier au sujet de l’énergie ou encore de Jean-Francois Tamellini (président de la FGTB Wallonne) en amont de la concentration du 21 septembre, qui déclarait considérer que la meilleure façon de contrôler les prix, c’est la nationalisation.
Le PTB veut revenir sur la libéralisation du secteur et dénonce la participation du PS et d’Ecolo dans la privatisation de la SPE (Société Productrice d’Électricité) en 2000 avant sa fusion avec le fournisseur privé Luminus. Le parti défend un pôle public de l’énergie verte sur base d’un investissement de 10 milliards d’euros qui existerait au côté d’entreprises privées au sein d’un marché régulé.
Dans un article du magazine américain Forbes, l’argument défendu contre la nationalisation des fournisseurs d’énergie demandé par la confédération syndicale britannique TUC est que c’est « les producteurs, comme BP et Shell décident des prix et font de gros bénéfices. Cela signifie que sans subventions parallèles sur l’électricité » celle-ci « n’est pas susceptible d’aboutir à grand-chose ». La conclusion tirée est de privilégier un modèle où l’État paye au privé la différence entre le prix du marché et la facture réduite, comme le propose la direction du Labour Party britannique ou encore le gouvernement PSOE-Podemos dans l’État espagnol. Si on souhaite éviter de toucher aux profits du privé, tôt ou tard, la facture de cette intervention publique devra donc être présentée à la classe travailleuse sous forme de coupe dans un budget public, etc. Tout le secteur de l’énergie doit donc être arraché des mains du privé et de son avidité.
Avant la libéralisation du secteur, la SPE, la deuxième entreprise de production d’électricité, ne possédait que 9 % de la capacité de production du pays, ultra-dominée par Electrabel. Un pôle public vert sera insuffisant pour faire baisser les prix et remplir la tâche historique d’endiguer le réchauffement climatique en sortant des énergies fossiles.
La nationalisation de tout le secteur de l’énergie (production, distribution, recherche et développement) s’impose aussi pour barrer net la route à la spéculation sur les prix de l’énergie ou de l’alimentation. Avec la nationalisation de l’ensemble du secteur financier, cela permettrait de mobiliser les liquidités nécessaires aux investissements massifs à réaliser pour une énergie verte accessible aux ménages, dans le cadre d’une planification rationnelle et écologique de l’économie et d’une transformation de la société vers le socialisme démocratique.
Nous devons aussi clarifier qui contrôle ces nationalisations et quels intérêts elles servent. En France, l’État veut consacrer près de 10 milliards d’euros pour devenir actionnaire à 100% de la société d’énergie EDF afin de collectiviser les dettes de l’entreprise et de la restructurer, un peu à l’instar des nationalisations de la sidérurgie dans les années ‘70 et ‘80. L’idée est de faire ainsi supporter par la collectivité le coût des nouveaux modèles de petits réacteurs nucléaires afin d’assurer l’indépendance énergétique stratégique du capitalisme français. Une fois la rentabilité revenue après les investissements publics, l’objectif avoué est de remettre la privatisation sur table. Le gouvernement allemand suit la même logique avec la nationalisation du géant gazier Uniper, premier importateur de gaz en Allemagne, fortement affecté par décision russe de fermer le gazoduc Nord Stream 1.
Deux dernières précisions. Premièrement, il ne saurait être question ni d’indemnités ni de rachat pour les capitalistes qui se sont enrichis sur nos factures et qui ont gravement mis en danger notre environnement. Cela ne pourra être le cas que pour de petits épargnants, sur base de besoins prouvés. Ensuite, nous défendons l’extension de la démocratie jusqu’au cœur de l’économie, grâce au contrôle et à la gestion des travailleuses et travailleurs. Le révolutionnaire russe Trotsky écrivait d’ailleurs à ce propos en 1934, « Même si le gouvernement était tout à fait à gauche et animé des meilleures intentions, nous serions pour le contrôle des ouvriers sur l’industrie et le commerce ; nous ne voulons pas d’une administration bureaucratique de l’industrie nationalisée ; nous exigeons la participation directe des ouvriers eux-mêmes au contrôle et à l’administration par les comités d’entreprise, les syndicats, etc. » (2)
(1) Depuis le 1er janvier 1991, la Wallonie dispose de son propre caissier auprès duquel est centralisée sa trésorerie et qui assure, entre autres, l’exécution des opérations et la consolidation quotidienne de l’ensemble des comptes ouverts par la Wallonie.
