Category: International

  • Une guerre régionale se profile-t-elle au Moyen-Orient ?

    2023 a marqué une dramatique escalade du conflit israélo-palestinien ; d’abord l’augmentation des attaques menées par les colons en Cisjordanie, puis le choc meurtrier du 7 octobre et finalement l’actuel offensive contre Gaza avec ses destructions et hécatombes journalières. Dès octobre l’escalade a aussi été internationale.

    Par Christian, article dont une version raccourcie est parue dans l’édition de février de Lutte Socialiste

    Une accélération pour le nouvel an

    Le 2 janvier, les tensions ont monté d’un cran. Saleh al-Arouri, le numéros deux du Hamas, a été tué avec cinq autres membres de l’organisation par un drone israélien à Beyrouth. Le même jour, un double attentat à la bombe à Kerman en Iran a fait 94 morts parmi une foule commémorant Ghassem Soleimani, général des « Gardiens de la révolution » et chef iranien des opérations extérieures, tué exactement quatre ans plutôt à Bagdad à la suite d’une frappe de drone américain. Bien qu’ultérieurement revendiquée par l’Etat Islamique (IS) Tehran accuse toujours Israël et les Etats-Unis d’être mêlés à cette attaque terroriste.  

    Le 11 janvier, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont lancé d’importantes frappes aériennes contre des cibles Houthis au Yémen au nom de la protection des routes de navigations internationales. Il est bien improbable que ceci mette fin aux attaques Houthi en Mer Rouge. Déjà le 31 décembre, un hélicoptère américain avait coulé trois petit vaisseaux Houthis menaçant un porte-conteneurs. Cet incident qui avait couté au moins une dizaine de morts du côté Houthis.

    Une guerre régionale ?

    Même si une guerre régionale à grande échelle n’est pas le scénario le plus probable, l’escalade semble s’accentuer chaque jour un peu plus. D’une part il y a Israël appuyé de manière pratiquement inconditionnelle par les pays occidentaux, et tout particulièrement par les Etats-Unis. De l’autre, il y a le soi-disant « Axe de la Résistance » composé de l’Iran et des forces qui lui sont proches, tel que le Hezbollah au Liban, les Houthis au Yémen, ainsi que diverses milices en Irak et en Syrie. Du côté des gouvernements occidentaux, les quelques timides appels à la retenue, qu’ils expriment une réelle inquiétude ou ne visent qu’à apaiser l’opinion publique, échouent à forcer un changement de cap à Tel-Aviv.

    Il existe le danger qu’une partie de la classe dirigeante israélienne surévalue ses possibilités à porter un coup décisif à nombre de ses ennemis, notamment au Hezbollah et à l’Iran lui-même. Une approche pour arriver à cette fin serait de provoquer une forte réaction de l’Iran ou de l’un de ces alliés pour ainsi entrainer les Etats-Unis dans une confrontation directe avec ceux-ci. Déjà par le passé, des gouvernements israéliens avaient encouragé Washington de s’en prendre à l’Iran. Netanyahou, dont l’avenir politique est plus que jamais compromis, pourrait être tenté de jouer le tout pour le tout.

    « L’axe de la résistance » quant-à-lui cherche à profiter de la situation pour repousser l’influence d’Israël et des États-Unis dans la région. Toutefois, ses forces préfèrent la stratégie des mille-piqures à une grande confrontation qui pourrait leur être dévastatrice et avoir des effets imprévus. De ce côté de l’équation, le sort de Gaza joue un rôle central. Autant le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah que le chef Houthi Abdul-Malik al-Houthi ont déclarés que leurs actions belliqueuses ne s’arrêterait que s’il y a une fin à l’attaque et au siège contre Gaza. Toutefois faut-il aussi prendre en compte les intérêts propres à ses organisations.

    Le Hezbollah au Liban

    Depuis le 7 octobre, le conflit frontalier avec Israël a déjà causé la mort de plus de 150 combattants du Hezbollah et de dizaines de civils dont des journalistes ciblés par Israël. De plus, 76.000 Libanais ont dû quitter leur foyer. Du côté israélien, les pertes sont bien plus limitées mais 96.000 civils ont été évacués de la région frontalière.

    Depuis des années, le Hezbollah essaye de se projeter comme « le bouclier du Liban » pour se donner plus de légitimité au-delà de la communauté chiite. Par le passé, il a su donner une certaine crédibilité à cette image en infligeant des revers à Israël, notamment durant la guerre de 2006. Toutefois, les partisans du Hezbollah veulent que celui-ci dissuade les invasions israéliennes, et non qu’il les invite. Selon une enquête publiée en octobre par le journal officiel du Hezbollah, Al-Akhbar, plus des deux tiers de la population libanaise, dont plus de la moitié des chiites interrogés, étaient opposés à ce que le Hezbollah, provoque un véritable conflit avec Israël.

    En effet, même sans guerre le Liban se trouve déjà dans une très mauvaise position. Le pays fait face à une crise économique parmi les plus profondes jamais vues à l’époque moderne. Depuis 2019, la monnaie nationale a perdu 98% de sa valeur face au dollar américain provocant une inflation alimentaire parmi les plus hautes au monde. C’est ainsi que plus de la moitié de la population nécessite une aide humanitaire.

    Les dirigeants du Hezbollah reconnaissent que le pays n’est pas prêt pour la guerre, mais ne veulent pas non plus faire preuve de faiblesse. Depuis la frappe sur le numéro deux du Hamas, l’escalade mesurée du côté du Hezbollah a conduit Israël à assassiner deux de ses commandants militaires.

    Si le Hezbollah déployait tout son arsenal de missiles (bien plus grand et plus performant que celui du Hamas), il pourrait pendant un certain temps submerger les défenses israéliennes et causer de graves dégâts. Cela entraînerait certainement une intervention américaine sous la forme de frappes aériennes.

    Les Houthis au Yémen

    Le Yémen est stratégiquement placé près du Bab el-Mandeb, détroit à l’entrée de la mer Rouge. 12% du commerce mondial et 8% du gaz naturel liquéfié passe par la mer Rouge et le Canal de Suez. Durant les derniers mois, les Houthis ont ciblé des cargos en mer Rouge avec des missiles et des drones. Ils ont aussi su saisir plusieurs navires. Alors que les Houthis affirment qu’ils n’attaquent que les navires à destination d’Israël, dans les faits, les attaques se révèlent peu ciblées et représentent une menace pour le transport maritime dans son ensemble. Des compagnies comme AP Moller-Maersk et Hapag-Lloyd, représentant près d’un quart du fret de containers au niveau mondial, ont décidés d’éviter la mer Rouge. La route alternative autour de l’Afrique ajoute deux semaines au trajet entre l’Asie et l’Europe. Les coûts supplémentaires pourraient de nouveau ranimer l’inflation. A part l’Israël, l’Egypte (ou les frais de transit joue aussi un rôle), les pays Méditerranéens et l’Europe serait le plus affectés économiquement.

    Malgré les récentes frappes contre ses forces, le chef des Houthis a juré de ne pas reculer. Les attaques en mer Rouge ne cesseront que si Israël arrête sa guerre contre Gaza. Au vu des 25.000 frappes aériennes subies précédemment de la part de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, l’intervention des pays occidentaux n’est pas prête d’impressionner les Houthis. Les dirigeants Houthis utilisent leurs actions pour améliorer leur position au Yémen et dans la région. En effet, bon nombre de leurs ennemis ne peuvent actuellement s’attaquer à une milice qui joue la carte de la défense des Palestiniens. Il est révélateur que sur la coalition de dix pays mise en place par les États-Unis pour assurer le commerce mondial dans la mer Rouge, un seul (Bahreïn) appartient à la région.

    Après avoir connu une guerre qui a fait des centaines de milliers de morts depuis 2014 le Yémen continue à faire face à une catastrophe humanitaire. La coalition dirigée par l’Arabie saoudite n’a pas su déloger les Houthis qui contrôlent actuellement un territoire qui abrite 80% de la population du pays. Bien que Riyad cherche désormais à s’extraire du conflit par des négociations, sur le front intérieur, les dirigeants Houthis sont confrontés à un mécontentement populaire croissant. Encore en août, ils furent confrontés à une grève des enseignants contre les salaires impayés. Le mois suivant des rassemblements de masse pour le « jour de la révolution » du 26 septembre fut un nouveau défi au régime Houthi. Dans ce contexte, les dirigeants Houthis ont vite réalisé qu’en jouant la carte de la défense des Palestiniens ils saurait capitaliser sur la grande colère envers Israël (et aussi les Etats-Unis) au Yémen et dans la région.

    Autres potentialités d’escalade

    Les États-Unis disposent encore d’environ 2.500 soldats en Irak et 900 en Syrie. Le soutien américain à Israël dans la destruction de Gaza met ces troupes en péril. Ceux-ci ont subis environs 100 attaques depuis la mi-octobre. La majeure partie de ses attaques ont été revendiquées par la « Résistance islamique en Iraq », une alliance de groupes armés liés à l’Iran.

    L’assassinat par drone d’un commandant haut gradé d’une milice chiite intégrée à l’armée irakienne, en « auto-défense » selon les Américains, pourrait marquer la fin d’une certaine retenue du côté étatsunien. Le premier ministre irakien Mohammed Shia al-Sudani a en tout cas dénoncé cette « flagrante agression » comme une « dangereuse escalade » et a appelé au retraie des troupes étatsuniennes. Bien que ce dernier appel restera probablement sans suite, comme par le passé, le danger d’escalade en en Irak est lui bien réel. Celle-ci pourrait, par exemple, advenir si une attaque venait à provoquer des morts du côté américains.

    Washington préfère ne pas engager ses forces armées dans une nouvelle guerre au Moyen Orient. D’une part cela serait trop étendre ses forces et négliger le conflit en Ukraine et surtout en Mer de Chine. Toutefois le soutien massif apporté à Israël, que ce soit sous la forme d’armement, de finances, de la présence de porte-avions, ou de diplomatie encourage le massacre à Gaza et une escalade régionale. Des attaques trop poussées contre les alliés de l’Iran pourraient forcer celui-ci à participer plus directement dans le conflit. Ceci pourrait potentiellement résulter dans la fermeture du détroit d’Hormuz ce qui représenterait encore un choc pour l’économie internationale.  

    Dans le contexte d’une « Ere du désordre », où la nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine joue un rôle central, l’incertitude et le danger d’une escalade militaire sont omniprésents. L’impérialisme américain est étroitement lié au régime israélien. L’Iran, quant à lui, se rapproche des intérêts du capitalisme chinois. Tout conflit peut en soi donner lieu à une escalade pernicieuse pour des millions de travailleurs et de pauvres dans la région et dans le monde.

  • Capitalisme et agriculture : qui sème la misère récolte la colère

    En France, l’année 2024 démarre avec un mouvement d’ampleur des agriculteurices qui couvait depuis plusieurs mois. Passant d’actions symboliques comme de retourner les panneaux indicateurs aux blocages d’autoroutes mais aussi de magasins et de centrales d’achat, iels ont rapidement obtenu l’annonce de quelques mesures à leur avantage de la part du nouveau Premier ministre français Gabriel Attal. Celles-ci sont toutefois bien loin de suffire pour répondre aux problèmes auxquels font face les paysan·nes. La mobilisation se poursuit et fait tache d’huile vers la Belgique.

    Par Tiphaine et Jean

    L’étincelle de ce mouvement, c’est le retard des aides de la PAC (Politique Agricole Commune) et la hausse des taxes sur les pesticides et la consommation d’eau. Mais il y a surtout la question de la très faible rémunération des agriculteurices, qui est en train d’empirer sous l’effet de multiples facteurs. Depuis le début de la guerre en Ukraine, le prix du gazole non routier (GNR, le carburant utilisé dans l’agriculture) a flambé, et le budget 2024 (passé à coup de 49.3 au beau milieu d’une nuit…) prévoit l’augmentation de la taxe sur celui-ci. La demande baisse car l’inflation a fait baisser les dépenses alimentaires des ménages (en particulier le bio et la viande). En septembre est apparue en France la maladie hémorragique épizootique (MHE), et les éleveurses doivent supporter les coûts du vaccin. Suite aux intempéries, beaucoup d’agriculteurices ont dû faire des réparations insuffisamment couvertes par les assurances. Et puis encore les sécheresses à répétition… La liste est longue.

