Author: sander

  • La politique du “moindre mal” s’écrase aux USA. Trump, président d’un système en état de putréfaction

    L’élection de Trump représente un danger immédiat pour toutes les personnes migrantes ou issues de l’immigration, pour les personnes LGBTQIA+, les féministes, les travailleur.euse.s et toutes celles et ceux qui s’opposent au système d’accumulation des profits pour une poignée de super-riches. Les élections américaines ont suscité un enthousiasme limité : Kamala Harris a récolté moins de voix que Joe Biden il y a quatre ans, mais Trump lui-même en a près de 1 million alors que le corps électoral a grandi depuis lors. La victoire de Trump est une expression du rejet de la politique dominante et de la crise dans laquelle est plongée le système. Un système en crise cherche à assurer sa domination avec des représentants politiques qui correspondent à son état de putréfaction.

    Notre solidarité va d’abord et avant tout aux victimes de ces politiques. Avec Trump, la répression sera encore plus intense. Les mesures racistes ont atteint de nouveaux sommets : l’administration Biden-Harris a par exemple expulsé encore plus de personnes immigrées que Trump durant son premier mandat. Aujourd’hui, Trump et ses alliés parlent de déportations massives et de camps de détention. Cela pue un passé dont les conséquences désastreuses sont connues de tous. 

    De son côté, la communauté LGBTQIA+ craint à juste titre les conséquences du pouvoir croissant des groupes conservateurs et religieux. Trump a largement utilisé la transphobie pour s’attirer le soutien des conservateurs et sa nouvelle administration devrait rapidement statuer que les lois fédérales sur les droits civils ne couvriront pas la discrimination anti-LGBTQ+. 

    Le personnel du secteur de la santé redoute la perspective du complotiste anti-vaccin Robert F. Kennedy comme ministre de la Santé. Elon Musk n’a pas fait mystère de sa volonté de participer à la réduction drastique des dépenses publiques : il a lui-même déjà proposé des coupes budgétaires de deux milliers de milliards de dollars dans les dépenses publiques. Cela affectera l’ensemble des travailleur.euse.s. 

    Cette normalisation des mesures d’extrême droite aura également des conséquences en Europe et ailleurs. Le Premier ministre hongrois Orban et Filip Dewinter (Vlaams Belang) se sont tous deux réjouis de la victoire de leur riche ami et homme d’affaires corrompu. La confiance de l’extrême droite grandit, ce qui conduira inévitablement à de nouvelles violences. Et puis il y a le feu vert inconditionnel donné au régime israélien de Netanyahou pour ne pas limiter le génocide et le carnage à Gaza et au Sud-Liban. 

    La menace est réelle et le danger est grand. La résistance doit être sérieusement organisée. Et c’est tout à fait possible. La semaine dernière, la grève de 30.000 travailleur.euse.s de Boeing aux Etats-Unis a pris fin après sept semaines. Le personnel a obtenu une augmentation de salaire de 38 % pour les quatre prochaines années. Cela semble être une augmentation considérable, mais compte tenu des taux d’inflation de ces dernières années, il était nécessaire d’aller encore beaucoup plus loin. La proposition finale a recueilli 59 % des votes des grévistes, ce qui indique qu’un groupe important souhaitait continuer le combat pour obtenir davantage. Par ailleurs, au momen-même de l’élection présidentielle, des référendums sur le droit à l’avortement étaient organisés dans dix États. Dans huit d’entre eux, une majorité s’est dégagée en faveur d’un renforcement des droits, y compris dans certains États où les républicains l’ont emporté. Seuls le Dakota du Sud et le Nebraska n’ont pas approuvé le renforcement du droit à l’avortement. En Floride, 57 % des électeurs ont voté en faveur de ce renforcement, mais une majorité de 60 % est nécessaire pour modifier la législation. Aujourd’hui, une majorité d’Américain.ne.s soutient le droit à l’avortement. De nombreux autres exemples montrent le potentiel présent pour la lutte sociale et la résistance.

    Les démocrates espéraient faire de l’élection un référendum sur le droit à l’avortement. Eux-mêmes n’ont rien fait ces dernières années pour défendre efficacement ces droits ou en imposer de nouveaux. Tout a été renvoyé aux élections. Dans le contexte de l’effondrement des conditions de vie de la classe travailleuse en raison d’une forte inflation, cela ne pouvait pas susciter l’enthousiasme. Le statu quo, la préservation de l’ordre actuel des choses, représente déjà une douleur permanente pour des millions de personnes aux Etats-Unis. Une tactique du « moindre mal » visant simplement à préserver la catastrophe sociale en cours ne pouvait qu’échouer. 

    Un parti comme le parti démocrate, qui soutient résolument le génocide à Gaza et qui est le parti de Wall Street par excellence, ne constitue pas une alternative à Trump. Bernie Sanders déclare aujourd’hui que les démocrates ont « abandonné la classe ouvrière » et « défendent le statu quo », laissant le « peuple américain en colère et désireux de changement ». C’est vrai. Mais ce sont précisément pour cette direction démocrate que Bernie Sanders a lui-même fait campagne. Attendre que les élections soient passées pour se connecter à la colère et à l’aspiration populaire au changement est une erreur monumentale qui sape toute crédibilité.

    Les marchés boursiers ont salué la victoire de Trump. La crainte du chaos s’est évanouie avec un résultat électoral aussi clair. Les marchés supposent, à juste titre, que Trump continuera à défendre les intérêts des grandes entreprises. Que cela se fasse avec une rhétorique brutale et une haine plus brutale ou avec une version polie et moins ouverte, ils ne s’en soucient guère. 

    Au cours de la campagne électorale, Trump a reçu le soutien enthousiaste d’Elon Musk. Jeff Bezos, d’Amazon, lui a également ouvert la porte. Les capitalistes attendent de Trump qu’il ne leur mette pas de bâtons dans les roues pour maintenir leurs profits. Cependant, il existe des contradictions majeures. Par exemple, agir face à la crise climatique est plus nécessaire que jamais, comme l’illustrent le nombre et la gravité des catastrophes naturelles. Ces catastrophes touchent principalement les travailleur.euse.s, mais aussi les capitalistes. Et c’est dans ce contexte que devraient prendre place des coupes budgétaires supplémentaires dans la réponse des autorités gouvernementales face aux catastrophes naturelles. Alors que certains capitalistes estiment que le protectionnisme sera le plus à même d’assurer leurs profits, d’autres redoutent que cela leur rende l’accès plus difficile au marché international. Certains espèrent des règles plus souples pour faire baisser les salaires tout en soutenant une politique d’expulsion du réservoir de main-d’œuvre immigrée bon marché.

    La joie des riches sur les marchés boursiers contraste fortement avec la peur et l’angoisse d’innombrables activistes. Pour la classe travailleuse et ses instruments de lutte, les choses se présentent effectivement sous un jour très sombre. Cela ne doit pas nous décourager, mais au contraire nous stimuler à organiser sérieusement notre colère pour en faire une force de changement vers un autre système et une autre organisation de la société. 

    Le système capitaliste nous enfonce vers des catastrophes multiples et la seule force capable le bloquer pour ensuite repartir dans une toute autre direction, c’est la classe travailleuse dans toute sa diversité, avec ses méthodes de grève et de blocage potentiel de toute la production et l’économie. Voilà la force sociale qui fait tout basculer. La propriété et le contrôle démocratiques des secteurs clés de l’économie permettraient une planification rationnelle où les ressources et capacités technologiques disponibles seraient utilisées pour satisfaire aux besoins de l’humanité et de la planète. C’est en luttant activement pour ce type de société, le socialisme démocratique, que l’on peut combattre l’angoisse et la peur en donnant à notre colère une perspective positive d’émancipation collective au lieu du désespoir qui domine aujourd’hui.

  • Luttons pour une société qui repose sur les soins aux autres, pas sur les profits

    • Des investissements publics à hauteur des besoins dans les soins et l’aide sociale
    • Prenons soin du personnel soignant : réduction collective du temps de travail à 32
      heures par semaine, sans perte de salaire et avec des embauches compensatoires
    • Repoussons les attaques de l’Arizona contre les pensions, les salaires, les services
      publics et les personnes les plus vulnérables
    • Pour un plan d’action en escalade avec des manifestations et des grèves pour
      imposer un changement radical
    • Le système capitaliste est pourri jusqu’à la moelle : il nous faut une société qui ne
      laisse personne de côté

    Le manque de moyens est alarmant et permanent, la pression sur notre secteur des soins et de l’aide sociale ne fait qu’empirer. Les nouveaux et futurs gouvernements, quel que soit le niveau de pouvoir, n’ont aucune intention d’allouer les fonds nécessaires aux divers services ainsi que pour de bonnes conditions de travail. En Flandre, le milliard d’euros promis n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan face au sous-investissement structurel.

    Tract distribué ce 7 novembre à l’occasion de la manifestation des secteurs publics et non marchands du socio-culturel, des soins de santé et du bien-être.

    Durant la pandémie, les autorités ont prétendu rejoindre les applaudissements de la population pour l’héroïsme du personnel des soins. Depuis lors, tout s’est aggravé. Le manque de collègues conduit à une gestion plus autoritaire dans tous les secteurs.

    Stop à la répression et à l’oppression ! Investissement dans l’aide sociale et la santé !

    Le sous-financement force le secteur social à jouer un rôle de police pour gérer la pénurie. De quel côté sommes-nous ?

    Cette manifestation le dit haut et fort : le bricolage à la marge est insuffisant. Il faut une résistance coordonnée face à la politique de tous les gouvernements, avec la mobilisation de néerlandophones et de francophones, du personnel des secteurs public et privé, du secteur des soins et de celui de l’aide sociale. C’est par la lutte que nous pouvons donner la meilleure expression de notre solidarité. C’est par la lutte que nous pouvons organiser la colère des collègues pour imposer le changement nécessaire.

    D’un secteur à l’autre : construire l’unité d’action !

    Une seule manifestation ne suffira pas pour nous imposer face aux décideurs politiques. Ils ne nous écouterons que lorsqu’ils ne pourront plus détourner le regard. Des concessions de leur part n’arriveront que s’ils craignent le mouvement. La construction d’un tel rapport de force est possible en intensifiant nos actions et en les élargissant. Nous avons besoin d’un plan d’action en escalade qui nous conduise à des actions de plus en plus fortes en impliquant davantage de collègues, en mobilisant les bénéficiaires de nos services et en mobilisant la classe travailleuse dans toute sa diversité contre les politiques antisociales. C’est par une lutte résolue que nous pouvons donner le ton du débat public et construire un rapport de force.

    L’importance d’agir de la sorte dépasse largement nos secteurs. Les perspectives pour le futur gouvernement fédéral sont terribles. Ce sera Halloween toute l’année pour les travailleur.euse.s afin de permettre aux capitalistes de fêter Noël toute l’année. Pensions, salaires, services publics, chômeurs, malades… rien ne sera laissé intact. Pour De Wever et Bouchez, il n’y a pas d’autre choix. Leur “choix” est clair : cajoler les grandes entreprises et les super-riches. Stop au hold-up social, stoppons l’Arizona !

    Les populistes de droite capitalisent sur les problèmes sociaux et l’insécurité après les avoir eux-mêmes organisés. Les politiques qui excluent favorisent les problèmes de toxicomanie, de pauvreté, de violence… Où vont se retrouver les personnes exclues du chômage ? Certaines au CPAS, d’autres dans la rue. La droite veut en plus transformer le secteur social en un appareil policier reposant sur le contrôle. Notre sécurité sociale est une protection pour l’ensemble de la classe travailleuse, mais c’est aussi un moyen de maintenir un lien avec la société. Protégeons notre sécurité sociale ! Celui qui touche à l’un.e d’entre nous nous touche tous.tes !

    Répondre à la droite : changer fondamentalement la société !

    Nos revendications représentent la diversité de nos secteurs et lieux de travail. Mais elles se rejoignent autour d’une même question : quel type de société voulons-nous ? Une société froide où les secteurs du soin sont une usine dirigée par des managers autoritaires ? Ou une société où les innombrables talents et capacités de chacun.e peuvent être pleinement développés, une société où les services à la population sont plus nombreux et plus accessibles ?

    Le capitalisme nous entraîne vers l’abîme au nom de la recherche de profits pour une infime minorité. Il sème la barbarie dans tous les domaines, de « notre » crise des soins à la promotion de la haine de l’autre (racisme, sexisme, LGBTQIA+phobie…), en passant par les catastrophes climatiques, les guerres et les génocides. Nous luttons au contraire pour une société anticapitaliste et socialiste où les moyens de production seront sous le contrôle démocratique et la propriété de la classe travailleuse afin que nous puissions utiliser les ressources et les richesses disponibles dans le cadre d’une planification rationnelle de l’économie. En bref : un bouleversement radical où la classe travailleuse, dans toute sa diversité, aura le contrôle de la société.

    Contre les violences sexistes et sexuelles : manifestez avec nous le 24 novembre

    « La honte doit changer de camp ». C’est ce qu’a déclaré Gisèle Pélicot, cette femme de 72 ans, lors du procès de 50 de ses violeurs. Cette affaire démontre à quel point la société est imprégnée de la culture du viol et de la violence de genre. En Belgique, plus de 11.000 plaintes pour viol ont été déposées en 2023, soit une moyenne de 30 par jour. Ce n’est qu’une fraction de cette violence ; 82 % des agressions sexuelles ne sont pas signalées. Pourquoi ? Par honte, par peur de ne pas être cru.e, par manque de conseils et de soins…

    Nous pouvons faire changer la honte de camp par la lutte. Manifestez avec nous le 24 novembre à Bruxelles contre les violences sexistes et sexuelles et pour un investissement public massif dans les soins, l’enseignement et la prévention.

    Stoppons le génocide !

    Le génocide à Gaza touche l’ensemble de la population, y compris nos collègues soignants. Fin octobre, l’hôpital Al-Aqsa, au centre de Gaza, a été à nouveau bombardé alors que les réfugiés tentaient de survivre sous des tentes dans la cour. Le dernier hôpital encore en activité dans le nord de la bande de Gaza a été attaqué pour la 14e fois, emportant 44 médecins et infirmier.ère.s. La solidarité avec le personnel soignant de Gaza, de Cisjordanie et du Liban est nécessaire ! En mars, le personnel de l’hôpital Brugmann de Bruxelles a organisé une action pour exiger un cessez-le-feu immédiat et manifester sa solidarité avec ses collègues de Gaza. Une idée pour votre lieu de travail ?

  • “La volonté d’action est telle que nous devons déterminer qui reste pour assurer l’activité de base”

    Le 7 novembre, une manifestation sera organisée par les secteurs publics et non marchands du socio-culturel, soins de santé et du bien-être. Il s’agira de la première manifestation contre le manque de fonds alloués à tous les niveaux et dans toutes les régions. Nous avons recueillis quelques témoignages concernant la situation dans ces secteurs.

    Dans quel secteur travailles-tu ? Es-tu impliqué dans le travail syndical ?

    Je travaille comme aide-soignant pour des personnes handicapées, dans le secteur non marchand.

    – Pourquoi estimes-tu important de manifester le 7 novembre? Quelles sont les principales revendications des collègues?

    Au regard de ce qui est sur table pour la formation du futur gouvernement, il est clair que nous ne sommes pas à la veille d’investissements dans le secteur des soins de santé, c’est tout le contraire. Le secteur est extrêmement fragmenté et il est crucial de suivre ce qui se passe à chaque niveau politique. Pour la région flamande, avec comme ministre du Bien-être Caroline Gennez (Vooruit), nous devons être vigilants et présents en nombre à Bruxelles le 7 novembre, non seulement pour faire pression sur le gouvernement, mais aussi pour nous assurer que la direction syndicale prenne ce combat au sérieux.

    Nous travaillons au quotidien presque toujours en sous-effectif, nous ne pouvons pas faire plus que les soins de base tandis que les heures supplémentaires augmentent à mesure que les collègues quittent le navire en raison de la charge de travail. Il faut dire qu’il est souvent impossible de prendre des congés en raison du sous-effectif. La direction tente de se débrouiller, mais le fond du problème est structurel.

    Le “budget personnalisé” prévu à la Région flamande (où les personnes handicapées reçoivent une somme déterminée et choisissent ensuite où recevoir leurs soins, NDLR) semble constituer une avancée à première vue, mais il s’agit en réalité d’une politique d’austérité néolibérale. Les soins sont privatisés et les personnes handicapées sont contraintes d’organiser leurs propres soins, alors qu’il devrait s’agir d’une responsabilité collective. Les personnes handicapées et le personnel soignant ne sont pas entendus. Il est urgent de changer cette situation, mais les revendications adéquates manquent encore.

    Nous sommes tous à bout de nerfs. Travailler dans le secteur des soins est le plus beau métier qui soit, mais s’il n’y a pas de véritable réforme et d’investissement – pour une augmentation des salaires, une réduction du temps de travail sans perte de salaire et avec augmentation du personnel – le secteur va s’effondrer. Pendant la pandémie, les gens ont applaudi mais, aujourd’hui, nous sommes tout simplement sur les genoux. Les personnes dont nous nous occupons méritent les meilleurs soins, et cela n’est possible que si l’on s’occupe également de nous.

    – Qu’attends-tu de la manifestation ?

    La volonté de passer à l’action est forte, mais les directions syndicales font fort peu pour stimuler cela. Celle-ci semble se reposer sur la présence de Vooruit au gouvernement. Malgré tout, je m’attends à une très bonne participation.

    Nous vivons un moment historique: nous devons déterminer qui peut aller manifester et qui doit rester pour assurer l’activité de base. Cette manifestation pourrait représenter le point de départ d’un “automne chaud”. Ne perdons pas notre élan et, comme en 2014, construisons ensemble un rapport de forces efficace. Nous avons un besoin urgent d’un plan d’action interprofessionnel allant crescendo. Qu’attendent les directions syndicales?

  • “Nous luttons pour une augmentation de nos salaires et la fin du management qui ne réfléchit plus qu’en termes de tableaux excell et de répression”

    Le 7 novembre, une manifestation sera organisée par les secteurs publics et non marchands du socio-culturel, soins de santé et du bien-être. Il s’agira de la première manifestation contre le manque de fonds alloués à tous les niveaux et dans toutes les régions. Nous avons recueillis quelques témoignages concernant la situation dans ces secteurs.

    – Dans quel secteur travailles-tu? Es-tu impliqué dans le travail syndical?

    – “Je m’appelle Karim, je suis brancardier dans un hôpital public à Bruxelles et délégué syndical depuis une vingtaine d’années.

    – Pourquoi estimes-tu nécessaire de manifester le 7 novembre? Quelles sont les principales préoccupations des collègues?

    Il est crucial qu’on soit très nombreux.euses dans la rue ce 7 novembre prochain parce que la situation n’est plus supportable dans le secteur de la santé. Les promesses de l’ère covid ont été très vite oubliées et la crise du secteur constatée au plus haut de la pandémie est encore plus aiguë aujourd’hui: fuite de personnel, ras-le-bol généralisé face aux conditions de travail déplorables, management de plus en plus autoritaire, dégradation de la qualité des soins et perte de sens… Nous ne pouvons compter que sur notre mobilisation et la création d’un rapport de forces avec le gouvernement et les employeurs. Nous devons tenter d’arracher par la lutte du personnel supplémentaire, une augmentation de salaires et la fin du management qui ne réfléchit plus qu’en termes de tableaux excell et de répression. Place à l’humain !

    – Qu’attends-tu de la manifestation ?

    Du nombre, de la combativité, des revendications fortes, mais surtout des perspectives de lutte parce qu’il semble assez évident que le prochain gouvernement fédéral Arizona va une nouvelle fois s’en prendre aux soins de santé, au social et aux services publics. Une journée de mobilisation, aussi massive qu’elle puisse être, ne sera jamais suffisante pour faire plier les responsables de cette situation dramatique. Discutons urgemment ensemble d’un plan d’action autour de revendications offensives !

  • “Défendre les CPAS, c’est défendre le dernier filet de sécurité qui existe”

    Le 7 novembre, une manifestation sera organisée par les secteurs publics et non marchands du socio-culturel, soins de santé et du bien-être. Il s’agira de la première manifestation contre le manque de fonds alloués à tous les niveaux et dans toutes les régions. Nous avons recueillis quelques témoignages concernant la situation dans ces secteurs.

    – Dans quel secteur travailles-tu? Es-tu impliqué dans le travail syndical ?

    Je suis travailleur social en CPAS depuis presque 10 ans.

    Pourquoi estimes-tu nécessaire de manifester le 7 novembre? Quelles sont les principales préoccupations des collègues ?

    Le CPAS est le dernier filet de solidarité qui existe: les personnes qui y font appel n’ont aucune autre possibilité de revenu. Il y a beaucoup à dire sur le fonctionnement des CPAS, mais il est clair que c’est un outil essentiel pour combattre la pauvreté et qu’il est nécessaire de le financer à la hauteur des besoins.

    Le refinancement des CPAS est la première préoccupation des collègues, car chacun comprend que d’un financement décent dépendent nos conditions de travail, la stabilité de nos contrats, mais aussi la qualité de l’aide que nous pourrons apporter aux allocataires sociaux.

    Avec les camarades de l’équipe syndicale du CPAS où je travaille, nous avons averti dès avant les élections sur le danger que représente la coalition Arizona: ce gouvernement prépare des coupes importantes dans les budgets là où il nous faudrait des moyens supplémentaires. C’est d’autant plus vrai que la super note de De Wever prévoit la limitation dans le temps des allocations de chômage. A quelle porte pensez-vous que les exclus du chômage iront frapper pour obtenir un revenu de remplacement ? Les exclusions du chômage, cela signifie un engorgement dans les services des CPAS et une charge supplémentaire aux budgets des communes, dont les CPAS dépendent.

    Qu’attends-tu de la manifestation ?

    “La manifestation du 7 novembre est un premier pas pour faire pression sur les gouvernements. Il est rare que les salarié.e.s du secteur public et du privé se retrouvent côte à côte. Dans notre secteur, c’est pourtant essentiel, car les conditions de travail des un.e.s impactent fortement celles des autres.

    “Les directions syndicales nous promettent que cette manifestation ne restera pas sans lendemain et c’est en effet nécessaire : dès après le 7 novembre, nous devrions préparer les prochaines actions au moyen d’assemblées générales qui mêlent les travailleurs sociaux du secteur public et de l’associatif. Nous ne pouvons nous permettre ni l’attentisme, ni la division.”

  • Les soins de santé ne sont pas une usine !

    Manifestation du personnel des secteurs publics et non marchands7 novembre, 10h Bruxelles-Nord

    Le bricolage à la marge n’arrêtera pas la crise des soins

    Pendant la crise des soins, de beaux accords sociaux ont été conclus, mais un bel accord est inca­pable de corriger des décennies de sous-financement et de sous-investissement. Il suffit de penser à l’accord Corona de l’été 2020 qui s’élève à 1 milliard d’euros pour les secteurs fédéraux des soins de santé (un montant record pour le secteur). Mais la pandémie est maintenant derrière nous depuis plusieurs années …

    Par un infirmier en colère

    Nous ne cessons de nous étonner de voir les décideurs politiques se comporter comme l’orchestre du Titanic face à la crise des soins de santé. Cette crise prend des proportions de plus en plus pro­blématiques. Il y a plus de dix ans, nous avions déjà mis en garde contre ce que nous vivons aujour­d’hui – et à l’époque, nous ne connaissions pas la crise du Corona et ses conséquences. La combinai­son toxique d’une pression de travail élevée, d’une hyperflexibilité exigée et d’horaires asociaux, ainsi que l’absence réelle de réforme des professions de santé et de formation à cet effet, conduisent à une tempête dévastatrice, à savoir l’implosion imminente d’un système de soins de santé autrefois de haute qualité.

    Atomiser le domaine des soins infirmiers avec de nouvelles professions de soins (et la hiérarchie et les responsabilités strictes correspondantes) et déplacer les tâches (déléguées) n’est PAS la solu­tion ! Dans notre pays, nous avons la tradition d’une hiérarchie relativement plate dans les soins de santé. À l’étranger, les gens travaillent généralement avec plus de hiérarchie… mais là-bas, il y a AUSSI une crise des soins de santé. Le nouveau concept de “l’équipe de soins structurée” nous semble être une solution miracle purement théorique, sortie d’une tour d’ivoire académique …

    Les chiffres de l’augmentation de l’absentéisme ne sont pas non plus réjouissants. Dans les hôpitaux généraux, il s’élevait à 11,4 % en 2022: 4% au-delà d’un an, 3,3% entre 30 jours et un an et 4,1% moins de 30 jours. (Analyse Belfius des hôpitaux généraux) Environ 1 travailleur de la santé sur 25 a été absent du travail pendant plus d’un an pour cause de maladie en 2023. C’est ce qui ressort d’un échantillon Securex de 5.880 travailleurs de 1.079 institutions (y compris les hôpitaux, les soins aux personnes âgées, les centres de réadaptation et les soins à domicile). C’est 13 % de plus qu’en 2021. Securex parle d’une augmentation inquiétante.” (NWS VRT 24/04/24)

    La pénurie de personnel n’est pas une cause, mais une conséquence des éléments susmentionnés qui perpétuent le cercle vicieux. Quelques faits qui donnent à réfléchir: un peu moins de 20 % des infirmier.ères quittent la profession dans les deux ans, un total de 40% des infirmier.ères n’exercent pas leur métier. Avant la crise du Corona, la carrière moyenne dans les soins de santé était de… 7 ans ! Il n’y a donc pas de pénurie de personnel… mais ils et elles quittent le secteur en masse!

    Penchons-nous sur les raisons pour lesquelles les collègues quittent le secteur. L’exode systéma­tique du secteur des soins de santé ne s’arrêtera pas à cause d’un “bricolage à la marge”, bien au contraire !

    Il est grand temps d’apporter des solutions fondamentales et structurelles: une révision logique de l’échelle des soins, une formation qualitative… ainsi qu’une réduction collective du temps de travail sous la forme d’une semaine de 32 heures pour tout le personnel du secteur des soins, sans perte de salaire et avec des embauches compensatoires.

    Pour un secteur nettement féminin (à 80 %) qui fonctionne en grande partie à temps partiel, cela si­gnifie une augmentation de salaire pour les travailleur.euse.s à temps partiel et une réduction de la pres­sion et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour le personnel à temps plein.

    La revendication d’une réduction collective du temps de travail semble contre-intuitive à première vue, mais sur la base des données disponibles, il semble que ce soit la seule mesure qui puisse avoir beau­coup d’effets positifs simultanément.

    Les effets escomptés de cette mesure sont les suivants: plus d’entrées dans les professions de soins, beaucoup moins de sorties, plus de salaires pour les travailleurs à temps partiel, une éventuelle augmentation des heures contractuelles des tra­vailleurs à temps partiel actuels pour les faire passer à temps plein, un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, plus de satisfaction au travail…

    Le travail institutionnel permanent à temps partiel devient tranquillement la règle aujourd’hui dans le secteur des soins de santé. En général, les heures restantes sont complétées par des contrats inté­rimaires, des contrats de jour, des projets de soins infirmiers, un travail d’appoint, où l’on choisit soi-même ses heures de travail. Il s’agit d’une solution individuelle à un problème collectif. Nous choisis­sons une solution collective à un problème collectif !

    L’industrialisation/déshumanisation des soins de santé par le biais, entre autres, d’une numérisation poussée et d’une augmentation de la hiérarchie de contrôle comme réponse à la pénurie croissante de personnel est contre-productive. Ce travail à la chaîne comme dans une usine favorise l’aliéna­tion du travail; le secteur perd ainsi son âme.

  • Élections américaines de 2024 : Les limites du moindre mal à l’ère du désordre

    Des oreilles bandées en hommage à la blessure de Trump lors d’une tentative d’assassinat en été, des participant.e.s à la Convention nationale démocrate (DNC) vêtus de blanc en clin d’œil aux suffragettes, des débats diffusés en direct où le modérateur doit clarifier en temps réel que « le meurtre de nourrissons est illégal dans les 50 États » lorsqu’un avortement fictif de neuf mois est décrit.

    Par Harper Cleves, Socialist Party (Irlande)

    Les élections américaines sont réputées pour leur faste et leur caractère dramatique, mais pour beaucoup, les enjeux de cette élection sont particulièrement élevés. D’une part, le démagogue Donald Trump, avec ses projets politiques dystopiques et son sectarisme manifeste ; d’autre part, la poursuite d’une administration qui a supervisé et contribué activement à un génocide qui a tué des centaines de milliers de Palestinien.ne.s au cours de l’année écoulée. Il est essentiel de comprendre le contexte de cette élection présidentielle pour en envisager les résultats potentiels, mais aussi pour imaginer une alternative à la mascarade déplaisante et dangereuse de la politique corporatiste américaine.

    Une économie pour les patrons, au détriment des travailleur.euse.s

    Pour comprendre le cirque des élections présidentielles américaines, il est essentiel d’avoir un aperçu de ce qu’est la vie aux États-Unis aujourd’hui. Les inégalités économiques n’ont jamais été aussi fortes, même si le taux de chômage est le plus bas depuis 54 ans. Au premier trimestre 2024, 67 % de la richesse totale était détenue par les 10 % de personnes les mieux rémunérées, tandis que les 50 % les plus pauvres n’en possédaient que 2,5 %. Les soins de santé constituent un exemple frappant de l’impact de l’inégalité des richesses et de l’ampleur de la privatisation de ressources essentielles au maintien de la vie humaine : en 2022, 45 % des Américain.e.s n’étaient pas en mesure de se payer des soins de santé ou d’y avoir accès.

    Trump, et les présidents américains qui se sont succédé avant lui, n’ont rien fait pour atténuer la question des inégalités parce qu’elle provient d’une dépendance à l’égard du marché privé pour fournir des biens essentiels. La « Bidenomics » – la politique économique de l’administration Biden – n’a fait que creuser ce fossé. Les investissements de Biden dans les infrastructures, ainsi que les subventions accordées à la fabrication de voitures électriques et de semi-conducteurs, tout en contribuant à une modeste reprise économique, ne visent pas à mettre de l’argent dans les poches des Américain.e.s de la classe travailleuse, mais plutôt à revitaliser la production nationale dans le contexte d’une nouvelle guerre froide avec la Chine, en fournissant des fonds publics aux grandes entreprises.

    La trahison démocrate face à la lutte des cheminot.e.s de 2022 démontre clairement les relations douillettes qu’entretient Joe Biden avec les entreprises au détriment des travailleur.euse.s, malgré son titre autoproclamé de « président le plus pro-syndical de l’histoire des États-Unis ». Dans ce conflit, où plus de 100.000 cheminots de plusieurs syndicats ont menacé de faire grève pour obtenir un droit fondamental au congé maladie, Biden est intervenu en utilisant les pouvoirs présidentiels qui lui permettent de briser la grève en cas de perturbation substantielle du commerce interétatique, forçant ainsi un accord que la plupart des travailleur.euse.s avaient rejeté afin de satisfaire les patrons du rail.

    Le plan de Trump pour une politique économique protectionniste, tout en prétendant se concentrer sur le retour des emplois aux États-Unis, ne résoudra pas cette question et placera également les intérêts des grandes entreprises au premier plan.

    Les jeunes sont perdants

    Les jeunes sont particulièrement touchés par ces dures réalités économiques. Le rapport annuel 2024 sur le bonheur dans le monde, élaboré à partir des sondages mondiaux de Gallup, montre que les États-Unis sont au plus bas de leur classement, quittant pour la première fois le top 20 pour se retrouver à la 23e place. L’insatisfaction des jeunes de moins de 30 ans est principalement à l’origine de ce recul, les répondants de la génération Z se déclarant plus stressés et insatisfaits de leurs conditions de vie. Les jeunes ont des taux d’endettement étudiant beaucoup plus élevés, des taux d’accession à la propriété plus faibles, des taux de location plus élevés et sont plus susceptibles de vivre avec leurs parents ou d’autres colocataire.trice.s que les générations précédentes.

    Cependant, d’autres indicateurs incluent « le sentiment d’être moins soutenu par les amis et la famille, et d’être moins libre de faire des choix de vie ». Ces phénomènes inquiétants ne peuvent être dissociés de l’ardoise de lois régressives adoptées et de la désignation consciente de boucs émissaires parmi les femmes, les personnes queer et les personnes victimes de racisme, tant au niveau des États qu’au niveau fédéral, les millennials (personnes nées entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990) et la génération Z (personnes nés entre la fin des années 1990 et le début des années 2010) représentant les générations les plus diversifiées de l’histoire des États-Unis.

    Rien qu’en 2024, 642 projets de loi anti-trans ont été envisagés aux États-Unis, sur des sujets tels que la limitation de l’utilisation des toilettes, l’interdiction de l’accès aux soins de réaffirmation du genre ou l’interdiction pour les enfants transgenres de participer à des activités sportives. Depuis l’annulation de Roe V Wade (arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis en 1973 concernant la protection du droit à l’avortement abrogé en 2022), 14 États ont interdit presque totalement l’accès à l’avortement, ce qui se traduit par des taux de mortalité liés à la grossesse deux fois plus élevés que dans les États où l’avortement est autorisé. En 2021 et 2022, 563 projets de loi ont été déposés contre l’enseignement de la théorie critique de la race dans les écoles publiques.

    La commission de l’éducation et de la main-d’œuvre de la Chambre des représentants, sous couvert de s’attaquer à l’antisémitisme sur les campus universitaires au milieu d’un mouvement international de solidarité avec la Palestine, trouve également des moyens créatifs de réduire les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), ce qui a été alimenté par la décision explicite de la Cour suprême conservatrice contre la discrimination positive contre le racisme comme moyen de réduire les disparités et les inégalités racistes sur les campus universitaires.

    Biden-Trump : la bataille originelle perdue d’avance

    Dans ce contexte de crise extrême, il n’est pas surprenant que la polarisation ait prospéré. Les politiques modérées qui semblaient raisonnables à la population en des temps plus stables se révèlent aujourd’hui tout à fait insuffisantes. Dans un sondage réalisé en mars par leNew York Times et le Siena College, quatre fois plus d’électeur.trice.s se sont déclaré.e.s en colère, effrayé.e.s, déçu.e.s, résigné.e.s ou inquiet.e.s à propos de cette élection qu’iels ne se sont déclaré.e.s heureux.ses, enthousiastes ou plein.e.s d’espoir.

    Même si de nombreux électeur.trice.s sont désespéré.e.s, il est clair que les Républicains ont l’avantage. La désaffection que Trump a su exploiter avec sa marque unique de populisme de droite est puissante et constitue en soi un indicateur d’un système défaillant. Qu’il s’agisse des richissimes qui soutiennent la soumission de Trump aux grandes entreprises, de la classe travailleuse blanche privée de ses droits et des pauvres des zones rurales qui détestent l’establishment démocrate et qui ont également adhéré à son discours haineux pour expliquer leur désespoir, le bloc Trump est un bloc puissant que les démocrates n’ont pas réussi à imiter. Un récent sondage a montré que 88 % des républicains considèrent Trump de façon très favorable ou plutôt favorable – un chiffre de soutien interne dont la campagne de Biden n’aurait pas pu se vanter.

    Cette dynamique, associée à une suspicion publique quant à la capacité mentale de Biden à remplir ses fonctions, a eu un impact sur les sondages. Après une performance abominable lors du premier débat présidentiel cet été, cette idée a gagné encore plus de terrain, certains sondages montrant que la piètre performance de Biden le donnait distancé par Trump de six points. Dans un geste sans précédent, le 21 juillet, 182 jours seulement avant la fin de son mandat, Joe Biden s’est retiré de la course présidentielle et a choisi l’impopulaire vice-présidente Kamala Harris pour lui succéder. Cette décision n’a fait qu’exposer la faiblesse du Parti démocrate, tout en lui donnant l’occasion d’entamer une campagne avec un bagage moins lourd que celui de Biden.

    Trump VS Kamala : quelle est leur position sur les questions d’actualité ?

    Projet 2025 : L’un des thèmes majeurs de la campagne présidentielle est un ensemble de propositions politiques associées à Donald Trump, appelé « Projet 2025 », produit par un groupe de réflexion de droite appelé The Heritage Foundation. Les objectifs déclarés du document sont de « restaurer la famille en tant que pièce maîtresse de la vie américaine ; démanteler l’État administratif ; défendre la souveraineté et les frontières de la nation ; et garantir les droits individuels donnés par Dieu pour vivre librement ».

    La « théorie de l’exécutif unitaire » du plan prévoit de placer l’ensemble de l’appareil fédéral sous le contrôle de l’exécutif, y compris les ministères indépendants, comme le ministère de la justice. Il appelle au démantèlement complet du Département de l’éducation et promet de licencier les employés fédéraux « corrompus », ce que beaucoup ont compris comme signifiant les employés qui ne sont pas loyaux envers l’administration Trump. Cela équivaudrait à une énorme consolidation du pouvoir présidentiel, que beaucoup considèrent raisonnablement comme une menace pour les fondements mêmes de la démocratie. Cette situation a été exacerbée par le moment où le colistier de Trump JD Vance, lors d’un débat vice-présidentiel, a refusé de répondre à la question « qui a gagné l’élection de 2020 ».

    Bien que le projet 2025 ne soit pas officiellement soutenu ou produit par la campagne de Trump, certaines parties du plan ont été fortement dirigées par des personnes qui étaient des conseillers de premier plan de Trump pendant sa présidence. Il existe également une grande cohérence entre le Projet 2025 et le programme politique de Trump, à l’exception notable de l’avortement, que Trump ne mentionne pas une seule fois dans son plan, alors que la réalité des interdictions d’avortement a montré à beaucoup à quel point cette forme de soins de santé est essentielle.

    Dans ce contexte, de nombreux électeurs craignent qu’une présidence Trump ne ressemble davantage à une dictature, une crainte amplifiée par l’impact persistant de l’insurrection du « 6 janvier » (la prise d’assaut du capitole), qui a suivi les déclarations de Trump selon lesquelles les élections avaient été volées, et par la récente décision de la Cour suprême, qui a effectivement placé les présidents en exercice au-dessus de la loi. Les démocrates s’appuient sur cette crainte et considèrent qu’un vote en faveur de Kamala Harris est un vote en faveur de la préservation de la « démocratie américaine », aussi antidémocratique qu’elle puisse être.

    Le « grand flic » Harris : L’un des éléments du Projet 2025 auquel Trump a adhéré est la promesse de déployer l’armée américaine à la frontière entre les États-Unis et le Mexique pour assister les déportations massives, une demande reflétée lors de la Convention nationale républicaine (RNC), où les participant.e.s ont brandi des pancartes portant les mots « Déportations massives maintenant ! ». Trump a formulé des slogans et des promesses dangereux, comme sa menace d’expulser « un million d’immigrés ». Ces dernières années, l’immigration aux États-Unis a considérablement augmenté, en particulier en provenance d’Amérique latine et des Caraïbes. Selon l’Office of Homeland Security Statistics, la frontière sud a enregistré au moins 6,3 millions de rencontres avec des migrant.e.s depuis que Biden est devenu président en 2021, et plus de 2,4 millions de ces personnes ont été autorisés à entrer dans le pays. Même si la plupart d’entre elles se trouvent aujourd’hui devant les tribunaux dans le cadre de procédures d’expulsion actives, cela représente tout de même une augmentation significative de la migration récente, attribuable aux tendances qui affectent les pays à l’échelle mondiale, telles que la crise climatique, l’instabilité politique et les difficultés économiques.

    Les démocrates, comme les républicains, ne sont pas à l’abri d’imputer aux immigré.e.s les problèmes causés par la fausse pénurie posée par le marché privé, et leur rhétorique et leur programme ont contribué à faire régresser l’opinion publique sur ces questions. La proportion d’Américain.ne.s souhaitant que le niveau de toutes les formes d’immigration diminue a radicalement augmenté, passant de 28 % à la mi-2020 à 55 % en juin 2024. C’est la première fois depuis 2005 que la majorité des Américain.ne.s souhaitent une diminution de l’immigration. Le sentiment anti-immigration a atteint son apogée en 2001, dans le sillage du 11 septembre. Tous les secteurs de l’électorat reflètent ce virage à droite en matière d’immigration, y compris les électeurs latino-américains, qui sont plus enclins que par le passé à soutenir des politiques frontalières plus strictes, ainsi que les démocrates inscrits sur les listes électorales.

    Trump a même progressé auprès de l’électorat noir et latino-américain. Si Harris conserve une avance significative, 78 % contre 15 % pour M. Trump auprès de l’électorat noir et 56 % contre 37 % auprès des Latinos, cette avance est bien maigre par rapport aux bases de soutien dont disposaient les démocrates par le passé. En 2020, Joe Biden a obtenu 92 % de soutien de la part des électeurs noirs et 63 % de la part des Latinos.

    En conséquence, le programme du Parti démocrate pour 2024 représente un recul des droits des immigrés, en soutenant des déportations plus rapides pour les migrant.e.s économiques et en appelant à des règles plus strictes pour les demandeur.euse.s d’asile, y compris la possibilité d’arrêter complètement le traitement des demandes d’asile. Ce revirement se reflète également dans le fait que Kamala Harris a remis l’accent sur son rôle de procureure dans l’État de Californie, en arborant fièrement son badge de « Top Cop ». Dans les publicités, elle a souligné son rôle dans la lutte contre la criminalité transfrontalière. En tant que procureure, elle était également favorable à ce que les immigré.e.s sans papiers qui commettaient des délits, même non violents, soient remis aux services de l’immigration.

    Le contraste est saisissant avec la situation qui prévalait il y a quatre ans, dans le sillage du puissant mouvement Black Lives Matter, le plus grand mouvement de protestation de l’histoire des États-Unis. À la lumière de ces faits, Kamala Harris a dû renoncer à son personnage de Top Cop. Lors de la convention nationale démocrate (DNC) de 2020, les membres des familles d’hommes noirs tués par des violences policières ont été invités à monter sur scène, et Kamala Harris elle-même a parlé du racisme structurel. Une fillette de 11 ans qui avait été détenue dans un centre de détention a eu le droit de s’exprimer. Les bénéficiaires de l’action différée pour les arrivées d’enfants (DACA, dispositif mis en place par le gouvernement Obama qui permet à certains immigrés mineurs entrés illégalement sur le territoire américain de bénéficier d’un moratoire de deux ans sur leur expulsion) se sont vus offrir une plateforme pour démontrer ce message également. Bien que ces messages se soient avérés creux lorsqu’il s’agissait de politique réelle, il était clair qu’en 2020, le Parti démocrate ressentait la pression de refléter un certain état d’esprit.

    En réalité, les démocrates, Kamala Harris en tête, tentent de marcher sur une corde raide : d’une part, décrier le type de racisme et de sentiment anti-immigrés affiché lors des rassemblements de Trump, et être le parti de la diversité, de l’humanité et du progrès ; et d’autre part, démontrer plus ouvertement la réalité de leur insensibilité sur la question en rendant plus difficile l’accès à la sûreté et à la sécurité pour les immigrants vulnérables à une époque où la guerre, les catastrophes climatiques et la pauvreté créent des réfugiés dans le monde entier.

    La bataille contre le « wokisme ». Alors que nous entrons dans le dernier mois avant les élections, Donald Trump a dépensé au moins 17 millions de dollars pour des publicités qui s’en prennent à Kamala Harris, qui soutient les soins de genre pour les détenu.e.s dans le cadre de sa campagne de 2019. Il n’est pas certain qu’il s’agisse de sa position actuelle, étant donné qu’elle est revenue sur bon nombre de ses positions les plus progressistes. L’une des publicités se termine par un slogan incendiaire : « Elle est aux côtés d’eux/elles – Trump est aux côtés de vous ». Ce slogan est diffusé sur une image de Trump discutant avec des ouvriers d’usine et sur une citation de CNBC : « Trump : Moins d’impôts, plus de salaires pour les travailleurs ». Ces publicités de Trump ont été diffusées plus de 30 000 fois, y compris dans les États clés de l’échiquier politique, avec une attention particulière pour les retransmissions de matchs de football américain.

    À première vue, il peut sembler étrange de mettre l’accent sur un tel sujet au cours du dernier mois précédant l’élection, surtout lorsque les principaux thèmes abordés par les électeurs semblent être l’économie et l’avortement. Pourtant, opposer les droits des personnes transgenres aux problèmes de la classe travailleuse, comme le laisse entendre la campagne publicitaire, est une approche utilisée par l’ensemble du parti républicain. S’il est vrai que le Parti démocrate n’est pas un parti qui défend les intérêts de la classe travailleuse, le fait que Kamala Harris ait déjà soutenu la prise en charge des détenu.e.s en fonction de leur genre n’a aucune incidence sur ce fait. Une lutte réussie pour des soins de santé gratuits et accessibles aux personnes transgenres, intégrés dans un système de santé public, serait une victoire pour toutes les personnes de la classe travailleuses qui luttent contre des coûts démesurément élevés pour les soins de santé de base. Le choix de Trump de mettre l’accent sur cette question démontre l’efficacité du retour de bâton sur le « wokisme », c’est-à-dire les idées progressistes sur le genre, le racisme et la sexualité, et la façon dont cela peut trouver un écho auprès de l’électorat.

    En ce qui concerne l’avortement, Trump est moins catégorique. Reconnaissant qu’il s’agit d’une faiblesse pour lui, puisque des États « rouges » (la couleur du parti républicain) ont voté des référendums qui limiteraient l’accès à l’avortement, il se contente généralement d’insister sur le fait qu’il s’agit d’une question relevant des « droits des États ».

    Et pourtant, même si Kamala Harris se présente comme une candidate progressiste, la réalité est qu’elle fait également partie d’une administration qui a connu le pire recul en matière de droit à l’avortement, de prise en charge des personnes handicapées et de droits des personnes LGBTQIA+ depuis des années. Cette situation ne peut être imputée uniquement à l’administration Trump, aux assemblées législatives conservatrices des États et à la Cour suprême. Pendant des décennies, les démocrates ont permis de subtiles érosions des droits des femmes ; ils ont laissé prospérer un système de santé de plus en plus privatisé ; ils ont siphonné l’avortement et les soins d’affirmation du genre vers des cliniques spécialisées ; tout cela montre leur mépris pour ces formes essentielles de soins de santé, mais a également préparé le terrain pour les attaques de la droite radicale contre ces services.

    Le « meilleur ami d’Israël » et le bras droit de Joe le Génocidaire. La complicité de l’administration Biden dans le génocide de Gaza est bien documentée et constitue un problème important pour les démocrates à l’approche de cette élection. En août 2024, on estime que l’administration Biden a envoyé plus de 600 cargaisons d’armes à Israël, ce qui représente plus de 50 000 tonnes d’équipement militaire en seulement 10 mois. Ces livraisons d’armes représentent une complicité et une participation absolues au génocide.

    Cette grave vérité a eu un impact sur l’opinion américaine. La majorité soutient toujours Israël, mais des chiffres plus importants que jamais démontrent le scepticisme et la désapprobation pure et simple de l’approche des gouvernements israélien et américain à l’égard de la Palestine, en particulier auprès des personnes musulmanes et de la jeunesse. Un sondage réalisé en novembre dernier a montré que 70 % de l’électorat âgé de 18 à 34 ans déclaraient désapprouver la façon dont Biden a géré la « guerre » contre Gaza. En mai de cette année, un sondage de l’Institut arabo-américain (AAI) a montré que le soutien de Biden parmi les Américain.ne.s d’origine arabe se situait juste en dessous de 20 %. L’électorat arabo-américain constituent un bloc de vote important dans des États en pleine mutation, comme au Michigan. Ce printemps et cet été, des milliers de jeunes gens fréquentant les universités américaines ont participé à des manifestations et à des occupations de campus appelant leurs universités à rompre leurs liens avec les produits, les universités et la recherche en Israël qui contribuent au génocide à Gaza.

    Kamala Harris a tenté d’adopter un ton plus empathique et conciliant à l’égard de la Palestine, reconnaissant à juste titre les problèmes que le génocide pourrait poser à sa campagne. Elle a qualifié de « dévastatrices » et de « catastrophiques » les « images d’enfants morts et de personnes désespérées et affamées fuyant pour se mettre à l’abri, parfois déplacées pour la deuxième, la troisième ou la quatrième fois », et a promis que « je ne resterai pas silencieuse ».

    En réalité, Harris s’aligne sur l’approche de Biden et, en dépit de ses témoignages de sympathie, sa politique ne fera que perpétuer la catastrophe. Elle s’est fait l’écho du soutien « inébranlable » et « à toute épreuve » de Biden à Israël et n’a fait aucune suggestion quant à l’arrêt de l’envoi d’armes vers Israël – un pouvoir qui relève de l’exécutif et qui, plus que toute autre chose, réduirait la capacité de l’État israélien à poursuivre son règne de la terreur.

    En ce qui concerne la politique étrangère, et notamment le génocide en cours à Gaza, la campagne de Trump n’a pas grand-chose à dire, si ce n’est qu’elle présente la Chine comme l’ennemi principal et réaffirme une politique protectionniste, fondée sur des tarifs douaniers élevés, en matière de commerce extérieur. Dans ce contexte, il a parfois affirmé qu’il mettrait fin à l’implication des États-Unis dans les guerres étrangères. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles des personnalités comme le maire de Hamtramck, ville du Michigan, Amer Ghaleb, originaire du Yémen, ont soutenu Trump dans cet État où le vote arabe et musulman sera un facteur clé.

    Néanmoins, il n’y a aucune raison de penser que Donald Trump sera l’ami des Palestinien.ne.s. Il s’est décrit comme le « meilleur ami d’Israël ». Au cours de son mandat de président, Trump a montré son mépris total et, en fait, sa malveillance à l’égard de l’autodétermination du peuple palestinien en reconnaissant Jérusalem comme la véritable capitale de l’État israélien. Malgré l’utilisation occasionnelle par Trump du surnom de « Joe le génocidaire » pour décrire le président Biden, les Palestinien.ne.s et leurs allié.e.s en lutte aux États-Unis devraient anticiper son mandat de président avec beaucoup plus de crainte que d’espoir.

    Quand le « moindre mal » reste un mal certain

    À l’extérieur de la convention démocrate, un manifestant nommé Farzeen Harunani, originaire de Chicago, a déclaré : « J’ai été bleu (couleur démocrate) toute ma vie. J’ai fait du bénévolat pour les démocrates, j’ai fait des dons aux démocrates, j’ai fait du porte-à-porte pour eux, j’ai fait des appels téléphoniques pour eux ». Il a expliqué qu’il se sentait politiquement sans abri. Harunani a poursuivi en disant : « Nous sommes tous très frustrés parce que le système bipartite est tellement ancré dans nos habitudes. Et si, au lieu de voter pour une réduction des dégâts, nous pouvions voter pour l’absence de dégâts ? »

    Ces propos expriment le sentiment de nombreuses personnes qui se demandent s’il faut voter pour Harris, pour un tiers parti ou ne pas voter du tout. Beaucoup de ceux qui éprouvent une profonde sympathie pour les Palestinien.ne.s voteront tout de même pour Harris, espérant peut-être qu’elle sera la porte la plus facile à pousser, ou craignant en particulier la politique intérieure promise par une administration Trump. C’est éminemment compréhensible. En tant que socialistes révolutionnaires, nous continuerons à nous battre aux côtés de ces personnes pour faire pression sur celle qui accèdera à la présidence afin qu’elle mette fin au génocide à Gaza, parmi beaucoup, beaucoup d’autres choses.

    Cependant, fondamentalement, le parti démocrate est une impasse, que ce soit sous la direction de Kamala Harris ou de Joe Biden. Dans un monde dominé par les crises, qu’il s’agisse d’une augmentation considérable du racisme, d’ouragans gigantesques sur une côte ou d’incendies de forêt sur l’autre, de soins de santé et d’éducation qui peuvent entraîner des dettes à vie, d’attaques quotidiennes contre l’autonomie et la sécurité physiques ou d’une conflagration apparemment sans fin de génocides et de guerres, il est clair pour un nombre croissant de personnes que la politique du « business as usual » ne suffira pas.

    La solidarité est l’antidote à la peur

    Pour certaines de ces personnes, le style incendiaire et le populisme haineux de Donald Trump et d’autres comme lui trouveront un écho. La haine que représente Trump s’inscrit mieux dans les sillons du capitalisme néolibéral hyper individualiste dans lequel nous avons été socialisés pendant des décennies.

    Mais pour d’autres, en particulier ceux qui sont confrontés au racisme quotidien, qui regardent avec horreur des êtres chers être bombardés à Gaza ou au Liban, qui craignent d’être contraints d’être parents ou de subir des violences à l’école pour le simple fait d’être eux-mêmes, le système capitaliste qui repose si complètement sur la violence, l’oppression et l’exploitation est de plus en plus remis en question.

    Kamala Harris est très légèrement en tête des sondages au moment où nous écrivons cet article. Elle n’est pas perçue avec le même scepticisme que Joe Biden, mais représente-t-elle quelque chose de suffisamment différent pour surmonter le culte que Trump inspire à de nombreuses personnes ? C’est peu probable : son bilan et celui du parti démocrate dans son ensemble laissent présager la poursuite du statu quo.

    Ce qui est clair, c’est que peu importe qui s’assiéra dans le bureau ovale en janvier, nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Nous devons poursuivre nos manifestations pour mettre fin au génocide, maintenir la pression sur la personne qui occupera le bureau pour rétablir le droit national à l’avortement, lutter pour des soins de santé et des logements socialisés et pour tout ce dont nous avons besoin pour vivre. Nous avons vu que le sentiment pour de tels mouvements existe ; des campements universitaires en solidarité avec la Palestine qui ont inspiré un mouvement mondial, aux nouvelles couches de travailleurs qui testent leur pouvoir en se mettant en grève, aux jeunes qui organisent l’entraide dans leurs communautés – il est clair que beaucoup se battent pour trouver un moyen de construire et de lutter pour le monde dont nous avons besoin en dehors de la politique officielle.

    De ces mouvements et organisations communautaires – ou de ceux dont nous n’avons pas encore rêvé – pourraient naître les graines d’un nouveau type de politique et d’organisation de base, capable de coaliser un mouvement ou un parti qui représente une véritable alternative à la mascarade déprimante que nous voyons dans les plus hautes fonctions. Telle est la tâche essentielle. Nous rassembler, refuser les compromis, sentir notre force à travers l’action collective afin de ne plus avoir à accepter un moindre mal, mais de pouvoir construire un monde socialiste fondé sur une action active en faveur du bien.

  • Halte au génocide à Gaza et à la spirale sanglante au Moyen-Orient

    Depuis plus d’un an, le monde assiste avec horreur et en temps réel à l’une des campagnes de bombardement les plus destructrices et les plus impitoyables de l’histoire – un assaut incessant aux proportions génocidaires – sur la bande de Gaza. La machine de mort et de destruction maniée par l’État israélien tourne et elle plonge dans de nouvelles profondeurs indicibles, tout en élargissant son champ d’action régional. Le Moyen-Orient est aujourd’hui au bord de ce qui pourrait être la plus grande conflagration régionale depuis des décennies.

    Par Serge Jordan

    Une horreur sans fin

    Selon le bilan officiel publié par le ministère de la santé de Gaza, le génocide israélien à Gaza a tué plus de 43.000 Palestiniens en 12 mois. Ce chiffre représente toutefois plus que probablement une importante sous-estimation. Plusieurs milliers de personnes sont toujours portées disparues et ne sont pas prises en compte dans les statistiques officielles. L’anéantissement des établissements de santé, des réseaux de communication et des infrastructures routières a gravement entravé la tenue de registres précis. Ce chiffre ne tient pas non plus compte du nombre important – et croissant – de victimes dues à des causes indirectes telles que la maladie, la malnutrition et la famine. Plusieurs organisations, dont l’Organisation mondiale de la santé, des groupes de défense des droits humains et des professionnel.le.s de la santé qui ont travaillé à Gaza, affirment que le nombre réel de victimes est beaucoup plus élevé que ce qui est indiqué. Une étude récente du “Costs of War Project” de l’université Brown (Etats-Unis) estime ce nombre à environ 114.000, ce qui représente environ 5 % de la population de Gaza, et le qualifie de nombre minimum ferme et prudent de morts, tandis que les estimations de la revue scientifique britannique The Lancet faisait déjà état de plus de 180.000 personnes décédées de causes indirectes il y a plusieurs mois.

    Entre-temps, la Cisjordanie occupée a également connu une recrudescence des attaques meurtrières de l’armée israélienne et des colons au cours de l’année écoulée, ce qui a entraîné la détention de près de 12.000 Palestinien.ne.s et la mort de centaines de personnes, dont 36 enfants tués lors de frappes aériennes et en raison de tirs à balles réelles 129, la plupart touchés à la tête ou à la partie supérieure du corps.

    Aussi horrible que cela puisse paraître, le nombre de mort.e.s ne représente qu’une partie de la barbarie dont est victime le peuple palestinien. Un nouveau rapport de l’Agence des Nations unies pour le développement sur l’impact socio-économique de la guerre révèle que les indicateurs de développement humain dans la bande de Gaza se sont effondrés à des niveaux jamais atteints depuis les années 1950, et qu’il faudrait 350 ans (!) pour que l’économie de Gaza retrouve les niveaux d’avant le 7 octobre 2023. La quasi-totalité de la population de Gaza souffre d’une forte insécurité alimentaire, un demi-million de personnes sont menacées de famine. Des dizaines de milliers de personnes ont subi des blessures qui ont changé leur vie ; Gaza abrite désormais le plus grand nombre d’enfants amputés de l’histoire moderne, avec 10 enfants en moyenne qui perdent une jambe ou les deux chaque jour.

    Dans ce qui a marqué un nouveau degré d’horreur et d’intensification de cette guerre brutale d’extermination – que l’envoyé palestinien auprès des Nations unies a qualifié de « génocide dans le génocide » -, le nord de Gaza a été soumis à un siège d’une cruauté stupéfiante au cours des trois dernières semaines (alors que les zones dites « sûres » ou « humanitaires » dans les parties méridionales de la bande continuent d’être régulièrement bombardées elles aussi). Depuis le 1er octobre, les forces israéliennes ont empêché l’entrée de nourriture ou d’aide de quelque nature que ce soit dans le nord de Gaza et ont soumis la région à des frappes aériennes et à des tirs d’artillerie incessants. L’armée israélienne a intensifié son offensive terrestre – la troisième en douze mois – encerclant le camp de réfugiés de Jabalia, tuant des centaines de civils et forçant des dizaines de milliers de personnes à fuir. Les familles déplacées qui s’abritaient dans des bâtiments publics sont chassées sous la menace des armes, avant que ces bâtiments ne soient rasés ou brûlés par les soldat.e.s israélien.ne.s. Les Palestinien.ne.s qui ont fui ont fait des récits effrayants de cette campagne permanente de meurtres, de famine planifiée et de déplacements forcés : des dizaines de corps éparpillés dans les rues, des preuves d’exécutions sommaires, des blessés laissés sur place alors que les ambulances et les secours sont délibérément bloqués, voire directement attaqués. L’armée israélienne prend également pour cible ce qui reste des réserves et des canalisations d’eau, poussant la population restante plus près du bord de la famine et de la soif. Joyce Msuya, responsable des affaires humanitaires de l’ONU, a averti samedi que « l’ensemble de la population du nord de Gaza risque de mourir sous le siège israélien », au lendemain d’un raid israélien de grande envergure sur Kamal Adwan, le dernier hôpital opérationnel de la région.

    Le directeur de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orien (UNRWA), Philippe Lazzarini, a récemment déclaré : “L’odeur de la mort est omniprésente, les corps gisant sur les routes ou sous les décombres. Les missions de déblaiement des corps ou d’assistance humanitaire sont refusées. Dans le nord de Gaza, les gens attendent simplement de mourir. Ils se sentent abandonnés, désespérés et seuls. Ils vivent d’une heure à l’autre, craignant la mort à chaque seconde.” Malgré ces conditions insupportables et la menace imminente d’anéantissement, de nombreux.ses Palestinien.ne.s ne peuvent tout simplement pas partir – ou refusent de le faire en sachant qu’une fois parti.e.s, il ne sera pas possible de revenir – une expérience gravée dans leur histoire.

    Cette stratégie militaire israélienne semble s’inspirer des principes fondamentaux de ce que l’on appelle le « plan des généraux », un projet publié en septembre par une association d’officiers retraités et de réservistes israéliens, que le Premier ministre Netanyahou a qualifié de « logique ». Les principaux objectifs de ce plan sont l’encerclement militaire du nord de Gaza, l’interruption de l’aide humanitaire et l’utilisation de la famine comme moyen de pression pour forcer l’évacuation totale de la zone. Chaque Palestinien.ne qui resterait sur place serait qualifié.e d’agent du Hamas et traité.e comme une cible légitime à abattre. Connu également sous le nom de « plan d’Eiland », il porte le nom de Giora Eiland, général de division à la retraite et ancien chef du Conseil national de sécurité d’Israël, qui en a conçu le cadre et a résumé son raisonnement brutal il y a déjà un an dans une interview, en déclarant : « Gaza doit être complètement détruite : chaos terrible, crise humanitaire grave, cris au ciel… ». Cette déclaration s’accompagne des projets du mouvement des colons et de l’extrême droite israélienne de réinstaller Gaza, ouvertement discutés lors d’une conférence le 21 octobre à laquelle ont participé des membres de la Knesset (le Parlement) et plusieurs membres du Likoud (le parti de Nétanyahou) ainsi que des ministres du gouvernement, et qui ont été protégés par l’armée et la police.

    Cependant, la faisabilité pratique d’un plan visant à soumettre environ 400.000 personnes à l’horrible ultimatum « partir ou mourir » est une toute autre question. Outre l’attachement indéfectible des Palestinien.ne.s à leur terre, on peut se demander combien de temps les forces d’occupation israéliennes pourront maintenir leur emprise sur le nord de Gaza sans subir des pertes croissantes de la part du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens qui continuent d’opérer dans la région. L’armée israélienne est également confrontée à des contraintes militaires, logistiques et humaines de plus en plus importantes pour soutenir les opérations dans la bande de Gaza, compte tenu des exigences simultanées de l’intensification de la guerre avec le Liban – qui nécessite d’importants déploiements de troupes – ainsi que de la possibilité d’une escalade de la guerre à l’extérieur.

    L’assaut s’étend au Liban

    Malgré les affirmations publiques du contraire, plus d’un an après le début de la guerre, le gouvernement de Netanyahou n’a toujours pas atteint les objectifs qu’il s’était fixés à Gaza. Par exemple, moins de 7 % des otages israéliens libérés ont été récupérés par la force militaire. Les célébrations triomphalistes de l’establishment israélien à l’occasion de l’assassinat des dirigeants du Hamas, Ismail Haniyeh et plus récemment Yahya Sinwar, ne peuvent occulter la réalité : le Hamas, bien qu’ayant subi des pertes militaires significatives en hommes et en matériel, est loin d’être « éliminé ». L’affirmation du ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, selon laquelle le Hamas est effectivement démantelé en tant que force de combat à Gaza – reprise la semaine dernière par le secrétaire d’État américain Antony Blinken – ne correspond pas aux faits. Outre le fait que ce récit contredit clairement la propagande de l’État israélien, qui continue d’imputer au Hamas la responsabilité de la quasi-totalité pertes civiles palestiniennes massacrées par les bombes de Tsahal, le groupe conserve objectivement une capacité et une volonté de se battre. Dans un contexte pratiquement dépourvu de forces de résistance de gauche, la spirale d’atrocités du régime israélien devrait également aider le Hamas à reconstituer ses rangs au sein d’une nouvelle génération de Palestinien.nes. Sur le plan politique, les résultats du dernier sondage effectué par le Centre palestinien de recherche sur les politiques et les sondages au début du mois de septembre montrent que si le soutien au Hamas a légèrement baissé, il reste le plus élevé par rapport à toutes les autres factions palestiniennes, tant à Gaza qu’en Cisjordanie occupée.

    Confronté à une impasse stratégique, Nétanyahou s’est retrouvé sous la pression des factions les plus extrémistes et ultranationalistes de son propre cabinet, qui l’ont incité à poursuivre l’escalade de la guerre. Il cherchait aussi désespérément à détourner l’attention de ses propres vulnérabilités politiques et des critiques intérieures croissantes concernant sa conduite de la guerre. Ces critiques ont culminé, début septembre, avec des manifestations historiques dans tout Israël et une grève générale de courte durée déclenchée par la fédération syndicale Histadrut, qui a cédé à la pression massive de la base – à laquelle ont participé des travailleurs d’origine juive, arabe et autre, exigeant un « accord immédiat ».

    Encouragé par les facteurs susmentionnés et sentant une opportunité dans la faiblesse évidente de l’actuelle administration Biden, Nétanyahou a opté pour une fuite en avant imprudente, appuyant sur l’accélérateur de la guerre au Liban. L’explosion meurtrière de bipeurs et d’appareils de communication piégés dans une opération de terrorisme d’Etat à travers le Liban à la mi-septembre a simplement servi de prélude aux « Flèches du Nord », une offensive militaire israélienne aérienne et terrestre brutale de plus grande envergure sur le Liban. Les affirmations du régime israélien selon lesquelles ce nouvel assaut ne vise que le Hezbollah sont manifestement fausses. Il a attaqué sans discrimination des hôpitaux, des zones résidentielles, des postes frontières, des équipes de la Croix-Rouge et de la protection civile, des agriculteurs, des bergers, des journalistes et même des forces de « maintien de la paix » de l’ONU. Les infrastructures essentielles – eau, électricité, communications – ont été délibérément prises pour cible, de même que les bâtiments gouvernementaux, les monuments culturels et les sites historiques. L’offensive a tué plus de 2.600 personnes à ce jour et en a déplacé environ 1,2 million, forçant plus d’un.e habitant.e du Liban sur cinq à quitter son foyer.

    L’offensive de l’armée israélienne au Liban semble en partie reposer sur l’idée de terroriser et de saper la base sociale du Hezbollah. Attiser les flammes sectaires au sein de la population libanaise pourrait bien être un élément intentionnel de cette stratégie, alors que les Libanais.es majoritairement chiites sont contraints de fuir le sud vers des régions majoritairement sunnites, druzes et chrétiennes. Ainsi, à la mi-octobre, l’armée israélienne a frappé le petit village septentrional d’Aito, dans le cœur chrétien du pays, loin des principales zones d’influence du Hezbollah dans le sud et l’est du Liban, mais où étaient accueillies les personnes déplacées à l’intérieur du pays en provenance des régions à majorité chiite. Vingt-deux personnes ont été tuées dans l’attentat.

    L’assassinat de Hassan Nasrallah, leader historique et très en vue du Hezbollah, à la fin du mois de septembre, ainsi que l’élimination de la plupart des hauts commandants militaires de l’organisation, ont incontestablement porté un coup au Hezbollah. Ces actions, ainsi que les attaques de bipeurs et de talkies-walkies ont également mis en évidence de graves failles de sécurité au sein de la structure du groupe. Sur le plan politique, elles ont permis à Nétanyahou de rehausser temporairement son prestige sur le plan intérieur. Son parti, le Likoud, est remonté d’un niveau historiquement bas pour prendre la tête des sondages d’opinion nationaux.

    Toutefois, les limites de cette tendance sont déjà visibles. Des sondages récents montrent également qu’une majorité de la population israélienne souhaite une élection anticipée et la coalition de Nétanyahou serait incapable de former un gouvernement lors d’élections hypothétiques, l’un des deux partenaires de la coalition d’extrême droite risquant de perdre tous ses sièges au parlement. Sur le champ de bataille, le Hezbollah reste un adversaire redoutable. Par rapport à sa guerre de 2006 contre Israël, l’organisation a considérablement renforcé ses capacités de combat, en grande partie grâce à des années d’expérience aux côtés des forces du régime réactionnaire d’Assad en Syrie. Le Hezbollah dispose d’un vaste arsenal de missiles et de roquettes guidés avec précision ; bien que certaines parties de cet arsenal aient été dégradées lors des récentes frappes aériennes israéliennes, il est toujours capable d’atteindre presque n’importe quelle cible en Israël – comme l’a récemment souligné une frappe de drone visant la luxueuse villa privée de Netanyahou dans la ville côtière de Césarée. En outre, le groupe peut compter sur des dizaines de milliers de combattants aguerris, endurcis par une guerre de longue haleine. Bien que les médias ne s’accordent pas sur le nombre exact de victimes militaires israéliennes au Liban, il est largement admis que les pertes de ces derniers jours ont été les plus lourdes jamais infligées par le Hezbollah, qui mène un combat acharné sur le terrain – tout en faisant pleuvoir des tirs de roquettes de l’autre côté de la frontière, dont certains ont fait des victimes civiles. L’idée initiale et déclarée de l’armée israélienne d’une « opération ciblée et limitée » au Liban pourrait facilement se transformer en son contraire.

    Croire qu’Israël a ouvert ce nouveau front – aux dépens du peuple libanais – pour assurer une « sécurité » et une « paix » durables à sa propre population est une illusion cruelle qui s’effondrera bientôt sous le poids de la réalité. Sans parler du fardeau que la guerre et la spirale des dépenses militaires font peser sur l’économie israélienne, ce qui, comme l’a noté « The Hindu », « oblige à faire des choix difficiles entre les programmes sociaux et l’armée ». Cela exacerbera les tensions sociales et approfondira les contradictions au sein de la société israélienne.

    L’armée israélienne bombarde l’Iran

    Tragiquement, le potentiel destructeur de ce conflit pourrait encore se déployer, car la dynamique engagée risque de l’entraîner dans quelque chose de bien plus grave. Ce que le régime israélien cherchait à obtenir, sans y parvenir, par le biais des accords d’Abraham – à savoir un changement à long terme de l’équilibre régional des forces en sa faveur vis-à-vis de l’Iran et des groupes soutenus par l’Iran, ainsi que la mise à l’écart de la question palestinienne et la normalisation et le renforcement de son régime d’occupation – il tente à présent de l’obtenir par une campagne de mort et de destruction. Cette logique conduit le gouvernement de Nétanyahou sur la voie d’une confrontation avec Téhéran.

    Alors que le gouvernement génocidaire de Tel-Aviv multiplie les provocations – il a bombardé, le Yémen, la Syrie, le Liban et Gaza en l’espace de 24 heures en septembre – le régime iranien cherche à maintenir une stratégie d’escalade « contrôlée » et « calculée », marchant sur un fil entre le fait de se poser comme une ligne de front clé dans « l’axe de la résistance » contre le régime israélien tout en évitant consciemment des actions qui pourraient déclencher une guerre à grande échelle. Cette prudence ne découle pas d’une position de force, mais de la crainte des retombées politiques, sociales, économiques et militaires qu’un tel scénario entraînerait, d’autant plus que le pays a été confronté à des éruptions périodiques de mécontentement interne massif au cours des dernières années. Pourtant, le lancement par l’Iran de 200 missiles balistiques en direction d’Israël à la suite de l’assassinat de Nasrallah, qui a tué un civil (un Palestinien dans la ville de Jéricho, en Cisjordanie), a été immédiatement exploité par les responsables israéliens comme prétexte pour menacer de représailles punitives. Dans la foulée, le Pentagone a envoyé en Israël son système de défense antimissile le plus avancé, accompagné d’une centaine de personnes chargées de le faire fonctionner. Il s’agissait du premier déploiement officiel de troupes américaines sur le terrain depuis le début du génocide à Gaza, et d’un « exemple opérationnel du soutien sans faille des États-Unis à la défense d’Israël », selon le secrétaire américain à la défense, Lloyd J. Austin.

    Présentée comme une mesure défensive, l’attaque israélienne, orchestrée en tandem avec Washington, est intervenue le 26 octobre et a pratiquement représenté une offensive. Elle visait les sites de fabrication de missiles et de drones iraniens, ainsi que les défenses aériennes. Bien que les installations nucléaires et pétrolières – cibles auxquelles l’administration Biden s’est publiquement opposée – ont été épargnées, il n’est pas certain que d’autres frappes suivront. Même isolée, cette première attaque militaire israélienne ouvertement reconnue contre l’Iran comporte le risque de déclencher une réaction en chaîne plus large.

    La danse hypocrite de l’impérialisme

    Les timides tentatives de la Maison Blanche de mettre le pied à l’étrier pour éviter un conflit total avec l’Iran en plaidant pour des frappes aériennes relativement “limitées”, combinées à son insistance renouvelée sur la nécessité d’un cessez-le-feu à la suite de l’assassinat de Yahya Sinwar, dissimulent mal le rôle instrumental que l’impérialisme américain a joué tout au long de l’année écoulée dans la préparation de cette situation explosive et dans la facilitation matérielle, politique et diplomatique du génocide à Gaza. De nouvelles données de l’agence de surveillance d’Al Jazeera, Sanad, révèlent l’ampleur stupéfiante de l’implication américaine et britannique dans les opérations militaires d’Israël entre octobre 2023 et octobre 2024. Ces données font état de pas moins de 6.000 vols militaires au-dessus de la région, soit une moyenne de 16 par jour, dont 1 200 vols de fret livrant des armes à Israël, ainsi que des missions de reconnaissance, du ravitaillement en vol et d’autres formes de soutien.

    Néanmoins, les prétendues « contraintes » de l’administration Biden concernant l’attaque d’Israël contre l’Iran, sa capitalisation sur la mort de Sinwar pour plaider à nouveau en faveur d’un cessez-le-feu – bien que le Premier ministre israélien ait ostensiblement fait savoir qu’il ne voyait pas les choses de cette manière – ainsi que ses menaces – largement inconséquentes – de geler l’aide militaire si le régime israélien ne levait pas les restrictions sur l’aide humanitaire à Gaza dans les 30 jours, trahissent toutes de réelles inquiétudes dans les cercles dirigeants américains. Ces efforts timides pour freiner les manœuvres de guerre les plus extrêmes de Nétanyahou ne sont pas motivés par des considérations morales, mais par l’indignation publique massive et la réaction brutale contre les actions du régime israélien, par des calculs électoraux cyniques (un récent sondage a montré que les Américains d’origine arabe préfèrent légèrement Trump à Harris) et par le spectre d’une déstabilisation beaucoup plus importante de la région. Washington hésite certainement à s’engager dans une guerre à grande échelle avec l’Iran, sachant que cela pourrait exacerber le sentiment anti-américain et causer des ravages sur les marchés pétroliers et l’économie mondiale dans son ensemble. Préoccupé par l’intensification de sa rivalité stratégique avec la Chine, l’establishment politique américain – démocrates et républicains confondus – préférerait réduire son empreinte au Moyen-Orient plutôt que de l’aggraver. Toutefois, paradoxalement, si un tel conflit devait éclater, l’impérialisme américain passerait probablement en mode réactif, contraint de renforcer son soutien au régime israélien de peur que toute manifestation de faiblesse n’enhardisse ses rivaux régionaux et mondiaux. Dans le contexte de la « nouvelle guerre froide » (c’est-à-dire la bataille pour l’hégémonie mondiale entre les deux principales superpuissances que sont les États-Unis et la Chine), le président qui occupera la Maison Blanche favorisera objectivement l’affaiblissement de l’Iran et des puissances impérialistes qui lui sont associées, à savoir la Chine et la Russie.

    Quoi qu’il en soit, les gestes actuels de l’administration américaine ne signalent aucun changement significatif dans la politique des États-Unis. Le soutien de Washington à Israël reste profondément ancré dans des impératifs géostratégiques, qui ne peuvent être modifiés par la seule rhétorique. Seuls des mouvements d’envergure venant d’en bas, y compris des développements majeurs de la lutte des classes, pourraient exercer la pression de masse nécessaire pour perturber cette alliance bien ancrée.

    Dans l’état actuel des choses, alors que Biden peut occasionnellement déclarer qu’il y a trop de victimes civiles, il continue d’armer Israël jusqu’aux dents. De même, le Premier ministre britannique Keir Starmer affirme que “le monde ne tolérera plus d’excuses de la part d’Israël » – ce même Starmer qui a déjà justifié le droit d’Israël à couper l’eau et l’électricité à Gaza. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau fustige le régime indien de Narendra Modi pour ses exécutions extrajudiciaires en territoire étranger, mais garde un silence complice lorsqu’Israël commet des actes similaires à Gaza, au Liban ou en Iran. Modi, quant à lui, parle de « diplomatie de la paix » tout en soutenant le gouvernement de Nétanyahou par le biais de contrats d’armement impliquant des entreprises indiennes, en facilitant l’envoi de travailleurs indiens en Israël et en s’abstenant sur les résolutions de l’ONU appelant à un cessez-le-feu ou condamnant l’occupation et les crimes de guerre d’Israël. Le président turc Erdoğan a beau s’insurger contre les bombardements d’Israël, il ordonne la même semaine plus de 40 frappes aériennes sur le nord et l’est de la Syrie, tuant des dizaines de civils. Quant à Macron, un ancien fonctionnaire français cité par Politico décrit son approche hésitante : « Lorsqu’il parle aux pays émergents, il est pro-palestinien ; et lorsqu’il parle à Netanyahou, il ne pense qu’à la sécurité d’Israël. » Son récent revirement vers une rhétorique plus ferme à l’encontre de certaines politiques de Nétanyahou semble coïncider avec l’invasion israélienne du Liban, un pays que l’impérialisme français continue de considérer comme faisant partie de son arrière-cour.

    Cette hypocrisie éhontée met à nu la faillite morale des dirigeants capitalistes mondiaux de tous bords. Leur indignation sélective révèle que les condamnations de la violence ne sont rien d’autre que des outils de commodité pendant que le massacre se poursuit. La fin de ce massacre ne viendra pas des hautes sphères du pouvoir, mais d’une résistance généralisée et organisée à l’échelle internationale, forçant une rupture dans le système qui permet et facilite ces crimes.

    Arrêter le génocide, arrêter la machine de mort de l’État israélien – Combattre l’ensemble du système par une action de masse

    Le peuple palestinien, ainsi que tous les travailleurs et opprimés vivant au Liban et dans la région, ont besoin de notre solidarité inébranlable. Nous devons appeler à l’arrêt immédiat du déchaînement sanglant du régime israélien dans la région et au retrait total de ses forces d’occupation du Liban, de Gaza et de la Cisjordanie occupée. Les États-Unis et la plupart des dirigeants occidentaux plaident en faveur d’un cessez-le-feu centré sur la libération des otages israéliens toujours détenus à Gaza. Pourtant, non seulement ils restent indifférents au sort des milliers de prisonniers palestiniens qui croupissent dans les prisons israéliennes, mais ils ont également apporté leur soutien au cabinet de guerre de Nétanyahou, qui a méthodiquement saboté toutes les possibilités de cessez-le-feu, tout en exploitant sans ménagement le sort des otages pour accélérer son agenda sanglant. Le chahut récent de Nétanyahou par les familles endeuillées des otages lors de son discours au cours d’un rassemblement de commémoration des victimes du 7 octobre à Jérusalem est un signe certain de l’indignation croissante de l’opinion publique face à ces manœuvres cyniques.

    Il est évident qu’aucun cessez-le-feu véritable et durable ne peut avoir lieu dans des conditions de siège et d’occupation militaire. En l’état actuel des choses, nous défendons le droit inaliénable des masses au Liban et dans les territoires palestiniens occupés de résister à l’agression militaire permanente d’Israël, y compris par les armes. Une résistance armée reposant sur des bases de masse et liée au contrôle démocratique de la population, cherchant à unir les travailleurs et les opprimés à travers les diverses confessions et communautés nationales, et intégrant les revendications de libération nationale avec les revendications de transformation économique et sociale radicale, serait le meilleur moyen d’y parvenir.

    La résistance contre ce génocide doit s’attaquer à ses racines fondamentales. Cela signifie mener une lutte politique sans compromis non seulement contre le colonialisme et le racisme de l’État israélien, mais aussi contre le système capitaliste et impérialiste qui les soutient. Cette lutte doit aller de pair avec la construction d’organisations socialistes indépendantes capables d’organiser la classe ouvrière et tous les opprimés autour d’un tel programme. Elle doit s’éloigner des capitulations des partis pro-capitalistes corrompus comme le Fatah, mais aussi des forces islamistes de droite comme le Hamas et le Hezbollah. Même si, dans les conditions actuelles, ces forces bénéficient d’un soutien important, les socialistes révolutionnaires doivent s’attaquer aux causes profondes de l’oppression nationale sans succomber à des méthodes politiques réactionnaires qui, en fin de compte, servent à consolider les relations de pouvoir existantes. Il ne peut y avoir de libération pour certains sans libération pour tous : pour réussir, la lutte doit être anti-sectaire, internationaliste, féministe, anti-impérialiste, anticapitaliste et donner la priorité à la participation démocratique de masse – autant de qualités dont ces organisations sont malheureusement dépourvues. De plus, leurs attaques aveugles contre les civils israéliens et leur collaboration avec le régime despotique iranien – celui-là même qui a brutalement écrasé le mouvement « Femme, Vie, Liberté » – contribuent à renforcer la propagande sanguinaire de Nétanyahou et de la bande de bouchers qui font pleuvoir la terreur sur Gaza et le Liban.

    Notre lutte doit viser non seulement l’assaut militaire de l’État israélien, mais aussi tous ceux qui le soutiennent, toutes les puissances impérialistes dont les intérêts particuliers font partie intégrante du bain de sang qui engloutit actuellement le Moyen-Orient, et tous les régimes autoritaires et oppressifs de la région – y compris l’Iran et la Turquie – qui se soucient davantage de leur propre richesse et de leur survie politique que du sort des masses palestiniennes.

    Ensemble, la complicité effective des régimes arabes dans l’autorisation des actions barbares d’Israël à Gaza et leur perpétuation de la violence d’État et de la misère chez eux, pourraient alimenter un mélange puissant susceptible de déclencher de nouveaux soulèvements dans toute la région. En octobre, le régime égyptien d’al-Sissi a augmenté les prix des carburants pour la troisième fois cette année dans le cadre de « réformes structurelles » plus larges imposées à la demande du FMI après avoir réduit les subventions pour le pain en juin. Ces politiques ne font qu’accentuer la colère d’une population qui souffre déjà de graves difficultés économiques, tout en voyant leur gouvernement agir comme un facilitateur de facto de l’étranglement du peuple palestinien. « Le deuxième printemps arabe se prépare, sans aucun doute, mais tous les moteurs sont toujours là : la pauvreté, la corruption, le chômage, le blocage politique et la tyrannie », a déclaré Oraib Al Rantawi, directeur du Centre d’études politiques d’Al-Qods, basé à Amman. Bien que les rues du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord semblent actuellement dominées par des sentiments de démoralisation et d’impuissance, les événements horribles qui se déroulent à Gaza et au Liban continuent d’agir comme un catalyseur pour une accumulation moléculaire mais constante de rage de masse et de radicalisation – qui pourrait éclater de la manière la plus explosive et, si elle est organisée efficacement, devenir un puissant levier pour arrêter la spirale de la machine de mort du régime israélien et de ses soutiens impérialistes.

    Pendant ce temps, à travers le monde, bien qu’avec des fluctuations et des degrés d’intensité variables, des millions de personnes se sont levées par défi, en manifestant, en boycottant, en faisant grève, en occupant. Des actions menées par des étudiants et des travailleurs universitaires – parfois soutenus par des syndicats, y compris par des grèves comme celle des United Automobile Workers (UAW) aux États-Unis – ont appelé les universités à rompre tous leurs liens avec l’État d’Israël. Ces actions ont permis de démasquer les mensonges de la classe dirigeante – qui a généralement répondu par une violente répression policière contre les campements – et de populariser la question du contrôle démocratique par les étudiants et les travailleurs de la gestion et de l’utilisation des fonds de leurs universités.

    Rien qu’à Londres, 300.000 personnes ont envahi les rues à la suite de l’invasion du Liban. Fin septembre, une grève générale de 24 heures « contre le génocide et l’occupation en Palestine » a été organisée dans l’État espagnol à l’appel de plus de 200 syndicats et ONG, accompagnée de manifestations de masse dans tout le pays. C’est la voie à suivre : pour obtenir les résultats les plus tangibles, nous devons frapper au cœur des profiteurs de guerre et des États impérialistes, en ciblant leurs fonctions et leurs profits, et donner un nouveau souffle à l’appel initial des syndicats palestiniens au mouvement ouvrier mondial, appelant à la solidarité contre le génocide à Gaza – et maintenant l’assaut sur le Liban et la poursuite de l’escalade de la guerre dans la région.

    Les dockers grecs ont récemment bloqué les livraisons d’armes à Israël, les travailleurs de Google et de Microsoft se sont révoltés contre le partenariat de leur entreprise avec le gouvernement et l’armée israéliens, les travailleurs des hôpitaux parisiens ont manifesté en solidarité avec leurs homologues soumis à un blocus à Gaza, et la campagne « Arrêtez d’armer Israël » s’est poursuivie, aux militants français de « Stop Arming Israel » qui ont distribué des tracts dans plusieurs usines d’armement françaises qui soutiennent le génocide israélien afin de nouer des liens avec les travailleurs de l’industrie, aux appels publics des syndicats français CGT STMicroelectronics et CGT Thales pour que leurs entreprises respectives cessent de faire des affaires avec Israël… ces innombrables actes de solidarité de la classe ouvrière doivent être amplifiés partout où cela est possible, en particulier dans les secteurs stratégiques qui sont au cœur du fonctionnement de la machine de guerre israélienne. Aussi stimulantes que soient ces actions, les syndicats et les organisations de travailleurs du monde entier pourraient et devraient faire beaucoup plus pour mobiliser activement leurs membres, dénoncer la complicité de leurs gouvernements dans les atrocités en cours et libérer toute la puissance de la classe ouvrière par une action de masse audacieuse et coordonnée.

    Cette lutte doit également s’étendre aux travailleurs et aux jeunes de l’État d’Israël, en les exhortant à utiliser leur pouvoir et à tirer parti de leur travail pour bloquer la machine de guerre et affronter ce qui est objectivement – même si ce n’est pas encore consciemment reconnu – un ennemi commun. Nous saluons et sommes pleinement solidaires de tous ceux qui, à l’intérieur de la ligne verte, prennent des mesures audacieuses pour s’opposer au régime de Nétanyahou et à l’ensemble des forces politiques qui soutiennent cette guerre d’extermination contre les Palestiniens.

    Incontestablement, des contradictions majeures compliquent ce processus. Par exemple, la courte grève générale du 2 septembre s’est produite non pas à cause mais en dépit de la direction de la Histadrout, dont le président nationaliste de droite Bar-David, en décembre 2023, a signé de manière dégoûtante un obus destiné à être utilisé pour bombarder la bande de Gaza, avec l’inscription suivante : Le peuple d’Israël vit. Salutations de la Histadrout et des travailleurs d’Israël. La grève a également été soutenue par une partie de la classe capitaliste israélienne, pour ses propres intérêts. Quant au mouvement « Deal now », il a reflété une conscience profondément conflictuelle et contradictoire, et son soutien a été considérablement affaibli par l’attaque contre le Liban. Malgré ces difficultés, la grève et les manifestations « Deal now » ont laissé entrevoir le rôle que les travailleurs israéliens pourraient jouer à l’intérieur de la ligne verte pour soutenir la lutte contre le génocide à Gaza, la guerre au Liban, la violence des colons et des militaires en Cisjordanie occupée, ainsi que la politique du régime israélien en général. Les socialistes révolutionnaires ont pour tâche essentielle d’encourager activement ce processus et de démasquer la rhétorique trompeuse de la sécurité et de l’autodéfense que la classe dirigeante israélienne exploite pour déguiser un agenda qui ne conduit qu’à plus d’insécurité, d’austérité et d’effusion de sang pour toutes les parties impliquées.

    En fin de compte, la lutte pour la libération de la Palestine est inséparable de la lutte globale contre le capitalisme, un système axé sur le profit privé qui engendre des guerres, la dévastation de l’environnement et d’obscures inégalités. Dans ce système, les technologies les plus avancées de l’humanité sont exploitées non pas pour améliorer la vie mais pour l’anéantir à une échelle génocidaire, tandis que les appareils les plus perfectionnés permettent de diffuser en direct les actes de violence les plus primitifs et les plus déshumanisants à des millions de personnes. L’urgence d’une transformation révolutionnaire n’a jamais été aussi claire. Il est essentiel de renverser ce système destructeur pour récupérer les immenses richesses et ressources de la société, y compris celles qui sont actuellement canalisées vers le massacre de masse et la ruine de Gaza. Ce n’est que par le biais d’un programme socialiste visant la propriété et le contrôle collectifs des moyens de production et défendant les droits de toutes les communautés nationales et religieuses à la pleine égalité et à l’autodétermination que nous pourrons jeter les bases d’un avenir où la paix, la sécurité et la prospérité seront garanties à tous les peuples.

  • Podcast “Marx, la lutte et nous” : retour sur les élections locales

    Une séquence électorale générale est maintenant derrière nous, avec la tenue des élections sociales et celle des élections fédérales, régionales et européennes en juin, puis des communales et des provinciales ce mois d’octobre. Comme nous l’avions développé dans notre déclaration intiale du 16 octobre, à mesure que la “fête de la démocratie” devient un simulacre vide de sens, toujours plus de gens s’en détournent. Quelles sont toutesfois les enseignements à en tirer dans la perspective des luttes sociales à venir ? Nous vous invitons à participer à cette discussion, en écoutant ce podcast et en nous faisons parvenir vos réactions et suggestions !

  • Repoussons la menace avec un plan d’action et la construction d’un mouvement de masse!

    Les négociations pour un gouvernement fédéral « Arizona » sont dans l’impasse. La « super-note » de De Wever a été balayée de la table. Non pas en raison des terribles attaques antisociales qu’elle comprenait, mais parce qu’une petite contribution symbolique de la part des plus riches était de trop pour le MR. L’entente était par contre unanime concernant la “nécessité” de mesures antisociales drastiques. Les négociations reprendront sérieusement une fois les élections communales passées.

    Le député européen Johan Van Overtveldt (NVA) a explicitement déclaré au début de l’année politique à l’organisation patronale flamande Voka que la super note n’avait en rien disparu. “Si l’on veut réformer et assainir notre pays, il y a des choses que l’on ne peut pas éviter. Sinon, un accord de coalition n’a aucun sens”. Bart De Wever a lui-même été très clair : tout revient sur table le 14 octobre.

    Le patronat partage le constat. Et en réclame davantage. Pierre Wunsch, gouverneur libéral de la Banque Nationale, a déclaré que la super-note n’était pas suffisante. “Il y a une volonté claire de mettre en œuvre certaines réformes”, s’est-il réjoui, avant de souligner qu’il fallait viser encore plus de mesures d’austérité et de nouveaux impôts. Aux frais de qui? Certainement pas de ses amis actionnaires.

    Les propositions contenues dans la super note de De Wever sont révoltantes. La FGTB évoque “la plus grande régression sociale depuis 80 ans”, la CSC explique quant à elle que la super-note est “surtout super pour les super riches”. Tout cela est vrai. Attaques contre les malades, les chômeur.euse.s, les pensions, les salaires, la représentation des travailleurs, les services publics, le secteur des soins, la politique scientifique… c’est toute la classe travailleuse qui est frappée de plein fouet. L’énumération de la totalité de ce catalogue des horreurs nécessiterait d’y consacrer l’ensemble de ce journal.

    Cette austérité draconienne rappelle immanquablement le néolibéralisme de Margaret Thatcher des années 1980. À cela s’ajoute une propagande qui fait porter la responsabilité de la pénurie de moyens aux réfugié.e.s, chômeur.euse.s et malades. C’est bien pratique pour détourner l’attention sur la concentration des richesses aux mains d’une petite minorité de capitalistes. Avec Bouchez et Francken, les politiques thatchériennes sont doublées d’une bonne dose de haine de l’autre que ne renierait pas Donald Trump.

    Organisons la riposte dès maintenant!

    Plus vite nous organiserons notre riposte contre ces projets, plus nous serons fort.e.s. Ces dernières années, le mouvement ouvrier a fait l’expérience de mouvements de lutte remarquables.

    Le mouvement de 2014 contre le gouvernement de Charles Michel a montré la puissance d’un plan d’action en escalade. Ce gouvernement de droite dirigé par la N-VA et le MR était lui aussi uni dans sa détermination à s’en prendre aux salaires et aux pensions, entre autres. Une concentration syndicale militante fut le prélude à une manifestation nationale de masse, à une tournée de grèves provinciales et finalement à une grande grève générale nationale. Les dates étaient connues à l’avance, chaque journée d’action était un tremplin vers la prochaine. Le mouvement a gagné en enthousiasme et en puissance, attirant à lui le soutien des jeunes, des artistes, mais aussi d’une foule d’indépendant.e.s.

    La manifestation de masse n’était pas un point final à la lutte, mais seulement le coup d’envoi d’un automne chaud, avec 150.000 participant.e.s. La grève générale nationale du 15 décembre 2014 fut la plus importante depuis des décennies. Les grèves étaient fortes, d’autant plus lorsqu’elles avaient été préparées par des assemblées du personnel. Cette implication de la base s’est également reflétée dans le nombre record de candidat.e.s aux élections sociales qui ont suivi, en 2016. Le mouvement a eu un impact majeur sur l’opinion publique: une large majorité de la population se prononçait dans tout le pays en faveur d’un impôt sur la fortune. Tout au long du mouvement, le PTB a renforcé son implantation au sein de la classe travailleuse et a posé les jalons d’une plus grande représentation dans les parlements et conseils communaux du pays.

    Malheureusement, il n’y a pas eu de deuxième plan d’actions pour poursuivre la dynamique en la portant à un niveau plus élevé. Le gouvernement a vacillé, mais il a pu profiter du répit pour se remettre sur pied. Il ne pouvait toutefois pas faire ce qu’il voulait! Des actions de masse successives ont permis d’enrayer l’imposition d’un système de “pension à points”. L’élan vers ces actions avait été assuré par plusieurs initiatives, dont celle d’un “journal des pensions”, imprimé à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires et largement distribué dans les entreprises et parmi le grand public.

    Face à la pire régression sociale depuis 80 ans, revendiquer “plus d’équilibre” ne suffira pas. Journaux d’information, assemblées militantes régionales, assemblées du personnel… permettent de lancer un plan d’action avec des grèves soigneusement préparées pour repousser les attaques. Il faut des mots d’ordre à la hauteur des enjeux, reposant sur l’unité dans la lutte et la solidarité active.

    Une faiblesse qui a également joué un rôle non négligeable dans l’absence d’un deuxième plan d’action après celui de fin 2014 était la question de l’alternative. Si nous limitons cette question à ce qui est possible aujourd’hui avec les partis dominants et dans le respect des règles budgétaires construites pour faire tourner la machine à profit, nous n’arriverons à rien. Avec un rapport de forces favorable, ce que la propagande capitaliste déclare impossible devient soudain possible. Ce n’est pas autrement que le mouvement ouvrier est parvenu à arracher le suffrage universel et la Sécurité sociale.

    Nos revendications et notre alternative sont plus fortes si elles sont portées par le plus grand nombre possible de collègues. Lors des réunions du personnel, il ne faut pas seulement donner des informations et organiser les actions, c’est l’endroit idéal pour soulever ce qui est nécessaire comme mesure dans son entreprise, son secteur, son service public. C’est ainsi que l’on peut impliquer les collègues dans l’élaboration société qui répond aux besoins du terrain et non aux diktats du marché.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop