Déclaration publique du PSL/LSP sur la question de la libération nationale de la Palestine

Déclaration publique du PSL/LSP basée sur une résolution adoptée par le Congrès national

L’élection de Trump à la tête de la première puissance impérialiste mondiale a exacerbé les velléités coloniales de la bourgeoisie israélienne d’extrême droite qui contrôle actuellement l’Etat. Composée de juif·ves orthodoxes, de partisans mizrahis et de colons, cette coalition tire son pouvoir politique de l’expansion continuelle des colonies illégales, avec comme ambition ultime “Eretz Israël”, ou le grand Israël. Ce projet colonial et raciste a pour objectif assumé d’en finir une fois pour toutes avec le peuple palestinien. Les politiques génocidaires ne sont cependant pas le monopole de la droite ou de l’extrême droite israélienne, mais bel et bien de l’ensemble du spectre politique israélien. Le soi-disant “camp de la paix”, qui prétend désirer la fin du conflit, reste fermement attaché aux structures coloniales, et s’oppose radicalement au droit au retour des Palestinien·nes. Une fois que l’on gratte le vernis pacifiste de cette “gauche” sioniste, on y trouve toujours la même violence coloniale.

Aujourd’hui, après la rupture de l’accord de cessez-le-feu par l’Etat sioniste, Gaza fait de nouveau l’objet d’un siège meurtrier. L’Etat Israélien contrôle les deux tiers de la bande de Gaza, et bloque l’entrée de toutes les ressources nécessaires à la survie humaine. Les événements dramatiques qui se sont déroulés depuis le 7 octobre 2023, et l’accélération du processus génocidaire au coeur du projet sioniste, ont remis à l’avant plan la question palestinienne, ainsi que les thèmes de l’impérialisme, de la colonisation, et de la libération nationale. Toute organisation révolutionnaire, quand elle est confrontée à un tel bouleversement historique, doit nécessairement passer en revue son analyse. Le PSL/LSP est entré dans un processus de révision de son programme sur les questions coloniales, et plus particulièrement sur la question palestinienne. Ce processus est toujours en cours, mais nous sommes déjà en mesure de fournir des éléments de conclusions et de correction. Spécifiquement sur l’analyse du sionisme, de l’Etat Israélien et du rôle de la classe ouvrière israélienne. 

La position historique du PSL

Nos précurseurs politiques (à l’époque le Revolutionary Communist Party en Grande-Bretagne) se sont opposés à la création de l’État israélien en Palestine il y a plus de 70 ans. Dans leur opposition à ce projet colonial, ils ont souligné que celui-ci n’apporterait aucune sécurité aux Juif·ves et qu’il serait synonyme de souffrance pour les Palestinien·nes. 

Après la Nakba, et la mise sur pied de l’Etat israélien, cette position a été modifiée pour s’adapter à la nouvelle situation. Reconnaissant que plusieurs générations de juif·ves israélien·ne.s étaient né·es sur place, et que l’unité de façade de la société israélienne cachait en réalité une société de classe fracturée, notre organisation s’est orientée en partie vers les masses israéliennes. Nous estimions que les révolutionnaires devaient s’appuyer sur les contradictions de classe de la société israélienne pour gagner une partie de la classe ouvrière israélienne au projet de libération nationale de la Palestine. Cette position était aussi articulée avec la perspective d’une révolution socialiste régionale et internationale qui en finirait une fois pour toutes avec le mode de production capitaliste. 

Cette approche avait le mérite de tenter une approche vers certaines couches de la classe ouvrière israélienne. Cependant, en voulant gagner les masses israéliennes à la lutte de libération nationale palestinienne, sans exiger clairement une rupture avec le sionisme, l’organisation a fait des concessions programmatiques importantes, certaines d’entre elles tombant dans l’opportunisme.

Ainsi, nous avons développé la revendication de deux Etats socialistes dans le cadre d’une fédération socialiste du Moyen-Orient. Cette position s’appuyait sur le fait que la colonisation de la Palestine et la création de l’Etat d’Israël se distinguent des expériences coloniales européennes, l’un des principaux aspects étant l’absence de métropole coloniale. Mais en légitimant l’existence d’un Israël “socialiste”, nous nous sommes compromis avec un projet à l’essence coloniale. En portant cette revendication, nous avons semé la confusion en laissant la porte ouverte à une interprétation qui pourrait légitimer les frontières de l’ancien projet capitaliste et colonial.

Avec le temps, la réalité du fait colonial qui structure la société israélienne à tous les niveaux a été minimisée. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne la distinction entre colon et colonisé, qui fut écartée de nos analyses. La société israélienne était analysée comme n’importe quelle autre société capitaliste. Notre ancienne internationale disposait d’une section israélienne qui résistait à l’occupation et à la violence des colons, plaidait pour une Palestine socialiste, mais aliénait les travailleur·euses palestinien·nes et arabes opprimé·es en fixant les frontières d’un futur État ouvrier israélien révolutionnaire. Cette revendication a eu pour effet de légitimer des frontières imposées par la colonisation. En raison de l’absence quasi-totale de membres palestinien·nes dans notre organisation sœur israélienne, la perspective palestinienne de l’oppression n’a pas reçu la place centrale qui lui revenait dans les analyses et les articles que nous produisions.  Ce manque d’analyse théorique sur le fait colonial nous a conduit à prendre de mauvaises positions, qui n’ont pas tardé à montrer leurs limites après le 7 octobre. 

Nous avons dans un premier temps contesté les qualificatifs de génocide et d’apartheid pour décrire la réalité de l’oppression palestinienne. Nous avons également refusé d’utiliser le drapeau palestinien, et les autres symboles nationaux, sous prétexte qu’il s’agissait de  symboles nationalistes et baathiste, ignorant la dimension anticoloniale et émancipatrice de ces symboles. Et nous avons trop souvent posé une symétrie entre la violence génocidaire de la puissance colonisatrice et la violence des colonisé.e.s. Lorsque la question du boycott académique s’est posée, certaines des sections d’Alternative Socialiste Internationale, notre ancienne organisation internationale, ont refusé de reprendre ce mot d’ordre à leur compte, considérant que cela isolerait les masses israéliennes, et que cela ferait le jeu de la bourgeoisie israélienne.

Bien que nous récusions théoriquement l’idée que les masses palestiniennes se devaient d’attendre les masses israéliennes pour mener leur lutte, et que nous reconnaissions théoriquement le droit des Palestinien·nes à la résistance, y compris par les armes, dans les faits, les événements politiques étaient systématiquement analysés depuis la perspective de la classe ouvrière israélienne. Tout ceci témoigne d’un manque de compréhension et d’analyse de la société israélienne, et une surestimation du rôle que peut potentiellement jouer la classe ouvrière israélienne, tant qu’elle ne rejette pas la politique d’occupation sioniste et le génocide du peuple Palestinien.

Israël : une société coloniale et contradictoire

L’Etat israélien a été bâti sur base d’une politique de colonies de peuplement porté par une classe ouvrière juive européenne. L’un des principaux courants du sionisme, le sionisme travailliste, estimait que pour atteindre les ambitions coloniales israéliennes, il ne suffisait pas de s’octroyer l’appui des grandes puissances impérialistes de l’époque, particulièrement la Grande-Bretagne, mais qu’il fallait aussi mener une politique de colonisation intensive. 

Dans ce cas, les leaders ouvriers n’ont pas seulement été achetés par l’impérialisme, ils y ont activement contribué. La plus grande fédération syndicale du pays, la Histadrout, est directement responsable du nettoyage ethnique de la Palestine et de la Nakba, notamment par l’intermédiaire de sa milice, la Haganah. Cette spécificité de la classe ouvrière israélienne implique des difficultés supplémentaires quant à l’émergence d’une conscience de classe. 

Bien qu’il existe des mobilisations sociales au sein de l’Etat israélien, ces dernières se déroulent la majorité du temps dans un consensus colonial, qui reste ignorant de la souffrance des Palestinien·nes. Ce fut par exemple le cas en ce qui concerne les mobilisations contre la réforme judiciaire de Netanyahu, ou pour les mobilisations pour la libération des otages. Un exemple plus récent de ce phénomène est la récente pétition signée par plus de 1000 réservistes et retraité.e.s de l’armée de l’air israélienne qui appellent à mettre fin à la guerre. L’argumentaire déployé par les signataires met en avant que “la guerre sert principalement des intérêts politiques et personnels, et non des intérêts de sécurité”. La tribune ne met aucunement en avant la nécessité de mettre fin à la colonisation et à l’apartheid. Son point de vue reste celui de la bourgeoisie israélienne et de la défense de son Etat.

Nous estimons que des activistes de la classe ouvrière juive israélienne peuvent jouer un rôle, et nous ne négligeons pas que des mobilisations sociales au sein de l’Etat israélien peuvent modifier le cours de l’histoire, mais nous affirmons également que pour que ces activistes de la classe ouvrière juive israélienne puissent jouer leur rôle, il leur faut comprendre leur place privilégiée dans l’ordre colonial, et donc faire preuve d’une solidarité sans faille à l’égard de la résistance du peuple palestinien. Cela implique de combattre le sionisme pied à pied, en portant elle-même des revendications anticoloniales transitoires, telles que le retrait des troupes d’occupations israéliennes, l’ouverture immédiates des frontières, la fin de la discrimination économique et politique des Palestinien.ne.s et l’application du droit au retour pour les Palestinien.ne.s qui ont été dépossédé.e.s de leur terre. La conclusion logique d’une telle politique ne peut être que le démantèlement total de l’Etat capitaliste d’Israël, en tant qu’Etat basé sur un suprémacisme juif raciste. 

Nous reconnaissons les erreurs d’évaluations qui ont été commises, tant sur la surestimation du rôle de la classe ouvrière israélienne et les réserves que nous avons émises sur les revendications des Palestinien·nes, que dans la minimisation du fait colonial en Palestine. Nous rejetons la revendication d’une Israël socialiste – position qui accepte les frontières capitalistes coloniales établies, et nous affirmons le droit à l’autodétermination pour tous les peuples de la région dans le cadre d’une révolution socialiste. Plus que tout, nous reconnaissons que nous n’avons pas élaboré un programme qui partait de la perspective palestinienne, et nous nous engageons à corriger cette grave erreur.

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