    A tout cela s’ajoutent la frustration devant la paperasse, les nombreux contrôles, les réglementations parfois contradictoires, la concurrence avec des pays qui ne sont pas soumis aux mêmes normes, l’endettement pour financer le matériel agricole, et la crise climatique qui rend l’avenir incertain, surtout quand on n’a pas les moyens d’opérer les changements nécessaires pour y adapter son exploitation.

    Tout cela ne fait qu’empirer le lourd impact de leur travail sur la santé des agriculteurices. Iels vivent en moyenne plus longtemps que le reste de la population, mais vivent moins longtemps en bonne santé. Un lien a été montré entre l’exposition aux pesticides et les troubles cognitifs ou les bronchites chroniques. Le taux de cancers de la prostate et de maladies de Parkinson sont plus élevés en milieu agricole. Le travail physique provoque des troubles musculo-squelettiques. A cela s’ajoutent l’isolement dû à la difficulté de trouver un·e conjoint·e qui accepte de partager ces dures conditions et le lourd tribut sur la santé mentale. Les suicides sont nombreux chez les agriculteurices. 

    L’impasse du marché capitaliste

    A un bout de la chaîne, les paysan·nes peinent à survivre. A l’autre, les ménages subissent l’augmentation du prix des denrées. Entre les deux, il y a les industriels et les distributeurs qui savent profiter de la crise. D’après un rapport du Sénat français de juillet 2022, « Certains distributeurs appliquent des hausses de prix de vente dans leurs rayons alors même qu’ils n’ont pas signé de hausse de tarif d’achat du produit avec le fournisseur. Ces pratiques seraient facilitées par le fait que les consommateurs s’attendent, de toute façon, à constater une forte inflation dans les rayons ».

    Bien entendu, les négociations de prix entre producteurs et industriels ou distributeurs n’ont pas le même effet pour les gros exploitants et pour les petits. Les grandes exploitations (gros céréaliers, élevages intensifs…) bénéficient d’économies d’échelles que n’ont pas les paysan·nes. Par la concurrence, l’agrobusiness fait donc baisser les prix en dessous du taux rémunérateur pour les petits exploitants, qui survivent malgré cela grâce aux aides publiques. Les prix du marché reposent sur le temps de travail socialement nécessaire pour les produits, mais au niveau mondial. Cela ne représente pas les coûts de production d’un petit producteur. Il se voit donc obligé de vendre en dessous de son prix de revient. Ces aides, qui permettent à peine aux agriculteurices de vivre, c’est en fait la différence entre ce que le distributeur paie et la valeur des produits – un vrai cadeau à ces derniers.

    Avec les lois Egalim (pour “équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable”), l’État a imposé certaines règles dans les négociations entre industriels, dans le but de protéger le revenu des producteurs. Ces lois sont non seulement vaines, mais également non appliquées. Et d’après le rapport du Sénat cité plus haut, elles ont également l’effet secondaire d’être inflationnistes. Dans le cadre du libre-échange capitaliste, chaque tentative de solution ne fait que déplacer le problème ailleurs…

    Mais comme l’explique la Confédération paysanne, “[cette loi] ne garantit pas une couverture des coûts de production agricoles qui inclut une rémunération paysanne digne et équitable… il faut enfin agir à la racine, c’est-à-dire interdire l’achat des produits agricoles en-dessous de leur prix de revient, au lieu d’attendre un hypothétique ruissellement dans des filières alimentaires opaques. Espérer que l’industrie et la grande distribution s’accordent entre elles pour protéger le revenu paysan est une tartufferie ou le signe d’une méconnaissance complète de la réalité.”

    L’achat des produits agricoles en-dessous de leur prix de revient est la clé du problème de la rémunération. Mais comment pourrait-ce être “interdit”? En économie capitaliste, obliger plusieurs branches d’industrie à s’écarter de la formation des prix ne pourrait être que temporaire. De plus, celles-ci répercuteraient l’augmentation sur le prix à la consommation, ce qui ferait baisser la demande et serait le prétexte à une nouvelle baisse des prix payés au producteur. Pour imposer des prix rémunérateurs sur le long terme, il faudrait prendre le contrôle de l’agro-industrie et des distributeurs, c’est-à-dire les nationaliser.

    Le capitalisme est un système instable qui obéit à ses propres lois basées sur l’anarchie de la production. Dans ce cadre, les dirigeants font des tentatives pour stabiliser les marchés, réguler… Par exemple, les quotas sur le lait, les pommes de terre et les betteraves, que la PAC vient de supprimer, donnaient une certaine stabilité au prix payé au producteur. Mais c’était une forme de planification bureaucratique qui équilibrait les excédents en les revendant à prix cassés. Ce dont nous avons besoin, c’est de sortir de l’anarchie du marché avec une planification démocratique basée sur les besoins réels et à laquelle les agriculteurices prendraient part.

    L’agrobusiness tente de garder la tête du mouvement

    A la tête du mouvement, il y a la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles. Si la force du mouvement, ce sont les petits agriculteurices qui protestent contre les faibles revenus et les difficultés, la FNSEA représente surtout les intérêts de l’agro-business. Ses prises de positions sont productivistes et anti-écologistes, notamment en faveur de l’agriculture intensive, des pesticides et des grandes-bassines. Ayant une forte influence sur le gouvernement, elle a notamment été derrière la tentative de dissolution des Soulèvements de la Terre. Son président, Arnaud Rousseau, est président du conseil d’administration du groupe agro-industriel Avril, quatrième entreprise agroalimentaire française, chiffre d’affaire 9 milliards d’euros en 2022.

    Si la FNSEA est majoritaire chez les agriculteurices, il faut différencier la direction de FNSEA formée d’agro-industriels de ses 212.000 adhérents, dont beaucoup sont de petits exploitant·es. Certains l’ont rejoint pour faire partie du réseau d’agriculteurices et bénéficier des services du syndicat plutôt que par conviction de son programme productiviste et anti-environnemental ou en soutien de ses activités de lobbying. Au niveau départemental, les FDSEA ont une certaine autonomie – le blocage de Paris était à l’initiative de la FDSEA locale, tandis que la FNSEA appelle au calme. Sentent-ils que le mouvement pourrait les déborder? Au sein du mouvement actuel, des voix s’élèvent contre la FNSEA et dénoncent notamment sa proximité avec le gouvernement. Certains, tout en partageant la colère de leurs collègues, se sont abstenus de se joindre au mouvement par rejet de la politique de la FNSEA  – mais cela pourrait changer si la voix des petits exploitants commence à devenir dominante.

    Cette direction de la FNSEA s’appuie sur la juste colère des paysan·nes écrasé·es par l’inflation, la concurrence, les taxes… Pour faire passer son idéologie à la fois libérale et protectionniste, productiviste et anti-environementale. Et pendant qu’ils se concentrent sur l’abrogation de normes et ne vont pas plus loin que la revendication du respect des lois Egalim, ils passent sous silence le rôle des industriels, des distributeurs et des banques dans la situation dramatique des paysan·nes.

    Pour une agriculture écologique et rémunératrice

    Précurseur de l’écologie, Karl Marx avait expliqué comment le capitalisme exploite à la fois la Nature et l’être humain. Le monde paysan se trouve au cœur de cette double exploitation. A présent, la droite et les représentant·es de l’agro-business voudraient que les agriculteurices fassent alliance avec le Capital contre la Nature. Mais c’est évidemment d’une alliance avec la Nature contre le Capital dont l’Humanité a besoin pour sa survie.

    Le message que la FNSEA et la droite veulent nous faire passer, c’est qu’il existe une incompatibilité totale entre normes écologiques et amélioration de la condition paysanne. En fait, dans tous les aspects de la crise écologique actuelle, le mot d’ordre du capitalisme est : en faire payer le coût aux travailleurs et aux plus pauvres, continuer à détruire la planète si on peut se le permettre. Cette logique s’applique aussi à l’agriculture. Les normes sont une menace pour les petits exploitants pendant que les grands céréaliers assèchent les sols avec leurs mégabassines et que l’élevage intensif continue à polluer, avec toutes les horreurs que cela comporte pour les animaux. Cette exploitation inconsidérée de la Terre menace le futur de l’agriculture, et en fait, notre survie même en tant qu’espèce.

    Mais les paysan·nes n’ont aucun intérêt à épuiser la terre dont ils vivent. Si beaucoup de petits exploitants se joignent à la lutte pour l’utilisation des glyphosates et des néonicotinoïdes, ils sont nombreux à militer à des causes écologiques. Ce sont également eux qui expérimentent des manières de produire alternatives comme la permaculture. Il faudrait résolument encourager tou·tes les agriculteurices à prendre cette direction, avec des aides à la transition vers une agriculture écologique à la hauteur des besoins.

    Pour notre survie, c’est ce type d’agriculture qui doit se développer et prendre le dessus. Une série d’organisations écologistes a signé une tribune appelant à l’unité du mouvement écologiste et du mouvement paysan et rappellent que ceux-ci ont convergé dans de nombreuses luttes récentes.

    Les grands distributeurs pris pour cible

    Suite au mouvement de retournement des panneaux, le 5 décembre, Arnaud Rousseau a annoncé avoir obtenu la hausse des taxes sur les pesticides et l’eau a été annulée. Loin de rentrer chez eux, à partir du 18 janvier, les agriculteurices ont continué en élargissant leurs revendications et en organisant des blocages. Les blocages d’autoroute ont fait la Une des journaux, mais la distribution a également été ciblée.

    Dans toute la France, des centrales d’achats et magasins d’Auchan, Carrefour, Leclerc, Aldi…  ont été bloquées, de même qu’une usine de Lactalis. A Carrefour Maubeuge, les agriculteurices se sont emparé·es d’une palette de plaquettes de beurre qu’ils ont distribuées gratuitement aux passants. Ces actions envers les magasins permettent d’engager la discussion entre producteurs et consommateurs au sujet de la question des prix. En 2 ans, le prix des produits alimentaires a augmenté de 21%, et 16% des Français·es disent ne pas manger à leur faim.

    En ciblant la distribution, il y a moyen de créer une solidarité concrète entre la paysannerie et la classe ouvrière. La CGT appelle à faire converger les revendications des salarié·es, des travailleuses et des travailleurs agricoles et des agricultrices et agriculteurs. Elle appelle aussi à multiplier les grèves pour gagner des augmentations de salaires. Un appel à la grève dans les secteurs de la distribution et de l’industrie agro alimentaire, en solidarité avec les paysannes et sur la question des salaires et de leurs revendications propres, serait un formidable moyen de créer un rapport de force en menaçant leurs profits. 

    Des annonces insuffisantes

    Le 26 janvier, Attal a annoncé l’annulation de la hausse de la taxe sur le GNR, 10 mesures de « simplification » des normes, et promis de faire respecter la loi Egalim. C’est loin d’être suffisant. La Confédération paysanne continue à appeler à la mobilisation en demandant « des mesures structurelles » avec des prix minimums rémunérateurs garantis et la régulation des marchés. Pour elle, « le Premier ministre répond à des demandes productivistes et à court terme de la FNSEA qui vont affaiblir les normes et accélérer la mise en concurrence entre paysan·nes. Or la préoccupation première sur le terrain est bien de vivre dignement de son métier. La surcharge administrative doit être allégée sans que cela ne remette en cause les normes protectrices pour notre santé, nos droits sociaux et notre planète. »

    Pour toutes celles et ceux qui ont participé aux récentes luttes en France, il est surprenant de voir avec quelle rapidité certaines des leurs revendications ont été accordées. Il est encore plus surprenant de constater l’absence de répression du mouvement. Le fait que la mobilisation soit dirigée par un puissant lobby n’y est pas pour rien, mais il y a aussi le fait que le gouvernement utilise le deux-poids-deux-mesures pour entretenir la division entre les différentes sections de la classe travailleuse.

