Category: Politique belge

  • Inondations inédites : la solidarité comme dernier rempart

    Photo : Gwen Schiltz

    Le changement climatique est là – Arrachons les moyens nécessaires pour y faire face

    Ce vendredi matin, le bilan provisoire des intempéries et inondations record fait état de 14 morts en Wallonie. Les images apocalyptiques se sont succédé sans discontinuer sur nos écrans. Avec une constante : les manifestations de solidarité à la base et l’héroïsme des services de secours. Hélas, le courage de ces travailleuses et travailleurs était entravé par le manque de collègues et de matériel suffisants qui sévit déjà depuis de trop nombreuses années.

    Partout, des voisins ont prêté leurs pompes pour vider les caves et se sont organisés pour bloquer les soupiraux de leurs rues tandis que les propositions d’hébergement et d’aide ont rempli les réseaux sociaux. La réponse de la population ordinaire a été très impressionnante : de nombreux foyers se sont transformés en « centres de crise » pour héberger des dizaines de personnes. Des agriculteurs ont apporté leurs tracteurs, des ouvriers du bâtiment ont apporté des engins de génie civil… D’autres des canots à moteur ou autres engins flottants.
    Ce n’est que mercredi soir que le mécanisme de solidarité européenne a été activé et que la France a commencé à fournir des moyens matériels et humains, ainsi que l’Italie et l’Autriche. Notons que nos voisins d’Allemagne, des Pays-Bas et du Luxembourg étaient également durement touchés par les inondations.

    Une chose était claire dès mercredi après-midi, nos services étaient débordés. Jeudi après-midi, les autorités de la ville de Liège demandaient à la population vivant en bord de Meuse d’évacuer les lieux. Où aller ? Comment ? Aucune réponse de leur part, hormis « Liège possède belles collines, allez-y ». Merci pour ce conseil touristique. Visiblement, quasiment rien n’avait été prévu pour protéger les habitants de la plus grande ville de Wallonie, alors qu’il n’était pas compliqué de deviner qu’avec des précipitations cumulées de plus de 100l/m2 on aurait des crues record, avec la circonstance aggravante que le barrage de l’île Monsin ne pourrait pas jouer son rôle à cause des travaux de rénovation en cours.

    Que ce soit en matière de prévention ou de réaction, il faudra demander que les autorités rendent des comptes. Dans la plupart des cas, les habitants ont été livrés à eux-mêmes, dans des situations de détresse totale, surtout pour les personnes âgées ou à mobilité réduite. Seuls la solidarité de toute la population et l’héroïsme de certains ont permis d’éviter une catastrophe humaine beaucoup plus importante.

    L’austérité tue

    Les services de secours et les pompiers ont été débordés. Les autorités auront beau se réfugier derrière l’ampleur des événements, le manque de moyens est une décision politique criminelle. Il n’y a plus aujourd’hui dans le pays que deux casernes de la Protection civile : Crisnée (en Wallonie) et Brasschaat (en Flandre). Les quatre autres ont été fermées par une décision du gouvernement Michel et du ministre de l’Intérieur Jan Jambon. Les deux tiers des casernes ont donc été fermés et le personnel réduit. Les syndicats avaient alerté du danger à l’époque : « Les 11 millions de Belges seront mal protégés suite à cette réforme », déclarait ainsi Alex Neuprez, adjudant de la protection civile à Ghlin et délégué CGSP. « Avec cette diminution de casernes, on augmente considérablement le temps de trajet des équipes pour arriver sur un lieu de catastrophe. »

    Le gouvernement avait alors tenté de rassurer en disant que les budgets alloués aux pompiers augmenteraient. Mais le budget supplémentaire a été utilisé pour faire face à l’urgence (rénovation de casernes insalubres,…) et rien n’a été consacré aux tâches précédemment dévolues à la Protection civile. Car là aussi le manque de moyens est criant. Il n’y a d’ailleurs que 5.000 pompiers professionnels pour tout le pays, le reste étant des pompiers volontaires ayant donc une activité professionnelle à côté. Il leur est donc impossible de faire face à de telles situations dramatiques et d’enchaîner plusieurs journées sur le terrain.

    Gouverner, c’est prévoir

    Gouverner, c’est prévoir. Or, il y a eu de toute évidence un problème d’anticipation et même d’aveuglement volontaire. Certains pourraient répondre qu’il s’agit d’un phénomène météorologique tout à fait exceptionnel dont l’ampleur ne pouvait pas être prévue. Oui. Mais non. La potentialité de phénomènes météorologiques extrêmes était écrite noir sur blanc dans le 1er rapport du GIEC qui date de 1990. Page 122 : « Les variations des extrêmes hydrologiques en réponse au réchauffement global pourraient bien souvent être plus marquées que celles des conditions hydrologiques moyennes. Aussi l’étude des conséquences sociales des modifications des ressources en eau devra-t-elle être axée sur les variations de la fréquence et de l’étendue des inondations et des sécheresses. »

    30 ans déjà que l’on sait. Ou que l’on devrait savoir. Bien sûr, on ne peut pas empêcher la pluie de tomber, mais on peut adapter les infrastructures, rendre les sols moins imperméables, se préparer à faire face… Qu’ont fait les gouvernements successifs depuis 30 ans sur ce terrain ? Pire que rien. On a préféré démanteler la protection civile et consacrer au même moment un budget de 3,6 milliards d’euros pour des avions de chasse F35.

    Les dirigeants politiques responsables des politiques d’austérité devraient être trainés devant les tribunaux pour mise en danger d’autrui et non-assistance à personne en danger, des délits graves. Mais la Justice que nous connaissons est une justice de classe où l’on condamne scandaleusement des syndicalistes liégeois pour le blocage d’une autoroute durant une grève contre les réductions de budget.

    Imaginons quel rôle pourrait jouer une protection civile démocratiquement organisée et financée à hauteur des défis actuels pour donner tout son poids à la solidarité spontanée de la population que nous avons si merveilleusement vue à l’œuvre ?

    Il est grand temps d’en finir avec la logique de réduction budgétaire et de se battre pour des investissements publics massifs d’urgence dans la Protection civile et les services de pompiers. Nous avons aussi besoin d’investissements publics massifs dans les infrastructures pour faire face aux conditions météorologiques extrêmes liées au changement climatique (rappelons qu’en 2020, la chaleur a tué 1400 personnes en Belgique), mais aussi dans les logements sociaux pour offrir un toit aux personnes sinistrées et à toutes celles et ceux qui en ont besoin. Nous avons besoin de revoir les réseaux d’égouts et la manière dont les rivières sont gérées. Et, bien entendu, nous devons nous attaquer au défi climatique et assurer une transition énergétique verte le plus rapidement possible, sans que le prix en soit payé par les travailleuses et travailleurs, mais en saisissant publiquement les entreprises polluantes pour que la collectivité puisse en assurer la reconversion, dans le respect de la nature et des travailleuses et travailleurs. On ne contrôle pas ce que l’on ne possède pas !

    Cet événement tragique illustre une fois de plus à quel point le capitalisme nous envoie droit dans le mur. Plus que jamais nous avons besoin d’une société débarrassée du chaos de la logique de profits, une société démocratiquement planifiée, une société socialiste.

  • Un plan de relance pour les travailleurs ou taillé sur mesure pour les grandes entreprises ?

    La pandémie et son lot de restrictions sanitaires n’ont pas seulement été le déclencheur de la crise économique mondiale, il l’a approfondie et renforcée. Le développement du virus, la lenteur de la campagne de vaccination et les nouveaux « semi-confinement » ont éloigné la perspective d’une reprise rapide de l’économie en Europe et en Belgique sur base d’une reprise des exportations et de la consommation privée. 46% des entreprises belges prévoient de réduire leurs investissements, selon la Banque européenne d’investissement. La reprise doit dépendre presque entièrement de l’investissement public. Les dogmes néolibéraux ont volé en éclats. La « main invisible du marché » a dû céder sa place à la main directrice de l’État. Les normes budgétaires ont été suspendues et les robinets d’argent ouverts.