(2) Le révisionnisme et le plan, Léon Trotsky, 9 janvier 1934, Œuvres, https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1934/01/lt19340109.htm
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Avis de tempête pour l’économie belge (et pas que pour elle…)
« Ce ne sera pas une récession courte et superficielle, elle sera sévère, longue et horrible. » L’avertissement émane de l’économiste Nouriel Roubini, qui avait prédit avec justesse la crise financière et économique de 2008.
Article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste
L’avant-veille (le 19 septembre), la banque centrale d’Allemagne expliquait dans son bulletin mensuel que les « signes de récession se multiplient » pour l’économie allemande, essentiellement en raison des « conditions générales de l’offre économique – en particulier l’approvisionnement énergétique – qui se sont considérablement détériorées à la suite de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine ». L’Allemagne est entrée dans une phase de « baisse nette, généralisée et durable » de son économie, expliquait-elle. La guerre en Ukraine et la crise énergétique ont toutefois bon dos… Elles ne viennent pas de nulle part.
Il y a peu de temps encore, on parlait de l’arrivée d’une récession à la suite d’un effondrement boursier, d’une crise de la dette déclenchée par la hausse des taux d’intérêt (surtout dans les pays du monde néocolonial, mais pas seulement), de faillites en série d’institutions bancaires entrainant une crise financière, ou encore d’un choc pétrolier consécutif à une crise irano-américaine.
Depuis les années 1970, une crise structurelle non résolue
L’idéologie dominante aime présenter le système capitaliste comme stable aux crises accidentelles. C’est une fable. La « période dorée » de l’après-guerre n’a existé qu’en raison des gigantesques destructions du conflit mondial et de la reconstruction. Cela n’a pas empêché les problèmes économiques de s’accumuler dangereusement jusqu’à la crise de la moitié des années ‘70. Comme le dit Marx : « le taux de profit est la force motrice de la production capitaliste », et ce taux de profit était en berne.
Pour le restaurer, la réponse de la classe dominante fut un monumental transfert de richesses de la collectivité vers les grandes entreprises du privé grâce à la vente d’entreprises publiques au privé, à l’ouverture de marchés publics à la concurrence du privé, à la délocalisation de la production vers des régions du monde où le mouvement ouvrier n’avait pas encore acquis les mêmes droits, à la dérégulation des législations du travail, etc. Parallèlement, le secteur financier de l’économie gonflait et la spéculation ne semblait connaitre aucune limite, puisque l’investissement dans la production de biens et de services était moins rentable.
Cet essor de ce que l’on a appelé le néolibéralisme et de la toute-puissance de la dictature des marchés n’a toutefois pu se poursuivre aussi longuement que grâce à l’effondrement de l’Union soviétique et au passage de la Chine d’une économie stalinienne bureaucratiquement planifiée au capitalisme d’État. Au-delà de l’impact idéologique de la victoire de l’économie de marché – qui a pesé, et pèse encore, sur l’audace de la résistance et l’initiative syndicales et politiques – ces millions de travailleurs qualifiés bon marché et ces nouveaux marchés représentaient une soudaine bonbonne d’oxygène bienvenue pour l’économie capitaliste.
Un élastique tendu à l’extrême ne peut qu’éclater
Puis est arrivée la crise de 2008. Seule une action coordonnée de la part des institutions capitalistes du monde entier a permis d’éviter une dépression économique similaire à celle des années 1930. Avec la baisse de leurs « taux directeurs », les banques centrales ont pu prêter de l’argent bon marché aux banques privées, qui ont fait de même vers les particuliers et les entreprises, tandis que le rachat d’actifs financiers par ces mêmes banques centrales était une façon d’injecter massivement de l’argent dans l’économie.
Ce n’était cependant une fois de plus que repousser le problème, tandis qu’une bonne partie des sommes folles injectées comme matelas pour éviter l’effondrement économique total a alimenté la spéculation, à nouveau à des sommets historiques. Tout juste 10 ans après l’effondrement de Lehman Brothers, le directeur d’un fonds spéculatif américain en claquait la porte avec ces mots : « Le système tout entier est comme un serpent qui mange sa propre queue. Nous sommes sur le point de connaitre une crise financière à grande échelle, de même ampleur que la dernière, si pas pire. » Nous y sommes.
Un système à bout de souffle et la fin d’une ère
Les États ont renfloué les banques, mais le discours dominant a rapidement été que l’explosion des dépenses publiques provenait des services publics et des dépenses sociales plutôt que du sauvetage de celles-ci. Les politiques d’austérité sauvages menées après 2008 ont considérablement durci la vie des masses tandis que les partis politiques aux commandes sacrifiaient leur crédit populaire au service des banques et grandes entreprises. Faute de ripostes de la gauche politique et syndicale à la hauteur des enjeux (illustrée par la dramatique soumission vis-à-vis des marchés du parti Syriza, arrivé au pouvoir en Grèce en 2015), l’espace a été laissé pour tout un tas de populistes de droite.
Les tensions commerciales internationales se sont accrues alors que la droite populiste s’en prenait de façon démagogique à la « mondialisation » et ses institutions (comme l’Union européenne) et en exigeant un retour à la protection de leurs « intérêts nationaux » pour masquer leur totale dévotion aux dirigeants des entreprises nationales. On a d’abord parlé de « mondialisation ralentie », puis de « démondialisation » à mesure que les tarifs douaniers s’élevaient entre les différents blocs économiques. La pandémie et puis la guerre en Ukraine ont mis ce processus sous stéroïdes. Espérer aujourd’hui un plan coordonné et rapide à l’échelle internationale pour faire face à la récession est illusoire.
Et ce alors que les problèmes économiques à la base de l’inflation actuelle sont alimentés par une bien plus grande multitude de facteurs qui se renforcent les uns les autres : les tensions entre puissances impérialistes rivales, la démondialisation, la perturbation des chaînes d’approvisionnement, les effets du changement climatique, la reprise économique inégale après le premier choc de la pandémie, l’accumulation des dettes, la spéculation au lieu de l’investissement productif, les énormes injections de liquidités après 2008. Le dirigeant de la Banque centrale américaine (la Fed) a dû reconnaître que « nous comprenons mieux maintenant à quel point nous comprenons peu de choses sur l’inflation. »
La classe capitaliste s’est fixé comme priorité de freiner l’inflation en augmentant les taux d’intérêt en espérant un « atterrissage en douceur » et une légère récession pour éviter une plus profonde. Mais les hausses de taux d’intérêt réduisent la demande, mettent en faillite des entreprises très endettées (on parle « d’entreprises zombies », dont le nombre est estimé à 20 % aux États-Unis et encore plus en Europe) et entrainent par conséquent des pertes d’emplois qui peuvent avoir un effet boule de neige. Le spectre d’une nouvelle crise de la dette publique, particulièrement dans le monde néocolonial, pèse également sur la situation mondiale.
La meilleure défense, c’est l’attaque
Dans des eaux turbulentes, la dérive n’est pas une option : il est essentiel d’avoir un objectif clair et une navigation cohérente. L’insécurité économique peut initialement paralyser la conscience de la classe travailleuse, d’autant plus que les luttes de ces dernières années ont été marquées par un manque frappant de programme global remettant en cause l’ensemble du système, mais à un certain moment, le réflexe de défense individuelle cède la place à la lutte collective.
Tout l’enjeu des luttes titanesques à venir sera d’orienter celles-ci à la perspective d’une économie rationnelle démocratiquement planifiée reposant sur la collectivisation sous contrôle et gestion démocratique des secteurs clés de l’économie.
Vers 40% de la population sous le seuil de pauvreté ? Des chiffres et des drames
Bruno Colmant, l’ancien président de la Bourse de Bruxelles, compare la crise actuelle à 2008 « quand l’économie a failli s’écrouler », a-t-il expliqué, estimant que « 40 % de la population risque de tomber sous le seuil de pauvreté ». Et de fait, les facteurs dominants de la situation mondiale sont déterminants pour la Belgique, qui a une économie ouverte, où les exportations et les importations revêtent une grande importance.
Le nombre de personnes qui connaissent de grandes difficultés financières a déjà considérablement augmenté en un an en Belgique, en passant de 11,7% de la population de 16 à 74 ans au troisième trimestre 2021 à 16,1% au deuxième trimestre 2022, selon des données de Statbel (l’institut belge de statistiques). Plus du tiers des parents isolés (34%) est désormais dans cette situation, contre 17,6% au troisième trimestre 2021.
Les travailleurs sociaux tirent déjà la sonnette d’alarme. La demande d’aide aux banques alimentaires et aux CPAS a augmenté de façon exponentielle. En 2010, 115.000 personnes avaient sollicité l’aide des Banques alimentaires chaque mois. En 2021, le record de plus de 177.000 était atteint. Ce chiffre a augmenté pour atteindre les 204.000 au cours du premier semestre de cette année. Et comme s’accordent à le dire les professionnels du secteur : les banques alimentaires ne montrent que la partie émergée de l’iceberg de la pauvreté.
Avant même que ne frappe la récession, les CPAS sont déjà exsangues à la suite de la crise sanitaire, de la crise climatique (et des inondations en Wallonie), de la crise migratoire (avec la guerre en Ukraine) et désormais de la crise énergétique. En Wallonie, les demandes du revenu d’intégration ont augmenté de 72% depuis la crise économique de 2008. Pendant ce temps, l’emploi au sein des CPAS n’a progressé que de 18%. Le manque de moyens sévit de tous côtés. Sommes-nous déjà en récession ou non ? Avant même d’y être, la situation est tout bonnement dramatique.
Pour Claude Eerdekens (PS), bourgmestre d’Andenne : « une faillite inéluctable des communes wallonnes » et « 25 000 licenciements sont à craindre dans la fonction publique communale en Wallonie d’ici à 2027, à situation inchangée » en raison de la flambée des coûts de l’énergie, des charges de CPAS qui augmentent, de la gestion catastrophique des pensions des fonctionnaires communaux…
Ces sombres perspectives ne doivent pas nous démoraliser, mais renforcer notre audace dans la liaison des différents mouvements de lutte vers le cœur du problème : le système capitaliste lui-même et l’absolue nécessité de son renversement.
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Un blocage efficace des prix exige le contrôle de la production
Nous ne sommes plus en confinement (pour l’instant), mais beaucoup se retrouvent enfermés chez eux. À se priver de tout. À s’interdire tout. À angoisser à la moindre dépense. Selon un sondage du Vif, 4 Belges sur 10 ont déjà dû faire des économies sur leur alimentation. 1 Belge sur 10 a également dû réduire le budget octroyé aux soins de santé. Et combien sommes-nous à calculer quand prendre rendez-vous ? Selon un autre sondage (Ipsos-RTL Info-Le Soir), 29% des Belges craignent la pauvreté et 47% affirment s’être déjà appauvris.Par Nicolas Croes (article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste)
Ça, ce sont les chiffres. Derrière eux, on trouve des réalités glaçantes. Pas besoin de chercher loin pour en trouver. Il suffit de parler à un collègue ou à un voisin qui s’est mis en congé faute de pouvoir payer son plein d’essence ou de Diesel. Ou encore d’être attentif à la caisse, quand le caddie de devant doit se séparer avec gêne d’un simple pack de briques de lait.
De son côté, le grand patronat accumule les récits catastrophes pour nous faire croire que les temps sont durs pour lui aussi. La situation empire tellement vite pour tout le monde, on serait tentés de les croire ! Mais il y a des profiteurs de crise et des profiteurs de guerre. Le système capitaliste est tellement taillé sur mesure pour ceux qui possèdent les leviers économiques qu’ils parviennent toujours à s’enrichir. Quitte à laisser crever tous les autres.
En Belgique, les marges bénéficiaires des entreprises privées non financières sont à un sommet. Cet indice de rentabilité est actuellement à 46 % après être descendu à 41 % en 2020 lors de la crise sanitaire (il était de 36% en 1996). Aux dires de la Banque Nationale belge, il devrait encore s’établir à 45 % en 2022, à 42 % en 2023 et à 41 % en 2024. Et ce n’est qu’une moyenne ! Des géants comme InBev (industrie brassicole), Puratos (industrie pâtissière) ou Engie (énergie) cassent tous leurs records de profits. Les résultats d’Electrabel en 2021 lui avaient permis d’envoyer plus de 1,2 milliard d’euros à sa maison mère française, Engie. L’entreprise s’attend désormais à un résultat net pour 2022 situé entre 3,8 et 4,4 milliards d’euros. Rappelons qu’à l’époque, les décideurs politiques avaient justifié la libéralisation et la privatisation du secteur pour « faire baisser les prix »…
Prendre l’urgence au sérieux
La situation est propice au retour en force de l’idée du contrôle des prix. Mélenchon, la FI et la NUPES défendent ainsi le blocage des prix de produits de première nécessité. De manière plus modeste, chez nous, le PTB a remis une pétition signée par 100.000 personnes réclamant un blocage des prix des carburants au maximum de 1,40 euro du litre, grâce à la suppression des accises que perçoit l’État subventionnée par un impôt exceptionnel sur les bénéfices des sociétés pétrolières. Le PTB dénonce à juste titre la politique de libéralisation des années 1990, mais refuse de mener une campagne large en faveur de la nationalisation du secteur. C’est pourtant passer à côté du point crucial.
Au Venezuela, quand un contrôle des prix a été institué par Chavez, les grandes entreprises de l’agroalimentaire ont fait grève à leur manière et ont refusé de servir les magasins. Les prix étaient bloqués, mais les rayons étaient vides. Nous avons beau nous trouver de l’autre du monde, les capitalistes ne vont pas réagir autrement. Ils feront payer le contrôle des prix en réduisant les salaires de leurs travailleurs ou en refusant de livrer leur production. Pour contrôler les prix, nous devons contrôler la production. La collectivité doit la reprendre en main. C’est aussi la seule manière de lier les urgences sociales et écologiques. Ou alors décide-t-on aujourd’hui que la transition verte de l’énergie et de la production de manière plus globale n’est plus aussi urgente qu’à l’époque des grèves pour le climat ? C’est tout le contraire !
