L’action de solidarité avec le personnel soignant de Gaza et du Liban organisée à l’hôpital Saint-Pierre le 22 novembre nous a permis d’entendre Ondine Dellicour, qui travaille pour le service de Santé mentale Ulysse, situé à Bruxelles, qui est spécialisé dans l’accompagnement psychologique de personnes exilées, plus spécifiquement celles en précarité de séjour et en souffrance. Nous reproduisons ici sa prise de parole.
“La majorité de nos patients sont en cours de demande de protection internationale ou se sont vu refuser cette protection et se retrouvent donc “sans-papiers”. Parmi nos patients, il y a toujours eu des personnes palestiniennes, majoritairement de jeunes hommes qui fuient des persécutions comme l’emprisonnement, les tortures, les crimes militaires, la ségrégation ethnique, l’oppression économique, sociale et politique systématique. Autant de violences qui peuvent laisser des séquelles, tant au niveau somatique que psychologique.
“Fin 2023 et début 2024, le nombre de demandes d’aide psychologique de personnes d’origine palestinienne dans notre service a fortement augmenté. Aussi, nous avons pu voir leur état de santé se dégrader de manière spectaculaire, une situation que nous n’avions jamais vécue auparavant, ce qui nous a poussé à prendre position en tant qu’institution de soin.
“D’abord, nous avons publié une lettre ouverte en novembre 2023 pour alerter les autorités de notre inquiétude quant à la détérioration flagrante de l’état psychologique des patients palestiniens. Nous disions alors que l’effroi et le désespoir engendrés par la situation de violence extrême à Gaza, cumulé à l’absence d’accueil et de protection en Belgique, ont des effets délétères graves sur la santé mentale des patients concernés.
“A l’époque déjà, nous mettions en avant la nécessité que des solutions soient urgemment mises en place aux niveaux de l’hébergement, de l’accompagnement psychosocial et du droit de séjour de ces personnes, condition sine qua non pour que nous puissions accomplir nos missions de soin.
“Quelques mois plus tard, face à l’absence de réaction des autorités compétentes, nous avons décidé de nous porter partie requérante dans une action collective en justice contre l’État belge concernant le délai de traitement des demandes de protection internationale des ressortissants palestiniens. L’argument juridique au centre de cette requête était de faire valoir l’état d’urgence pour justifier un traitement accéléré de ces demandes. La situation à Gaza est clairement connue du monde entier, pourquoi attendre?
“Le besoin de protection est flagrant ! Il faut que ça aille vite et que les Palestiniens qui ne sont pas encore reconnus réfugiés n’aient pas à attendre des mois, voire des années, comme c’est malheureusement le cas pour toute personne qui sollicite cette protection. Nous avons invoqué, avec les autres parties requérantes, à la fois la violence extrême et généralisée à Gaza et la situation de détresse extrême dans laquelle se trouvent les palestinien.nes présent.e.s ici, qui ont tous de la famille là-bas, et qui vivent une violence supplémentaire sans reconnaissance de leur statut de réfugié. Bien que les autorités judiciaires aient reconnu l’urgence de cet état, elles ne reconnaissent pas la nécessité d’une procédure accélérée.
“Nous avons été déçus, scandalisés même, par l’issue de cette action en justice, mais nous sommes convaincus de l’importance des actions collectives ! Même si nous n’avons pas gagné, cette action n’a pas été sans effets. Pour un service comme le nôtre, le fait de pouvoir participer à ce type d’action nous a permis de sortir de la sidération et de nous mobiliser avec d’autres! Ça permet aussi d’exercer une pression sur l’État et les autorités compétentes en leur rappelant qu’on est là, qu’on est plusieurs et qu’on ne les laissera pas faire n’importe quoi ! Enfin, après des mois de gel de traitement des dossiers palestiniens, nous constatons sur le terrain de nombreuses décisions de reconnaissance du statut de réfugié… Cette action collective y a peut-être joué un rôle, parmi un ensemble d’initiatives de solidarité et de pressions.
“Tout ça pour dire que la solidarité avec les soignants de Gaza et du Liban passe aussi par la qualité de l’accueil et des soins que nous pouvons offrir à leurs compatriotes qui se trouvent ici et à la pression que nous pouvons exercer ensemble sur nos pouvoirs publics pour que nous ayons les moyens de le faire !
La victoire de Donald Trump représente-t-elle un moment “Weimar”, en référence au nom de la république qui a précédé l’accession au pouvoir d’Hitler ? Un fasciste arrivera-t-il au pouvoir avec l’investiture de Trump comme 47e président pour les États-Unis ?
Par Stef (Anvers)
Fasco-bingo
En apparence, Trump, son mouvement MAGA (Make America Great Again) et le “Projet 2025” peuvent cocher un grand nombre de cases. Ils crachent sur tout ce qui est progressiste, sont ultranationalistes, s’en prennent aux femmes, aux personnes immigrées et aux droits des personnes LGBTQIA+, prêchent la vengeance contre leurs adversaires politiques et n’hésitent pas à recourir à la logique conspirationniste. Trump bénéficie du soutien d’un large segment de la classe capitaliste américaine. L’administration précédente de Trump a fait de son mieux pour repousser les syndicats. Parallèlement, ils affirment qu’ils ramèneront les jours de gloire, l’emploi et la prospérité.
L’extrême droite applaudit Trump, sa confiance gonflée par cette victoire. Mais les partisans du magnat de l’immobilier sont-ils tous gagnés à l’idée d’un Quatrième Reich en Amérique? Se limiter à conclure que Trump a gagné cette élection grâce à ses opinions conservatrices, cela sert les Démocrates qui tentent d’imputer leur défaite au rejet du “wokisme”. Les électeur.trice.s américain.ne.s cherchent une issue face à l’effondrement de leurs conditions de vie. D’ailleurs, dans un certain nombre d’États où Trump a réussi à s’imposer, des référendums ont au même moment renforcé le droit à l’avortement ou encore augmenté le salaire minimum local.
Des projets d’expulsions racistes
Ces dernières années, Trump et ses semblables sont passés à la vitesse supérieure en matière de racisme. Tous les “illégaux” doivent être expulsés du pays, l’Amérique doit “rester blanche”. On estime à 11 millions le nombre de personnes sans papiers aux États-Unis, dont 7 millions travaillent. Trump envisage même de déchoir de leur citoyenneté des personnes immigrées régularisées. L’interdiction de l’immigration en provenance des pays musulmans menace à nouveau.
Les projets d’expulsion de millions de personnes impliquent inévitablement de séparer (à nouveau) les enfants de leurs parents, de détruire les communautés et de porter un coup énorme à divers secteurs de l’économie. La seule façon d’organiser une telle déportation est de facto d’organiser des camps de concentration. Dans l’UE, quelque 100.000 demandeurs d’asile sont expulsés chaque trimestre et, là aussi, il y a des centres fermés et des frontières avec barbelés… Le racisme est enraciné dans le capitalisme.
Autoritaire, mais pas bagarreur
Trump est une figure autoritaire populiste de droite. Sous sa direction, la droite s’emploie à interdire les livres, à sanctionner les enseignant.e.s, à restreindre les droits des femmes, à interdire les soins d’affirmation de genre et à brider les syndicats. Les attaques contre les médias et les opposants politiques sont légion, bien qu’elles s’en tiennent le plus souvent aux menaces verbales.
Pourtant, Trump prend quelque peu ses distances avec les manifestations les plus visibles de l’extrême droite. Il les laisse faire, mais ne s’entoure pas de milices privées et ne les déploie pas activement comme troupes de choc. Seule exception: la prise d’assaut du Capitole le 6 janvier 2021. Bien que Trump porte sans aucun doute la responsabilité de cet assaut, il ne s’agissait pas d’une tentative bien coordonnée de prise de contrôle de l’État.
La refonte de la bureaucratie de l’État figure en tête de l’agenda du second mandat de Trump. Il souhaite remplacer les fonctionnaires par des loyalistes. Lors de son précédent mandat, il avait déjà pris un décret pour licencier 50.000 fonctionnaires. Au Pentagone aussi, Trump est libre de remplacer les hauts gradés de l’armée par des généraux qui ne se tiendront pas au travers de sa route.
Un gouvernement de riches
Le fascisme classique a mobilisé de larges pans de la population avec une rhétorique faussement anticapitaliste pour ensuite établir une sanglante dictature de fer pour sauvegarder la domination capitaliste. En tant que mouvement principalement composé de la classe moyenne aisée, le fascisme de Mussolini et d’Hitler a été perçu à leur époque comme le parfait sauveur du capitalisme. Ils ont protégé le système en écrasant physiquement les organisations ouvrières et en réprimant violemment la moindre opposition. Aux États-Unis également, à l’époque, certains secteurs du grand capital étaient favorables au fascisme afin d’empêcher la mise en œuvre du New Deal de Roosvelt. Mais après l’expérience du fascisme dans les années 1930 et 1940, les capitalistes réfléchiront à deux fois avant de s’engager dans une voie aussi redoutable.
Trump n’est pas particulièrement synonyme de discrétion, ce qui vaudra aussi pour son soutien au capital. Trump et sa bande ont tenté de faire reculer l’Affordable Care Act (la Loi sur la Protection des Patients et les Soins Abordables) et ont bloqué diverses augmentations du salaire minimum dans les États. Trump veut faire pleuvoir les réductions d’impôts sur la classe capitaliste. Il veut que le kleptocrate Elon Musk réduise de 500 milliards de dollars le fonctionnement des services fédéraux. Les capitalistes américains sont clairement aux commandes. De même, les attaques contre les personnes transgenres ne sont nouvelles que dans le sens où le genre n’était pas sur le radar des Républicains il y a 20 ans. Au niveau des États, ils s’opposent même encore au mariage homosexuel. La puissance culturelle et institutionnelle du MAGA rend inévitable l’intensification des attaques. Nous l’avons déjà constaté dans plusieurs États et avec l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade (l’arrêt de la Cour Suprême des États-Unis qui garantissant l’accès à l’avortement).
Les projets de Trump et du mouvement MAGA comportent des éléments fascistes. Mais à bien des égards, ces plans s’inscrivent parfaitement dans l’ordre actuel des choses dans le pays. Là où Trump rompt avec les traditions de son parti, c’est principalement dans la manière dont les États-Unis mènent leur politique impérialiste. L’expansionnisme a toujours été inhérent à la politique étrangère traditionnelle des États-Unis. Trump, en revanche, prêche la suprématie économique avant tout. Lorsqu’on lui demande s’il défendrait Taïwan contre la Chine, par exemple, sa réponse est beaucoup moins claire que celle de ses prédécesseurs.
Trump : “Aussi américain que la tarte aux pommes”, tout comme la résistance
Présenter Trump comme un fasciste alors que, disons, l’esclavagiste Andrew Jackson ou George Bush ne le sont pas, revient au fond à blanchir l’histoire politique américaine. Le capitalisme américain soutient invariablement des régimes d’extrême droite et a imposé une ségrégation stricte à son propre peuple. Cela dit, un second mandat de Trump est une véritable menace pour les droits démocratiques de la classe travailleuse. Les attaques contre la fonction publique, la société civile et les mouvements sociaux ne manqueront pas.
Organiser des milices pour les déployer dans les rues et assister les plans de déportation, par exemple, générerait sans aucun doute une riposte antiraciste majeure. A fortiori si ces milices privées étaient déployées contre des manifestant.e.s, des syndicalistes, des Prides… Trump n’a pas à avoir peur des Démocrates et de l’establishment, mais bien des explosions massives de colère et des mouvements sociaux. N’oublions pas que Black Lives Matter a atteint son apogée au moment où Trump était président.
Arrêter Trump et ses attaques est possible si la classe travailleuse s’organise dans des syndicats et des comités d’action. La classe travailleuse américaine a derrière elle une riche histoire de résistance. C’est à partir de là que l’opposition politique doit se développer. Trump a remporté l’élection en raison de l’inquiétante incertitude économique et de la colère de larges pans de la population. Il ne dispose d’aucune réponse face à tout ça. Mais mettre un terme au trumpisme exigera bien plus que de recourir une nouvelle fois au “moindre mal” dans quatre ans. Il faudra développer un mouvement révolutionnaire, rien de moins.
Récemment, j’étais assis en classe et un camarade m’a dit : “Le libéralisme n’a pas d’avenir”. Cela m’a fait réfléchir. Bien sûr, en tant que socialiste anticapitaliste, je ne crois pas vraiment à un avenir libéral. (C’est un euphémisme !) Mais il est frappant de constater le peu de confiance qu’il reste dans le système capitaliste actuel. Il y a les catastrophes climatiques dans le sud de l’Europe, l’hypocrite crasse à l’égard du Moyen-Orient, la réélection de Trump aux États-Unis. Plus près de nous, on constate aussi comment le monde politique favorise les promoteurs immobiliers et les autres élites au détriment de celles et ceux qui font tourner la société.
Par Milan (Anvers)
Les inondations en Espagne ont une fois de plus souligné les conséquences de l’inaction climatique due au fonctionnement du capitalisme. Le libéralisme n’offre aucune solution dans ce domaine. Capitalisme et climat sont incompatibles. Pour le capitaliste, la nature est mieux morte que vivante. La nature vivante ne peut pas être vendue, mais les matières premières peuvent l’être. Bien que 70 % des émissions mondiales proviennent de l’activité d’une poignée de multinationales, celles-ci font tout leur possible pour rejeter la responsabilité du changement climatique sur les consommateurs. Pendant ce temps, ces mêmes multinationales polluantes sont passées maîtres dans l’art de l’écoblanchiment. Elles ne sont que trop heureuses de montrer à quel point elles sont “à l’épreuve du temps”. Alors oui, c’est du grand n’importe quoi. Mais pas de stress. Le Sommet annuel sur le climat devrait résoudre ce problème. Il a eu lieu cette année en Azerbaïdjan. Un pays qui dépend à plus de 90% des exportations de pétrole.
Aux États-Unis, Donald Trump a été réélu. Les Américain.ne.s ont élu à la présidence une personne condamnée pour agression sexuelle. Comment expliquer que tant d’Américain.ne.s voient leur salut dans un personnage qui méprise autant l’idée de démocratie ? Dans cette bataille électorale, une super-néolibérale affrontait un populiste d’extrême droite (par ailleurs lui aussi super-néolibéral), tous deux aussi impérialistes l’un.e que l’autre. La position pro-israélienne des Démocrates a sérieusement écorné l’image de supériorité morale entretenue par le parti. Pas mal d’électeur.trices de gauche sont resté.e.s à la maison, dégoutté.e.s par la perspective d’avoir à voter pour la vice-présidente de “Génocide Joe”. Il y a peu, certain.e.s plaçaient leurs espoirs dans une aile gauche au sein du Parti démocrate, comme Alexandria Ocasio-Cortez. Mais cette “aile gauche” est complètement tombée dans le piège de l’impérialisme israélien et de lobbys pro-israéliens comme l’American Israël Public Affairs Committee. Par ailleurs, le “rêve américain” capitaliste est synonyme d’enseignement ou de soins de santé impayables pour une couche grandissante de la population. On dirait que la classe dominante fait tout pour maintenir la population dans un état de faiblesse permanent. La victoire de Trump est l’expression d’un capitalisme en déclin. Ou même en chute libre.
Les Démocrates américains ne sont pas les seuls à entretenir un sentiment de supériorité morale parfaitement déplacé. En Europe, les dirigeants capitalistes pourraient aussi agir. Alors qu’il existe aujourd’hui 12 paquets de sanctions en vigueur contre la Russie, il n’y a aucune sanction contre Israël. Les défenseurs du régime israélien abusent du terme “antisémitisme” à l’encontre de toutes celles et ceux qui critiquent le régime colonial pour balayer d’un revers de la main les crimes de guerre commis en Palestine et au Liban.
Plus près de nous, le néolibéralisme n’apporte rien de bon non plus. À Anvers, la ville où je vis et étudie, les trams et les bus sont bondés, c’est à se demander comment ils tiennent le coup. Les loyers des kots ou des appartements coûtent les yeux de la tête, tout est fait pour cajoler les promoteurs immobiliers. La ville compte de plus en plus de sans-abri. Est-ce là la “Flandre chaleureuse” que défend la majorité communale d’Anvers et les gouvernements ? Est-ce là la prétendue efficacité qu’apporte le libéralisme ?
Leur système est cassé et irréparable. Pour le bien de la majorité de la population et de la planète, il faut un autre système. Une société socialiste dans laquelle nous prenons notre avenir en main !
Redoutant la victoire de Donald Trump, les partis Verts européens, parmi lesquels ECOLO, ont demandé à l’écologiste radicale américaine Jill Stein de retirer sa candidature pour donner le maximum de chances à Kamala Harris. Ce fut l’une des expressions de l’angoisse réelle de millions de personnes à travers le monde face à l’agenda autoritaire, raciste et misogyne de Trump. Mais regardons la réalité en face: reposer sur les Démocrates pour battre le trumpisme revient à scier la branche sur laquelle on est assis.
De ce côté-ci de l’Atlantique, la situation a régulièrement été caricaturée à l’extrême: un homme blanc raciste opposé à une femme noire. La formule-choc ne permet toutefois pas de comprendre pourquoi la majorité de ses électeurs – 59% – sont des femmes ou des personnes de couleurs. Aussi étrange que cela puisse paraître au premier abord, l’électorat de Trump s’est féminisé et diversifié.
L’héritage de quatre ans de présidence démocrate
Le professeur de sociologie à l’ULB Daniel Zamora soulignait au lendemain des élections que “plus d’un tiers des électeurs ont indiqué que l’économie était leur priorité numéro un, alors que seuls 11% ont indiqué l’immigration. Et parmi ceux inquiets quant à l’état de l’économie, 80% ont préféré Donald Trump à Kamala Harris. Enfin, à peine 20% des États-uniens pensent qu’ils sont mieux lotis qu’en 2020.”(1)
Il poursuit : “La focalisation autour du “danger fasciste” et d’une éventuelle “fin de la démocratie” (…) a malheureusement fait oublier que c’est en focalisant son message sur l’économie que Biden l’avait emporté il y a quatre ans.” Et quatre ans plus tard, que reste-t-il des belles paroles? Joe Biden avait averti du risque d’exclusion de 20 millions de personnes de l’assurance-maladie publique en cas de victoire de Trump. Il y en a eu 25 millions avec Biden. Les expulsions de domiciles ont aujourd’hui dépassé le niveau pré-pandémie et il n’y a jamais eu autant de sans-abris. Mais en Europe, la plupart des commentateurs de la presse dominante ont parlé des “bons chiffres macro-économiques” de Biden en déplorant que le “ressenti de la population” soit différent. On leur souhaite de passer une nuit sur le trottoir pour venir ensuite nous parler de leur “ressenti” économique.
Pas d’augmentation de salaire quand on cajole les milliardaires
L’idée centrale de Kamala Harris et des Démocrates était de partir à la chasse à l’électorat républicain anti-Trump. Le parti démocrate n’est déjà pas un parti de gauche à la base, mais ce fut sa campagne la plus à droite depuis longtemps, alliant une approche de faucon sur la scène internationale à un vide sidéral sur le terrain social.
Kamala Harris s’est ainsi affichée à de nombreuses reprises aux côtés de la Républicaine Liz Cheney. Cette recrue démocrate est notamment la fondatrice de l’association nationaliste Keep America Safe, dont l’objectif était entre autres d’attaquer les avocats des détenus du camp de Guantánamo. Si celle-ci s’est opposée à Trump, c’est essentiellement au nom de la défense de l’héritage politique de son père, Dick Cheney, PDG de la multinationale pétrolière Halliburton et vice-président des États-Unis au moment de l’invasion de l’Irak, sous l’administration George W. Bush. Encore plus dans le contexte du soutien sans faille apporté par Kamala Harris au régime israélien, on peut comprendre pourquoi tant d’arabo-américains et de musulmans étaient furieux.
Pour tenter de contrer l’effet “Elon Musk”, les démocrates ont affiché le soutien du très médiatique milliardaire Mark Cuban, qui a notamment souligné : “Je suis socialement libéral, mais fiscalement conservateur (…). Et je pense que le vice-président Harris correspond parfaitement à notre mission”.
L’augmentation du salaire minimum figure parmi les thèmes majeurs des campagnes syndicales depuis de nombreuses années aux États-Unis. Le salaire minimum fédéral est actuellement de 7,25 dollars de l’heure. Dans le sillage de diverses campagnes locales victorieuses sur cette question, Biden avait promis en 2020 de relever le salaire minimum fédéral à 15 dollars à l’heure et de renforcer, via la législation fédérale, la capacité d’organisation et de négociation collective des travailleur.euse.s. Rien de tout cela n’a été fait. Ce n’est que du bout des lèvres, et à la toute fin de sa campagne, que Kamala Harris a accepté ce chiffre symbolique (désormais largement dépassé en raison de l’inflation). Lors de ses 35 apparitions publiques, elle n’a mentionné que deux fois l’augmentation du salaire minimum, sans jamais donner d’indication précise concernant le montant.
Comme l’explique Daniel Zamora : “Si plus de 81 millions d’Américains ont voté pour Joseph Biden, seuls 68 millions se sont mobilisés pour Kamala Harris. Trump, quant à lui, a mobilisé presque autant qu’en 2020. En un sens, il s’agit plus d’une défaite historique du parti démocrate que d’une victoire de Trump.”
Aspiration au changement et cri de désespoir
Tout cela n’enlève rien au fait que la victoire de Trump est une victoire du racisme et de la misogynie. Celle-ci ancrera encore plus profondément la haine de l’autre dans l’aliénation de larges couches vis-à-vis de la société. L’absence de perspective d’amélioration des conditions d’existence et d’une lutte collective alimente les frustrations. Et lorsqu’on se retrouve aux prises avec un angoissant sentiment d’impuissance, il est plus facile d’imaginer frapper vers le bas, vers les plus faibles, que vers le haut et le monde des puissants. C’est cela qui permet d’expliquer qu’aux États-Unis, une si grande partie des personnes issues de l’immigration y soient aujourd’hui opposées.
Stimuler cette lutte collective pour arracher des victoires est un enjeu crucial dès maintenant : il ne faut pas pleurer, mais s’organiser, comme le disait le syndicaliste révolutionnaire Joe Hill. Il n’y a pas d’autre remède que la construction d’une alternative politique reposant sur l’action collective, fermement accrochée à une approche de classe et qui défend toutes les personnes opprimées avec autant d’acharnement que les Démocrates et les Républicains défendent, chacun à leur manière, la classe capitaliste dominante.
Laissons une dernière fois la parole à Daniel Zamora : “Loin d’être une anomalie, le trumpisme apparait donc comme le symptôme le plus visible d’un libéralisme en décomposition et, dans sa version européenne, d’une gauche encore incapable d’inverser le cours de l’histoire.” Renverser le cours de l’histoire, c’est là toute l’ambition que doit avoir la gauche, vers une transformation révolutionnaire de toute la société. Sans cela, l’avenir nous réservera encore pire que Trump. Gardons en tête qu’il était difficile à l’époque d’imaginer pire que Bush…
“La victoire de Trump, par-delà les fantasmes”, Daniel Zamora, revuepolitique.be, publié le 7 novembre 2024.
C’était le tout dernier argument du PS: un vote pour le PTB, c’était un vote inutile puisqu’il refusait “de prendre ses responsabilités”. Maintenant ça y est, c’est fait, le PTB a “pris ses responsabilités”, au moins à Mons et à Forest au moment d’écrire ces lignes, en attendant Molenbeek et peut-être aussi Schaerbeek.
Article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste
On ne va pas trop s’attarder sur la colère noire de George-Louis Bouchez, mais ne boudons pas notre plaisir, ça faisait tout de même plaisir à voir. Après sa victoire électorale aux élections fédérales de juin, le MR imaginait pouvoir s’installer confortablement au pouvoir partout. À Mons et à Forest, le MR a été éjecté de la majorité malgré sa progression. De rage, le MR a imposé en représailles une clause anti-PTB dans l’accord provincial MR / PS / Engagés à Liège. Cet accord serait brisé en cas d’alliance avec le PTB dans l’une des communes liégeoises. Pour rester dans la majorité provinciale, le PS a dû accepter cette humiliation inédite dans l’histoire politique belge. Cela s’explique notamment par la situation des finances communales et la recherche désespérée de relais aux échelons de pouvoir capables de venir en aide aux localités.
