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Nouvelle vague covid : le capitalisme et ses représentants politiques sont responsables !
Le mouvement des travailleurs et travailleuses doit réagir de manière offensive
Près de 2 ans après le début de la pandémie, c’est toujours l’impréparation la plus totale. Aucun scénario n’existait pour la possibilité d’une forte circulation du variant delta, y compris parmi les personnes vaccinées, ou de l’apparition d’un autre variant plus coriace. Un système de dépistage efficace qui n’alourdit pas l’énorme charge de travail des médecins se fait toujours attendre. À nouveau, des patients atteints de maladies ou victimes d’accidents graves ne pourront pas être pris en charge. Ce manque de prévoyance et de planification est criminel.
Dossier de Stéphane Delcros
Pointer du doigt les non-vaccinés et s’enfoncer dans une politique de répression ne résoudront rien au manque de moyens dans les soins de santé. Cela sert par contre surtout à dévier l’attention de la responsabilité des autorités tout en divisant la population. « Diviser pour mieux régner », la recette n’est pas neuve. Mais la gauche et le mouvement des travailleuses et des travailleurs ne doivent pas laisser la critique du gouvernement aux antivax et à l’extrême droite, qui n’ont aucune solution.
Encore heureux qu’il y ait eu, au début de la pandémie, le groupe d’action militant « La Santé en Lutte » pour réunir les témoignages de terrain, élaborer un programme de revendication sur cette base et appeler à des actions et manifestations, essentiellement à Bruxelles, mais aussi en Wallonie. Nos soins de santé craquaient déjà de partout avant la pandémie, minés par le manque de moyens, la marchandisation et la logique managériale. Une fois que la pandémie a frappé, le personnel s’est retrouvé démuni, sans suffisamment de matériel adéquat ou de collègues. Il n’a pourtant pas ménagé ses efforts, jusqu’à l’épuisement, parfois dans l’isolement le plus total, de crainte de contaminer des proches.
Toute la société était prête à soutenir un combat du personnel soignant. Un potentiel gigantesque. Mais les directions syndicales et le PTB n’ont pas pris au sérieux l’organisation d’un véritable rapport de force à la base avec agitation sur les lieux de travail, actions et manifestations. Le collectif La Santé en Lutte s’est retrouvé bien seul au front en jouant un rôle moteur dans diverses actions (dont la haie du déshonneur à l’Hôpital Saint-Pierre où les soignantes et soignants ont tourné le dos à la Première ministre Sophie Wilmès en mai 2020) et en organisant les seules manifestations nationales de la santé en septembre 2020 et en mai 2021. Le collectif a subi attaques et pressions de toutes parts, y compris de la part d’une partie des directions syndicales. Sans ce groupe militant et la « colère blanche » (Witte woede) en Flandre, relayés au Parlement par le PTB, il y a fort à parier que les budgets supplémentaires promis pour refinancer les soins de santé n’auraient pas été débloqués par les autorités. « La paix sociale dans ce secteur peut avoir ce prix », disait Servais Verherstraeten (CD&V). Ces sommes sont les bienvenues, mais elles restent largement insuffisantes et tardent d’ailleurs à arriver sur le terrain.
La 4e vague frappe les hôpitaux alors que la situation est bien plus grave qu’auparavant. L’ensemble du personnel soignant est à bout de souffle. Dans les hôpitaux, l’absentéisme est plus élevé que jamais. À l’Hôpital Universitaire de Gand (UZ Gent) – entre les burn-out, les maladies diverses et les quarantaines – 20% des soignants et soignantes sont absents en ce moment. À la surcharge de travail est venu s’ajouter le fait de devoir refuser de prendre en charge certains patients non-covid, chose qui pèse lourdement sur le mental du personnel.