Prendre la résistance sociale au sérieux
Le désespoir a gagné une importante couche de la population. Un Belge sur deux ne sait plus à quel saint se vouer concernant son pouvoir d’achat, selon le Grand Baromètre du Soir de la mi-juin. Mais pour celles et ceux qui croient encore en l’action collective, le recours le plus populaire est et reste les syndicats (22%), devant les gouvernements (15%) et bien loin devant les patrons à 4 %. Mobilisés avec un plan d’action offensif autour de revendications qui ne font pas dans la demi-mesure, ces 22% pourraient connaître une croissance digne de l’inflation actuelle et effectuer de premières brèches dans la propriété privée des moyens de production.
Un programme qui repose sur ce qui est nécessaire
- Payer pour se rendre au travail ? Pas question ! Remboursement intégral des frais de transport.
- Restauration complète de l’index avec un contrôle de la classe travailleuse sur son calcul et sa composition. Chaque fois que l’indice est dépassé, tous les salaires et allocations doivent augmenter immédiatement.
- Brisons la loi sur les salaires ! Augmentons tous les salaires de 2 euros par heure !
- Augmentons le salaire minimum à 15 euros de l’heure ou 2470 euros brut par mois et de la pension minimale à 1700 euros.
- Des allocations sociales qui dépassent le seuil de pauvreté et individualisées, le statut de cohabitant doit être supprimé.
- Contre la charge de travail intenable et pour l’emploi : la semaine des 30 heures, sans perte de salaire, avec embauches compensatoires.
- Il nous faut un plan d’investissements publics massifs visant à étendre et à rendre gratuits les services publics tels que les transports publics, les garderies, l’enseignement, les soins de santé …
- Pour notre porte-monnaie et pour une transition verte : nationalisation de l’ensemble du secteur énergétique !
- Gel de tous les loyers. Pour la construction massive de logements sociaux afin que le marché immobilier ne soit pas laissé aux caprices des propriétaires et des spéculateurs. Pour un plan public de rénovation et d’isolation du bâti, quartier par quartier.
- Plaçons le secteur financier entre les mains du public afin que la collectivité ait un aperçu de tous les flux financiers et que les ressources disponibles soient investies dans ce qui est socialement et écologiquement nécessaire.
- Pour une économie démocratiquement planifiée, le socialisme démocratique.
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La Vivaldi sous tension. Une lutte des classes intense dominera l’agenda politique de l’automne

Le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) vient de mettre en garde contre l’impact que les prix de l’énergie auront à très long terme sur l’économie. Son message annonçant « 5 à 10 hivers difficiles » relayait le discours d’une figure de proue de l’organisation patronale flamande Voka qui prévoit des « nuages orageux pour l’économie » et de «la neige noire » pour de nombreuses entreprises.
Par Els Deschoemacker, édito de l’édition de septembre de Lutte Socialiste
C’était tout autant un avertissement aux syndicats et au mouvement ouvrier dans son ensemble. Les années à venir seront difficiles, il faut le supposer, tel est le discours. Selon lui, il faudra y faire face « avec les efforts nécessaires ».
Il ne s’agit pas que d’une histoire belge. En France Macron a marché dans les pas de De Croo en annonçant qu’il fallait être prêt à payer le « prix de la liberté ». Un écho similaire s’est fait entendre ailleurs en Europe : des Pays-Bas à l’Espagne en passant par l’Allemagne.
Décideurs politiques et chefs d’entreprise ne sont pas avares de ce type d’avertissements alors que le mouvement ouvrier se prépare à l’action en exigeant des mesures radicales pour protéger le pouvoir d’achat et assurer la protection sociale de la classe ouvrière dans une période d’aggravation de la crise capitaliste.
On parle aujourd’hui de la guerre en Ukraine comme s’il s’agissait d’une sorte de phénomène naturel. Mais une guerre ne tombe jamais du ciel, elle est le résultat de tensions croissantes et de la concurrence entre les grandes puissances et d’un capitalisme en crise. La lutte économique pour plus de profit adopte alors une dimension militaire. La guerre n’est jamais menée dans l’intérêt de la classe ouvrière des pays concernés, mais toujours dans l’intérêt des classes dirigeantes, pour plus d’influence économique et politique.
La classe ouvrière du monde entier risque d’en payer le prix fort sous la forme d’une destruction de son pouvoir d’achat résultant de l’envolée des prix. À moins qu’elle ne soit capable de résister et de stopper cette folie capitaliste. Cela exige de se battre à l’aide d’un programme anticapitaliste d’urgence.