    Au moment même où des militants de Sainte-Soline sont jugés, Darmanin a déclaré : « On ne répond pas à la souffrance en envoyant des CRS » et parle de « coups de sang légitimes ». Assez hypocrite quand on repense aux violences policières auxquelles ont fait face des mouvements de colère toute aussi légitime en 2023. Il argue que les paysan·nes ne s’attaquent pas aux bâtiments publics. En fait, il y a bien eu de destructions, notamment une explosion qui a soufflé les vitres de la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) à Carcassonne – deux tags « CAV » (Comité d’Action Viticole), ont été retrouvés sur place. Quand on pousse à bout des centaines de milliers de personnes, comment ne pas s’attendre à ce genre d’actions ? Et les blocages d’autoroutes et opérations escargots ne sont pas qualifiés de « prises d’otages » comme c’est immanquablement le cas lors des grèves de la SNCF. Pour Darmanin, il ne s’agit pas seulement de montrer sa complaisance pour un mouvement dirigé par la FNSEA, mais aussi de creuser la division entre les agriculteurices et les autres travailleurs en rappelant que ces derniers sont de dangereux vandales.

    Ce qui pèse aussi dans l’attitude du gouvernement envers les paysan·nes, c’est que plus de 80% des Français·es soutiennent le mouvement – mais pas pour les mêmes raisons. Pour la droite, les paysan·nes représentent l’opposition aux normes et aux régulation, et une vision idéalisée de l’entreprenariat et de l’indépendance économique – mais cette indépendance est loin de la réalité, puisque les paysan·nes sont soumis aux banques envers lesquelles ils et elles sont endettés et aux distributeurs qui imposent les prix. 

    Pour l’extrême-droite, c’est l’occasion d’agiter le protectionnisme; mais si celle-ci est prête à dénoncer la concurrence étrangère, elle passe sous silence celle de l’agrobusiness… Et tout ce qu’elle a à dire sur la question de la faim, c’est que les personnes d’origine étrangères ne devraient pas avoir accès aux restos du cœur ni aux aides sociales. Appauvrir l’aile de la classe travailleuse qui ne plaît pas au RN n’aura jamais pour effet d’améliorer la situation des autres couches. 

    Pour la classe travailleuse, les paysan·nes sont des travailleur·euses avec une énorme charge de travail pour des revenus extrêmement faibles, qui loin d’être indépendant·es sont exploité·es par différentes branches du capitalisme. Il est crucial de construire la solidarité entre l’ensemble des travailleur·euses, et que la gauche montre la voie de la sortie du capitalisme pour empêcher l’extrême droite de prendre le volant et de nous emmener droit dans le mur.

    Un programme de transition socialiste pour l’agriculture

    Cette crise souligne l’impasse de l’agriculture sous le capitalisme. En mode « business as usual » l’agriculture est soumise aux fluctuations et aux spéculations du marché mondialisé, ce qui crée régulièrement des situations de crise alimentaire aiguë, surtout lorsque des gros producteurs comme l’Ukraine voient soudainement leur production s’effondrer.

    Dans le contexte du changement climatique et des nouvelles réglementations visant à rendre l’agriculture un peu plus verte (même si on est encore loin de ce qu’il faudrait vraiment faire), la situation devient totalement ingérable. Les agriculteurs se retrouvent face à plusieurs défis simultanés :

    • Des surcoûts liés aux nouvelles règles, et à l’augmentation des prix et des taxes sur certains produits.
    • Des surcoûts liés aux conditions d’exploitation dégradées par le changement climatique, les épidémies etc.
    • Un marché rendu instable par les mêmes causes auxquelles s’additionne l’instabilité géopolitique.
    • Une charge financière écrasante qui les empêche souvent de modifier rapidement leur mode de production.

    Bref, ils se retrouvent entre le marteau du changement climatique et l’enclume de la nécessité de lutter contre ce même changement, en plus de toutes les autres calamités infligées par le capitalisme. 

    Ces contradictions sont encore muselées par la direction du mouvement (aux mains de l’agro-business) mais vont très rapidement éclater au grand jour et poser la question d’un véritable programme de transition verte pour l’agriculture. Parmi les fédérations agricoles qui  sont mobilisées, la Confédération paysanne est sans aucun doute l’organisation qui a la vision de classe la plus affirmée et qui plaide clairement pour une sortie du libre échange, pour une “Sécurité sociale de l’alimentation” et des mesures pour garantir un revenu décent à chaque paysan. C’est sur ce type de fondements que pourra se construire un mouvement paysan capable d’attaquer frontalement le système mortifère qui appauvrit, les sols, la faune, la flore et  toute la population pour le bonheur de quelques poignées d’actionnaires.

    Mais il ne suffira pas de “sortir du libre échange” pour régler tous les problèmes des agriculteurs, il faudra prendre en main les secteurs qui les étouffent en amont et en aval. Le programme socialiste pour l’agriculture passera nécessairement par: 

    • Pour un appel à la grève dans les secteurs de l’industrie agroalimentaire et la grande distribution – Unité des travailleur·euses et des paysan·nes face au capitalisme!
    • Nationalisation de l’agro-industrie et du secteur de la distribution sous contrôle des travailleurs pour permettre une production et une distribution démocratiques des produits alimentaires. Celles-ci débarrassées de la logique capitaliste, la planification permettra par les quotas les prix administrés de garantir à la fois des prix rémunérateurs pour les producteurs et des prix abordables pour les consommateurs
    • Développement des coopératives pour l’achat de matériel agricole en commun avec un soutien technique
    • Annulation de la dette des paysans, nationalisation des banques sous contrôle des travailleurs pour accompagner économiquement les paysans dans la transition agroécologique et les défis posés par le changement climatique
  • De Depardieu à Macron, la riposte anti #Metoo à la sauce française

    Depuis août 2018, 4 plaintes pour viols et agressions sexuelles ont été déposées contre Depardieu. Médiapart a également publié 13 témoignages de femmes l’accusant de violences sexuelles. L’affaire a refait surface à la suite d’une émission de Complément d’Enquête (France 2) consacrée aux propos racistes, sexistes et pédocriminels de Depardieu en Corée du Nord. La veille de sa diffusion, une des plaignantes, l’actrice Emmanuelle Debever, s’est suicidée.

    Par Tiphaine et Brune

    Le sexisme de Depardieu est connu de longue date. Sophie Marceau n’a jamais caché les raisons de son refus de tourner à ses côtés depuis les années ’80. Dans une interview de 1978, il avait expliqué avoir commis “trop de viols pour les compter” en se justifiant ainsi : “Je veux dire, ça n’existe pas le viol. C’est seulement une fille qui se met dans la situation qu’elle désire. La violence n’est pas commise par ceux qui perpétuent l’acte, mais par les victimes elles-mêmes, celles qui permettent que cela arrive.” Quand le Time avait ressorti l’entretien en 1991, il avait persisté : “Mais c’était tout à fait normal dans ces circonstances. Cela faisait partie de mon enfance”.

    Commentant ce dont elle avait été témoin, Sophie Marceau a déclaré : Il ne s’en prenait pas aux grandes comédiennes, plutôt aux petites assistantes, maquilleuses, techniciennes, jeunes actrices à leurs débuts, etc. Un schéma souligné sans surprise dans les diverses accusations : les relations de pouvoir entraînent des abus de pouvoir. C’est au cœur des dénonciations de #Metoo. Et si aujourd’hui agressions et harcèlement sont beaucoup moins tolérés, ceux qui profitent de ces positions de pouvoir tentent de reprendre la main et de protéger leur entre soi, une tendance visible partout dans le monde.

    La défense de Depardieu, une aubaine pour la droite

    Une immonde tribune en défense de Depardieu a été signée par 55 artistes. Elle déclare notamment : Lorsqu’on s’en prend ainsi à Gérard Depardieu, c’est l’art que l’on attaque. Rien de moins. En aprenant que l’initiative de la tribune venait de l’extrême droite (un proche d’Éric Zemmour par ailleurs éditorialiste au magazine d’extrême droite Causeur) plusieurs signataires se sont ensuite désolidarisés. Cela n’enlève toutefois rien au fond du texte qu’ils et elles ont approuvé et, d’autre part, ces “regrets” proviennent surtout de la vague de protestations d’une ampleur inédite qui a suivi.

    Macron y a vu une belle controverse capable de servir de contrefeu à la loi immigration – votée grâce à l’extrême droite qui revendique une “victoire idéologique” – tout en caressant dans le sens du poil un électorat plus âgé et conservateur. Dans un entretien télévisé au lendemain direct de ce vote, il a lui-même exigé d’être  interrogé au sujet de Depardieu et n’a pas hésité à parler de chasse à l’homme avec des propos dénigrants pour les plaignantes qui ont eu le courage de parler.

    Macron est friand de telles provocations diviseuses et de différences de traitement manifestes. D’un côté, il fait interdire le port de l’abaya à l’école suivant une vision rétrograde et sexiste de la laïcité de l’État (qui promeut la séparation de la religion et de l’État, pas de se mêler de ce que portent les jeunes filles), de l’autre, il célèbre l’Hanoukka à l’Élysée. De cette façon, tant l’islamophobie que l’antisémitisme sont attisés, haine et discorde sont distillées à la base de la société, parmi la classe travailleuse.

    Ces provocations visent à détourner la colère de la crise du pouvoir d’achat, des pénuries dans les services publics, de l’accès difficile au logement, etc. ainsi qu’à dévier l’attention de la force du mouvement de grèves et de manifestations de masse de la première moitié de l’année 2023 en défense des retraites. C’était d’ailleurs l’objectif réel de la “loi immigration et asile”, mais son adoption a été considérablement plus complexe et chaotique que ce que Macron prévoyait. Suivant la stratégie de la fuite en avant qu’il affectionne tant, il a décidé d’aller surfer sur une autre vague réactionnaire pour à nouveau détourner l’attention.

    Ce n’est qu’un début, continuons le combat !

    Dans le monde du cinéma et de la culture, il y aura un avant et un après. Plus de 8000 artistes ont signé en 48h une tribune sur “Cerveaux non disponibles”. On peut y lire : Comme toujours dans les affaires de violences sexistes et sexuelles à l’égard des femmes, la « présomption d’innocence » pour l’agresseur sonne comme une « présomption de mensonge » pour les femmes qui témoignent contre lui. (…) Comme l’écrit Elvire Duvelle-Charles dans l’ouvrage « Moi aussi », l’idée que certaines femmes puissent porter préjudice à l’image d’un honnête homme suscite plus de réactions et d’effroi que l’idée que les femmes violées n’obtiennent pas justice, exception faite du 0,6% des viols qui sont condamnés.

    Elle se clôt en soulignant que se réfugier derrière le « laissons faire la justice », ou le pathétique « il faut séparer l’homme de l’œuvre », c’est accepter de mettre son propre jugement de côté. C’est estimer que nous n’avons aucun rôle à jouer dans l’évolution de notre société. Que nous ne pouvons pas aider et soutenir les victimes. Et ce serait une erreur, nous sommes bien d’accord.

    Nous devons poursuivre le combat. Le 8 mars arrive, la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, c’est déjà demain. À travers le monde, il y aura des actions et des manifestations féministes, une dynamique internationale d’action collective que nous souhaitons la plus massive possible. Cette unité dans la lutte est la meilleure façon qui soit de changer les mentalités et, surtout, de construire le rapport de forces dont nous avons besoin pour en finir avec cette société capitaliste qui repose sur les relations de pouvoirs, les inégalités, l’exploitation et les oppressions.