La vaccination obligatoire du personnel soignant
Entre le 1er janvier et le 31 mars 2022, les membres du personnel soignant qui ne seront pas vaccinés seront suspendus. À partir du 1er avril, ils seront licenciés (avec droit aux allocations de chômage), sauf s’ils ont demandé le maintien de leur contrat (ils seront alors suspendus et pourront chercher du travail dans un autre secteur). Comme le souligne Évelyne Magerat, secrétaire permanente CNE pour les hôpitaux Bruxelles et Brabant Wallon : « Si le 1er avril, il y a 15% du personnel en moins, en plus de celui qui est absent aujourd’hui, ça va être une catastrophe en termes de santé publique. (…) Aujourd’hui, on doit fermer des services, des lits hospitaliers parce qu’il n’y a pas assez de personnel. Est-ce que le gouvernement va mettre de côté ce personnel essentiel pendant la crise ? » En réalité, dans toutes les unités de soins, le personnel ne peut s’imaginer comment faire s’il perd ne serait-ce qu’un seul membre du personnel non vacciné…
Bien entendu, les soignants et soignantes doivent pouvoir travailler avec un maximum de sûreté ; de même que les patients ont le droit d’être soignés dans un environnement le plus sain possible. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est opposée au principe d’obligation vaccinale et insiste sur le fait de convaincre plutôt que contraindre. Au lieu de l’obligation vaccinale, des tests de dépistage devraient être régulièrement effectués afin de pouvoir détecter l’éventuelle présence de cas covid-positifs parmi le personnel. Le dépistage quotidien du personnel permettrait de maintenir l’unité du personnel et d’offrir le temps nécessaire à des campagnes visant à convaincre les collègues de l’utilité du vaccin. Cela s’impose également pour détecter les contaminations survenant en dépit de la vaccination. Mais évidemment, tout cela exige des moyens pour du personnel, du matériel et des laboratoires supplémentaires. Un éventail d’autres possibilités existent également, comme la possibilité pour les soignants non-vaccinés de s’occuper de tâches administratives ou autres qui ne nécessitent pas de contact avec les patients.
Comme le soulignent les organisations syndicales du secteur : « ce sont les conditions de travail déplorables qui sont le véritable danger en matière de qualité des soins ». Elles ont raison de s’opposer à cette mesure de vaccination obligatoire et d’organiser des rassemblements et une journée nationale d’actions en front commun le 7 décembre. Avec la manifestation nationale du 4 décembre des pompiers, cela offre l’occasion de rectifier le tir en donnant corps à la voix des travailleuses et des travailleurs. Il ne faut pas en rester là.
Une méfiance compréhensible
Faute de réactions de la gauche syndicale et politique à la hauteur des enjeux, la colère sociale a cherché à s’exprimer d’autres manières. C’est ainsi que le 21 novembre, deux jours après l’annonce de l’accord du gouvernement concernant la vaccination obligatoire dans le secteur des soins de santé, plus de 35.000 personnes ont participé à la manifestation « Ensemble pour la liberté » dans la capitale. Cette mobilisation faisait écho à d’autres aux Pays-Bas, en Italie, en Autriche ou encore en France métropolitaine. En Guadeloupe et en Martinique, l’imposition de l’obligation vaccinale pour le personnel soignant a été reçue comme une gifle supplémentaire par une population structurellement discriminée par l’État français. Des grèves générales y ont été déclenchées contre l’obligation vaccinale pour les soignants, mais aussi contre la cherté de la vie et le prix des carburants ainsi que pour des augmentations des salaires et des allocations sociales. Méfiance envers les autorités, colère contre la hausse des prix de l’énergie et le coût de la vie en général,… les événements ne sont pas sans rappeler le mouvement des Gilets jaunes fin 2018 -début 2019.
Alors oui, on trouvait à Bruxelles le 21 novembre bon nombre de complotistes et d’antivax de même que des individus et groupes d’extrême droite (Vlaams Belang, Voorpost, Schild&Vrienden, Nation, Civitas,…), qui ont habilement manœuvré pour se mettre en avant. Beaucoup d’autres, vaccinées ou non, les personnes présentes à cette manifestation expriment un ras-le-bol et des doutes bien plus généralisés. Les autorités ont collectionné les incohérences avec une arrogance jamais démentie. À l’été 2020, le problème, c’était les jeunes. Ce mois de septembre, c’était les Bruxellois. Et puis finalement non. Au même moment, la Flandre et ses 95% de vaccinés rouvrait toute la société comme si l’affaire était pliée. Bardaf, ça n’aura duré qu’un mois. Du cirque des masques au début de la pandémie à la réduction de la capacité de dépistage juste avant cette quatrième vague, nous avons pu voir à quel point les autorités n’étaient absolument pas préparées à changer de politique de la même manière que nous changeons de masque.
À raison, la population est devenue impatiente et constamment plus sceptique à l’égard de la politique menée. On restreint l’accès aux loisirs pour éviter les contacts ? Pendant ce temps, les bus et métros sont toujours aussi bondés et rien n’est fait pour augmenter le service. Les communiqués du Codeco n’ont pas mis longtemps avant de sentir l’hypocrisie ; or la crédibilité et la confiance sont primordiales dans les questions de santé.
La grande majorité des non-vaccinés se méfie d’un vaccin « arrivé très vite », qui « semble être surtout utile pour les groupes à risques et moins pour les autres », tandis que la perspective d’une 3e dose généralisée renforce le sentiment erroné d’un vaccin lancé en urgence à l’efficacité incertaine. Mais la technologie liée à l’ARN messager était à l’étude depuis plus de 20 ans et déjà utilisée en médecine vétérinaire dès le début des années 2000. D’autre part, un vaccin (outil collectif de santé publique) n’est pas un médicament (outil de santé individuel) : son efficacité ne se juge que s’il est administré à la collectivité. Dans le cas présent, il aurait fallu administrer de manière coordonnée le vaccin à 80% de la population mondiale. Mais la liberté d’une minorité d’actionnaires de multinationales pharmaceutiques à continuer de se remplir les poches sur notre dos a pris le monde en otage. C’est de « Big Pharma » qu’il faut se méfier, pas de la vaccination en soi.
Comme le souligne « La Santé en Lutte », le maintien des brevets, la propriété privée sur les vaccins et leur prix creusent un fossé entre les États qui peuvent se le permettre et les autres : « Dans 29 pays les plus pauvres, où vit environ 9% de la population mondiale, à peine 0,3% du nombre total de vaccins a été acheminé. Sur l’ensemble du continent africain, moins de 4% de la population a été vaccinée deux fois. Il est donc évident que la campagne mondiale de vaccination est un échec et que cette politique dangereuse abandonne les personnes fragiles qui ne vivraient pas au « bon endroit ». Ces choix politiques nous reviendront en pleine face, sous la forme de nouveaux variants. » Ce n’est pas dans la nature du système capitaliste d’envisager la mise sur pied d’une stratégie vaccinale à l’échelle globale.
D’autre part, toutes les études sur le sujet soulignent que fracture sociale et fracture vaccinale vont de pair. Il suffit de dire qu’en Fédération Wallonie-Bruxelles, 4 personnes sur 10 renoncent à des soins de santé pour des raisons financières. Avec une médecine de proximité gratuite garantie par un service national de soins de santé financé à hauteur des besoins, les choses seraient totalement autres.
Mais si la confusion règne parmi une bonne partie de la population, elle s’accompagne d’une recherche à tâtons d’une explication et d’une réponse face à la crise générale que traverse la société. Si la gauche syndicale et politique avait appelé à l’organisation de rassemblements et de manifestations pour arracher plus de moyens pour les soins de santé, en finir avec les brevets sur les vaccins, mettre sur pied un service national de soins de santé correctement financé et nationaliser le secteur pharmaceutique sous contrôle et gestion de la collectivité, les complotistes et l’extrême droite se seraient vu couper l’herbe sous le pied.
Briser le pouvoir de Big Pharma pour une campagne de vaccination efficace
Les vaccins fonctionnent, ils offrent une protection importante contre les formes graves du virus. De même, même là où les contaminations explosent, il permet de fortement limiter le nombre de décès. Toutes les études montrent aussi que le vaccin entraîne une réduction du risque de transmission ; mais pas une disparition, d’autant que l’efficacité du vaccin a tendance à très légèrement diminuer avec le temps.
Mais la vaccination a été présentée comme la solution ultime, ce qu’elle n’est pas si elle n’est pas planifiée à l’échelle mondiale. Dès qu’un pourcentage appréciable de vaccinés a été atteint en Belgique, la société a été complètement réouverte aux vaccinés, sur base du Covid Safe Ticket, comme si cela empêchait le virus de circuler. Dans la lutte contre le virus, la vaccination est importante, mais elle ne suffit pas à enrayer l’épidémie.
Le système capitaliste repose sur la concurrence et sur la course aux profits. Cela empêche le développement de campagnes médicales préventives sérieuses. Les gouvernements capitalistes courent d’une urgence à l’autre, en tentant de colmater des cratères à l’aide de rustines, en ayant comme priorité absolue la sauvegarde des marges bénéficiaires des grandes entreprises. Et protéger le portefeuille des plus riches et mobiliser toutes les ressources de la société pour affronter un péril tel qu’une pandémie, c’est inconciliable.
Il ne faut pas être un génie pour se rendre compte que les transports en commun sont trop remplis, que les écoles sont trop remplies et qu’il s’agit de grands vecteurs de transmissions. Nous avons besoin de bien plus de transports en commun (et gratuits, c’est une évidence écologique) ainsi que de nouvelles écoles avec des infrastructures sanitaires adéquates. En fait, nous avons besoin d’un plan d’investissements massif dans les infrastructures et les services publics, au premier rang desquels les soins de santé, afin de ne laisser personne de côté. Afin de pleinement mobiliser les ressources nécessaires, nous n’avons pas d’autre choix que de retirer les leviers économiques des mains de la minorité de capitalistes qui détruit la planète et nous exploite afin d’élaborer un plan de production respectueux de l’environnement consacré à la satisfaction des besoins sociaux. C’est ce que nous appelons le socialisme démocratique.
Aux travailleuses et travailleurs de donner le ton !
Si la pandémie et les confinements ont bien illustré quelque chose, c’est que ce sont les travailleuses et travailleurs qui font tourner le monde, pas les actionnaires ! Le mouvement ouvrier doit imprimer sa marque sur les événements, à l’aide d’un syndicalisme de combat et d’une gauche de combat. Si le mouvement ouvrier n’avance pas offensivement ses positions dans cette situation de crise, d’autres forces vont le faire. Un programme de revendications et d’actions centré sur les intérêts de notre classe sociale permettrait de fournir une clarté là où existe la confusion.
Sur les lieux de travail, les CPPT doivent jouer leur rôle
Sur les lieux de travail, les organisations syndicales doivent être davantage offensives. L’utilité des Comités pour la prévention et la protection au travail (CPPT) a été fortement confirmée par cette pandémie, mais ils ont été largement sous-exploités. Ils peuvent pourtant stimuler la discussion collective avec les travailleurs et travailleuses sur les mesures à adopter sur le lieu de travail puisque ce sont eux et elles qui savent le mieux ce qui s’impose pour assurer leur sécurité. Ils peuvent aussi stimuler des discussions sereines entre collègues pour répondre patiemment aux doutes et questions concernant le vaccin.
Des moyens doivent être dégagés pour que chaque travailleur et travailleuse puisse travailler en toute sûreté, notamment avec un stock suffisant de masques FFP2. Des tests gratuits doivent également être disponibles pour tout le monde sur les lieux de travail, mais aussi dans les établissements scolaires et dans chaque quartier. Quand un ou une membre du personnel est testé positif, il ou elle doit être écarté. La mise en quarantaine ne doit impliquer aucune perte de salaire et du personnel supplémentaire doit être engagé pour assurer le remplacement des effectifs qui ne peuvent travailler. Dans le cas de la fermeture d’une école ou d’une crèche, les parents doivent être assurés d’obtenir un congé payé.
Un programme d’actions qui répond aux besoins – Luttons contre le système !
Il est plus que temps que le mouvement ouvrier réponde à la situation de crise actuelle et la division insérée, et entrent en action pour imposer l’application des revendications nécessaires :
- Pour la gratuité des tests de dépistage ; davantage de laboratoires doivent être mis sur pied, avec l’engagement de personnel et du matériel supplémentaire ;
- Pour un plan d’investissements publics massifs dans les soins de santé, à la hauteur des besoins réels, déterminés par les travailleurs et travailleuses du secteur ; pour l’engagement de personnel supplémentaire avec de bonnes conditions de travail et de salaire (conditions primordiales pour convaincre les milliers de soignants et soignantes diplômés mais travaillant dans un autre secteur de revenir dans les soins de santé) et la construction de nouvelles unités de soins publiques et l’amélioration des conditions de travail et de salaire du personnel soignant ;
- Pour l’instauration d’un véritable service public national de santé, géré démocratiquement par les travailleurs et travailleuses, permettant aussi enfin une approche préventive des soins de santé ;
- Il faut une campagne de vaccination aussi forte que possible pour lutter contre la pandémie, accompagnée d’une information publique transparente menée par des instances indépendantes du gouvernement et de Big Pharma. Pour une telle campagne de vaccination efficace ; toute la recherche scientifique et le développement doivent donc être placés sous contrôle et gestion publics ; il faut convaincre les non-vaccinés et non les réprimer ;
- Chaque personne à travers le monde doit avoir gratuitement accès au vaccin : pour la collaboration libre et complète de la communauté scientifique en toute transparence par la fin des brevets et de la propriété privée sur la connaissance scientifique, l’ouverture de la comptabilité des entreprises pharmaceutiques et leur nationalisation sous gestion et contrôle démocratique des travailleurs et travailleuses, et l’expropriation sans indemnisation de leurs installations, connaissances et matériels, sauf sur base de besoins prouvés.
Pour financer cela, les richesses existent largement, dans les comptes bancaires des ultra-riches et dans les paradis fiscaux, comme l’ont encore récemment révélé les Pandora Papers. Nationaliser les secteurs-clés de l’économie permettrait d’assurer que les richesses créées par nous-mêmes soient utilisées selon nos besoins.
Un tel programme offensif, assorti d’un plan d’action permettant la création d’un rapport de force favorable aux intérêts des jeunes et des travailleurs et travailleuses, c’est la meilleure manière de convaincre les sceptiques et même de les impliquer dans le combat pour une société débarrassée de la soif de profit et du chaos de l’économie de marché. Une lutte collective avec pour but d’arracher le contrôle des leviers politiques et économiques des mains de la classe capitaliste, et enfin pouvoir répondre pleinement aux besoins de tous et toutes.
Une société socialiste démocratique permettrait d’en finir avec l’incapacité qu’a notre société de répondre aux crises. La cupidité des ultra-riches y sera remplacée comme axe central de la société par une coopération et une solidarité internationales visant à satisfaire les besoins et les revendications de la majorité de la population.