La Vivaldi entre deux feux
Les patrons aiment prétendre que « seules les entreprises paient pour la crise ». Le message s’adresse au gouvernement avant qu’il ne commence à préparer le budget 2023-24. Les patrons veulent obtenir une aide publique encore plus importante que celle reçue au cours des dernières décennies. Ce transfert de richesses de la collectivité vers les bénéfices des entreprises exerce une pression croissante sur les caisses de l’État. Outre l’augmentation des aides d’État, les patrons veulent également imposer un saut d’index et, si on les laisse faire, l’abolition complète du mécanisme d’indexation des salaires et des allocations sociales.
Le groupe de réflexion Minerva remet au moins en question le discours des patrons selon lequel les salaires font partie du problème au même titre que les prix de l’énergie. Au premier semestre de cette année, alors que la guerre en Ukraine était déjà en cours, que l’inflation était une réalité et que les prix de l’énergie explosaient, des bénéfices record ont été enregistrés. Les entreprises belges s’en sont mieux tirées que celles des pays voisins. En se basant sur les chiffres des dernières décennies, le groupe de réflexion a déclaré que « la marge bénéficiaire brute des entreprises belges n’a jamais été aussi élevée qu’au premier trimestre 2022 ». La tendance structurelle indique un renforcement systématique de la marge bénéficiaire brute : alors qu’au début du siècle, la marge bénéficiaire brute des sociétés non financières en Belgique tournait encore autour de 36%, nous observons aujourd’hui une marge bénéficiaire globale de plus de 46%.
Une conséquence automatique est qu’une part toujours plus réduite de la richesse produite par la classe ouvrière dans les entreprises profite aux salariés sous forme de salaires et de cotisations à la sécurité sociale.
L’angoisse des employeurs aujourd’hui est en partie motivée par la crainte qu’une lutte déterminée du mouvement ouvrier mette fin à ces profits faramineux. Les menaces et le chantage vont se multiplier dans les jours, semaines et mois à venir, n’ayons aucun doute à ce sujet. Les patrons ont un argument qui semble en béton : si les prix de production deviennent trop élevés, ils arrêteront la production.
Nous avons annoncé précédemment qu’après la pandémie, la lutte des classes serait volcanique. Nous verrons dans les mois à venir à quel point elle le sera. Le fait est que le mouvement ouvrier n’a pas le choix. La classe ouvrière doit s’armer contre les attaques brutales des patrons. La pandémie a dramatiquement souligné que les salarié-es créent la richesse. Cette richesse doit leur revenir. C’est cela qui doit constituer le socle de toute action. C’est cela qui doit alimenter la mobilisation vers la grève générale.
Le gouvernement Vivaldi sera pris entre deux feux. Le mouvement ouvrier a un pouvoir potentiel incroyablement plus fort que celui de la bourgeoisie. S’il se met en mouvement, organise et déploie effectivement toute sa force, le gouvernement sera impuissant à réaliser le programme de la bourgeoisie.
Il est peu probable que la Vivaldi s’engage dans une offensive de grande envergure contre la classe ouvrière avant les élections de 2024. L’inaction n’est cependant pas une option pour le mouvement ouvrier. Avec l’accord de la coalition actuel qui maintient la loi salariale de 1996, sans action audacieuse pour freiner les entreprises énergétiques qui battent des records en les nationalisant si nécessaire, dans une période de récession qui se développe rapidement et de stagflation possible, ne rien faire équivaut à une opération de grande envergure pour appauvrir la majorité de la population active, y compris les classes moyennes.
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Un plan d’action pour mobiliser vers la grève générale !

Dessin : Clément T. (Liège) -
L’énergie en mains publiques
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2 €/h d’augmentation pour tous les salaires
Le coût de l’énergie bat tous les records. Le 17 août, le mégawatt-heure atteignait les 541€. Record battu quatre jours plus tard avec 562€ et encore une fois le 24 août avec 612€. Le gouvernement a une solution : tenter de faire passer la pilule… « Les cinq à dix prochains hivers seront difficiles », a simplement déclaré le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) au même moment. Pas difficiles pour tout le monde toutefois… Car les dividendes versés aux actionnaires atteignent des records eux-aussi.
Par un délégué FGTB
« Exxon Mobil va gagner plus d’argent que dieu » (Joe Biden)
Sur le deuxième trimestre de cette année, ExxonMobil a versé 7,6 milliards de dollars à ses actionnaires. Le président américain Joe Biden peut bien en rire, mais la situation est grave. Quinze des plus grandes multinationales pétrolières ont engrangé un profit cumulé de 77 milliards de dollars sur le deuxième trimestre de l’année, soit le triple de leurs profits sur la même période l’année précédente. Le jackpot, c’est la multinationale saoudienne Aramco qui l’a touché avec un bénéfice de 48 milliards de dollars. Entre-temps, Arlanxeo, une filiale d’Aramco implantée à Zwijndrecht, aux Pays-Bas, a annoncé en juin qu’elle supprimait 70 emplois en raison… de la forte hausse des prix de l’énergie ! Ces capitalistes ne reculent devant rien !
En Belgique, Engie-Electrabel a déjà déclaré 1,9 milliard de bénéfices l’an dernier, dont 1,244 milliard a été versé à sa maison-mère, le groupe français Engie, en tant que dividende exceptionnel. Combien de fois plus cette année ? Histoire de se rendre compte de ce que de tels chiffres représentent: 1 million de seconde, cela revient à 11 jours. 1 milliards de secondes, cela revient à 32 ans…
Ce n’est vraiment pas la crise pour tout le monde, certains s’en frottent les mains. Au cours du premier trimestre de 2022, les sociétés non financières en Belgique ont gagné plus de 35 milliards d’euros ! Et quoi, pas d’espace pour nos salaires ? Le gouvernement a choisi qui aider en tout cas. Comme le dénonce la FGTB, par rapport au dernier trimestre de 2021, « les entreprises ont reçu près de trois milliards d’euros de subventions de plus… que ce qu’elles devaient payer en impôts. Par rapport au premier trimestre de 2021, cette somme s’élève à 11,6 milliards d’euros. » Et rien pour nos salaires?
Ce sont les travailleuses et travailleurs qui créent les richesses par leur travail. Nous l’avons encore toutes et tous constaté pendant la pandémie : ce ne sont pas les actionnaires qui ont fait tenir la société debout. Pourtant, et malgré l’existence du mécanisme d’indexation des salaires, la part des salaires dans la richesse produite annuellement dans le pays (le PIB) n’a cessé de chuter ces 30 dernières années et est même passée sous les 50% en 2017.
Ils organisent notre misère, organisons notre colère !
Préparons la grève générale de novembre et assurons qu’elle soit accompagnée par un sérieux plan d’action avec d’autres grèves générales vers des objectifs à hauteur du drame inflationniste actuel. Ce qu’il nous faut de suite, c’est au moins une augmentation de tous les salaires de 2€/h brut, ce qui implique de balancer à la poubelle la « loi-prison » sur les salaires de 1996. Et pour garder le contrôle de nos factures, ce sont les actionnaires qui doivent partir à la poubelle : nationalisons le secteur énergétique et utilisons les profits pour investir dans des politiques sociales et la transition écologique.
- Payer pour se rendre au travail ? Pas question ! Remboursement intégral des frais de transport.
- Restauration complète de l’index avec un contrôle de la classe travailleuse sur son calcul et sa composition. Chaque fois que l’indice est dépassé, tous les salaires et allocations sociales doivent augmenter immédiatement.
- Brisons la loi-carcan sur les salaires ! Augmentons tous les salaires de 2 euros par heure !
- Augmentons le salaire minimum à 15 euros de l’heure ou 2.470 euros bruts par mois et de la pension minimale à 1.700 euros.
- Contre la charge de travail intenable et pour l’emploi : la semaine des 30 heures, sans perte de salaire, avec embauches compensatoires.
- Il faut un plan d’investissements publics massifs visant à étendre et à rendre gratuits les services publics tels que les transports publics, les garderies, l’enseignement, les soins de santé …
- Pour notre portefeuille et pour une transition verte : nationalisation de l’ensemble du secteur énergétique sous contrôle et gestion de la collectivité !
- Gel de tous les loyers. Pour la construction massive de logements sociaux afin que le marché immobilier ne soit pas laissé aux caprices des propriétaires et des spéculateurs.
- Plaçons le secteur financier entre les mains du public afin que la collectivité ait un aperçu de tous les flux financiers et que les ressources disponibles soient investies dans ce qui est socialement nécessaire.
- Pour une économie démocratiquement planifiée, le socialisme démocratique.
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En route vers un automne chaud… Luttons pour le pouvoir d’achat !
