Depuis une année entière maintenant, la population de Gaza vit un assaut génocidaire de l’État israélien qui a rendu la bande de Gaza pratiquement inhabitable. La souffrance humaine y est inimaginable.
Texte d’un tract du Socialist Party irlandais
Au moins 48.000 Palestinien.ne.s ont été massacré.e.s. La faim et la maladie sévissent, et la destruction des services de santé entraîne une surmortalité estimée à au moins 186.000 personnes, selon la revue médicale The Lancet.
La nouvelle série d’atrocités commises par l’État israélien au Liban a dépassé les 1.000 personnes tuées et des centaines de milliers de personnes ont dû quitter leur foyer au cours des dernières semaines, alors qu’une nouvelle invasion terrestre était lancée, la quatrième de la part de l’armée israélienne depuis 1978.
Le Moyen-Orient est à l’aube d’une nouvelle guerre régionale et de toutes les horreurs que cela entraînera en raison des actes de la classe dirigeante israélienne, avec le soutien total de l’impérialisme américain. L’administration Biden déploie actuellement des troupes supplémentaires dans la région pour y soutenir son principal allié.
« Se tenir aux côtés de la Palestine, c’est être humain » – Greta Thunberg
Des millions de personnes ordinaires dans le monde entier ont manifesté, occupé, boycotté et sont entrées en grève contre l’État israélien.
Le désir de ne pas faire comme si de rien n’était tant que le génocide se poursuivra fait partie intégrante de ce mouvement inspirant. Ce sentiment d’urgence doit être transposé sur nos lieux de travail, dans nos communautés, dans nos universités et dans nos écoles. Plus précisément, les travailleur.euse.s doivent mener des actions de grève ciblées pour mettre un terme aux livraisons d’armes à l’État d’Israël.
L’empathie envers les Palestinien.ne.s et l’humanité de ce mouvement contrastent fortement avec l’inhumanité de celles et ceux qui dirigent notre société. Ces personnes profondément cyniques sont complices d’un génocide, un génocide soutenu par le système capitaliste dans son ensemble :
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et d’autres dirigeants occidentaux se sont rendus en Israël pour donner le feu vert à Netanyahou pour massacrer Gaza ;
Les puissances américaines et européennes ont continué à fournir à l’État israélien des armes de destruction massive. Les génocidaires Joe Biden et Kamala Harris ont veillé à ce que 14 milliards de dollars de fonds de guerre soient envoyés à Israël, en plus des 3,8 milliards de dollars versés chaque année par les Etats-Unis ;
En Allemagne, deuxième exportateur d’armes vers Israël, les manifestations de solidarité avec les Palestinien.ne.s ont été interdites et les militant.e.s criminalisé.e.s ;
Des entreprises comme Hewlett Packard, Intel, Caterpillar et de nombreux fabricants d’armes ont profité des crimes de l’État israélien ;
Malgré ses belles paroles, le gouvernement irlandais est également complice du génocide de Gaza. Il a honteusement permis à 90 tonnes d’armes de traverser l’espace aérien irlandais. Il a bloqué l’adoption du projet de loi sur les territoires occupés qui interdirait les marchandises provenant des colonies israéliennes.
Complicité impérialiste
De la Naqba au génocide de Gaza, les États capitalistes occidentaux ont toujours soutenu les crimes de l’État israélien contre le peuple palestinien.
Ainsi, pour des millions de personnes dans le monde, la Palestine, comme par le passé l’Afrique du Sud de l’apartheid et la guerre de l’impérialisme américain contre le peuple vietnamien, est devenue le symbole du système mondial injuste et oppressif. Une véritable opposition à l’État israélien est nécessairement liée à une large opposition à l’oppression, à l’exploitation, au racisme et au colonialisme.
Liberté pour la Palestine
La liberté pour la Palestine n’existera jamais tant que l’État d’apartheid israélien, raciste et colonial, existera. Il doit être renversé et anéanti.
Les masses palestiniennes elles-mêmes, alliées à la classe travailleuse et aux pauvres de tout le Moyen-Orient, sont essentielles pour y parvenir. Mais nous ne pouvons pas nous arrêter là. L’ensemble du système capitaliste et impérialiste et tous les régimes pourris qui le soutiennent doivent disparaître. Ce système a créé une prison d’exploitation et d’oppression dans toute l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.
Une lutte révolutionnaire pour une transformation socialiste de la société, prenant le contrôle des vastes richesses et ressources au profit de millions de personnes et non de millionnaires, pourrait tendre la main à la classe travailleuse au sein de l’État israélien et l’appeler à se joindre à une bataille contre un ennemi commun. La classe dirigeante n’offre qu’un avenir de guerre, d’insécurité, de corruption, d’autoritarisme et de précarisation d’existence.
Un changement révolutionnaire
Une société fondée sur le pouvoir des masses serait synonyme de liberté et de justice pour tou.te.s. Elle pourrait permettre aux Palestinien.ne.s et aux Juif.ve.s israélien.ne.s d’exercer leur droit démocratique à l’autodétermination et à toutes les minorités nationales et religieuses de bénéficier d’une égalité totale – ce qui est impensable tant que l’État sioniste, fondé sur la suprématie raciste et l’occupation, restera debout.
La lutte pour un changement socialiste révolutionnaire doit commencer aujourd’hui, une lutte inséparable de la quête de libération des Palestinien.ne.s, et le seul moyen par lequel la paix et la justice pour toutes les personnes opprimées et exploitées peuvent devenir réalité.
Le bombardement massif de Beyrouth et l’assassinat du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, signifient un nouveau sommet dans la direction d’une guerre totale contre le Liban, au bord d’une guerre régionale. Le « cabinet de la mort » d’Israël a autorisé Netanyahu et Gallant à lancer une invasion terrestre. La mobilisation pour la lutte est nécessaire pour empêcher d’autres désastres d’une ampleur historique.
Par Uri Bar-Shalom Agmon et Yasha Marmer (Israël / Palestine), article publié à l’origine en hébreu le 28 septembre.
La crise sanglante historique, qui a débuté il y a près d’un an, entre maintenant dans une nouvelle phase, plus proche que jamais d’une guerre régionale. L’attaque contre le siège central du Hezbollah à Dahieh, à Beyrouth, qui a entraîné la destruction d’au moins six immeubles résidentiels et un horrible massacre faisant des centaines de morts selon certains rapports, est le point culminant de la guerre « de choc et de stupeur » que le régime israélien a lancée il y a une dizaine de jours sur le sol libanais dans le but de modifier l’équilibre des forces dans l’ensemble du Moyen-Orient au détriment du régime iranien et de ses alliés.
La vaste campagne de terrorisme d’État, qui comprend l’assassinat de plus de 700 personnes au Liban ces derniers jours et le bombardement d’immeubles résidentiels à Beyrouth, place des millions de personnes au Liban dans le champ de tir, et non seulement elle ne favorise pas le retour des Israéliens résidant dans le nord du pays dans leurs foyers, mais elle crée une réalité dans laquelle des millions de personnes supplémentaires du côté israélien de la frontière se retrouvent dans le champ de tir du Hezbollah, combinée à l’augmentation des tirs des milices en provenance d’Irak et du Yémen.
« Il s’agit d’une guerre totale. Ce qu’Israël a fait au cours des deux dernières semaines et hier est suffisant pour ‘fermer la porte’ à toute forme de règlement. Le Liban et l’ensemble de la région sont entrés dans une nouvelle phase de conflit qui conduira à un changement de la physionomie de la région » , écrivait samedi le journal libanais “Al-Akhbar”, identifié au Hezbollah.
Un nouvel ordre
L’attentat perpétré vendredi 27 septembre au soir à Beyrouth, au cours duquel plusieurs immeubles résidentiels ont été rasés avec leurs habitants, avec plus de 80 bombes d’un poids moyen d’une tonne, avait pour objectif l’assassinat de Hassan Nasrallah, chef militaire et politique du Hezbollah et de facto de l’« axe de résistance » pro-iranien dans la région. Nasrallah était à la fois le visage public et le stratège de l’« axe » et les conséquences de son assassinat seront également différentes des assassinats provocateurs et démonstratifs de Fuad Shukr (Haj Mohsein) et d’Ismail Haniyeh à la fin du mois de juillet.
Le New York Times a cité samedi un haut fonctionnaire israélien qui a déclaré que l’attaque de Dahieh visait à « briser le Hezbollah » en assassinant des commandants de haut rang de l’organisation. Le régime israélien tente de briser la milice du Hezbollah, le maillon le plus fort de la chaîne des milices de l’« axe de la résistance », pour briser l’axe tout entier. Cela ne peut se faire sans un conflit régional de grande ampleur, prolongé et destructeur. Symboliquement, l’armée israélienne a choisi d’appeler l’attentat contre Nasrallah « Nouvel ordre ».
L’assassinat en 1992 d’Abbas al-Musaw, l’ancien secrétaire général du Hezbollah, et en 2008 d’Imad Mughniyeh, l’ancien chef de la branche militaire de l’organisation, n’a pas empêché le Hezbollah et l’« axe de la résistance » de continuer à se renforcer militairement au fil des ans. De même, l’assassinat de Nasrallah en lui-même ne façonnera pas la région selon les souhaits de Netanyahu, Gallant et des généraux de l’armée israélienne.
Avant l’assassinat, mercredi soir, le cabinet de la mort a autorisé Netanyahou et Gallant à approuver une invasion terrestre du Liban. Cela signifie qu’ils peuvent légalement ordonner le lancement d’une telle attaque terrestre à tout moment. Le haut fonctionnaire israélien cité par le New York Times a déclaré que si l’assassinat des dirigeants du Hezbollah réussit, cela « permettra à Israël d’éviter une entrée terrestre au Liban ». Mais c’est le contraire qui est vrai. Le fait de déséquilibrer la milice du Hezbollah en assassinant ses commandants contrecarre toute tentative de parvenir à un accord sur la frontière, incite le Hezbollah à étendre son champ de tir et, selon la logique du gouvernement et des chefs de l’armée en Israël, à intensifier la guerre à la frontière pour en faire une invasion terrestre.
Deux brigades de réserve ont été recrutées et envoyées à la frontière nord, ainsi que plusieurs autres bataillons. Il existe un risque immédiat que le gouvernement mette en œuvre des plans d’invasion terrestre dans des zones proches de la frontière et, plus tard, à l’intérieur du Liban. Un autre danger est le scénario de la mise en œuvre de la « doctrine Dahieh » dans tout le Liban, c’est-à-dire d’énormes bombardements aériens et la démolition d’immeubles de grande hauteur sur leurs habitants, dans les villes et les villages de tout le Liban, tuant des milliers de résidents. Ces scénarios soulèvent également le danger d’une expansion dramatique de la guerre en Syrie, en Irak, au Yémen et potentiellement en Iran, dans les mois à venir.
Dans les jours qui ont précédé l’assassinat de Nasrallah, par crainte d’un bouleversement régional et mondial qui nuirait également à leurs intérêts, les représentants de l’impérialisme américain et français ont tenté de freiner le déchaînement militaire (qu’ils continuent cependant d’armer et de financer) du gouvernement de Netanyahou et des chefs militaires par une pause de trois semaines aux fins de négociations entre Israël et le Hezbollah. Le gouvernement de Netanyahou et l’extrême droite ont refusé l’offre et ont clairement fait savoir qu’ils étaient déterminés à poursuivre avec toute la force nécessaire. Le ministre de la guerre Gallant a fait référence à la guerre au Liban hier (vendredi 27.09) : « Nous attendons cette occasion depuis longtemps, moi aussi, pas seulement depuis l’année dernière, depuis de nombreuses années. »
L’attaque sanglante contre le Liban a culminé lundi dernier (23 septembre), lorsque 558 personnes, dont 50 enfants, ont péri dans le massacre perpétré par le bras armé du capitalisme israélien sur l’ensemble du territoire libanais. Dans certains bombardements, des familles entières ont été anéanties. Plus d’un millier de personnes ont été blessées. Ce fut le jour le plus sanglant au Liban depuis au moins 40 ans, depuis le massacre de Sabra et Chatila. Il s’agit d’un acte de terrorisme d’État généralisé destiné à restaurer le prestige du régime israélien et à « brûler les consciences », dans le contexte de la crise stratégique dans laquelle se trouve le gouvernement, sans issue, à deux semaines de l’anniversaire du 7 octobre.
Le ministère libanais de la santé estime qu’au moins 1 640 personnes ont été tuées au Liban depuis le 8 octobre, dont 104 enfants et 194 femmes, la plupart dans des frappes israéliennes au cours des deux dernières semaines. Ce bilan effroyable est déjà plus élevé que celui de la guerre de 2006 au Liban, au cours de laquelle environ 1 400 habitants ont été tués.
Ces deux derniers jours, des centaines de milliers d’habitants du Liban ont été déplacés de leur domicile sous la menace des bombardements et ont été pris pendant de longues heures dans d’énormes embouteillages, parfois sans eau ni nourriture. Ils ont rejoint les centaines de milliers d’habitants du Sud-Liban déplacés depuis octobre 2023, avant même la phase actuelle. Il n’y a pas d’abris pour accueillir tout le monde. Les écoles et les campus du pays sont devenus des centres d’accueil pour les personnes déplacées, mais beaucoup d’entre eux sont déjà pleins.
« Ramener les habitants du nord chez eux en toute sécurité » ?
Après presque un an de guerre d’extermination à Gaza, avec plus de 41 000 morts dans le massacre historique, le gouvernement israélien n’a atteint aucun de ses objectifs de guerre déclarés. La crise des otages n’a pas été résolue, et non seulement le mouvement Hamas n’a pas disparu, mais ses combattants continuent d’opérer même dans les territoires que les forces d’occupation israéliennes ont déjà repris. Le gouvernement n’a pas non plus été en mesure d’imposer des conditions de reddition aux dirigeants du Hamas par des moyens militaires et il n’y a pas d’horizon pour la fin du bain de sang.
Immédiatement après le 7 octobre, le choc de masse dans la société israélienne a été utilisé par tous les partis politiques de l’establishment pour attiser la réaction nationaliste et mobiliser le soutien du public israélien en faveur de l’attaque génocidaire à Gaza. Les voix qui s’opposaient à la guerre ont été réduites au silence, y compris de manière violente. Mais à mesure que le choc s’atténuait et que les objectifs de guerre du gouvernement s’avéraient impossibles à atteindre par des moyens militaires, les doutes et les critiques se sont multipliés dans de larges pans de la société israélienne. Dans ce contexte, la demande d’arrêt de la guerre à Gaza, dans le cadre d’un accord d’échange prévoyant le retour des personnes enlevées encore en vie, a atteint le courant dominant de la société israélienne. Même le leader de la soi-disant « opposition », Yair Lapid, qui a reconnu le changement d’humeur et n’était pas d’accord avec Netanyahou sur la manière dont la guerre d’extermination était menée, a appelé à la fin de la guerre à Gaza et a attaqué Netanyahou pour avoir voulu une « guerre éternelle ».
Aujourd’hui, le gouvernement parvient à mobiliser un soutien relativement large de l’opinion publique israélienne en faveur d’une guerre totale contre le Liban, principalement autour de la démagogie sécuritaire et de la promesse qu’une telle guerre sanglante résoudrait apparemment la crise des dizaines de milliers d’évacués des villes du nord et leur permettrait de rentrer chez eux en toute sécurité. Les chefs de l’« opposition » parlementaire israélienne aident le gouvernement sanguinaire dans cette entreprise : Yair Lapid, Gidon Sa’ar, Avigodor Lieberman et Yair Golan, qui rivalisent avec les ministres d’extrême droite Smotrich et Ben Gvir en appelant à l’occupation du Sud-Liban et en tentant d’écarter Netanyahou de la droite.
Une guerre totale au Liban menace non seulement la sécurité, la vie et le bien-être des masses au Liban et dans la région, mais aussi de millions de personnes en Israël. En réponse au massacre généralisé au Liban, le Hezbollah a effectivement élargi la portée de ses tirs, notamment en envoyant un missile sur la région de Tel-Aviv, et ses roquettes ont également fait un certain nombre de blessés, notamment des travailleurs arabes et palestiniens de la région de Nahariya et un travailleur touché à Tibériade, mais à ce stade, il s’agit d’une réponse limitée et restreinte. Malgré l’atmosphère d’euphorie nationaliste qui règne dans les studios d’information israéliens et dans les vidéos de Netanyahou et des généraux, les responsables de l’armée et du gouvernement admettent que « nous n’avons encore rien vu ». Le « haut responsable politique » israélien , interviewé par N12 jeudi, a déclaré : « Le public israélien doit savoir que le gouvernement israélien n’est pas en mesure de faire face à la situation : « Le public israélien doit savoir que nous n’avons pas vu un huitième des capacités du Hezbollah, qui, pour une raison ou une autre, se retient pour l’instant. Mais si nous en arrivons à une guerre totale, le prix à payer sera lourd. Le point d’arrêt sera l’accord [de cessez-le-feu], car Israël n’a pas l’intention de détruire le Hezbollah, de le démanteler ou de démanteler l’État libanais ».
Les lancements de drones depuis l’Irak, dont certains sont également arrivés au port d’Eilat, et les missiles balistiques tirés depuis le Yémen en direction de Tel-Aviv, font partie de la nouvelle réalité : une guerre régionale de facto, de faible intensité, avec des attaques et des contre-attaques non seulement au Liban, mais aussi en Syrie, en Irak, au Yémen et, potentiellement, en Iran.
L’attaque militaire contre le Liban lancée par le cabinet de la mort israélien n’améliorera pas la sécurité des habitants de la Galilée, du nord ou des habitants d’Israël en général ; au contraire, elle devrait provoquer de nouvelles catastrophes. D’autres villes du nord se joignent déjà à la routine des alarmes quotidiennes. La routine de la vie à Haïfa, et peut-être bientôt aussi dans la région de Tel Aviv, commencera à être différente. Personne ne garantit qu’il n’en sera pas ainsi pendant de nombreux mois. Une escalade plus dramatique pourrait également faire des dizaines, voire des centaines de morts en Israël.
Il ne s’agit pas d’une guerre pour la protection de la population et le retour des habitants dans leurs maisons, mais d’une guerre pour la réorganisation de l’assujettissement national et de l’oppression des Palestiniens et la préservation de l’hégémonie du régime israélien et de l’impérialisme américain au Moyen-Orient contre l’Iran et ses alliés. Tels sont les véritables objectifs du régime israélien dans cette attaque sanglante et, pour les atteindre, il est également prêt à sacrifier les derniers Israéliens enlevés, à mettre en danger la vie de dizaines de milliers de personnes en Israël et dans la région et à provoquer des désastres pour des millions de personnes.
Vers une guerre israélo-iranienne ?
Le guide suprême iranien Khamenei et le président Pezeshkian, du camp réformateur, ont indiqué, au moins jusqu’à l’assassinat de Nasrallah, que l’Iran n’était pas intéressé par une guerre à grande échelle. Mais l’attaque de représailles iranienne en avril après l’assassinat de généraux iraniens dans le complexe du consulat iranien à Damas a montré que lorsque les intérêts directs du régime iranien sont menacés, il est prêt à tracer une ligne rouge et à répondre militairement. À la suite de l’attentat à la bombe à Beyrouth vendredi soir, M. Khamenei a convoqué une réunion d’urgence du Conseil national suprême en Iran.
Dans son discours à l’ONU, au moment de l’assassinat et du bombardement des immeubles résidentiels de Beyrouth, Netanyahou a menacé le régime de Téhéran : « Si vous nous attaquez, nous vous attaquerons. Il n’y a pas d’endroit que le long bras d’Israël n’atteindra pas ». L’arrogance du gouvernement Netanyahou peut le conduire, suite à l’escalade dramatique qu’il a initiée, à lancer une « frappe préventive » contre l’Iran et plus particulièrement à profiter d’une opportunité pour attaquer les installations nucléaires du pays.
Le ministre israélien de la guerre, M. Gallant, s’est entretenu au téléphone pendant l’attaque de Dahieh et l’assassinat de Nasrallah avec le secrétaire américain à la défense, M. Lloyd Austin, qui affirme pour sa part que « les États-Unis n’ont pas été impliqués dans l’opération d’Israël. Nous n’avons pas été prévenus à l’avance ». Il semble que l’hypothèse qui guide Gallant, Netanyahou et les chefs de l’armée à ce stade est que Washington devra soutenir toute action qu’ils initient ex post facto – aussi provocatrice et sanglante qu’elle puisse être.
Bien que Washington ne soit pas intéressé par une guerre directe avec l’Iran, si le gouvernement Netanyahou et l’extrême droite entraînent le régime iranien dans une intervention militaire, les États-Unis pourraient être entraînés dans la campagne pour protéger leur prestige et leurs intérêts dans la région.
Le conflit au Moyen-Orient alimente et influence le conflit inter-impérialiste entre le camp dirigé par l’impérialisme américain et celui dirigé par les impérialismes russe et chinois. L’administration Biden continue non seulement d’armer et de financer la machine de guerre israélienne à coups de milliards de dollars, mais elle est également intervenue directement sur le plan militaire en menant des attaques au cours des derniers mois au Yémen, en Irak et en Syrie et en menaçant d’attaquer le Hezbollah ou l’Iran dans le cadre d’un scénario de guerre totale. Les diplomates russes et chinois ont fermement condamné Israël, mais dans un avenir prévisible, la Russie et la Chine n’ont pas l’intention d’intervenir directement comme les États-Unis. Toutefois, des rapports récents indiquent que la Russie mène des pourparlers, par le biais d’une médiation iranienne, avec la milice Ansar Allah des Houthis au Yémen, concernant la possibilité de leur fournir des armes de pointe, en guise de revanche pour le transfert d’armes des États-Unis et des puissances occidentales vers l’Ukraine.
Une lutte s’impose pour arrêter le brasier
Il est urgent d’organiser des manifestations et même des grèves dans toute la région et dans le monde entier pour imposer un cessez-le-feu au régime israélien. L’intervention des masses au Moyen-Orient et dans les pays impérialistes qui arment et financent la machine de guerre israélienne peut influencer le cours des événements et même faire pencher la balance en faveur d’une guerre régionale.
Hier (27 septembre), une série de syndicats de l’État espagnol ont organisé une grève de protestation de 24 heures contre la guerre d’extermination à Gaza. Une initiative internationale d’activistes solidaires a jusqu’à présent recueilli environ 116 000 « engagements » à participer à une journée de grève et de protestation contre le bain de sang à Gaza et au Liban le 1er octobre, mais il ne semble pas pour l’instant que des syndicats ou d’autres grandes organisations aient rejoint l’appel.
À la même date, mardi prochain (1er octobre), une grève de protestation lancée par le Haut comité de suivi des citoyens arabes d’Israël et le Comité national des chefs de localités arabes (NCALC) devrait avoir lieu, à l’occasion de l’anniversaire des événements d’octobre 2000 et en mémoire des manifestants qui ont été tués par balle au cours des manifestations. La grève a été annoncée avant l’assaut sanglant sur le Liban, exigeant la fin de la guerre d’extermination à Gaza, les attaques contre les Palestiniens en Cisjordanie, l’épidémie de meurtres menée par les organisations criminelles à l’intérieur de la frontière de 48 (qui sont encouragées par les conditions créées par l’État et la police raciste), la démolition des maisons et l’abus des prisonniers palestiniens. Malheureusement, la direction du comité de suivi a été poussée, après de nombreux mois, à annoncer une grève, mais jusqu’à présent, elle n’a pas mené de campagne publique visant à construire une mobilisation pour une grève forte, active et efficace, tout en se préparant à faire face aux mesures de répression et de persécution politique nationaliste.
Face à cette nouvelle et dangereuse étape de la guerre, il est nécessaire de faire de la grève le point de départ d’une nouvelle phase de la lutte contre le gouvernement sanguinaire. Cette phase devrait inclure des assemblées (y compris virtuelles) pour discuter et planifier les prochaines étapes de la lutte sur chaque lieu de travail, établissement d’enseignement, quartier ou localité, là où c’est possible et sûr. Ces mesures pourraient inclure la poursuite de la grève dans les communautés arabo-palestiniennes, mais aussi des mesures de protestation transnationales exigeant l’arrêt de la guerre au Liban, la fin du bain de sang à Gaza, la libération de « tous pour tous » et la lutte pour la réhabilitation et le bien-être.
Alors que le siège officiel des familles des personnes enlevées s’est empressé d’annuler la principale manifestation à Tel-Aviv suite au début de la guerre au Liban sans que les autorités n’imposent de restrictions aux rassemblements, certaines familles des personnes enlevées ont lancé un appel à venir manifester samedi soir et à ne pas cesser la lutte. Bien que de nombreux participants aux manifestations « Deal Now » puissent se faire des illusions sur la guerre au Liban et même la soutenir, il convient de préciser que ceux qui ont saboté un cessez-le-feu au Liban (et ceux qui les ont encouragés au sein de l’« opposition ») ont en fait saboté un accord de libération d’otages à Gaza.
Le déclenchement d’une indignation massive dans la société israélienne en réponse à la décision du cabinet de la mort de perpétuer l’occupation de la « route Philadelphie » à Gaza et la nouvelle de la mort de six personnes enlevées à la suite de la « pression militaire » ont exercé une pression par le bas sur la direction de la Histadrout, ce qui a conduit à l’annonce de la grève générale du 2 septembre, à laquelle ont participé des travailleurs juifs et arabes. La grève a laissé entrevoir le potentiel, qui n’a pas encore été pleinement réalisé, d’une intervention dans la crise sanglante de la part de la classe ouvrière dans l’intérêt des gens ordinaires et en opposition aux intérêts de la machine de guerre du régime israélien. Face à la direction nationaliste de droite du président de la Histadrut Bar-David et de ses semblables, la gauche socialiste devrait également promouvoir dans les organisations de travailleurs une position conforme aux intérêts des gens ordinaires de toutes les communautés nationales – contre les attaques sanglantes au Liban et la guerre d’extermination à Gaza, contre une guerre régionale et pour la libération de « tous pour tous », la réhabilitation et l’aide sociale.
Il n’y aura pas de véritable solution à la crise sanglante sans une lutte contre l’oppression nationale, l’occupation, l’expropriation, la pauvreté et l’impérialisme. Cette lutte devrait commencer par le renforcement de l’appel à l’arrêt de l’enfer au Liban et à Gaza, l’arrêt des attaques de l’armée et des colons en Cisjordanie, une lutte pour renverser le gouvernement sanguinaire et continuer à construire une alternative à l’ensemble de son programme et au programme des partis « d’opposition » qui promet un avenir de guerres et de sang sous la domination du capital et de l’occupation. Une alternative au niveau régional et international qui promouvra une lutte pour le changement socialiste et la paix face au système capitaliste basé sur l’agression impérialiste et la domination du capital.
En février 2022, le chancelier fédéral allemand Olaf Scholz avait utilisé le terme « Zeitenwende » ou « changement d’époque » lors d’un discours au Bundestag peu après l’invasion russe de l’Ukraine. Cela reste très pertinent pour décrire la période actuelle de l’histoire allemande.
Article de Christian (Louvain)
Alors que l’économie allemande est au bord de la récession et qu’une vague d’austérité se profile, le gouvernement de coalition allemand (le SPD social-démocrate, les verts et les libéraux du FDP) ne cesse de perdre du soutien. Les trois récentes élections régionales à l’Est du pays ont représenté un succès inédit pour le parti d’extrême droite AfD. À la suite de la scission du parti Die Linke du BSW (Bündnis Sahra Wagenknecht, Alliance Sahra Wagenknecht), la gauche est dans un processus de recomposition, voire de décomposition. A gauche, comme sur le reste de l’échiquier politique, on observe un repositionnement marqué vers la droite.
Sur le sujet de l’immigration, la récente extension des contrôles aux frontières par le gouvernement de centre-gauche – une mesure longtemps prônée par l’extrême droite – illustre l’importance de ce virage à droite. Cette question, ainsi que le positionnement « pacifiste » du BSW et même de l’AfD, feront l’objet d’un autre article, à paraitre à une date ultérieure.
Le modèle économique allemand en difficulté
La crise totale dans laquelle nous plonge le système capitaliste avance à des vitesses variables selon les pays. Le statut de l’Allemagne comme moteur économique de l’Europe, comme symbole de stabilité, semble aujourd’hui révolu. Certains vont jusqu’à lui recoller l’étiquette « d’homme malade d’Europe » par lequel le pays était désigné à la fin des années 1990 et au début des années 2000, période de croissance stagnante et de chômage élevé.
L’économie allemande a connu une récession en 2023 (-0,3 %), alors que, point d’ironie, la croissance en Europe du Sud a permis à l’UE d’échapper globalement à la récession. Pour 2024, l’économie allemande vacille au bord de la récession avec une croissance tout au plus de 0,3%.[i] Le secteur automobile, secteur phare de l’économie allemande, est un parfait exemple de la crise de compétitivité. Volkswagen pourrait supprimer 15.000 emplois en Allemagne, où l’entreprise envisage des fermetures d’usines pour la première fois depuis 1938.[ii]
Le chômage est en légère hausse, à 6,0% actuellement contre 5,7% en 2023. Cela reste relativement faible par rapport aux normes historiques (le record du 21e siècle était de 11,2% en 2005), mais cela semble être dû à des facteurs démographiques, notamment le départ à la retraite des baby-boomers, ce qui entraîne son propre lot de problèmes.
La dernière fois que la bourgeoisie allemande a réussi à se débarrasser de cette étiquette « d’homme malade de l’Europe », c’était grâce aux (contre) réformes « Agenda 2010 » introduites par la coalition SPD (social-démocrate) et Verte du chancelier Gérard Schröder en 2003. S’en prenant aux allocations sociales et à l’assurance chômage, les réformes “Harz IV” représentèrent une attaque massive contre l’État providence. La création d’un vaste secteur à bas salaires, l’introduction massive de travail intérimaire et une retenue salariale marquée ont permis au capital allemand de redevenir compétitif à l’échelle européenne voire mondiale, une vraie « superstar » de l’exportation. Pendant la crise de l’euro, le capital allemand a su imposer sa volonté aux économies plus faibles du sud de l’Europe et ainsi même profiter de la crise.
Les points forts du modèle économique du pays sont aujourd’hui devenus des faiblesses. Après le trou financier produit par la crise du covid, la guerre russo-ukrainienne a porté un coup encore plus sévère à l’édifice allemand. L’Allemagne a désormais perdu sa source d’énergie bon marché, le gaz russe. Le découplage de l’économie mondiale a porté préjudice aux exportations allemandes, en particulier celles vers le marché chinois. L’accès à la Chine, un pays désormais lui-même en crise, fut un élément crucial de la recette du succès allemand au cours de la dernière période. Un vaste secteur à bas salaires présente aussi le désavantage d’une plus faible demande intérieure. Le sous-investissement dans les infrastructures publiques (tel la numérisation) nuit désormais à l’économie. L’Allemagne, à l’instar de l’UE dans son ensemble, est en position de faiblesse dans les technologies de pointe, loin derrière les États-Unis et la Chine.
Crise budgétaire et austérité
L’Allemagne est également confrontée à une crise budgétaire en grande partie auto-imposée. La coalition fédérale allemande dite ‘feu tricolore’ (‘Ampel-Koalition’) composée du Parti social-démocrates (SPD), du Parti libéral-démocrate (FDP) et de l’Alliance 90 / Les Verts a tenté de réaffecter un fonds d’urgence covid de 60 milliards d’euros au nouveau « fonds pour le climat et la transformation ». Au Bundestag les chrétiens-démocrates du CDU/CSU s’y sont opposés. Ils ont également eu recours à la cour constitutionnelle pour empêcher la mesure en question. Le verdict donna raison aux chrétiens-démocrates, au motif que la mesure enfreignait le « Schuldenbremse » (frein à l’endettement) lequel limite depuis 2016 le déficit budgétaire à 0,35 % du PIB.[iii]
La coalition s’est divisée sur la question de savoir si elle doit remettre en cause le principe du frein à l’endettement. Christian Lindner, le ministre des Finances issue du FDP, parti néolibéral particulièrement zélé, est, contrairement à ses partenaires de coalition sociaux-démocrates et verts, un particulièrement attaché à ce principe constitutionnel. Le gouvernement n’étant pas disposé à abandonner les allégements fiscaux garantis aux riches et aux grandes entreprises pour combler les trous budgétaires qui se sont ouverts dans le budget 2025, des coupes dans les dépenses sociales se profilent. A partir de 2027, les coûts de réarmement, actuellement encore couverts par un fonds spécial, vont encore d’avantage mettre le budget de l’État sous pression. La crise du covid, le réarmement, la transition énergétique, etc. devront tous être mis sur leur dos de la classe travailleuse afin que le pays, voir le capital allemand, retrouve sa compétitivité.
Virageà droite
La classe dirigeante a besoin du racisme et de la persécution des personnes marginalisées et vulnérables pour diviser la classe travailleuse. C’est la seule façon de lui faire payer la facture. Les médias et l’ensemble du spectre politique, par leur acceptation même du capitalisme comme une fatalité, sont poussés sur la voie de la droitisation. La quasi-invisibilité de la gauche, voire l’absence complète d’une perspective d’une alternative socialiste au système, assure que cette surenchère ne rencontrer que très peu d’opposition. De plus, quand des perspectives économiques pessimistes s’ajoutent au désert social crée par les politiques des dernières décennies, cela alimente encore davantage les craintes de déclin social qui motivent le vote pour l’extrême droite.
Ceci explique le succès électoral sans précédent de l’AfD et ainsi que la droitisation de l’ensemble du champ politique. Les partis établis se bousculent pour mettre en œuvre de nombreux éléments du programme de l’extrême droite. L’Allemagne suit ainsi bon nombre d’autres pays de l’UE, ou cette évolution est déjà en court pour assez longtemps. Cependant, la récente droitisation accélérée de l’Allemagne, la première puissance de l’UE, risque de donner de l’élan à cette tendance ailleurs sur le continent.
L’Est du pays
Pour des raisons historiques, le bousculement politique allemand se présente de la façon la plus aiguë dans l’Est du pays. Le malaise allemand des années 1990 et du début des années 2000 fut en partie lié aux coûts de l’intégration de l’ex-Allemagne de l’Est par le capitalisme ouest-allemand. Les bouleversements massifs causés par la restauration capitaliste, en particulier la destruction de la majeure partie de l’industrie est-allemande et le chômage de masse qui en a résulté, ont laissé un traumatisme durable dans la région. 35 ans après la réunification, l’Est du pays connait toujours un taux de pauvreté nettement plus élevé. Le revenu moyen y est notamment 14 % inférieur à celui dans l’Ouest du pays.[iv]
À l’exception de quelques grands centres de population, cette partie du pays connaît aussi un déclin démographique continu marqués par l’émigration. Dans un contexte néolibéral, ceci s’accompagne de la perte concomitante de services publics. Les partis d’extrême droite, ainsi que des groupuscules (néo)fascistes violents, y connaissent depuis longtemps un terrain fertile. La colère est redirigée vers l’immigration, bien que celle-ci soit relativement peu importante dans ses contrées. La présence significative du parti Die Linke dans le paysage politique de l’Est du pays (ici largement basée sur l’ancien PDS, parti successeur de la dictature bureaucratique est-allemande), a dans une certaine mesure mit un frein à la monté de l’extrême droite. Toutefois en s’accommodant du statu quo, Die Linke n’a finalement pas réussi à apporter une réponse à la crise systémique dont souffre la population et le parti disparaît peu à peu.
Trois excellents résultats pour l’AfD
En septembre, trois élections régionales ont eu lieu dans l’est de l’Allemagne : en Thuringe et en Saxe le 1er septembre et dans le Brandebourg le 22 septembre. Le parti d’extrême droite AfD a remporté les élections en Thuringe avec près de 33% des voix, soit une hausse de plus de 9% par rapport aux résultats de 2019. En Saxe et dans le Brandebourg, l’AfD a atteint un score d’environ 30 %, manquant de peu la première place.
Le succès de l’AfD n’était toutefois pas inattendu. Depuis un certain temps déjà, le parti était donné deuxième dans les sondages au niveau fédéral, un fait confirmé par les élections européennes de juillet 2024.
Toutefois, pour la première fois depuis la deuxième guerre mondiale, un parti d’extrême droite est arrivé premier dans une région allemande. Coïncidence troublante de l’histoire, c’est en Thuringe que le parti nazi, après les élections régionales de janvier 1930, a participé pour la première fois à une coalition gouvernementale. Cependant, l’AfD n’est pas le NSDAP, et nous ne sommes pas dans les années 1930.
La situation est grave, mais nous vivons dans une période assez différente. Le poids plus important de la classe travailleuse aujourd’hui par rapport aux années 1930 et l’absence d’une gauche forte, et surtout d’une gauche révolutionnaire, signifient que l’extrême droite prend pour l’instant la forme de partis populistes, tout à fait à l’aise avec le cadre de démocratie représentative existante.
La trajectoire actuelle reste pour autant inquiétante. De plus en plus de gens votent pour l’AfD par conviction, par exemple par adhésion à son programme raciste anti-migrants, plutôt que par déception envers les autres partis. En Thuringe, sur dix ans la part du « vote protestataire » est ainsi passée de 57 % à 40 % parmi les électeurs de l’AfD.[v] Pour la première fois, les gens votent majoritairement pour l’AfD parce qu’ils lui font confiance pour résoudre leurs problèmes.[vi]
Contrairement au Rassemblement national en France, l’AfD n’est pas non plus sur une trajectoire de dédiabolisation. Le parti fut fondé en 2013 en réaction à la crise de l’euro comme parti eurosceptique ultra-néolibéral. Elle prônait, entre autres, soit la réintroduction des monnaies nationales ou la formation de zones monétaires séparées plus stables (voir le nord et le sud l’UE). Le parti a ensuite connu plusieurs épisodes de luttes intestines au cours desquelles les éléments d’extrême droite raciste les plus extrêmes sont à chaque fois sortis vainqueurs. L’AfD se caractérise aujourd’hui par son programme profondément islamophobe et anti-immigration.
L’AfD de Thuringe est particulièrement à droite, même selon les normes du parti, avec un style de communication que certains dirigeants nationaux préféreraient éviter. Le chef du parti régional, Björn Höcke, s’est notamment opposé à la commémoration des crimes de l’Allemagne nazie en critiquant le mémorial de l’Holocauste à Berlin et en affirmant que les Allemands sont le « seul peuple au monde à avoir planté un mémorial de la honte au cœur de leur capitale ». Il a encore été condamné en juillet 2024 pour utilisation d’un slogan nazi.
Si l’AfD n’est pas un parti de combattants de rue fascistes, il s’est sans aucun doute renforcé grâce à des mouvements de protestation tels que Pegida (extrême droite islamophobe) ou Querdenker (conspirationniste covid). L’AfD entretient des liens avec des groupes d’extrême droite violents et son succès s’accompagne d’une augmentation de la violence raciste et d’extrême droite. Au cours du premier semestre 2024, le nombre de crimes attribués à l’extrémisme de droite a atteint un nouveau record en Allemagne.[vii]
Faire barrage mais pour combien de temps encore…
Dans chacune des trois élections régionales récentes, un parti de l’establishment réussi à concentrer le vote anti-AfD. En Thuringe et en Saxe, ce fut la CDU chrétienne-démocrate, actuellement en opposition au niveau fédéral. En Thuringe le CDU est arrivé deuxième, en Saxe premier. Dans le Brandebourg, ce fut le vote SPD social-démocrate qui a su faire barrage à l’AfD. Le “vote barrage” est surtout une affaire des plus de 60 ans ou d’électeurs encore plus âgés. Au Brandebourg, parmi les plus de 70 ans, la moitié aurait voté pour le SPD et seuls 17% pour l’AfD. Parmi les Brandebourgeois âgés de 25 à 44 ans, le vote pour l’extrême droite est par contre en moyenne deux fois plus élevé, soit 34%.[viii] Chez les générations moins âgées, l’argument moral contre le fascisme utilisé par les partis établis a clairement moins de poids. La cohorte d’âge qui constitue l’épine dorsale du barrage anti-extrême droite ne présage rien de bon pour la performance future du dit barrage.
Malgré la victoire serrée du SPD dans le Brandebourg, Etat détenu par les sociaux-démocrates depuis la réunification allemande, les élections régionales représentent un revers majeur pour la coalition fédérale allemande. Sur l’ensemble des trois élections, les verts et les libéraux ont quasiment été anéantis électoralement. En Thuringe et en Saxe, les partis formant de la coalition fédérale n’ont obtenu respectivement que 10,5 % et 13,3 %, tous les trois réunis. En effet la popularité du gouvernement Chancelier d’Olaf Scholz connaît une chute continue. Selon un sondage national réaliser le 19 septembre seul 16% de l’électorat se disait satisfait du gouvernement, avec 47% se montrant « pas du tout satisfait ».[ix]
Bouleversement à gauche
Outre l’avancée de l’extrême droite, les dernières élections régionales ont également vu un bouleversement à gauche de l’échiquier politique. Die Linke est en effet la grande perdante de ces élections. Die Linke, qui avait déjà largement perdu son image de parti anti-establishment, notamment en participant à des coalitions gouvernementales d’austérité dans de nombreuses régions du pays, surtout à l’Est du pays, mais aussi à Brême. Le lancement en janvier du Bündnis Sahra Wagenknecht (BSW), alliance prônant le nom de sa dirigeante, ancienne figure de proue de Die Linke, n’a fait qu’accélérer un effondrement déjà en cours. Le BSW, scission droitière de Die Linke, est arrivé troisième dans chacune des trois élections régionales ; Thuringe (15.8%) Saxe (11,8%) et Brandebourg (13,5%).
Dans le Brandebourg, Die Linke a perdu l’entièreté de ses sièges. En Thuringe, la chute a aussi été particulièrement dramatique. Aux élections de 2019, Die Linke avait encore connu un succès électoral historique, devenant le plus grand parti avec 31% des voix (29 sièges). Aujourd’hui, son résultat est de 13% (12 sièges). Le fait que l’office du Ministre-président de l’Etat de Thuringe soit occupé depuis 2020 par Bodo Ramelow, homme politique de Die Linke, n’a pas convaincu les électeurs. Alors que Ramelow est personnellement populaire, Die Linke n’a fait que de perdre en popularité. Parti électoraliste largement absent des luttes sociales, Die Linke gouverne comme n’importe quel autre parti, adhérant notamment aux carcans budgétaires.
En Saxe, Die Linke a également perdu plus de la moitié de ses électeurs, passant de 14 à 6 sièges. Si Die Linke n’a pu éviter un échec électoral complet, c’est grâce à une légère hausse du soutien parmi les jeunes électeurs de moins de 35 ans dans les villes universitaires et les grandes villes tel que Leipzig.
Le BSW prétendent être pour « la raison et la justice », se dit économiquement de gauche mais conservateur sur les questions d’oppression (anti-woke) et s’oppose aux dépenses environnementales. La dirigeante du BSW en Saxe, Sabine Zimmermann, a situé le BSW « à droite du SPD et à gauche de la CDU » avec de grands « chevauchements politiques » avec la CDU dans les domaines de la « politique de l’éducation et de la migration ».[x]
Bien que le BSW ait principalement pris des voix à Die Linke, il a sans doute empêché l’AfD d’avoir encore de meilleurs résultats. Selon une enquête auprès des électeurs BSW en Thuringe et en Saxe, respectivement 26 et 33 % de ceux-ci auraient voté pour l’AfD si l’option BSW était inexistante.[xi] Contrairement à Die Linke, BSW semble en effet attirer autant le support d’électeurs ruraux qu’urbains. Ses meilleurs résultats se situe dans les petites villes.[xii] Pour l’AfD, plus la circonscription est rurale, meilleur est non seulement son résultat électoral, mais aussi sa progression électorale depuis les dernières élections.[xiii]
Cependant, le discours social-conservateur du BSW contribue à normalisation des positions de droite et contribue ainsi à la droitisation du spectre politique allemand. Die Linke, toujours nettement plus à gauche, est désormais plus inaudible que jamais dans les débats publics. Alors que le BSW a exclu toute coalition avec l’AfD, Sahra Wagenknecht a déjà déclaré qu’elle pouvait imaginer une coopération substantielle avec le parti d’extrême droite.[xiv]
Une difficile formation de coalitions régionales
Dans l’Est du pays, les partis de la coalition fédérale et le CDU (tous des partis dit « de l’Ouest ») ont collectivement obtenu de mauvais résultats. Pour l’instant, on souhaite maintenir un cordon sanitaire pour empêcher l’AfD de prendre part au gouvernement. Les négociations de coalition s’avèrent donc difficiles.
Dans le Brandebourg, les sièges sont répartis à parts égales entre le SPD et la CDU d’un côté et l’AfD et le BSW de l’autre. Le SPD et la CDU ne sont donc pas en mesure de constituer une majorité. Une coalition du SPD avec le BSW, qui a deux sièges de plus que la CDU est donc une possibilité.[xv]
En Thuringe, la coalition la plus probable serait celle entre la CDU, le BSW et le SPD. Mais comme ces trois partis ne détiennent ensemble que la moitié des sièges, cette coalition devrait compter sur la tolérance de ce qui reste de Die Linke. L’AfD se retrouverait alors dans la position d’être l’unique parti d’opposition, ce qui risquerait de la renforcerait encore davantage.[xvi]
En Saxe, la CDU, arrivée en tête aux élections, donne du fil à retordre à ses éventuels partenaires de coalition, le SPD et le BSW. Jusqu’à présent, les chrétiens-démocrates, qui sont susceptibles de former le prochain gouvernement fédéral, ont engagé une collaboration limitée avec l’AfD au niveau local. Les chrétiens-démocrates tentent de se distinguer des partis de la coalition fédérale en surpassant ceux-ci dans l’adoption du programme de l’extrême-droite, notamment sur le sujet de l’immigration. A plus long terme, il n’est pas exclu que ceux-ci ne préfèrent pas une coalition avec l’AfD au maintien d’une orientation envers les parties « centristes ». L’exemple de Meloni en Italie, qui entretient de bonnes relations avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, membre de la CDU, montre les compromis que l’AfD devrait faire pour que cela devienne une option. Cela impliquerait une position plus conciliante envers l’UE et l’OTAN.
La capacité de la BSW à participer dans des coalitions dépendra sans doute de son insistance sur ses positions sur la guerre en Ukraine et sur le stationnement de missiles américains en Allemagne. Le parti saura-t-elle mettre ces positions de côté sous prétexte que ces questions sont moins conséquentes au niveau des régions ? Le BSW parle également constamment de la promotion des intérêts des petites et moyennes entreprises. Dans quelle mesure une telle position est-elle compatible avec ses revendications d’une augmentation du salaire minimum et des retraites ? Il est tout à fait possible que si le BSW entre dans des coalitions régionales, il décevra ses électeurs encore plus rapidement que Die Linke ne l’a fait par le passé.[xvii]
Vers des élections fédérales
Les prochaines élections fédérales en Allemagne sont prévues dans un an, le 28 septembre 2025. D’après un récent sondage (28/09/2024), si ses élections avaient lieux actuellement, le CDU/CSU arriverait en tête avec (32%) suivit par l’AfD (19%) et le SPD (15%). Le BSW arriverait juste derrière l’Alliance 90 / Les Verts avec 10% contre 11%. Le FDP et Die Linke ne pourrait recevoir aucun mandat.[xviii]
L’AfD passerait ainsi de la 5e place en 2021 (où elle avait recueilli 10,4% des voix) au deuxième parti du pays. La monté de l’Afd, n’est d’ailleurs pas d’un phénomène limité à l’est du pays. Les sondages régionaux laissent penser que le parti obtiendrait en moyenne 14% des voix dans les régions de l’Ouest contre 25% dans celles de l’Est.[xix] Cependant, dans certaines régions de l’Allemagne de l’Ouest elle pourrait obtenir un vote bien plus important. En Basse-Saxe, par exemple, l’AfD pourrait obtenir jusqu’à 21 % des voix.
Si la gauche s’associe à des politiques antisociales ou adopte même des éléments de la rhétorique de division de l’extrême droite, cela ne fait que renforcer l’extrême droite. Le mouvement ouvrier ne doit pas se résigner à la crise économique, sociale, écologique et politique, mais formuler ses propres alternatives et les défendre de manière offensive par une lutte conséquente.
[xiii] Cet entretien tire des conclusions intéressantes sur le contexte sociologique de l’hégémonie croissante de l’extrême droite dans les zones rurales délaissées. Dans ce cas, il s’agit du RN en France, mais je pense qu’il y a des leçons plus larges à en tirer. Il explique comment les couches de classe moyenne, des petits indépendants, qui sont souvent les premières à adhérer à l’extrême droite, peuvent ensuite influencer des couches plus larges dans ce type d’environnement. https://www.youtube.com/watch?v=KuKnsKHRQN0
Le génocide des masses palestiniennes se poursuit et le régime israélien tente de s’engouffrer dans une escalade régionale de l’horreur. Les tueries orchestrées au Liban contre le Hezbollah dépassent la fiction hollywoodienne. Il s’agit en fait d’un terrorisme de haute technologie sous la conduite de la célèbre machine à tuer du Mossad, les services secrets israéliens.
Par Bart Vandersteeene, article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste
Il est frappant de constater comment les médias occidentaux présentent ces actes comme une forme de lutte contre le terrorisme. On ne trouve de temps à autre, au mieux, qu’une vague critique du bout des lèvres. En dépit d’une année de génocide, défendre l’allié de l’impérialisme occidental reste le premier impératif. Le monde entier est témoin de l’horreur génocidaire infligée par le régime israélien. Dans le meilleur des cas, les dirigeants occidentaux se contentent de lever les mains au ciel, en signe d’impuissance. Comme s’il s’agissait d’un événement sur lequel il est malheureusement impossible d’avoir un impact. Au pire, ils défendent bec et ongles le « droit » de l’État israélien, sous le prétexte de la sécurité de son peuple, à perpétuer son régime d’occupation, de colonisation et de génocide.
Les guerres, les génocides et la barbarie sont les expressions d’un capitalisme en déclin. C’est le résultat d’une intensification massive de la concurrence internationale pour le pouvoir et les profits, avec des méthodes de plus en plus extrêmes d’exercice de ce pouvoir. Et pour conséquence un coût humain effroyable à Gaza, mais aussi au Soudan, en Éthiopie, dans l’est du Congo…
L’Occident est complice. À 100%
L’Occident est le coarchitecte de l’occupation et de la machine génocidaire qu’est l’État d’Israël. Les décideurs politiques en place se préoccupent parfois du sort des Palestinien.ne.s, mais de manière extrêmement cynique. L’État d’Israël est complètement intégré dans le rouage impérialiste occidental.
Outre l’alliance géopolitique, il existe également des liens et des intérêts économiques directs. Chez nous aussi, diverses entreprises s’enrichissent sur la terreur et la destruction. Ce sont elles qui devraient être la cible de notre mouvement, les profiteurs directs du génocide, les complices et ceux qui portent la responsabilité politique de la poursuite de ces politiques.
Élargir l’outil d’action qu’est le boycott
Un an après le début du génocide, beaucoup se demandent comment poursuivre le mouvement. Les manifestations de masse ne suffisent pas. La lutte contre les livraisons d’armes et pour un boycott académique général a contribué à alimenter le mouvement de revendications concrètes. Les revendications en faveur d’un boycott général jouent également un rôle dans la lutte contre la normalisation du régime israélien. Plus d’une fois, les demandes de boycott, qu’il s’agisse de l’Eurovision ou de compétitions internationales de football, se sont heurtées à un mur. Les liens entre les institutions occidentales et les institutions de l’État israélien sont profondément enracinés.
Des concessions ont été arrachées dans plusieurs universités. Cependant, celles-ci ne semblent pas définitivement acquises. L’UGent semble travailler secrètement à un système permettant de poursuivre malgré tout la coopération avec les universités israéliennes, en dépit des promesses effectuées. Quelle honte ! La seule option est de reprendre les occupations et, si possible, de les étendre. Nous ne devons pas stopper les mobilisations de masse, mais continuer à nous mobiliser et à descendre dans la rue. Mais il faut aller plus loin.
Certaines organisations, en particulier toutes celles qui organisent les salarié.e.s sur leur lieu de travail, peuvent jouer un rôle décisif dans l’expansion de la lutte. Les syndicats peuvent développer un rapport de force qui permette d’arracher des revendications concrètes. Le boycott ne doit pas se limiter à un instrument exercé uniquement par des individus, sous la forme d’un boycott des consommateurs. Le boycott peut être mis en œuvre de telle sorte que les travailleur.euse.s, organisé.e.s par le biais de leurs syndicats, refusent de servir les profiteurs du génocide. Sur base d’une campagne de sensibilisation sérieuse, les syndicats des supermarchés peuvent faire en sorte que le personnel refuse collectivement de mettre en rayon les produits provenant des territoires occupés. Dans certaines entreprises, les syndicats peuvent contrôler et imposer qu’aucun service ne soit fourni à l’État israélien et à ses institutions. Il existe donc de nombreux exemples où les syndicats peuvent utiliser le pouvoir potentiel de la classe travailleuse pour s’engager dans l’instrument du boycott, faire respecter les revendications du mouvement et ainsi renforcer celui-ci.
Les masses palestiniennes et la classe travailleuse du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont finalement la force qui peut arrêter ce génocide. Un puissant mouvement de solidarité en Occident peut apporter un soutien important à cette lutte.
Nous invitons à participer aux prochains rassemblement appelés par un large éventail d’organisations :
20 octobre, Bruxelles : Manifestation nationale, 15h, Gare du Nord.
Les élections présidentielles vénézuéliennes du 28 juillet dernier ont une nouvelle fois donné Nicolás Maduro vainqueur. Elles se sont déroulées dans un contexte de profonde crise économique, en raison non seulement des sanctions imposées par l’impérialisme américain, mais aussi de la faiblesse des ventes de pétrole et du sabotage continu de l’économie par la bourgeoisie vénézuélienne. La victoire de Maduro est contestée par la droite vénézuélienne et l’impérialisme étasunien, mais aussi par les gouvernements de gauche du Mexique et de Colombie.
Par Mauro Espínola
En un peu plus d’une décennie, le Venezuela est passé du statut de référence pour la gauche latino-américaine et mondiale à celui d’épine dans le pied. En juin 2024, selon les données de l’ONU, pas moins de 7,77 millions de Vénézuélien.ne.s avaient fui le pays. Parmi eux, 6,5 millions se trouvent dans d’autres pays d’Amérique latine et des Caraïbes, tels que la Colombie, le Pérou, l’Équateur, le Brésil et le Chili. Cela explique en partie la pression croissante exercée par les gouvernements de ces pays sur le gouvernement de Nicolás Maduro pour qu’il trouve une issue à la crise migratoire.
Une économie en récession
L’économie vénézuélienne va de mal en pis. Les sanctions économiques imposées par les États-Unis ont entraîné une baisse des exportations de pétrole du pays caribéen vers les États-Unis. Entre 1999 et 2014, le Venezuela a perçu 960 milliards de dollars de revenus pétroliers. La rente pétrolière représentait environ 56,5 milliards de dollars par an. Le prix du baril est passé de 16 dollars en 1999 à 88 dollars en 2008, pour chuter ensuite drastiquement en raison de la crise économique mondiale et ne remonter à 100 dollars le baril qu’en 2012. En revanche, en 2023, le Venezuela n’a tiré que 6,23 milliards de dollars des ventes de pétrole. Cela ne représente que 11% des recettes pétrolières annuelles perçues entre 1999 et 2014, soit une baisse nette de 89% de ses recettes pétrolières.
La levée des sanctions en octobre 2023 pour les mesures imposées en novembre 2022 a entraîné une augmentation de 49% des exportations de pétrole du Venezuela vers les États-Unis de janvier à avril de cette année. Les sanctions avaient été abrogées à la suite d’accords entre l’opposition et le gouvernement Maduro en 2023 pour mener à bien les élections de juillet dernier. Mais en avril, l’administration Biden a réimposé les sanctions sous prétexte qu’elle n’avait pas de garanties que ces élections “seraient libres”. En d’autres termes, l’impérialisme américain utilise ouvertement l’achat d’hydrocarbures comme monnaie d’échange dans sa stratégie visant à positionner l’opposition vénézuélienne et affaiblir le gouvernement Maduro. Ce n’est donc pas un hasard si la région contestée de l’Essequibo, en Guyana, a connu une forte hausse de la production et des exportations de pétrole. Celle-ci est passée de 1.300 barils par jour en 2019 à 640.000 en janvier de cette année. En février, le Guyana a exporté 621.000 barils de pétrole, dépassant ainsi les 604.000 barils exportés par le Venezuela.
Les sanctions économiques n’expliquent toutefois pas tout. Même si 80% des échanges commerciaux du Venezuela sont constitués de pétrole, aux mains du gouvernement Maduro par l’intermédiaire de l’entreprise publique PDVSA, le commerce intérieur reste aux mains de la classe capitaliste vénézuélienne. Cela explique la politique de pénurie menée depuis des années dans le but d’intimider et de saper la base sociale du régime chaviste. Cela explique également le taux d’inflation de cette dernière décennie, qui a dépassé les 100%. Selon les données de la Banque mondiale, l’inflation au Venezuela était déjà de 40% en 2013. En 2016, la hausse des prix a atteint 62%. En d’autres termes, l’inflation causée par la pénurie de biens était déjà un problème dans l’économie vénézuélienne lorsqu’elle connaissait encore une croissance économique significative issue des ventes de pétrole. Cela s’explique essentiellement par le contrôle qu’exerce la classe capitaliste sur l’offre de détail dans les centres commerciaux.
Entre la bureaucratie et la bourgeoisie
C’est dans cette situation de crise économique, exacerbée par les sanctions économiques et la chute des exportations de pétrole, que la colère s’est développée dans des couches de la population vénézuélienne, excitée par la faim et le désespoir. Les médias dominants ont tenté de présenter ce mécontentement comme plus important que le soutien au gouvernement de Maduro. Il peut sembler raisonnable de douter d’une victoire de Maduro avec 51% des voix. Mais prétendre que le candidat de l’opposition, Edmundo González, a remporté 70% des voix est totalement invraisemblable. González refuse d’ailleurs avec obstination de présenter les documents officiels qui prouveraient son triomphe.
Maduro représente la bureaucratie bolivarienne. Edmundo Gonzalez ou Maria Corina Machado représentent la bourgeoisie vénézuélienne, avec le soutien de la bourgeoisie à l’échelle internationale. Aucun de ces camps ne représente une véritable issue pour la classe travailleuse et les pauvres du Venezuela. Ils sont au contraire tous deux responsables de la terrible situation qui frappe les masses vénézuéliennes. La classe travailleuse ne doit compter que sur ses propres forces. Une des tâches urgentes aujourd’hui est la construction d’une organisation démocratique reposant sur celle-ci pour défendre un programme de rupture anticapitaliste et socialiste.
Depuis des mois, le régime israélien ne néglige aucune manœuvre meurtrière pour provoquer une escalade régionale. Cet été, le dirigeant du Hamas Ismail Haniyeh a été assassiné à Téhéran et Fouad Chokor, une figure clé du Hezbollah, l’a été à Beyrouth. Le Yémen a été bombardé. Et aujourd’hui, une opération de terrorisme d’État à grande échelle est menée au Liban. Comment décrire autrement ces explosions meurtrières par le biais de bipeurs et de talkies-walkies, suivies de bombardements ? Avec un cynisme effroyable, George-Louis Bouchez (MR) a pourtant osé déclarer “Je trouve que cette attaque est plutôt un coup de génie”.
Les explosions des 17 et 18 septembre au Liban et en Syrie ont fait au moins 37 morts et des milliers de blessés. Ces explosions visaient clairement des pans entiers de la population libanaise, et pas seulement les membres du Hezbollah. Ces explosions ont été suivies de bombardements qui ont causé des centaines de morts.
Vendredi, des immeubles résidentiels ont été attaqués à Beyrouth, et les hôpitaux ont reçu plus de personnes à soigner qu’après la catastrophe de l’explosion du port de Beyrouth en 2020. Selon le ministère libanais de la Santé, au moins 558 personnes ont été tuées dans des bombardements lundi, dont 50 enfants. Des dizaines de milliers de personnes tentent de fuir le sud du Liban. Les personnes blessées, quant à elles, s’entassent dans des hôpitaux qui étaient déjà au bord de l’effondrement avant que le terrorisme d’État israélien ne s’abatte sur la société libanaise. Aux blessures physiques s’ajoutent l’état de terreur extrême dans lequel des milliers de personnes sont plongées.
Le ministre israélien de la Guerre, Galant, a parlé d’une “nouvelle phase” dans la guerre contre “l’Axe de la résistance”, en mettant l’accent sur le Liban. Netanyahou et sa bande veulent exporter leur agression militaire à Gaza vers le Liban et la Cisjordanie. Pendant ce temps, l’horreur n’en finit pas à Gaza. Le week-end dernier, au moins 22 personnes ont été tuées lors d’une attaque contre une école dans le quartier de Zeitoun.
Le journaliste d’investigation israélien Ronen Bergman explique à juste titre que les autorités israéliennes ont mis au point “la machine à tuer la plus robuste et la plus rationalisée de l’histoire”. Cette machine à tuer est déployée pour provoquer une sanglante guerre régionale et de créer encore plus de destructions et de détresse. En octobre 2023, le président de la N-VA et actuel formateur du gouvernement fédéral, Bart De Wever, a osé déclarer : “Il n’y a pas d’autre solution que de choisir Israël, la démocratie et la lumière. Quiconque se trouve de l’autre côté rejoint la terreur et l’obscurité” Où peut-il donc voir la “démocratie et la lumière” dans les décombres et les charniers ?
Pour les peuples de la région, la situation est abominable. Le gouvernement israélien parle de sécuriser le nord d’Israël pour en protéger la population. L’argument ne tient pas la route. Bombarder et raser le Liban dans une guerre totale avec le Hezbollah n’apportera aucune sécurité. En réalité, cette opération vise à restaurer le sentiment “d’unité nationale” dont la fragilité avait été révélée par les protestations croissantes dans les zones situées à l’intérieur de la ligne verte. Début septembre, une grève générale a été décrétée par la centrale syndicale Histadrout et des centaines de milliers de personnes ont rejoint les manifestations pour protester contre le refus du gouvernement israélien de conclure un accord sur la libération d’otages. Il s’agit également pour le gouvernement israélien de détourner l’attention du fait qu’un an après les terribles attaques du Hamas et le génocide qui a suivi à Gaza, Netanyaou et sa bande d’assassins ne peuvent présenter une “victoire” sur aucun front.
Un cessez-le-feu semble désormais aujourd’hui encore plus improbable, malgré toutes les déclarations de Joe Biden. L’impérialisme américain est prisonnier d’un paradoxe. Il souhaite d’une part une stabilisation de la situation et un cessez-le-feu avant les élections présidentielles américaines, en raison notamment du facteur que représente la colère suscitée par le génocide à Gaza parmi son électorat. Mais, d’autre part, Washington continue de soutenir sans réserve le gouvernement Netanyahou, particulièrement via une assistance militaire directe, dans le cadre de sa rivalité avec “l’axe iranien” soutenu par les impérialismes russe et chinois. Cela garantit qu’un accord ne soit pas possible. L’agression au Liban sabote toute chance de cessez-le-feu et ne fait qu’entraîner une nouvelle escalade. Telle est la spirale meurtrière dans laquelle le gouvernement israélien pousse la région.
La résistance internationale de la classe travailleuse et de toutes les personnes opprimées est nécessaire contre l’escalade de la violence et le génocide. C’est essentiel en tant que solidarité avec les masses des territoires palestiniens et du Liban. Ce mouvement international est également important pour venir en aide à la résistance en Israël-même, malgré le fait que son écho soit pour l’instant limité.
Le gouvernement sanguinaire de Netanyahou doit être renversé! Les livraisons d’armes et les liens qui soutiennent l’occupation coloniale et les massacres doivent cesser. L’ensemble du système capitaliste et impérialiste, sur lequel se développe la barbarie actuelle, doit disparaître. Pour cela, nous ne pouvons pas compter ni sur la pourriture du monde politique de l’establishment occidental ni sur les régimes dictatoriaux et réactionnaires ailleurs dans le monde. L’auto-organisation de la jeunesse a été l’une des plus grandes forces des occupations de campus du printemps dernier. C’est par ailleurs nécessaire à plus grande échelle : la lutte internationale et la solidarité des personnes victimes de l’exploitation capitaliste et des oppressions sont la voie à suivre pour mettre fin à la barbarie capitaliste.
Participez à la manifestation nationale du 20 octobre prochain, 15h, Gare du nord.
Démontrons toute la diversité de la solidarité !
Les étudiant.e.s des occupations de campus organiseront très certainement à nouveau une délégation dans la manifestation : participez avec une banderole signée de votre école, campus,…
Vous êtes syndicalistes ? Participez avec vos collègues et votre délégation, et pourquoi pas vous aussi avec votre propre banderole de solidarité.
Des délégations “queers for Palestine” étaient visibles dans les diverses Pride tandis que des délégations pro-Palestine étaient très présentes aux mobilisations antifascistes ou encore féministes : continuons sur cette voie !
Résistance en Belgique contre les complices des génocidaires : les partis de droite aux commandes aux divers échelons de pouvoir, comme le MR et la N-VA, vont redoubler d’efforts pour soutenir le gouvernement israélien que la répression du mouvement propalestinien par diverses autorités ne cesse de s’intensifier.
Le mouvement pro-Palestine doit être visible dans les mobilisations syndicales contre les projets antisociaux des gouvernements de droite.Syndicalistes et activistes : solidarité contre la répression ! S’en prendre à l’un.e d’entre nous, c’est s’en prendre à nous tous.tes!
Ni livraison ni transit d’armes par la Belgique ! Il faut une campagne de boycott ouvrier pour refuser de fabriquer ou de manutentionner des armes et de l’équipement militaire sur le sol belge et combattre le gouvernement wallon MR-Engagé qui va très certainement faire sauter les restrictions obtenues l’an dernier concernant les livraisons et le transit d’armes vers Israël.
Nous invitons à participer aux prochains rassemblement appelés par un large éventail d’organisations :
20 octobre, Bruxelles : Manifestation nationale, 15h, Gare du Nord.
Près d’un an après, rien ne laisse présager la fin de l’horreur à Gaza. Depuis le 7 octobre, plus de 40.000 personnes ont été tuées, dont environ 15.000 enfants. Il s’agit là d’une estimation prudente : la revue scientifique The Lancet parlait début juillet d’une possibilité de 200.000 morts, soit 7 à 9 % de la population de Gaza. C’est autant de morts que l’ensemble de la population de la ville de Liège.
Article tiré de l’édition de septembre de Lutte Socialiste
Le 10 août, un massacre a eu lieu à l’école Al-Tabi’een dans la ville de Gaza, une école dans laquelle des Palestinien.ne.s avaient cherché refuge. 93 personnes ont été tuées, dont 11 enfants. Malgré l’indignation de la “communauté internationale”, d’autres attaques contre des écoles ont suivi. Des centaines de milliers de Palestinien.ne.s ont tout perdu. Des maladies telles que la polio et l’hépatite ont refait surface. L’ampleur de la catastrophe n’est pas encore connue.
Après des mois de génocide, le régime israélien n’a encore atteint aucun de ses objectifs officiels. Le Hamas n’a pas disparu et les otages israélien.ne.s n’ont pas été restitué.e.s. En outre, l’escalade régionale est de plus en plus concrète, comme le font craindre les affrontements entre l’armée israélienne et le Hezbollah. Le ministre Gallant appelle à une “guerre qui change la réalité” à la frontière entre Israël et le Liban. L’armée israélienne a lancé des frappes sur Beyrouth, a bombardé le Yémen et a assassiné le chef du Hamas, Haniyeh, alors qu’il se trouvait à Téhéran.
Mais la violence guerrière n’offrira aucune protection à la population. Les arguments relatifs à la protection des femmes et des enfants sont cyniques après la mort de 15.000 enfants palestiniens. Fin juillet, des extrémistes de droite armés, dont des députés du Parlement israélien, ont pris d’assaut une base militaire pour “libérer” des soldats accusés d’avoir torturé et abusé sexuellement de prisonnier.ère.s palestinien.ne.s.
La seule lueur d’espoir dans toute cette misère est le développement d’un vaste mouvement international de solidarité. Le mouvement ouvrier a lui-même fait ses premiers pas dans cette direction. Ce mouvement n’a pas encore réussi à arrêter le génocide, mais il a forcé certains gouvernements occidentaux à modérer ou même à critiquer – même si très légèrement – l’oppression extrême des Palestiniens. Cependant, l’essence des liens entre le capitalisme israélien et l’impérialisme occidental reste intacte.
La protestation des jeunes s’est répandue dans le monde entier et a inspiré les Palestinien.ne.s. La période des examens et des vacances a rendu difficile la poursuite de la protestation, mais la colère des masses n’a pas disparu. Elle ne manquera pas d’éclater à nouveau. Ces dernières semaines, des manifestations et des grèves palestiniennes ont éclaté en Cisjordanie. Malgré les assassinats, les arrestations et l’ampleur de la répression, la volonté de lutter pour un avenir et une vie digne n’a pas disparu.
De nouvelles actions auront lieu cet automne. Dans diverses universités, des mobilisations sont déjà prévues. Ne laissons pas la jeunesse s’engager seule dans ce combat! Le mouvement ouvrier a une responsabilité dans l’organisation de la solidarité avec toutes les victimes de génocide, d’oppression et d’exploitation.
Le génocide et l’escalade régionale ne s’arrêteront pas sur la base de vagues slogans sur le changement, la démocratie et la paix, mais par une résistance toujours plus forte à toutes les formes d’oppression nationale et de tous les travailleurs. Cela signifie de lutter contre l’impérialisme, le stade suprême du capitalisme, pour obtenir un contrôle démocratique sur les ressources et connaissances disponibles par le biais d’un changement socialiste de la société, afin que ces ressources puissent être utilisées pour la reconstruction de la société, l’éradication de la pauvreté et la garantie du bien-être et de sécurité d’existence pour tous.tes.
Cela contraste avec la politique capitaliste nationaliste qui défend des régimes oppressifs et tout un système d’inégalité et de crises multiples, ce qui a conduit tout droit au carnage historique actuel. Rejoignez-nous dans ce combat pour le renversement du capitalisme et l’instauration d’une société socialiste démocratique !
Nous invitons à participer aux prochains rassemblement appelés par un large éventail d’organisations :
5 octobre, Liège : 14h, Place Saint Lambert.
20 octobre, Bruxelles : Manifestation nationale, 15h, Gare du Nord.
La lave de l’éruption populaire qui a renversé l’autocrate Sheikh Hasina au Bangladesh le 5 août est encore brûlante. Point d’orgue d’une révolte héroïque et intrépide menée par des étudiant.e.s, le départ d’Hasina a libéré les énergies révolutionnaires et suscité d’immenses aspirations au changement. Mais diverses forces conspirent pour les étouffer et les contenir au sein du système qui a nourri Hasina et le régime détesté de la Ligue Awami (littéralement la «ligue du Peuple du Bangladesh»).
Par Serge Jordan (Inde)
De nombreux commentateur.trice.s se sont empressé.e.s de raconter que le régime d’Hasina était devenu profondément antidémocratique, mais qu’il avait toutefois supervisé une grande réussite économique. Comme si la révolte de masse qui venait de se produire n’était pas née du chômage endémique et de la corruption extrême ! Comme si la police n’avait pas, il y a de cela moins d’un an, tiré et arrêté en masse des ouvrier.e.s du textile qui protestaient contre leurs salaires de misère ! Comme si près de 30 % de la population ne souffrait pas d’une grave insécurité alimentaire !
Le nouveau gouvernement provisoire de 17 membres, dirigé par l’ancien prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, a été constitué à la demande des dirigeant.e.s des « Étudiant.e.s contre la discrimination », la plateforme qui a mené les manifestations étudiantes.
L’empressement de l’armée et de la bureaucratie à accepter comme nouvelle figure de proue du pays une personne choisie par les représentant.e.s du soulèvement, reflète l’énorme impact sociétal et la pression exercée par ce mouvement. Les dirigeant.e.s militaires ont jugé trop risqué de s’emparer directement du pouvoir. Les masses n’étaient pas disposées à laisser leur lutte être détournée par une prise de pouvoir militaire – un sentiment façonné par l’histoire du Bangladesh, faite de régime militaire et de coups d’Etat – et les généraux ont compris qu’une telle décision aurait facilement pu raviver les flammes du mouvement de masse.
D’un autre côté, cette concession découle également du fait qu’en tant que multimillionnaire néolibéral proche du FMI, Yunus est une valeur sûre pour le capitalisme, avec l’avantage supplémentaire qu’il attire la sympathie de la jeunesse protestataire en raison de sa victimisation par le régime d’Hasina. Il se présente comme étant au-dessus de la mêlée de la « politique partisane ». Cette position correspond à la méfiance généralisée à l’égard de tous les partis politiques établis, y compris les principaux groupes d’opposition, le BNP (Parti nationaliste du Bangladesh) de droite et le Jamaat-e-Islami.
Les dirigeant.e.s étudiant.e.s ont opté pour une stratégie d’engagement positif avec la nouvelle administration intérimaire. Cependant, bien qu’il émette quelques critiques du régime autoritaire précédent, ce gouvernement a été orchestré sous supervision militaire et ne montre aucune propension à défier les intérêts des grandes entreprises de quelque manière que ce soit. Il n’a aucun lien organique avec les forces sociales qui se sont battues et ont versé leur sang pour renverser l’ancien régime.
Dans ces conditions, la nomination de deux jeunes universitaires comme ministres n’est qu’un geste symbolique, car ils seront réduits au rang de pions dans une équipe dirigeante déterminée à dompter le mouvement de masse et à maintenir l’état actuel capitaliste sous prétexte de restaurer la « confiance des investisseurs ».
Arracher les anciennes structures jusqu’à la racine
Bien qu’une attitude attentiste prévale à l’égard de Yunus, avec l’espoir qu’il tienne ses promesses, les mobilisations n’ont pas faibli, bien qu’elles soient actuellement moins intenses. Les étudiant.e.s et les travailleur.euse.s restent déterminé.e.s à démanteler les vestiges de l’ancien régime. En plus d’exiger que les assassins des manifestant.e.s soient jugés, des rassemblements ont exigé de purger les divers secteurs de l’appareil d’Etat, de l’administration publique et des institutions privées des fidèles de la Ligue Awami pour en expulser les personnes impliquées dans la répression sanglante du soulèvement et dans la corruption.
Après que la foule ait encerclé la Cour suprême, le pouvoir judiciaire a été débarrassé du président de la Cour suprême et de six juges de la Cour d’appel complices de l’ancien régime. Le gouverneur de la banque centrale du Bangladesh a démissionné quelques jours après que le siège de la banque ait été pris d’assaut par les masses et les employé.e.s de plusieurs banques privées ont exigé la révocation des directeurs liés au gouvernement de la Ligue Awami. Au moins 18 vice-chanceliers d’universités publiques ont été contraints de démissionner depuis l’éviction de l’ancienne Première ministre Sheikh Hasina, en raison des mobilisations étudiantes en cours. Le président de l’Office national des recettes, ainsi que le directeur général de la « Shilpakala Academy » (centre culturel national public du Bangladesh) ont également été contraints de démissionner. L’inspecteur général de la police a été démis de ses fonctions et des efforts ont été déployés pour redorer le blason des forces de police, puisque même des policier.e.s de rang inférieur ont manifesté pour demander que les hauts fonctionnaires qui avaient ordonné de tirer sur les manifestant.e.s soient traduit.e.s en justice.
Cette lutte permanente pour se débarrasser des complices de l’ancien régime et des fonctionnaires corrompus doit aller plus loin. Le problème ne peut être résolu en éliminant simplement quelques pommes pourries, aussi important que cela puisse être. Les structures profondément enracinées qui ont soutenu un système d’exploitation et d’oppression doivent être démolies et remplacées par des structures au service de la majorité. Des comités de travailleur.euse.s et d’étudiant.e.s démocratiquement élu.e.s, dont les représentant.e.s sont pleinement responsables et peuvent être révoqué.e.s par celle, ceux et celleux qui les ont élu.e.s, doivent être habilité.e.s à prendre la tête de cette transformation.
Ceci est également important pour éviter que de nouveaux fonctionnaires soient parachuté.e.s par le nouveau gouvernement non élu, plutôt que d’être issus d’un mandat populaire. Par exemple, le lundi 19, le gouvernement a nommé arbitrairement des administrateur.trice.s pour 61 conseils de district à travers le pays, puisque les président.e.s et maires initiaux.ales des conseils de district et des municipalités sont entré.e.s dans la clandestinité à la suite de la destitution de Hasina. Le mouvement devrait plutôt plaider pour que les habitant.e.s se rassemblent et élisent leurs propres conseils locaux, composés de représentant.e.s qui vivent, travaillent et luttent au sein de leurs communautés. Ces conseils pourraient servir de forums démocratiques ouverts où les habitant.e.s pourraient délibérer et choisir des représentant.e.s qui reflètent réellement leurs intérêts et leurs préoccupations.
Un vaste réseau de comités et de conseils, reliés à l’échelle nationale, pourrait constituer l’épine dorsale d’un gouvernement issu du milieu du soulèvement, en finissant par s’emparer du pouvoir politique pour le placer aux mains du peuple révolutionnaire afin de briser l’Etat capitaliste. Cela peut sembler une proposition intimidante, mais la multitude d’initiatives populaires entreprises dans le sillage du mouvement de masse – y compris le maintien de l’ordre dans la ville de Dhaka des jours durant en raison de l’absence de la police – démontre le potentiel indéniable de la jeunesse et des travailleur.euse.s du Bangladesh à gérer efficacement les affaires publiques.
La révolution est synonyme de rupture et non de continuité
Le moment est venu pour toutes les sections de la classe ouvrière et des opprimé.e.s d’affirmer leurs revendications et leurs aspirations.
Les femmes, qui ont été à l’avant-garde du mouvement et qui constituent également l’épine dorsale du secteur stratégique du textile au Bangladesh, ont leurs propres attentes spécifiques. Leurs voix, comme celles de toutes les sections opprimées de la société, seront essentielles pour définir l’orientation du mouvement.
Vendredi dernier, des milliers de personnes ont défilé sous la bannière « Awaaz Tolo Nari » (Élevez votre voix, femmes) à l’université de Dhaka, en solidarité avec les manifestations en cours à la suite du viol et du meurtre d’une femme médecin stagiaire à Kolkata, en Inde, et avec les victimes de viol dans le monde entier.
Les étudiant.e.s ont observé un programme « Occupy the Night » (Occupez la nuit) exigeant une enquête équitable et une justice pour chaque cas de viol au Bangladesh à la suite du soulèvement de masse. Cet acte inspirant de solidarité par-delà les frontières ne souligne pas seulement les luttes communes et les oppressions interconnectées auxquelles sont confrontés les peuples des deux pays ; il encourage également les femmes bangladaises à lutter pour la sécurité et l’égalité, et à affronter la violence de genre, le sexisme et le patriarcat à l’intérieur de leur propre pays.
Les masses insurgées, dans toutes leurs diversités, doivent façonner leur avenir par leur propre action collective ; elles doivent s’efforcer de construire une direction révolutionnaire de l’intérieur et ne pas placer leurs espoirs dans des politiciens non élus qui, bien qu’ils prétendent parler en leur nom, n’ont joué aucun rôle actif dans le soulèvement.
Yunus a beau parler d’une « deuxième révolution », cette rhétorique sonne creux lorsqu’on la rapproche de ses promesses de continuité dans l’industrie de textile. « Nous ne tolérerons aucune tentative visant à perturber la chaîne d’approvisionnement mondiale de l’habillement, dans laquelle nous sommes un acteur clé », a-t-il déclaré. Cela revient en fait à s’engager à maintenir le système même qui a soumis les travailleur.euse.s à une exploitation implacable, en veillant à ce que la souffrance de la main-d’œuvre ne soit pas remise en question et que les profits des marques multinationales ne soient pas affectés.
Cet engagement est en contradiction flagrante avec les besoins des travailleur.euse.s de l’habillement, qui exigent du gouvernement de transition le doublement du salaire minimum, des services de garde pour les enfants des travailleur.euse.s, l’extension du congé de maternité payé à six mois, des comités de plainte pour le harcèlement sexuel dans les usines, le droit d’organiser des syndicats et la justice pour les personnes tuées ou blessées au cours des manifestations.
Même si, sous la pression et par crainte d’une réaction générale, l’administration intérimaire peut prendre des mesures limitées pour créer l’illusion d’un changement, ce gouvernement se retrouvera inévitablement sur une trajectoire de collision avec la classe ouvrière. On ne peut pas à la fois satisfaire la soif de transformation des travailleur.euse.s et préserver les profits des propriétaires d’ateliers clandestins et des grandes entreprises.
De même, il est impossible de résoudre la myriade de problèmes sociaux du pays tout en adhérant aux diktats d’austérité du FMI – que Yunus n’a montré aucun signe de remise en question. Comme l’a noté Farid Erkizia Bakht, auteur et analyste politique bangladais, « la gestion économique, soumise aux restrictions strictes du FMI en matière d’austérité, l’enfermera ».
Les masses doivent tracer leur propre voie par la lutte, l’initiative révolutionnaire et l’organisation politique indépendante. Les événements récents ont montré que chaque concession ou recul de la classe dirigeante s’est produit lorsqu’elle a senti le souffle chaud de la révolution sur sa nuque.
Ce n’est pas la droiture du général Waker-Uz-Zaman qui a poussé Hasina hors du pouvoir, mais le défi des jeunes officier.e.s et soldat.e.s qui ont refusé d’être les exécutant.e.s de son régime en ruine. La dissolution du Parlement n’était pas un cadeau du président, mais le résultat direct de l’inondation des rues par la population qui l’exigeait.
Ce ne sont pas les appels à l’harmonie et à l’unité de Yunus qui ont permis d’endiguer les attaques sectaires entre communautés, mais les initiatives prises à la base par des étudiant.e.s et destravailleur.euse.s et personnes opprimées en Bangladesh, en formant des groupes de surveillance nocturne des quartiers pour protéger les minorités religieuses et en postant des volontaires devant les maisons, les magasins et les temples hindous.
Le gouvernement intérimaire, malgré ses promesses, ne peut et ne veut pas apporter les changements profonds nécessaires pour s’attaquer aux causes profondes du soulèvement. C’est le pouvoir collectif des masses, organisé dans des structures démocratiques et transparentes/où tout.e élu.e et membre peut être tenu responsable de ses actions, qui doit faire avancer ce changement révolutionnaire. Mais pour garantir véritablement l’avenir pour lequel le peuple du Bangladesh se bat, il faudra doter cette lutte d’un programme clair qui rompt de manière décisive avec le capitalisme, le système qui engendre des crises multiples et de plus en plus graves et qui alimente des rébellions sociales similaires dans diverses parties du monde.
Le capitalisme est également le principal moteur du changement climatique, qui entraîne des événements météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents et intenses. Le Bangladesh est l’un des pays les plus vulnérables à ce phénomène. Les inondations en cours dans le sud-est du pays, qui ont bloqué 3 millions de personnes et privé d’électricité des centaines de milliers d’autres, ne sont que les dernières d’une série d’inondations dévastatrices qui ont touché le pays cette année. Cette situation ne fera qu’empirer tant que ce système axé sur le profit restera debout.
Les revendications présentées ci-dessous, sur lesquelles nous aimerions recevoir des commentaires, sont, à notre avis, des étapes essentielles vers la transformation socialiste révolutionnaire nécessaire pour accomplir les tâches inachevées du soulèvement du Bangladesh :
Justice immédiate pour les meurtres de manifestant.e.s, indemnisation à hauteur du crime pour les familles des martyrs et assistance médicale gratuite pour toutes les personnes blessées.
Abolition et dissolution du bataillon d’action rapide (RAB) ainsi que de tous les ligues et groupes paramilitaires liés à l’ancien parti au pouvoir.
Exigeons de l’Inde qu’elle livre Sheikh Hasina et les autres fugitif.ve.s de la Ligue Awami pour qu’iels soient jugé.e.s au Bangladesh.
N’accordons aucune confiance au gouvernement intérimaire et à tout gouvernement basé sur le capitalisme, ni à aucune entreprise politique qui ne soit pas soumise au contrôle démocratique des masses.
Election d’une assemblée constituante par le biais d’un processus libre et démocratique avec une représentation de tous les secteurs de la société, à l’exclusion de ceux.celles qui sont impliqué.e.s dans la répression et l’exploitation du peuple bangladais.
Mise en œuvre des mesures de contrôle des prix au niveau local pour réguler les prix des produits de base ; plaider en faveur d’un salaire de subsistance dans tous les secteurs et ajuster tous les salaires en fonction du coût de la vie.
Création d’emplois pour les chômeurs en réduisant la semaine de travail sans diminuer les salaires.
Fin des investissements dans les mégaprojets dont les bénéfices pour les personnes pauvres sont discutables ; réorientation des ressources vers les besoins fondamentaux de la population, les services publics essentiels tels que la santé et l’éducation, et les projets d’infrastructure qui sont socialement utiles et respectueux de l’environnement.
Confiscation de tous les biens de la famille de Sheikh Hasina et des complices de la Ligue Awami.
Ouverture de la comptabilité de toutes les institutions publiques et privées pour permettre l’inspection des travailleur.euse.s et des étudiant.e.s, afin de révéler et d’éliminer les profits et la corruption.
Adoption de mesures fermes pour mettre fin à la fuite des capitaux et au blanchiment d’argent et récupérer les vastes richesses blanchies à l’étranger par les oligarques liés à l’ancien régime.
Formation de comités du soulèvement sur tous les lieux de travail, dans les écoles, les collèges, les universités et les quartiers. Ces comités doivent être interconnectés, créant ainsi un réseau qui servira de base à un futur gouvernement révolutionnaire, fidèle aux aspirations du soulèvement.
Placement de l’industrie de l’habillement, les banques, l’énergie, les télécommunications et d’autres secteurs clés de l’économie sous la propriété publique et le contrôle démocratique des travailleur.euse.s, en vue de réorganiser l’économie sur la base d’une planification démocratique.
Rejet des divisions communautaires, des persécutions et des attaques contre les minorités religieuses et ethniques ; défense de l’égalité des droits pour toutes et tous, y compris pour les hindous bengalis et les réfugiés rohingyas.
Résistance contre l’ingérence de toutes les puissances étrangères ; refus du payement exorbitant de la dette extérieure et rejet des accords d’austérité néfastes conclus avec le FMI.
Solidarité avec tou.te.s les travailleur.euse.s et les opprimé.e.s en lutte ; soutien au soulèvement du Bangladesh et à la révolte actuelle des médecins, des femmes et des jeunes en Inde contre la violence fondée sur le genre.
Pour une lutte mondiale contre le capitalisme et l’impérialisme, pour un Bangladesh socialiste et un monde socialiste.
Le thème de la Défense a été abordé durant le dernier débat télévisé en Flandre durant la campagne électorale (Het Groot Debat). Le président du PTB, Raoul Hedebouw, y a défendu la diminution des dépenses militaires dans le cadre d’une défense européenne indépendante, séparément de l’OTAN. Face à la perspective d’une réélection possible de Donald Trump, il expliquait qu’il serait préférable de construire une force indépendante tout en forgeant des liens avec le Sud global. Les économies d’échelle que permettrait l’intégration dans une armée européenne devant permettre d’accorder plus de moyens à des domaines socialement plus utiles.
Par Christian (Louvain)
La présidente de Vooruit, Melissa Depraetere, a de suite réagi : « Quitter l’OTAN est un cadeau pour Poutine », estimant que les mots lui manquaient pour réagir à une idée « délirante ». Le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, a défendu l’arrêt des livraisons d’armes à l’Ukraine en faveur d’une approche diplomatique envers la Russie. La Vice-Première ministre Petra De Sutter (Groen) s’est empressée de faire l’amalgame entre le PTB et l’extrême droite : « Ces deux partis constituent une menace pour l’État. » Le Premier ministre De Croo a emboîté le pas derrière les figures de proue de la gauche flamande que sont Depreatere et De Sutter.
Le positionnement du PTB représente un début d’approche de classe, mais qui finit hélas par s’égarer dans les institutions de la classe dominante. Nous rejoignons le PTB sur la diminution des dépenses militaires. Nous partageons aussi l’analyse selon laquelle l’OTAN n’est aucunement un instrument de paix et de liberté, mais au contraire une alliance militaire prédatrice au service des intérêts impérialistes occidentaux, qui a notamment soutenu des dictatures militaires en Grèce et en Turquie. Depuis 1989, c’est également le cadre organisationnel d’aventures militaires néocoloniales. Loin de nous protéger, cette alliance ne fait qu’attiser les tensions géopolitiques, notamment avec la Russie et la Chine. Cela dit, contrairement au PTB, nous considérons que ces deux pays constituent eux aussi des puissances impérialistes à part entière.
Armée européenne oui, mais jamais sans l’OTAN
Généralement, l’idée d’une armée européenne n’est pas présentée comme une alternative indépendante à l’OTAN, comme le fait Hedebouw, mais plutôt comme un complément à ladite alliance transatlantique. L’enjeu central de la proposition, c’est la répartition d’influence entre les pays impérialistes occidentaux et le degré d’autonomie des puissances européennes face à la superpuissance américaine. Sur le plan économique, les puissances européennes ont eu bien plus de succès avec la création de l’Union européenne, rempart contre l’ennemi systémique qu’était alors le bloc soviétique et moyen de faire face aux concurrents états-uniens puis est-asiatique.
La promotion d’une armée européenne comme modèle alternatif à l’OTAN est liée aux illusions envers ce que peut signifier un monde plus multipolaire. Dans son livre Mutinerie, l’ancien président du PTB Peter Mertens défend qu’un équilibre entre blocs de puissances puisse garantir la paix. Selon ce modèle, tout ce qui s’oppose aux intérêts directs de l’impérialisme américain, notamment les pays BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), pourrait jouer un rôle progressiste. Cela s’étendrait-il donc aussi aux puissances impérialistes occidentales de second ou troisième ordre ? Comme le souligne la première moitié du XXe siècle, un monde multipolaire n’est pas synonyme de paix. Construire des liens avec le Sud global – c’est-à-dire avec les États – peut paraître une belle idée, mais comment éviter les relations d’exploitation et de domination qui découlent obligatoirement du fonctionnement du capitalisme ?
Un peu d’histoire
L’idée d’une armée commune n’est pas nouvelle. La France de De Gaulle l’avait défendue dès 1950, peu après la fondation de l’OTAN. Paris considérait d’un mauvais œil la remilitarisation de l’Allemagne de l’Ouest par les États-Unis. La politique états-unienne ne s’est pas limitée à construire une zone tampon contre le bloc soviétique, mais aussi à établir un appui pour ses intérêts en Europe occidentale. L’initiative française visait la création d’une armée composée des six membres originaux de la Communauté européenne (l’ancêtre de l’UE). Finalement, la France a laissé tomber le projet, incapable qu’elle était de soutenir sa guerre coloniale en Indochine simultanément au renforcement de son armée en Europe sans disposer du soutien des États-Unis. Depuis lors, l’idée d’une armée commune s’est systématiquement heurtée aux intérêts impérialistes divergents des grandes puissances européennes.
Ce n’est pas un hasard si l’idée bénéficie aujourd’hui surtout du soutien de Paris et de Berlin. Il s’agit des principales puissances de l’UE, ce sont les mieux placées pour utiliser une telle armée à leurs fins. Ces dernières années, le gouvernement français avait déjà tenté d’impliquer des pays membres de l’UE dans ses guerres au Sahel et la désastreuse opération Barkhane.
L’une des conditions préalables d’une armée commune pourrait être l’obligation pour les États membres de consacrer une part de leur budget militaire pour des armes produites en Europe, ce qui concerne essentiellement la France et l’Allemagne. C’est déjà ce qui, dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) introduite par le Traité de Lisbonne (2009), a obligé la Grèce à acheter des sous-marins allemands au beau milieu de sa crise de la dette et de l’austérité brutale qui l’accompagnait.
Cette année, la France a dépassé la Russie pour devenir le deuxième exportateur mondial d’armes, après les États-Unis, principalement grâce à la livraison d’avions de combat à l’Inde, au Qatar et à l’Égypte. Par ailleurs, aucun pays exportateur d’armes, à part les États-Unis, ne facilite autant l’anéantissement de Gaza par Israël que l’Allemagne.
En restant dans le cadre du système économique actuel, une force militaire commune ne serait pas au service des droits humains ou de la souveraineté des États les plus faibles. Son rôle serait de maintenir l’accès des grandes entreprises européennes aux marchés et aux matières premières.
Une idée qui a peu de chances d’être concrétisée
À ce jour, les efforts dans cette direction se limitent à une force européenne de réaction rapide composée de 5.000 soldats, laquelle devrait être opérationnelle en 2025. C’est peu. Les États-Unis, soutenus par leur acolyte britannique, sont bien entendu opposés au principe d’une armée commune européenne. La plupart des pays d’Europe centrale et orientale voisins de la Russie (Pologne, États baltes, pays scandinaves) sont eux aussi très réticents à l’idée d’un commandement stratégique européen, craignant de déplaire à Washington qu’ils considèrent comme le seul garant viable de leur sécurité.
Par ailleurs, les préférences en achat d’armement se situent toujours outre-Atlantique (voir l’achat de F35 américains par la Belgique). Actuellement, au parlement européen, les quatre principaux groupes euro-enthousiastes soutiennent l’action de la Commission européenne en faveur de l’industrie d’armement et l’élargissement de la PSDC, pour satisfaire l’augmentation des dépenses militaires à 2% du PIB exigée par les États-Unis et stimulée par la nouvelle course à l’armement suite à l’invasion de l’Ukraine.
Pour une approche indépendante de la classe travailleuse
Le PTB semble proposer que l’Europe (probablement via l’UE) puisse constituer un contrepoids à l’impérialisme américain et semble s’accrocher aux quelques illusions qui subsistent encore quant au possible rôle progressiste d’une « Europe sociale ». Mais l’Union européenne est une machine impérialiste et antidémocratique, construite pour servir de rouleau compresseur contre les droits des travailleur.euses.
La gauche radicale doit adopter une position qui repose sur l’indépendance de la classe travailleuse et pas sur l’illusion du « moindre mal » que pourrait constituer une classe capitaliste en concurrence avec une autre. Ce n’est pas le plus évident. La perspective de guerre instaure une pression terrible pour s’accrocher à tout ce qui peut sembler le plus rapide et facile. Souvent, cela ne fait au mieux que repousser la menace en lui permettant de devenir encore plus dramatique lors de son éclatement. Les appels aux négociations de paix ignorent généralement qu’elles reviennent à mettre les pyromanes autour de la table pour éteindre un incendie. Cela peut donner un certain répit, mais extrêmement précaire et provisoire.
La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. Il en va ainsi pour la classe dominante, il en va de même pour la classe travailleuse. Dans le contexte de la lutte contre le génocide à Gaza, la compréhension du rôle des livraisons d’armes s’est accrue à travers le monde, ce qui a reçu un souffle nouveau grâce aux occupations de campus. Très certainement dans cette ère du désordre dans laquelle nous sommes rentrés et où les tensions géopolitiques augmentent dramatiquement, les méthodes du boycott ouvrier – par la grève et le blocage économique – de la fabrication et des livraisons d’armes doivent être développées. Chaque pas en avant capable de sortir la classe travailleuse du rang de spectatrice doit être soutenu, y compris par la lutte pour la reconversion, avec maintien des conditions de travail et de salaire du personnel, des entreprises d’armement pour une production socialement utile.
Nous venons de loin, mais la conscience de la force potentielle que notre classe sociale peut imprimer sur les événements fait son chemin. Nous savons par ailleurs des luttes sociales récentes – féministes, écologiques,… et plus récemment avec les occupations de campus universitaires – qu’une percée réalisée par une lutte à un coin du monde peut se répandre comme une traînée de poudre. Cet internationalisme militant instinctif est très précieux. C’est la peur du potentiel de la force de la classe travailleuse dans la résistance à la guerre et à l’oppression qui empêche une plus grande multiplication des guerres ou le recours aux armes nucléaires, par exemple.
“Il n’y a plus d’espoir”, a résumé un médecin de Gaza avec horreur. Des centaines de milliers de Palestinien⸱nes ont perdu leur maison, leur vie, leur avenir. Tout est en ruine. C’est à prendre au pied de la lettre: selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), les bombardements et les agressions militaires ont déjà causé 39 millions de tonnes de décombres à Gaza. Cela représente 107 kilogrammes par mètre carré, soit 13 fois plus que les dégâts causés par tous les conflits dans le monde depuis 2008.
Les dirigeant⸱es du monde refusent d’écouter la voix des protestations de masse. De l’armement continue d’être envoyé en Israël. Les États-Unis ont donné leur feu vert à la livraison de 50 avions de chasse F15 ainsi qu’à d’autres équipements militaires à la mi-juin. Une étude réalisée par le CNCD-11.11.11 et Fairfin a révélé que BNP Paribas investit des milliards d’euros dans des entreprises qui vendent des armes à l’armée israélienne. Le gouvernement belge, actionnaire de la banque, affirme ne rien pouvoir faire. C’est visiblement plus facile, en respectant le cadre du capitalisme, d’envisager de supprimer leurs allocations aux chômeur⸱euses que de stopper l’industrie de la mort.
La population de Gaza n’a que faire des discours des dirigeant⸱es du monde sur l’aide humanitaire. Elle a besoin d’actes concrets. Le gouvernement Netanyahou reste inflexible. Même les simples pauses de l’armée sont immédiatement critiquées par ses ministres. Pendant ce temps, l’extension régionale de la guerre menace, avec des affrontements entre l’armée israélienne et le Hezbollah libanais. Le régime israélien menace d’une “guerre totale”. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz, a déclaré sur X qu’une telle guerre “détruirait le Hezbollah et frapperait durement le Liban”. Pour le vice-président du Parlement, Nissim Vaturi (Likoud), les manifestations israéliennes des familles d’otages et d’opposant⸱es au gouvernement représentent une “aile du Hamas”.
Les manifestations de masse organisées de par le monde ne sont pas encore parvenues à mettre un terme à cette horreur. Elles renforcent l’isolement du régime de Netanyahou, dont le sommet est parsemé de divisions. Mais grâce au soutien de l’impérialisme américain et d’autres alliés, la campagne génocidaire poursuit son cours. Nous n’avons pas d’autre choix que de poursuivre notre lutte. Les occupations de campus ont apporté une bouffée d’air frais au mouvement. Même pendant les examens, les étudiant⸱es ont continué leur action, à la grande frustration des recteurs et rectrices, qui n’ont pas hésité à recourir au racisme, à l’envoi de la police ou à des accusations de bas-étage comme la “prise d’otage d’université”. La pensée critique dans les universités fait partie des victimes de guerre.
Cette dynamique étudiante mérite d’être imitée ailleurs. Si les étudiant⸱es sont parvenu⸱es à arracher des concessions, le mouvement ouvrier peut y parvenir aussi. Une campagne de boycott ouvrier doit être lancée pour bloquer la fabrication et le transit d’équipements militaires ou de matériel destiné à l’occupation coloniale des territoires palestiniens. Des protestations plus nombreuses et massives auront un impact, notamment en renforçant la confiance et le soutien en faveur d’une lutte de libération fondamentale du peuple palestinien sur le modèle de la grève générale de 1936 et de la première Intifada de 1987. Un tel type de lutte renforcerait également l’opposition à Netanyahou en Israël de la part des travailleur⸱euses et de jeunes qui ne veulent rien avoir à faire avec ce régime colonial et génocidaire.
Une véritable liberté pour le peuple palestinien signifie la fin de l’occupation, des colonies, de l’oppression et le droit au retour dans sa patrie historique. Il est clair que cela n’arrivera jamais tant que l’État israélien et sa classe dirigeante génocidaire continueront d’exister. Tous deux doivent être renversés et détruits. Les masses palestiniennes, ainsi que la classe travailleuse et les pauvres du Moyen-Orient et du monde entier, doivent s’organiser dans cette direction, y compris en appelant les travailleur⸱euses et les jeunes d’Israël à les rejoindre dans une transformation révolutionnaire de toute la région.
Le système capitaliste et la domination impérialiste n’offrent qu’un avenir de guerre, d’oppression et d’exploitation. Ils doivent disparaître ! La classe travailleuse dans toute sa diversité et les pauvres peuvent arracher une solution juste et démocratique par en bas, une solution où les masses palestiniennes et israéliennes se verront accorder des droits égaux à l’autodétermination nationale. Cela signifie un Moyen-Orient socialiste démocratique, débarrassé du capitalisme, où les richesses et les ressources ne seront plus possédées par les multinationales, les banques et les oligarques, mais placées sous propriété publique et contrôle démocratique des masses aujourd’hui opprimées et exploitées et de leurs institutions.