  • Vidéo. Il y a dix ans… une marxiste était élue à Seattle

    Il y a dix ans, Kshama Sawant a été élue conseillère de ville à Seattle (le conseil se compose de 9 sièges en tout et pour tout en plus du maire, sans équivalent d’un collège échevinal). Ce fut une surprise totale pour l’establishment de cette ville. L’establishment politique a été stupéfait et l’establishment économique a rapidement suivi. Seattle est à la base une ville surtout connue comme le siège de Jeff Bezos, le patron d’Amazon. Ce dernier s’est confronté à Kshama et son parti, Socialist Alternative, concernant la “taxe Amazon”, une taxe sur les grandes entreprises à Seattle, notamment pour financer des logements. Bezos s’est battu, mais a perdu.

    Seattle a également été la première grande ville américaine à augmenter le salaire minimum à 15 dollars de l’heure. Dans deux vidéos de la série “On Strike”, Kshama revient sur la dernière décennie avec Bia Lacombe de Socialist Alternative.

  • Élections générales en République Démocratique du Congo : « un gigantesque désordre »(*)!

    Le 20 décembre 2023, plus de 40 millions de personnes étaient appelées aux urnes dans plus de 75.000 bureaux de votes. À cause de la situation sécuritaire ou logistique, certaines régions n’ont tout simplement pas pu voter. 100.000 candidats se présentaient, de même que 70 partis et coalitions différentes. La perte d’influence de la clique de Kabila sur les institutions politiques a été confirmée, de même, surtout, que la montée en puissance de l’entourage de l’actuel président.

    Par Alain (Namur)

    Pour beaucoup d’observateurs officiels, ces élections étaient un test à la suite des dernières échéances électorales où, à leurs dires, la première transition politique pacifique de l’histoire du pays avait eu lieu. En dépit d’une fraude électorale grotesque, l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir avait été acceptée par la “communauté internationale”. Le compromis entre Kabila et Tshisekedi devait permettre la stabilité relative de ce pays à la grande importance géostratégique. D’autre part, pour l’Union européenne et les États-Unis, Tshisekedi était et est toujours estimé plus sûr concernant les relations internationales.

    Un résultat connu d’avance

    Durant son premier mandat, à la suite d’un compromis électoral frauduleux avec l’ancienne clique électorale au pouvoir, Tshisekedi avait littéralement acheté sa majorité présidentielle. Cette position dominante et l’absence d’opposition organisée ont joué un grand rôle dans l’obtention d’un score majeur lors des élections de décembre dernier : 73,47%. Mais ces résultats sont fortement contestés par l’opposition qui a appelé à une manifestation rapidement interdite et réprimée. L’ensemble du processus électoral a été marqué par la fraude, les irrégularités et les difficultés logistiques.

    Tshisekedi avait nommé un proche à la tête de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Denis Kadima, qui a tout fait pour favoriser son allié. L’opacité était de mise et de lourds soupçons de prise d’intérêt entourent l’institution. Malgré les divers maquillages, 82 élections de député-e-s ont été annulées suite à de graves constats d’irrégularités impossibles à nier. Tshisekedi dispose aussi de l’UDPS, un des partis les mieux structurés de la vie politique congolaise. Son père, Etienne, avait à l’époque rompu avec le MPR de Mobutu, l’ancien parti unique de la dictature qu’il avait contribué à créer, et s’est installé comme « l’opposant éternel » de Mobutu, puis de Kabila père et fils. Cela a contribué au crédit de son groupement politique.

    Enfin, Tshisekedi n’a pas hésité à jouer la politique de diviser pour mieux régner. Il a maintenu la politique de gerrymandering (un découpage intéressé des circonscriptions électorales) au niveau provincial afin d’affaiblir son principal opposant. Il a favorisé les élites de sa communauté pour obtenir leur soutien. Il a aussi restreint l’autonomie des provinces pour accroître la centralisation du pouvoir.

    Quelle issue pour la majorité sociale ?

    Les élections ont acté le fait que la famille politique qui dirigeait le pays a bel et bien changé. Mais la situation n’a pas bougé pour la majorité sociale. La population s’est pourtant déplacée en masse pour aller voter. Le courage et la patience nécessaires pour atteindre des bureaux de vote souvent fort éloignés témoignent de l’attachement réel aux conquêtes réalisées suite au combat contre le troisième mandat de Kabila en 2016-2019.

    Défendre les acquis de cette lutte est primordial. Mais c’est insuffisant. Dans beaucoup de pays d’Afrique de l’Ouest qui avaient connu une relative stabilité institutionnelle, l’impasse de la crise politique a conduit à une suite de coups d’État. Dans ces régions, les illusions envers la démocratie sont en train de tomber, non pas parce que les gens ne sont pas attachés à leur droit démocratique, mais parce que le régime politique n’a pas résolu les problèmes auxquels la majorité sociale fait face. Un des éléments qui sera crucial au Congo et dans la région sera de reconstruire des organisations indépendantes pour que la majorité sociale puisse faire entendre ses intérêts.

    1. Selon le président de la Conférence épiscopale au Congo.
  • Le mouvement international de solidarité isole le terrorisme d’État israélien

    À l’initiative du gouvernement sud-africain et soutenu par des dizaines d’autres gouvernements, la Cour internationale de justice de La Haye doit se prononcer sur les intentions « génocidaires » du régime israélien à Gaza.

    Les résultats de cette guerre unilatérale aux caractéristiques génocidaires parlent d’eux-mêmes : plus de 23.000 morts, plus de 60.000 blessés, la destruction de toutes les écoles, des attaques contre les hôpitaux et l’organisation délibérée d’une catastrophe humanitaire. Les déclarations de différents ministres israéliens ne laissent aucun doute quant au caractère délibéré de ces actions. Le ministre de la Défense, Yoav Galant, a qualifié les Palestiniens de « bêtes humaines », un autre député du parti de Netanyahu a défendu de « brûler Gaza », le ministre d’extrême droite Ben-Gvir veut expulser toute la population palestinienne vers le Congo. Qu’est-ce d’autre qu’une purification ethnique avec un appel au génocide ?

    Le choc causé par cette violence insoutenable et la croissance de la solidarité internationale ont incité le gouvernement sud-africain à saisir la cour de justice internationale ; des dizaines de gouvernements se sont joints à la plainte, et le mouvement de solidarité mondial tourne maintenant son regard vers La Haye. Pour une véritable solution, il ne faudra toutefois pas compter sur les Nations Unies et ses tribunaux. En mars 2022, la Cour internationale de justice a demandé à la Russie de se retirer de l’Ukraine. Sans effet. Nous ne pouvons pas non plus faire confiance aux gouvernements tels que celui de l’Afrique du Sud qui perpétuent un système d’extrême inégalité et de violence, notamment en ce moment-même à l’encontre des réfugiés du Zimbabwe. Une condamnation serait cependant indéniablement une lumière d’espoir pour la population palestinienne et pour le mouvement de solidarité.

    La social-démocratie et les verts veulent que la Belgique se joigne à la plainte, mais se heurtent à la résistance des libéraux. Entre-temps, des initiatives pourraient également être prises au niveau national. Comment est-il possible, par exemple, que l’artiste Hind Eljadid ait été arrêtée pendant des heures pour avoir récité un poème contre la violence lors d’un événement du gouvernement flamand ? Plus tôt dans la même journée, le nouvel édifice de l’Institut Hannah Arendt à Malines a été inauguré avec une grande banderole : « Personne n’a le devoir d’obéir. » Avant que nos politiciens ne se rendent à La Haye, ils pourraient peut-être faire valoir le droit à la résistance à Malines.

    La plainte à La Haye montre l’isolement progressif du terrorisme d’État israélien sur la scène internationale. Le caractère terroriste de l’attaque du Hamas le 7 octobre est réel, mais il est largement éclipsé par le terrorisme industriel israélien contre la population palestinienne. La protestation de masse a un impact sur l’opinion publique et est désormais un facteur réel contre la poursuite de l’offensive israélienne. Ce rôle ne devrait pas être laissé aux politiciens traditionnels et aux institutions internationales. Avec un programme précis de changement social et une approche consciente de construction du mouvement, la protestation peut encore prendre de l’ampleur.

  • France. Bloquons la Loi immigration et le racisme!

    Contre l’oppression, l’exploitation et l’extrême-droite :

    • Construisons des comités démocratiques locaux de résistance
    • Décidons d’un plan d’action en escalade

    En France, les 500 familles les plus riches détenaient 1000 milliards d’euros en 2021. Si on augmentait de 500 euros par mois les 26 millions de salarié.e.s, cela représenterait 13 milliards. Soit à peine 1,3% du magot des ultra-riches. Voilà. Le reste, c’est de la diversion.

    Tract d’Alternative Socialiste Internationale – France distribué aujourd’hui à Paris dans le cadre de la journée de mobilisation contre la Loi immigration

    La loi sur l’immigration constitue l’attaque la plus raciste en France depuis des décennies. Elle est emblématique d’un virage significatif à droite du régime Macron, également visible dans la défense par Macron de Depardieu soi-disant victime d’une ‘‘chasse à l’homme” (!) ou encore dans la composition du nouveau gouvernement. Cette loi est tout droit sortie du petit manuel “diviser pour mieux régner”. D’un côté, Macron fait interdire le port de l’abaya à l’école suivant une vision rétrograde et sexiste de la laïcité de l’État (qui promeut la séparation de la religion et de l’Etat, pas de se mêler de ce que portent les jeunes filles), de l’autre, il célèbre l’Hanoukka à l’Elysée.

    De cette façon, il attise tant l’islamophobie que l’antisémitisme. Sa croisade islamophobe comporte également la répression de la solidarité avec la Palestine et son assimilation au terrorisme. Haine et discorde sont distillées à la base de la société, pour affaiblir la classe travailleuse et sa résistance, qui n’est forte qu’à hauteur de sa solidarité active. Ce qu’il souhaite, c’est développer la réalité raciste déplorable des “deux France”  à nouveau légitimement et puissamment révélée et combattue lors des mobilisations antiracistes de l’été dernier après le meurtre policier raciste de Nahel.

    La loi, raciste et méprisable dès le départ, a été considérablement durcie au cours des 18 derniers mois de débat. Aujourd’hui, Le Pen et l’extrême droite qualifient son vote de “victoire idéologique”. Ce développement s’inscrit dans la tendance croissante à droite de Macron et de ses gouvernements. Pour surmonter leur faiblesse parlementaire, ils misent sur la séduction de la droite et de l’extrême-droite. Pour tenter de se consolider une base sociale, même limitée, ils en reprennent la rhétorique. Leurs politiques, de même que l’impunité de la violence policière, ont renforcé la confiance de l’extrême-droite pour passer à l’action violente.

    Mais il existe aussi une raison structurelle. La classe dirigeante, en France comme ailleurs, voit fondre sa base de soutien. Elle doit recourir à un mélange de politique de “diviser pour  mieux régner” et de mesures autoritaires pour dévier la colère et détourner l’attention des multiples contradictions d’un système capitaliste à bout de souffle.

    Les tensions inter-impérialistes croissantes bousculent les certitudes géostratégiques. Les dépenses militaires doivent augmenter. L’inflation entraine des profits records chez les multinationales, agroalimentaires notamment, mais peuvent entrainer des explosions sociales. Pareil avec la crise climatique incontrôlable. Les gouvernements ont moins de marge de manœuvre dans la compétition pour les profits, les marchés et le pouvoir. Pour que le champagne continue à couler et garantir la rentabilité et la compétitivité, il leur faut intensifier leurs attaques contre la classe travailleuse. La loi immigration est une nouvelle tentative cynique d’exploiter les angoisses et la crainte de l’avenir des gens ordinaires afin de protéger les intérêts de ceux-là mêmes qui conduisent la société droit dans le mur.

    Le racisme n’apportera ni sécurité, ni stabilité, ni vie décente à qui que ce soit parmi la classe travailleuse et la jeunesse. Tout comme le sexisme ou la queerphobie, il vise avant tout à nous diviser. Et tout ce qui nous divise nous affaiblit ! D’autres offensives antisociales sont en préparation, comme la prochaine loi visant à détruire davantage nos conditions de travail présentes et à venir.

    Et après ? Encore des coupes budgétaires. Encore moins de soins de santé. Moins d’énergie bon marché. Moins d’enseignement. Moins de transports publics. Moins de services sociaux. Et toujours plus de souffrance et de difficultés. Ça, c’est le cocktail idéal pour plus d’insécurité et des explosions de violence. Et les boucs émissaires, ce seront les personnes réfugiées et les musulmans. Ça, c’est le projet de Macron et de ses maîtres.

    Les difficultés socio-économiques augmentent aussi la violence basée sur le genre et contre les personnes opprimées. Les femmes travailleuses et les personnes non-blanches sont parmi les premières victimes de la hausse de la précarité au sein des foyers et de la société en général. Le sexisme, le racisme et d’autres formes d’oppression font partie de l’ADN du capitalisme et sont utilisés pour maintenir la société de classe. Par exemple, alors que les riches et puissants excusent constamment leurs abus flagrants (Depardieu, Gros Lardon, Darmanin, Zemmour, etc.), la droite et l’extrême-droite abusent cyniquement des cas de violence sexiste pour promouvoir leur programme haineux et réactionnaire.

    Ceux et celles qui luttent courageusement contre la violence et l’injustice capitaliste et le système qui en est à l’origine sont alors réprimés et attaqués par les forces armées et la justice de classe (Saint-Soline, actions Robin des Bois, solidarité avec la Palestine et militantes féministes contre Depardieu) pour protéger la classe dirigeante et maintenir la société de classe.

    Dépasser l’expression de la colère en construisant la riposte

    Construisons un front uni de la classe ouvrière, de la jeunesse et des personnes opprimées, enraciné dans tous les quartiers ouvriers, les banlieues, les écoles, les universités et les lieux de travail ! Nous devons construire un mouvement dans l’esprit de la lutte contre la réforme des retraites, un mouvement qui combine la force considérable de la classe ouvrière organisée avec la volonté courageuse et inspirante de lutter pour un changement fondamental de la part de la jeunesse et des personnes opprimées, comme exprimé dans les manifestations antiracistes après le meurtre de Nahel.

    Inspirons-nous des luttes des sans-papiers qui ont remporté des victoires initiales grâce à leurs grèves courageuses pour la régularisation et ont organisé une assemblée de plus de 100 personnes le 3 janvier à Paris pour se mobiliser en vue des manifestations des 14 et 21 janvier.

    Les syndicats devraient suivre cet exemple et organiser des assemblées générales sur les lieux de travail ; les manifestations des 14 et 21 janvier ne devraient pas être divisées, mais constituer les premières étapes d’un plan d’action allant crescendo pour un mouvement dans lequel les personnes opprimées, la jeunesse et la classe ouvrière plus largement luttent côte à côte.

    Soulignons d’ailleurs à ce titre que si les organisations syndicales avaient compris le réel enjeu derrière l’attaque raciste de l’interdiction du port de l’abaya à la rentrée pour construire la lutte contre le ministre de l’Education Gabriel Attal, nous ne serions que plus forts aujourd’hui pour lutter contre le même individu devenu Premier ministre.

    Ne laissons personne de côté pour que personne ne se trompe de colère ! C’est ce qui doit être à l’ordre du jour du mouvement ouvrier organisé. Les exemples édifiants ne manquent pas : les manifestations spontanées contre la loi en décembre, les 32 départements “de gauche” qui ont déclaré leur refus de mettre en œuvre la préférence nationale pour l’allocation d’autonomie (APA), les comités antifascistes comme dans les Côtes-d’Armor impliquant LFI, les syndicats, les activistes/groupes féministes et climatiques, les comités de solidarité avec la Palestine dans les universités et les manifestations contre Depardieu qui ont eu lieu dans plus de 35 villes à travers la France le jeudi 11 janvier.

    Imaginons ce qui serait possible si ces luttes se rassemblaient dans des comités de résistance locaux contre l’oppression, l’exploitation et l’extrême droite, en utilisant des manifestations, des actions directes et des grèves. Avec une telle organisation collective, nous pourrions également faire pression sur les 32 départements “de gauche” pour qu’ils s’opposent à la loi dans son intégralité – pour qu’ils se déclarent villes sanctuaires – et lier cela à une lutte pour un plan d’investissement massif dans les services publics.

    Nous avons besoin d’un type de système différent : une société socialiste démocratique basée sur la planification démocratique et la propriété publique des secteurs clés de l’économie. De cette façon, les conditions matérielles seraient disponibles pour prendre en compte les besoins et l’épanouissement de chaque personne. C’est nous, la majorité sociale, qui devons décider – et prendre les rênes de la société – et non pas une poignée d’ultra-riches et leurs marionnettes politiques qui, pour satisfaire la rapacité des capitalistes, sont coupables du pire pour nous empêcher de nous unir contre eux. Car à partir de ce moment, plus rien ne nous serait impossible.

  • [Conseil lecture] “Un détail mineur”, par Adania Shibli

    En octobre dernier, “Un détail mineur” a fait la une des journaux et des cercles créatifs après l’annulation d’une cérémonie de remise de prix à l’auteure palestinienne à la Foire du livre de Francfort. Les organisateurs ont invoqué les actions du Hamas comme pitoyable prétexte, une excuse répétée à l’envi pour réduire au silence et censurer de nombreux artistes et activistes palestiniens au cours des derniers mois.

    Par Amy Ferguson, Socialist Party (ASI-Irlande)

    L’attaque aveugle lancée par le Hamas le 7 octobre n’est évidemment pas de la responsabilité D’Adania Shibli ou de tout autre personne de Palestine qui cherche à s’exprimer et à s’opposer à la violence et événements bouleversants subis des mains de l’État israélien. Heureusement, la communauté des écrivains a réagi et plus de 1.300 d’entre elles et eux ont signé une lettre ouverte condamnant la décision de la foire du livre. Le précédent est important. La solidarité avec les victimes de la censure et de la partialité de l’impérialisme est la meilleure riposte, des cartes blanche aux manifestations, actions de grèves et autres formes d’action collective.

    “Un détail mineur” se divise en deux parties. La première partie suit un général de l’armée israélienne et ses troupes en mission dans le désert du Néguev en 1948, dans le but de poser les fondations d’une nouvelle colonie israélienne, dans le cadre de ce qui est connu aujourd’hui comme la “Nakba”, la catastrophe. Les journées des soldats sont faites d’exercices militaires, de creusement de tranchées et d’observation des environs à la recherche des populations locales. Lorsqu’ils trouvent un petit groupe d’Arabes, les soldats tirent pour tuer. Mais ils font une prisonnière. Après l’avoir gardée en otage plusieurs jours durant, les soldats la violent et l’assassinent.

    La seconde partie du roman suit les pas d’une Palestinienne de Cisjordanie qui prend connaissance du drame et d’un “détail mineur” : le fait qu’il se soit produit vingt-cinq ans jour pour jour avant sa naissance. La quête d’informations dans laquelle elle se lance n’est toutefois pas évidente. Pour quitter son village, désormais sous contrôle de l’Etat israélien, elle doit emprunter une carte d’identité qui l’autorise à traverser plus de zones. Sans poser de questions, deux de ses collègues l’aident à obtenir ce dont elle a besoin pour pouvoir quitter la zone qui lui a été attribuée.

    Suit alors l’angoisse liée aux divers postes de contrôle tenus par des soldats qu’elle doit franchir. Elle affronte par après l’extrême réticence de la classe dirigeante israélienne et de son régime colonial et impérialiste à divulguer des informations de nature à exposer sa brutalité et à ébranler sa position.

    “Un détail mineur” est un roman fantastique dont les 112 pages contiennent un message politique poignant et incisif. Il est tout à la fois désorientant, horrible mais plein d’espoir, et nous met au défi de regarder en face ce à quoi ressemble l’horrible normalisation de la violence et du contrôle quotidiens que subissent les masses palestiniennes. Une lecture recommandée pour toutes celles et ceux qui veulent en savoir plus sur la réalité de la vie des Palestiniens en Cisjordanie et au-delà.

    ADANIA SHIBLI. « Un détail mineur ». Roman traduit de l’arabe (Palestine) par Stéphanie Dujols. Sindbad. Actes Sud. 126p.16€

  • ¡Ya Basta! 30 ans après le soulèvement zapatiste au Mexique

    Il y a trente ans, le 1er janvier 1994, l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) a capté l’attention de la communauté internationale. Masqués de passe-montagne et réclamant des droits pour la population indigène du Mexique, ils ont déclenché un soulèvement de 12 jours dans l’État du Chiapas au Mexique. Ce fut la première grande lutte anticapitaliste après l’effondrement du stalinisme, ravivant l’espoir qu’une alternative était possible après que les commentateurs capitalistes eurent déclaré que la lutte pour le socialisme était “terminée”.

    Par Hannah Swoboda, Alternativa Socialista (ASI-Mexique)

    La rébellion de 1994 a expulsé les grands propriétaires terriens des haciendas, promis plus de droits aux femmes et ouvert la voie à la création d’écoles, de dispensaires et d’autres institutions gérées par la communauté dans certaines parties de l’État d’origine des zapatistes, le Chiapas. Ces établissements continuent de desservir les communautés rurales pauvres auxquelles l’État mexicain a longtemps refusé l’accès aux infrastructures de première nécessité.

    Malgré les avancées concrètes dues soulèvement, la qualité de vie des Chiapanèques reste l’une des pires du pays. Les données de 2022 du Conseil national mexicain pour l’évaluation de la politique de développement social montrent que 67 % des habitants du Chiapas vivent dans la pauvreté – le taux le plus élevé de tout le Mexique – contre 36 % pour l’ensemble de la population mexicaine. Au Chiapas, 28 % des habitants répondent à la définition gouvernementale de l’”extrême pauvreté”, ce qui signifie qu’ils gagnent si peu d’argent que même s’ils le dépensaient entièrement en nourriture, leur régime alimentaire manquerait encore d’éléments nutritifs essentiels.

    Pour ne rien arranger, la violence des cartels s’est intensifiée dans la région ces dernières années, les deux plus grandes organisations criminelles du Mexique se disputant les principaux itinéraires de contrebande reliant le Guatemala au Mexique. Des civils ont été pris entre deux feux et des incursions ont eu lieu en territoire zapatiste. En 2021, l’EZLN a prévenu que la récente escalade de la violence, tant de la part des cartels que de l’État qui collabore étroitement avec eux, avait placé le Chiapas “au bord d’une guerre civile”. En réponse à cette situation désastreuse, l’EZLN a annoncé la dissolution et la réorganisation de ses structures d’auto-gouvernement en novembre dernier.

    Trente ans après le soulèvement zapatiste, quelle est la voie à suivre pour mettre fin à la pauvreté et à la violence qui frappent encore les communautés indigènes et, plus généralement, les travailleurs du Chiapas ? Considérant le bilan du zapatisme, nous ne devons pas nous contenter d’exalter l’héroïsme de ce mouvement, mais également porter un regard critique sur ses limites et les leçons à la fois de ce qu’il a accompli et de ce pour quoi il doit encore se battre.

    Le contexte de la rébellion

    Dans les années 1980, après la défaite de luttes ouvrières décisives dans plusieurs pays clés, le néolibéralisme est devenu le modèle dominant de la classe capitaliste dans le monde entier. Les économistes et les politiciens prétendaient que le libre-échange et la mondialisation élimineraient les inégalités. En réalité, le néolibéralisme s’est traduit par une nouvelle politique de privatisations et de réduction des services sociaux qui a considérablement accru la pauvreté au sein de la classe ouvrière.

    L’Amérique latine a été le principal terrain d’essai de la politique néolibérale, et le Mexique a conduit cette offensive en ouvrant les marchés aux investissements étrangers. De 1990 à 1993, le Mexique a attiré la plupart des capitaux entrant en Amérique latine – 92 milliards de dollars -, des investisseurs milliardaires s’emparant des industries d’État et spéculant sur les marchés financiers pour faire de l’argent rapidement. Le Mexique a également été un pays précurseur des privatisations massives. Il est passé de 1 200 entreprises publiques en 1982 à un peu plus de 200 en 1994. Il a aussi procédé à des coupes sombres dans les budgets publics. En 1995, l’aide aux zones rurales représentait moins d’un quart de ce qu’elle était en 1980. La déréglementation favorable aux entreprises s’est traduite par la suppression du salaire minimum et des lois sur la sécurité au travail.

    Le président mexicain en exercice de 1988 à 1994, Carlos Salinas de Gortari, affirmait que ces politiques allaient permettre au Mexique de sortir du tiers-monde et de devenir un pays dséveloppé. C’ela s’est avéré vrai pour les super riches, mais pas pour les travailleurs. Avant Salinas, le Mexique ne comptait que deux milliardaires. Lorsqu’il a quitté ses fonctions, il en comptait 26. Dans le même temps, le salaire minimum a chuté de 58 %. La classe ouvrière n’a rien obtenu d’autre de la main invisible du marché que des conditions de plus en plus difficiles.

    Salinas a ensuite signé l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 1994. En établissant une zone de libre-échange entre les États-Unis, le Mexique et le Canada, l’accord commercial promettait la poursuite de la mondialisation néolibérale qui avait déjà fait des ravages sur les moyens d’existence des gens ordinaires. L’ALENA a aboli l’article 27 de la constitution mexicaine, un héritage de la révolution mexicaine qui promettait des terres à tous les groupes de travailleurs qui en faisaient la demande. La réduction des droits de douane de l’ALENA signifiait que les petits agriculteurs allaient être écrasés par l’agro-industrie dominée par les États-Unis.

    Dans ce contexte économique, l’EZLN a préparé clandestinement son insurrection dans les jungles du Chiapas pour qu’elle ait lieu le jour de l’entrée en vigueur de l’ALENA. Si le soulèvement était en partie une réponse à l’ALENA, il s’agissait également d’une lutte plus large visant à améliorer les conditions de vie des communautés indigènes qui avaient été continuellement dépossédées de leurs terres, à la fois par le colonialisme et par les privatisations modernes. Comme le résume la déclaration fondatrice de l’EZLN : “Nous sommes le produit de 500 ans de luttes”. Ils ont appelé les paysans à rejoindre l’insurrection et à revendiquer les droits qui leur ont été historiquement refusés : “le travail, la terre, le logement, l’alimentation, la santé, l’éducation, l’indépendance, la liberté, la démocratie, la justice et la paix”.

    Les rangs de l’armée zapatiste étaient composés principalement de paysans mayas pauvres. En 1994, 33 % des foyers du Chiapas n’avaient pas d’électricité, 59 % n’avaient pas d’égouts et 41 % n’avaient pas d’eau courante. La malnutrition était endémique. 55% de la population indigène du Chiapas était analphabète, avec une espérance de vie de 44 ans. Largement négligée par l’État dans cette région géographiquement isolée du pays, la population avait le sentiment qu’elle devait prendre les choses en main. Avant même l’arrivée de l’EZLN au Chiapas, les paysans indigènes s’étaient organisés pour réclamer une réforme agraire, une éducation dans les langues indigènes, des soins de santé et des droits sociaux, faisant souvent face à une répression meurtrière de la part de l’État. 

    Le lancement de l’insurrection

    Sous la bannière de l’EZLN, quelque 3 000 soldats de la guérilla ont pris les armes et se sont emparés de six villes du Chiapas le 1er janvier. Ils réclamaient l’annulation de l’ALENA, le renversement du gouvernement mexicain et la création d’une assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle constitution mexicaine. Certains ont déclaré aux journalistes qu’ils se battaient pour le socialisme.

    Salinas a rapidement envoyé l’armée pour écraser la rébellion. Des tirs ont été échangés entre l’EZLN et environ 12 000 soldats mexicains, qui ont largement dominé les soldats sous-équipés de la guérilla. En l’espace de quatre jours, l’armée mexicaine a forcé l’EZLN à battre en retraite et a commencé à abattre  les personnes qu’elle avait faites prisonnières.

    Cependant, les tentatives du gouvernement d’écraser purement et simplement la rébellion ont échoué sous la pression des manifestations de solidarité à l’échelle nationale. La lutte des zapatistes bénéficiait d’un large soutien dans la société mexicaine, qui y voyait une réponse nécessaire aux ravages des attaques néolibérales. La brutalité exercée contre l’EZLN a également rappelé la repression d’état utilisée de longue date contre les mouvements étudiants et ouvriers. Ce sentiment de solidarité s’est matérialisé par des manifestations de dizaines de milliers de personnes dans les centres-villes de tout le pays. Le jour de ces manifestations, Salinas a annoncé un cessez-le-feu, 12 jours après le début du soulèvement, et des négociations ont été entamées entre le gouvernement et l’EZLN.

    Pourparlers de paix et crise économique

    Les pourparlers de paix se sont déroulés par intermittence. Malgré le cessez-le-feu, l’armée maintient un siège autour des zones d’influence des Zapatistes. Les intrusions et les attaques constantes ont finalement conduit à l’apparition de groupes paramilitaires et à une vague de violence qui a provoqué le déplacement forcé de milliers de personnes. Fin 1994, l’EZLN a rompu tout dialogue avec le gouvernement fédéral, invoquant la poursuite de la répression et de la militarisation du pourtour de son territoire. Ils ont également soumis les résultats des pourparlers de paix à un référendum populaire, organisé au sein des communautés zapatistes mais également ouvert à la société dans son ensemble. Près de 98 % des votants ont rejeté l’accord de paix proposé par le gouvernement. Dans le même temps, seuls 3 % des votants ont souhaité que l’EZLN reprenne les armes, ce qui a conduit à la décision de maintenir le cessez-le-feu. L’EZLN a lancé une nouvelle offensive militaire, mais cette fois sans tirer un seul coup de feu. Du jour au lendemain, ils ont déclaré plus de la moitié du Chiapas “territoire rebelle”, avec la formation de 38 “municipalités autonomes rebelles zapatistes”.

    Ce fut l’élément de trop pour les capitalistes étrangers qui cessèrent d’investir dans l’économie mexicaine, déclenchant une grave crise financière. Malgré les promesses de Salinas de transformer l’économie mexicaine, la croissance économique réelle s’était en fait réduite et la dette de l’état s’était envolée, menaçant les profits des investisseurs. Une année entière de rébellion armée au Chiapas renforça les inquiétudes des capitalistes et les conduit finalement à désinvestir massivement. Le peso mexicain s’est effondré et le gouvernement a annoncé qu’il ne rembourserait pas les prêts accordés par le Fonds monétaire international. Le PIB a chuté de 6,9 % en 1995 et un million d’emplois ont été perdus. Cette crise a provoqué une onde de choc dans le monde entier.

    Le marché boursier mexicain a été temporairement stabilisé grâce à un prêt de 50 milliards de dollars accordé par les États-Unis. Toutefois, ce genre de prêt n’est jamais accordé sans conditions. Le remboursement de la dette a grevé le budget mexicain, poussant les législateurs à imposer un nouveau plan d’austérité massif aux travailleurs.

    Une autre condition du prêt était que la classe dirigeante mexicaine mette de l’ordre dans ses affaires et écrase la rébellion zapatiste. Le gouvernement fédéral a lancé une offensive militaire contre l’EZLN et ses partisans. Des mandats d’arrêt pour terrorisme ont été émis à l’encontre des dirigeants de l’insurrection, dont le célèbre porte-parole du mouvement, le sous-commandant Marcos. En réponse à la répression contre les communautés zapatistes, une autre manifestation de dizaines de milliers de personnes à Mexico a exigé l’arrêt de la militarisation et l’abandon des poursuites contre les zapatistes.

    La stratégie du gouvernement mexicain consistait à séparer l’EZLN du reste des paysans. Les militaires, avec le soutien des conseillers américains, ont cherché à créer un fossé entre les guérilleros et les paysans en ruinant économiquement les villages, en détruisant les outils et en empoisonnant les réserves d’eau. Les paysans ont ainsi été contraints de dépendre des aides gouvernementales, ce qui a contribué à briser leur indépendance et à rompre leurs liens avec la guérilla. Ils ont également soudoyé et contraint les villageois à former des brigades de “défense”, dont les armes étaient fournies par l’armée. Cependant, l’enracinement des zapatistes dans les communautés locales et le soutien massif dont ils bénéficiaient dans tout le Mexique et au-delà ont fait échouer les efforts du gouvernement.

    L’impasse

    Les négociations ultérieures ont finalement abouti à la rédaction des accords de San Andrés sur les droits et la culture indigènes en 1996, un document qui aurait accordé à 800 municipalités à majorité indigène le contrôle local de leur propre territoire, y compris le droit d’administrer leurs propres systèmes financiers, judiciaires et éducatifs. Mais ces accords n’ont pas duré longtemps : Le nouveau président du Mexique, Ernesto Zedillo, a opposé son veto aux accords sept mois après leur signature, ce qui a coduit les négociations dans l’impasse. En 2003, les zapatistes ont pris des mesures pour appliquer eux-mêmes les accords de San Andrés dans les territoires qu’ils contrôlaient, que le gouvernement le reconnaisse ou non. L’EZLN a annoncé la création d’une nouvelle structure de gouvernance sous la forme de cinq caracoles, chacun doté de son propre “Conseil de bon gouvernement” regroupant les plus de trente municipalités rebelles autonomes. Cette restructuration marque le retrait total de l’EZLN de l’activité militaire.

    En créant ces institutions d’auto-gouvernement, les zapatistes ont déclaré une autonomie totale vis-à-vis de l’État mexicain, mais cette autonomie était à bien des égards symbolique. Si les zapatistes ont créé leurs propres écoles, systèmes de santé, systèmes judiciaires et autres ressources, l’emprise du gouvernement mexicain sur la région n’a pas été fondamentalement remise en cause. Il continue de réprimer leur mouvement, d’empiéter sur le territoire zapatiste, de déplacer les paysans indigènes et d’empêcher ces communautés d’obtenir véritablement satisfaction sur les revendications qu’elles avaient formulées en 1994. Le pouvoir n’a pas été arraché des mains des politiciens, qui travaillent main dans la main avec les groupes paramilitaires et les cartels, et, en définitive, des milliardaires qui cherchent à maintenir leur système violent aux dépens des gens ordinaires, non seulement au Chiapas, mais dans le monde entier.

    Marxisme et guérilla

    Quel type de mouvement aurait pu faire tomber le gouvernement et satisfaire les revendications des paysans ? Les marxistes estiment que la classe ouvrière organisée est la seule force capable de renverser le système capitaliste dans son ensemble et de le remplacer par une véritable démocratie basée sur les besoins des gens ordinaires : le socialisme. Comment cela se compare-t-il à l’approche de la guérilla des  zapatistes?