80.000 manifestants dans les rues de Bruxelles le 20 juin pour plus de pouvoir d’achat. « Tout augmente et il est de plus en plus difficile de vivre correctement », pouvait-on entendre de toutes parts. « Les entreprises font de gros bénéfices, mais nous, on doit se serrer la ceinture». Tout est dit. À chaque plein d’essence ou à chaque caddie de courses, l’évidence s’impose : les prix s’envolent. Nos salaires et allocations ne suivent pas.Par Geert Cool
Les patrons prétendent qu’en raison de l’indexation, nos salaires suivent le rythme, certains ajoutent même que c’est inacceptable. En mai, le taux d’inflation annuel était de 8,97%. C’était même pis encore – 9,9% – selon les données européennes. Aucun salaire n’a bien entendu été indexé à 8,97% sur la même période. L’indice-santé est à la traîne et ne suit pas entièrement la hausse des prix.
Les augmentations de prix sont source d’anxiété pour de plus en plus de gens, en particulier pour les personnes à faible revenu qui sont locataires. Comment joindre les deux bouts ? Quel avenir pour les prochaines générations ? Un habitant sur sept – 14,1% – estime qu’il est difficile de s’en sortir et 26,6% trouvent que c’est « plutôt difficile ». Ces chiffres proviennent de Statbel. Cela signifie que plus de 40 % de la population éprouve des difficultés financières, et même plus de la moitié à Bruxelles et en Wallonie. Avoir un emploi ne garantit plus d’être à l’abri. Aux Pays-Bas, une étude sur les personnes ayant des dettes a montré que 39 % d’entre elles travaillent, 69 % sont locataires et 63% ont une voiture. L’insécurité d’emploi et la baisse du niveau de vie ne sont pas l’apanage d’une petite minorité. La moitié de la population perd progressivement sa capacité à suivre le rythme ! Avec la hausse spectaculaire des prix du logement, c’est encore plus vrai chez les jeunes.
À en croire les patrons, nous ne devrions nous en prendre qu’à nous-mêmes. Ils affirment que leur compétitivité est menacée par nos salaires prétendument trop élevés. Ils mentent. Les entreprises tournent à plein régime et amassent des bénéfices colossaux. Les marges bénéficiaires ont atteint 46,8% l’an dernier, ce qui est beaucoup plus élevé que dans les pays voisins. Des salaires trop élevés ? Peut-être sont-ils trop concentrés sur leurs propres revenus : les dirigeants des entreprises du BEL20 ont reçu une augmentation de 14,4 % l’an dernier. La masse des travailleurs n’a quant à elle rien obtenu. Même cette norme salariale ridicule de 0,4 % n’a pas été appliquée partout… Ces dernières années, les bénéfices des entreprises n’ont cessé de croître alors que la part de la richesse produite versée aux travailleurs et à leur famille a diminué. L’inflation renforce ce processus d’inégalité croissante.
Si les prix augmentent tant aujourd’hui, c’est le résultat de la soif de profit des patrons et des tensions internationales croissantes provoquées par celle-ci. Beaucoup d’entreprises profitent des prix élevés ; les bénéfices des entreprises énergétiques, par exemple, atteignent des sommets. Et la plupart des autres entreprises se contentent de répercuter la hausse des prix des matières premières sur leurs prix de vente, répercutant ainsi la facture. Les fortunes combinées des milliardaires représentent aujourd’hui 13,9 % du PIB mondial, contre 4,4 % en 2000. Ce chiffre avancé par Oxfam résume la situation : pour faire fructifier leurs fortunes toujours croissantes, les capitalistes condamnent une majorité de la population à la misère.
L’érosion du pouvoir d’achat suscite beaucoup de colère. Le succès de la manifestation syndicale nationale du 20 juin en témoigne. Les mois à venir seront importants dans ce combat pour notre pouvoir d’achat. Nous avons besoin d’un automne chaud avec des manifestations et des grèves soigneusement préparées. N’attendons pas le mois de septembre pour lancer les campagnes de mobilisation ! Les patrons se cachent derrière le gouvernement, après avoir laissé le gouvernement mener une politique condescendante. Le gouvernement se cache derrière l’inflation. Mais nos comptes en banque ne peuvent se cacher derrière personne.
Nous devons nous organiser sur chaque lieu de travail et dans chaque quartier pour intensifier la lutte. Ce combat pour le pouvoir d’achat est une lutte des classes, il soulève la question de savoir qui obtient quelle part de la valeur que nous produisons. Les patrons ont vu leur part du gâteau augmenter ces dernières années, au détriment de notre niveau de vie. Nous devons construire un équilibre de force pour changer ça. Chaque pas en avant avec des augmentations de salaire ou des gels de prix est le bienvenu et peut nous renforcer dans la lutte nécessaire pour mettre fin au capitalisme qui mène aux inégalités, à la misère, aux désastres écologiques et aux guerres. Nous sommes résolument en faveur d’un changement systémique : une société socialiste où la classe travailleuse possède et utilise les richesses qu’elle produit de manière planifiée pour répondre aux besoins des gens et de la planète.