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Category: Moyen-Orient et Afrique du Nord
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Davantage de génocide et de Trump ? La résistance et la lutte sont nécessaires !
La première phase du cessez-le-feu à Gaza expire le 1er mars. Entre-temps, des négociations ont commencé sur la deuxième phase, qui viserait à libérer les derniers otages israélien.ne.s et prisonnier.e.s de guerre en échange d’otages palestinien.ne.s, d’aide humanitaire, du retrait de tou.te.s les soldat.e.s israélien.ne.s de Gaza et d’un cessez-le-feu permanent.
Article par Thomas en Suheil (Bruxelles)
La troisième phase comprendrait le retour des corps des personnes décédées et le début de la reconstruction de Gaza sous la supervision de l’Égypte, du Qatar, des Nations unies et des États-Unis. Mais avant même que les fragiles négociations sur la deuxième phase n’aient commencé (qui portent également sur la gouvernance et la reconstruction de la bande de Gaza d’après-guerre), Trump était déjà là avec une proposition visant à accroître le chaos et la misère. Cela a éclipsé le soulagement suscité par le cessez-le-feu dans le mouvement de solidarité internationale. La lutte pour la libération de la Palestine est loin d’être terminée.
Le « plan » de Trump et de Netanyahou : nettoyage ethnique et projet immobilier
La proposition de Trump est révoltante : placer Gaza sous le contrôle des États-Unis pour la nettoyer et la transformer en « Riviera du Moyen-Orient ». En attendant, les habitant.e.s devraient déménager ailleurs, ce qui équivaudrait à un nettoyage ethnique de Gaza et donc une poursuite du génocide du peuple palestinien.
La proposition a été immédiatement rejetée par les gouvernements arabes et les alliés occidentaux, mais Trump continue de la répéter sous les applaudissements de Netanyahou et des ministres de l’État sioniste.
En outre, le ministre de la Défense, Katz, a déjà commencé à mettre en place une nouvelle unité chargée de reloger les habitant.e.s de Gaza dans un autre pays, et le ministre des Finances, Smotrich, a annoncé que la relocalisation pourrait commencer dans les semaines à venir.
La question de savoir si les États-Unis prendront effectivement le contrôle de Gaza n’a plus d’importance. Netanyahou saisit ce moment pour atteindre son objectif initial : une « victoire complète » sur la résistance palestinienne, ce qui est directement conforme à l’objectif initial de l’État sioniste : l’accomplissement de la Nakba. En d’autres termes, la survie de la résistance palestinienne est en jeu et, avec elle, la survie du peuple palestinien.
La proposition de Trump ne sort pas de nulle part. Dès son premier mandat, Trump a lancé le « Deal du siècle » avec Netanyahou. Ce plan a été conçu sous la direction de son gendre et ancien investisseur immobilier Jared Kushner, mais n’a jamais été mis en œuvre, malgré son accueil positif par les chefs de gouvernement arabes (à quelques réserves ou exceptions près). Le plan comprend une partie économique visant à investir dans les infrastructures et le tourisme par les États arabes et les entrepreneurs privés, et une partie politique visant à créer un État palestinien qui serait complètement dépouillé de sa souveraineté et de sa dignité nationales. Les représentants palestiniens n’ayant pas été consultés, ils ont unanimement rejeté le plan (même l’Autorité palestinienne, qui danse habituellement au diapason des États-Unis et d’Israël). En revanche, le président égyptien El-Sisi a été impliqué dans la préparation du plan, qui prévoit une infrastructure logistique stratégique entre les mains des Égyptiens et des Israéliens pour développer les activités économiques dans la région.
Il est clair que la violence coloniale en Palestine est tout à fait conforme à la folie capitaliste de l’impérialisme américain et de ses alliés sionistes.
Le mouvement de protestation rend le plan inacceptable pour les dirigeants de la région
Cette fois-ci, la violence coloniale a complètement déraillé, entraînant une colère et une protestation de masse. Les dirigeants des gouvernements arabes doivent en tenir compte, même si c’est par souci d’autopréservation.
Le roi Abdallah II de Jordanie a dû se taire devant les caméras à Washington et avaler l’humiliation, mais selon les autorités égyptiennes, le roi aurait pu s’insurger contre Trump. Auparavant, El-Sisi avait organisé une grande manifestation contre la proposition de Trump à la frontière palestinienne près de Rafah, qui a été retransmise à la télévision nationale : une démonstration remarquable de soutien nationaliste à un président corrompu.
D’une part, Abdallah et El-Sisi ne peuvent pas se permettre de soutenir ouvertement Trump étant donné la colère et l’indignation des masses jordaniennes et égyptiennes, mais d’autre part, ils sont parmi les principaux bénéficiaires de l’aide étrangère américaine, tant sur le plan économique que politique. Après tout, tous deux refusent une nouvelle vague de migration palestinienne dans leur pays qui mettrait en péril le traité de Camp David et la stabilité nationale et régionale.
En bref, les dirigeants égyptiens et jordaniens tentent de se tenir la main alors qu’ils sont eux-mêmes pris en tenaille entre les sponsors impérialistes, les populations nationales et les voisins régionaux. Les contradictions ne s’expliquent pas simplement par les intérêts économiques occidentaux, mais impliquent une dynamique complexe de forces matérielles et de relations sociales à différents niveaux. Alors que la machine à tuer sioniste poursuit ses aventures militaires au Liban, en Syrie et en Cisjordanie, l’Arabie saoudite prend l’initiative d’élaborer la réponse de l’unité arabe à Trump avec l’Égypte, la Jordanie et les États du Golfe. La situation est unique, mais les perspectives sont extrêmement désespérées. Une approche différente est nécessaire !
Les manifestations de masse se poursuivent
Des actions de solidarité se poursuivent dans le monde entier et des manifestations de masse ont eu lieu à plusieurs endroits pour protester contre la proposition de Trump. Au Maroc, une grande manifestation a eu lieu à Rabat la même semaine et quelques jours plus tard, plus de 100 manifestations ont eu lieu dans tout le pays. À Ankara et à Istanbul, des milliers de personnes ont manifesté devant l’ambassade des États-Unis et les Trump Towers. Dans la capitale jordanienne, des dizaines de milliers de personnes ont marché jusqu’à l’aéroport pour soutenir leur roi après l’humiliation subie à Washington, etc. Londres a également connu des manifestations de masse contre la proposition de Trump.
Les milliers de manifestant.e.s ont exprimé leur solidarité avec la résistance palestinienne, exigé un embargo sur les armes et rappelé la complicité de leur gouvernement avec la politique génocidaire d’Israël. Iels ont exigé, par exemple, que le mandat d’arrêt international contre Netanyahou soit suivi sans équivoque, ce qui n’est actuellement pas le cas au Royaume-Uni, mais aussi en France, en Italie ou en Allemagne. L’Europe est manifestement incapable de reconnaître ses liens historiques avec le sionisme et l’impérialisme américain, en particulier maintenant que l’extrême droite est au pouvoir ou sur le point de l’être dans de nombreux pays.
Il est nécessaire de rassembler systématiquement la lutte pour la libération de la Palestine et la lutte contre les gouvernements (d’extrême droite), car l’impérialisme n’est pas un système local, mais un système mondial qui exploite et opprime les peuples du monde entier. De nombreuses personnes comprennent spontanément que des politiques socio-économiques dures favorisent immédiatement des idéologies racistes et coloniales qui, à leur tour, justifient ces politiques.
Solidarité dans les luttes communes
Les possibilités de lutte commune sont nombreuses : le mouvement de libération palestinien peut considérer le mouvement anti-Arizona comme une occasion de maintenir la cause palestinienne parmi les priorités de la lutte en Belgique et de se mobiliser autour d’actions concrètes contre les sionistes de l’Arizona. Inversement, les syndicats peuvent inclure des revendications claires en solidarité avec la Palestine (comme les féministes le font pour le 8 mars) et contre les plans militaires visant à la confrontation impérialiste.
L’accord du gouvernement cherche explicitement à créer un cadre juridique pour interdire des organisations comme Samidoun. Cette organisation lutte au niveau international pour la libération des prisonnier.e.s palestinien.ne.s. Une telle interdiction représente une atteinte à la solidarité avec la résistance palestinienne et s’inscrit dans la campagne internationale visant à qualifier d’antisémite toute opposition au génocide et plus généralement au sionisme. Elle s’inscrit également dans les attaques de l’Arizona contre le droit d’action des opprimé.e.s et des exploité.e.s.
Enfin, les différents mouvements peuvent organiser des boycotts et des grèves contre les entreprises qui facilitent la politique de Trump et de ses alliés (d’extrême droite) : fabricants d’armes, promoteurs de construction, entreprises de transport, investisseurs dans la misère en Palestine, en Belgique et au niveau international.
Personne n’est libre tant que tout le monde ne l’est pas
Le capitalisme est dans son élément impérialiste ultime alors que les capitalistes se réorganisent avec empressement sous Trump et sentent de nouvelles opportunités d’investissement : les profits via l’industrie de la guerre et ses copains financiers sont convertis en nouveau capital qui exploite davantage le travail des populations opprimées jusqu’à ce que le temps soit à nouveau à la guerre et au génocide et à l’exploitation de nouvelles opportunités d’investissement et de profit. Un cycle infernal !
Pendant ce temps, les dirigeants du Sud font savoir qu’ils n’accepteront pas un monde unipolaire ou bipolaire où Trump distribuerait les cartes. Soyons clairs : nous n’acceptons pas un monde capitaliste, bipolaire ou multipolaire ! Depuis les différentes régions du monde, un mouvement révolutionnaire internationaliste est possible et nécessaire.
Pour la Palestine, cela signifie que ce mouvement doit se concentrer sur les masses et la classe ouvrière du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Des syndicats combatifs et des organisations politiques doivent être créés ou renforcés afin que les populations soient prêtes à rompre avec leurs dirigeants corrompus. Il faut créer les conditions et formuler les bonnes revendications pour qu’une vague révolutionnaire, comme les soulèvements de 2011 au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, puisse s’étendre à la libération de la Palestine et au socialisme démocratique, ce qui signifie une véritable liberté de la rivière à la mer dans toute la région et dans le monde entier. Une seule lutte, une solidarité internationale !
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Appel à l’action : portons plainte contre Challenge Airlines pour complicité de génocide
Depuis octobre 2023, au sein du collectif Solidarité Liège-Palestine, le PSL s’est mobilisé au cours de 3 actions devant l’entreprise israélienne. Ces actions, conjuguant rassemblement de protestation devant Challenge et tractages auprès des travailleur.euse.s, ont eu un rôle significatif dans la décision du gouvernement wallon de retirer les permis de transport d’armes vers Israël. C’est le signe que depuis la Belgique, nous ne sommes pas impuissant.e.s pour manifester concrètement notre solidarité avec le peuple palestinien. Mais le combat continue, et si les travailleur.euse.s de Challenge rejoignaient la lutte contre ces livraisons d’armes en exigeant le contrôle ouvrier de l’outil de distribution, iels porteraient un coup sévère à l’impérialisme sioniste.




Challenge Airlines est une compagnie aérienne belgo-israélienne étroitement impliquée dans l’exportation de produits issus des colonies israéliennes et dans l’acheminement de matériel militaire en Israël. La compagnie opère à partir de l’aéroport de Bierset à Liège et fait partie d’une chaîne logistique plus large qui soutient l’occupation israélienne, la colonisation et le régime d’apartheid. Elle contribue ainsi à l’oppression et aux violations des droits humains dont la population palestinienne souffre quotidiennement depuis des décennies.
appel de l’association Vrede
Pour maintenir son régime d’occupation, Israël s’appuie sur une violence structurelle et réelle, soutenue par une suprématie militaire qui nécessite un approvisionnement constant en armes. Israël possède sa propre industrie militaire, mais est également très dépendant des importations d’armes et de munitions, principalement en provenance des États-Unis (qui représentent 80 % des importations d’équipements militaires d’Israël).
L’acheminement de ces biens militaires en Israël est une tâche logistique dans laquelle plusieurs entreprises civiles jouent un rôle. Une grande partie des marchandises est acheminée par voie maritime, notamment par les compagnies maritimes ZIM et Maersk. Le transport aérien représente également une part importante du transport de matériel militaire vers Israël. C’est là que Challenge Airlines entre en scène.
Une enquête de Vredesactie montre que les opérations de cette compagnie aérienne ont fortement augmenté depuis octobre 2023. Jusqu’en juin 2024, date à laquelle le gouvernement wallon l’a explicitement interdit, les marchandises militaires – pièces d’armes et munitions – transitaient vers Israël via Bierset, l’aéroport liégeois.
Cependant, l’interdiction wallonne absolument nécessaire du transit d’armes vers Israël n’a pas bloqué la chaîne d’approvisionnement militaire, mais seulement déplacée. Bierset ne peut plus être utilisé comme point d’escale de transit, mais depuis la Belgique, Challenge Airlines continue d’organiser l’approvisionnement en armes avec des vols directs entre les États-Unis et Israël. Depuis octobre 2023 déjà, de tels vols directs sont fréquemment déployés. La plupart d’entre eux ont lieu entre des bases aériennes aux États-Unis et la base de Nevatim en Israël. Suite à l’interdiction du transit d’armes, les vols directs entre New York et Tel Aviv ont également augmenté de manière remarquable, ce qui suggère que les livraisons d’armes qui passaient auparavant par Liège sont désormais acheminées par cette route.
En tout état de cause, Challenge Airlines reste un contributeur central à l’occupation israélienne et à la violence, dont l’opération génocidaire à Gaza. De plus, la compagnie est parfaitement consciente que les fournitures militaires débarquées sont utilisées pour violer les droits humains et commettre des crimes de guerre génocidaires.
Le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont répertoriés dans le code pénal belge. En outre, « le transport d’un outil, d’un dispositif ou d’un objet, en sachant qu’il est destiné à la commission de l’un de ces crimes ou qu’il en facilite la commission », est punissable en tant que crime indépendant. Les activités logistiques passées et présentes de Challenge Airlines peuvent être qualifiées de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Une action de plainte massive sera organisée le 5 mars 2025. Ce jour-là, dans les villes d’Anvers, Gand, Bruges, Hasselt, Louvain, Liège, Namur et Bruxelles, vous pourrez déposer ensemble des plaintes auprès de la police contre les activités illégales de Challenge Airlines. De cette manière, nous demandons aux tribunaux belges d’enquêter et de poursuivre les crimes de la compagnie aérienne.
Bruxelles :
Mercredi 5 mars 2025
17h – 18h30
Place Poelaert (près de la statue, devant la grand roue)Namur :
Mercredi 5 mars
17h00
Place d’Armes 5000 Namur, près du commissariat de la villeLiège :
Mercredi 5 mars
17h30
Devant le commissariat Liège Centre à Liège
Lien vers l’éventLeuven :
Mercredi 5 mars
17h00
Grote Markt Leuven
Lien vers l’éventHasselt :
Mercredi 5 mars
17h00
Zwarte Brugstraat 6, 3500 Hasselt, België
Lien vers l’éventGand :
Mercredi 5 mars
17h00-19h00
Ekkergempark, Ekkergemstraat 9000 GentAnvers :
Mercredi 5 mars
18h00 – 20h00
Burgemeester Edgar Ryckaertsplein, 2600 Antwerpen, België -
La Syrie après Assad. Ravivée de ses cendres, la lutte pour la libération continue
L’effondrement de la dictature de Bachar el-Assad en décembre dernier a radicalement redistribué les cartes de la Syrie. Après 54 ans de tyrannie, de nombreux.ses Syrien.ne.s ont été saisi d’un sentiment de liberté et de jubilation. Mais cette attitude est tempérée par la peur et l’appréhension, alors que Hay’at Tahrir al-Sham (HTS), désormais l’autorité autoproclamée à Damas, commence à révéler sa vraie nature, et tandis que les vautours impérialistes de tous bords tournent à nouveau autour des restes du pays meurtri.
L’offensive militaire des milices de droite précipita la chute d’Assad. Toutefois, cette chute est due à la profonde décadence interne du régime, à l’évaporation de sa base sociale et à l’incapacité de ses soutiens étrangers – la Russie, l’Iran et le Hezbollah – à rassembler les forces nécessaires pour le maintenir en place.
Aujourd’hui Ahmed Hussein al-Sharaa a beau porter costume et cravate, projetant une image de «modération» et prônant une approche respectueuse des minorités, son organisation reste indissociable de son histoire faite de violence sectaire, de gangstérisme et d’assujettissement des femmes. Toutefois, rares sont ceux, parmi la mosaïque de minorités religieuses et ethniques du pays, qui prennent au sérieux les nouvelles revendications de tolérance intercommunautaire du HTS.
Le nouveau pouvoir
Sur le plan économique, comme le montrent à la fois son bilan à Idlib et les déclarations publiques de ses dirigeants, HTS promet de continuer à utiliser les mêmes recettes du «marché libre» qui ont fait la renommée du régime de Bachar al-Assad. De plus, HTS a incorporé une cohorte d’opportunistes et de bureaucrates de l’ancien régime discredité. Il se révéle ainsi non pas comme une véritable force de changement, mais comme le gardien, sous un nouveau drapeau, des mêmes politiques de classe prédatrices qui ont ravagé le tissu social syrien pendant tant d’années.
Une mesure positive, l’augmentation de 400% des salaires des fonctionnaires, est financée en partie par des fonds qataris. Ceci ne représente toujours qu’un salaire d’environ 125 dollars par mois dans un contexte d’inflation galopante. Un modèle basé sur une forte dépendance des apports financiers des pays du Golfe, comme le démontre le cas de l’Egypte, s’accompagne non seulement de nombreuses «conditions , mais n’offre aucune solution pour sortir la majorité du pays du cycle inexorable de la pauvreté.
Quant aux droits démocratiques auxquels aspirent des millions de Syriens, al-Sharaa a déclaré que la préparation d’une nouvelle constitution pourrait prendre jusqu’à trois ans et les élections jusqu’à quatre ans. Il ne s’agit pas là des délais d’un processus démocratique, mais de tactiques dilatoires destinées à renforcer l’emprise de HTS sur le pouvoir. Etant donné son incapacité à répondre aux besoins urgents de la population, le ravivement de tensions, voire de nouvelles représailles sectaires, pourraient être certains des outils utilisés.
Repositionnement précipité de l’impérialisme
L’Union européenne et les États-Unis, avec un cynisme éhonté, tentent désormais de présenter HTS comme une force respectable. Alors, que quelques semaines auparavant, Washington négociait encore la levée des sanctions contre Assad, après la chute du régime il n’a suffit que de quelques jours pour retirer la prime de dix millions de dollars sur la tête d’al-Sharaa Le terroriste d’hier semble être devenu le partenaire potentiel d’aujourd’hui.
Les puissances impérialistes occidentales cherchent désormais désespérément à construire un récit de «transition démocratique» en Syrie – un exercice de tour de passe-passe politique destiné à occulter leurs véritables motivations. Au cœur de tout cela se trouve leur désir urgent de renvoyer de force les réfugiés syriens dans un pays encore ravagé par la guerre et la répression.
Avant même la fuite d’Assad, les médias d’État russes avaient discrètement cessé de qualifier HTS d’organisation terroriste. Aujourd’hui, Moscou s’emploie à établir des liens directs avec le nouveau régime. La Russie n’a pas seulement perdu un allié avec le régime baasiste; ses bases syriennes sont cruciales pour ses opérations en Afrique et sa présence en Méditerranée.
Retombées régionales
Israël a tôt fait d’étendre son occupation illégale du plateau du Golan, renforçant ainsi sa position stratégique par rapport à Damas et au Hezbollah. Malgré la campagne destructrice menée par Israël en Syrie après le départ d’Assad, dont plus de 800 frappes aériennes, HTS fait de son mieux pour éviter une confrontation avec Tel Aviv. Tout comme le régime d’Assad, HTS semble plus intéressé à préserver ses ressources pour écraser l’opposition intérieure qu’à libérer le territoire syrien des forces d’occupation israéliennes.
Pour l’Iran, le changement de l’équilibre régional précipité par la chute d’Assad ouvre certainement des possibilités pour les rivaux impérialistes de Téhéran – Israël et les États-Unis. Mais l’affaiblissement externe du régime expose également sa vulnérabilité à l’égard de ceux qu’il craint le plus ; les millions de travailleurs, de jeunes et d’opprimés iraniens qui nourrissent déjà une haine bouillonnante envers leurs dirigeants. D’autres dictatures dans la région, comme celle du président égyptien Al-Sissi, même si elles n’étaient pas alliés avec Assad, sont également inquiètes.
Le peuple syrien, pas une victime passive
Une évaluation superficielle des troubles récents en Syrie laisserait penser que les masses syriennes ont simplement troqué un régime réactionnaire contre un autre. Mais cela reflète une vision mécanique et fataliste de l’histoire qui nie le rôle dynamique des masses et leur capacité à façonner les événements. Il faut replacer les événements actuels en Syrie dans le cadre historique plus large de la vague révolutionnaire qui a éclaté au Moyen-Orient et en Afrique du Nord il y a 14 ans.
Rien ne garantit que HTS sera en mesure de faire valoir son programme. Déjà, après une violente réaction de la population syrienne, les nouvelles autorités ont été contraintes d’abandonner des changements régressifs du programme scolaire qu’ils avaient annoncés. Des rapports sur le terrain témoignent d’un climat renouvelé d’activité politique, de discussions, de protestations et d’initiatives locales de toutes sortes. Les masses syriennes se réorganisent et se battent à nouveau.
Le Rojava menacé
La prise de contrôle de Damas par le HTS a renforcé le principal soutien extérieur de ce groupe, le régime turc d’Erdoğan. Cela ouvre la perspective d’une intervention turque plus directe contre les forces à prédominance kurde qui contrôlent une grande partie du nord-est, une zone autonome également connue sous le nom de Rojava. Les gains durement acquis par la population kurde locale et d’autres minorités se trouvent ainsi menacés.
L’Armée nationale syrienne (ANS), un mandataire encore plus étroitement lié à Ankara que le HTS, combat les Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par les États-Unis, dont l’épine dorsale sont les YPG/YPJ kurdes. L’ANS a réussi à reprendre les villes de Manbij et Tal Rifaat, dans la province d’Alep, au nord du pays, aux FDS, déplaçant plus de 150 000 civils et déclenchant de violents combats qui continuent de faire rage dans la région. Si Donald Trump devait conclure un accord avec Erdoğan facilitant le retrait des troupes américaines, ceci pourrait effectivement sanctionner une invasion turque comme celle qui s’est produite en 2019. Le HTS, pour sa part, rejette le fédéralisme, en accord avec la vision d’un État syrien centralisé et autoritaire.
Il est illusoire et même fatal de chercher à défendre les intérêts des populations locales à travers des accords à courte vue avec des puissances impérialistes telles que les États-Unis ou la France. En fin de compte, ce ne sont que les travailleurs, les jeunes, les chômeurs et les pauvres des zones rurales de toute ethnie, de toute religion et de tout sexe qui détiennent le pouvoir de relancer la révolution.
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Cessez-le-feu à Gaza. La lutte contre le génocide et l’occupation n’est pas finie !
Le cessez-le-feu submerge le monde entier d’émotions contradictoires. Soulagement, joie et espoir ; mais aussi tristesse, colère et peur de l’avenir. Les gouvernements et les institutions internationales qui essaient aujourd’hui de se présenter comme des faiseurs de paix, sont en réalités les complices du génocide. À peine trois jours après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, l’armée israélienne a attaqué le camp de réfugié.e.s de Jénine. Les plans de l’État génocidaire sont clairs : accentuer la colonisation en Cisjordanie. Nous ne pouvons faire confiance qu’en notre propre camp social : le rapport de force par en bas doit continuer à se construire pour créer une vraie solution pour le peuple palestinien.
Stop au colonialisme : pas de reconstruction sur base de l’occupation et de l’impérialisme
Il faut des logements pour les millions de personnes déplacées, un accès à l’eau potable, à la nourriture et aux soins de santé de base, une assistance psychologique pour la population qui subit des traumatismes depuis des années, un accès à l’éducation et à des emplois stables pour redonner l’espoir en l’avenir. Tant que l’occupation et l’apartheid se poursuivront, l’occupation israélienne rendra impossible la satisfaction de ces besoins fondamentaux.
De même, le rôle de l’impérialisme dans la région rend impossible l’autodétermination des Palestinien.ne.s sur leurs matières premières, leurs ressources en eau et leur développement. C’est dire à quel point la logique économique, capitaliste, l’impérialisme et la colonisation sont étroitement liées. Le génocide à Gaza rend encore plus urgent le renversement du capitalisme et de l’impérialisme.
Exproprier les criminels génocidaires
La reconstruction nécessite d’énormes moyens. Ceux-ci sont entre les mains des multinationales, des entreprises de construction et de démolition, des banques et des sociétés militaires qui ont tiré des profits obscènes du sang de la colonisation, de l’occupation et du génocide. La reconstruction ne peut être laissée aux mains des mêmes personnes, des capitalistes qui se sont enrichis sur la destruction de la Palestine. Une lutte d’en bas est nécessaire. La classe travailleuse palestinienne, organisée à la base, comme ce fut le cas lors des Intifadas, peut décider elle-même de ce qui est nécessaire à la reconstruction et revendiquer ces moyens.
Le sentiment très profond de solidarité avec le peuple palestinien dans toute la région, qui s’est à nouveau manifesté par des explosions de joie en Jordanie, au Maroc, en Syrie et au-delà à l’annonce du cessez-le-feu, peut être saisi pour lancer une lutte révolutionnaire plus large contre tous les intérêts impérialistes, les institutions capitalistes et les régimes autocratiques et corrompus.
Ces mouvements révolutionnaires de la classe travailleuse pourraient placer les richesses et les ressources de la région sous contrôle démocratique, en les retirant aux élites super-riches, aux grandes entreprises et aux multinationales qui les accaparent et en abusent.
Pour une transformation socialiste de la région
Un État palestinien socialiste et la transformation socialiste de la région signifieraient la création d’une société dans laquelle règnent la justice et l’égalité pour toustes et où l’oppression, l’exploitation et la pauvreté n’existent plus tout en garantissant le droit à l’autodétermination de toutes les nations et de tous les peuples.
Un mouvement révolutionnaire dans la région pourrait aussi encourager la classe travailleuse de l’Israël sioniste à lutter pour ses propres intérêts et à se retourner contre ses propres élites. Afin de se libérer de sa propre oppression capitaliste, la classe ouvrière israélienne doit se détacher du projet sioniste par sa lutte, se débarrasser des préjugés racistes et coloniaux propagés par la classe dirigeante israélienne et prendre conscience que l’Etat capitaliste Israël est un État oppresseur, colonial et génocidaire. La liberté des Palestinien.ne.s ne sera jamais atteinte tant que non seulement le cabinet de guerre de Netanyahou, mais aussi l’État capitaliste d’Israël lui-même persisteront. Cet État est inséparable du système impérialiste qui a créé une prison de violence, d’exploitation et d’oppression pour les populations du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et d’ailleurs.
Stoppons les sionistes pro-guerre de la coalition Arizona
En Belgique, les négociateurs de l’Arizona sont les mêmes sionistes qui soutiennent Israël depuis le début. Alors qu’ils veulent faire payer les travailleur.se.s avec leurs économies, ils prévoient d’investir plus de 6 milliards par an dans la guerre et l’armement. C’est pourquoi la lutte menée pour la libération des Palestinien.ne.s et celle menée pour une politique sociale qui s’attaque aux droits fondamentaux comme nos pensions sont une seule et même lutte.
Continuons à construire le mouvement de masse
Les syndicats, les activistes, les jeunes et les représentants du mouvement pro-palestinien, des occupations et des campagnes de boycott peuvent travailler ensemble pour lier la nécessité d’actions et de grèves contre l’Arizona dans les entreprises qui bénéficient du génocide et de la colonisation avec des actions pour la libération palestinienne telles que des boycotts collectifs par la classe travailleuse. Ainsi le pouvoir de la classe ouvrière peut être utilisé pour paralyser l’économie afin d’imposer nos revendications.
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Des célébrations ont lieu en Syrie, mais que se passera-t-il ensuite ?
Article traduit d’une publication de notre projet international revolutionarymarxism.com le 9 décembre 2024
La dictature brutale d’Assad, qui dure depuis plus d’un demi-siècle, est tombée en Syrie. Des milliers et des milliers de prisonnier.e.s politiques ont pu retrouver leur famille, souvent après des années pendant lesquelles on les croyait mort.e.s. Des millions d’autres personnes déplacées à l’intérieur du pays se réjouissent de retrouver leur famille. La perte de l’emprise de la peur sur les gens a été visible dans les rues de Syrie et dans la diaspora.
Alors que l’euphorie retombe, beaucoup s’inquiètent de ce que l’avenir leur réserve, espérant prudemment que la tragédie de l’écrasement de la révolution syrienne est désormais terminée. Bien que beaucoup de choses ne soient pas encore claires, l’histoire montre que cela nécessitera une reconstruction décisive d’organisations de travailleur.euse.s authentiques et politiques en tant que force de masse, armée des leçons de 2011, et capable de présenter une véritable alternative au Hayat Tahrir al-Sham (HTS), à toutes les forces réactionnaires et aux puissances impérialistes : la construction d’une société véritablement libre, démocratique et juste nécessite l’unité des masses ouvrières et pauvres de Syrie pour lutter contre toutes les formes de sectarisme et d’oppression, et porter la révolution au niveau du renversement de la dictature économique du capitalisme et de ses divers représentants impérialistes.
Le régime détesté du dictateur Bachar al-Assad s’est effondré de manière spectaculaire lorsque les forces militaires de la coalition dirigée par le HTS ont balayé les villes d’Alep, de Hama, de Homs avant d’entrer dans Damas, au cours d’une offensive éclair qui n’a duré que onze jours. En chemin, les forces militaires du régime ont semblé se volatiliser. À Damas, les foules ont scandé « Assad est parti, Homs est libre ». Toutefois, malgré le soulagement et la jubilation, certains secteurs de la population syrienne ont des craintes et des inquiétudes quant à la suite des événements. Les zones autonomes du Kurdistan syrien sont déjà frappées par des attaques soutenues par les Turcs, et l’approche des nouveaux dirigeants à l’égard des droits des Kurdes et des femmes sera révélatrice de ce qui les attend.
Dans de nombreux endroits, les forces d’opposition armées semblent avoir été accueillies par des partisan.e.s enthousiastes et n’ont rencontré que peu ou pas de résistance civile ou militaire. Une fois entrées à Damas, elles ont libéré les prisonnier.e.s détenu.e.s dans la tristement célèbre prison militaire de Sednaya, théâtre d’horribles tortures infligées aux partisans de l’opposition par les hommes de main d’Assad. L’ambassade d’Iran, considérée comme un soutien essentiel du régime, a été saccagée, tandis que les combattant.e.s du HTS sont entré.e.s dans le palais présidentiel, se photographiant assis derrière le bureau d’Assad.
Certain.e.s des millions de Syrien.ne.s qui avaient été contraint.e.s de fuir à l’étranger pour échapper au régime brutal seraient déjà de retour. Dans le même temps, les forces de droite et d’extrême droite profitent cyniquement de l’occasion pour faire avancer leur programme raciste. L’Allemagne, l’Autriche, la Grèce et Chypre ont déjà suspendu les demandes d’asile en provenance de Syrie et des menaces d’expulsion de réfugié.e.s se trouvent déjà en Allemagne. Les Syrien.ne.s et tous.tes les réfugié.e.s doivent se voir garantir le droit volontaire de retourner ou de rester dans leur nouveau lieu de résidence avec tous les droits et sans discrimination.
Les ambassades syriennes à Istanbul, Athènes et même Moscou arborent le drapeau de l’opposition. Les pays voisins renforcent leurs frontières. L’armée libanaise a envoyé des unités militaires pour « protéger » ses frontières nord et est, tandis que les forces de « défense » israéliennes ont envoyé des troupes et des chars au-delà de la « zone tampon » du plateau du Golan occupé, marquant la première entrée d’Israël en territoire syrien officiel depuis 1973. Selon le journal israélien « Maariv », les FDI ont tiré sur le village de Barika, dans la zone tampon, afin d’éloigner les militant.e.s de la frontière.
M. Assad a quitté Damas à bord d’un avion russe Iliouchine qui a ensuite été vu en train de voler à très basse altitude avant de disparaître des radars, une manœuvre visant apparemment à dissimuler sa fuite. Des sources du régime russe confirment aujourd’hui qu’Assad et sa famille se trouvent à Moscou et ont obtenu l’asile politique.
Le pouvoir, selon la déclaration du commandant du HTS al-Julani, a été remis temporairement au Premier ministre en exercice al-Jalali, qui supervisera toutes les institutions de l’État jusqu’à la passation officielle des pouvoirs. Dans les premières émissions diffusées à la télévision syrienne, l’opposition a annoncé avec joie que « nous avons gagné le pari et renversé le régime criminel d’Assad ». Pourtant, malgré toute sa rhétorique sur la libération du pays du régime d’Assad, il semble que le HTS soit déjà prêt à collaborer avec un Premier ministre nommé par Assad afin d’assurer une transition « ordonnée » au sommet de l’État. Cela devrait être un avertissement que le HTS préférerait ne pas permettre au peuple syrien de façonner son propre avenir.
Al-Julani s’efforce manifestement de projeter l’image d’un homme d’État civil et acceptable pour l’Occident – en d’autres termes, il signale qu’il peut offrir une paire de mains fiables pour établir un nouvel ordre dans le cadre des tensions inter-impérialistes. Ses prêches de tolérance pour tous les groupes ethniques et religieux et de « non-revanche » représenteraient, s’ils étaient mis en pratique, un répit bienvenu. Mais certaines des contradictions inhérentes aux manœuvres et aux accommodements entre les puissances impérialistes et régionales sont déjà visibles dans les attaques turques contre les zones autonomes du Kurdistan syrien. Et le bilan du HTS au pouvoir dans la province d’Idlib laisse entrevoir le risque d’un régime oppressif, de droite et fondamentaliste, à moins que les travailleur.euse.s et les pauvres ne s’organisent pour s’assurer que cela ne se produise pas.
Qui était Assad ?
Le parti Baas (le parti Baas arabe « socialiste ») est arrivé au pouvoir pour la première fois à la suite de la révolution du 8 mars 1963, qui s’apparentait davantage à un coup d’État militaire, même si elle bénéficiait d’un soutien populaire. À cette époque, les masses de nombreux pays du monde, dont les économies avaient été exploitées par des décennies de domination impérialiste, s’efforçaient de parvenir à une révolution. En l’absence de forces révolutionnaires de masse véritablement à gauche, des couches de l’armée, s’appuyant sur le soutien de l’URSS, se sont emparées du pouvoir. Le régime policier à parti unique qui en a résulté a utilisé les méthodes autoritaires de la bureaucratie soviétique pour garder le contrôle, mais a acquis une certaine autorité grâce à la nationalisation de l’économie et à l’amélioration du niveau de vie.
Le père de Bachar al-Assad, Hafez al-Assad, qui avait participé activement au coup d’État de 1963, a été en 1966 l’un des principaux instigateurs d’un nouveau coup d’État au sein de l’élite dirigeante, puis d’un troisième en 1970, qui l’a laissé à la présidence. Toujours adossé à l’URSS, il s’est montré plus « pragmatique » dans sa relation avec la propriété privée, en sapant les avantages de la planification étatique et en introduisant une division sectaire selon des lignes religieuses dans la structure de l’État. Après sa mort en 2000, son fils Bashar lui a succédé.
L’effondrement de l’URSS en 1991 a vu Hafez ouvrir la Syrie au capitalisme mondial, un processus qui s’est intensifié sous Bashar. La privatisation des biens de l’État, l’austérité, le chômage de masse et les terribles inégalités, combinés à une accumulation rapide de richesses entre les mains de la famille régnante et d’un cercle étroit d’élites liées au régime, ont alimenté un mécontentement de masse qui a contribué à la révolte en Syrie en 2011, dans le cadre de la vague de soulèvements révolutionnaires qui s’est propagée à travers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.
Bien que Bashar ne jouisse pas du même degré d’autorité personnelle que son père, en 2011, il a conservé la loyauté des principales institutions du régime, qui ont joué un rôle déterminant dans l’orchestration d’une répression brutale du soulèvement. Cette répression a pris une tournure de plus en plus sectaire, avec l’utilisation de forces dominées par les alaouites contre les zones d’opposition majoritairement sunnites.
La révolution de 2011 n’a pas manqué d’engagement héroïque ni de soutien de masse, même si, en raison de l’exploitation de longue date par le régime des divisions sectaires à travers la peur et les réseaux de patronage, ce soutien n’a pas été uniforme dans les différentes communautés. Mais la conclure victorieusement aurait nécessité le renversement du régime Assad, le démantèlement de toutes ses institutions répressives, l’expulsion de toutes les forces impérialistes de Syrie et le remplacement de l’exploitation capitaliste par une planification socialiste, gérée par des structures démocratiquement élues réunissant la classe ouvrière et les pauvres de tous les groupes ethniques, de tous les sexes et genres, et de toutes les confessions.
Mais aucune force politique, même à petite échelle, n’a articulé un tel programme. Les syndicats, pour leur part, n’ont pas joué un rôle significatif dans l’opposition, car ils ont été soit écrasés, soit absorbés dans l’appareil d’État au fil des décennies. La Fédération générale des syndicats syriens (SGFTU), le principal organe « syndical » du pays, a fonctionné comme un bras armé du régime, étouffant la possibilité pour le mouvement ouvrier de jouer un rôle indépendant dans le soulèvement.
Au lieu de cela, le pouvoir est resté entre les mains de l’élite corrompue d’Assad. Le pays a sombré dans la guerre civile, avec l’intervention de différentes forces impérialistes (turques, américaines, russes, iraniennes et autres) et religieuses qui ont vu le régime recourir à une violence brutale contre les masses, y compris l’utilisation d’armes chimiques. La guerre a fait plus d’un demi-million de morts et a entraîné la plus grande crise de déplacement de l’histoire, avec plus de 13 millions de Syrien.ne.s – plus de la moitié de la population d’avant-guerre – qui ont été déplacé.e.s de force, à l’intérieur du pays ou à l’étranger.
Au départ, l’« Armée syrienne libre » (ASL) a été formée par une section d’officiers de l’armée ayant fait défection et sympathisant avec l’opposition. Dès le départ, elle ne disposait pas d’une structure de commandement unifiée et s’apparentait davantage à un ensemble hétéroclite de divers groupes armés qu’à une armée centralisée. Elle appelait au renversement d’Assad et à la transition vers un régime démocratique pluraliste. Cependant, sa stratégie n’avait rien en commun avec une véritable révolution sociale. Au lieu de cela, il tentait d’utiliser des tactiques de guérilla pour saper le régime, en s’appuyant sur l’aide des puissances occidentales et régionales pour mener ses campagnes. L’Occident avait cependant ses propres intérêts.
L’intervention de l’Iran, qui utilise ses militants pour soutenir le régime, ainsi que le soutien financier et militaire apporté aux groupes armés islamistes par des régimes sunnites tels que l’Arabie saoudite et le Qatar, ainsi que par la Turquie, ont accentué les divisions confessionnelles au sein du pays, tandis que l’Armée syrienne libre voyait sa position s’affaiblir. La guerre civile a de plus en plus dégénéré en un conflit multisectoriel entre différentes milices soutenant les intérêts de puissances impérialistes concurrentes et/ou contrôlées par des fondamentalistes religieux.
L’intervention militaire de la Russie à partir de septembre 2015 visait ostensiblement à aider à combattre l’« État islamique » (Daesh), mais elle était principalement dirigée contre les forces de l’ASF soutenues par l’impérialisme américain et a joué le rôle fondamental de soutien au régime d’Assad. Sans le soutien de la Russie et de l’Iran, le régime baasiste se serait effondré depuis longtemps.
Selon une analyse de la publication « Syria direct », l’économie est en chute libre depuis 2011. La livre syrienne a perdu 99,64 % de sa valeur par rapport au dollar et l’effondrement s’est accentué ces dernières années. L’impression d’un billet de banque coûte désormais plus cher que sa valeur réelle. Jusqu’à 90 % de la population vit dans la pauvreté, dépendant généralement des envois de fonds de leurs proches travaillant à l’étranger pour survivre. Les politiques inhumaines des gouvernements occidentaux à l’égard des réfugiés syriens n’ont rien fait pour aider la population, tandis que les sanctions occidentales n’ont réussi qu’à aider Assad à construire un réseau serré de copains corrompus autour de son cercle intérieur.
Comment expliquer la victoire rapide du HTS ?
La victoire rapide de HTS ne peut s’expliquer par des facteurs purement nationaux. Alors que le monde a les yeux rivés sur Gaza et l’Ukraine, l’effet de ces conflits, qui a conduit à l’affaiblissement spectaculaire de la position d’Assad, est passé presque inaperçu.
Le Hezbollah, agissant en partie dans son propre intérêt, mais aussi au nom du régime iranien, a joué un rôle déterminant dans le soutien apporté au régime d’Assad, en particulier dans son conflit avec les forces de Daesh. Maintenant que le Hezbollah a reçu de sérieux coups militaires de la part des FDI, décapitant ses dirigeants et perdant une grande partie de son équipement, il n’a pas été en mesure d’intervenir pour soutenir Assad comme il l’a fait dans le passé.
Dans le même temps, le Kremlin a retiré ses forces de Syrie et les a détournées vers l’Est de l’Ukraine et Koursk, où il rencontrait des difficultés. Assad s’est donc retrouvé privé du soutien de deux éléments clés de sa puissance militaire, sans lesquels il aurait été déposé il y a quelques années. Les frappes aériennes répétées d’Israël sur les installations iraniennes en Syrie ont contribué à diminuer la capacité de l’Iran à soutenir les forces d’Assad.
Alors que les États-Unis semblent avoir été pris au dépourvu par ce succès rapide, le régime turc a saisi l’occasion offerte par les faiblesses du Hezbollah et de la Russie pour pousser le HTS à poursuivre son avancée. Il l’a fait en partie dans le but d’affaiblir le régime syrien et de faire pression sur lui après l’échec de leurs pourparlers de normalisation, de procéder au rapatriement forcé de millions de réfugié.e.s syrien.ne.s en Syrie et, ce qui est probablement le plus important, de lui permettre de prendre de nouvelles mesures contre les régions autonomes du Kurdistan syrien dans le nord du pays.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, de violents combats entre l’ANS (Armée nationale syrienne, elle-même composée de plusieurs factions différentes dont certaines sont très proches du régime turc et qui ont combattu pour les intérêts militaires turcs également « en dehors de la Syrie, notamment en Azerbaïdjan, en Libye et au Niger ») soutenue par la Turquie et les milices kurdes locales sont signalés à Manbij. Selon le réseau de communication indépendant « Bianet », l’ANS a été soutenue par « un bombardement terrestre intensif des forces armées turques ». La vulnérabilité renouvelée et déchirante des Kurdes, suivie avec anxiété par des millions de personnes qui craignent que Kobané ne soit la prochaine cible, souligne une fois de plus le cadeau empoisonné que représente le fait de compter sur les manœuvres entre des puissances impérialistes concurrentes.
Par ailleurs, le régime d’Assad s’est avéré n’être qu’une coquille vide. De nombreux rapports indiquent que son armée a simplement déposé les armes face à l’avancée du HTS, et lorsqu’il est arrivé à Damas, la hiérarchie de l’armée n’a même pas essayé de résister. L’armée syrienne a simplement abandonné son équipement – les combattants du HTS ont pris des photos assis dans les cockpits des avions de chasse laissés sur place. Ailleurs, des soldats sont montrés marchant sur la route en vêtements civils, leurs uniformes militaires étant simplement laissés en tas sur le sol.
Assad a trouvé si peu de soutien parmi la population, alliés et opposants confondus, qu’il s’est retrouvé isolé ces derniers jours. Il a demandé de l’aide aux Russes, qui ont répondu qu’ils n’avaient pas les moyens de le faire. Malgré les promesses publiques de soutien au régime d’Assad par le régime iranien, ce dernier a commencé dès vendredi à évacuer ses forces militaires sur le terrain, y compris les hauts commandants de la Force Qods, abandonnant de fait Assad à son sort. Il a apparemment demandé indirectement de l’aide à Trump, qui lui a tourné le dos. Il a proposé de négocier avec les HTS, mais ceux-ci n’en ont pas vu l’utilité. Même dans la ville alaouite de Qardaha, ville d’origine de la famille al-Assad, la foule a détruit les statues de son père.
Qui est Hayat Tahrir al-Sham ?
Hayat Tahrir al-Sham – Organisation pour la libération du Levant – est plutôt un regroupement de milices armées. Son chef, Abu Mohammed al-Julani, était un partisan de Daesh après 2011, chargé de mettre sur pied Jabhat al-Nusra pour lutter en faveur de l’instauration d’un État islamique en Syrie. Selon Al-Jazeera, al Julani s’est ensuite séparé de Daesh, a prêté allégeance à Al-Qaïda, puis a rejeté Al-Qaïda en 2017 pour former HTS. Cette décision s’est accompagnée d’un changement d’objectifs, passant de la lutte pour l’établissement d’un califat à la « libération » de la Syrie du régime d’Assad et à la mise en place d’une république islamique nationale.
Le HTS est devenu une force sérieuse, parmi les milices les plus puissantes combattant en Syrie, après la reprise d’Alep en 2016 par les forces d’Assad soutenues par la puissance aérienne russe. De nombreux combattants de l’opposition fuyant Alep se sont retrouvés à Idlib, qui, en 2017, était effectivement sous le contrôle de HTS, qui compterait 30 000 combattants. Ce contrôle a fourni une base économique au HTS, car une grande partie du pétrole du pays traverse la région jusqu’au principal port de Lattaquié et l’un des principaux postes-frontières avec la Turquie est sous le contrôle du HTS.
Il a dirigé le gouvernement (le « gouvernement syrien du salut »), fournissant des services tels que des écoles et des soins de santé, ainsi que la distribution de l’aide, alors que le régime Assad poursuivait son horrible campagne de bombardements. Des centaines de milliers de Syrien.ne.s ont fui vers la région dans une tentative désespérée de rejoindre la Turquie, mais la frontière est restée fermée. Ils vivent dans des camps de réfugié.e.s, la plupart du temps sans électricité, dans des conditions désespérées. Un habitant ironise : « Ici, les gens sont égaux – tout le monde partage la pauvreté, le manque de nourriture et le manque de travail ».
Cependant, le HTS dirige la région comme un État islamique autoritaire. Les journalistes de l’opposition sont arrêtés et la pratique des « personnes disparues » est très répandue. Les femmes doivent porter le hijab, elles ne sont pas autorisées à suivre des cours importants à l’université et les écoles sont séparées en fonction du sexe. Mais la mémoire du soulèvement de 2011 reste forte, ce qui conduit à la résistance ; comme l’a expliqué une femme, « la révolution syrienne a brisé les tabous ». Depuis septembre, les femmes d’Idlib organisent des manifestations contre les politiques de sécurité et la répression du HTS, et demandent la destitution de son chef al-Julani.
Les vautours impérialistes planent
Soudain, bien qu’ils aient été pris au dépourvu par l’avancée rapide de HTS, qui a été décrite comme une « organisation terroriste » par les États-Unis, le Royaume-Uni, l’UE, la Russie, la Turquie et d’autres, les gouvernements réévaluent leur approche de la Syrie – non pas pour aider les masses à améliorer leur situation, mais pour s’emparer de ce qu’ils peuvent. Hypocritement, des gouvernements comme celui de la Grande-Bretagne s’empressent d’annuler l’étiquette « terroriste ».
L’Iran a perdu un partenaire stratégique clé. Une grande partie de son aide au Hezbollah passait par la Syrie, élément clé de l’« axe de la résistance » de l’Iran qui, espérait-il, s’opposerait à l’impérialisme occidental dans la région. La Russie a perdu un allié clé au Moyen-Orient, un gouvernement qu’elle avait essentiellement protégé de l’effondrement au cours des années précédentes. Tardis, dans le nord de la Syrie, est la principale base navale russe à l’étranger, utilisée non seulement pour soutenir les attaques aériennes d’Assad contre son opposition, mais aussi pour contester l’influence de l’OTAN en Méditerranée. Sa base aérienne de Hmeymin a également joué un rôle essentiel en tant que centre de transport pour soutenir les opérations des forces russes (y compris Wagner) au Sahel et ailleurs en Afrique. Depuis plusieurs jours, le Kremlin retire ses navires et ses avions et, même s’il parvient à conclure un accord avec le nouveau gouvernement, il a subi une atteinte considérable à son prestige.
Alors que le monde entier a les yeux rivés sur la prise de Damas, les États-Unis calculent comment exploiter ce que M. Biden a qualifié de « moment de risque » et d’« opportunité historique ». Ils ont profité du week-end pour envoyer une flotte de bombardiers attaquer 75 cibles de Daesh. Mais alors que M. Trump a rapidement tweeté en lettres capitales que « ce n’est pas notre combat. Laissons-le se dérouler. Ne pas s’impliquer », il est clair que les Etats-Unis se trouvent dans l’obligation de réévaluer fortement leur stratégie. Selon l’Atlantic Council, « l’approche américaine de la Syrie au cours de la dernière décennie – tolérer Assad et ses protecteurs iraniens, se concentrer sur l’État islamique, fournir une assistance humanitaire mais cesser l’aide politique et militaire à l’opposition, apporter un soutien illimité au YPG/PKK – s’est effondrée. Washington, et Jérusalem, devront proposer une approche cohérente et constructive à la nouvelle direction de Damas ».
Naturellement, Israël, qui a revendiqué la responsabilité d’aider à la chute d’Assad en détruisant la capacité du Hezbollah, a déjà profité de l’occasion pour étendre sa présence en Syrie. Netanyahou a ordonné à Tsahal d’avancer plus loin dans les hauteurs du Golan occupé et les médias israéliens ont rapporté le bombardement de dépôts d’armes dans le nord de la Syrie et même à Damas, qui, selon le ministre israélien de la Défense, Katz, sera intensifié pour « détruire les armes stratégiques lourdes dans toute la Syrie ».
Que le régime israélien tente de tirer parti de la situation actuelle en Syrie n’est pas une surprise. Mais soutenir, comme le font certains à gauche, que la chute d’Assad, en affaiblissant le soi-disant « axe de la résistance », porte un coup à la lutte de libération des Palestinien.ne.s, c’est ignorer totalement le fait que la dictature d’Assad ne s’est jamais souciée le moins du monde des Palestinien.ne.s. Comme beaucoup d’autres États de la région, elle a au contraire cyniquement instrumentalisé leur cause pour renforcer son propre régime despotique. Tout en se posant en défenseur anti-impérialiste des droits des Palestinien.ne.s, le régime a réprimé les organisations politiques palestiniennes, assiégé et bombardé le camp de réfugiés de Yarmouk pendant la guerre, et est resté inactif face au génocide en cours à Gaza. Sa trêve de facto avec Israël, qui dure depuis des décennies, pour garantir le calme sur le plateau du Golan occupé, a même valu une fois les louanges de Netanyahou lui-même, qui a déclaré en 2018 : « Nous n’avons pas eu de problème avec le régime d’Assad depuis 40 ans ».
Quant à la Turquie, elle a renforcé sa main même en s’opposant aux intérêts des États-Unis et de ses partenaires de l’OTAN. Il est clair que, bien qu’elle ait qualifié le HTS d’organisation terroriste, elle l’a aidé à se procurer des armes et aurait encouragé sa progression. Elle en profite aujourd’hui pour étendre sa présence dans le Nord.
Il s’agit bien là d’un avertissement. Le HTS et les milices qui lui sont désormais alliées ont peut-être vaincu Assad et pris Damas, mais ils n’exercent pas un contrôle inconditionnel sur l’ensemble de la Syrie. À ce stade, il semble que HTS ne cherche pas activement à attaquer les Unités de défense du peuple (YPG) et les Unités de protection de la femme (YPJ), composées principalement de militants kurdes. Il tente de se rendre « respectable » auprès des gouvernements internationaux, y compris occidentaux.
Cependant, l’armée nationale syrienne est plus étroitement alignée sur l’agenda de la Turquie, ce qui pourrait conduire à une « division du travail » entre les deux groupes armés, ou potentiellement déclencher des conflits entre eux sur leurs stratégies respectives. Bien que HTS dise que c’est aujourd’hui une victoire “pour tous.tes les Syrien.ne.s”, l’opposition totale de la Turquie à l’autonomie kurde crée un réel danger, d’une nouvelle phase de guerre avec la Turquie dans le nord-est pour affronter les YPG/YPJ, qui ont été soutenus par les États-Unis comme leur principal atout dans la lutte contre Daesh.
Dans cette situation dangereuse, le seul allié fiable du peuple kurde dans la défense de ses gains durement acquis en matière d’autonomie et de droits démocratiques, féministes et laïques, ce sont les masses ouvrières et pauvres de toute la Syrie et de la région. Un appel à une véritable révolution socialiste pour s’opposer à toutes les élites gouvernant par les armes, en tant que marionnettes ou occupants impérialistes, y compris les agressions racistes et génocidaires de l’État d’Israël, a le potentiel de déclencher des soulèvements de la classe ouvrière.
Y a-t-il une voie à suivre ?
Au-delà des célébrations du renversement du dictateur, la réalité du nouveau régime va commencer à s’imposer. Toute tentative d’instaurer un État islamique autoritaire, comme l’a fait le HTS à Idlib, avec des restrictions importantes sur les droits des femmes et des minorités sexuelles, est susceptible de se heurter à la résistance d’un peuple qui a maintenant soif d’un nouvel avenir après 54 ans de dictature d’Assad.
Parallèlement, le coup dur que représente la chute d’Assad pour les intérêts et le prestige du régime iranien, tout en enhardissant ses adversaires impérialistes dans une certaine mesure, pourrait également raviver la confiance des travailleur.euse.s et des personnes opprimé.e.s à l’intérieur même de l’Iran. La récente recrudescence des manifestations d’enseignant.e.s, d’étudiant.e.s et de retraité.e.s dans tout le pays au cours du week-end pourrait être le signe d’un changement dans cette direction.
En outre, le renversement de la dictature brutale, qui semblait inimaginable pour beaucoup il y a seulement dix jours, pourrait raviver les aspirations révolutionnaires des masses laborieuses et opprimées contre leurs propres dirigeants autoritaires dans d’autres pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord et renforcer encore l’esprit de résistance contre le colonialisme et l’impérialisme exprimé dans le puissant mouvement de solidarité avec la Palestine dans la région.
Comme le souligne Oraib al Rantani, directeur du Centre d’études politiques Al-Quds, basé à Amman, dans un article de Bloomberg: « Le deuxième printemps arabe arrive, sans aucun doute, tous les moteurs sont toujours là : la pauvreté, la corruption, le chômage, le blocage politique et la tyrannie ».
Dans le même temps, la nature militarisée du renversement d’Assad – par le biais d’un groupe armé dépourvu de contrôle démocratique à la base, plutôt que par la lutte massive et active de la classe ouvrière et des personnes opprimées – pourrait également contribuer à un climat de peur et d’intimidation, et signifie que tout mouvement d’en bas pourrait devoir rapidement faire face à la puissance militaire de ce groupe, et à sa volonté de la déployer. Le HTS, qui est lui-même une coalition de différentes forces, devra faire face à de futurs conflits à mesure que des intérêts divergents apparaîtront, que d’autres factions armées réactionnaires se disputeront le contrôle et l’influence, et que le nouveau régime tentera probablement de vaincre d’autres forces telles que les Kurdes. À ce mélange déjà explosif s’ajoute l’intervention avide des forces impérialistes qui poussent toutes leurs propres intérêts contre ceux des Syriens ordinaires.
Une nouvelle approche est nécessaire pour construire une société véritablement démocratique, une approche basée sur l’organisation de la classe ouvrière, la seule force capable d’unir la population au-delà des frontières nationales et ethniques, capable de lutter contre l’autoritarisme, l’oppression, les attaques contre les droits nationaux et les droits des femmes et des personnes LGBTQ+. Une telle force s’attaquerait également à l’horrible situation économique de la Syrie en faisant passer les ressources naturelles du pays en propriété publique. Cela nécessiterait également de chasser toutes les puissances impérialistes du pays et de s’opposer à leur contrôle et à leurs intérêts, tels que le contrôle américain sur une grande partie des champs pétroliers. Les richesses du pays étant détenues et contrôlées démocratiquement par l’État, il serait possible de mettre en place une économie planifiée contrôlée démocratiquement et de tendre vers une fédération socialiste démocratique du Moyen-Orient. Si cela peut sembler lointain, la chute d’Assad, il y a quelques semaines, l’est tout autant. Un premier pas pourrait consister à poursuivre les manifestations de masse dans les rues et sur les places et à les transformer en manifestations permanentes pour la reconstruction d’une Syrie libérée de toute oppression.
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Interview d’une opposante iranienne
“La façon de faire de la gauche, c’est de créer des liens, c’est de reposer sur une solidarité combative”
La récente arrestation en Iran de l’étudiante Ahou Daryaei a remis sur le devant de la scène la situation des femmes en Iran et de la lutte contre la dictature iranienne. Certains n’ont pas hésité à instrumentaliser l’événement pour venir au secours de la machine de mort israélienne. Nous en avons discuté avec Mina, une opposante de longue date au régime iranien aujourd’hui en exil. Enseignante, elle a milité dans diverses organisations de gauche et dans le mouvement de défense des travailleurs au sens large.
Bonjour Mina et merci de nous accorder cet entretien. Pour commencer, peux-tu revenir justement sur l’écho qu’ont trouvé en toi les souffrances du peuple palestinien ?
Ma solidarité avec les Palestiniennes et Palestiniens est déjà ancienne. Les activistes de gauche en Iran ont toujours eu une relation très forte avec la lutte pour la libération palestinienne, tout particulièrement envers le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). En tant que militante, j’ai très tôt été sensibilisée au problème palestinien. Il faut dire que dans les années ‘60 et ‘70, sous l’influence du combat contre la guerre du Vietnam ou de la révolution cubaine, on cherchait naturellement à élargir la lutte hors des frontières iraniennes.
Aujourd’hui, le FPLP a perdu beaucoup de son influence. Ce n’est pas propre à la gauche palestinienne, cela concerne également la gauche iranienne et ailleurs dans le monde. Nous devons nous attarder sur les questionnements que cela évoque, qui ne sont pas liés à des conjonctures purement nationales, mais mondiales. Il y a eu des mauvaises alliances, des mauvais calculs. Il faut le reconnaître et en tirer des leçons.
Car c’est aussi cela qui explique la montée de forces nationalistes, réactionnaires, religieuses,… Ces forces ont pris la place laissée vacante par l’orientation des partis de gauche. Bien entendu, le soutien financier et politique de la part de divers régimes régionaux envers des forces conservatrices a aussi joué. La gauche n’a jamais bénéficié de tels soutiens. Par exemple, le Hamas a été soutenu de manière à éclipser l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), qui elle-même a tout fait pour amoindrir l’influence de la gauche et du FPLP.
Comment définirais-tu les tâches de la gauche dans la région ?
La façon de faire de la gauche, c’est de créer des liens, c’est de reposer sur une solidarité combative. C’est bien entendu très compliqué aujourd’hui, dans la situation actuelle qui est faite de bombes, mais c’est la seule perspective qui offre une issue.
Il y a un peu plus d’un an, il existait en Israël des mouvements de contestation importants contre Netanyahou et son gouvernement de droite et d’extrême droite. C’était très enthousiasmant. L’attaque du 7 octobre a mis fin à ce mouvement qui avait un réel potentiel progressiste. Pourquoi le Hamas a-t-il attaqué à ce moment-là en s’en prenant aux civils ? Les conséquences de cette attaque du 7 octobre ont mené au renforcement des mouvements réactionnaires au détriment des courants qui aspiraient à des mesures plus démocratiques.
Et maintenant, nous assistons à la guerre des chefs armés jusqu’aux dents sous le regard attentif des grandes puissances impérialistes. Dans ce jeu de menaces et de morts, le sort des peuples iranien, israélien, libanais ou palestinien n’est jamais pris en compte. Proclamer haut et fort l’arrêt de la guerre et dénoncer l’expansion militaire israélienne sont primordiaux pour protéger les populations civiles et favoriser l’émergence d’autres alternatives, démocratiques, dans la région.
Nous devons garder en tête que tout est lié. Partons de la situation des femmes. Lors du soulèvement “Femmes, vie, liberté” en Iran de 2022, suite à l’assassinat de Jina Amini par la police des mœurs, les femmes étaient au premier plan de la lutte, c’est évident. Mais le contexte de colère est bien plus vaste. Il y a eu des luttes des personnes pensionnées, des enseignants,… À côté des Perses, il y a différents peuples opprimés en Iran : les Arabes, les Kurdes, les Baloutches. Ces gens ont participé aux luttes dans leurs secteurs, de façon transversale, par-delà les frontières communautaires.
Jina Amini était kurde, mais les réactions ont fusé dans toutes les villes d’Iran, car la colère contre l’oppression du régime est si grande. Et ce n’est pas impossible qu’une étincelle redonne vigueur à la lutte sociale.
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[ENTRETIEN] “Gaza symbolise notre avenir”
Lors d’une manifestation à Anvers contre le génocide en Palestine, le 3 octobre dernier, une professeure a pris la parole. La colère de Roschanack Shaery-Yazdi, spécialiste de l’histoire politique de l’Orient arabe, s’est exprimée de façon particulièrement courageuse et tranchante. Nous nous sommes entretenus avec elle à la mi-novembre.
Comment avez-vous vécu l’accélération du génocide en Palestine ces derniers mois ?
C’est une véritable gifle. Je savais qu’Israël en était capable. Mais je ne m’attendais pas à la réaction des milieux universitaires. Ceux-ci témoignent non seulement d’un profond manque de connaissances, mais aussi d’une réticence à faire confiance aux experts. Le manque de connaissances n’explique pas à lui seul le soutien silencieux à ce qui se passe.
L’idée que nous devons quitter l’Europe circule chez de nombreuses connaissances issues de l’immigration. Mais nous ne pouvons pas aller au Moyen-Orient, nous ne voulons pas aller aux États-Unis. Où les gens comme nous peuvent-ils donc aller ? Quel avenir avons-nous ? C’est une période très difficile, non seulement d’un point de vue politique abstrait, mais aussi dans notre quotidien. Ce qui se passe à Gaza et la criminalisation du soutien à la libération de la Palestine sont très menaçants pour des gens comme moi.
Avant ce génocide, j’étais également consciente de la crise climatique, de la violence politique et de l’inégalité entre les genres. Mais aujourd’hui, je réalise à quel point ces questions sont reliées. J’en suis venue à les considérer comme des facettes d’un même problème, à savoir l’appartenance à une culture coloniale suprématiste blanche dominée par les hommes. La politique est dirigée par un petit groupe de riches et leurs entreprises, qui veulent enfermer les femmes à la maison, ne se soucient pas du climat et considèrent les pauvres comme leurs esclaves de facto.
Les partisans du génocide tentent de se présenter comme le visage de la lumière et de la démocratie, et même comme des pro-féministes également en faveur des droits LGBTQIA+. Le mouvement pro-palestinien a toujours recherché la solidarité avec d’autres mouvements de lutte. Le sentiment instinctif est que l’on ne peut lutter contre l’oppression que si l’on combat toutes les formes d’oppression. Qu’en pensez-vous ?
Le féminisme et les droits LGBTQIA+ sont souvent utilisés à tort pour justifier leurs crimes politiques. Nétanyahou et son régime utilisent délibérément ces termes pour construire un narratif qui cadre Israël au sein de la démocratie européenne et de la soi-disant civilisation. Le régime israélien fait tout ce qu’il peut pour alimenter l’islamophobie en Europe, et l’extrême droite constitue un de ses alliés dans cette entreprise.
Les droits des personnes LGBTQIA+ et le féminisme sont progressistes. Mais on ne peut pas être progressiste pour certains groupes et pas pour d’autres. Comment peut-on considérer les pires violations des droits humains comme l’incarnation du féminisme ? Le féminisme ne consiste pas à former les femmes à la masculinité toxique, comme le font les FDI (Forces de défense israéliennes, ou Tsahal) à l’égard des Israéliennes présentes dans l’armée. Je doute sérieusement que les droits des personnes LGBTQIA+ englobent la possibilité pour les soldats des FDI d’exprimer leur identité sexuelle tout en massacrant sans pitié les femmes et les enfants palestinien.ne.s.
Quant à la démocratie, est-il démocratique que la Cour suprême menace d’exiler les opposant.e.s au régime à Gaza ? C’est une politique de goulag qui rappelle les pires régimes autoritaires. Donc non, le régime israélien n’est pas démocratique.
Dans la diaspora, des groupes juifs orthodoxes et des juif.ve.s laïques critiquent vivement le régime. C’est également le cas en Israël. Mais l’Occident se focalise sur le gouvernement israélien, censé représenter les juif.ve.s authentiques. Cette attitude est en soi antisémite. Israël et Tsahal sont le miroir du colonialisme blanc européen. Comment la France s’est-elle comportée en Syrie à l’époque coloniale ? Elle a bombardé les habitant.e.s. Elle a construit des centres de détention que le régime d’Assad utilise encore aujourd’hui. Et les Britanniques en Palestine en 1936 ? La résistance palestinienne locale à l’occupation et au colonialisme avait brutalement été écrasée. Nétanyahou et consorts appartiennent au club des puissances coloniales, au même titre que la France ou la Grande-Bretagne.
Le régime allemand rejette toute critique du gouvernement israélien en la qualifiant d’antisémite et en s’attaquant aux personnes migrantes. Quelle hypocrisie. Le traumatisme allemand de l’antisémitisme n’a rien à voir avec nous, migrant.e.s ! Nous sommes les personnes qui ont le plus souffert des régimes autoritaires au Moyen-Orient, nous voulons une ONU forte, nous voulons le respect de l’État de droit, nous voulons un monde juste. Pour nous, les rapports sur les Droits humains sont une bouée de sauvetage. La plupart d’entre nous ont fui à cause de l’absence de telles lois.
Les Syrien.ne.s et les autres migrant.e.s savent ce que signifie un régime autoritaire et descendent maintenant dans la rue pour demander un cessez-le-feu à Gaza. La répression d’État est dangereuse et l’histoire montre à quel point elle peut rapidement conduire à autre chose, un régime totalitaire. La plupart des migrant.e.s originaires de pays instables savent de premières mains que le quotidien peut disparaître en un instant. C’est peut-être la raison pour laquelle tant de migrant.e.s manifestent.
L’invasion du Liban a contribué à l’escalade régionale. Nétanyahou affirme vouloir changer l’équilibre des forces dans la région. Comment voyez-vous cela ?
Qui croit que le régime israélien n’était pas au courant de l’existence des tunnels ? Israël surveillait tous les mouvements à Gaza. Nous savons que l’Égypte avait informé Israël des projets du Hamas. Nous savons également que Nétanyahou a initialement soutenu le Hamas pour affaiblir le mouvement de résistance palestinien. Nétanyahou était prêt à laisser un groupe d’Israélien.ne.s de gauche alternative et quelques autres être massacré.e.s pour faire avancer son projet d’expansion des territoires israéliens. Ce gouvernement ne se soucie pas vraiment de son propre peuple. Cela se reflète par ailleurs dans le manque d’intérêt pour les otages ou les milliers de personnes déplacées dans les zones frontalières. Le régime israélien a réussi à assassiner le chef du Hezbollah, Nasrallah, à Beyrouth et le chef du Hamas, Haniyeh, en Iran. Cette opération était manifestement préparée depuis un certain temps, comme l’ont montré les explosions de bipers, et n’attendait qu’un prétexte.
C’est ainsi que le Sud-Liban est pris ou rendu inhabitable. Ce faisant, le patrimoine culturel est rasé, l’histoire de la population locale est effacée. On en parle à peine, mais des bombes tombent quotidiennement sur Damas. En Iran, les États-Unis et Israël veulent créer une situation de guerre civile similaire à l’Irak pour affaiblir le pays.
Pour le régime israélien, il ne s’agit pas de protéger la vie des Juif.ve.s, mais d’annexer des territoires à Gaza, en Cisjordanie et au Sud-Liban, tout comme le Golan a été annexé en 1967. Il existe aux États-Unis un puissant lobby pro-israélien, composé de sionistes juif.ve.s et chrétien.ne.s, qui soutient fermement cette politique. Ce lobby (l’AIPAC, American Israel Public Affairs Committee, par exemple) bloque toute tentative d’embargo américain sur les ventes d’armes à Israël, comme en témoigne la mobilisation du lobby contre Bernie Sanders aux États-Unis.
L’objectif est donc de redessiner la région avec l’expansion d’Israël et la recherche d’une prétendue solution finale à la question palestinienne. Israël veut éliminer toute opposition possible à l’occupation et au projet colonial. C’est également ce que souhaite l’impérialisme américain afin d’avoir un accès bon marché aux matières premières et de renforcer la domination régionale de l’Arabie saoudite. Cela implique d’acheter le soutien des dirigeants égyptiens et jordaniens par l’intermédiaire du FMI et de la Banque mondiale. L’invasion de l’Irak à l’époque faisait déjà partie de ce redécoupage de la région.
Lors d’une récente manifestation kurde, on a constaté une réticence à participer à des actions pro-palestiniennes en raison du rôle des tendances réactionnaires telles que le Hamas et le Hezbollah. Comment pouvons-nous faire face à cette situation ?
Bien sûr, les peuples du Moyen-Orient ne sont pas unis. Beaucoup de ceux qui s’opposent au régime iranien considèrent le Hamas et le Hezbollah comme des groupes qui reçoivent de l’argent iranien. Beaucoup pensent que nous ferions mieux de nous occuper d’abord de nos propres problèmes au lieu de construire la solidarité. Le fait que j’aie toujours parlé de la Palestine n’a pas toujours été compris par la communauté iranienne, mais la Palestine concerne aussi l’Iran. Bien sûr, il est plus facile pour moi de protester, en tant que fonctionnaire, que pour, disons, une femme qui vient d’arriver ici, qui porte le voile et suit des cours de langue.
Le Hamas et le Hezbollah sont des mouvements islamistes autoritaires. La plupart de leurs actions ne sont pas démocratiques. La gauche a besoin de faire entendre sa propre voix, une troisième voix qui s’oppose à la fois à l’impérialisme occidental et aux régimes et mouvements autoritaires. Cette voix n’est pas claire aujourd’hui. L’opposition à l’impérialisme est claire, tout comme le soutien à la résistance palestinienne et le besoin de libération. Mais elle s’arrête là. La troisième voix oscille entre la définition de sa propre identité, l’égarement et la défense de la résistance. Cela entraîne des réticences chez certain.ne.s progressistes. Nous sommes face à une nouvelle ère qui a un besoin urgent de renforcer cette troisième voix. C’est l’une des idées les plus importantes que j’ai eues depuis le génocide palestinien : je dois réfléchir attentivement à la manière de faire entendre une voix de résistance qui appelle à la paix. Il est plus facile d’écrire des livres académiques que de formuler ces idées dans la rue.
Le nationalisme est bien sûr très présent dans la région. Les mouvements de libération ont souvent été détournés, laissant les citoyen.ne.s ordinaires peu confiant.e.s dans la capacité des mouvements sociaux à apporter des changements durables et significatifs. Mais nous devons réaliser que Gaza est le symbole de notre avenir, qu’il s’agit aussi de la libération des femmes iraniennes, du débat sur le voile en Europe, de la crise climatique, de la survie de la démocratie en Europe. Toutes ces questions sont reliées.
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Santé mentale et génocide: patient.e.s palestinien.ne.s en danger !
L’action de solidarité avec le personnel soignant de Gaza et du Liban organisée à l’hôpital Saint-Pierre le 22 novembre nous a permis d’entendre Ondine Dellicour, qui travaille pour le service de Santé mentale Ulysse, situé à Bruxelles, qui est spécialisé dans l’accompagnement psychologique de personnes exilées, plus spécifiquement celles en précarité de séjour et en souffrance. Nous reproduisons ici sa prise de parole.
“La majorité de nos patients sont en cours de demande de protection internationale ou se sont vu refuser cette protection et se retrouvent donc “sans-papiers”. Parmi nos patients, il y a toujours eu des personnes palestiniennes, majoritairement de jeunes hommes qui fuient des persécutions comme l’emprisonnement, les tortures, les crimes militaires, la ségrégation ethnique, l’oppression économique, sociale et politique systématique. Autant de violences qui peuvent laisser des séquelles, tant au niveau somatique que psychologique.
“Fin 2023 et début 2024, le nombre de demandes d’aide psychologique de personnes d’origine palestinienne dans notre service a fortement augmenté. Aussi, nous avons pu voir leur état de santé se dégrader de manière spectaculaire, une situation que nous n’avions jamais vécue auparavant, ce qui nous a poussé à prendre position en tant qu’institution de soin.
“D’abord, nous avons publié une lettre ouverte en novembre 2023 pour alerter les autorités de notre inquiétude quant à la détérioration flagrante de l’état psychologique des patients palestiniens. Nous disions alors que l’effroi et le désespoir engendrés par la situation de violence extrême à Gaza, cumulé à l’absence d’accueil et de protection en Belgique, ont des effets délétères graves sur la santé mentale des patients concernés.
“A l’époque déjà, nous mettions en avant la nécessité que des solutions soient urgemment mises en place aux niveaux de l’hébergement, de l’accompagnement psychosocial et du droit de séjour de ces personnes, condition sine qua non pour que nous puissions accomplir nos missions de soin.
“Quelques mois plus tard, face à l’absence de réaction des autorités compétentes, nous avons décidé de nous porter partie requérante dans une action collective en justice contre l’État belge concernant le délai de traitement des demandes de protection internationale des ressortissants palestiniens. L’argument juridique au centre de cette requête était de faire valoir l’état d’urgence pour justifier un traitement accéléré de ces demandes. La situation à Gaza est clairement connue du monde entier, pourquoi attendre?
“Le besoin de protection est flagrant ! Il faut que ça aille vite et que les Palestiniens qui ne sont pas encore reconnus réfugiés n’aient pas à attendre des mois, voire des années, comme c’est malheureusement le cas pour toute personne qui sollicite cette protection. Nous avons invoqué, avec les autres parties requérantes, à la fois la violence extrême et généralisée à Gaza et la situation de détresse extrême dans laquelle se trouvent les palestinien.nes présent.e.s ici, qui ont tous de la famille là-bas, et qui vivent une violence supplémentaire sans reconnaissance de leur statut de réfugié. Bien que les autorités judiciaires aient reconnu l’urgence de cet état, elles ne reconnaissent pas la nécessité d’une procédure accélérée.
“Nous avons été déçus, scandalisés même, par l’issue de cette action en justice, mais nous sommes convaincus de l’importance des actions collectives ! Même si nous n’avons pas gagné, cette action n’a pas été sans effets. Pour un service comme le nôtre, le fait de pouvoir participer à ce type d’action nous a permis de sortir de la sidération et de nous mobiliser avec d’autres! Ça permet aussi d’exercer une pression sur l’État et les autorités compétentes en leur rappelant qu’on est là, qu’on est plusieurs et qu’on ne les laissera pas faire n’importe quoi ! Enfin, après des mois de gel de traitement des dossiers palestiniens, nous constatons sur le terrain de nombreuses décisions de reconnaissance du statut de réfugié… Cette action collective y a peut-être joué un rôle, parmi un ensemble d’initiatives de solidarité et de pressions.
“Tout ça pour dire que la solidarité avec les soignants de Gaza et du Liban passe aussi par la qualité de l’accueil et des soins que nous pouvons offrir à leurs compatriotes qui se trouvent ici et à la pression que nous pouvons exercer ensemble sur nos pouvoirs publics pour que nous ayons les moyens de le faire !
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Stop au criminel de guerre Netanyahou!
La Cour pénale internationale (CPI) de La Haye a émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Netanyahou et de l’ancien ministre israélien Galant. Lorsque la demande a été formulée au début de l’année 2024, elle visait également trois dirigeants du Hamas. Au moins deux d’entre eux ont entre-temps été tués par l’armée israélienne, et le troisième, Mohammed Deif, a probablement lui aussi été tué lors d’un bombardement. Le mandat d’arrêt parle de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, y compris l’utilisation de l’arme de la famine.
Netanyahou a déclaré qu’il s’agissait d’une “décision antisémite” basée sur des “accusations fausses et absurdes”. Les États-Unis l’ont immédiatement suivi et n’ont pas reconnu le mandat d’arrêt. Peu de temps avant, les USA s’étaient opposés à une résolution de cessez-le-feu au Conseil de sécurité de l’ONU. Et tout ceci avant même que Trump ne prenne le relais de la présidence de Biden. Le mandat d’arrêt est surtout symbolique, mais il vient en partie mettre à nu les mensonges colportés ici par la droite et l’extrême droite pour présenter le génocide comme une défense de la “démocratie” et des “valeurs occidentales”. Le régime israélien a répondu au mandat d’arrêt en bombardant massivement le Sud-Liban le 22 novembre.
Entre-temps, le génocide se poursuit. A Gaza, 1,9 million d’habitant.e.s ont dû fuir au cours de l’année écoulée. 79% du territoire est sous ordre d’évacuation de l’armée israélienne. Ces chiffres hallucinants proviennent des Nations unies. La revue médicale The Lancet parle d’un nombre possible de 186.000 personnes mortes, soit 8% de la population totale. Ces dernières semaines, 130.000 personnes habitant le nord de Gaza ont dû fuir une fois de plus, les quelque 75.000 personnes restées à Jabalia, Beit Lahia et Beit Hanoun mourant de faim. Sur les 31 missions d’aide que les agences des Nations unies prévoyaient d’envoyer dans le nord de Gaza entre le 1er et le 18 novembre, 27 ont été complètement bloquées par le régime israélien, tandis que les quatre autres ont été sérieusement restreintes. Le régime israélien veut procéder à un nettoyage ethnique complet dans le nord de Gaza.
L’argument des “raisons de sécurité” est absurde, il s’agit purement et simplement d’expansion coloniale. Même en Israël, cet argument est de moins en moins crédible. Un sondage réalisé au début du mois de novembre indique que 55% des personnes interrogées pensent que les opérations à Gaza se poursuivront pour des raisons politiques, contre seulement 36% qui invoquent des raisons de sécurité. Une majorité souhaite des élections anticipées. Le soutien au régime s’effrite, mais sans qu’une alternative claire ne se dessine. Le danger est de capitaliser sur cette situation en passant à la vitesse supérieure. L’arrivée de Trump, allié inconditionnel de l’extrême droite mais en même temps facteur plus imprévisible, peut aussi conduire Netanyahou et sa bande à vouloir gagner encore plus de terrain rapidement avec une nouvelle escalade dans le nord de Gaza, une accélération de l’annexion rampante de la Cisjordanie et l’installation d’une « zone de sécurité » dans le sud-Liban. Le danger d’une confrontation militaire directe entre Israël et l’Iran s’accroît.
Pour arrêter un génocide, nous ne pouvons pas compter sur les politicien.ne.s établi.e.s et leurs institutions. Le principal point positif de ces derniers mois a été la solidarité de centaines de milliers de personnes qui sont descendues dans la rue à travers le monde contre le génocide et contre la machine de mort de l’État israélien. Les jeunes ont été en première ligne avec des occupations de campus pour un boycott académique. Il y a eu, entre autres, des grèves dans l’État espagnol et des actions ciblées contre les livraisons d’armes en Grèce. Ces actions indiquent la voie à suivre. Il ne s’agit pas seulement de faire les gros titres, c’est tout le régime colonial de génocide qui doit disparaître. Et avec lui, l’impérialisme qui arme et soutient ce régime.
Sous le capitalisme, les technologies les plus avancées de l’humanité sont déployées non pas pour améliorer la vie mais pour la détruire à grande échelle, tandis que les appareils les plus sophistiqués permettent la diffusion en direct des actes de violence les plus primitifs et les plus déshumanisants. L’urgence d’une transformation révolutionnaire n’a jamais été aussi évidente. Le renversement de ce système destructeur est essentiel pour prendre le contrôle des immenses richesses et ressources de la société avec la communauté elle-même, y compris celles qui sont actuellement consacrées au massacre et à la destruction de Gaza. Par le biais d’un programme socialiste qui cherche à installer une propriété et un contrôle collectifs et qui défend les droits de toutes les communautés nationales et religieuses sur base de la pleine égalité et de l’autodétermination, nous pourrons jeter les bases d’un avenir dans lequel la paix, la sécurité et la prospérité seront garanties à tous les peuples.
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France. La colère est partout, coordonnons-la, mais cette fois-ci pour gagner!
150.000 emplois menacés, pouvoir d’achat épuisé, austérité brutale annoncée …
Ce que nous préparent Barnier et Macron s’annonce très brutal. Ils essaient de faire passer un budget austéritaire, alors que les services publics sont déjà bien vides voire inexistants, et que la vie chère impacte de larges couches de la société. Au même moment s’enchaînent les annonces de milliers de licenciements, derrière les mastodontes Auchan et Michelin : la perspective de se retrouver sans emplois touchera plus de 150.000 personnes selon la CGT – “Nous sommes au début d’une violente saignée industrielle”, disait sa secrétaire générale Sophie Binet.
Depuis mi-novembre la colère pousse de nombreux secteurs de travail à se mettre en grève, avec aussi un appel de la CGT pour une grève le 12 décembre contre cette vague de plans de licenciements. Le potentiel existe pour un puissant mouvement social contre l’austérité et la vie chère, et contre les oppressions raciste, sexiste et queerphobe systémiques. L’échec du mouvement contre la réforme des retraites ne doit pas nous décourager ; au contraire, inspirons-nous de son atmosphère combative pour en dépasser les faiblesses. Coordonner la colère et la résistance pourrait se faire via l’implication des couches larges à la base, via le lancement de comités de lutte sur les lieux de travail, dans les écoles et dans les quartiers.Article de notre organisation-soeur en France Macron et Barnier veulent nous imposer une nouvelle cure d’austérité
Un lourd plan de coupes budgétaires, c’est ce que veut imposer le gouvernement Barnier, avec bien sûr le plein accord de Macron. Mais le débat sur le budget 2025 n’en finit plus de battre son plein à l’Assemblée Nationale. Ni les macronistes, ni Les Républicains ne veulent être vus comme ceux qui auront été le plus loin dans la casse sociale. En octobre et novembre, les tensions étaient vives entre les partenaires de majorité, si bien que plusieurs ministres ont menacé de démissionner au cas où leur ministère allaient devoir faire des coupes budgétaires trop importantes.
Un projet de texte a finalement été établi, mais les partenaires de coalition se heurtent à leur absence de majorité absolue à l’Assemblée Nationale. Avant d’arriver en séance plénière à l’AN, le texte initial a ainsi subi de très lourdes modifications en commission, sous l’impulsion de la France Insoumise et des autres partis dans la coalition Nouveau Front Populaire (NFP), imposant notamment un impôt universel sur les multinationales, une taxe sur les super-dividendes et les GAFAM et un impôt sur le patrimoine des milliardaires. Les partis de gouvernements (et le RN !) ont donc décidé de voter contre le texte (ce qui constitue un fait historique) et de renvoyer sa version initiale vers le Sénat, où la gauche ne pourra pas amender le texte dans ce sens, puisqu’elle y est quasi inexistante.
Les débats et les votes vont encore durer jusqu’à mi-décembre, mais il semble très peu probable que Macron/Barnier arrivent en définitive à imposer leur projet de budget sur base d’un vote – ce sera donc très probablement via le très impopulaire 49.3. Suite à cette activation, un vote de censure par toutes les oppositions serait fatal au gouvernement Barnier, qui pourrait ainsi tomber dans le courant du mois de décembre.
Michelin, fonction publique, SNCF : les mobilisations montrent la voie
Monde agricole, rail, fonction publique, collectivités territoriales, grande distribution, automobile, VTC, hôpitaux publics, biologistes médicaux, chimie… : contre les plans de licenciements, contre la vie chère, pour les salaires et de meilleures conditions de travail, contre les plans d’austérité budgétaire, les actions et grèves se succèdent depuis la mi-novembre.
Michelin – Fermeture des usines de Vannes et Cholet, 1.250 emplois directs, et des milliers d’autres qui en dépendent : l’annonce de Michelin a provoqué un séisme, auquel s’ajoute d’autres emplois menacés dans le secteur automobile, dans le contexte de crise profonde de l’industrie dans le monde. Le secteur est en crise, mais pas le compte en banque des décideurs de Michelin, qui viennent de procéder à des versements de dividendes records, et qui n’ont pour programme que la logique de profit pour eux-mêmes, avec le soutien des gouvernements pro-capitalistes.
Le personnel de Michelin s’est directement mobilisé dès le 5 novembre. En lançant une grève reconductible, il a répondu de manière résolue par l’action, dans les usines visées, mais aussi sur les autres sites du groupe.
Fonction publique – L’un des symboles de ces coupes budgétaires drastiques que veulent imposer Macron/Barnier, c’est le macroniste Guillaume Kasbarian, Ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique. Le 13 novembre, il partageait le post d’Elon Musk qui célébrait sa nomination par Trump au “département de l’Efficacité gouvernementale” (DOGE), s’apprêtant à faire des coupes drastiques dans les budgets de la fonction publique aux USA. Après avoir félicité Musk, Kasbarian ajoutait : “J’ai hâte de partager les meilleures pratiques pour lutter contre la bureaucratie excessive, réduire la paperasserie et repenser les organisations publiques afin d’améliorer l’efficacité des fonctionnaires.”
Sous le terme de “débureaucratisation”, le Kasbarian entend saigner la fonction publique “à tous les étages”. Les fonctionnaires qui tombent malades sont aussi dans le viseur : allongement du délai de carence à 3 jours et limitation du remboursement des arrêts maladie à 90%, “pour faire baisser l’absentéisme”. Les syndicats ont eu raison de se mobiliser dès mi-novembre, et ont appelé à une journée de grève le 5 décembre.
SNCF – À côté de la première journée de grève le 21 novembre, les syndicats du personnel de la SNCF ont annoncé le dépôt d’un préavis de grève illimitée à partir du 11 décembre, pour protester contre le démantèlement de Fret SNCF et l’ouverture de son capital. Au 1er janvier 2025, il est prévu que Fret SNCF sera transformée en deux sociétés : Hexafret pour le transport et Technis pour la maintenance du matériel, une mesure imposée par la Commission européenne. Et ceci dans le contexte d’ouverture à la concurrence des lignes régionales.
Et… campagne anti-grève – Les médias dominants parlent d’un “orage social” auquel doit faire face Barnier. Cette avalanche de grèves a aussi relancé la campagne anti-grève dans ces médias, la droite s’insurgeant contre la paralysie du pays, surtout à l’approche de la période des fêtes. Le personnel de la SNCF est en première ligne, avec le retour du désormais traditionnel “vous allez gâcher le Noël des français”. Le député allié du Rassemblement National Eric Ciotti a même proposé l’interdiction des grèves pendant les vacances.
Le monde agricole à nouveau dans les rues
La rhétorique de la classe dominante contre le risque de paralysie du pays n’est généralement pas appliquée à la colère du monde agricole. Non pas parce que la classe capitaliste et ses relais politiques et médiatiques se soucient du sort des agriculteurices. Mais parce que l’agro-business est fortement majoritaire dans la représentation professionnelle du secteur, avec à sa tête la direction de la FNSEA et des JA. Les grandes entreprises agroalimentaires donnent le ton, avec pour principale préoccupation la diminution des règles administratives et des normes environnementales, c’est-à-dire polluer davantage pour accroître davantage encore leurs profits. Pendant que la majorité des professionnel.les, sur des petites exploitations, veulent surtout une rémunération juste pour leur travail – ce que l’agro-business et la grande distribution leur empêche d’atteindre.
Les accords de libre échange entre l’UE et le Mercosur sont très justement l’occasion du monde agricole pour se re-mobiliser. Les petit.es exploitant.es n’en veulent pas et iels ont raison : la concurrence déloyale va encore plus miner leurs possibilités de rémunération juste, avec la réduction drastique des droits de douanes entre les deux blocs de marché-libre. Avec ces mobilisations, la direction de la FNSEA et l’agro-business ont un autre agenda : ne pas perdre le contrôle et se positionner en vue des prochaines élections professionnelles en janvier…
Face au potentiel de convergence des luttes : “diviser-pour-régner”
Barnier et Macron vont avoir du mal à apaiser la colère qui re-commence à se généraliser. Avec aussi des appels au retour de la lutte des Gilets Jaunes, qui ont déjà mobilisés durant le mois de novembre, 6 ans après le début du mouvement historique.
Toutes ces mobilisations se font pour des raisons diverses, mais qui témoignent de la généralisation de la colère, orientée contre l’approche socio-économique de Barnier et Macron, et le monde qu’ils représentent. Leur monde est ultra-majoritairement représenté sur la scène médiatique, et il ne faut souvent même pas aller chercher sur les chaînes de l’empire Bolloré : “Est-ce que vous craignez (sic) une convergence des luttes, une mobilisation qui pourrait bloquer la France ?”, demandait un.e journaliste d’Arte Radio (Le Club ’28, 15/11) à un.e autre journaliste…
Le camp d’en face est très conscient du risque de convergence et coordination des différentes colères et luttes. C’est pourquoi la rhétorique anti-grèves est de retour, et il faut s’attendre à de nombreuses autres tentatives de diviser par n’importe quel moyen, surtout si ça permet de continuer à opprimer les mêmes personnes qui subissent déjà.
Une nouvelle “loi immigration” est en projet depuis septembre, et pourrait être lancée au tout début 2025. Encore une fois, il s’agira de cibler les personnes migrantes, et par-delà toutes les personnes issues de l’immigration, particulièrement nord-africaine et subsaharienne – et surtout avec une rhétorique islamophobe. Encore une fois, cela favorisera la confiance qu’ont les groupes et individus violents d’extrême droite pour harceler, intimider et violenter les personnes qui subissent déjà un racisme systémique, mais aussi à l’encontre d’autres, particulièrement les personnes LGBTQIA+.
Impliquons dans la lutte toutes les personnes qui subissent !
Les inégalités mènent à la lutte. Faire converger et coordonner la colère s’avèrera crucial si on veut gagner. Mais cela ne suffira pas. L’absence de victoire du mouvement contre la réforme des retraites pèse sur les mobilisations actuelles. Inspirons-nous des points forts de ce mouvement, et notamment son atmosphère combative et tenace, autour d’une lutte commune. Mais ajoutons-y une large implication active par en bas, quelque chose qui pourrait être fait par la mise sur pied de comités de lutte.
Certaines mobilisations récentes ont vu le lancement de tels comités, pour soutenir des grèves par exemple. Cela pourrait être lancé partout – même là où la mobilisation n’est pas (encore) existante, sur les lieux de travail, dans les écoles et facs, dans les quartiers et les villages. De tels comités pourraient essayer d’organiser l’action, mais aussi la solidarité envers d’autres mobilisations. Ils pourraient servir à assurer une lutte constante contre chaque oppression vécue par l’un.e d’entre nous, et à mener la bataille politique contre les forces d’extrême droite qui tentent d’exploiter les inégalités sociales et la crainte en l’avenir. Des appels à la solidarité avec les luttes des populations en Martinique et Kanaky pourraient aussi être plus facilement tenus, ainsi qu’avec les luttes nécessaires par exemple en Allemagne, où d’ailleurs Michelin a déjà annoncé vouloir fermer des usines en 2025.
C’est par une implication réellement plus large et par en bas qu’un futur appel à la grève générale pourrait être sérieusement suivi, ce qui serait une véritable défiance pour Macron et ses gouvernements pro-capitalistes.