    Par Boris (Bruxelles)

    La perspective de participer à un gouvernement qui élabore une politique de relance a facilité la mise sur pied du gouvernement Vivaldi au fédéral. La Belgique prévoit, aux différents niveaux de pouvoir, un plan de relance de 13 milliards d’euros d’ici la fin de la législature, soit environ 3% du PIB. 5,9 milliards proviennent du plan de relance européen et 7,2 milliards supplémentaires doivent être répartis entre les différents niveaux de pouvoir. L’effort est moindre que chez nos principaux voisins. En raison de la dette nationale élevée et de son économie ouverte, la bourgeoisie belge considère qu’elle ne doit pas provoquer elle-même la reprise mais bénéficier des plans de relance des pays limitrophes et se contenter de soutenir cette dynamique.

    L’investissement public belge qui était encore de 4% du PIB dans les années 70 et même de 5% début des années ‘80 a fortement chuté dans l’ère néolibérale pour ne plus atteindre que 2% du PIB entre 1990 et 2005. L’effondrement des tunnels bruxellois, l’état des routes wallonnes ou encore les œuvres d’art des musées fédéraux entreposées dans des caves au vu de l’état des bâtiments n’étaient que la pointe de l’iceberg du désinvestissement public massif. Même le patronat a dû reconnaître que, dans son propre intérêt, un certain réinvestissement devenait nécessaire. En 2019, celui-ci a remonté à 2,6% du PIB. La coalition Vivaldi a fixé l’objectif de revenir à 3,5% du PIB en 2024 et 4% pour 2030.

    Bouée de sauvetage budgétaire

    Vu l’état de délabrement du bâti consécutif à trois décennies de coupes budgétaires, une grande part du plan de relance belge vise à rénover et isoler à tous les étages : bâtiments des pouvoirs locaux, scolaires, infrastructure sportives, IPPJ, logements sociaux,… mais aussi la Bourse, le Palais de Justice, le Palais Royal et autres projets de prestige. Par ailleurs les primes et subsides aux propriétaires privés pour rénovation et isolement seront augmentés afin d’accélérer le rythme extrêmement lent des rénovations actuelles. Mais tout cela sera insuffisant pour atteindre les objectifs climatiques puisque la Belgique détient l’un des bâtis les plus vétustes et les moins efficients d’Europe, responsable à lui seul de 18% des émissions de Co2. À côté de la rénovation, très peu est envisagée en termes de création de nouvelles infrastructures pour le logement, l’enseignement, les crèches,… alors que tout cela manque cruellement.

    Un autre volet concerne l’infrastructure pour la transition énergétique orientée vers l’industrie privée, en premier lieu la chimie, le métal et l’énergie. Il est notamment question d’une île énergétique en mer du Nord et d’un large réseau de transport d’hydrogène et de Co2 vers les principaux bassins industriels de Flandres et Wallonie ou encore du doublement de la capacité du transport de marchandises de la SNCB. Ici comme par le passé avec le nucléaire, c’est la collectivité qui investit et supporte les frais d’infrastructure nécessaires tandis que le privé empochera les bénéfices. Il n’en ira pas autrement pour la digitalisation, la recherche, la formation, les I-Tec, le déploiement de la 5G et de la fibre,…

    Trop peu, trop tard

    Ce plan de relance est trop limité et arrive trop tard. Il est taillé sur mesure pour les grandes entreprises. Avec les campagnes de Gauches Communes à Bruxelles, le PSL fut le premier, en 2012, à mener campagne contre le désinvestissement public massif et les pénuries à tous les niveaux. Nous défendons un plan radical d’investissements publics à partir des besoins de la population dans l’enseignement, la santé, le logement social, les transports en commun,… Nous lions cela à la nationalisation du secteur bancaire et financier afin de garantir la sécurité de l’épargne, des prêts bon marché et des aides aux indépendants et petites entreprises en difficulté sur base de besoins prouvés. Un secteur bancaire entièrement public permettrait de mobiliser l’épargne non plus pour la spéculation mais comme source de financement pour répondre aux besoins sociaux.

    Nous devons refuser de payer la dette publique, sauf aux petits détenteurs sur base de besoins prouvés. Il faut stopper les libéralisations et privatisations, mais aussi nationaliser les secteurs stratégiques dans l’économie tels que le transport, le secteur énergétique, les télécoms, la grande industrie,… pour mettre fin aux pénuries et prendre la résolution des problèmes sociaux et environnementaux à bras le corps. Il n’y a aucune issue favorable à la population sur base d’un système reposant sur la soif de profits, la concurrence et la propriété du capital. Les défis actuels exigent une planification démocratique de l’économie et un monde socialiste démocratique.

  • Un accord social aussi faible qu’éloigné de ce pour quoi nous avons fait grève le 29 mars

    Pour le gouvernement, cet accord social est un soulagement. Les mobilisations du mouvement ouvrier mettent après tout pression sur le gouvernement, tout particulièrement sur le PS qui ne peut se permettre d’être vu trop ouvertement comme l’auxiliaire du patronat. Le 1er mai, Frédéric Daerden proclamait à Liège : “avec le PS, le tout pour le patronat: c’est fini!” En même temps, ces dernières années, même lorsque le PS était au gouvernement, les règles ont systématiquement été ajustées de sorte que les contours dans lesquels des accords étaient possibles étaient taillés sur mesure pour les patrons.

    L’accord actuel ne déroge pas à la règle. Ce qui est positif, ce sont les avancées en termes d’emploi de fin de carrière à 55 ans, une forme de crédit-temps (mi-temps ou quatre cinquièmes). De nombreuses travailleuses et travailleurs plus âgés éprouvent des difficultés à rester au boulot à temps plein. A partir d’un certain âge, il est indispensable de travailler moins. Depuis le début de cette année, il n’était plus possible pour les travailleurs de moins de 60 ans de demander à bénéficier d’un emploi de fin de carrière en raison du non-renouvellement de la convention collective de travail. Aujourd’hui, la possibilité est de retour et il est possible de travailler un cinquième ou une moitié de moins à partir de 55 ans (contre 57 ans précédemment) en recevant une allocation compensatoire, pour autant que certaines conditions soient remplies. Cela a immédiatement suscité les protestations du chef de groupe N-VA à la Chambre, Peter De Roover. Ce n’est pas une surprise, il faudrait travailler jusqu’au cercueil pour ce parti de droite.

    Cette concession concernant suffit au gouvernement et aux patrons pour justifier le blocage de toute concession concernant l’assouplissement des fins de carrière (anciennement : les prépensions) (l’ancienne pension de retraite anticipée). Le principe des “RCC”, des pensions avec complément d’entreprise, restera en place tel quel, avec un accès possible à partir de 60 ans alors que les syndicats exigeait un retour à 58 pour les entreprises en restructuration et les professions lourdes.

    Les « socialistes » soulignent que les salaires minimums seront augmentés. La revendication syndicale de 14 euros minimum par heure correspond à 2.300 euros brut par mois. On en est loin, très loin. L’accord prévoit une augmentation du salaire minimum à 1.702 euros brut à partir d’avril prochain, une augmentation de 76 euros brut pour les jeunes de 18 ans, puis une augmentation de 35 euros par mois en 2024 et 2026. En d’autres termes, même dans cinq ans, on sera bien loin encore des 14 euros de l’heure ! L’accord prévoit même qu’une augmentation ne sera possible qu’à partir du 1er avril 2028, en fonction de l’évolution de la situation dans les pays voisins. De plus, le prix de cette augmentation salariale ne sera pas payé par les patrons, mais par la collectivité. Nous payons donc nous-même notre augmentation de salaire, alors que parallèlement la sécurité sociale est encore mise à mal par les réductions de charges patronales.

    Rien n’est dit concernant la norme salariale très limitée de 0,4 %. Les négociations se concentrent maintenant sur toutes les autres questions, mais en attendant, cette norme salariale reste sur la table avec seulement la possibilité d’une prime unique de 500 euros. En revanche, ce qui a été retenu, c’est l’augmentation de la flexibilité avec une facilité d’accès aux heures supplémentaires. Cette année et l’année prochaine, il est possible d’effectuer 120 heures supplémentaires “volontaires”. Cela revient à 2,5 heures par semaine. La semaine de 38 heures devient donc à nouveau une semaine de 40,5 heures sans devoir payer le surplus pour les heures supplémentaires. Les patrons bénéficieront même d’exonérations de cotisations sociales !

    Dans l’ensemble, il s’agit d’un accord très faible. Nous sommes bien loin des raisons pour lesquelles la grève du 29 mars a eu lieu. Il faut en débattre dans toutes les structures des syndicats pour le rejeter, et également discuter des prochaines étapes de la lutte qui s’imposent. De quel plan d’action et de quelle plate-forme de revendications avons-nous besoin pour mobiliser suffisamment dans le but d’obtenir de réelles victoires ?

  • Non à la privatisation de la Compagnie anversoise des soins

    Le Covid-19 a frappé particulièrement fort dans les centres de soins résidentiels, notamment là où il y avait trop peu de personnel. Le gouvernement flamand dispose d’une « liste noire » de 13 maisons de repos et groupes d’appartements de service présentant des problèmes récurrents. Douze d’entre eux dépendent du privé. Les centres de soins résidentiels aux mains du secteur privé reposent sur leur rentabilité, ce qui est désastreux pour les résidents et pour le personnel.

    Le conseil communal d’Anvers veut maintenant privatiser la Compagnie anversoise des soins (Zorgbedrijf Antwerpen). Il s’agit d’une organisation faîtière qui, tout comme le Réseau des hôpitaux d’Anvers, est issue des anciens services du CPAS. La Compagnie anversoise des soins emploie 4.000 personnes et gère 45 centres de services, des services à domicile tels que le nettoyage, 3.750 appartements de service et 18 centres de soins résidentiels. La privatisation a pour but d’attirer des capitaux supplémentaires, de bénéficier d’avantages fiscaux et de préparer une extension vers le reste de la Flandre. Des capitaux privés sont attendus de la part de groupes immobiliers, d’acteurs majeurs du « marché » des centres de soins résidentiels et de la Participatiemaatschappij Vlaanderen (PMV), présidée par le conseiller communal anversois Koen Kennis (N-VA).

    La Compagnie anversoise des soins sera scindée en une ASBL pour les soins et le personnel, une société privée pour la restauration, une société privée pour les services facilitaires et une société anonyme pour les biens immobiliers. Les syndicats ont dénoncé le bradage des soins dans une lettre ouverte contre la modification du décret du Parlement flamand, qui devrait rendre légalement possible la division déjà annoncée et votée de la société en question.

    La vente de celle-ci est la prochaine étape de la commercialisation des soins. Il y a quelques années, le conseil communal avait déjà tenté de confier la prise en charge des sans-abri à une multinationale. Alors que la pandémie qui sévit depuis un an et demi a démontré l’importance de soins de santé publics axés sur les besoins des personnes âgées, le conseil communal d’Anvers regarde dans l’autre direction. Vooruit (ex-SP.a), partenaire de coalition de la N-VA, a déclaré qu’un bon système de soins de santé « ne peut se passer d’un soupçon de capitalisme ».
    Selon Vooruit, le secteur privé gère également mieux l’immobilier que le gouvernement. Les liens étroits entre le conseil communal et le lobby de l’immobilier sont connus depuis un certain temps. Ils permettent non seulement aux grandes sociétés immobilières de réaliser des transactions très lucratives, mais ils signifient également qu’il n’y a pas d’investissement dans le logement social. En 2020, un total de seulement 29 logements sociaux ont été achevés, et le nombre total de logements sociaux a diminué pour la deuxième année consécutive. Quelle différence Vooruit fait-il dans la gestion d’Anvers ?

    Les soins de santé devraient entièrement être aux mains du public. Mais pas pour que les gestionnaires publics puissent mener la même politique que dans le secteur privé, c’est-à-dire proposer les services les plus chers possibles avec un personnel réduit à peau de chagrin. La Compagnie anversoise des soins est déjà l’acteur public le plus cher sur le marché des « soins résidentiels ». La prise en charge publique est nécessaire si l’on veut qu’elle soit humaine et chaleureuse : permettre aux personnes âgées de profiter de leur vieillesse dans des conditions optimales, avec un personnel suffisant, respecté et assurant un service de qualité.

    Stopper ce projet de privatisation exige de se battre. Ce sont les actions soutenues des travailleurs sociaux, des bénéficiaires du service, des étudiants et de toutes celles et ceux qui ont un faible pour le secteur social qui ont finalement empêché que la multinationale G4S ne touche pas au foyer pour sans-abri d’Anvers. Maintenant qu’il existe une large sensibilité sociale concernant le secteur des soins et les centres de soins résidentiels en particulier, il faut lancer une nouvelle campagne de masse avec un bon plan de bataille.

  • Imposons à l’agenda l’impôt sur la fortune!

    Le président américain Joe Biden veut taxer plus lourdement les sociétés et les gros revenus. Les conservateurs britanniques, le FMI et l’OCDE font des plaidoyers similaires. Veulent-ils que les riches paient pour la crise ? Et si oui, cela résoudra-t-il les problèmes croissants de l’économie capitaliste ? Et que va faire le gouvernement belge ? Saisira-t-elle l’opportunité d’une fiscalité plus équitable, ou espère-t-il au contraire, avec tout le patronat, que cela puisse lui procurer un avantage concurrentiel ?

    Par Éric Byl, édito de l’édition de mai de Lutte Socialiste

    « There is no alternative » ?

    Il est frappant de constater que ces propositions émanent précisément des pays et des institutions qui, il y a 40 ans, ont inauguré l’ère néolibérale. À l’époque, on louait la « main invisible du marché». Au nom du profit, les capitalistes ont déclaré une guerre de classe unilatérale contre les conquêtes des travailleurs. Les charges salariales devaient être réduites, la flexibilité accrue, nous devions faire toujours plus avec moins. L’incertitude, les libéralisations, les privatisations et les réductions d’impôts pour les entreprises et les hauts revenus régnaient. Le gouvernement devait se concentrer sur ses tâches essentielles : créer un climat accueillant pour les entreprises privées et fournir une bonne infrastructure. Mais pour le reste, il devait surtout dégraisser.

    C’est ce que nous a martelé la machine de propagande capitaliste. De nombreux travailleurs, des syndicalistes aussi, et certainement les politiciens de « gauche » ont été entraînés dans la logique. « There is no alternative » (TINA, il n’y a pas d’alternative) disait Thatcher, gourou par excellence du néolibéralisme. Ceux qui sortaient du cadre, comme le gouvernement français de l’époque, sous Mitterrand, ont fait face à une grève du capital et ont rapidement corrigé le tir. Mais le dégraissage de l’État est devenu une illusion. Dans l’ensemble, les dépenses publiques ont continué à augmenter. Une économie moderne et de haute technologie nécessite un enseignement et des infrastructures adaptés et donc plus coûteux. La réduction des services sociaux et l’augmentation du niveau d’exploitation se sont traduites par une augmentation des dépenses liées à la répression et par des déficits profonds dans le domaine des soins de santé. Enfin, la privatisation des bénéfices et la nationalisation des pertes lorsque les choses tournent mal, comme ce fut le cas en 2008/2009, coûtent des montagnes d’argent.

    De la spirale infernale à une augmentation des impôts ?

    À partir des années 1980, une guerre fiscale a fait rage entre les différents pays capitalistes, entraînant une course vers le bas. De 40 % en 1980, le taux officiel mondial moyen d’imposition des entreprises est tombé à moins de 24 %. En Belgique, le taux a été réduit de 45 % à 34 % dans les années 1980, puis à 25 % aujourd’hui à partir de 2017. Les taux les plus élevés de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, qui pouvaient atteindre 72 %, ont été ramenés à un maximum de 50 % en deux réformes. À partir des années 1980, les revenus du patrimoine ne sont plus ajoutés aux autres revenus, mais font l’objet d’un prélèvement libératoire avec des taux beaucoup plus faibles (15 à 25%). Aux États-Unis, Trump a réduit le taux d’imposition des sociétés de 35 % à 21 %.

    Biden veut maintenant ramener ce taux à 28 %, taxer plus lourdement les revenus supérieurs à 400.000 dollars par an et introduire un impôt minimum global de 21 % pour les sociétés. Les conservateurs britanniques veulent faire passer l’impôt sur les sociétés de 19 à 25 % en quatre ans. Le FMI veut une taxe de solidarité pour les hauts revenus et les entreprises qui ont bien tourné durant la pandémie. Outre le caractère limité – elles concernent moins de 10% des 2.300 entreprises visées par le plan initial de l’OCDE – ou temporaire de ces réformes, elles comportent également un fort élément nationaliste. Les multinationales seraient taxées en fonction de leurs ventes, un avantage pour les pays au niveau de vie plus élevé, ce qui favorisera également les délocalisations. De plus, Biden veut utiliser les sommes récoltées pour investir dans les infrastructures dans le cadre de la guerre froide avec la Chine. Mais il reconnaît du même coup implicitement l’échec de l’idéologie néolibérale et l’énorme mécontentement de la base de la société, qui mine le capitalisme et ses partis politiques.

    Les grandes entreprises et les riches n’accepteront pas cela à la légère. Les experts fiscaux bien rémunérés dissimuleront les revenus pour éviter l’impôt. Selon l’Alliance mondiale pour la justice fiscale, quelque 427 milliards de dollars de recettes fiscales sont perdus chaque année. Le taux d’imposition effectif moyen des sociétés aux États-Unis n’est que de 11,2 %. Et plus elles sont grosses, plus elles trouvent d’échappatoires. En 2019, les 50 entreprises bénéficiant du plus grand abattement fiscal en Belgique n’ont payé en moyenne que 1,7 % d’impôt sur les bénéfices, les 1000 premières entreprises selon les bénéfices réalisés ont payé en moyenne 6,3 %. En bref, nous sommes favorables à la taxation des riches, mais nous ne nous faisons pas d’illusions. Un véritable accès aux richesses passe par l’ouverture des livres de comptes et par la nationalisation des entreprises clés sous le contrôle démocratique des travailleurs et des opprimés et par une véritable coopération internationale.

    La justice fiscale

    Les propositions de Biden et consorts permettront-elles de relancer durablement l’économie ? Avec les interventions monétaires des banques centrales et les mesures de relance budgétaire, elles représentent un tournant majeur dans l’espoir de maintenir le capitalisme à flot. Cependant, elles sont insignifiantes par rapport aux phases précédentes qui ont conduit à une croissance soutenue. La Belle Époque, les années folles et l’État-providence d’après-guerre ont tous été précédés par des économies de guerre dans lesquelles le gouvernement a pris le contrôle total avec des investissements publics massifs. Les mesures de Biden se rapprochent plus de celles du New Deal de Roosevelt, mais elles n’ont pas suffi à sortir les États-Unis de la dépression des années 30 ; cela ne s’est produit que pendant et après la guerre.
    Le gouvernement belge va-t-il suivre le mouvement ? Lorsque nous voyons à quel point les incitations de « nos » gouvernements sont limitées, même par rapport aux normes européennes, cela ne semble pas bon. La FEB et, dans son sillage, les gouvernements belges, espèrent que les pays voisins interviendront et prendront le relais. En ce qui concerne la fiscalité, nous ne devons pas nous attendre à plus que quelques changements cosmétiques sauf sous grande pression du mouvement ouvrier. Cela aurait été l’occasion d’introduire une taxe du type que propose le PTB sur les millionnaires. Elle serait certainement appréciée dans l’opinion publique, mais elle ne nous sera pas donnée gratuitement. S’il y a jamais eu un moment pour que le PTB et les syndicats traduisent leur langage sur la justice fiscale en une mobilisation réelle et concrète, c’est bien celui-là.

  • La politique traditionnelle perd toute crédibilité

    Selon un récent sondage réalisé par Ipsos, les jeunes (18-34 ans) sont tentés par le Vlaams Belang (20%) au nord, par Ecolo (24%) et le PTB (24%) au sud, dans des proportions supérieures à leurs aînés. Le soutien aux partis traditionnels s’effondre.

    Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de mai de Lutte Socialiste

    Riposter contre la crise

    Le discrédit des trois familles politiques traditionnelles est flagrant dans tout le pays, et la crise économique et sanitaire l’a encore amplifié. La précarité a augmenté avec la mise en chômage temporaire à une échelle de masse et des indemnités insuffisantes pour s’en sortir. Des pans entiers de la classe travailleuse et de la jeunesse se retrouvent sans revenus avec la fermeture de l’Horeca, l’évènementiel et la culture notamment, pendant de très longs mois. Les sans-papiers se retrouvent plus que jamais sans ressource et vulnérables face à la présence policière.

    Comme le souligne « l’Appel pour un Premier Mai de Lutte »(1) à l’initiative de la CGSP-ALR (Administration locale et régionale) à Bruxelles : « Alors que des secteurs entiers s’écroulent, d’autres tournent à plein régime. La pharmaceutique, la logistique et la grande distribution par exemple. Pourtant, le patronat tente de bloquer la hausse hors indexation des salaires à 0,4% pour 2021-2022. Pourtant, de l’argent, il y en a : 17 des 20 plus grandes entreprises cotées à la Bourse de Bruxelles ont distribué des dividendes en 2020 pour un total de 5 milliards d’euros ! Le salaire annuel des dirigeants du BEL 20 a augmenté de 50% entre 2014 et 2019. Notre classe, la classe travailleuse, a vu le salaire minimum réel (en prenant en compte la hausse des prix) baisser depuis 1996 ! »

    Le vieil argument « sans nous ce serait pire » des sociaux-démocrates et d’ECOLO a certainement regagné de la vigueur après l’austérité dure des années Michel. Mais l’ampleur de la crise est là. Et les effets d’annonces cosmétiques ne suffiront pas à calmer la colère sourde qui grandit dans la société.

    Pour une gauche offensive et cohérente

    Comment riposter à ce soutien pour l’extrême droite en Flandre ? La question avait été posée à Conner Rousseau, le jeune président de Vooruit, le nouveau nom du SP.a. « On doit retrouver notre crédibilité autour de ces thèmes. En Flandre, nous sommes trop restés sur la défensive. On doit réintroduire le concept de solidarité. » Lors de l’annonce officielle du changement de nom, le 21 mars dernier, Rousseau est resté très énigmatique quant à ce qu’il entendait par « solidarité ».

    Peut-être est-il lui-même bien conscient qu’il lui est préférable de rester silencieux… Parmi ses précédentes déclarations dans la presse, on trouve la suppression des allocations familiales pour les investir dans l’enseignement ou l’accueil de la petite enfance. Drôle de manière d’envisager la solidarité… « Tout doit pouvoir être débattu », dit-il. On se souvient qu’il avait évoqué la possibilité d’empêcher momentanément les personnes victimes d’addiction d’avoir des enfants. Comment imagine-t-il la chose ? Faire avaler la pilule de force ? La Ligue des Familles avait réagi : « Oui, ces parents et leurs enfants rencontrent des difficultés importantes, mais ils ont besoin d’un accompagnement adéquat. Conner Rousseau confond lutte contre la précarité et les addictions et lutte contre les familles précaires. »

    Avec une gauche pareille, pas étonnant que l’extrême droite puisse progresser… Le problème pour Vooruit, c’est que, depuis les années 1980, la social-démocratie a accepté le dogme néolibéral et a participé à des gouvernements qui ont imposé à la classe ouvrière la baisse du pouvoir d’achat, la pauvreté et les privatisations. La gestion de la crise et l’opposition aux luttes des travailleurs pour des emplois et des services décents (la seule façon de bloquer les préjugés racistes) ont renforcé le déclin de la social-démocratie, ce qui a facilité la croissance de l’extrême droite. Heureusement, il y a maintenant plus de soutien pour le PVDA (nom du PTB en Flandre). Chez les jeunes, ce chiffre s’élève à 10%, selon le sondage mentionné ci-dessus.

    Le PS est-il différent ? La pression du mouvement syndical et du PTB est plus forte. Cela oblige le président du PS Paul Magnette à reprendre les revendications du mouvement ouvrier, au moins en paroles. Il parle de soins de santé gratuits et de davantage de logements sociaux, alors que le PS a participé à des gouvernements qui ont réduit les soins de santé et refusé d’investir dans le logement social. Magnette aime dire que le PS peut présenter des résultats, alors que le PTB ne fait rien. À en juger par les indicateurs que sont les problèmes sociaux, il y a vraiment quelque chose qui ne ne tourne pas round après autant d’années de participation au pouvoir…

    Dans des interviews accordées à De Standaard et au Soir, Magnette a déclaré : « Dans le Bel20, dix-sept entreprises ont versé des dividendes en pleine crise. Les actionnaires obtiennent plus et les travailleurs n’obtiennent rien. Cette lutte, c’est le cœur du socialisme et en cela je serai toujours du côté des travailleurs. » Pour vraiment briser la norme salariale de 0,4 %, la loi sur les salaires doit changer. Cependant, Magnette a rejeté une proposition de loi du PTB et du député PS Marc Goblet à cette fin comme étant de la « pure communication » pour laquelle il n’y a « de toute façon pas de majorité ». La séparation de l’enveloppe bien-être pour les allocations sociales les plus faibles de la norme salariale est un pas en avant. Mais en fait, le PS fait la même chose que les patrons : jouer sur les allocations les plus basses pour imposer un blocage des salaires. Le ministre PS Dermagne a annoncé que la norme salariale de 0,4% interviendra si les partenaires sociaux ne trouvent pas d’accord d’ici le 1er mai. Quelle est la position de Magnette sur son « soutien à 200% » de la grève sur les salaires ? De la « pure communication » ?

    Ce qu’il faut aujourd’hui est : mobiliser ce mécontentement dans l’action collective. C’est la seule manière d’assurer qu’il ne se transforme pas en ce cynisme dont raffolent l’extrême droite et les populistes de droite. Le PTB/PVDA a un rôle à jouer dans ce processus. Comme nous l’avons fait remarquer dans notre dernier article sur le projet de loi Goblet-Hedebouw : « Pour remporter la victoire, le projet ne doit pas se limiter à une initiative parlementaire. C’est par la lutte de masse que le changement est possible et que, dans le passé, des conquêtes sociales ont été arrachées. »

    L’action doit partir non pas de ce que les autres partis ou les médias trouvent « acceptable », mais de ce dont la classe ouvrière a besoin. Bien sûr, des propositions de loi peuvent aider à clarifier la position réelle du PS ou d’Ecolo, mais le mot d’ordre « Votez pour nous aux prochaines élections » est totalement insuffisant. Il faut entrer en action autour d’un programme et d’une alternative pour susciter l’enthousiasme et rendre crédible les changements pour lesquels nous nous battons. Une gauche cohérente doit renforcer les mouvements de lutte et populariser la nécessité d’une transformation socialiste de la société.

    La classe ouvrière doit faire entendre sa voix

    Un programme socialiste ne part pas de ce que proposent les sociétés de marketing, mais de ce dont la classe ouvrière a besoin : un emploi décent pour tous avec un allègement de la charge de travail par une réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires ; plus de moyens pour les soins de santé afin qu’une pandémie ne domine pas nos vies pendant des mois ; des logements abordables grâce à un programme massif de construction de logements sociaux ; des services publics de qualité tels que l’enseignement, la garde d’enfants mais aussi la culture ; des pensions et des allocations sociales décentes afin que personne ne doive vivre dans la pauvreté ; la régularisation des personnes sans papiers ; la protection de l’environnement…

    Cela se heurte à l’appât du gain des gros actionnaires et des capitalistes, c’est pourquoi il va falloir nous battre et jeter un pont entre nos inquiétudes quotidiennes et la transformation socialiste de la société. Seule l’unité de la classe ouvrière est capable d’organiser et d’imposer ce changement. À cette fin, nous devons prendre en main les leviers de l’économie, en nationalisant les secteurs clés sous le contrôle démocratique de la collectivité. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons décider nous-mêmes de la manière d’utiliser les richesses et les technologies disponibles dans l’intérêt de la majorité de la population et de la planète. Nous ne voulons pas réformer ou moderniser le capitalisme, il faut le remplacer par le socialisme.

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    La résistance sociale à l’époque du Covid-19

    Alors même que les conditions pour organiser la lutte sociale et se réunir ont été rendues très compliquées par les restrictions sanitaires (sans compter l’impact de la pandémie en termes de décès, de dépressions…), les mobilisations sociales n’ont pas manqué depuis le début de la pandémie.

    Le 29 mars a connu la première grève nationale de la pandémie, pour des salaires plus élevés et un minimum de 14 euros de l’heure. Ce n’est pas qu’économique : il s’agit aussi du respect de celles et ceux qui font tout fonctionner en temps de coronavirus. Auparavant, ces luttes sociales ont joué un rôle majeur pour imposer et faire respecter des mesures sanitaires et l’accès aux équipements de protection sur le lieu de travail. Les travailleurs de la santé ont mis en lumière le manque de ressources en tournant le dos à la Première ministre de l’époque, Sophie Wilmès, et, en septembre, la première grande manifestation de la santé avait réuni 7.000 personnes.

    Le premier confinement a commencé peu après la Journée internationale des femmes, le 8 mars 2020, et la manifestation qui a rassemblé 10.000 personnes à Bruxelles. Depuis lors, des journées d’action contre la violence à l’égard des femmes (25 novembre) et à l’occasion de la Journée internationale des femmes ont été organisées avec succès, en plus des actions en faveur du droit à l’avortement. La campagne ROSA a joué un rôle important à cet égard.

    Vers la fin de la première vague de la pandémie, des actions ont été menées par les personnes sans papiers, ce qui a conduit à la création de l’Union des Sans-Papiers pour la Régularisation (USPR). Les manifestations de Black Lives Matter aux États-Unis ont été suivies chez nous d’actions contre le racisme et les violences policières. Ces dernières semaines, diverses actions étudiantes ont également eu lieu. Les travailleurs du secteur artistique et culturel ont également commencé à occuper le Théâtre Nationale Bruxelles-Wallonie et la Monnaie.

  • Négociations salariales au point mort ? Poursuivons le combat pour de meilleurs salaires !

    Grève du 29 mars.

    La marge proposée de 0,4% maximum d’augmentation salariale en plus de l’indexation est une insulte pour tous les travailleurs. Les patrons ne veulent toutefois pas s’en écarter. Le gouvernement a prétendu offrir une ouverture sous la forme de primes uniques, mais même sur ce point, les patrons ne veulent pas négocier sérieusement. Ils s’en tiennent à la norme salariale fixée par la loi sur les salaires et ils savent que le gouvernement, même avec le PS en son sein, n’est pas prêt à toucher à celle-ci.

    Le PS est dans l’embarras : le parti s’est engagé à respecter la loi sur les salaires de 1996 dans le cadre de l’accord de coalition. Le mieux que le parti peut proposer est de “contourner” la loi par des primes uniques. Les patrons sont résolument opposés à des négociations libres sur ces dernières dans les entreprises et les secteurs. En fait, cette proposition n’a jamais eu la moindre chance d’aboutir. Une autre mesure, qui représente un réel progrès, consiste à séparer l’enveloppe sociale des allocations et pensions les plus basses, l’enveloppe bien-être, de la discussion sur la norme salariale. Ces allocations les plus faibles n’ont en soi rien à voir avec la norme salariale, il est donc naturel de les séparer. Les patrons ont utilisé cette liaison pour faire chanter les syndicats : faute d’accepter l’inacceptable au niveau des salaires, les allocations et pensions les plus basses n’augmenteraient pas non plus. Les allocations les plus basses étaient prises en otage par la cupidité des patrons peu enclins à montrer à leur personnel le moindre respect.

    Les patrons étaient dans une position confortable pour les négociations salariales : le gouvernement a annoncé qu’il imposerait la norme de 0,4% en l’absence d’accord entre partenaires sociaux. Si vous pouvez obtenir ce que vous voulez sans accord, pourquoi se donner la peine d’essayer d’en conclure un en accordant des concessions moins favorables que ce qui sera de toute façon imposé ? Les négociations sont bloquées parce que cette proposition de 0,4 % est inacceptable. Les règles relatives à la norme salariale ont été modifiées ces dernières années de sorte que les patrons n’ont pas à formuler de revendications : ce qu’ils veulent est devenu la règle. Idem avec le PS au gouvernement. La solution des primes uniques dans certains secteurs est insuffisante. Pour briser des normes salariales inacceptables, la loi sur les salaires doit disparaître.

    “S’il y a quelque chose d’inquiétant dans l’échec des négociations salariales, c’est ce manque de compréhension de la manière dont se construit la prospérité”, a-t-on pu lire hier dans l’édito de De Tijd. Selon le journal économique, ce sont les entrepreneurs qui créent la richesse en investissant. Le fait est que la valeur est créée par notre travail. Sans notre travail, leur capital ne vaut pas un balle. Toute discussion sur les salaires vise à déterminer qui obtient quelle part de la valeur que nous produisons. Les patrons souhaitent une part aussi importante que possible pour eux-mêmes et leurs actionnaires. Avec plus de 5 milliards d’euros de dividendes, les actionnaires des entreprises du BEL20 n’ont pas à se plaindre de l’année 2020. Les patrons et leurs porte-parole veulent nous faire oublier au plus vite que ce sont les salariés qui font tout fonctionner et portent le monde sur leurs épaules.

    Le directeur général de la FEB, Timmermans, a déclaré : “Lorsqu’il y a de l’argent à distribuer, les syndicats sont toujours au premier rang. Chaque fois que les choses deviennent difficiles, ils font un pas de côté. Je le déplore.” Timmermans aurait-il oublié qui nous tire d’affaire en ces temps difficiles ? Ce sont les travailleurs ordinaires de la santé et d’autres secteurs vitaux. Il est scandaleux que les patrons agissent maintenant comme si rien ne s’était passé l’année dernière. 40 % des contaminations sont liées aux lieux de travail. Ce sont les travailleurs qui prennent les plus grands risques dans cette crise. Mais pour la FEB, risquer sa santé est secondaire par rapport au risque qu’un actionnaire ne puisse pas transférer des millions dans des paradis fiscaux.

    L’argument le plus souvent invoqué est celui de la crise. “Si quelqu’un doit faire preuve de solidarité, ce sont les employés”, écrit Bart Haeck dans De Tijd. On connaît donc les porte-voix des patrons : ce n’est pas le directeur avec 2,64 millions d’euros par an qui doit être solidaire, mais la vendeuse avec 12 euros de l’heure. Par ailleurs, le même journal faisait remarquer avant-hier que les chefs d’entreprise n’ont jamais été aussi optimistes en dix ans. Ils s’attendent à une relance de l’économie aux deuxième et troisième trimestres, en partie grâce aux plans de relance du gouvernement. Les patrons constatent le virage de la politique menée : soudainement, de l’argent est disponible. Ils veulent que tout cet argent aille directement dans leurs poches. Bien entendu, ils passent sous silence les mesures prises aux États-Unis, qui permettent aux travailleurs ordinaires de recevoir une petite part de l’argent disponible. Le but de ce chèque de 1400 dollars par Américain est de maintenir l’économie à flot, de sauver le système capitaliste, et non de soutenir ceux qui luttent. Les patrons belges espèrent bénéficier de la croissance économique résultant de ce type de mesure. Dans le même temps, ils ne veulent pas voir le pouvoir d’achat de leur propre personnel s’améliorer.

    Que devons-nous faire maintenant ? Le ministre PS Dermagne est prêt à réunir à nouveau les partenaires sociaux, mais seulement s’il y a une chance de succès. Tant qu’il n’y a que 0,4% sur la table, aucun accord n’est possible. Parmi les travailleurs, il y a une détermination pour entrer en action. C’est apparu clairement lors des journées d’action de février et lors de la grève nationale du 29 mars. Sans accord salarial national, pas de paix sociale. De nouvelles actions seront nécessaires, sinon les patrons resteront simplement assis à leur table pendant que le gouvernement leur fait le service.

    Nous devons poursuivre notre lutte sur la lancée de la grève du 29 mars. Comment faire? On se souvient du plan d’action de 2014 contre le gouvernement Michel, qui a malheureusement été arrêté par le sommet syndical après le succès retentissant de la grève générale du 15 décembre. Un tel plan d’action doit être discuté et préparé de toute urgence. Cela démontrerait clairement à quel point nous sommes sérieux. C’est aussi nécessaire pour convaincre les couches de travailleurs hésitantes à rejoindre le mouvement. De cette manière, nous pouvons briser la norme salariale et la loi sur les salaires.

  • Le logement abordable, c’est possible !

    Photo : Jean-Marie Versyp

    Pour un plan massif de construction et de rénovation des logements sociaux

    Le marché du logement est hors de prix. En Flandre, le loyer est en moyenne de 778 euros par mois. Il s’agit même de 1.166 euros à Bruxelles ! En 25 ans, les prix d’achat ont quadruplé et les loyers ont augmenté de 40%. Sans surprise, il y a toujours plus de sans-abris.

    Par Jeroen (Courtrai)

    En mars 2021, pour la première fois, un recensement scientifique du nombre de sans-abri a été réalisé dans les villes d’Arlon, de Liège, de Gand, de Louvain, dans la province du Limbourg et dans la Région de Bruxelles-Capitale. Dans la région de la capitale, on note une augmentation de 28 % du nombre de sans-abris depuis 2018. Le sans-abrisme se féminise et se rajeunit. Le nombre d’enfants sans-abri est passé de 600 en 2018 à 933 en 2020. Ailleurs, des enfants vivent également dans la rue : 401 ont été recensés à Gand, 78 à Liège.
    Celles et ceux qui ont encore un toit doivent creuser plus profondément leurs poches pour le conserver. Le gouvernement flamand a estimé qu’en 2018, un ménage sur cinq a consacré plus de 30 % de ses revenus au logement. Pour les locataires du marché privé (c’est-à-dire hors logement social), ce pourcentage passe à 52 %.

    2020, une « année record » pour le secteur de l’immobilier

    Pour les investisseurs, les agents immobiliers et les entreprises de construction, la hausse des prix est une bonne nouvelle. Le secteur considère l’année 2020 comme une « année record ». En Flandre, les prix d’achat ont augmenté en moyenne de 5 % en 2020, et même de 8,1 % à Bruxelles pour atteindre 426.130 euros. Saint-Gilles fait figure d’exception avec une augmentation moyenne de plus de 12 % !
    Cette tendance se poursuit sur le marché locatif. À Gand, les loyers des appartements ont augmenté de 4,1 %, passant de 767 à 800 euros par mois. À Anvers, le loyer est en moyenne de 946 euros par mois. Dans une commune bruxelloise pauvre comme Molenbeek, le loyer moyen d’un appartement est de 855 euros par mois. Avec un seul salaire, on ne peut pas s’en sortir, encore moins avec une allocation. Le groupe d’experts de De Tijd prévoit que les prix continueront d’augmenter en moyenne de 2 % par an jusqu’en 2025.

    Comment expliquer cette augmentation ?

    La Banque nationale de Belgique estime que la surévaluation du marché immobilier belge a doublé en un an pour atteindre 13,5 % en 2020. Les maisons belges sont donc « trop chères » et elles le deviennent de plus en plus. Les propriétaires veuillent faire le plus de profit possible tandis que les locataires ou les acheteurs ont de toute façon besoin d’un toit. Ils ne peuvent pas attendre que les prix soient plus favorables pour se loger. La pénurie de logements sociaux et les listes d’attente interminables pour en bénéficier ne permettent pas d’exercer une pression à la baisse sur les prix du privé. Parallèlement, la hausse des prix rend très intéressant d’investir dans l’immobilier en espérant un joli et rapide bénéfice.

    La crise sanitaire a incité de nombreuses personnes à chercher un nouveau logement qui rende le confinement plus agréable avec un balcon, un jardin ou un bois à proximité. C’est souvent inabordable dans le contexte de villes systématiquement plus inégalitaires. Les projets de prestige et le city marketing ne visent pas seulement les touristes mais aussi les habitants plus riches dont l’arrivée repousse les plus pauvres des quartiers populaires.

    Les communes sont-elles démunies pour agir ?

    Avec le marketing urbain, les villes favorisent la gentrification (le déplacement des habitants les plus pauvres) et la hausse des prix plus qu’elles ne les combattent. D’autre part, les liens sont souvent étroits entre les responsables politiques locaux et les promoteurs immobiliers. Le site d’information Apache.be a par exemple exposé les liens entre la société Land Invest Group et des figures politiques de premier plan d’Anvers et de Liège.

    Le problème ne peut être résolu uniquement au niveau des villes. Mais il est totalement faux d’affirmer que rien ne peut être fait. Une majorité communale véritablement à gauche devrait analyser la situation, cibler ce qui est nécessaire à entreprendre et se battre pour exiger des autorités supérieures qu’elles fassent bien plus qu’actuellement.

    Dans de nombreuses villes et communes, il existe déjà des taxes sur les bâtiments ou les terrains vides. Mais face aux énormes profits à réaliser, c’est à peine si les spéculateurs les remarquent. Pourquoi ne pas exproprier le potentiel inutilisé pour fournir suffisamment de logements sociaux aux mains de la collectivité ? La loi Onkelinx de 1993 offre d’ailleurs une possibilité légale d’exproprier des bâtiments vacants pour loger les sans-abris.

    Briser la rapacité par la lutte

    En entrant en lutte, nous pouvons remporter des victoires. En 2019, dans le Land allemand du Brandebourg (qui comprend Berlin), un gel des loyers a été appliqué sous la pression d’un large mouvement social. Rien qu’à Berlin, 300.000 familles auraient droit à une baisse des loyers. Cependant, le mouvement va plus loin et exige l’expropriation du propriétaire privé Deutsche Wonen, qui gère plus de 3.000 propriétés à Berlin. Faire de ces propriétés des logements sociaux ne profiterait pas seulement aux résidents mais exercerait également une pression à la baisse sur les loyers de manière générale.

    En Belgique, la part des logements sociaux est en baisse depuis des décennies. En 2016, elle ne représentait que 5,6 % du total des logements en Flandre, 5,3 % en Wallonie et 7 % en Région bruxelloise. Nous ne nous opposons pas seulement à l’appétit de profit de la mafia du béton et des propriétaires, mais nous défendons un plan massif d’investissements publics dans le logement social. Il n’y a pas d’autre voie vers un logement social durable, de qualité et abordable avec suffisamment de poids pour faire baisser tous les loyers.

  • Bruxelles. Appel pour un Premier mai de lutte

    Signataires de l’appel : CGSP ALR Bruxelles, FGTB Bruxelles, CGSP AMIO IRB, Actrices et Acteurs des temps présents, La coordination des sans-papiers de Belgique, L’Union des Sans-Papiers pour la Régularisation, Le Théâtre National occupé et ouvert, Gauche anticapitaliste, Féminisme Yeah!, INTAL, PSL-LSP, Campagne Rosa, Savoir Pourquoi asbl, Coalition KAYA, Révolution / Vonk, Links Ecolologisch Forum (LEF) – Forum Gauche Ecologie (FGE), Grec.ques solidaires de Belgique, « Tout Autre Chose-Ath-Pays vert et Pays des Collines », POUR.PRESS, PCB-CPB, Gresea, CLP-KVD, CADTM, Équipes populaires Bruxelles, Comité des Travailleur.se.s sans-emploi de la CSC Bruxelles

    • Vous souhaitez signer l’appel, contactez-nous sur premiermaidelutte@gmail.com
    • Evénement Facebook

    Le premier mai est depuis 1886 une journée de référence internationale pour les combats des travailleuses et travailleurs, avec ou sans emploi, avec ou sans papiers,… La pandémie bouscule nos pratiques militantes, mais les raisons de notre colère sont plus valables que jamais : nous appelons à être présent.e.s dans l’espace public ce premier mai 2021 pour le rappeler, de façon unitaire et combative.

    Chômage et précarité en hausse, avarice capitaliste

    Un an après le début de la pandémie, la précarité a augmenté avec la mise en chômage temporaire à une échelle de masse, avec des indemnités insuffisantes pour s’en sortir. Des pans entiers de la classe travailleuse et de la jeunesse se retrouvent sans revenus avec la fermeture de l’Horeca, l’évènementiel et la culture notamment, pendant de très longs mois. Les sans-papiers se retrouvent plus que jamais sans ressources et vulnérables face à la présence policière. Alors que des secteurs entiers s’écroulent, d’autres tournent à plein régime. La pharmaceutique, la logistique et la grande distribution par exemple. Pourtant, le patronat tente de bloquer la hausse hors indexation des salaires à 0,4% pour 2021-2022. « C’est la crise, braves gens », osent-ils ! Pourtant, de l’argent, il y en a : 17 des 20 plus grandes entreprises côtées à la Bourse de Bruxelles ont distribué des dividendes en 2020 pour un total de 5 milliards d’euros ! Le salaire annuel des dirigeants du BEL 20 a augmenté de 50% entre 2014 et 2019. Notre classe, la classe travailleuse, a vu le salaire minimum réel (en prenant en compte la hausse des prix) baisser depuis 1996 !

    Une gestion autoritaire de la crise sanitaire qui crée la détresse sociale

    Si la nécessité de mesures de prévention et de protection fortes pour enrayer l’épidémie est évidente, l’incohérence gouvernementale est frappante : à l’absence de contraintes et de sanctions pour les entreprises répond la sévérité face à la jeunesse. Couvre-feu, interdictions de rassemblements, cours en ligne pour les adolescent.e.s et les étudiant.e.s… Du côté des travailleur.se.s, la mise en place du télétravail a conduit à des abus patronaux en termes de contrôle et d’incursion dans la vie privée, de temps de travail ou de disponibilité. Depuis un an, la violence d’Etat, sous prétexte des mesures sanitaires, s’aggrave au quotidien. Plusieurs personnes l’ont payée de leur vie, la présence policière visant particulièrement les personnes issues des quartiers populaires, racisées et jeunes. Plutôt que d’assurer un revenu et un logement décents pour tou.te.s, l’Etat a choisi de s’attaquer aux plus précarisé.e.s d’entre nous. L’isolement social s’aggrave, il ne nous reste qu’à produire et à consommer. Et il est difficile pour une caissière de supermarché qui voit 800 client.e.s sur une même journée de travail d’accepter une « bulle sociale de 1 personne ». Résultat de cette gestion libérale et autoritaire : une délégitimation grandissante de la politique sanitaire dans son ensemble et un terreau fertile pour des récits individualistes (« moi, je veux profiter, les fragiles n’ont qu’à s’isoler»), de déni (« le virus n’existe pas » ou « n’est rien d’autre qu’une grippe »), voire complotistes (« le plan d’un nouvel ordre mondial », etc.).

    Les femmes et les soins en première ligne

    La crise a mis les femmes en première ligne : travailleuses des métiers essentiels (santé, enseignement, grande distribution), elles sont aussi les premières à faire les frais de la crise. Bas salaires, chômage, risque sanitaire. Avec le confinement, elles sont d’autant plus touchées par les violences conjugales. Ce sont elles aussi qui ont dû effectuer la majeure partie du travail du soin et jongler entre tâches ménagères et travail salarié. La crise met en avant la situation terriblement inégale des femmes dans nos sociétés.

    Le capitalisme nuit gravement à la santé : des secteurs non-essentiels ne sont jamais fermés, l’économie doit tourner à tout prix, tant pis pour les nombreux foyers de contamination. Au plus fort de la première vague, les travailleur.se.s travaillaient sans masques, en pénurie de gel hydroalcoolique. Aujourd’hui encore dans de trop nombreux secteurs et de trop nombreuses entreprises, le patronat rechigne impunément à assurer les conditions matérielles de respect des mesures pour les travailleur.se.s. Les enseignant.e.s et élèves n’ont jamais reçu les moyens suffisants pour un travail sûr en présentiel ni pour s’adapter au distanciel ! La production et la distribution de vaccins sont une autre facette de la gabegie capitaliste : concurrence entre groupes pharmaceutiques, dans la recherche, le brevetage des produits et des processus, production industrielle en-deçà des capacités, distribution totalement inégale des vaccins à l’échelle mondiale, laissant les pays du Sud global sur le carreau… Le secteur reste guidé par le profit, même quand les mort.e.s se comptent par millions. Les besoins sociaux nécessitent de lever les brevets sur les vaccins – dont la recherche est très largement financée par de l’argent public – et de mettre tout en œuvre, y compris le contrôle public du secteur, pour les produire et les distribuer massivement à travers le monde. Nos gouvernements et les dirigeants de l’Union européenne préfèrent s’en remettre au chaos du marché.

    Les mouvements sociaux résistent

    Les mouvements sociaux ont continué, malgré des conditions très difficiles et des restrictions inouïes sur les libertés démocratiques (de se réunir, s’organiser, s’exprimer, se rassembler dans l’espace public), sans compter l’épidémie elle-même qui a déjà coûté la vie à de nombreuses travailleur.se.s et précaires. Les sans-papiers ont été les premiers à tirer la sonnette d’alarme, dès le début de la première vague, pour des raisons de survie immédiate. Récemment, de nouveaux collectifs et de nouvelles occupations ont démarré, pour la régularisation ainsi que pour le droit au logement. Le mouvement féministe a continué à mobiliser autour du 8 mars et tout au long de l’année écoulée, contre les violences sexistes, en particulier les violences conjugales, mais aussi pour le droit à l’IVG. Le mouvement contre les violences policières et contre le racisme structurel a manifesté malgré les intimidations et la répression. Le mouvement syndical et ouvrier est reparti en action et en grève pour refuser l’avarice patronale et réclamer de véritables hausses de salaires pour tou.te.s, ainsi que le droit de retrait (STIB). Les travailleur.se.s des arts et de la culture occupent Théâtre national et à la Monnaie. Les syndicats de la santé et la Santé en lutte ont continué leur travail de longue haleine face à l’incurie gouvernementale. La jeunesse étudiante a également commencé à se rassembler pour offrir une perspective concrète et solidaire face à la détresse de milliers de jeunes.

    Nous appelons donc les travailleur.se.s, leurs organisations syndicales et les mouvements sociaux à faire front et à être en lutte dans l’espace public en ce Premier mai 2021.

    Retrouvons-nous à 10h30, dans le respect des mesures sanitaires, à la place De Brouckère, lieu symbolique d’une ville dévouée au commerce, à deux pas des occupations de la Monnaie, du Théâtre national et du Béguinage ‼

    • Face au chômage massif, réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires !
    • Stop à la précarisation des jeunes et à la chasse aux chômeur.se.s !
    • Pour un enseignement public, gratuit, critique et accessible à toutes et tous !
    • De l’argent il y en a, augmentation des salaires ! Pour un salaire minimum de 14€ par heure !
    • Des pensions légales dignes pour tous : une pension de 1500€ net minimum !
    • Stop au sexisme : des moyens pour la lutte contre les violences faites aux femmes !
    • Stop au racisme, aux discriminations à l’embauche, au logement et dans le système scolaire !
    • Avec ou sans papiers, nous sommes tous des travailleurs/travailleuses : régularisation de tou.te.s les travailleuses/ travailleurs sans papiers !
    •  Défense des Services publics, le patrimoine de ceux qui n’en ont pas : refinancement et renationalisation !
    • Si l’environnement était une banque, il serait déjà sauvé ! Investissements massifs pour une véritable transition écologique !
    • Stop à la criminalisation des mouvements sociaux !
    • Pour des soins de qualité accessibles à toutes et tous. Levée des brevets sur les vaccins et sur la production pharmaceutique dans son ensemble !
    • Des moyens pour une culture accessible, en toute sécurité, à toutes et tous !
  • Accord interprofessionnel : A bas la loi de 1996 !

    Dehaene. Photo : Wikimedia Commons

    Le patronat et le gouvernement Vilvaldi (Open VLD, PS, MR, Ecolo, CD&V, sp.a, Groen) veulent utiliser la loi de 1996 pour imposer un accord interprofessionnel limitant toute hausse de salaire à 0,4 %. C’est quoi cette loi ? Qui a fixé le plafond à 0,4 %?

    Par Guy Van Sinoy

    Conseil Central de l’Économie

    Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, la bourgeoisie a mis sur pied une série d’organes de concertation. A l’échelon des entreprises : les Comités de Sécurité et Hygiène et les Conseils d’Entreprise. A l’échelle nationale : le Conseil National du Travail et le Conseil Central de l’Économie. L’objectif du patronat était de surveiller et de canaliser les revendications du monde du travail. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le statut des délégations syndicales, organes de revendication dans les entreprises, a été instauré beaucoup plus tard.

    Aujourd’hui le Conseil Central de l’Économie (CCE) se compose de 48 membres effectifs (24 représentants du patronat(1) et 24 représentants du monde du travail(2). Bref, une usine à gaz où les mandats syndicaux sont noyés dans une mer de mandats hétéroclites. Ce CCE n’a aucun pouvoir de décision, mais uniquement une compétence d’avis, notamment sur la marge de hausse éventuelle des salaires lors d’un accord interprofessionnel.

    La loi de 1996 et les accords interprofessionnels

    En 1996, le gouvernement Dehaene II (CD&V, PS, SP, PSC) a instauré une loi permettant de bloquer les salaires et de transformer les avis indicatifs du Conseil Central de l’Économie en matière de hausse salariale en normes impératives.

    C’est ainsi que les hausses de salaires ont été plafonnées sous le gouvernement Leterme à 0 % en 2011 et à 0,3 % en 2012 ; 0 % en 2013 et en 2014 sous le gouvernement Di Rupo, ; 0,3 % en 2015 et 0,5 % en 2016 sous le gouvernement Michel.

    Les accords interprofessionnels qui permettaient, avant 1996, de faire progresser les salaires dans les secteurs syndicalement faibles, se sont transformés en véritables carcans qui bloquent les salaires dans tous les secteurs.

    0,4 % … une misère !

    Aujourd’hui le gouvernement Vivaldi prétend imposer un maximum de hausse salariale de 0,4 %. Une vraie misère ! Par exemple pour le secteur des titres services (salaire horaire brut de 11,35€) cela représenterait une augmentation de 45 centimes de l’heure ! Alors que pour atteindre le montant de 14€ de l’heure (soit 2.300€ brut par mois) il faudrait pour ce secteur une hausse de 2,65€ de l’heure (23,34%).

    De nombreuses autres professions connaissent aussi des salaires plancher : livreurs de colis, chauffeurs de taxi, déménageurs, chauffeurs de camions dont les salaires varient autour des 12,50€ à 13,00€ brut de l’heure. Des dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs exercent un métier pénible en échange d’un bas salaire, alors que le coût de la vie ne cesse d’augmenter.

    Vers l’épreuve de forces

    Les trois syndicats refusent l’aumône de 0,4 %. La FGTB et la CSC ont publié le 15 mars un journal de 8 pages (La Gazette des salaires) et appellent à une grève interprofessionnelle le lundi 29 mars. Quelques figures de droite ont poussé de hauts cris à l’annonce de la grève du 29 mars : Pieter Timmermans (président de la FEB), Georges-Louis Bouchez (président du MR). Inutile de préciser qu’ils ne sont pas personnellement concernés par les 14€ de l’heure.

    Paul Magnette, président du PS, a déclaré à la presse qu’il soutenait la grève du 29 mars, non pas à 100 %, mais à… 200 %!. Excusez du peu ! Magnette a-t-il oublié que le blocage des salaires a aussi eu lieu sous le gouvernement Di Rupo (2013 et 2014) ? Ou bien est-il inquiet face aux résultats du dernier sondage RTL-Le Soir réalisé en Wallonie et à Bruxelles qui prévoit une nouvelle progression électorale du PTB?(3)

    Pour la liberté de négocier, aucun salaire inférieur à 14€ l’heure !

    Pour que la journée de grève du lundi 29 mars ne soit pas une action isolée, elle doit être suivie d’un plan d’actions allant crescendo vers la grève générale. La grève ne sera pas facile, notamment en raison du télétravail généralisé. Les piquets et les cortèges de rue devront tenir compte des règles de distanciation. Mais pandémie ou pas, la lutte de classes ne s’arrête pas.

    • A bas la loi de 1996 !
    • Pour la liberté de négocier !
    • Aucun salaire inférieur à 14€ l’heure (2,300€ par mois)!

    1) 10 FEB, 4 Chambres de commerce, 4 Indépendants et PME, 1 Boerenbond, 1 Agriculture wallonne, 1 Sociétés forestières, 1 Unisoc.
    2) 8 FGTB, 8 CSC, 2 CGSLB, 3 Coopératives socialistes, 3 Coopératives chrétiennes.
    3) En Wallonie : PS 22,8%, MR 20,1%, PTB 19% , Ecolo 16,5%, CdH 8,7%, Défi 3,9%. A Bruxelles : Ecolo : 18,2%, PS : 16,8 %, MR : 16,4 %, PTB : 16 %, Défi : 11,4 %, CdH : 4,5 %.

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