    Les Zapatistes ne sont pas nés au Chiapas, mais dans le nord du pays. Ils ont été fondés en 1983 par un petit groupe d’activistes. Ils ont vu le jour en même temps que d’autres groupes de guérilla au Mexique et dans toute l’Amérique latine, qui s’inspiraient de la révolution cubaine et de Che Guevara, ainsi que du maoïsme. La pensée de Che Guevara était elle-même fortement influencée par les mouvements de libération nationale antérieurs, tels que les révolutions bolivarienne et mexicaine. La révolution russe de 1917, qui a renversé le régime tsariste et l’a remplacé par un État contrôlé par les ouvriers et les paysans, a également incité Che Guevara et d’autres guérilleros à lutter pour le socialisme.

    Mais Guevara n’a pas compris le rôle central joué par la classe ouvrière dans la révolution russe, concluant au contraire que le rôle révolutionnaire principal dans les pays coloniaux devait être joué par la paysannerie engagée dans la lutte de guérilla. Cette approche n’a malheureusement jamais abouti à un véritable État ouvrier démocratique, comme l’a connu la Russie avant la contre-révolution bureaucratique de Staline. En Chine et à Cuba, les armées de guérilla ont été en mesure de renverser le capitalisme mais, sans la participation active de la classe ouvrière, elles ont mis en place des gouvernements bureaucratiques dès le départ. Les tentatives de reproduire l’expérience cubaine ailleurs en Amérique latine n’ont même jamais abouti. Au moment où les zapatistes sont entrés en scène, les autres luttes de guérilla de la région, du Nicaragua au Guatemala et au Salvador, se trouvaient dans des impasses aux conséquences tragiques.

    Quelle est la spécificité de la classe ouvrière et pourquoi a-t-elle pu mener une révolution réussie en Russie ? La réponse réside dans le rôle de la classe ouvrière dans la société capitaliste. Dans leur recherche de profits toujours plus importants, les capitalistes ont semé les graines de leur propre disparition en centralisant la production. Le capitalisme a regroupé les travailleurs dans de vastes lieux de travail où ils doivent travailler ensemble pour produire des marchandises et des services, ce qui leur donne non seulement un grand pouvoir pour arrêter ces processus de production massifs, mais les met également en contact étroit les uns avec les autres, ce qui leur permet de discuter de leurs conditions de travail et de s’organiser.

    Cette situation est très différente de celle des paysans et des petits agriculteurs, qui sont généralement plus isolés les uns des autres, travaillant pour produire de quoi vivre (après que les propriétaires fonciers aient prélevé leur part) plutôt que de travailler pour un salaire dans le cadre d’un collectif. Les conditions des paysans les amènent généralement à aspirer à posséder la terre qu’ils travaillent. Les conditions de la classe ouvrière lui laissent entrevoir des aspirations plus lointaines, à savoir la propriété collective des moyens de production. Cet isolement a alimenté l’impasse dans laquelle se trouvait l’ELZN face à l’État mexicain.

    Dans la Russie de 1917, les paysans ont joué un rôle essentiel dans le renversement du régime tsariste, aux côtés des travailleurs, mais, en raison de leur rôle dans la production, ils n’ont pas dirigé la révolution. L’approche de la guérilla inverse cette formule, en posant que la classe ouvrière doit jouer un rôle auxiliaire dans la lutte des paysans. Sa stratégie centrale consiste à créer une force paysanne armée dans les campagnes, l’armée de guérilla s’emparant du pouvoir et prenant ensuite le contrôle des villes ouvrières de l’extérieur.

    La classe ouvrière est la force motrice décisive de la révolution socialiste, mais cela ne signifie pas que c’est elle qui va l’initier. Les luttes de la paysannerie peuvent donner une impulsion importante à la classe ouvrière en l’absence d’une direction combative à la tête du mouvement ouvrier. Mais une transformation socialiste de la société exige en fin de compte que la classe ouvrière prenne le contrôle des usines, des hôpitaux, des écoles et de tous les autres lieux de travail afin d’y établir un contrôle démocratique. La guérilla seule ne peut jamais aboutir à une démocratie ouvrière. C’est précisément là où la stratégie zapatiste de lutte contre le système capitaliste a échoué.

    La guérilla de l’ELZN s’est limitée aux zones paysannes indigènes, à la périphérie de la société mexicaine. Pour renverser réellement le capitalisme, il fallait lier sa lutte à celle de la classe ouvrière mexicaine. Au moment du soulèvement, 73 % de la population mexicaine vivait dans les villes. Les zapatistes bénéficiaient d’un soutien considérable de la part de la classe ouvrière, une opportunité qu’ils auraient dû mettre à profit en appelant à de nouvelles manifestations et actions de grève, en liant les revendications des paysans à celles des travailleurs des villes qui souffraient également de la crise économique et de la répression de l’État. L’establishment politique avait été gravement ébranlé par la crise et les scandales de 1994 et n’a pu s’accrocher au pouvoir qu’en commettant des fraudes électorales. La situation était mûre pour porter de sérieux coups à l’État mexicain. Malheureusement, le véritable potentiel de la classe ouvrière, celui d’arrêter la production et de rompre avec le statu quo, n’a pas été pleinement exploité dans le cadre de la lutte de guérilla de l’EZLN.

    Un nouveau type de lutte ?

    Le mouvement zapatiste a non seulement incité la classe ouvrière mexicaine à mener des actions de masse  mais a également servi de référence à un mouvement international de protestation grandissant contre le néolibéralisme. Ce nouveau mouvement antimondialisation a débuté dans les années 1990 et a culminé avec la bataille de Seattle, une manifestation qui a réuni des travailleurs, des écologistes et des jeunes contre l’Organisation mondiale du commerce en 1999. Dans le sillage de l’effondrement du stalinisme, de nombreux participants à ce mouvement ont vu dans le zapatisme non seulement un renouveau de la lutte contre le capitalisme, mais aussi un type de lutte nouveau qui éviterait les échecs de la génération précédente.

    Pour les travailleurs et les jeunes qui s’opposaient au capitalisme mais étaient devenus sceptiques quant à la capacité d’une révolution ouvrière à transformer la société, les zapatistes parassaient construire une alternative au capitalisme, un village à la fois. Ils ont évoqué l’image d’escargots construisant lentement mais sûrement une nouvelle forme de société, en nommant les centres de ressources de leurs communautés “caracoles”, du mot espagnol pour “escargots”.

    Le mouvement antimondialisation est apparu à un moment où les syndicats et les partis de travailleurs avaient été mis sur la défensive par les politiques néolibérales. La désorientation des organisations ouvrières traditionnelles a donné au mouvement un caractère décentralisé. Les idéologues du mouvement altermondialiste, prenant les zapatistes en exemple, ont présenté cette décentralisation comme un modèle d’organisation supérieure à l’approche léniniste des générations précédentes. En réalité, la décentralisation du mouvement a été une faiblesse qui a empêché son développement en une puissante force internationale. En fin de compte, il a été complètement stopé après l’attentat du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center, qui a ébranlé le monde et fait basculer la politique américaine vers la droite.

    La décentralisation est souvent associée à la démocratie, mais nos mouvements sont en fait moins démocratiques lorsqu’ils ne disposent pas de forums de discussion et de débat centralisés. Pour mener une lutte unie qui réponde aux besoins de tous les travailleurs et de toutes les personnes opprimées, et qui ait finalement le pouvoir de renverser le capitalisme, nous avons besoin de structures de prise de décision collective, non seulement au sein des groupes militants individuels, mais aussi de structures qui rassemblent les travailleurs au niveau national et international au sein de mouvements sociaux plus larges. Le mouvement altermondialiste a manqué de ce type d’approche qui l’aurait aidé à coordonner l’action autour d’un programme unifié de revendications.

    Alors que l’EZLN souligne l’importance de longues périodes de discussion et de prise de décision par consensus au sein des communautés zapatistes, celle-ci n’a pas utilisé cette approche pour organiser un mouvement social plus large afin de remettre véritablement en question le capitalisme, que les zapatistes identifient à juste titre comme la cause première de la pauvreté et de la violence, non seulement au Chiapas, mais dans le monde entier. Plus grave, l’EZLN a refusé de collaborer avec  les syndicats qui, malgré leurs limites, sont un outil essentiel pour permettre à la classe ouvrière de s’organiser sous le capitalisme. Au lieu de cela, ils ont tenté de mettre en place leur propre organisation ouvrière zapatiste, coupant ainsi le dialogue avec le mouvement ouvrier.

    Les appels lancés aux travailleurs dans les villes et au niveau international visaient principalement à soutenir le mouvement au Chiapas, notamment en faisant connaître les atrocités commises par le gouvernement et en collectant des fonds. Il en est résulté une sorte de solidarité diffuse: Les militants hors du Chiapas qui s’inspiraient des zapatistes considéraient que leur rôle n’était pas de décider démocratiquement d’un programme, d’une stratégie et d’une tactique de lutte globale, mais de soutenir passivement le programme, la stratégie et la tactique déjà utilisés par l’ELZN.

    Bien que les zapatistes aient lancé plusieurs initiatives pour impliquer les travailleurs en dehors du Chiapas, ces initiatives ont été des auxiliaires de la construction de leur autonomie. Le mouvement s’est concentré sur la construction d’une alternative au niveau local en se bornant à espérer que leur exemple se répande. L’absence d’un débat plus large sur les tactiques et les stratégies de lutte contre le système capitaliste mondial a paradoxalement rendue centrale l’approche politique “décentralisée” de l’EZLN. Pendant des années, ils ont assumé la direction des luttes indigènes au Mexique. Et alors que le mouvement altermondialiste voyait les modes de fonctionnement des zapatistes comme une nouvelle façon de s’organiser,  leur consèquence a finalement été d’affaiblir la démocratie au sein du mouvement.

    La marée rose

    Après le recul du mouvement antimondialisation dans les années 2000, un nouveau pôle d’attraction anticapitaliste en Amérique latine a vu le jour. un phénomène électoral connu sous le nom de  “vague rose”. Alors que les politiques néolibérales continuaient à faire des ravages dans toute la région, les travailleurs ont répondu par des vagues de protestation. Grâce à ces mobilisations de masse, près d’une douzaine de gouvernements réformistes de gauche sont arrivés au pouvoir en Amérique latine entre 1998 et 2008, promettant d’améliorer la vie des gens ordinaires en mettant fin à l’austérité. Là où l’EZLN mettait en avant la destruction de l’état capitaliste pour mettre fin aux inégalités, la vague rose proposait plutôt de le réformer.

    En réalité, les réformistes de la vague rose ne pouvaient guère faire plus que de l’aménager légèrement et temporairement. Le capitalisme est un modèle économique conçu pour concentrer la grande majorité des richesses entre les mains d’une poignée de personnes et assurer des marges bénéficiaires toujours plus importantes aux actionnaires en dépouillant la classe ouvrière. L’inégalité est inscrite dans l’ADN du système. Bien que les capitalistes et leurs politiciens accordent souvent des concessions à la classe ouvrière lorsqu’ils le jugent nécessaire pour préserver l’existence du système, ces concessions sont toujours minimales et temporaires. Tout au long de l’existence du capitalisme, le fossé entre les riches et les pauvres n’a cessé de se creuser. Des événements ont pu ralentir, voire inverser temporairement cette tendance mais au fil du temps, le fossé est devenu un gouffre.

    Appuyés par des mobilisations de masse, les gouvernements de la vague rose ont pu obtenir des concessions significatives pour les travailleurs et les pauvres pendant l’explosion du prix des matières premières des années 2000. Cependant, lorsque l’économie s’est dégradée, les limites de leur stratégie sont apparues au grand jour. Les gouvernements réformistes ont refusé de s’attaquer de front à la classe capitaliste pour lui faire payer sa crise, préférant en rejeter le coût sur la classe ouvrière et mettre eux-mêmes en œuvre des politiques néolibérales.