À Liège, donc, le PS s’est à nouveau allié à la droite dure, ce qui n’a pas empêché les banques de snober la ville ! Dans le cadre du plan régional Oxygène qui vise à assurer des prêts pour les villes et communes, la banque Belfius a accepté de prêter de l’argent à quatre grandes villes, mais pas à Charleroi, ni à Liège… ni à Mons. Et pour cette dernière, c’était une surprise, survenue à dix jours à peine de la conclusion de l’accord de majorité. Un hasard ? Pas vraiment. En prévision des élections régionales, Belfius avait déjà il y a quelque temps annoncé qu’elle couperait l’accès aux prêts à un éventuel gouvernement wallon comprenant le PTB. Le patron de la banque, Marc Raisière, fait par ailleurs partie de la “galaxie Bouchez” et est régulièrement consulté par le président du MR.
Rupture ou accent?
Ce ne sont que les premières indications de ce que la droite et le monde des affaires sont capables d’imposer par la force l’idée qu’il n’y a aucune alternative à la politique dominante. Écraser jusqu’à l’idée-même d’une alternative, c’était au cœur de la stratégie de la Commission européenne face à la Grèce quand le parti de gauche Syriza a pris la tête du gouvernement, jusqu’à sa capitulation face aux marchés.
La situation ne sera pas simple pour effectivement imposer un changement de politique au niveau communal. Molenbeek fait ainsi partie des onze communes bruxelloises actuellement sous plan financier de la Région: en échange de cette aide régionale, les communes doivent appliquer une politique budgétaire stricte. Et c’est Molenbeek qui connait la situation la plus grave, avec un déficit de 9 millions d’euros l’an dernier.
Commentant l’accord de majorité montois, le journaliste du Soir David Coppi soulignait que si le PTB parlait d’une politique de “rupture” pour entrer dans une majorité, il s’agit en réalité plutôt d’accents qui ne modifient pas l’orientation politique globale suivie ces dernières années. En Flandre, le PTB était déjà dans une majorité communale à Zelzate, et a imposé un impôt aux grandes entreprises implantées sur la commune. C’était une inclinaison différente – et positive – mais elle n’a pas fondamentalement changé la vie dans la commune. Aujourd’hui, le PTB a été dégagé de la majorité par son partenaire, Vooruit, après une légère perte de vitesse électorale sur place.
La plus grande prise de responsabilité à respecter, c’est celle d’organiser la lutte. À trop vouloir être respectable et rester dans le carcan permis par les institutions, l’espoir d’un changement risque bien de pourrir et de devenir cynisme et frustration. C’est le terreau idéal pour la droite et son langage de mise en concurrence de la misère, où l’on oppose notamment les chômeur.euse.s aux travailleur.euse.s précaires en les convaincant qu’au final, ce sont les allocataires sociaux les responsables d’à peu près tout.
La crise sociale que nous connaissons est déjà profonde. A Bruxelles, on s’attend à dépasser le nombre de 10.000 personnes sans abri. Les associations de terrain remarquent une augmentation de 20% tous les deux ans. Et ça, c’est avant l’avalanche de mesures antisociales qui nous fonce droit dessus. Il nous faudra nous battre pour défendre nos conquêtes sociales, la perspective d’en arracher de nouvelles renforcera ce combat, et très certainement aussi si nous répondons à la radicalisation de la droite en étant sans équivoque sur l’absolue urgence de renverser le système capitaliste pour instaurer une société qui mobilisera, et expropriera, toutes les capacités techniques nécessaires à la satisfaction des besoins de tou.te.s.
La Cour pénale internationale (CPI) de La Haye a émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Netanyahou et de l’ancien ministre israélien Galant. Lorsque la demande a été formulée au début de l’année 2024, elle visait également trois dirigeants du Hamas. Au moins deux d’entre eux ont entre-temps été tués par l’armée israélienne, et le troisième, Mohammed Deif, a probablement lui aussi été tué lors d’un bombardement. Le mandat d’arrêt parle de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, y compris l’utilisation de l’arme de la famine.
Netanyahou a déclaré qu’il s’agissait d’une “décision antisémite” basée sur des “accusations fausses et absurdes”. Les États-Unis l’ont immédiatement suivi et n’ont pas reconnu le mandat d’arrêt. Peu de temps avant, les USA s’étaient opposés à une résolution de cessez-le-feu au Conseil de sécurité de l’ONU. Et tout ceci avant même que Trump ne prenne le relais de la présidence de Biden. Le mandat d’arrêt est surtout symbolique, mais il vient en partie mettre à nu les mensonges colportés ici par la droite et l’extrême droite pour présenter le génocide comme une défense de la “démocratie” et des “valeurs occidentales”. Le régime israélien a répondu au mandat d’arrêt en bombardant massivement le Sud-Liban le 22 novembre.
Entre-temps, le génocide se poursuit. A Gaza, 1,9 million d’habitant.e.s ont dû fuir au cours de l’année écoulée. 79% du territoire est sous ordre d’évacuation de l’armée israélienne. Ces chiffres hallucinants proviennent des Nations unies. La revue médicale The Lancet parle d’un nombre possible de 186.000 personnes mortes, soit 8% de la population totale. Ces dernières semaines, 130.000 personnes habitant le nord de Gaza ont dû fuir une fois de plus, les quelque 75.000 personnes restées à Jabalia, Beit Lahia et Beit Hanoun mourant de faim. Sur les 31 missions d’aide que les agences des Nations unies prévoyaient d’envoyer dans le nord de Gaza entre le 1er et le 18 novembre, 27 ont été complètement bloquées par le régime israélien, tandis que les quatre autres ont été sérieusement restreintes. Le régime israélien veut procéder à un nettoyage ethnique complet dans le nord de Gaza.
L’argument des “raisons de sécurité” est absurde, il s’agit purement et simplement d’expansion coloniale. Même en Israël, cet argument est de moins en moins crédible. Un sondage réalisé au début du mois de novembre indique que 55% des personnes interrogées pensent que les opérations à Gaza se poursuivront pour des raisons politiques, contre seulement 36% qui invoquent des raisons de sécurité. Une majorité souhaite des élections anticipées. Le soutien au régime s’effrite, mais sans qu’une alternative claire ne se dessine. Le danger est de capitaliser sur cette situation en passant à la vitesse supérieure. L’arrivée de Trump, allié inconditionnel de l’extrême droite mais en même temps facteur plus imprévisible, peut aussi conduire Netanyahou et sa bande à vouloir gagner encore plus de terrain rapidement avec une nouvelle escalade dans le nord de Gaza, une accélération de l’annexion rampante de la Cisjordanie et l’installation d’une « zone de sécurité » dans le sud-Liban. Le danger d’une confrontation militaire directe entre Israël et l’Iran s’accroît.
Pour arrêter un génocide, nous ne pouvons pas compter sur les politicien.ne.s établi.e.s et leurs institutions. Le principal point positif de ces derniers mois a été la solidarité de centaines de milliers de personnes qui sont descendues dans la rue à travers le monde contre le génocide et contre la machine de mort de l’État israélien. Les jeunes ont été en première ligne avec des occupations de campus pour un boycott académique. Il y a eu, entre autres, des grèves dans l’État espagnol et des actions ciblées contre les livraisons d’armes en Grèce. Ces actions indiquent la voie à suivre. Il ne s’agit pas seulement de faire les gros titres, c’est tout le régime colonial de génocide qui doit disparaître. Et avec lui, l’impérialisme qui arme et soutient ce régime.
Sous le capitalisme, les technologies les plus avancées de l’humanité sont déployées non pas pour améliorer la vie mais pour la détruire à grande échelle, tandis que les appareils les plus sophistiqués permettent la diffusion en direct des actes de violence les plus primitifs et les plus déshumanisants. L’urgence d’une transformation révolutionnaire n’a jamais été aussi évidente. Le renversement de ce système destructeur est essentiel pour prendre le contrôle des immenses richesses et ressources de la société avec la communauté elle-même, y compris celles qui sont actuellement consacrées au massacre et à la destruction de Gaza. Par le biais d’un programme socialiste qui cherche à installer une propriété et un contrôle collectifs et qui défend les droits de toutes les communautés nationales et religieuses sur base de la pleine égalité et de l’autodétermination, nous pourrons jeter les bases d’un avenir dans lequel la paix, la sécurité et la prospérité seront garanties à tous les peuples.
Georges-Louis Bouchez met Vlaams Belang et PTB dans le même sac et exige un « cordon » contre tous les partis « extrêmes ». A l’heure où le MR attire des personnalités d’extrême droite et où Bouchez adopte lui-même plusieurs éléments de la rhétorique d’extrême droite, cette attitude est très hypocrite. Du côté néerlandophone, De Wever fait de même et a obtenu que Conner Rousseau (Vooruit) le rejoigne pour s’opposer aux coalitions avec le PTB. Nous en avons vu le résultat à Zelzate et à Borgerhout, où le PTB été débarqué des coalitions où il se trouvait précédemment avec Vooruit. Après la formation de majorités avec le PTB à Mons, Forest et Molenbeek, des questions ont été soulevées à chaque fois pour savoir si le « cordon » n’avait pas été brisé. Mettre sur un pied d’égalité un parti d’extrême droite qui prône le racisme et la haine et un parti de gauche basé sur le mouvement ouvrier ne sert qu’à affaiblir ce dernier afin de mener des politiques antisociales avec d’autant plus d’efficacité. Le cordon sanitaire contre le Vlaams Belang était le résultat d’une protestation antifasciste largement soutenue dans les années 1990. La droite veut oublier cela aussi avec la propagande de l’opposition à « tous les extrêmes ». Ci-dessous, un article de Verba (Liège) sur ce débat concernant le cordon sanitaire du côté francophone.
Désireux de saper l’idée d’un cordon sanitaire à l’encontre de l’extrême-droite, mais surtout de saboter d’éventuelles coalitions progressistes PS-PTB-Ecolo, le MR nous joue sa dernière pièce : le cordon imaginaire. À l’image d’Argon, le fameux malade hypocondriaque de Molière, Georges-Louis Bouchez et sa clique s’agite très fort en brandissant un péril démocratique : le PTB serait le nouveau péril rouge, les chars de Staline serait à nos portes et s’apprêterait à collectiviser la Belgique. Et en fait, pour une part, il a raison : la classe dominante peut s’inquiéter de voir le PTB être normalisé et accepté au pouvoir. Décryptage d’un psychodrame et d’une énième panique morale du petit caporal de Mons.
Les récentes élections communales ont marqué un tournant significatif dans le paysage politique belge, avec l’entrée du Parti du Travail de Belgique (PTB) dans plusieurs majorités communales : Mons (au grand dam de Gloub), Forest et Molenbeek en coalition avec Ecolo et le PS. Cette avancée du parti d’inspiration marxiste a suscité des réactions diverses, notamment celle de Georges-Louis Bouchez, président du Mouvement Réformateur (MR), qui a appelé à la mise en place d’un “cordon sanitaire” autour du PTB. Une tentative de plus d’affaiblir le cordon sanitaire envers l’extrême droite, mais également de continuer à diaboliser la gauche qui propose une rupture avec la politique pro-riches généralement appliquée.
Les calculs sont pas bons, Georges
Suite à la victoire électorale du MR aux élections régionales et fédérales, on n’entendait plus que lui. Le président du MR et son parti ont multiplié les saillies antisociales depuis leur réussite électorale jusqu’à se rendre encore plus détestables, même pour des membres de la bourgeoisie politique belge tel que Nicolas Martin (PS), bourgmestre sortant de Mons qui initiera la première majorité au PTB. le MR se croyait incontournable et une partie de sa direction pensait probablement que la détestation entre le PS et le PTB était suffisante. Mais c’était aussi sans compter une certaine volonté au PS, particulièrement dans le fief de Gloub, de laisser le MR trumpisant dans l’opposition, lui appliquant une forme de “cordon sanitaire” contre la droite radicale.
En réalité, les tendances trumpistes imprimées au MR principalement par GLB devraient pousser la réflexion dans cette direction : comment le PS peut-il encore justifier son entrée dans d’innombrables majorités aux côtés du MR…?
Le cordon sanitaire pour un parti de gauche ?
Le MR, écarté, doit se montrer offusqué, et il l’est en partie. D’où le « cordon imaginaire » qu’il nous sort de son chapeau aujourd’hui. Rappelons que le “cordon sanitaire” en Belgique est une stratégie politique qui consiste à isoler un parti d’extrême droite en refusant toute coopération ou alliance avec celui-ci. Historiquement, ce terme a été utilisé pour décrire le refus des partis dits démocratiques de collaborer avec le Vlaams Belang, d’extrême droite. Comme nous le rappelions dans un article de septembre dernier : un “cordon sanitaire” a été mis en place en 1991 sous la pression de mobilisations antifascistes de masse qui ont suivi le “dimanche noir”, la percée historique du VB.
L’objectif est de limiter l’influence de ce parti et d’empêcher que sa politique soit appliquée, en évitant de lui donner accès au pouvoir. Même si la pratique a montré que les partis dits “démocratiques”, surtout ceux de droite, ont en réalité appliqué des politiques promises par l’extrême droite, par exemple à l’encontre des personnes migrantes.
Dans un système démocratique où l’extrême droite est reine, que pensez d’un parti dit démocratique ?
Au sein d’une société de classes, la démocratie ne peut pas être neutre. En réalité le système aujourd’hui favorise la droite et l’extrême droite, et favorise l’application d’une politique allant dans cette direction.
Le projet politique de l’extrême droite, outre son inhumanité, brise l’article premier de la très libérale Déclaration universelle des droits de l’homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Pas de bol pour Gloub, le PTB est de gauche et donc hors de ce cordon. Même les politologues belges s’accordent à dire que le parti d’inspiration marxiste est démocratique. Mais l’essentiel pour Bouchez, c’est de faire un ramdam pour tenter de rendre la gauche infréquentable, et ainsi éviter que sa politique anti-super riches soit appliquée.
Si le PTB est tellement pris en grippe par le MR de GLB, c’est aussi parce que le PTB établit en partie de son programme sur les intérêts réels de la classe travailleuse, et la crainte d’une arrivée au pouvoir du PTB est en effet ressentie comme un péril rouge pour le MR et une couche importante de la classe dominante en Belgique. De son côté, le PS a souvent élaboré une partie de son programme en s’inspirant de la classe travailleuse mais a, à de nombreuses reprises, jeté ses engagements et son programme aux oubliettes en arrivant au pouvoir.
Retourner au temps de la discorde à gauche, et éviter qu’un programme de gauche soit appliqué
L’objectif du trumpiste montois n’est pas tellement d’ostraciser son ennemi politique héréditaire comme il aime le clamer, mais surtout de rétablir le statu quo qu’il a lui-même amené à briser : retourner au moment où le PS et le PTB ne pouvaient pas se saquer. Le PTB était ainsi auparavant une réserve de voix captives qui affaiblissait le parti socio-libéral PS. Reste à voir comment le PTB va se débrouiller avec son allié de circonstance dans les différentes communes où il participe aux majorités. Reste à charge au PTB de faire ses preuves et de montrer à la classe travailleuse belge qu’un autre avenir est possible.
La fédération liégeoise du PS ouvre (déjà) la boîte de pandore
Du côté du PS, des craquelures apparaissent déjà dans ces nouvelles coalitions « progressistes » : Le PS liégeois (Accompagné de la coopérative personnelle de François Schreuer : Véga (les soi disant verts de gauches)) ont déjà signé avec le MR la première clause anti-progressiste de Belgique. Le PS liègeois ne s’alliera pas aux partis d’extrême droite, mais également au partis dits « d’extrême gauche » et ce au niveau communal, supra communal et régional. Cette clause n’est pas tellement étonnante étant donné le dédain et l’hostilité dont fait preuve le bourgmestre cacochyme de Liège à l’égard du parti marxiste. Ce dernier avait déjà insulter en septembre la conseillère communale Céline Fassotte (PTB) de « connasse ».
Cette clause , au-delà des inimitié PTB-PS, a aussi et surtout été signée pour des raisons de politique politicienne. Cette clause a également ouvert la brèche qu’attendais le MR : ce dernier fanfaronne à tue tête qu’il imposera des clauses anti-PTB dans tout le pays.
Un cordon de mots qui s’envolent … qui s’envolent
A défaut de pouvoir imposer partout cette fameuse clause, le MR souhaiterait qu’un cordon sanitaire rhétorique se fasse autour du PTB. Ne nous laissons pas avoir, si l’extrême-droite et l’extrême-gauche peuvent user de techniques rhétorique similaire (Populisme, parler franc, anti-élite …), les projets politiques sont totalement différents.
De plus, si le VB est régulièrement sujet à des attaques en justice (Rappelons nous que le procès de Dries Van Langenhove n’est pas si loin) pour des propos racistes et des outrances xénophobe, le PTB n’a pas dû faire face à de telles occasions. Bizarre, c’est comme si ce parti respectait les obligations démocratiques que lui impose son réformisme électoraliste ?
On vous attends dans la rue
L’objectif de Bouchez semble clair : récupérer un électorat traditionnellement acquis aux partis de droite et d’extrême droite en radicalisant le discours libéral. Cette stratégie se traduit par des attaques frontales contre la gauche, qu’il présente comme une menace pour les libertés individuelles et le modèle économique libéral. Une stratégie déjà employée en France qui a conduit à la droitisation de la quasi-totalité du champs politique français. Il est du devoir du camp progressiste de tout faire pour ne pas finir comme la France :
Rejoignez-nous dans les rues, sur vos lieux de travail, dans vos quartiers. Organisez-vous en collectifs, en syndicats, en associations. Chaque action compte, chaque voix s’élève pour faire trembler les fondations de ce système injuste. N’oublions pas les mots de Marx : “Les prolétaires n’ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner.”
Lutter contre l’extrême-droitisation de notre champ politique est aussi lutter pour notre émancipation future. A vos mégaphones, camarades ! L’année promet d’être chargée !
150.000 emplois menacés, pouvoir d’achat épuisé, austérité brutale annoncée …
Ce que nous préparent Barnier et Macron s’annonce très brutal. Ils essaient de faire passer un budget austéritaire, alors que les services publics sont déjà bien vides voire inexistants, et que la vie chère impacte de larges couches de la société. Au même moment s’enchaînent les annonces de milliers de licenciements, derrière les mastodontes Auchan et Michelin : la perspective de se retrouver sans emplois touchera plus de 150.000 personnes selon la CGT – “Nous sommes au début d’une violente saignée industrielle”, disait sa secrétaire générale Sophie Binet.
Depuis mi-novembre la colère pousse de nombreux secteurs de travail à se mettre en grève, avec aussi un appel de la CGT pour une grève le 12 décembre contre cette vague de plans de licenciements. Le potentiel existe pour un puissant mouvement social contre l’austérité et la vie chère, et contre les oppressions raciste, sexiste et queerphobe systémiques. L’échec du mouvement contre la réforme des retraites ne doit pas nous décourager ; au contraire, inspirons-nous de son atmosphère combative pour en dépasser les faiblesses. Coordonner la colère et la résistance pourrait se faire via l’implication des couches larges à la base, via le lancement de comités de lutte sur les lieux de travail, dans les écoles et dans les quartiers.
Article de notre organisation-soeur en France
Macron et Barnier veulent nous imposer une nouvelle cure d’austérité
Un lourd plan de coupes budgétaires, c’est ce que veut imposer le gouvernement Barnier, avec bien sûr le plein accord de Macron. Mais le débat sur le budget 2025 n’en finit plus de battre son plein à l’Assemblée Nationale. Ni les macronistes, ni Les Républicains ne veulent être vus comme ceux qui auront été le plus loin dans la casse sociale. En octobre et novembre, les tensions étaient vives entre les partenaires de majorité, si bien que plusieurs ministres ont menacé de démissionner au cas où leur ministère allaient devoir faire des coupes budgétaires trop importantes.
Un projet de texte a finalement été établi, mais les partenaires de coalition se heurtent à leur absence de majorité absolue à l’Assemblée Nationale. Avant d’arriver en séance plénière à l’AN, le texte initial a ainsi subi de très lourdes modifications en commission, sous l’impulsion de la France Insoumise et des autres partis dans la coalition Nouveau Front Populaire (NFP), imposant notamment un impôt universel sur les multinationales, une taxe sur les super-dividendes et les GAFAM et un impôt sur le patrimoine des milliardaires. Les partis de gouvernements (et le RN !) ont donc décidé de voter contre le texte (ce qui constitue un fait historique) et de renvoyer sa version initiale vers le Sénat, où la gauche ne pourra pas amender le texte dans ce sens, puisqu’elle y est quasi inexistante.
Les débats et les votes vont encore durer jusqu’à mi-décembre, mais il semble très peu probable que Macron/Barnier arrivent en définitive à imposer leur projet de budget sur base d’un vote – ce sera donc très probablement via le très impopulaire 49.3. Suite à cette activation, un vote de censure par toutes les oppositions serait fatal au gouvernement Barnier, qui pourrait ainsi tomber dans le courant du mois de décembre.
Michelin, fonction publique, SNCF : les mobilisations montrent la voie
Monde agricole, rail, fonction publique, collectivités territoriales, grande distribution, automobile, VTC, hôpitaux publics, biologistes médicaux, chimie… : contre les plans de licenciements, contre la vie chère, pour les salaires et de meilleures conditions de travail, contre les plans d’austérité budgétaire, les actions et grèves se succèdent depuis la mi-novembre.
Michelin – Fermeture des usines de Vannes et Cholet, 1.250 emplois directs, et des milliers d’autres qui en dépendent : l’annonce de Michelin a provoqué un séisme, auquel s’ajoute d’autres emplois menacés dans le secteur automobile, dans le contexte de crise profonde de l’industrie dans le monde. Le secteur est en crise, mais pas le compte en banque des décideurs de Michelin, qui viennent de procéder à des versements de dividendes records, et qui n’ont pour programme que la logique de profit pour eux-mêmes, avec le soutien des gouvernements pro-capitalistes.
Le personnel de Michelin s’est directement mobilisé dès le 5 novembre. En lançant une grève reconductible, il a répondu de manière résolue par l’action, dans les usines visées, mais aussi sur les autres sites du groupe.
Fonction publique – L’un des symboles de ces coupes budgétaires drastiques que veulent imposer Macron/Barnier, c’est le macroniste Guillaume Kasbarian, Ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique. Le 13 novembre, il partageait le post d’Elon Musk qui célébrait sa nomination par Trump au “département de l’Efficacité gouvernementale” (DOGE), s’apprêtant à faire des coupes drastiques dans les budgets de la fonction publique aux USA. Après avoir félicité Musk, Kasbarian ajoutait : “J’ai hâte de partager les meilleures pratiques pour lutter contre la bureaucratie excessive, réduire la paperasserie et repenser les organisations publiques afin d’améliorer l’efficacité des fonctionnaires.”
Sous le terme de “débureaucratisation”, le Kasbarian entend saigner la fonction publique “à tous les étages”. Les fonctionnaires qui tombent malades sont aussi dans le viseur : allongement du délai de carence à 3 jours et limitation du remboursement des arrêts maladie à 90%, “pour faire baisser l’absentéisme”. Les syndicats ont eu raison de se mobiliser dès mi-novembre, et ont appelé à une journée de grève le 5 décembre.
SNCF – À côté de la première journée de grève le 21 novembre, les syndicats du personnel de la SNCF ont annoncé le dépôt d’un préavis de grève illimitée à partir du 11 décembre, pour protester contre le démantèlement de Fret SNCF et l’ouverture de son capital. Au 1er janvier 2025, il est prévu que Fret SNCF sera transformée en deux sociétés : Hexafret pour le transport et Technis pour la maintenance du matériel, une mesure imposée par la Commission européenne. Et ceci dans le contexte d’ouverture à la concurrence des lignes régionales.
Et… campagne anti-grève – Les médias dominants parlent d’un “orage social” auquel doit faire face Barnier. Cette avalanche de grèves a aussi relancé la campagne anti-grève dans ces médias, la droite s’insurgeant contre la paralysie du pays, surtout à l’approche de la période des fêtes. Le personnel de la SNCF est en première ligne, avec le retour du désormais traditionnel “vous allez gâcher le Noël des français”. Le député allié du Rassemblement National Eric Ciotti a même proposé l’interdiction des grèves pendant les vacances.
Le monde agricole à nouveau dans les rues
La rhétorique de la classe dominante contre le risque de paralysie du pays n’est généralement pas appliquée à la colère du monde agricole. Non pas parce que la classe capitaliste et ses relais politiques et médiatiques se soucient du sort des agriculteurices. Mais parce que l’agro-business est fortement majoritaire dans la représentation professionnelle du secteur, avec à sa tête la direction de la FNSEA et des JA. Les grandes entreprises agroalimentaires donnent le ton, avec pour principale préoccupation la diminution des règles administratives et des normes environnementales, c’est-à-dire polluer davantage pour accroître davantage encore leurs profits. Pendant que la majorité des professionnel.les, sur des petites exploitations, veulent surtout une rémunération juste pour leur travail – ce que l’agro-business et la grande distribution leur empêche d’atteindre.
Les accords de libre échange entre l’UE et le Mercosur sont très justement l’occasion du monde agricole pour se re-mobiliser. Les petit.es exploitant.es n’en veulent pas et iels ont raison : la concurrence déloyale va encore plus miner leurs possibilités de rémunération juste, avec la réduction drastique des droits de douanes entre les deux blocs de marché-libre. Avec ces mobilisations, la direction de la FNSEA et l’agro-business ont un autre agenda : ne pas perdre le contrôle et se positionner en vue des prochaines élections professionnelles en janvier…
Face au potentiel de convergence des luttes : “diviser-pour-régner”
Barnier et Macron vont avoir du mal à apaiser la colère qui re-commence à se généraliser. Avec aussi des appels au retour de la lutte des Gilets Jaunes, qui ont déjà mobilisés durant le mois de novembre, 6 ans après le début du mouvement historique.
Toutes ces mobilisations se font pour des raisons diverses, mais qui témoignent de la généralisation de la colère, orientée contre l’approche socio-économique de Barnier et Macron, et le monde qu’ils représentent. Leur monde est ultra-majoritairement représenté sur la scène médiatique, et il ne faut souvent même pas aller chercher sur les chaînes de l’empire Bolloré : “Est-ce que vous craignez (sic) une convergence des luttes, une mobilisation qui pourrait bloquer la France ?”, demandait un.e journaliste d’Arte Radio (Le Club ’28, 15/11) à un.e autre journaliste…
Le camp d’en face est très conscient du risque de convergence et coordination des différentes colères et luttes. C’est pourquoi la rhétorique anti-grèves est de retour, et il faut s’attendre à de nombreuses autres tentatives de diviser par n’importe quel moyen, surtout si ça permet de continuer à opprimer les mêmes personnes qui subissent déjà.
Une nouvelle “loi immigration” est en projet depuis septembre, et pourrait être lancée au tout début 2025. Encore une fois, il s’agira de cibler les personnes migrantes, et par-delà toutes les personnes issues de l’immigration, particulièrement nord-africaine et subsaharienne – et surtout avec une rhétorique islamophobe. Encore une fois, cela favorisera la confiance qu’ont les groupes et individus violents d’extrême droite pour harceler, intimider et violenter les personnes qui subissent déjà un racisme systémique, mais aussi à l’encontre d’autres, particulièrement les personnes LGBTQIA+.
Impliquons dans la lutte toutes les personnes qui subissent !
Les inégalités mènent à la lutte. Faire converger et coordonner la colère s’avèrera crucial si on veut gagner. Mais cela ne suffira pas. L’absence de victoire du mouvement contre la réforme des retraites pèse sur les mobilisations actuelles. Inspirons-nous des points forts de ce mouvement, et notamment son atmosphère combative et tenace, autour d’une lutte commune. Mais ajoutons-y une large implication active par en bas, quelque chose qui pourrait être fait par la mise sur pied de comités de lutte.
Certaines mobilisations récentes ont vu le lancement de tels comités, pour soutenir des grèves par exemple. Cela pourrait être lancé partout – même là où la mobilisation n’est pas (encore) existante, sur les lieux de travail, dans les écoles et facs, dans les quartiers et les villages. De tels comités pourraient essayer d’organiser l’action, mais aussi la solidarité envers d’autres mobilisations. Ils pourraient servir à assurer une lutte constante contre chaque oppression vécue par l’un.e d’entre nous, et à mener la bataille politique contre les forces d’extrême droite qui tentent d’exploiter les inégalités sociales et la crainte en l’avenir. Des appels à la solidarité avec les luttes des populations en Martinique et Kanaky pourraient aussi être plus facilement tenus, ainsi qu’avec les luttes nécessaires par exemple en Allemagne, où d’ailleurs Michelin a déjà annoncé vouloir fermer des usines en 2025.
C’est par une implication réellement plus large et par en bas qu’un futur appel à la grève générale pourrait être sérieusement suivi, ce qui serait une véritable défiance pour Macron et ses gouvernements pro-capitalistes.
Le mercredi 13 novembre, une quarantaine de personnes se sont rassemblées à l’hôtel de ville d’Anvers pour protester contre les 35 sanctions administratives communales (SAC) infligées à des activistes lors de manifestations pacifiques. Nous en avons discuté avec un étudiant de l’UAntwerpForPalestine (mouvement de l’occupation du campus de l’université d’Anvers) qui a lui-même reçu une amende pour sa participation à une action lors de la Pride d’Anvers au mois d’août. Parmi les organisations présentes à l’action figureraient LABO vzw, Doe Deurne Dicht, Antwerp For Palestine, XR et la Campagne ROSA. Précisons d’emblée que, dans toutes les SAC délivrées, l’absence de trouble à l’ordre public a été reconnue.
Propos recueillis par Jesse (Anvers)
– Pourquoi cette action ?
Pour montrer que protester est un droit, même si les raisons pour lesquelles nous menons campagne dérangent les autorités. Nous avons présenté symboliquement nos lettres de défense contre les SAC reçues en octobre. Doe Deurne Dicht a par exemple reçu des amendes pour des actions menées contre l’aéroport de Deurne.
– Constates-tu une plus forte répression des actions ?
Oui. Ce qui s’est passé à la Pride d’Anvers contre les activistes pro-Palestine n’est pas un cas isolé en Belgique. À Bruxelles, il y a eu beaucoup de répression contre les activistes pro-palestinien.ne.s. Les étudiant.e.s ont souvent été traité.e.s violemment, certains de nos camarades à Bruxelles ont été poursuivis légalement. À la KU Leuven, certain.e.s étudiant.e.s ont intenté des procès. De même, dans le bloc commun d’Anvers pour la Palestine et de la Campagne ROSA à la Pride d’Anvers, des personnes ont été violemment arrêtées pour avoir protesté contre le génocide.
Le constat est plus général. Doe Deurne Dicht a été systématiquement intimidé par la police, les activistes de Code Rouge ont été confronté.e.s à la brutalité policière l’année dernière et cette année à nouveau.
– Quel est le rôle de l’université et pourquoi étiez-vous à la Pride d’Anvers ?
L’UA collabore toujours avec des institutions israéliennes directement complices du génocide. Malgré l’avis négatif du comité d’éthique, elle a continué à coopérer avec l’Université hébraïque. L’UA prétend vouloir maintenir une position de neutralité, mais nous estimons qu’il y a un double discours. L’UA était présente à la Pride, ce simple fait est une déclaration politique. Mais de l’autre côté, les autorités universitaires refusent de condamner le génocide à Gaza sous le couvert de neutralité. Elles prétendent défendre les droits humains, mais il est extrêmement hypocrite de le faire au cas par cas et de se taire sur la situation à Gaza.
Nous nous concentrons sur le boycott académique complet, une déclaration de cessez-le-feu, le soutien aux étudiant.e.s et universitaires palestinien.ne.s et la transparence dans la prise de décision.
Ce sont nos revendications concrètes, mais nous luttons aussi pour la libération collective, c’est-à-dire la libération de la Palestine et de tou.te.s les Palestinien.ne.s.
Les syndicats se sont également prononcés contre le génocide et ont, eux aussi, fait l’objet de condamnations injustes pour des actions de protestation légitimes au cours des dernières années.“Défendons notre droit de manifester !” est un slogan qu’ils utilisent aussi.La collaboration entre les étudiant.e.s et les travailleur.euse.s pourrait-elle être un facteur important ?
Se soutenir mutuellement est effectivement important. Syndicalistes et étudiant.e.s font partie d’un mouvement de solidarité plus large avec les Palestinien.ne.s. Nous nous concentrons sur notre université, mais il y a toujours des moments où nous avons besoin du soutien d’autres personnes, y compris du personnel. D’autre part, en tant qu’étudiant.e.s, nous pouvons soutenir les actions syndicales. Il serait bon d’être plus souvent en contact et d’être plus conscient.e.s des actions de chacun. Le boycott académique fait partie du mouvement BDS (Boycott-Désinvestissement-Sanction), et les syndicats pourraient également jouer un rôle important à cet égard, en appelant à des actions, des grèves, des blocages dans certaines entreprises qui ont des liens avec des institutions israéliennes complices.
Comment stopper Nétanyahou, l’architecte du génocide et son visage par excellence ? Au cours de sa longue carrière politique, celui-ci est systématiquement parvenu à rebondir quand il était acculé, généralement par une dangereuse fuite en avant qui l’a notamment conduit à installer l’extrême droite au pouvoir. La dynamique actuelle – en plus de la mort et de la destruction semée à Gaza, en Cisjordanie et au Liban – signifie l’appauvrissement de toute une couche de la population dans un pays plus théocratique, plus autoritaire et pris dans l’engrenage d’une guerre sans fin.
Il a fallu le traumatisme du 7 octobre et la guerre génocidaire pour mettre entre parenthèse les mobilisations de masse contre ce qui était vécu comme une tentative de “coup d’État judiciaire”, un projet de réforme prévoyant une diminution des prérogatives de la Cour suprême au profit du Parlement. L’autoritarisme, la corruption et la soif de pouvoir de Nétanyahou et sa coalition étaient mis à nu.
Mais au fur-et-à mesure du temps, une solide conviction a pris corps chez une majorité de la population israélienne : Nétanyahou a systématiquement et volontairement fait échouer les négociations visant à libérer les otages. Un cessez-le-feu avec un retrait des troupes israéliennes provoquerait la colère deux petits partis suprémacistes juifs (treize députés) dont l’appui lui est indispensable. Sa majorité volerait en éclat et il serait ensuite contraint de rendre des comptes par des poursuites judiciaires pour corruption ou ses responsabilités dans le massacre du 7 octobre.
Un journaliste américain, Gal Beckerman, a décrit l’humeur présente dans certains rassemblements des familles d’otage dans le magazine The Atlantic : “L’un des weekends où j’étais présent, l’un des slogans scandés par ces protestataires (…) qualifiait quiconque avait pris part aux opérations militaires à Gaza de “criminel de guerre”. Quand, le 1er septembre, la mort de six otages israéliens tués par le Hamas a été rendue publique, la foule descendue dans les rues constituait les plus grandes manifestations jamais organisées depuis la création de l’État israélien. Même si l’atmosphère y était très confuse, couper court à cette contestation par une nouvelle fuite en avant guerrière était l’une des motivations de l’attaque terroriste israélienne des 17 et 18 octobre – où des explosions simultanées d’appareils électroniques au Liban et en Syrie ont fait plus de 2.931 blessés et 37 morts – et des bombardements aveugles sur le Liban.
Polarisation et radicalisation
Ces diverses manœuvres tactiques cadrent dans une stratégie plus vaste d’un “grand Israël” selon lequel Dieu aurait donné toute la Palestine au peuple juif. Depuis le le 28 août, l’armée israélienne a lancé une vaste opération, sous couvert de “lutte antiterroriste”, qui a fait de la Cisjordanie une véritable zone de guerre et cible toute la population. Le journaliste israélien Gideon Levy explique : “Des dizaines de milliers d’hectares ont été expropriés et pillés au cours de ces derniers mois. Il ne reste pratiquement plus une colline en Cisjordanie sans un drapeau israélien ou un avant-poste qui deviendra un jour une ville”. Depuis des années, Israël prétend que son contrôle de la Cisjordanie est une occupation militaire temporaire dirigée par l’armée et non une annexion permanente civile, mais le ministre des Finances Bezalel Smotrich (extrême droite, dirigeant du Mafdal, le parti du sionisme religieux) a supervisé la création d’un organisme civil d’administration des colonies “doté d’une autorité étendue”.
La radicalisation des partisans du gouvernement s’est notamment exprimée, le 29 juillet, par la prise d’assaut de deux bases militaires israéliennes (Sde Teiman et de Beit Lid) par des centaines d’extrémistes religieux juifs, de jeunes colons et de partisans de Nétanyahou pour protester contre l’arrestation de neuf soldats réservistes accusés d’avoir violé un prisonnier palestinien arrêté à Gaza.
Un des enjeux pour faire face à cette radicalisation est la politisation du mouvement de libération des otages. Dans son article, Gal Beckerman relayait les propos d’un activiste israélien:“nous sommes plusieurs à littéralement supplier les dirigeants du mouvement de protestation d’expliquer au peuple israélien que le 7 octobre n’avait rien d’un accident, qu’il ne s’agissait pas d’un simple cafouillage. C’était le résultat inévitable de la stratégie de la droite. Et il est très facile de le montrer.” Mais les chefs de file de la contestation refusent de développer une argumentation politique et se limitent à entretenir l’animosité qui cible Nétanyahou, avec le risque que celle-ci soit instrumentalisée par des forces d’extrême droite encore plus enragées que lui.
Une société à l’unité de façade
La société israélienne n’est pas un bloc monolithique. Déjà avant le 7 octobre, plus du quart de la population vivait dans la pauvreté. Face aux difficultés économiques, Nétanyahou avait – là aussi – choisi la fuite en avant en encourageant depuis 20 ans une politique de consommation à crédit. “Beaucoup de familles ne peuvent plus rembourser leurs emprunts”, explique Jacques Bendelac, professeur émérite à l’Université hébraïque de Jérusalem. “Le pays est en train de s’enfoncer dans une récession qu’il n’a pas connue depuis vingt ans”, explique-t-il.
Tout cela est évidemment sans commune mesure avec les difficultés infernales, les destructions et la mort auxquelles sont confrontées les masses palestiniennes ou libanaises. Mais les contradictions à l’œuvre dans la société israélienne, tout particulièrement de classe, sont cruciales pour envisager la manière de frapper la machine de mort de l’État israélien en plein cœur. Cela n’implique pas pour autant de devoir attendre les développements qui y prennent place.
Des processus régionaux peuvent avoir un impact à l’intérieur des frontières israéliennes. Quand, en 2011, toute la région de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient avait connu une vague inédite de mobilisations massives à la suite des révolutions en Tunisie et en Egypte, Israël aussi avait connu un “mouvement des tentes” contre la précarité qui, à l’époque, représentait la mobilisation sociale de la plus grande ampleur depuis la création de l’Etat. Les raisons de la colère – la précarité d’existence et la répression – sont loin d’avoir disparu. À cela s’ajoute la sincère sympathie des masses de la région envers la cause palestinienne, alors que nombre de régimes autoritaires, au premier rang desquels l’Égypte et la Jordanie, font preuve d’une docilité complice et coupable face à Israël. Ce n’est que dans un nouvel embrasement révolutionnaire, qui portera cette fois-ci le combat jusqu’au cœur du système d’exploitation capitaliste, que réside la solution aux multiples questions nationales de cette région dessinée artificiellement par l’impérialisme occidental.