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Category: Politique belge
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Élu au salaire moyen des travailleur.euse.s : une tradition du mouvement ouvrier
Ces dernières semaines, le PTB a marqué des points en concentrant ses attaques dans les parlements et les médias sur les nombreux avantages que s’octroient les élu.e.s. Suppléments de pension supérieurs aux plafonds légaux, allocations de retraite particulièrement élevées : ça s’est passé dans tous les parlements et tous les partis traditionnels (et moins traditionnels) étaient parfaitement au courant. Le choc est d’autant plus grand que nos pensions et notre niveau de vie ont été l’objet d’une offensive permanente ces dernières années.
Malgré les révélations concernant les pensions d’Herman De Croo (Open VLD) et de Siegfried Bracke (N-VA), on entend surtout leurs partis parler aujourd’hui de la manière dont ils entendent trouver de l’argent auprès… des chômeurs et des malades ! L’argument selon lequel ils ignoraient combien ils gagnaient eux-mêmes ne tient évidemment pas la route. Ils savent au centime près combien nous touchons en étant au chômage, en étant malade ou en travaillant (histoire de dire que c’est trop), ils connaissent donc très bien leurs propres revenus.
La campagne du PTB est qualifiée par la droite de « nid à crasses » (selon Jean-Marie Dedecker, un expert en la matière) et par les médias de l’establishment comme « antipolitique ». Lorsque nos salaires et nos allocations sociales sont attaquées, nous n’entendons jamais de telles accusations… Apparemment, la politique consiste à s’attaquer à nos conditions de vie tandis que questionner les somptueuses allocations de celles et ceux mènent cette offensive serait « antipolitique ».
L’un des arguments les plus forts des élu.e.s du PTB dans ce débat est qu’ils et elles vivent de l’équivalent du salaire moyen d’un.e travailleur.euse. Concrètement, cela signifie qu’ils et elles ne sont pas emportés par le style de vie du monde des députés et autres cadres de haut vol. Ils et elles restent les deux pieds sur terre, dans la réalité de la classe travailleuse. Ils et elles viennent d’un autre monde que celui de Jean-Marie Dedecker et consorts.
La tradition des élu.e.s au salaire moyen d’un ouvrier est ancrée dans le mouvement ouvrier. Elle remonte à la Commune de Paris de 1871, une révolution ouvrière qui a tenté de construire une nouvelle forme d’État. La Commune de Paris n’a duré que 72 jours, mais elle a jeté les bases de ce que pourrait être un État des travailleur.euse.s. Ce n’est pas un hasard si Lénine a accordé une grande attention à la Commune dans son livre « L’État et la révolution » et si nombre de ses enseignements ont marqué de leur emprunte la révolution russe et les débuts de la construction d’une société différente qui ont suivi.
Pour Karl Marx, la Commune de Paris était « la première révolution du prolétariat », « la forme politique de l’émancipation sociale, de la libération du travail par la prise de possession des moyens de production, qui sont créés par les travailleurs eux-mêmes ou sont des dons de la nature ». L’une des nouveautés de la Commune de Paris était que les élus ne gagnaient pas plus que les personnes qu’ils représentaient. Privés de confort excessif ou de mandat synonyme d’enrichissement personnel, ils connaissent à tout moment les besoins et les conditions de celles et ceux qu’ils représentaient.
Marx expliquait : « La Commune fut composée des conseillers municipaux, élus au suffrage universel dans les divers arrondissements de la ville. Ils étaient responsables et révocables à tout moment. La majorité de ses membres était naturellement des ouvriers ou des représentants reconnus de la classe ouvrière. La Commune devait être non pas un organisme parlementaire, mais un corps agissant, exécutif et législatif à la fois. Au lieu de continuer d’être l’instrument du gouvernement central, la police fut immédiatement dépouillée de ses attributs politiques et transformée en un instrument de la Commune, responsable et à tout instant révocable. Il en fut de même pour les fonctionnaires de toutes les autres branches de l’administration. Depuis les membres de la Commune jusqu’au bas de l’échelle, la fonction publique devait être assurée pour un salaire d’ouvrier. Les bénéfices d’usage et les indemnités de représentation des hauts dignitaires de l’État disparurent avec ces hauts dignitaires eux-mêmes. Les services publics cessèrent d’être la propriété privée des créatures du gouvernement central. Non seulement l’administration municipale, mais toute l’initiative jusqu’alors exercée par l’État fut remise aux mains de la Commune. »
Par la suite, Lénine a souligné quelques règles de base importantes pour tout État ouvrier avaient été établies par la Commune de Paris : 1) la soumission permanente à la révocation des personnes élues ; 2) l’impossibilité pour tout fonctionnaire élu de gagner plus que le salaire moyen d’un ouvrier ; 3) la transition immédiate vers un régime où tout le monde peut exercer des fonctions de contrôle et de surveillance dans la mesure où tout le monde devient un « bureaucrate » pour une période déterminée afin que personne ne puisse réellement devenir un bureaucrate. À cela s’ajoute la nécessité de remplacer l’armée permanente par le peuple en arme.
Cette forme politique d’émancipation sociale était une partie importante de la lutte pour la transformation de la société, mais elle n’en constituait qu’une partie. Marx notait dans son analyse de la Commune de Paris : « De même que la machine d’État et le parlementarisme ne sont pas la vie réelle des classes dominantes, mais seulement les organes généraux organisés de leur domination – les garanties, formes et expressions politiques de l’ordre ancien – de même la Commune n’est pas le mouvement social de la classe ouvrière et donc pas le mouvement du renouveau général de l’humanité, mais ses moyens d’action organisés ». L’exécution des tâches administratives locales et nationales « au salaire de la classe ouvrière » était un élément important de la réforme politique de la Commune.
Depuis lors, le principe selon lequel les représentants élus du mouvement ouvrier doivent vivre avec un salaire moyen d’un ouvrier est courant dans son aile radicale. Il a été adopté par les marxistes russes qui, après la révolution, ont également introduit une tension salariale maximale (rapport entre les salaires les plus élevés et les plus bas) dans la société. Il est important de veiller à ce que les élu.e.s soient à la hauteur du niveau de vie de leurs électeur.trice.s. En outre, le salaire moyen des travailleurs est également important pour barrer la route aux carriéristes qui cherchent à s’enrichir personnellement en profitant du mandat de la classe ouvrière.
Le principe d’un.e représentant.e élu.e au salaire moyen des travailleur.euses.s a toujours été utilisé et mis en œuvre par notre organisation. Dans les années 1980, les députés britanniques de la Tendance Militant vivaient du salaire moyen d’un ouvrier, à la grande colère de la direction du parti travailliste. Ces dernières années, nos député.e.s irlandais.e.s ont fait de même, et aujourd’hui Mick Barry (député irlandais) et Kshama Sawant (membre du Conseil de la ville de Seattle) font de même. Tout ce que ces élu.e.s gagnent de plus que le salaire moyen d’un.e travailleur.euse est versé dans un fonds de solidarité utilisé pour soutenir les luttes de la classe travailleuse.
Il est extrêmement positif que le PTB suive également cette tradition. Il est ainsi mieux placé pour dénoncer les profiteurs. Ce n’est pas antipolitique ; au contraire, cela met en évidence un élément de classe qui est manifestement présent dans la politique également. Cela met en évidence une différence entre les politicien.ne.s qui représentent les intérêts de la classe capitaliste et celles et ceux qui sont du côté de la classe travailleuse et qui, par conséquent, vivent comme celles et ceux qui la composent.
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Tax the Rich… Oui! Mais comment?
La question d’un gouvernement de gauche en Wallonie en 2024 est déjà au centre du débat public. Un tiers des Wallon.ne.s et Bruxellois.es souhaite que le PTB participe au pouvoir. Parmi les électeurs du PTB, c’est même 86 % ! La pression est énorme pour que le parti parvienne à conclure un accord de coalition avec le PS à l’issue des élections de 2024. Dans quel contexte ? Un retour de l’austérité à hauteur de 5 milliards d’économies par an, conclut le comité ministériel restreint de la coalition fédérale Vivaldi. La Sécurité sociale, les pensions et les allocations sociales sont dans la ligne de mire de la droite et du patronat. Tous les carcans budgétaires qui avaient volé en éclat lors de la crise sanitaire de 2020 sont en train d’être remis en place.
Par Boris Malarme
Un gouvernement de gauche en Wallonie ?
Un gouvernement de gauche en Wallonie ne devra pas limiter son programme à ce qui est possible à la marge et aux mesures symboliques. Signifier un changement tangible dans le quotidien de la population, cela implique de partir des besoins réels à combler. Concrètement, il FAUT un plan radical d’investissements publics. Dans les soins de santé (a-t-on besoin d’une nouvelle pandémie pour en illustrer la nécessité ?). Dans l’enseignement (combien de plafonds doivent encore s’effondrer dans des classes, comme à Charleroi fin mars ?). Dans les crèches (le personnel de la petite enfance a crié sa colère fin avril à Bruxelles). Dans des transports publics gratuits (les modes de déplacement les moins émetteurs de CO2 après la marche et le vélo). Dans la création de suffisamment de logements sociaux au sein d’un plan global de révision de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire et de la gestion des rivières (il y en a-t-il vraiment qui estiment que les inondations de 2021 ne seraient qu’un accident en pleine crise climatique ?).
La planification écologique, économique et sociale qui s’impose nécessitera un gouvernement de désobéissance qui refuse les carcans budgétaires. Des initiatives audacieuses seront nécessaires pour mobiliser le mouvement des travailleur.euse.s afin de construire un rapport de force favorable tout en développant des liens solides avec le mouvement ouvrier en Flandre et à Bruxelles.
À l’occasion de la présentation du livre du PTB « Fais le Switch », Raoul Hedebouw a comparé le programme de son parti au New Deal de Roosevelt (1934-38) ou à la politique du gouvernement de Front populaire en France (1936-38). Il s’agit affectivement d’un programme de relance de l’économie capitaliste via l’investissement public (le keynésianisme). L’idée est ici d’accroître les plans de relance existant tout en mettant un terme aux Partenariats-Public-Privé (PPP) où la collectivité prend les dettes à charge et le privé empoche le profit. Raoul a par contre loupé l’occasion de souligner la lutte de la classe travailleuse aux États-Unis en 1934 (et l’intervention remarquable des révolutionnaires, pour la stimuler) ou encore la puissante vague de grèves avec occupation d’usines de 1936 en France, à un cheveu de déboucher sur une révolution socialiste. Au lieu de regarder vers les mouvements à la base de la société, le PTB concentre son attention sur l’action des autorités et conclut qu’à l’instar de cette époque, celles-ci doivent aujourd’hui « mobiliser l’épargne privée et aller chercher l’argent chez les plus riches ». En bref, financer le « Switch » via une banque publique et un impôt sur les fortunes.
Banque publique ou nationalisation du secteur?
« Je rencontre beaucoup de gens qui regrettent la CGER et qui sont enthousiastes à l’idée de créer une nouvelle entité de ce type», explique Raoul Hedebouw. Mais une banque publique qui subit la compétition des banques privées dans un marché capitaliste sera rapidement mise sous intense pression pour entrer en concurrence avec les rendements spéculatifs. C’est d’ailleurs ce qui explique que nous n’avons plus de CGER aujourd’hui. Une fois qu’une banque publique fonctionne comme une du privé, la suite logique est tout simplement d’en devenir une. Le secteur financier devrait être retiré de la logique de marché dans sa totalité et être entièrement nationalisé sous contrôle de la collectivité. On en finirait ainsi avec la spéculation tout en finançant les multiples investissements publics nécessaires.
La banque Belfius, détenue par l’État, a déjà menacé de couper l’accès aux prêts au futur gouvernement wallon en cas d’arrivée au pouvoir du PTB car il y aurait danger de dépenses excessives et de perte de contrôle de la dette publique wallonne. Raoul Hedebouw a répondu : «Belfius se comporte exactement comme le monde des affaires et des banques s’est comporté avec la Grèce, où tout a été mis en place pour étouffer ne fut ce qu’une tentative de politique de gauche». Il a raison. Et la menace doit être prise au sérieux.
Les défis de la Taxe des millionnaires
Le PSL est favorable à une taxe des millionnaires telle que le défend le PTB. Mais nos détracteurs menacent directement d’une fuite des capitaux et on peut leur faire confiance. Le PTB réagit en expliquant que le phénomène serait marginal. Après tout, dit-il, l’impôt sur la fortune (ISF) en France ne représentait que 2% de l’assiette fiscale au moment de son abolition par Macron. La proposition d’une taxe des millionnaires à hauteur de 8 à 10 milliards d’euros annuellement comme le propose le PTB représente plus de deux fois le montant de l’ISF français dans une économie six fois plus petite. On parle de l’équivalent de 12 ISF ! D’ailleurs l’introduction du premier impôt sur la fortune en France en 1982 par le gouvernement PS-PCF a entraîné une fuite des capitaux inédite. Des riches ont traversé la frontière suisse avec des coffres de voitures remplis de cash et de lingots d’or !
Le programme commun PS-PCF dépassait d’ailleurs de loin le programme actuel du PTB, avec entre autres la nationalisation de 36 banques et de cinq grands groupes industriels. Mitterrand et son gouvernement ont tenté de convaincre le patronat du bienfait de leur politique de relance keynésienne par l’investissement public. Mais la classe dominante redoute la moindre politique de gauche capable de donner confiance au mouvement ouvrier. Le sabotage patronal de l’économie et la pression des marchés a fait céder le gouvernement. La première mesure du «tournant de la rigueur» (1983) fut l’abolition de l’indexation automatique des salaires.
La confrontation avec le capital est inévitable et on ne se prépare pas à l’intense bras de fer à venir en entretenant l’illusion que la dictature des marchés peut être domestiquée. À la fuite des capitaux, il faudra riposter par la nationalisation du secteur financier sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité. Aux lockouts patronaux et délocalisations, il faudra riposter par la réquisition des outils de travail et la nationalisation pour sauver l’emploi. À la crise de la dette et l’étouffement financier des marchés, il faudra riposter par le non-paiement de la dette publique, avec indemnités uniquement pour de petits investisseurs sur base de besoins prouvés. Voter PTB sera la meilleure option électorale pour la classe travailleuse en 2024. Mais la construction parallèle d’un parti révolutionnaire tel que le PSL est parfaitement cruciale.
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Leurs profits, adversaires de notre caddie et du personnel
Brisons la dictature des marchés !
Au supermarché, à chaque passage en caisse, on a la peur au ventre : des dizaines d’euros pour presque rien. On paye 30% de plus que l’an dernier pour des produits de première nécessité comme les légumes, les fruits, le pain, les œufs… Les prix flambent et nos salaires sont à la traîne. Affaiblie par différentes manipulations, l’indexation des salaires n’a été que de 10 % sur la même période. Ça ne suit pas le rythme ! Nous le voyons bien, les fins de mois commencent toujours plus tôt.
Par Michael Bouchez
La vie devient encore plus dure pour la classe travailleuse, mais ce n’est pas la crise pour tout le monde. Les actionnaires de Delhaize, Colruyt ou encore Engie empochent des bénéfices record sur notre dos. Les profits d’Ahold Delhaize ont progressé de 13% en 2022. La même année, la multinationale pétrolière ExxonMobil a doublé ses bénéfices (une augmentation de 100 % donc)… Le transfert de richesses du travail vers le capital est constant et gigantesque.
Nous payons deux fois !
La classe travailleuse paie doublement les profits des actionnaires. Une fois à la caisse, une nouvelle fois en subissant l’assaut patronal contre les salarié.e.s. En dégradant nos salaires et nos conditions de travail, le taux d’exploitation augmente. Nous devons produire plus, encore plus vite, avec en échange des salaires riquiqui. Voilà ce qui se cache derrière la tentative de franchisation de Delhaize: assurer des profits (encore) plus juteux aux dépens de notre pouvoir d’achat. C’est un avant-goût de la direction que continuera de prendre la société en respectant les étroites frontières du capitalisme.
Riposter par des revendications offensives
Le 1er Mai, c’est le jour par excellence où la classe travailleuse devrait célébrer son passé de luttes et de conquêtes sociales. À l’origine, il était question de résistance contre l’horreur du capitalisme du 19e siècle. Les conditions de travail actuelles chez PostNL (où de jeunes adolescents travaillent pour une misère), la tentative de franchisation, le dumping social et les attaques contre les piquets de grève chez Delhaize sont autant d’illustrations de la volonté farouche du capital de renouer avec ce monde du 19e siècle.
Le 1er Mai, c’est l’occasion de célébrer l’héroïque classe ouvrière qui a arraché des conquêtes sociales par la lutte collective. Aucun congé, aucune augmentation de salaire, même d’un demi-centime, n’est tombé du ciel. Au contraire. Chaque centime supplémentaire de salaire ou de pensions, chaque pas en avant pour la sécurité sociale et chaque jour de congé est le fruit d’une lutte acharnée, du syndicalisme de combat et d’un programme de transformation de la société.
Ne nous contentons pas de la simple commémoration des luttes, le meilleur travail de mémoire qui soit, c’est de passer à l’action pour affronter les enjeux actuels. Chaque attaque contre nos salaires, nos conditions de travail et notre pouvoir d’achat doit être confrontée à une riposte de l’ensemble de la classe travailleuse pour imposer des revendications telles que la restauration intégrale de l’indexation afin qu’un caddie de course ne soit pas un produit de luxe. Ou une augmentation immédiate de tous les salaires de 2 euros de l’heure pour toutes et tous, ce qui implique de briser la loi de 1996 sur la norme salariale. Ou de se battre avec l’ensemble de la classe travailleuse pour repousser la franchisation chez Delhaize, la spirale descendante des conditions de travail du personnel de la distribution et du commerce de détail, mais aussi l’attaque contre le droit de grève.
Une autre société
Tant que la dictature des marchés persistera, les entreprises feront tout pour intensifier l’exploitation et maximiser leurs profits pour renforcer leur position sur le marché. Nos conditions de vie s’opposent diamétralement à la recherche de profits. Le 1er Mai devrait être une journée de lutte en faveur d’une alternative au capitalisme : une économie démocratiquement planifiée respectueuse de la planète dans une société socialiste dirigée pour et par la classe travailleuse.
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Les capitalistes n’en ont jamais assez – Tract de 1er mai du PSL/LSP
Soutenez la lutte du personnel de Delhaize – Leur combat, c’est aussi le nôtre !

Le patronat veut nous faire les poches à deux reprises : en augmentant les prix à la caisse et en faisant baisser le « coût » de notre travail, alors que c’est NOUS qui produisons les richesses ! Si la mise sous franchise passe chez Delhaize, d’autres patrons suivront la voie.
Pour stopper ça – et les nombreuses attaques contre le droit de grève – nous avons besoin de tout le poids du mouvement des travailleur.euse.s ! Participez à la manifestation nationale de l’ensemble du secteur de la distribution le 10 mai et à la grève nationale de la distribution couplée à une manifestation interprofessionnelle le 22 mai en solidarité avec le personnel de Delhaize. Tou.te.s ensemble, nous pouvons vaincre !
Les patrons veulent une société où les emplois flexibles mal payés constituent la norme et où faire grève est plus difficile. C’est tout le contraire que nous voulons ! Le 1er mai ne doit pas seulement être un jour férié pour commémorer les luttes de la classe travailleuse des siècles passés. C’est aussi une journée de lutte pour les revendications urgentes dont nous avons besoin face à l’horreur du capitalisme du 21e siècle.
La classe travailleuse française nous montre la voie
Partout, les salaires sont à la traine sur la cherté de la vie. Partout, les gouvernements tentent de s’en prendre à nouveau aux travailleur.euse.s et à leurs familles. Ici aussi, les partis de l’austérité se préparent pour de nouvelles attaques. La lutte en France est riche d’enseignements cruciaux.
93 % de la population active s’oppose à la réforme des retraites. Pourtant, Macron a imposé sa loi de malheur. Un mouvement historique a vu le jour, rassemblant tous les secteurs en lutte. Et ce n’est pas fini. Tous les grands syndicats appellent à une mobilisation de masse ce 1er mai. Notre organisation sœur Alternative Socialiste Internationale (ASI) – France appelle à l’organisation de la « grève générale reconductible » avec des comités d’action et de grève anti-Macron pour transformer ce que veulent les travailleur.euse.s en force réelle !
Les années de pandémie ont illustré qui fait réellement tourner la société. Aujourd’hui, avec les actions « Robin des Bois » en France, la classe travailleuse a également montré un aperçu de ce à quoi pourrait ressembler une autre société. Les grévistes de l’énergie ont organisé la fourniture gratuite de gaz et d’électricité à travers le pays pour des écoles, des hôpitaux, des HLM, des centres sportifs publics et des associations. Ils et elles ont rétabli la distribution pour les personnes déconnectées pour défaut de paiement et offert un tarif réduit allant jusqu’à 60 % pour les petits commerçants. L’initiative et la mise en place de ces actions ont été décidées et coordonnées sur le lieu de travail. Voilà comment la richesse produite par les travailleur.euse.s peut être gérée de manière démocratique et socialement juste.
Pour des coalitions de gauche et un impôt sur la fortune ! Mais sous quelles conditions ?
Le scandale des pensions des députés montre l’hypocrisie des partis de l’austérité. Celles et ceux qui veulent économiser sur tout n’hésitent pas à se servir pour eux-mêmes. Grâce aux élu.e.s du PTB, qui vivent avec l’équivalent du salaire moyen d’un.e travailleur.euse, cette hypocrisie est enfin combattue !
En Wallonie et à Bruxelles, le PTB peut même devenir le deuxième parti et, en Flandre, il peut également faire un grand bond en avant. Avec des coalitions conclues avec le PS et Vooruit, le PTB pourrait obtenir plusieurs bourgmestres et échevins et, en Wallonie, la possibilité d’un gouvernement de gauche suscite beaucoup d’enthousiasme. Un tiers des Bruxellois.es et des Wallon.ne.s souhaitent que le PTB participe à un gouvernement. La perspective d’un gouvernement qui donnerait enfin une voix à la classe travailleuse est un grand pas en avant.
Ce débat public doit être l’occasion de discuter au sein du mouvement des travailleur.euse.s du programme d’une telle coalition. Il devrait partir des besoins existants et ne pas se limiter à ce qui serait possible en respectant le carcan budgétaire. Si un tel gouvernement veut réellement appliquer son programme, la confrontation avec l’élite capitaliste est inévitable. Le mouvement des travailleur.euse.s doit s’y préparer. Belfius menace déjà d’assécher financièrement le gouvernement wallon si le PTB y rentre après 2024. Une telle asphyxie financière a été utilisée en Grèce à l’époque pour faire capituler Syriza. Le PTB semble vouloir calmer les esprits en faisant la concession de rester dans le cadre du système. Ce serait une erreur.
Dans un tel scénario de grève du capital, la question de la nationalisation de l’ensemble du secteur financier sous contrôle de la collectivité doit être mise à l’ordre du jour, afin de mobiliser les financements nécessaires et de mettre fin à la spéculation. Les entreprises qui s’enfuient avec leurs capitaux devront être saisies par le mouvement des travailleur.euse.s. Une stratégie parlementaire et électorale qui ne nous prépare pas à affronter le capitalisme restera impuissante. Nous avons besoin d’une politique révolutionnaire. Voter pour le PTB est la meilleure option électorale. Mais la construction du PSL, un parti révolutionnaire, est absolument indispensable pour triompher !
Stop au Vlaams Belang, stop à l’extrême droite ! Contre toute forme d’oppression – Pride is a protest !
Si nous n’y parvenons pas, l’extrême droite risque de parvenir à dévier la colère. Dans les sondages, le Vlaams Belang est d’ores et déjà le plus grand parti de Flandre. C’est un danger non seulement pour beaucoup de personnes LGBTQIA+ et de personnes issues de l’immigration, mais aussi pour l’ensemble de la classe travailleuse ! Pendant ce temps, leur discours « anti-woke », ainsi que celui de la NVA et d’autres conservateurs de droite, encourage l’intimidation et la violence LGBTQIA+phobe suivant la logique de « diviser pour régner ». Le meilleur antidote, c’est la lutte, l’organisation et un programme qui répond concrètement aux besoins sociaux.
La Campagne ROSA organise des actions, des délégations et des campagnes « Pride is a protest » à Bruges, Bruxelles, Gand, Liège et Anvers dans les mois à venir ! Contactez-nous pour y participer !
La lutte pour une alternative socialiste révolutionnaire, ça vous parle ?
Rejoignez le PSL – Parti Socialiste de Lutte (Linkse Socialistische Partij en Flandre) et son organisation internationale, Alternative Socialiste Internationale (ASI)
C’est évident : les crises du capitalisme menacent l’humanité et la planète. Plus que jamais, Marx et le socialisme révolutionnaire sont d’actualité. Mais comment transformer les idées en une force politique et sociale capable d’arracher un changement de société ?
Rejoignez un parti qui en fait sa raison d’être. Contactez-nous, discutez avec un.e de nos membres et découvrez-nous en participant à nos activités et à nos réunions ! info@socialisme.be ou 0472436075 (Michael)
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Démission de Sarah Schlitz : la droite instrumentalise ses faiblesses
Si Sarah Schlitz (ECOLO) était dans le collimateur de la N-VA – et des autres éléments de droite dure dans la majorité – c’est très clairement dû à son discours en faveur des droits des femmes et des personnes LGBTQIA+. Dans la presse, elle a été qualifiée de progressiste, voire de « radicale ». Elle dénotait dans un gouvernement de droite qui continue d’expulser des Afghanes, qui mène des attaques qui impactent l’indépendance financière des femmes et qui est sous le coup de 8000 condamnations pour non-respect de l’État de droit sur les questions liées au droit d’asile… Siéger dans un tel gouvernement ne semblait pas conciliable avec son discours : soit on abandonne ses principes, soit on se fait éjecter. Il semble ici que ça soit les deux.
Réaction de la Campagne ROSA à la démission de Sarah Schlitz
Deux poids, deux mesures
L’ancienne Secrétaire d’État à l’Égalité des genres, l’Égalité des chances et à la Diversité, Sarah Schlitz, a aidé à mettre sur le devant de la scène le problème majeur que constitue le sexisme et la LGBTQIA+phobie. C’est de loin la Secrétaire d’État à l’Égalité des chances qui s’est le plus distinguée au travers notamment d’une hyper-communication permanente qui a certainement servi à visibiliser les problématiques, mais s’est souvent limitée à ça. Elle s’est positionnée comme étant en phase avec les associations de terrain.
La droite lui reproche d’avoir imposé son logo personnel à des associations pour l’obtention de subsides. Rien de neuf sous le soleil… L’hypocrisie de la N-VA, qui a dénoncé ces agissements, est sans limite. Sarah Schlitz a perpétué un fonctionnement problématique. Zuhal Demir (N-VA), qui a occupé le même poste durant la précédente législature, en avait également été accusée. Une telle personnalisation des subsides restreint toute possibilité pour les associations d’émettre un avis critique quant à la politique menée par le gouvernement. Pour Demir, de simples excuses au Parlement ont suffi. Qu’est-ce qui diffère cette fois-ci ? Un mensonge au Parlement ? Peut-être, mais ce n’est clairement pas le principal.
Loi pour lutter contre les féminicides, projet d’introduction de la notion de consentement dans le Code pénal, création de 10 CPVS… Voilà quelques-uns des projets portés par l’ancienne Secrétaire d’État à l’Égalité des chances. Ces réformes, pourtant minimales, ont suffi à attirer la hargne des réactionnaires de tous bords. Ils étaient à l’affut du moindre prétexte pour se lancer à l’attaque. C’est ici encore une illustration du « backlash » antiféministe, un retour de bâton après une décennie d’essor des luttes féministes à travers le monde.
La politique, une affaire d’individus ?
Avec les bonnes personnes au bon endroit, beaucoup estiment qu’un changement social pourra voir le jour. Nous vivons cependant dans une société structurellement inégalitaire. Les 1% de Belges les plus riches détiennent un quart de toutes les richesses et possèdent plus de richesses que les 70% les plus pauvres. L’expérience nous prouve que dans une telle société, les réformes d’ampleurs – et un changement social – ne peuvent être obtenues que par la lutte collective. Grimper dans un gouvernement dont l’accord de majorité s’oppose frontalement aux revendications portées par les luttes de la classe travailleuse (qui comprend aussi les femmes, les personnes LGBTQIA+, les migrant.e.s ou encore des jeunes) ne permet pas, en toute logique, de traduire ses aspirations !
La période actuelle est encore marquée par l’influence du néolibéralisme et par plusieurs décennies de recul des luttes collectives. L’atomisation de la société a donné de l’espace à l’idée fausse selon laquelle l’individu – et non les luttes collectives – pouvait résoudre les inégalités sociales et s’en prendre efficacement aux oppressions. Avec cette vision, il est logique que Sarah Schlitz ait cru pouvoir, elle seule et son cabinet, faire la différence sur ces thèmes. Bien que bosseuse et convaincue de la nécessité d’œuvrer pour plus d’égalité, la stratégie de la politicienne providentielle qui participe à un gouvernement de droite a vite montré ses (énormes !) limites.
Dès le départ, Sarah Schlitz s’est retrouvée sous le feu des attaques de la part de la droite, au sein même de sa majorité et en dehors. Lorsqu’elle a nommé Ihsane Haouach au poste de Commissaire du gouvernement à l’Égalité entre les femmes et les hommes, cette dernière a été systématiquement réduite à son genre et à son voile tant par la droite que par les médias. Le MR de Georges Louis Bouchez (dans la majorité) et la N-VA (dans l’opposition) ont organisé une campagne médiatique visant à décrédibiliser Ihsane Haouach, allant jusqu’à exiger qu’elle retire son voile. Un mois plus tard, elle a été poussée à démissionner. La presse avait relayé sans prudence une fake news qui indiquait des liens avec les Frères musulmans. Cette séquence aurait dû alerter Sarah Schlitz sur la nature de ses alliés au gouvernement.
Il n’y a d’une part pas besoin de fondement réel pour pousser quelqu’un à la démission pour autant que l’on dispose d’un bon rapport de force. D’autre part, il était clair qu’on n’allait pas lui laisser de véritable marge de manœuvre. Au mieux, elle ne pouvait être que la feuille de vigne féministe d’un gouvernement de droite.
Lutter contre les oppressions et l’exploitation exige avant tout de construire un puissant mouvement social pour créer un rapport de force qui nous soit favorable. Être membre d’une équipe gouvernementale qui n’hésite pas à utiliser le racisme et le sexisme pour mener à bien ses manœuvres politiques et diviser toute résistance est une voie sans issue.
Un pas en avant, deux pas en arrière…
Fin octobre, Sarah Schlitz est parvenue à faire passer une loi contre les féminicides. Elle met enfin en place un recensement officiel, des formations pour les policier.ère.s et les magistrat.e.s, des protocoles d’évaluation des risques et le choix par la victime du genre du/de la polici.ère.e. qui l’interroge. Cependant, les moyens supplémentaires n’y ont pas été joints. L’application de la loi semble, dès lors, plus que compromise au vu du profond sous-financement de la police et de la justice.
Lundi, le dernier Centre de prise en charge des victimes de violences sexuelles (CPVS) a été inauguré à Namur. L’existence de CPVS est une immense avancée pour chaque personne qui y a recours ! Les 10 CPVS pourront prendre en charge 3.324 victimes par an. Cependant, c’est moins de la moitié des 8.000 plaintes annuelles (en sachant qu’un dixième des victimes porte actuellement plainte). Le CPVS de Bruxelles a déjà frôlé la saturation… Sarah Schlitz affirme que désormais chaque victime aura un CPVS à une heure de chez elle. La Belgique est petite, mais 10 centres, c’est bien trop peu. Ils resteront en grande partie inaccessibles à celles et ceux qui habitent loin des villes où ils sont implantés. Nous en avons aussi besoin aux abords de chaque campus ; c’est la seule conclusion qui s’impose quand on sait qu’une étudiante sur cinq a déjà subit une tentative de viol.
D’autre part, le gouvernement dont Sarah Schlitz a pleinement fait partie applique des politiques qui s’en prennent aux femmes et à l’ensemble des personnes opprimées et exploitées. La norme de croissance dans le secteur des soins a été réduite, les travailleurs.euses du parascolaire et des crèches ont des conditions de travail et salariales invivables, etc. Les travailleurs.euses à temps partiels – dont 80 % sont des femmes – sont durement attaqué.e.s. Il faut désormais travailler un an à temps plein pour avoir droit à un crédit temps permettant de s’occuper d’un enfant ; et ce dans un contexte où il n’y a de la place en crèche / chez une gardienne que pour 1/3 des bébés. La pension des temps partiels va être encore réduite et les périodes d’interruptions de carrière ne seront plus prises en compte. Les femmes gagnent déjà en moyenne 23,1% de moins par an que les hommes. Lorsqu’elles prennent leur retraite, l’écart monte à 30 %. Et ça va donc encore grimper… On le sait, les violences envers les femmes augmentent avec leur précarisation. L’importante entrée de la notion de ‘consentement’ dans le Code pénal et la création de CPVS ne permettra pas aux victimes de fuir une situation de violence domestique ou au travail sans moyens financiers.
Mensonge ?
Conscient ou non, le mensonge qui pose problème n’est pas celui fait devant le Parlement, mais celui de faire croire que de véritables avancées sont possibles en faisant l’économie de la lutte collective ; qu’il suffit d’avoir la bonne personne au bon endroit. En forçant Sarah Schlitz à la démission, les réactionnaires ont encore gagné en confiance. Des mesures inédites ont été mises en place par Sarah Schlitz, mais sans financement, il n’en restera pas grand-chose. Une lutte collective est nécessaire pour aller chercher l’argent là où il se trouve, pour assurer un financement des services publics sociaux et de santé à hauteur des besoins, pour arracher des salaires et des allocations qui assurent notre indépendance financière.
Sans ça, le sexisme, la LGBTQIA+phobie, le racisme ne pourront être mis à mal. En finir avec ces fléaux implique obligatoirement d’en finir avec le capitalisme, dont l’exploitation et l’oppressions figurent dans l’ADN, pour construire une société où les richesses de la société permettront à la collectivité de garantir l’épanouissement de chacun.e, une société socialiste démocratique.
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Réponse marxiste à De Wever et à son combat contre le «monstre du Wokeness»
L’offensive anti-woke à la rescousse de l’oppression et du capitalisme
Comment un homme politique de droite peut-il bien dévier l’attention de tout ce qui flanche avec sa politique ? Comment continuer à soutenir un système qui se casse la gueule ? En utilisant un épouvantail comme le « monstre du Wokeness » pour transformer toute opposition au système capitaliste en une grossière caricature. C’est ce que font Bart De Wever dans son livre « Over Woke » et les libéraux francophones du MR avec un document au titre bizarre « Le wokisme, ce nouveau totalitarisme dont on ne peut prononcer le nom. »
Par Geert Cool
Choisir son camp
Le mouvement « woke » n’est pas un mouvement philosophique, encore moins un mouvement organisé. Il est donc facile de l’interpréter à sa guise et des forces très diverses se sont emparées de l’essor de la résistance à l’oppression pour redorer leur image. Des grandes entreprises cherchent à se donner une image inclusive et progressiste en déclinant occasionnellement leur logo aux couleurs de l’arc-en-ciel. Amazon applique une robuste politique antisyndicale, mais se prétend « woke ». Même Ahold-Delhaize, qui solde son personnel parce que 2,5 milliards d’euros de bénéfices sont insuffisants, aime se présenter comme une entreprise progressiste.
Sans surprise, ce n’est pas contre ce genre de « wokeness » capitaliste que s’insurgent Bart De Wever et Georges-Louis Bouchez. Le conseil communal d’Anvers dirigé par De Wever n’hésite pas lui non plus à instrumentaliser la Pride d’Anvers au mois d’août. Le « capitalisme woke » n’est pas notre allié dans le combat contre l’oppression, il cherche au contraire à masquer que les racines de celles-ci plongent dans la nature-même du système capitaliste.
Avec des clichés tels que « On ne peut plus rien dire » – pourtant répétés partout – De Wever et ses amis transforment les coupables en victimes et vice-versa. De Wever va jusqu’à dire que le chorégraphe flamand Bart De Pauw condamné pour harcèlement sexiste a été puni de manière « disproportionnée » par l’opinion publique ! Concernant Black Lives Matter, De Wever n’a évidemment pas de mot tendre. Dans son livre, il écrit qu’une musulmane portant le voile et enseignante en philosophie et études religieuses à la KUL, ça lui « fait penser que quelqu’un de la mauvaise équipe se trouve devant le but ». Il réduit MeToo à un « plaidoyer de plus en plus pompeux contre la masculinité en soi ». Greta Thunberg ne reçoit qu’un sarcasme. Et de sympathiques « capitaines d’industrie » sont remerciés car ils font preuve de « l’engagement le plus déterminé possible » en faveur d’une transition verte. Les manifestations contre la transphobie ou l’extrême droite y sont dépeintes comme autant d’inacceptables tentatives de faire taire ces opinions. Le nationaliste flamand en chef défend par ailleurs les statues de Léopold II : « La perspicacité naîtra de la confrontation avec le passé plutôt que de son « annulation ». De Wever sait choisir son camp : il s’attaque à toutes celles et ceux qui s’opposent aux préjugés et aux formes d’oppression inhérentes au système capitaliste pour protégé celui-ci.
On ne peut plus rien dire ?
Contrairement à la situation en Belgique francophone, les médias flamands semblent envahis par des brigades anti-woke. Bart De Wever dénonce la prétendue domination des « excès » de la résistance aux oppressions dans le débat social, mais celui-ci est justement dominé par d’éminentes personnalités médiatiques telles que la journaliste Mia Doornaert qui n’hésite pas à qualifier le Vlaams Belang de féministe ! Toute une armada de « flamands connus » ont pris la défense de Johnny Depp et Bart De Pauw. Même Jeff Hoeyberghs a été largement disculpé pour sa haine sexiste.
Si le livre de De Wever sort aujourd’hui, c’est qu’il existe un public auquel s’adresser. A l’instar de chaque mouvement en plein essor, la vague féministe connaît inévitablement un retour de bâton, un backlach réactionnaire qui tente d’exploiter toutes les faiblesses du mouvement pour l’affaiblir et le repousser dans le placard.
L’inégalité mène à l’oppression
« Contrairement à ce que le marxisme voudrait nous faire croire, ce sont les idées qui déterminent l’histoire », affirme M. De Wever. Il parle des idées qui habitent le « sommet de la société », où une « partie importante de l’élite intellectuelle » mènerait une « guerre d’autodestruction » « contre la société occidentale moderne ». On en oublierait presque que le « sommet de la société » est précisément l’endroit où vit De Wever et ses « capitaines d’industrie », ministres et autres amis de l’establishment, et qu’il y exerce une grande influence.
Les idées sont avant tout l’expression des développements sous-jacents au sein du système de production. Lorsque De Wever explique la formation des communautés dans son livre, il doit reconnaître que les conditions économiques en sont la base. Il place alors la religion et le développement de l’État-nation sur un pied d’égalité avec ces conditions économiques et non comme des expressions de celles-ci. Il est donc incapable d’expliquer pourquoi l’État-nation a connu un essor avec le capitalisme ou pourquoi les interprétations religieuses ont connu des changements radicaux tout au long de l’histoire. Les relations économiques sont déterminées par les conditions de production présentes à un moment donné et déterminent en fin de compte la façon dont les gens se perçoivent eux-mêmes et perçoivent la société. En bref, l’être détermine la conscience.
De Wever nie les oppressions systémiques et structurelles telle que le racisme, le sexisme ou la transphobie. Affirmer que l’oppression est systémique irait à l’encontre de toute la société occidentale. Par ailleurs, 14 % des personnes issues de l’immigration déclarent être régulièrement contrôlées par la police anversoise, contre 7 % des personnes sans antécédents migratoires (selon une étude d’Amnesty en 2020). Le profilage ethnique est une réalité, pas une «idée». Les chiffres relatifs à l’accès à l’emploi, au logement, à l’enseignement supérieur… confirment la nature systémique des discriminations. L’écart de rémunération entre hommes et femmes reste important : 22% si l’on considère les salaires annuels. La violence fondée sur le genre est pandémique. Ne pas tenir compte de cette réalité équivaut à tolérer l’oppression.
La pénurie de personnel et de moyens pour l’accueil des enfants, l’absence de moyens pour l’enseignement, pour la rénovation et de nouveaux logements sociaux… sont autant d’éléments qui assombrissent l’avenir. Au lieu de regarder la question des moyens, De Wever dit que la « pensée postmoderne » fait en sorte que « la barre a également été abaissée dans l’enseignement flamand ». Au même moment, son propre ministre de l’enseignement sème la pagaille avec des budgets insuffisants.
Pour la transition verte, De Wever s’en remet aux « capitaines d’industrie ». La multinationale pétrolière BP a réalisé 27 milliards de dollars de bénéfices l’an dernier, avec lesquels elle a investi 8 milliards dans les énergies vertes et 8 milliards dans les énergies fossiles. Le reste va dans la poche des actionnaires. Malgré les profits records engrangés par les entreprises de l’énergie, le gouvernement continue d’intervenir à travers des subventions pour encourager un peu d’énergie verte. Mais, par contre, la résistance à l’oppression conduirait à « l’autodestruction » !
Pas «d’autodestruction irrationnelle», mais une politique d’austérité antisociale
Ce qui est Woke est présenté comme une «autodestruction irrationnelle» du «système économique et de la science de l’Occident». En d’autres termes, il ne faut pas toucher à ce système économique où à peine 80 hyper riches possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale et où le 1% de Belges les plus riches détiennent un quart de toutes les richesses et ont plus de richesses que les 70% les plus pauvres.
« Une société balkanisée qui encourage les groupes victimes dans un vide identitaire à en vouloir au groupe auteur n’a pas d’avenir », écrit M. De Wever. En d’autres termes, il faut se résigner à l’oppression, car elle fait désormais partie de « notre » communauté. Et nous pouvons donc prendre les décisions « qui s’imposent », lire : renforcer les politiques d’austérité au service des profits.
Pour couvrir tous les problèmes causés par les crises du système, De Wever en appelle à l’esprit communautaire. Sur ce point, le nationalisme a des points communs avec la politique d’identité: «La Flandre est notre communauté démocratique. L’identité flamande est donc le seul véhicule qui puisse porter la relance vers une réelle res publica. » Une communauté soudée serait nécessaire pour «contrer l’empoisonnement par le wokisme » et retrouver la confiance nécessaire pour « prendre les décisions qui s’imposent pour garantir notre démocratie et notre prospérité ». Ne vous y trompez pas : par « notre prospérité », M. De Wever entend bien les profits des grandes entreprises. Comment former une communauté soudée si l’on fait des économies sur à peu près tout ?
Pour ne citer qu’un exemple : c’est cynique que De Wever attaque la ‘cancel culture’ alors que son parti attaque la culture au niveau local et flamand. La suppression des subventions de projets pour les jeunes artistes à Anvers n’est pas le fait du « wokisme », mais du conseil communal conservateur.
Les limites du postmodernisme
Pour rendre suspecte toute opposition à l’oppression, De Wever vise le postmodernisme. Celui-ci est présenté comme un résultat de Mai 68, qui aujourd’hui « constitue presque une pensée unitaire à gauche et donc aussi dans nos soi-disant médias de qualité, dans les sciences humaines de nos universités et parmi les personnalités influentes du monde de la culture ». De quels médias de gauche de qualité De Wever parle-t-il ? Pour autant que nous le sachions, il n’est pas abonné à notre journal. Il est étrange de qualifier de « gauche » les médias traditionnels et leur propagande antisyndicale quotidienne.
Le postmodernisme consiste à rejeter toute « méta-narration » ou tout cadre de pensée plus large comme base d’analyse de la société. Au lieu de cela, il s’intéresse principalement aux relations de pouvoir, sans expliquer comment elles naissent. Ce courant n’est pas le résultat de Mai 68, mais plutôt de la défaite de la révolution en France en 1968. Il était possible d’en finir avec le capitalisme, mais les dirigeants des syndicats et du PCF ont tiré le frein à main pour en bloquer le potentiel. Toute une génération de jeunes et de travailleurs et travailleuses avait été radicalisée et continuait à chercher un moyen de provoquer un changement social. Cela a conduit à la victoire électorale de Mitterrand en 1981 sur un programme de nationalisation de certains secteurs clés de l’économie. Le chantage patronal et la fuite des capitaux ont été utilisés pour forcer Mitterrand et son gouvernement PS, soutenu par le PCF, à prendre un virage vers des politiques d’austérité. Dans ce contexte, certains philosophes ont mis de côté la « grande histoire ».
Celle-ci a été renforcée par l’offensive néolibérale, qui s’est accélérée après la chute des dictatures staliniennes du bloc de l’Est. Cette offensive s’est traduite par un effondrement de la société et une attaque contre le mouvement ouvrier. Elle s’est accompagnée de la propagande thatchérienne selon laquelle « la société n’existe pas ». Nous sommes d’un coup tous devenus des individus dont le destin est déterminé uniquement par le mérite ; un argument que les nationalistes flamands de droite utilisent invariablement aujourd’hui lorsqu’il s’agit d’inégalité sociale. Cette rhétorique était l’expression idéologique du démantèlement des réformes clés mises en œuvre par le mouvement ouvrier, telles que les services publics de garde d’enfants, les logements sociaux et les soins de santé. C’est cette politique économique austéritaire que défend la N-VA de Bart De Wever. Ses tentatives de parler d’un « déraillement néolibéral » où la mondialisation en particulier est prise à partie apparaissent artificielles. De Wever semble se rendre compte que le néolibéralisme a ses beaux jours derrière lui, mais il ne peut pas mettre le doigt sur la plaie parce qu’il y est lui-même trop enfoncé, et encore moins y apporter une réponse.
L’échec de la vague révolutionnaire à partir de Mai 68 à rompre avec le capitalisme, les défaites du mouvement ouvrier en Grande-Bretagne et aux États-Unis, suivies de la chute du stalinisme, ont évidemment eu un effet sur la conscience des travailleurs et travailleuses ainsi que des jeunes. Chaque nouvel éveil de la résistance aux éléments du système porte en lui les caractéristiques de la période précédente avant de pouvoir se développer à un niveau plus élevé grâce à l’expérience de la lutte.
La lutte collective pour changer la société
L’influence postmoderne est présente dans les idées parfois résumées sous le terme de « politiques d’identité ». Il existe différentes approches et théories au sein de ces politiques d’identité et elles ne peuvent pas juste être mises dans le même sac. Il y a un certain attrait à développer une pratique politique basée principalement sur sa propre expérience de la discrimination et/ou de l’identité. Logiquement, la prise de conscience de sa propre oppression est souvent la première étape pour s’y opposer. Cependant, de nombreux concepts de politiques d’identité ne diffèrent guère des idées bourgeoises classiques qui considèrent l’oppression comme distincte du système capitaliste, ou qui considèrent l’exploitation capitaliste comme une forme d’oppression parmi d’autres, plutôt que comme leur base sociale et économique fondamentale. Bien que certaines analyses sociologiques amenées par les politiques d’identités puissent avoir un certain intérêt, elles sont incapables d’aboutir à des solutions efficaces, car elles limitent essentiellement celles-ci au niveau individuel. Cela revient à ignorer la base matérialiste de l’oppression.
De plus, il est dangereux de comparer les différentes formes d’oppressions les unes aux autres. Nous n’aimons pas non plus parler de « privilèges », car l’accès à un logement abordable, à un bon emploi, à des services publics convenables, à une société sans discrimination ne sont pas des privilèges, mais devraient devenir des droits que nous faisons respecter pour toutes et tous, en luttant contre le système qui opprime.
Au fur et à mesure que notre contestation grandit, il y a une recherche instinctive d’une plus grande unité et d’une plus grande solidarité. Des liens sont tissés entre les mouvements de protestation, les mots d’ordre et les revendications sont diffusés à l’échelle internationale. La réaction antiféministe de la droite réactionnaire donne de l’importance à la discussion sur l’approche, l’analyse et le programme. Une approche féministe socialiste visant populariser la nécessité d’une transformation de toute la société peut disposer d’un grand intérêt.
Les marxistes défendent un programme qui bénéficie à toutes les personnes opprimées : des emplois et des conditions de travail correctes, des logements abordables, des services publics plus nombreux et gratuits, des investissements publics dans les soins de santé et l’enseignement, une réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire, un salaire minimum de 17 euros de l’heure et des allocations sociales supérieures au seuil de pauvreté … Lutter pour cela collectivement, dans le respect des spécificités de chacun.e, c’est le meilleur moyen de sensibiliser à l’oppression et d’offrir un moyen de mettre fin au système capitaliste qui nourrit l’oppression et en a besoin.
« À une époque où de larges pans de la population gémissent sous l’épreuve de la cherté de la vie, l’intensité de la guerre culturelle s’accroît. Dans son pamphlet, pas un mot sur le pouvoir d’achat, les surprofits ou les boîtes à tartines vides, mais des lamentations sur la fuite de la fierté de l’histoire occidentale et des jérémiades sur le “massacre impitoyable du nationalisme”. Les réalités sociales et la ligne de fracture entre riches et pauvres ne méritent même pas une note de bas de page parce qu’elles sont couvertes sous le manteau de laine d’une nation sans classes ni positions et avec un passé dont personne n’a pas à rougir. Même l’assassinat de Sanda Dia par des étudiants de l’élite ne mérite pas que le grand inquisiteur de l’intelligentsia flamande s’y attarde. Cancel. » Paul Goossens, sur la guerre culturelle de De Wever dans sa chronique du 17 mars dans De Standaard
Marx raciste ?
Prenons un moment pour répondre à l’affirmation scandaleuse de De Wever selon laquelle Marx « malgré une pléthore de citations racistes (…) échappe miraculeusement à la cancel culture » parce que « son œuvre peut être instrumentalisée pour imprégner les gens d’une vision du monde postmoderne ». C’est absolument faux.
Marx a expliqué le lien entre l’essor du capitalisme, la traite des esclaves et l’émergence du racisme au XVIe siècle. Dans Le Capital, il s’élève contre l’esclavage en Amérique et prône l’unité de tous les travailleurs.euses : « Là où le travail est enchaîné dans une peau noire, le travail dans une peau blanche ne peut se libérer ».
Il explique également comment le capitalisme exploite les divisions : « La bourgeoisie anglaise a utilisé la misère irlandaise non seulement pour faire baisser la classe ouvrière en Angleterre par la migration forcée des pauvres Irlandais, mais aussi pour diviser la classe ouvrière en deux camps hostiles. Le travailleur anglais ordinaire déteste le travailleur irlandais, qu’il considère comme un concurrent qui tire les salaires et le niveau de vie vers le bas ».
La division et la haine sont également aujourd’hui des éléments dont les médias commerciaux se régalent et avec lesquels les politiciens (de droite) espèrent gagner des voix.
L’insulte la plus grave faite à Marx est peut-être qu’il n’avait pas de cadre d’analyse global et donc, en fait, pas d’approche socialiste scientifique. En termes de déformation du marxisme, De Wever obtient une note de dix sur dix.
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BXL. 1er MAI DE LUTTE 2023 : Pour la réduction collective du temps de travail !
Nous appelons les travailleurs.ses, leurs organisations syndicales et les mouvements sociaux à faire front et à être en lutte dans la rue le 1er mai 2023.
Renversons le rapport de force, manifestons dans l’unité la plus large pour défendre les conquêtes sociales du mouvement ouvrier, nos droits et libertés mais surtout pour en conquérir de nouveaux !
Rendez-vous à 11h à la Place Poelaert à Bruxelles !

Premiers signataires :
- CGSP ALR Bruxelles
- CSC Bruxelles
- Union syndicale étudiante
- MOC Bruxelles
- Fédération bruxelloise du Parti communiste
- PSL-LSP
- Campagne ROSA
- Gauche anticapitaliste / SAP – Antikapitalisten
- Comite Internacional Peruano CIP-ASBL
Si vous souhaitez signer l’appel et mobiliser à nos côtés pour cette manifestation unitaire, envoyez nous un email à premiermaidelutte@gmail.com
Appel : Pour la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires : construisons un premier mai de lutte !
Le XIXe siècle ainsi que le XXe siècle ont été jalonnés par des luttes continues pour :
- l’interdiction du travail des enfants,
- pour une réduction du temps de travail,
- pour des conditions de travail décentes,
- pour la création d’une Sécurité Sociale,
- …
Bref, pour une vie digne d’être vécue.
C’est dans ce contexte que le 1er mai 1886, les travailleurs américains se levaient pour réclamer la journée de huit heures et plus de justice sociale. Le 1er mai est, depuis lors, une journée de référence pour les luttes et les revendications des travailleur.euse.s du monde entier.
Aujourd’hui, après 40 ans d’offensive néolibérale, la FEB et certains partis politiques s’acharnent avec toujours plus de vigueur à l’anéantissement de nos conquêtes sociales jusqu’à, entre autres, avoir porté l’âge de la pension à 67 ans alors que l’espérance de vie en bonne santé était estimée en 2020 à 64 ans pour les femmes et 63 ans pour les hommes ! Leur stratégie de maximalisation des profits à outrance, qui détruit notre sécurité sociale et privatise nos services publics, est un désastre pour le monde du travail et notre environnement.
Les richesses produites par les travailleurs sont ainsi accaparées par les 1% les plus riches, avec comme principale conséquence une explosion des inégalités. La catastrophe écologique empire, les salaires ne permettent plus une vie digne, la pauvreté se renforce dans nos villes et campagnes et les spéculateurs spéculent : explosion des prix de l’énergie et des loyers, augmentation des prix de notre alimentation, inflation du prix de l’eau, …
Le 1er mai 2023 nous vous appelons toutes et tous à crier votre révolte collectivement dans la rue.
C’est uni.es que nous sommes fort.es. !
Pourquoi remettre à l’ordre du jour la Réduction Collective du Temps de Travail ?
La diminution du temps de travail tout en maintenant le salaire et en engageant du personnel n’est pas une utopie mais une démarche logique et légitime qui s’inscrit parfaitement dans la continuité des luttes menées depuis 150 ans ainsi que dans la prise en compte du défi climatique qui implique de diminuer la production et les déplacements.La Réduction Collective du Temps de Travail permet une répartition des richesses via une embauche compensatoire impliquant une diminution du nombre de chômeurs.ses et via une augmentation de salaire pour les travailleur.euse.s -dont 80% de femmes- contraint.e.s au temps partiel qui les maintient dans la précarité.
La Réduction Collective du Temps de Travail permet de lutter contre les burnouts, les dépressions, malaises au travail et la pression accrue sur les travailleurs.ses. La Réduction Collective du Temps de Travail permet la diminution du stress, de la fatigue et des maladies pour les travailleurs.ses.
La Réduction collective du temps de travail sans perte de salaire avec embauche compensatoire est une manière très concrète de freiner la logique mortifère du tout au profit et de diminuer l’emprise du travail capitaliste sur nos vies. Dans la période de gain en productivité qu’est la nôtre, cette logique conduirait à un accroissement sans fin de la production : plus d’extraction des matières premières et plus de pollution. Mais avec un meilleur partage de l’emploi, nous, travailleurs∙ses, gagneront du temps pour des activités moins hostiles à l’environnement et favorables à la vie bonne.
La réduction collective du temps de travail n’a cependant rien à voir avec la « semaine de 4 jours » ou la « régime hebdomadaire alterné » vantés par la Vivaldi qui permettent une flexibilité surtout avantageuse pour les employeurs. Ces mesures impliquent en réalité une intensification du temps de travail, avec le même salaire et autant d’heures hebdomadaires condensées sur de longues journées. De plus, elles ne sont accessibles qu’aux travailleur.euse.s qui ont la possibilité de la négocier individuellement face à leur employeur, ce qui est difficilement le cas dans les secteurs plus précaires et à faible représentation syndicale. Sans aucune gêne, le gouvernement a l’arrogance de promouvoir ces mesures au nom d’une soi-disant « conciliation vie privée-vie professionnelle » alors que, dans le même temps, il rabote les congés thématiques qui sont pourtant loin d’être la panacée puisqu’ils impliquent une perte de salaire et sont conditionnés à des critères d’accès restrictifs.
A l’opposé de la dynamique patronale et gouvernementale, la Réduction collective du temps de travail renoue avec les luttes ouvrières en revendiquant, comme l’ont fait les générations précédentes, du temps de loisirs, de repos, de vie de qualité.
Nous appelons les travailleurs.ses, leurs organisations syndicales et les mouvements sociaux à faire front et à être en lutte dans la rue le 1er mai 2023. Renversons le rapport de force, manifestons dans l’unité la plus large pour défendre les conquêtes sociales du mouvement ouvrier, nos droits et libertés mais surtout pour en conquérir de nouveaux !
Rendez-vous à 11h à la Place Poelaert à Bruxelles !
Nos revendications :
- Face au chômage et aux burnouts, réduction Collective du Temps de Travail, sans perte de salaire et avec embauches compensatoires !
- Stop à la vie chère : blocage des prix, maintien de l’Index et socialisation du secteur de l’énergie !
- Abrogation de la loi de 96 qui bloque les salaires et empêche toute négociation.
- De l’argent il y en a : pour un salaire minimum de 14€ net/h, une augmentation de la pension minimum quelle que soit la durée de la carrière et une hausse des allocations sociales !
- Non à la pension à 67 ans, retour à 65 ans !
- Pour le maintien des droits sociaux, Non à la chasse aux allocataires sociaux !
- Stop aux violences faites aux femmes et aux personnes LGBTQIA+ !
- Stop au racisme, à la répression, aux discriminations à l’embauche, au logement et dans le système scolaire !
- Avec ou sans papiers, nous sommes tous des travailleur.euse.s : régularisation de tou.te.s les travailleur.euse.s sans-papiers !
- De l’argent pour la Sécurité Sociale, la transition écologique et la culture, pas pour l’armement et la guerre !
- Un toit c’est un droit : baisse et blocage des prix des loyers, des investissements massifs dans le logement social, pour la réquisition des logements vides et la lutte contre les marchands de sommeil !
- Défense des Services Publics : c’est le patrimoine de celles et ceux qui n’en ont pas !
- Pour un Enseignement public, gratuit, critique et accessible à toutes et tous !
- Pour des soins de qualité accessibles à toutes et tous. Levée des brevets sur les vaccins et sur la production pharmaceutique dans son ensemble !
- Solidarité avec les peuples en lutte pour leurs droits sociaux et démocratiques partout dans le monde !
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Face au capitalisme qui part en sucette… Quelle issue et comment y parvenir?
Quelle contradiction entre ce qui est parfaitement possible pour assurer la vie et l’avenir de chacun sur terre d’une part et le constat d’échec généralisé et des étroites frontières du capitalisme d’autre part ! Les crises se multiplient et se renforcent l’une après l’autre: le capitalisme est à bout de souffle. Le capitalise est incapable d’offrir un avenir à l’humanité et une partie du monde s’oriente dès lors vers des échappatoires : division, nationalisme réactionnaire, discours guerriers. Faut-il y déceler une preuve d’incompétence ou la marque d’une quelconque conspiration occulte des puissants de ce monde ? Non. Cela s’explique par le système économique dans lequel nous vivons, un socle constitué par la propriété privée des moyens de production et la recherche de profit à tout prix.
Par Geert Cool, dossier tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste
Le constat d’échec du système capitaliste a relancé le débat sur la manière d’imposer le changement. C’est l’objet du nouveau livre de Raoul Hedebouw, Fais le Switch, qui développe les principales propositions du PTB pour les prochaines campagnes électorales. La question s’est également invitée sous forme de dossier central dans le célèbre hebdomadaire allemand Der Spiegel, avec Marx en première page. Der Spiegel soulignait la remise en question croissante du capitalisme, surtout à l’heure où nous entrons dans une nouvelle ère. L’illustration de Marx était cependant trompeuse : le dossier n’était en rien favorable à une transformation socialiste de la société, mais au contraire pour une sorte de « réinvention » du capitalisme avec un rôle plus central des autorités publiques. Ce n’est pas précisément ce que Marx avait en tête… Même le professeur de gauche Kohei Saito, dont les recherches portent pourtant sur les fondements écologiques du marxisme, ne dépasse pas les limites de la «consommation responsable».
C’est une illustration de la plus grande faiblesse actuelle de la conscience des masses. La compréhension que le capitalisme doit disparaître et qu’un changement de système est nécessaire grandit et saisit l’esprit de larges couches. Mais pour aller où ? C’est moins évident ! Il manque une prise de conscience de la nécessité d’une société socialiste et de ce qui est nécessaire pour y parvenir. Le déclin du capitalisme est plus rapide que l’émergence d’une conscience anticapitaliste socialiste.
Par où est la sortie ?
Même quand des mouvements de masse et des soulèvements à caractère révolutionnaire atteignent le stade où ils commencent à exercer partiellement le pouvoir, la question des prochaines étapes reste entière. Le Sri Lanka est un exemple éloquent : un mouvement de masse a contraint le président et le gouvernement à démissionner l’été dernier. Les images du palais présidentiel – et sa piscine – occupé ont fait le tour du monde. Le pouvoir associé à la fonction présidentielle était à portée de main. Mais le mouvement a volontairement renoncé à l’occupation après deux semaines, sans trop savoir quoi faire de cette position de pouvoir nouvellement acquise. D’autres soulèvements de masse se sont également échoués sur l’écueil de l’absence d’alternative : de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient en 2011 aux récents mouvements révolutionnaires au Soudan, en Algérie ou encore en Amérique latine.
Les multiples crises du capitalisme affaiblissent la position de domination de la classe capitaliste dans tous les pays. Jusqu’ici, leur plus grande force est que la prise de conscience anticapitaliste ne s’accompagne pas d’une large compréhension des contours d’une autre société et de la manière de s’y rendre. Populariser un programme de transformation socialiste de la société et en faire ainsi un facteur des combats quotidiens est une tâche cruciale aujourd’hui. L’absence d’un tel programme porté par les masses laisse tout le loisir aux capitalistes d’ignorer les mouvements de lutte ou de se maintenir au pouvoir par d’autres moyens.
Ça suffit. Mais comment faire ?
Avec Fais le Switch, le PTB apporte sa contribution au débat. Le constat de départ est que les riches deviennent plus riches et que le fossé entre classes sociales s’accentue. « Le système actuel n’offre un avenir radieux qu’à un très petit groupe de milliardaires », écrit Raoul Hedebouw. Le besoin d’un « interrupteur », d’un changement, se fait sentir. « Pour réussir ce changement, nous avons besoin d’idées inspirantes et crédibles », poursuit Raoul Hedebouw. Après tout, « les solutions sont prêtes, très réalistes et parfaitement abordables ». Il s’agit notamment de l’énergie aux mains du secteur public, d’investissements publics accrus dans des logements confortables, de transports publics gratuits et nombreux, de l’internet public à haut débit et d’investissements publics dans la recherche scientifique afin de soustraire les soins de santé à l’emprise des profits pharmaceutiques.
Dans le domaine de l’énergie, le PTB a changé d’orientation. Alors qu’il y a un an, le parti se contentait de réclamer une réduction de la TVA, il parle désormais ouvertement de nationalisation. Le PTB remarque à juste titre que le marché « fait exactement ce que l’on peut attendre d’un marché libre », notamment remplir les poches d’un petit groupe de capitalistes dans un contexte de monopolisation croissante. Le marché européen de l’énergie est dominé par sept multinationales qui « tiennent l’économie et les citoyens en étau ». Aujourd’hui, le PTB défend la nationalisation du secteur de l’énergie. Deux questions manquent toutefois. Nationaliser avec ou sans rachat pour les propriétaires existants ? Le secteur nationalisé sera-t-il géré démocratiquement par les travailleurs et la collectivité ?
La propagande quotidienne du PTB continue de porter sur la proposition d’un gel des prix comme en France. Au lieu de faire payer les caisses de la collectivité, comme c’est le cas en France, le parti s’intéresse aux « surprofits ». L’idée de nationaliser le secteur de l’énergie est donc présente, mais malheureusement pas centrale. Mentionner la nationalisation reste toutefois un pas en avant par rapport à la proposition d’un simple pôle public, qui reste indirectement présente dans le volet énergétique de Fais le Switch, et qui est dominant dans le programme du PTB dans d’autres domaines. Un simple pôle public sera en concurrence avec les entreprises privées et risquera donc rapidement d’adopter la même logique de profit commercial. D’autre part, sans la participation démocratique des travailleurs et de la collectivité, il pourrait être utilisé pour effectuer certaines tâches aux frais de la collectivité qui permettraient aux entreprises privées du secteur de s’y soustraire.
Malheureusement, la nationalisation de l’ensemble du secteur n’est pas proposée concernant l’industrie pharmaceutique. Le PTB souligne que les dépenses liées aux produits pharmaceutiques augmentent le plus rapidement que toutes les autres dépenses de la sécurité sociale (17% en cinq ans), mais sa proposition est d’apprivoiser les entreprises pharmaceutiques en remplaçant les brevets par des licences ouvertes, après quoi la production de médicaments resterait aux mains d’entreprises privées. « La seule chose qui change, c’est que le rapport de forces entre le gouvernement et les géants pharmaceutiques est bouleversé », explique Hedebouw. En combinaison du « modèle kiwi » (un mécanisme d’appel d’offres public où l’entreprise qui offre le meilleur médicament au meilleur prix obtient un remboursement par la sécurité sociale), cela devrait entraîner une baisse des prix des médicaments et une réduction des marges bénéficiaires des entreprises pharmaceutiques.
Cela aurait certainement un effet, sans éliminer pour autant l’avidité de ces entreprises. Elles utiliseraient d’ailleurs la pression sur les prix comme prétexte pour s’en prendre aux conditions de travail et de salaire du personnel ou pour monter les employés les uns contre les autres. Et si un appel d’offres public impose trop de conditions, les entreprises pharmaceutiques peuvent toujours décider de boycotter le système. Rester sous la dépendance d’entreprises privées assoiffées de profits ne permet aucun contrôle. Ce système n’est pas simplement malade, c’est son ADN qui pose problème et on ne peut s’y attaquer à coups d’aspirines. L’ensemble du secteur doit être nationalisé sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité dans le cadre d’un service national de soins de santé.
Un gouvernement « chef d’orchestre » ?
Beaucoup d’autres propositions de l’ouvrage se limitent à une plus grande intervention du gouvernement dans des domaines tels que les transports publics, l’internet à haut débit et le logement. Sur ce dernier point, il est fait référence à l’exemple viennois où le gouvernement est à la fois propriétaire d’un grand nombre de logements et fournit des subventions aux propriétaires pour qu’ils louent les leurs à un loyer plus modeste. Le gouvernement devrait devenir le « chef d’orchestre » de la politique du logement afin de « maîtriser » les géants de l’immobilier, « freiner la spéculation » et ainsi « ramener le calme sur le marché ». En ce qui concerne l’accès à internet, le PTB préconise un rôle plus important pour le gouvernement : Proximus devrait redevenir propriété publique à 100% et jouer un rôle dans le déploiement de l’internet haut débit gratuit pour tous. Un fonds public devrait laisser place à la créativité dans le secteur technologique pour développer de nouveaux réseaux sociaux, mais la propriété privée des acteurs actuels de la Big Tech n’est pas remise en cause. À côté des banques existantes, le PTB souhaite une banque publique. Il est toutefois illusoire d’imaginer que les banques puissent être régulées par l’existence d’une banque publique en concurrence avec les autres. On ne peut pas dompter ou contraindre la dictature des marchés, il faut la briser. Cela exige de contester la propriété privée des moyens de production. Mais le PTB n’ose pas aller jusque-là dans ses propositions, car il soutient que les revendications doivent être réalisables, c’est-à-dire réalisables au sein du capitalisme et réalisables pour de futures coalitions au niveau communal et au-delà.
Considérer le système dans sa globalité
Les propositions de ce le livre seraient cependant d’excellents pas en avant si elles étaient concrétisées. Mais cette approche pose quelques problèmes. Il est ainsi particulièrement souligné qu’il faudrait d’abord une bataille d’idées, à partir d’où découlerait le reste. Même l’essor du néolibéralisme est perçu de cette manière. « Les recettes néolibérales ont émergé après la Seconde Guerre mondiale dans d’obscurs groupes de réflexion et cela a coûté des millions en campagnes publicitaires pour nous faire croire que ces idées venues d’un lointain passé étaient l’avenir. » Les groupes de réflexion obscurs ne manquent jamais, mais pour que les idées deviennent un facteur dans la société, il faut un peu plus que ça. La montée du néolibéralisme provient de la crise du capitalisme qui a resurgi avec acuité dans les années 1970 et des tentatives de la bourgeoisie de restaurer le taux de profit des capitalistes. Cet ajustement de la politique ne s’est pas fait par le biais de campagnes publicitaires coûteuses, mais en construisant un rapport de force contre le mouvement ouvrier au travers notamment du coup d’État de Pinochet au Chili en 1973, de l’affrontement des mineurs britanniques avec Thatcher en 84-85 et des contrôleurs aériens américains contre Reagan en 1981.
Faire le Switch petit à petit ?
L’idée qui sous-tend l’approche de Fais le Switch est que le progrès est réalisé petit à petit et que, grâce à la lutte pour des revendications limitées, une plus grande compréhension se développera pour finalement changer la société entière dans un avenir lointain. Nous estimons en revanche que la conscience est un phénomène complexe qui se développe non pas de manière linéaire, mais par à-coups, comme tout changement. Dans ce domaine, la lutte sociale joue un rôle majeur. Nous l’avons constaté en Belgique, par exemple, au moment du puissant mouvement de grève contre le gouvernement de Michel et De Wever fin 2014. Après un plan d’action qui comportait une manifestation de masse suivie de grèves provinciales tournantes et d’une grève générale nationale, 85% de la population était favorable à un impôt sur la fortune. Faire évoluer les consciences n’est pas seulement une question de bonnes idées, c’est aussi et surtout une question d’organisation de la force qui peut les faire respecter.
Parmi les solutions aux nombreux problèmes rencontrés par la classe travailleuse, le PTB propose un « nivellement par le haut » en adoptant les solutions des pays voisins. Comment le PTB compte-t-il y parvenir au sein du capitalisme, « un système qui n’offre un avenir radieux qu’à un petit groupe de milliardaires » ? Cet accent sur la faisabilité et le réalisme des solutions considère les choses sous un angle quasiment uniquement technique et toujours en respectant les frontières du capitalisme. La possibilité ou l’impossibilité d’une idée est pesée sur la balance des capitalistes. Les marxistes partent au contraire du principe que la possibilité de réaliser une revendication dépend du rapport de forces, qui ne peut être décidé que par la lutte. Comme le notait le révolutionnaire russe Léon Trotsky, « Les révolutionnaires considèrent toujours que les réformes et les acquis ne sont qu’un sous-produit de la lutte révolutionnaire. Si nous disons que nous n’exigerons que ce que la classe dirigeante pourra donner, elle ne donnera qu’un dixième ou rien de ce que nous exigeons. Lorsque nous exigeons plus et lorsque nous sommes capables d’imposer nos revendications, les capitalistes sont obligés de donner le maximum. Plus l’esprit des travailleurs est étendu et combatif, plus on exige et plus on gagne. »
Hedebouw affirme à juste titre que la réalisation de nouvelles idées « dépend de l’issue de la lutte » entre les classes sociales. N’oublions pas que le PTB est invariablement présent dans tout mouvement en faveur du changement. Mais dans Fais le Switch et d’autres documents du PTB, l’accent est davantage mis sur la nécessité d’une « volonté politique » et « d’oser penser à une alternative » autour « d’idées crédibles » (crédibles pour quelle classe ?) que sur la nécessité d’une lutte de classe et d’un rapport de force, sans parler de la lutte pour une société socialiste centrée sur les intérêts de la classe travailleuse. Fais le Switch partage avec de Der Spiegel le fait de ne pas parler d’une société socialiste. Dans Fais le Switch, on ne parle de « socialisme » que pour dire que le terme est aujourd’hui plus populaire que celui de « capitalisme » parmi la jeunesse britannique.
Les marxistes font le lien entre les luttes quotidiennes et la nécessité d’une transformation socialiste de la société. Un programme socialiste renforce les luttes quotidiennes, car il offre une perspective pour la poursuite des combats, qui se comprend mieux au fur et à mesure que se construit un rapport de forces. Les conquêtes en faveur de la classe ouvrière sont souvent le sous-produit de menaces révolutionnaires. Pour pouvoir arracher quelque chose aux capitalistes, ces derniers doivent craindre de perdre davantage s’ils ne cèdent pas. D’autre part, le changement social n’est qu’un vœu pieux idéaliste si l’on ne saisit pas les occasions de faire des pas en avant pour construire un rapport de forces qui permet la transformation de la société plus accessible aux travailleurs, aux jeunes et aux autres personnes concernées par la lutte.
À l’heure où toutes les possibilités technologiques sont disponibles pour que chacun puisse vivre une vie correcte, il est normal que nous adaptions nos exigences en conséquence. Si le capitalisme ne peut pas se permettre cela parce que cela réduit les profits d’une petite minorité, alors nous ne pouvons pas nous permettre le capitalisme. De cette manière, nos revendications et notre approche constituent un pont entre les besoins quotidiens et une société socialiste où les secteurs clés de l’économie seront contrôle et gestion démocratiques de la classe travailleuse afin d’élaborer une planification rationnelle et démocratique de l’économie.
Idées socialistes expliquées – Le programme de transition
Les marxistes font souvent référence au Programme de transition de Trotsky et plus encore à l’approche transitoire qu’il contient. Cela signifie de partir de l’état de la conscience, mais de l’orienter vers la construction d’une autre société. À première vue, ces deux éléments peuvent sembler très éloignés, toute la question étant de savoir comment combler cette distance. C’est en cela que réside l’intérêt d’une approche transitoire, en combinant une étude approfondie de la conscience actuelle et des différentes couches qui la composent avec une constance dans la défense de la nécessité d’une société socialiste suite au renversement du capitalisme. L’idée est de construire un pont ou un tremplin entre la conscience actuelle et le socialisme de façon pédagogique.
Bien sûr, cela commence par une analyse des conditions dans lesquelles nous nous trouvons. L’ignorance n’a jamais aidé la lutte sociale. Nous devons savoir comment le système fonctionne et obtenir un changement. Une analyse scientifique du capitalisme est indispensable non seulement pour le comprendre, mais aussi pour parvenir à une alternative socialiste.
Dans le mouvement ouvrier, une distinction est souvent faite entre le programme minimum (augmentation des salaires, meilleures conditions de travail, logements confortables, baisse des prix,…) et le programme maximum (renversement du capitalisme et instauration du socialisme). Certains ont établi une distinction artificielle entre programme minimum et programme maximum, généralement pour minimiser l’importance de l’un ou l’autre. Ainsi, certains considèrent le socialisme comme un avenir lointain, qui ne joue aucun rôle dans les luttes quotidiennes d’aujourd’hui. Ils s’adaptent au système existant alors que celui-ci ne comporte aucune solution aux problèmes qu’il engendre.
D’autres répondent à chaque défi posé par les nombreuses crises du capitalisme en disant que la révolution socialiste est la seule solution. En soi, c’est correct, mais ceux qui luttent pour payer leurs factures d’énergie hausseront les épaules et se diront : « Idée sympathique, cette révolution, mais en attendant, j’irai voir ailleurs s’il n’y a pas de propositions plus concrètes pour mes factures. »
Une approche transitoire consiste à formuler des revendications et des propositions qui ne courent pas derrière les mouvements sociaux, mais cherchent à les renforcer en faisant un pas de plus vers la transformation de la société. De nombreuses revendications transitoires sont faciles à comprendre et obtiennent rapidement un large soutien si elles sont popularisées, même si leur réalisation entre en conflit avec la logique de profit du capitalisme. Il suffit de penser à la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires : c’est parfaitement logique pour ceux qui sont accablés par des charges de travail impossibles ou pour ceux qui n’ont pas d’emploi, mais c’est bien gênant pour le capitaliste dont les bénéfices s’en trouvent réduits. Faire respecter cette exigence n’est pas impossible sous le capitalisme, mais cela dépend d’un rapport de forces. L’obligation d’augmenter le personnel en réponse à la pression du travail et d’augmenter les salaires en réponse à la hausse des prix dépend également d’un rapport de forces.
Bien entendu, les capitalistes feront tout ce qui est en leur pouvoir pour revenir en arrière ou neutraliser de quelque manière que ce soit les acquis obtenus par la classe travailleuse, par exemple en augmentant encore la productivité. Aucune conquête sociale n’est éternelle sous le capitalisme.
Une approche transitoire ne consiste pas seulement à formuler des revendications en accord avec les besoins de la classe ouvrière pour les lier à la nécessité d’un changement social. C’est aussi un guide pour l’action, un élan pour construire les instruments par lesquels nous pouvons effectivement réaliser le changement social, essentiellement un parti révolutionnaire international fortement implanté dans la classe travailleuse par le biais de syndicats combatifs et de partis ouvriers de masse. Dans son Histoire de la révolution russe, Trotsky résume ainsi la situation : « De même qu’un forgeron ne peut saisir de sa main nue un fer chauffé à blanc, le prolétariat ne peut, les mains nues, s’emparer du pouvoir : il lui faut une organisation appropriée à cette tâche. »
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Retour sur une victoire pour la préservation d’un espace vert : la lutte pour la Chartreuse
Pendant plusieurs années, un collectif de riverains a lutté contre un projet immobilier pour sauvegarder un poumon vert au cœur de Liège : l’entreprise de construction Matexi avait en effet acquis auprès des autorités communales une partie du site de la Chartreuse afin d’y réaliser un projet immobilier d’ampleur qui allait redessiner toute la dynamique d’un quartier et réartificialiser cet ancien terrain militaire où la nature a repris ses droits.
Au mois de juin 2022, alors que les recours légaux contre le projet étaient épuisés, des militants ont rejoint la lutte en occupant le site, en y établissant une ZAD et en permettant le déploiement d’un nouveau rapport de force. Ceci s’est avéré payant puisqu’en septembre, l’entreprise Matexi annonçait l’abandon de tout projet sur le site de la Chartreuse.
Quelle a été la stratégie des différents acteurs qui se sont investis dans la sauvegarde de ce site ? Comment ont-ils pu faire plier Matexi ? La victoire des riverains et des militants de la ZAD est importante, inspirante, et la lutte mérite d’être racontée en détails par celles et ceux qui y ont pris part c’est pourquoi nous sommes allés à leur rencontre.
Par Simon (Liège)
Aux origines de la lutte pour la sauvegarde du site
L’article ci-dessous est issu d’une discussion qui a eu lieu lors du camp déter de la ZAD en août 2022 avec des militantes et militants de la ZAD, des riverains et un représentant de l’association Occupons le Terrain, un réseau de soutien aux luttes contre les projets immobiliers imposés.
La Chartreuse, ancien terrain militaire dont la ville de Liège a acquis des parcelles lorsqu’il a été vendu par l’armée en 2003 est un poumon vert bien connus des Liégeois : Cette dernière forêt urbaine à Liège est fréquentée quotidiennement par des dizaines de personnes qui n’ont pas attendus les aménagements réalisés par la Ville il y a dix ans pour en faire un lieu de détente et de promenade. Ses usages sont nombreux : c’est aussi un lieu d’expression artistique pour les graffeurs, un lieu de fête pour les free-party organisées dans l’enceinte du fort, voire un lieu d’habitat précaire pour une population de sans-abris.
Ces 35 hectares en cœur de ville sont devenus, depuis sa désaffection par l’armée en 1981, le « jardin de tout le monde » et procure un espace vert à tous les liégeois des abords qui en sont dépourvus.
En octobre 2017, des affiches jaunes apparaissent le long du site de la Chartreuse et informent les riverains du chantier à venir : la ville de Liège a cédé une parcelle du site en front de rue à la société de construction Matexi et lui a accordé un permis de bâtir pour la première phase d’un projet visant à ré-urbaniser le site sur sa moitié non considérée comme parc urbain.
Les premières heures de la mobilisation pour la sauvegarde du site
Moins d’une semaine après l”affichage de Matexi, quelques riverains font de l’agitation dans le quartier et distribuent un toutes-boites. Celui-ci appelle à une assemblée sur le site même de la Chartreuse. Cette première assemblée est une réussite puisque quelques 80 personnes y sont présentes. Forts de ce premier succès, une deuxième assemblée élabore les premières lignes d’une stratégie pour s’opposer au projet et une équipe d’une dizaine de personnes se constitue pour la concrétiser : c’est la naissance du collectif Un Air de Chartreuse (UADC).
La première action menée consiste à s’opposer au projet par des courriers envoyés dans le cadre de la procédure d’enquête publique. Or, à ce moment, un autre collectif citoyen des alentours de Liège est en train de remporter un beau succès contre un projet similaire. Il s’agit des riverains s’opposant au projet immobilier du Ry Poney, qui avaient fait parvenir 4800 courriers de protestation aux autorités communales au moment de l’enquête publique 4 mois auparavant. UADC fait donc appel à l’expérience de ce collectif pour proposer une lettre-type d’opposition à envoyer aux autorités. La mobilisation s’organise dans chaque rue du quartier : des newsletters quasi-quotidiennes mettent les riverains en contact et leur communiquent les outils leur permettant de convaincre leurs voisins de signer un courrier. La campagne d’envoi de ces courriers d’opposition est un succès puisque ce ne sont pas moins de 5100 lettres de protestation qui viennent encombrer la boite aux lettres de la majorité communale. Cela permet provisoirement de gagner la partie puisque, mis sous pression par les autorités communales qui ne souhaitent pas se mettre à dos sa population à un an des élections, Matexi décide de retirer son projet.
Structurer la lutte sur le long terme : la deuxième séquence du combat pour la Chartreuse
Si la mobilisation initiale a pu prendre par surprise promoteurs et autorités, le collectif comprend cependant qu’il faut s’attendre à une contre-attaque. Une nouvelle séquence de la lutte s’enclenche. UADC en profite pour se structurer, peaufiner sa communication et collecter un maximum d’infos sur la Chartreuse.
Dès les premiers moments de la mobilisation, la question de la valeur environnementale du site avait été discutée puisque le collectif avait constaté qu’il est répertorié comme zone de grand intérêt biologique. D’autres aspects sont mis en avant : statut juridique (certaines phases de construction étant prévues sur des terrains dont Matexi n’est pas propriétaire à l’époque) ou statut patrimonial en raison de la présence du vieux fort militaire.
La veille du collectif n’était bien entendu pas inutile : en 2019, Matexi dépose un nouveau projet, réduit quasiment de moitié cependant, qui est approuvé par les autorités communales.
S’ouvre alors une longue séquence de recours juridiques contre le permis de bâtir. Cette bataille nécessite des moyens financiers importants et c’est encore UADC qui organise la levée de fonds qui va permettre de la financer.
Guérilla juridique ou mouvement large : les choix stratégiques de UADC
Cette troisième période de la lutte voit le collectif se replier sur les plus investis. Les aspects techniques des recours en justice, le travail pour constituer des dossiers de valorisation du site : tout cela absorbe l’énergie d’UADC dont l’existence repose sur une poignée de personnes. L’épuisement guette le petit collectif d’autant que recours après recours, les chances de gagner s’amenuisent. En son sein, plus personne ne prend en charge de relancer la dynamique de départ reposant sur l’implication, même minime, d’un grand nombre de riverains. Il serait faux cependant de dire que l’aspect de mobilisation large est tout à fait absent de l’esprit d’UADC : promenades guidées dans la Chartreuse et petites mobilisations à l’occasion des conseils communaux se succèdent et contribuent à maintenir vivante l’idée d’une opposition au projet de construction.
Un décalage entre le collectif et le reste du quartier devient cependant visible : des tensions inhérentes au reflux de la mobilisation surviennent. On pointe le manque de transparence d’UADC ou son jusqu’au-boutisme que certains jugent stérile. A tel point que d’autres groupes de riverains font mine de contester son leadership sur la lutte. C’est alors que le couperet tombe au début de l’année 2022 : les derniers recours sont épuisés et Matexi semble avoir gagné la partie.
La ZAD comme nouvelle étape de la lutte
Alors que les choses apparaissent comme jouées et que Matexi a reçu l’autorisation de débuter les travaux, de nouveaux acteurs apparaissent dans la lutte : ce sont les zadistes. Répondant à l’appel d’UADC de faire le point sur la lutte, plusieurs personnes constatent la fin de la séquence des recours. Il reste alors une option qui est pensée, organisée et mobilisée : celle de l’occupation du site. Quelques 250 personnes aux horizons et motivations variées sont alors rassemblées, montent en une journée des barricades et installent leurs quartiers sur la parcelle où le chantier doit commencer. Le rapport de force est inversé en 24h : les travaux ne peuvent débuter, les riverains peuvent de nouveau imaginer un site préservé de l’urbanisation. Pour beaucoup cependant, l’apparition de la ZAD est vécue comme un nouveau retard dans le cadre d’un projet voué à se réaliser in fine. Après cinq ans d’opposition, peu nombreux sont ceux qui parient sur une issue positive à la lutte.
Avec l’entrée en scène des zadistes, ce n’est pas seulement le rapport de force qui change. C’est aussi la composition sociale des opposants à Matexi et avec eux, la culture de lutte.
Les zadistes sont souvent plus jeunes, moins soumis à des obligations professionnelles que les militants liés au quartier ou bien font ce choix radical de renoncer temporairement à leur travail afin de se rendre totalement disponibles pour la lutte. Bref, ils sont ou se rendent plus libres de leurs mouvements et peuvent envisager une occupation dans la durée. Le fait même qu’ils ne soient pas forcément issus du quartier est, dans une certaine mesure, un avantage : ils ne peuvent être taxés de vouloir conserver une zone verte à proximité de chez eux comme on s’assied sur un privilège.
Dès le début de l’occupation, ils communiquent en des termes très politiques : leur discours est axé sur la nécessité de préserver un espace vert urbain d’utilité publique pour tous les Liégeois.
Leur stratégie ne se limite pas à l’occupation : ils tentent de lui donner un soutien au-delà des sphères militantes radicales en organisant rapidement une première manifestation devant le conseil communal puis une deuxième avec manifestation jusqu’au site. A la suite de ces premières actions, ils organisent plusieurs activités visant à faire venir du monde sur la ZAD et à élargir encore le soutien dont elle jouit.
Pour UADC, c’est d’abord un regain d’énergie en constatant qu’ils ne sont plus seuls à se battre contre le promoteur immobilier mais aussi l’occasion de renouer avec la mobilisation large : le contact établit avec UADC en amont de la préparation de l’occupation permet au collectif d’embrayer rapidement sur l’agenda de mobilisation proposé en conférant ainsi à la ZAD la légitimité qui aurait pu lui faire défaut.
L’organisation de la ZAD
Sur les dizaines de militants et sympathisants qui ont contribué à construire la ZAD, peu nombreux sont celles et ceux qui ont fait le choix de s’y installer. Un noyau d’occupants réduit va commencer à faire vivre la ZAD, malgré les intempéries de l’été 2022 qui compliquent évidemment l’organisation de la vie sur le site. Ils et elles s’organisent pour créer des conditions d’occupation durable : construire des infrastructures collectives mais aussi solutionner l’adduction d’eau et d’électricité jusqu’au site, ce qui en soit n’est pas une mince affaire. Des renforts occasionnels, pour quelques jours ou plus, viennent compléter les effectifs des occupants mais il est important de noter que dès le départ, une partie des militantes et militants de la ZAD, tout en n’habitant pas à temps plein sur le site, y sont venus quotidiennement afin de faire vivre l’occupation et d’assurer son soutien à l’extérieur.
Dans les premiers jours, la gestion de la vie collective sur le site a été pensée sur base d’assemblées générales quotidiennes qui vont s’espacer au fil du temps pour devenir hebdomadaires puis occasionnelles. En effet la ZAD s’organise avec un caractère ouvert, ce qui assure le renouvellement des forces militantes mais qui complique également la vie sur le site : il faut composer avec des motivations diverses et des visions différentes de ce que doit être une ZAD. Il faut arriver à construire des habitudes d’organisation avec une population changeante. Cela est d’autant plus compliqué que les militantes et militants les plus rompus aux méthodes d’organisation ne sont pas forcément les plus disponibles ni les plus présents sur le site.
L’hétérogénéité des publics qui passent sur la ZAD a représenté un défi permanent pour les zadistes. En effet, les occupants du départ sont peu à peu rejoints par des zadistes nomades, motivés davantage par la vie en communauté que par la préservation du site. Certes, ils contribuent à faire vivre la ZAD mais sont moins parfois moins attentifs aux impératifs tactiques inhérents à la lutte qui est engagée avec Matexi, ou bien en ont une autre vision. Faut-il autoriser ou non le passage des riverains sur la ZAD ? Comment équilibrer les moments festifs et l’affluence des fêtards avec le respect des riverains mais aussi de la faune environnante ? Quels sont les comportements admis sur la ZAD quand on sait que le parc de la Chartreuse est aussi le lieu d’usages tels que les trafics ? Comment prendre en compte l’ensemble des personnes présentes avec en ce compris leurs vécus et leurs failles ? Les zadistes ont forcément dû réfléchir à la façon de prendre et de faire respecter collectivement un certain nombre de décisions.
Toutes ces questions ont donc dû être discutées par des activistes décidés à faire de la ZAD, plus qu’un moyen de lutte, une expérience de vie alternative. Beaucoup liant les deux en mettant en avant la nécessité d’une organisation horizontale et démocratique pour le succès de la lutte en cours.
Des décisions ont dû être prises : par exemple la décision de limiter les nuisances sonores en circonscrivant les free party à l’intérieur du fort, de maintenir une zone de tranquillité pour les occupants permanents ou celle d’assurer le démantèlement des barricades dès après la lutte. Ceci ne s’est pas fait sans discussions, parfois vives, mais a pu être géré le plus souvent en dégageant un consensus, parfois par la politique du fait accompli, et rarement en procédant à des votes. Si la ZAD ne s’est pas dotée d’une charte, encore moins d’un règlement d’ordre intérieur, cela ne signifie pas que des règles n’aient pas été présentes sur le site. Par exemple, un panneau installé dans l’espace central rappelait les règles de comportement à respecter sur le site.
Si les questions liées à la vie quotidienne sur la ZAD ont parfois occupé l’essentiel des discussions collectives, les militants sur et autour de la ZAD ont veillé à garder un caractère politique à l’occupation, par exemple en organisant des discussions sur l’avenir du site : en comprendre les différents usages, y compris écologiques et de construire des revendications au-delà de la préservation du site, questionnant la politique du logement, le phénomène de spéculation immobilière en lien avec celui de l’artificialisation des terres. De ce point de vue, on peut dire que politiser les différents usagers à partir de la lutte pour la préservation de la Chartreuse a été une préoccupation des zadistes. Assemblées des usagers ou d’autres activités organisées sur le site ont ainsi contribué à renforcer la solidarité mais aussi à discuter des questions de politiques communales ou des perspectives et revendications pour un avenir désirable.
Prendre appuis sur le réseau militant
Indéniablement, le succès de la ZAD a notamment reposé sur sa capacité à s’appuyer sur les réseaux militants existants, sur la densité et la richesse du tissu associatif liégeois et à opérer des jonctions avec d’autres luttes. Des dizaines d’organisations et de lieux ont signé l’appel à soutien à l’occupation et l’ont effectivement apporté tout au long de la lutte.
Par exemple, les militants de la ZAD ont organisé un cortège pour se rendre au rassemblement du collectif « Stop Alibaba & co. » contre l’extension de l’aéroport de Bierset en périphérie liégeoise. La ZAD a reçu le soutien d’autres occupations en cours ailleurs en Europe mais elle put également bénéficier de l’apport du réseau Occupons Le Terrain (OLT). Présent déjà aux côtés de Un Air de Chartreuse, ce réseau de collectifs, constitué à partir de la lutte du Ry Poney, est resté en lien avec les zadistes et a continué à faire bénéficier les militantes et militants de son savoir-faire en matière de lutte contre les projets immobiliers imposés. L’expertise d’OLT s’est par exemple manifestée lorsqu’il s’est agi de négocier avec les autorités communales et a contribué à faire émerger la solution du « switch de terrain ».
Le compromis avec Matexi
Six mois après l’établissement de la ZAD, Matexi jette l’éponge. La société préfère accepter la proposition de la ville d’échanger le terrain de la Chartreuse avec un autre en sa possession. En effet, contre toute attente la ZAD perdure, son soutien ne faiblit pas et Matexi comprend que des travaux sur son terrain ne peuvent s’envisager, au mieux, que dans un avenir lointain.
C’est d’abord une victoire pour celles et ceux qui souhaitaient préserver le site de la Chartreuse. Aujourd’hui, la question de la sanctuarisation de la parcelle peut de nouveau être posée puisqu’elle redevient propriété publique. De plus, les zadistes ont veillés à éviter le fait que Matexi renonce à artificialiser un terrain pour aller couler du béton ailleurs. Récemment, le collège échevinal a d’ailleurs annoncé qu’il verrait désormais d’un œil défavorable tout projet immobilier sur un terrain non-artificialisé. Si la victoire est donc indéniable pour la Chartreuse, elle constitue également une avancée pour la préservation de tous les espaces verts sur le territoire communal. Il est par contre important de noter qu’un autre projet immobilier plane aujourd’hui sur la Chartreuse puisqu’un autre promoteur immobilier vient d’acquérir une autre parcelle dans la zone de l’ancien fort. L’avenir nous dira si d’autres comités de riverains, d’autres ZAD devront voir le jour.
Que retenir de la lutte pour la Chartreuse ?
La mémoire de cette lutte victorieuse pour la sauvegarde de la Chartreuse doit être préservée tant il est vrai que dans une économie de marché, il y a souvent un promoteur en embuscade pour privatiser un espace vert au détriment de l’intérêt collectif. D’autres luttes sont à venir et il convient de tirer les leçons de chacune pour renforcer les suivantes.
En l’occurrence, les dynamiques entre collectifs de riverains, réseaux et militants de la ZAD ont plutôt bien fonctionné et ont été complémentaires. La ZAD a compris que le succès de l’occupation se jouait dans le soutien qu’elle pourrait obtenir plutôt que dans la solidité de ses barricades : En effet si l’occupation du site et sa fortification ont empêché le début du chantier, les zadistes n’auraient probablement pas pu s’opposer durablement à une éviction manu militari s’ils étaient restés isolés. Du côté d’Un Air de Chartreuse, il y a eu cette intelligence de collaborer avec un nouvel acteur dans une stratégie nouvelle plutôt que de se complaire dans l’attentisme ou le mépris pour les nouveaux venus, attitude que l’on a pu observer dans d’autres luttes similaires. Il faut noter d’ailleurs que l’idée d’une occupation du site, si elle n’avait jamais été mise en œuvre, n’était pas absente de l’esprit des militants de UADC et qu’ils pouvaient facilement être acquis à cette stratégie.
Dans cette collaboration entre acteurs militants, le souci d’étendre la solidarité à d’autres couches et de faire connaître le combat pour la préservation de la Chartreuse est redevenu l’axe stratégique principal. En témoignent les nombreux événements organisés sur le site, activités de tous ordres qui ont fonctionné comme autant de points d’entrée pour impliquer de nouvelles personnes dans la lutte mais aussi les mobilisations, manifestations et rassemblements devant le conseil communal qui ont contribué à maintenir la lutte vivante à une échelle plus large.
La thématique des oiseaux choisie par les zadistes a permis de développer un imaginaire qui a nourri la lutte et a permis de l’élargir bien au-delà des cercles militants habituels. Ainsi la « parade des oiseaux », cortège partant de l’hôtel de ville pour rejoindre le site de la Chartreuse, a été un aussi été un moment festif, intégrant un public familial notamment au moyens d’ateliers qui ont fait appel au savoir-faire de chacun.
Un journal de l’occupation ( le « tchip-tchip »), une page facebook ainsi que des groupe de messageries ont permis de garder ce lien avec ces couches larges en donnant des nouvelles de l’occupation et des activités qui y étaient programmées mais aussi d’organiser le soutien matériel.
On peut penser que ce soutien large a été déterminant dans la décision des autorités communales de ne pas faire intervenir la police. Il est d’ailleurs intéressant de constater que la communication de la ville au sujet de la ZAD a été en permanence de la décrire comme un lieu de radicalisme violent afin de la décrédibiliser aux yeux de la population liégeoises : si la ZAD n’avait pas réussi à imposer une autre image d’elle-même, il y a fort à parier qu’elle serait devenue isolée et donc facilement expulsable. Cette volonté d’abîmer l’image de la ZAD a perduré après la victoire puisque l’on a vu des conseillers communaux de la majorité et des medias aux ordres accuser les zadistes de laisser un dépotoir derrière eux alors même que s’organisait le démantèlement du campement et le nettoyage du site par des dizaines de volontaires.
En définitive, cette guerre de communication s’est avérée tourner en faveur de l’occupation : La popularité croissante de la ZAD étant inversement proportionnelle à celle de Matexi, il n’est pas interdit de penser que la société immobilière a finalement renoncé à toute prétention sur le site pour restaurer en partie son image de marque.
Le lien entretenu avec les autres luttes semblables dans la région par l’intermédiaire notamment de OLT mais aussi des discussions organisées sur la ZAD ont précisément permis de construire un contre-discours face à celui de Matexi et des autorités communales. Cela a par exemple été la garantie de ne pas se faire taxer de NIMBY (Not In My Back Yard – pas près de chez moi, désignant l’attitude qui consiste à approuver un projet pourvu qu’il se fasse ailleurs). En ce sens, aborder des questions comme celles des politiques du logement ou de l’utilité des espaces verts pour la résilience des villes ont permis de politiser la lutte et d’opposer un récit alternatif au discours dominant et simpliste de « il faut bien loger les gens ».
Mais après tout, la leçon essentielle de cette séquence, comme celle de toute mobilisation victorieuse, est qu’il n’y a pas de fatalité et que l’intelligence collective de quelques personnes décidées peuvent triompher d’un projet immobilier imposé ou, comme on le dit depuis bientôt 50 ans : « oser lutter, oser vaincre ».
Luttons pour du logement abordable ET la préservation des espaces verts
Fin du monde, fin du mois : même combat
Les espaces verts sont notre bien commun : préservons-les
Tract distribué par le PSL lors de diverses mobilisations en défense de la Chartreuse
La politique communale du logement met les espaces verts sous pression comme en témoigne la vente d’une parcelle appartenant à la ville à la société Matexi pour la construction de 51 logements sur le site du parc de la Chartreuse. Notre passé récent et notre futur proche nous montrent pourtant l’importance de préserver des espaces verts au cœur de nos villes. Les espaces verts urbains sont les jardins de ceux qui n’en ont pas et, comme l’ont démontré les périodes de confinement, disposer d’un coin de nature où se ressourcer est loin d’être un caprice.
La présence d’îlots de verdure est également indispensable pour lutter contre les vagues de chaleur ou pour diminuer l’impact des fortes pluies : nos espaces verts joueront à l’avenir un rôle régulateur de plus en plus important pour conserver la qualité de la vie en ville. C’est leur protection et leur extension qui est urgente, pas leur destruction !
Du logement pour qui ? Du logement comment ?
La majorité communale PS-MR justifie ses choix de politique du logement en mettant en avant à la fois la nécessité de loger les Liégeois actuels mais surtout d’attirer les ménages à hauts-revenus en ville. L’objectif avoué est de disposer ainsi d’une population mieux nantie et mieux à même de contribuer à des finances communales exsangues. Logiquement, les projets immobiliers de standing sont priorisés et des concessions importantes sont faites aux grosses entreprises de la construction. Les « clauses sociales » négociées en contrepartie pour établir une minorité de logements sociaux dans les projets immobiliers (généralement 10%) ne peuvent cacher cette réalité : la ville se bâtit au détriment des classes populaires en rognant sur l’espace public.
Loger tout le monde sans empiéter sur les espaces verts ? C’est possible
Les autorités communales mettent en avant cette politique comme la seule possible en raison du manque de surface à bâtir mais des alternatives existent pour retrouver des espaces de logement : la réquisition du logement vacant (plus de 3000 sur le territoire communal) notamment les étages des grandes enseignes commerciales en centre-ville, la construction sur les friches industrielles après dépollution des sols ou la reconversion des immeubles de bureaux inoccupés.
Cela ne pourrait se faire qu’en mettant en place un véritable service public de rénovation et de construction de bâtiments travaillant sous le contrôle et au bénéfice de la population. Cela ouvrirait également la voie à l’instauration d’un vaste programme public de rénovation et d’isolation des bâtiments, quartier par quartier. Pour cela, il nous faut un plan massif d’investissement public.
Une telle politique exigerait évidemment des moyens qui font actuellement défaut au niveau local notamment en raison du service de la dette historique de Liège. Cette dette n’a pas été contractée au bénéfice de la population : nous ne devons pas accepter qu’elle hypothèque notre avenir. Au contraire, nous devons la dénoncer et construire une dynamique et un rapport de forces capables de faire de Liège une commune rebelle qui refuse de faire passer les intérêts des banques avant ceux de sa propre population.
Des exemples historiques montrent qu’il est possible de faire reculer des créanciers et d’investir dans les besoins locaux grâce à la mobilisation de masse et à la solidarité : une campagne massive mettant à l’ordre du jour de telles revendications trouverait à n’en pas douter un échos dans les autres grandes villes du pays de manière à former un réseau de communes rebelles capable d’imposer l’annulation des dettes des communes.
Soutenir l’occupation par la mobilisation de masse et la convergence des luttes
L’occupation du site de la Chartreuse est un élément clef de la résistance contre la bétonisation du site. Mais les occupants ne tiendront pas face aux tentatives d’expulsion sans une solidarité massive des riverains et des autres collectifs similaires dans et autour de Liège. En cela, les premiers échanges qui ont eu lieu entre les occupants du site et le collectif Un air de Chatreuse ou la coordination Occupons le terrain nous apparaissent très encourageants dans cette nouvelle phase de la lutte contre le projet Matexi. Des liens restent à construire avec les collectifs de précaires, de mals-logés et avec le reste du mouvement social. Afin que ni Matexi ni la majorité communale ne puisse nous diviser en opposant fin du monde et fin du mois, revendiquons en plus de la préservation des espaces verts urbains :
> Un plan d’investissement public massif dans la construction et la rénovation d’un parc immobilier public soutenable du point de vue environnemental pour répondre au besoin de logement.
> La réquisition des espaces de logement vacants sans rachat ni indemnité sauf sur base de besoins prouvés.
> Le refus du paiement de la dette de la ville, sans sur base de besoins prouvés.
> La nationalisation des grandes entreprises du secteur de la construction sous contrôle de la population. -
Accord sur le nucléaire : le gouvernement cède face à Engie
Début janvier, le gouvernement fédéral et Engie sont arrivés à un accord: la multinationale de l’énergie continuera d’exploiter les réacteurs nucléaires de Doel 3 et Tihange 4 pour une durée de 10 ans à compter de 2026. Cet accord clôt une séquence de plus de 6 mois. Derrière cet accord, une capitulation en règle d’un gouvernement mis sous pression par la crise énergétique et enfermé dans la logique du marché.Par Clément C. (Liège)
Un pas en avant, deux pas en arrière
Le 18 mars 2022, le gouvernement fédéral décidait de repousser de 10 ans la sortie du nucléaire, alors prévue en 2025. Derrière cette décision, la crainte de pénuries d’énergie consécutives à la guerre en Ukraine et la défense de la «souveraineté énergétique» du pays. Très vite, Engie a émis ses réserves sur la faisabilité de cette prolongation, avançant des difficultés d’ordre techniques et logistiques: processus de démantèlement déjà trop engagé, délais de construction des pièces nécessaires à une prolongation, manque de personnel qualifié, délais d’approvisionnement en combustible trop élevé, etc.
Autant de coups de pression pour défendre l’élément principal: les juteux bénéfices que le groupe a engrangés, et veut continuer à engranger du nucléaire. En juin, la CEO d’Engie était limpide sur ce point en expliquant cyniquement que les prix élevés de l’énergie pouvant baisser, le retour sur investissement était trop incertain.
Contrairement aux nombreux ménages qui ne savent plus quoi faire pour payer leurs factures d’énergie, Engie n’a pourtant pas à s’inquiéter pour sa santé financière: sur les neuf premiers mois de 2022, le chiffre d’affaires du groupe a augmenté de 85% (La Dernière heure, 10/11/2022). Selon l’expert en réseau électrique Damien Ernst (pro nucléaire), l’exploitation d’un seul réacteur générerait de 1 à 1,5 milliards d’euros de bénéfices net par an selon les prix en vigueur aux printemps (cité par Moustique, 7/4/2022).
La volonté du gouvernement de prolonger les deux réacteurs ne constitue donc pas une responsabilité pour Engie-Electrabel mais bien une opportunité en or. L’occasion pour le groupe d’exiger de l’État qu’il finance une partie des investissements, mais aussi et surtout de se dégager au maximum de ses responsabilités en ce qui concerne le traitement définitif des déchets nucléaires.
Socialiser les pertes, privatiser les bénéfices
À l’heure d’écrire ces lignes, seuls les axes directeurs de l’accord sont connus. Ainsi, l’État assumera 50% des investissements nécessaires à la prolongation et cogérera les réacteurs prolongés via une structure public-privé dont les modalités de financement sont encore inconnues ; à n’en pas douter, cela met l’entreprise dans une position de force pour esquiver toute forme de taxation de ses profits ou renégocier voir se débarrasser de la rente nucléaire. Pire, Engie obtient un plafonnement du coût de la gestion définitive des déchets produits depuis plus de 40 ans d’exploitation du nucléaire.
Aujourd’hui, si les déchets produits par le nucléaire en Belgique ont été stockés de manière «temporaire mais sécurisée» aucune solution de stockage définitive n’a encore été mise en œuvre et l’estimation du coût de ce stockage définitif, dont une partie significative sera désormais présentée à la collectivité, augmente de milliard en milliard et d’année en année. Parmi les acteurs chargés de calculer le coût du démantèlement du nucléaire et de la gestion des déchets se trouve la Commission des provisions nucléaires à la tête de laquelle a fraîchement été appointé Kevin Welch, ex-directeur stratégique d’Engie.
En d’autres termes, cet accord s’inscrit dans la rengaine trop bien connue de «socialiser les pertes, privatiser les bénéfices».
Qu’il s’agisse d’approvisionnement ou de prix, l’énergie est un domaine trop essentiel que pour être laissé aux mains d’entreprises privées, dont les seules préoccupations sont les dividendes record qu’elles pourront reverser à leurs actionnaires. Toute mesure destinée à répondre à la crise de l’énergie exige que l’ensemble du secteur soit placé en mains publiques sous contrôle démocratique de la collectivité, sous peine de se transformer en son contraire. On le voit avec cet accord, on le voit avec le plafonnement des prix «à la française» où les finances publiques serviront à compenser le manque à gagner des entreprises privées pour soulager les particuliers: prendre d’une main, rendre de l’autre.
En contrôlant le secteur de l’énergie ainsi que les autres secteurs-clefs de l’économie, il serait possible d’investir massivement dans la production d’énergies renouvelables tout en rationalisant la consommation énergétique: via des plans d’isolation systématiques des logements, le développement des transports publics, des technologies moins polluantes et énergivores dans l’industrie, … et ainsi garantir une énergie accessible à tous, respectueuse de la sécurité de la population et du futur de la planète.