    En définitive, la vague rose a permis de détourner les masses des stratégies de mobilisation, là où la classe ouvrière peut le mieux exprimmer son potentiel révolutionnaire, vers des voies électorales moins dangereuses pour les capitalistes. En même temps, elle matérialisait le désir des travailleurs d’avoir une véritable représentation politique, indépendante des partis de l’establishment. Les travailleurs ne peuvent pas éspérer sortir du capitalisme par la seule voie électorale, mais participer aux élections en présentant des candidats indépendants, basés sur des partis ouvriers de masse et d’autres mouvements de la classe ouvrière, est une stratégie importante pour gagner des réformes sous le capitalisme et pour tracer une voie vers le renversement du système capitaliste.

    L’EZLN a refusé toute participation aux élections. Elle a émis des critiques légitimes sur le réformisme et l’électoralisme de la vague rose, mais a adopté une approche sectaire en refusant de considérer la volonté de la classe ouvrière de disposer d’une alternative politique. Lorsque le Mexique a eu la possibilité de connaître sa propre vague rose en 2006, l’EZLN a boycotté l’élection, lançant à la place son “Autre campagne” propagandiste en parallèle. Elle a refusé d’apporter un soutien, même critique, à la campagne d’Andrés Manuel López Obrador (AMLO), qui représente jusqu’à aujourd’hui le défi le plus important auquel les partis de l’establishment politique aient eu à faire face au cours d’une dominatiin de plus de 80 ans.

    La campagne d’AMLO présentait les mêmes défauts que les gouvernements de la vague rose : il promettait une transformation radicale de la société qui permettrait d’améliorer la situation des classes populaires mais sans rompre avec le capitalisme, en lui donnant simplement “un visage humain”. Il a proposé de financer des programmes sociaux non pas en taxant les riches et en renationalisant les industries d’État, mais simplement en réduisant la corruption du gouvernement. Malgré tous ses défauts, le message de la campagne d’AMLO a séduit de larges pans de la société mexicaine. C’était un pôle d’attraction pour la classe ouvrière mexicaine, que l’EZLN n’avait pas été en mesure d’atteindre pleinement par le biais de ses communiqués au style allégorique et de sa guérilla isolée.

    A cette période, le gouvernement mexicain s’apprêtait à pratiquer des fraudes massives aux élections afin de conserver la mainmise des grandes entreprises sur la société mexicaine, comme il l’avait fait lors des élections de 1999. Un énorme mouvement de protestation a vu le jour pour empêcher le vol des élections au détriment d’AMLO. Même si certains groupes participant à l’Autre Campagne de l’EZLN ont choisi de se joindre à ces manifestations, l’EZLN s’en est abstenu. Cette attitude sectaire à l’égard de ce mouvement a énormément nui à sa réputation et lui a fait perdre une grande partie de l’autorité qu’elle avait conservée depuis le soulèvement de 1994.

    L’establishment politique mexicain a maintenu son emprise sur la société pendant les deux mandats présidentiels suivants, mais les choses ont changé en 2018 lorsque AMLO a mené sa deuxième campagne présidentielle. La lutte de classes ayant atteint un niveau inégalé depuis les années 1980 et la campagne d’AMLO ayant bénéficié d’un soutien record, l’establishment s’est trouvé dans l’incapacité de voler l’élection et AMLO l’a remportée avec 53 % des voix, soit le score le plus élevé de toute l’histoire du Mexique. Montrant à quel point ils étaient déconnectés des masses, en 2018, l’EZLN est revenu sur sa politique d’abstentionnisme mais a redoublé de sectarisme envers AMLO, appelant à un voter pour le candidat du Congrès national indigène, Marichuy.

    L’EZLN avait cependant raison de mettre en lumière les limites d’AMLO. Arrivé presque à la fin de son mandat, AMLO n’a pas été en mesure de faire passer un grand nombre des réformes clés qu’il avait promises pour la “quatrième transformation du Mexique”. Ses tentatives pour trouver un équilibre entre les besoins des travailleurs et les intérêts des grandes entreprises, ainsi que son insistance sur le fait que le chemin de la victoire passe par des négociations avec les partis de l’establishment plutôt que par la mobilisation du soutien massif qu’il conserve, ont paralysé la quatrième transformation promise. Dans le même temps, il a suscité des attentes de la part de la classe ouvrière. De la vague de grèves de 2019 à Matamoros au mouvement féministe qui vient d’obtenir la dépénalisation de l’avortement au niveau national, lorsque AMLO n’a pas été en mesure de concrétiser ses promesses, les travailleurs ont obtenu satisfaction par la lutte de classes.

    Plutôt que d’ignorer AMLO, les révolutionnaires devraient poser des exigences à son gouvernement et se joindre à la lutte pour les obtenir. Il est juste de dire que nous devons sortir des limites du réformisme, mais ces conclusions sont le plus souvent tirées par les travailleurs grâce à leur expérience concrète forgée dans le feu de la lutte. Les masses qui se sont mobilisées dans le cadre de la campagne d’AMLO sont la force la mieux équipée pour s’attaquer aux erreurs et aux trahisons découlant du réformisme d’AMLO. Ce sont ces forces dont l’ELZN s’est isolée en raison de son sectarisme. Nous pensons que les révolutionnaires doivent se tenir aux côtés des travailleurs qui souhaitent que la quatrième transformation d’AMLO devienne une réalité, en luttant pour toutes les réformes possibles dans le cadre du capitalisme comme moyen de construire la lutte pour un changement de système plus large.

    La lutte aujourd’hui

    La situation mondiale actuelle est très différente de la période de mondialisation ou du boom du prix des matières premières pendant la vague rose. L’ère néolibérale s’est achevée pour laisser place à une ère de désordre, caractérisée par des crises incessantes, des rivalités inter-impérialistes accrues, des guerres, des phénomènes d’inflation et des dettes publiques vertigineuses.

    Cette caractérisation d’ère du désordre correspond particulièrement bien à la situation actuelle au Chiapas. En raison de la présence accrue des cartels, des attaques paramilitaires continuelles, de l’accélération de la militarisation et de la destruction de l’environnement alimentée par des mégaprojets comme le  “Mayan Train” d’AMLO, les habitants du Chiapas connaissent une recrudescence des massacres, des féminicides, des violences sexuelles, des enlèvements, des disparitions et des déplacements forcés.

    L’armée américaine et la garde nationale ont été déployées dans la région pour mettre cette situation sous contrôle, mais ne font rien pour mettre fin à la violence des cartels. En réalité, le rôle de l’armée est de renforcer la politique migratoire américaine, de criminaliser les migrants et de fermer les yeux sur la violence des cartels qui est une des causes de l’immigration en provenance d’Amérique centrale. Alors que les républicains américains tentent de négocier des accords avec Biden et les démocrates pour autoriser le financement américain des armées israélienne et ukrainienne en échange d’une augmentation du financement pour la “sécurité des frontières”, nous pouvons nous attendre à la poursuite de la politique d’AMLO. Celle-ci consistant se faire le supplétif de la politique migratoire américaine au Mexique en mobilisant la Garde nationale au Chiapas afin d’empêcher l’immigration. Entre-temps, AMLO a minimisé l’ampleur de la violence au Chiapas, affirmant que la mise en œuvre de programmes sociaux et la présence de la Garde nationale sont des solutions appropriées. Sa politique d’amnistie pour les narcotrafiquants, “des accolades et non des balles”, a échoué à réduire la violence des cartels à l’encontre des communautés mexicaines.

    Dans le contexte de cette escalade de la violence, l’EZLN a dissous ses municipalités rebelles autonomes et ses conseils de bon gouvernement, les remplaçant par une nouvelle structure basée sur des assemblées communautaires qui promettent une démocratie plus directe. Contrairement à ce qu’affirment de nombreux médias, les zapatistes maintiennent que cela ne signifie pas un recul, mais un changement de stratégie pour faire face à la violence. L’amélioration de la participation démocratique des communautés zapatistes peut jouer un rôle positif, mais n’aura qu’un effet limité sur la spirale de la violence dans la région aux mains de bandes criminelles massives qui opèrent en collusion avec les autorités locales.

    Pour garantir la sécurité des communautés, la classe ouvrière et les paysans doivent s’unir dans la lutte autour d’un programme qui s’attaque aux racines économiques de la participation au crime organisé. Les programmes d’aide sociale d’AMLO ont profité aux travailleurs de tout le pays, mais ils ne vont pas assez loin. Une autre stratégie d’AMLO a consisté à “stimuler l’investissement” et la création d’emplois dans le sud du Mexique par le biais de mégaprojets tels que la ligne ferroviaire Mayan. Cependant, les grands projets d’infrastructure profiteront en fin de compte surtout aux patrons des chemins de fer et de la construction, sans changer véritablement les conditions de vie de la classe ouvrière et des pauvres. Les travailleurs mexicains ont besoin d’une éducation gratuite et de qualité pour tous, de soins de santé universels et gratuits et de logements abordables, le tout financé par la taxation des riches. La lutte pour mettre fin à la violence et garantir un meilleur niveau de vie aux Chiapanèques dans les territoires zapatistes et les autres zones rurales, ainsi que dans les villes, nécessitera la mobilisation de l’ensemble de la classe ouvrière mexicaine, en lien avec des mouvements similaires à l’échelle internationale, dans la lutte pour un monde nouveau organisé dans l’intérêt des gens ordinaires, et non des milliardaires.

  • Nouvelle manifestation de masse contre le massacre à Gaza

    Un mois après la précédente manifestation nationale qui avait rassemblé environ 60.000 personnes et juste avant les vacances, des dizaines de milliers de personnes sont à nouveau descendues dans les rues de Bruxelles. Nous étions probablement plus de 40.000. L’élément déclencheur était bien sûr le terrible massacre de Gaza, où les bombardements s’accompagnent d’une catastrophe humanitaire croissante. La manifestation a montré que la colère est grande, mais aussi que la solidarité est plus chaleureuse que jamais.

    L’immense mouvement de solidarité internationale contre le massacre à Gaza est source d’espoir. Il contraint les gouvernements et décideurs politiques à se montrer moins arrogants dans l’expression de leur soutien au terrorisme d’État israélien. Cela reste toutefois symbolique face à la défense des intérêts géopolitiques de leurs bailleurs de fonds qui détiennent le pouvoir économique. Le Premier ministre De Croo appelle à un cessez-le-feu, mais reste silencieux concernant l’implication des grandes banques, dont la banque publique Belfius, dans l’occupation des territoires palestiniens ! La secrétaire d’État à l’Asile et à la migration De Moor intensifie la répression contre les réfugié.e.s palestinien.ne.s : les communes sont invitées à retirer la nationalité belge aux enfants de parents palestiniens ! Nous n’avons rien à attendre de leur part pour stopper le carnage.

    La manifestation est importante pour exprimer la colère générale contre le massacre et le désastre humanitaire à Gaza. Il est également important de montrer la solidarité et, à partir de là, de renforcer l’organisation de cette solidarité. Le tract distribué par le PSL appelait à la formation de comités d’action. Nous avons également suggéré de mettre en place de nouvelles actions vers un boycott ouvrier des livraisons d’armes vers Israël, à l’exemple de l’action menée aux portes de la société Challenge à Liège qui participe au transit d’armes vers Israël. Le 1er décembre, une première action a été menée à Challenge, qui mérite d’être suivi (en savoir plus à ce sujet).

    Nous avons distribué notre tract en néerlandais, en français et en arabe. Nous avons également vendu au moins 105 exemplaires de notre mensuel et des centaines de badges contre la guerre, l’occupation, l’impérialisme et le capitalisme. Nos membres ont formé un bloc internationaliste et socialiste lors de la manifestation pour appeler à un changement de société afin que les ressources disponibles puissent être utilisées avec une planification démocratique pour la reconstruction et dans la défense des intérêts des travailleurs et des opprimés, plutôt que pour la mort et la destruction.

    Participez à notre rencontre-débat : Palestine – Comment mettre fin à l’occupation ? Ce mardi 19 décembre. 19h30. Pianofabriek, 35 rue du Fort, Bruxelles

    Photos de Liesbeth

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop