La droite veut nous faire bosser de plus en plus longtemps. Actuellement, 11,5 % des personnes actives ont plus de 60 ans. Il y a cinq ans, ce chiffre était de 7,2 %. Le vieillissement du monde du travail s’accélère. Seulement… nous ne pourrons pas continuer ainsi. Travailler jusqu’à 67 ans est déjà impossible pour beaucoup. Témoignage d’un routier.
Par Guy Van Sinoy
Bonjour! Je m’appelle Mathias, j’ai aujourd’hui 57 ans et je suis chauffeur de poids lourd depuis l’âge de 22 ans. Quand j’ai commencé, en 1989, je venais d’avoir mon permis C. Je me souviens que c’était l’année de la chute du Mur de Berlin mais je ne me doutais pas que la chute de ce mur – et par la suite l’effondrement de presque tous les régimes de l’Est – allait avoir des conséquences sur mes conditions de travail. Mais à 22 ans, on ne se pose pas trop de questions et l’essentiel pour moi, à l’époque, était de parcourir avec fierté les routes d’Europe au volant d’un mastodonte de plusieurs tonnes.
Aujourd’hui de nombreuses entreprises de transport ont créé des filiales dans les pays de l’est de l’Europe tout en conservant leurs activités principales en Belgique. Cela leur permet d’engager des travailleurs et des travailleuses sur base d’un régime social et salarial plus faible. Cela a créé un “dumping social”.
Pénibilité
Je commence souvent ma journée de travail à 6 heures du matin et je suis parti pour une longue journée de travail qui se termine le plus souvent dans la soirée. Comme je n’ai pas de convoyeur à bord, je dois utiliser moi-même un transpalette pour décharger la marchandise.
Le plus contraignant est le flot de circulation et les embouteillages qui font perdre beaucoup de temps. Le temps de travail s’allonge et les clients ne sont pas contents. Beaucoup de chauffeurs souffrent de soucis cardiovasculaires en raison de la position assise durant de longues heures, du stress permanent, du travail de nuit et des horaires atypiques. On est parfois amené à faire 3.500 km par semaine.
En Belgique on dénombre 9.000 entreprises de transport routier (un record). Les 3/4 des marchandises circulent par route, 15 % par voie fluviale et 10 % par chemin de fer. Ce serait un très grand progrès – à la fois pour des raisons de santé et de réduction de la pollution – d’augmenter la part de transport fluvial pour les marchandises.
Après près de 40 ans passés derrière le volant, j’aimerais pouvoir raccrocher et prendre ma pension autour des 60 ans. Et je me vois mal continuer jusque 67 ans.
La propagande de droite dit que travailler devrait rapporter plus et qu’il devrait y avoir une différence d’au moins 500 $ par mois entre les allocations sociales et le travail. C’est déjà le cas.(1) L’objectif de cette propagande est de s’attaquer aux allocations sociales: avec la limitation des allocations de chômage à deux ans, la baisse du revenu d’intégration, la diminution des indemnités de maladie, l’accès plus difficile aux pensions minimales… et parallèlement, une préparation d’une offensive contre les salaires!
Hold-up sur les salaires
La super note ne propose pas de saut d’index, mais un bricolage du mécanisme qui en affaiblirait l’application. Par exemple, au nom des “objectifs climatiques”, elle propose de réduire le poids du prix des énergies fossiles comme le gaz dans le panier de référence de l’index. En 1994, l’index-santé a été mis en place comme mesure d’économie. Au nom de notre santé, le prix de certains produits nocifs pour la santé avait été retiré du calcul (y compris le tabac sur lequel des taxes de plus en plus élevées ont été introduites par la suite). Aujourd’hui, c’est l’argument du climat qui est utilisé dans le même objectif. Bien entendu, le document ne mentionne pas de mesures climatiques sérieuses en contrepartie. En outre, il négocie la possibilité d’éliminer partiellement l’indexation en cas d’inflation supérieure à 4%, en introduisant une augmentation plus aléatoire des salaires. Ce serait donc au moment où l’indexation serait la plus nécessaire qu’elle serait moins efficace.
L’accroissement de la flexibilité des travailleur.euse.s exercera une pression supplémentaire sur les salaires. Il est question d’augmenter les emplois flexibles, de permettre davantage de travail étudiant, de limiter la définition du “travail de nuit”, d’ouvrir les possibilités de travailler le dimanche et les jours fériés, d’abolir le nombre minimum d’heures de travail par jour, de développer les possibilités d’effectuer des heures supplémentaires sans que celles-ci soient rémunérées comme tel…
Pour faire passer tout cela, De Wever veut accroître les divisions sur le lieu de travail. Il est plus facile de briser les doigts un par un que de se retrouver face à un poing. Cette règle de base s’applique aussi à la lutte de classes. La note parle de négociation individuelle du salaire, de suppression progressive de la concertation sociale et d’introduction d’un actionnariat d’entreprise organisé entre quelques travailleur.euse.s. Dans ce dernier cas, un organe serait délibérément mis en place à côté de la représentation élue du personnel, et contre celle-ci.
La réduction du nombre de commissions paritaires, la diminution de la protection des délégués et de la personnalité juridique des syndicats complètent le tableau de cette offensive contre le pouvoir d’organisation de la classe travailleuse.
Pouvoir d’achat et pensions
Une augmentation de la TVA sur les produits de base de 6 à 9% est proposée pour remplacer les taux de 6 et 12%. Le taux de 12% s’applique aujourd’hui notamment aux repas préparés dans le secteur de l’hôtellerie et dans la restauration. Mais tout le monde ne s’y rend pas tous les jours. En revanche, le taux de 6% s’applique à la quasi-totalité des produits de base. Le taux de TVA ajusté devrait rapporter jusqu’à 2 milliards d’euros. Cet argent sort essentiellement des poches des moins nantis.
Il n’y a qu’à se servir sur les allocations sociales! Les chômeur.euse.s se retrouveraient avec un revenu d’intégration du CPAS non indexé au bout de deux ans, les malades sont traqués, l’enveloppe bien-être destinée à augmenter les allocations sociales serait largement supprimée et l’accès à une pension minimale restreint. Les personnes qui prendraient leur retraite avant l’âge légal de 67 ans recevraient une pension réduite (un « malus » qui augmenterait dans les années à venir). Les pensions plus élevées de la fonction publique seraient réduites. Dans tous ces cas, les femmes seraient particulièrement touchées.
Rien que sur les pensions, De Wever veut économiser 2 milliards d’euros!Au profit de qui ?
Au cours des six dernières années, la richesse créée par les travailleurs des plus grandes entreprises opérant en Belgique a augmenté de 45%. Au cours de la même période, les “dépenses” par salarié.e dans ces entreprises n’ont augmenté que de 13%. Une part croissante de la valeur que nous produisons est aspirée dans les bénéfices et distribuée aux actionnaires sous forme de dividendes. (1) Les gouvernements successifs ont multiplié les cadeaux aux grandes entreprises sous forme de réductions d’impôts en tous genres qui ont fait chuter d’un tiers la contribution patronale réelle à la sécurité sociale, passée de 34% en 1996 à 22 %. (2) On ne prête qu’aux riches, comme le dit le dicton.
Au cours des dix dernières années, la part des salaires dans le produit national brut est passée de plus de 51% à 48,5%. Cela signifie que sur l’ensemble de la valeur produite, une part plus faible est consacrée à nos salaires. Cela représente 16 milliards d’euros par an. De tels transferts de la classe travailleuse vers les capitalistes, voilà le projet des négociateurs de l’Arizona. A nous de les empêcher de nuire.
Pour chaque tranche de 100 € de profits réalisés, les plus grandes entreprises actives en Belgique reversent 73 € à leurs actionnaires, oxfambelgique.be, 1er mai 2024.
Chiffres du think tank Minerva sur X (Twitter), 11 septembre 2024
Le bombardement massif de Beyrouth et l’assassinat du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, signifient un nouveau sommet dans la direction d’une guerre totale contre le Liban, au bord d’une guerre régionale. Le « cabinet de la mort » d’Israël a autorisé Netanyahu et Gallant à lancer une invasion terrestre. La mobilisation pour la lutte est nécessaire pour empêcher d’autres désastres d’une ampleur historique.
Par Uri Bar-Shalom Agmon et Yasha Marmer (Israël / Palestine), article publié à l’origine en hébreu le 28 septembre.
La crise sanglante historique, qui a débuté il y a près d’un an, entre maintenant dans une nouvelle phase, plus proche que jamais d’une guerre régionale. L’attaque contre le siège central du Hezbollah à Dahieh, à Beyrouth, qui a entraîné la destruction d’au moins six immeubles résidentiels et un horrible massacre faisant des centaines de morts selon certains rapports, est le point culminant de la guerre « de choc et de stupeur » que le régime israélien a lancée il y a une dizaine de jours sur le sol libanais dans le but de modifier l’équilibre des forces dans l’ensemble du Moyen-Orient au détriment du régime iranien et de ses alliés.
La vaste campagne de terrorisme d’État, qui comprend l’assassinat de plus de 700 personnes au Liban ces derniers jours et le bombardement d’immeubles résidentiels à Beyrouth, place des millions de personnes au Liban dans le champ de tir, et non seulement elle ne favorise pas le retour des Israéliens résidant dans le nord du pays dans leurs foyers, mais elle crée une réalité dans laquelle des millions de personnes supplémentaires du côté israélien de la frontière se retrouvent dans le champ de tir du Hezbollah, combinée à l’augmentation des tirs des milices en provenance d’Irak et du Yémen.
« Il s’agit d’une guerre totale. Ce qu’Israël a fait au cours des deux dernières semaines et hier est suffisant pour ‘fermer la porte’ à toute forme de règlement. Le Liban et l’ensemble de la région sont entrés dans une nouvelle phase de conflit qui conduira à un changement de la physionomie de la région » , écrivait samedi le journal libanais “Al-Akhbar”, identifié au Hezbollah.
Un nouvel ordre
L’attentat perpétré vendredi 27 septembre au soir à Beyrouth, au cours duquel plusieurs immeubles résidentiels ont été rasés avec leurs habitants, avec plus de 80 bombes d’un poids moyen d’une tonne, avait pour objectif l’assassinat de Hassan Nasrallah, chef militaire et politique du Hezbollah et de facto de l’« axe de résistance » pro-iranien dans la région. Nasrallah était à la fois le visage public et le stratège de l’« axe » et les conséquences de son assassinat seront également différentes des assassinats provocateurs et démonstratifs de Fuad Shukr (Haj Mohsein) et d’Ismail Haniyeh à la fin du mois de juillet.
Le New York Times a cité samedi un haut fonctionnaire israélien qui a déclaré que l’attaque de Dahieh visait à « briser le Hezbollah » en assassinant des commandants de haut rang de l’organisation. Le régime israélien tente de briser la milice du Hezbollah, le maillon le plus fort de la chaîne des milices de l’« axe de la résistance », pour briser l’axe tout entier. Cela ne peut se faire sans un conflit régional de grande ampleur, prolongé et destructeur. Symboliquement, l’armée israélienne a choisi d’appeler l’attentat contre Nasrallah « Nouvel ordre ».
L’assassinat en 1992 d’Abbas al-Musaw, l’ancien secrétaire général du Hezbollah, et en 2008 d’Imad Mughniyeh, l’ancien chef de la branche militaire de l’organisation, n’a pas empêché le Hezbollah et l’« axe de la résistance » de continuer à se renforcer militairement au fil des ans. De même, l’assassinat de Nasrallah en lui-même ne façonnera pas la région selon les souhaits de Netanyahu, Gallant et des généraux de l’armée israélienne.
Avant l’assassinat, mercredi soir, le cabinet de la mort a autorisé Netanyahou et Gallant à approuver une invasion terrestre du Liban. Cela signifie qu’ils peuvent légalement ordonner le lancement d’une telle attaque terrestre à tout moment. Le haut fonctionnaire israélien cité par le New York Times a déclaré que si l’assassinat des dirigeants du Hezbollah réussit, cela « permettra à Israël d’éviter une entrée terrestre au Liban ». Mais c’est le contraire qui est vrai. Le fait de déséquilibrer la milice du Hezbollah en assassinant ses commandants contrecarre toute tentative de parvenir à un accord sur la frontière, incite le Hezbollah à étendre son champ de tir et, selon la logique du gouvernement et des chefs de l’armée en Israël, à intensifier la guerre à la frontière pour en faire une invasion terrestre.
Deux brigades de réserve ont été recrutées et envoyées à la frontière nord, ainsi que plusieurs autres bataillons. Il existe un risque immédiat que le gouvernement mette en œuvre des plans d’invasion terrestre dans des zones proches de la frontière et, plus tard, à l’intérieur du Liban. Un autre danger est le scénario de la mise en œuvre de la « doctrine Dahieh » dans tout le Liban, c’est-à-dire d’énormes bombardements aériens et la démolition d’immeubles de grande hauteur sur leurs habitants, dans les villes et les villages de tout le Liban, tuant des milliers de résidents. Ces scénarios soulèvent également le danger d’une expansion dramatique de la guerre en Syrie, en Irak, au Yémen et potentiellement en Iran, dans les mois à venir.
Dans les jours qui ont précédé l’assassinat de Nasrallah, par crainte d’un bouleversement régional et mondial qui nuirait également à leurs intérêts, les représentants de l’impérialisme américain et français ont tenté de freiner le déchaînement militaire (qu’ils continuent cependant d’armer et de financer) du gouvernement de Netanyahou et des chefs militaires par une pause de trois semaines aux fins de négociations entre Israël et le Hezbollah. Le gouvernement de Netanyahou et l’extrême droite ont refusé l’offre et ont clairement fait savoir qu’ils étaient déterminés à poursuivre avec toute la force nécessaire. Le ministre de la guerre Gallant a fait référence à la guerre au Liban hier (vendredi 27.09) : « Nous attendons cette occasion depuis longtemps, moi aussi, pas seulement depuis l’année dernière, depuis de nombreuses années. »
L’attaque sanglante contre le Liban a culminé lundi dernier (23 septembre), lorsque 558 personnes, dont 50 enfants, ont péri dans le massacre perpétré par le bras armé du capitalisme israélien sur l’ensemble du territoire libanais. Dans certains bombardements, des familles entières ont été anéanties. Plus d’un millier de personnes ont été blessées. Ce fut le jour le plus sanglant au Liban depuis au moins 40 ans, depuis le massacre de Sabra et Chatila. Il s’agit d’un acte de terrorisme d’État généralisé destiné à restaurer le prestige du régime israélien et à « brûler les consciences », dans le contexte de la crise stratégique dans laquelle se trouve le gouvernement, sans issue, à deux semaines de l’anniversaire du 7 octobre.
Le ministère libanais de la santé estime qu’au moins 1 640 personnes ont été tuées au Liban depuis le 8 octobre, dont 104 enfants et 194 femmes, la plupart dans des frappes israéliennes au cours des deux dernières semaines. Ce bilan effroyable est déjà plus élevé que celui de la guerre de 2006 au Liban, au cours de laquelle environ 1 400 habitants ont été tués.
Ces deux derniers jours, des centaines de milliers d’habitants du Liban ont été déplacés de leur domicile sous la menace des bombardements et ont été pris pendant de longues heures dans d’énormes embouteillages, parfois sans eau ni nourriture. Ils ont rejoint les centaines de milliers d’habitants du Sud-Liban déplacés depuis octobre 2023, avant même la phase actuelle. Il n’y a pas d’abris pour accueillir tout le monde. Les écoles et les campus du pays sont devenus des centres d’accueil pour les personnes déplacées, mais beaucoup d’entre eux sont déjà pleins.
« Ramener les habitants du nord chez eux en toute sécurité » ?
Après presque un an de guerre d’extermination à Gaza, avec plus de 41 000 morts dans le massacre historique, le gouvernement israélien n’a atteint aucun de ses objectifs de guerre déclarés. La crise des otages n’a pas été résolue, et non seulement le mouvement Hamas n’a pas disparu, mais ses combattants continuent d’opérer même dans les territoires que les forces d’occupation israéliennes ont déjà repris. Le gouvernement n’a pas non plus été en mesure d’imposer des conditions de reddition aux dirigeants du Hamas par des moyens militaires et il n’y a pas d’horizon pour la fin du bain de sang.
Immédiatement après le 7 octobre, le choc de masse dans la société israélienne a été utilisé par tous les partis politiques de l’establishment pour attiser la réaction nationaliste et mobiliser le soutien du public israélien en faveur de l’attaque génocidaire à Gaza. Les voix qui s’opposaient à la guerre ont été réduites au silence, y compris de manière violente. Mais à mesure que le choc s’atténuait et que les objectifs de guerre du gouvernement s’avéraient impossibles à atteindre par des moyens militaires, les doutes et les critiques se sont multipliés dans de larges pans de la société israélienne. Dans ce contexte, la demande d’arrêt de la guerre à Gaza, dans le cadre d’un accord d’échange prévoyant le retour des personnes enlevées encore en vie, a atteint le courant dominant de la société israélienne. Même le leader de la soi-disant « opposition », Yair Lapid, qui a reconnu le changement d’humeur et n’était pas d’accord avec Netanyahou sur la manière dont la guerre d’extermination était menée, a appelé à la fin de la guerre à Gaza et a attaqué Netanyahou pour avoir voulu une « guerre éternelle ».
Aujourd’hui, le gouvernement parvient à mobiliser un soutien relativement large de l’opinion publique israélienne en faveur d’une guerre totale contre le Liban, principalement autour de la démagogie sécuritaire et de la promesse qu’une telle guerre sanglante résoudrait apparemment la crise des dizaines de milliers d’évacués des villes du nord et leur permettrait de rentrer chez eux en toute sécurité. Les chefs de l’« opposition » parlementaire israélienne aident le gouvernement sanguinaire dans cette entreprise : Yair Lapid, Gidon Sa’ar, Avigodor Lieberman et Yair Golan, qui rivalisent avec les ministres d’extrême droite Smotrich et Ben Gvir en appelant à l’occupation du Sud-Liban et en tentant d’écarter Netanyahou de la droite.
Une guerre totale au Liban menace non seulement la sécurité, la vie et le bien-être des masses au Liban et dans la région, mais aussi de millions de personnes en Israël. En réponse au massacre généralisé au Liban, le Hezbollah a effectivement élargi la portée de ses tirs, notamment en envoyant un missile sur la région de Tel-Aviv, et ses roquettes ont également fait un certain nombre de blessés, notamment des travailleurs arabes et palestiniens de la région de Nahariya et un travailleur touché à Tibériade, mais à ce stade, il s’agit d’une réponse limitée et restreinte. Malgré l’atmosphère d’euphorie nationaliste qui règne dans les studios d’information israéliens et dans les vidéos de Netanyahou et des généraux, les responsables de l’armée et du gouvernement admettent que « nous n’avons encore rien vu ». Le « haut responsable politique » israélien , interviewé par N12 jeudi, a déclaré : « Le public israélien doit savoir que le gouvernement israélien n’est pas en mesure de faire face à la situation : « Le public israélien doit savoir que nous n’avons pas vu un huitième des capacités du Hezbollah, qui, pour une raison ou une autre, se retient pour l’instant. Mais si nous en arrivons à une guerre totale, le prix à payer sera lourd. Le point d’arrêt sera l’accord [de cessez-le-feu], car Israël n’a pas l’intention de détruire le Hezbollah, de le démanteler ou de démanteler l’État libanais ».
Les lancements de drones depuis l’Irak, dont certains sont également arrivés au port d’Eilat, et les missiles balistiques tirés depuis le Yémen en direction de Tel-Aviv, font partie de la nouvelle réalité : une guerre régionale de facto, de faible intensité, avec des attaques et des contre-attaques non seulement au Liban, mais aussi en Syrie, en Irak, au Yémen et, potentiellement, en Iran.
L’attaque militaire contre le Liban lancée par le cabinet de la mort israélien n’améliorera pas la sécurité des habitants de la Galilée, du nord ou des habitants d’Israël en général ; au contraire, elle devrait provoquer de nouvelles catastrophes. D’autres villes du nord se joignent déjà à la routine des alarmes quotidiennes. La routine de la vie à Haïfa, et peut-être bientôt aussi dans la région de Tel Aviv, commencera à être différente. Personne ne garantit qu’il n’en sera pas ainsi pendant de nombreux mois. Une escalade plus dramatique pourrait également faire des dizaines, voire des centaines de morts en Israël.
Il ne s’agit pas d’une guerre pour la protection de la population et le retour des habitants dans leurs maisons, mais d’une guerre pour la réorganisation de l’assujettissement national et de l’oppression des Palestiniens et la préservation de l’hégémonie du régime israélien et de l’impérialisme américain au Moyen-Orient contre l’Iran et ses alliés. Tels sont les véritables objectifs du régime israélien dans cette attaque sanglante et, pour les atteindre, il est également prêt à sacrifier les derniers Israéliens enlevés, à mettre en danger la vie de dizaines de milliers de personnes en Israël et dans la région et à provoquer des désastres pour des millions de personnes.
Vers une guerre israélo-iranienne ?
Le guide suprême iranien Khamenei et le président Pezeshkian, du camp réformateur, ont indiqué, au moins jusqu’à l’assassinat de Nasrallah, que l’Iran n’était pas intéressé par une guerre à grande échelle. Mais l’attaque de représailles iranienne en avril après l’assassinat de généraux iraniens dans le complexe du consulat iranien à Damas a montré que lorsque les intérêts directs du régime iranien sont menacés, il est prêt à tracer une ligne rouge et à répondre militairement. À la suite de l’attentat à la bombe à Beyrouth vendredi soir, M. Khamenei a convoqué une réunion d’urgence du Conseil national suprême en Iran.
Dans son discours à l’ONU, au moment de l’assassinat et du bombardement des immeubles résidentiels de Beyrouth, Netanyahou a menacé le régime de Téhéran : « Si vous nous attaquez, nous vous attaquerons. Il n’y a pas d’endroit que le long bras d’Israël n’atteindra pas ». L’arrogance du gouvernement Netanyahou peut le conduire, suite à l’escalade dramatique qu’il a initiée, à lancer une « frappe préventive » contre l’Iran et plus particulièrement à profiter d’une opportunité pour attaquer les installations nucléaires du pays.
Le ministre israélien de la guerre, M. Gallant, s’est entretenu au téléphone pendant l’attaque de Dahieh et l’assassinat de Nasrallah avec le secrétaire américain à la défense, M. Lloyd Austin, qui affirme pour sa part que « les États-Unis n’ont pas été impliqués dans l’opération d’Israël. Nous n’avons pas été prévenus à l’avance ». Il semble que l’hypothèse qui guide Gallant, Netanyahou et les chefs de l’armée à ce stade est que Washington devra soutenir toute action qu’ils initient ex post facto – aussi provocatrice et sanglante qu’elle puisse être.
Bien que Washington ne soit pas intéressé par une guerre directe avec l’Iran, si le gouvernement Netanyahou et l’extrême droite entraînent le régime iranien dans une intervention militaire, les États-Unis pourraient être entraînés dans la campagne pour protéger leur prestige et leurs intérêts dans la région.
Le conflit au Moyen-Orient alimente et influence le conflit inter-impérialiste entre le camp dirigé par l’impérialisme américain et celui dirigé par les impérialismes russe et chinois. L’administration Biden continue non seulement d’armer et de financer la machine de guerre israélienne à coups de milliards de dollars, mais elle est également intervenue directement sur le plan militaire en menant des attaques au cours des derniers mois au Yémen, en Irak et en Syrie et en menaçant d’attaquer le Hezbollah ou l’Iran dans le cadre d’un scénario de guerre totale. Les diplomates russes et chinois ont fermement condamné Israël, mais dans un avenir prévisible, la Russie et la Chine n’ont pas l’intention d’intervenir directement comme les États-Unis. Toutefois, des rapports récents indiquent que la Russie mène des pourparlers, par le biais d’une médiation iranienne, avec la milice Ansar Allah des Houthis au Yémen, concernant la possibilité de leur fournir des armes de pointe, en guise de revanche pour le transfert d’armes des États-Unis et des puissances occidentales vers l’Ukraine.
Une lutte s’impose pour arrêter le brasier
Il est urgent d’organiser des manifestations et même des grèves dans toute la région et dans le monde entier pour imposer un cessez-le-feu au régime israélien. L’intervention des masses au Moyen-Orient et dans les pays impérialistes qui arment et financent la machine de guerre israélienne peut influencer le cours des événements et même faire pencher la balance en faveur d’une guerre régionale.
Hier (27 septembre), une série de syndicats de l’État espagnol ont organisé une grève de protestation de 24 heures contre la guerre d’extermination à Gaza. Une initiative internationale d’activistes solidaires a jusqu’à présent recueilli environ 116 000 « engagements » à participer à une journée de grève et de protestation contre le bain de sang à Gaza et au Liban le 1er octobre, mais il ne semble pas pour l’instant que des syndicats ou d’autres grandes organisations aient rejoint l’appel.
À la même date, mardi prochain (1er octobre), une grève de protestation lancée par le Haut comité de suivi des citoyens arabes d’Israël et le Comité national des chefs de localités arabes (NCALC) devrait avoir lieu, à l’occasion de l’anniversaire des événements d’octobre 2000 et en mémoire des manifestants qui ont été tués par balle au cours des manifestations. La grève a été annoncée avant l’assaut sanglant sur le Liban, exigeant la fin de la guerre d’extermination à Gaza, les attaques contre les Palestiniens en Cisjordanie, l’épidémie de meurtres menée par les organisations criminelles à l’intérieur de la frontière de 48 (qui sont encouragées par les conditions créées par l’État et la police raciste), la démolition des maisons et l’abus des prisonniers palestiniens. Malheureusement, la direction du comité de suivi a été poussée, après de nombreux mois, à annoncer une grève, mais jusqu’à présent, elle n’a pas mené de campagne publique visant à construire une mobilisation pour une grève forte, active et efficace, tout en se préparant à faire face aux mesures de répression et de persécution politique nationaliste.
Face à cette nouvelle et dangereuse étape de la guerre, il est nécessaire de faire de la grève le point de départ d’une nouvelle phase de la lutte contre le gouvernement sanguinaire. Cette phase devrait inclure des assemblées (y compris virtuelles) pour discuter et planifier les prochaines étapes de la lutte sur chaque lieu de travail, établissement d’enseignement, quartier ou localité, là où c’est possible et sûr. Ces mesures pourraient inclure la poursuite de la grève dans les communautés arabo-palestiniennes, mais aussi des mesures de protestation transnationales exigeant l’arrêt de la guerre au Liban, la fin du bain de sang à Gaza, la libération de « tous pour tous » et la lutte pour la réhabilitation et le bien-être.
Alors que le siège officiel des familles des personnes enlevées s’est empressé d’annuler la principale manifestation à Tel-Aviv suite au début de la guerre au Liban sans que les autorités n’imposent de restrictions aux rassemblements, certaines familles des personnes enlevées ont lancé un appel à venir manifester samedi soir et à ne pas cesser la lutte. Bien que de nombreux participants aux manifestations « Deal Now » puissent se faire des illusions sur la guerre au Liban et même la soutenir, il convient de préciser que ceux qui ont saboté un cessez-le-feu au Liban (et ceux qui les ont encouragés au sein de l’« opposition ») ont en fait saboté un accord de libération d’otages à Gaza.
Le déclenchement d’une indignation massive dans la société israélienne en réponse à la décision du cabinet de la mort de perpétuer l’occupation de la « route Philadelphie » à Gaza et la nouvelle de la mort de six personnes enlevées à la suite de la « pression militaire » ont exercé une pression par le bas sur la direction de la Histadrout, ce qui a conduit à l’annonce de la grève générale du 2 septembre, à laquelle ont participé des travailleurs juifs et arabes. La grève a laissé entrevoir le potentiel, qui n’a pas encore été pleinement réalisé, d’une intervention dans la crise sanglante de la part de la classe ouvrière dans l’intérêt des gens ordinaires et en opposition aux intérêts de la machine de guerre du régime israélien. Face à la direction nationaliste de droite du président de la Histadrut Bar-David et de ses semblables, la gauche socialiste devrait également promouvoir dans les organisations de travailleurs une position conforme aux intérêts des gens ordinaires de toutes les communautés nationales – contre les attaques sanglantes au Liban et la guerre d’extermination à Gaza, contre une guerre régionale et pour la libération de « tous pour tous », la réhabilitation et l’aide sociale.
Il n’y aura pas de véritable solution à la crise sanglante sans une lutte contre l’oppression nationale, l’occupation, l’expropriation, la pauvreté et l’impérialisme. Cette lutte devrait commencer par le renforcement de l’appel à l’arrêt de l’enfer au Liban et à Gaza, l’arrêt des attaques de l’armée et des colons en Cisjordanie, une lutte pour renverser le gouvernement sanguinaire et continuer à construire une alternative à l’ensemble de son programme et au programme des partis « d’opposition » qui promet un avenir de guerres et de sang sous la domination du capital et de l’occupation. Une alternative au niveau régional et international qui promouvra une lutte pour le changement socialiste et la paix face au système capitaliste basé sur l’agression impérialiste et la domination du capital.
En février 2022, le chancelier fédéral allemand Olaf Scholz avait utilisé le terme « Zeitenwende » ou « changement d’époque » lors d’un discours au Bundestag peu après l’invasion russe de l’Ukraine. Cela reste très pertinent pour décrire la période actuelle de l’histoire allemande.
Article de Christian (Louvain)
Alors que l’économie allemande est au bord de la récession et qu’une vague d’austérité se profile, le gouvernement de coalition allemand (le SPD social-démocrate, les verts et les libéraux du FDP) ne cesse de perdre du soutien. Les trois récentes élections régionales à l’Est du pays ont représenté un succès inédit pour le parti d’extrême droite AfD. À la suite de la scission du parti Die Linke du BSW (Bündnis Sahra Wagenknecht, Alliance Sahra Wagenknecht), la gauche est dans un processus de recomposition, voire de décomposition. A gauche, comme sur le reste de l’échiquier politique, on observe un repositionnement marqué vers la droite.
Sur le sujet de l’immigration, la récente extension des contrôles aux frontières par le gouvernement de centre-gauche – une mesure longtemps prônée par l’extrême droite – illustre l’importance de ce virage à droite. Cette question, ainsi que le positionnement « pacifiste » du BSW et même de l’AfD, feront l’objet d’un autre article, à paraitre à une date ultérieure.
Le modèle économique allemand en difficulté
La crise totale dans laquelle nous plonge le système capitaliste avance à des vitesses variables selon les pays. Le statut de l’Allemagne comme moteur économique de l’Europe, comme symbole de stabilité, semble aujourd’hui révolu. Certains vont jusqu’à lui recoller l’étiquette « d’homme malade d’Europe » par lequel le pays était désigné à la fin des années 1990 et au début des années 2000, période de croissance stagnante et de chômage élevé.
L’économie allemande a connu une récession en 2023 (-0,3 %), alors que, point d’ironie, la croissance en Europe du Sud a permis à l’UE d’échapper globalement à la récession. Pour 2024, l’économie allemande vacille au bord de la récession avec une croissance tout au plus de 0,3%.[i] Le secteur automobile, secteur phare de l’économie allemande, est un parfait exemple de la crise de compétitivité. Volkswagen pourrait supprimer 15.000 emplois en Allemagne, où l’entreprise envisage des fermetures d’usines pour la première fois depuis 1938.[ii]
Le chômage est en légère hausse, à 6,0% actuellement contre 5,7% en 2023. Cela reste relativement faible par rapport aux normes historiques (le record du 21e siècle était de 11,2% en 2005), mais cela semble être dû à des facteurs démographiques, notamment le départ à la retraite des baby-boomers, ce qui entraîne son propre lot de problèmes.
La dernière fois que la bourgeoisie allemande a réussi à se débarrasser de cette étiquette « d’homme malade de l’Europe », c’était grâce aux (contre) réformes « Agenda 2010 » introduites par la coalition SPD (social-démocrate) et Verte du chancelier Gérard Schröder en 2003. S’en prenant aux allocations sociales et à l’assurance chômage, les réformes “Harz IV” représentèrent une attaque massive contre l’État providence. La création d’un vaste secteur à bas salaires, l’introduction massive de travail intérimaire et une retenue salariale marquée ont permis au capital allemand de redevenir compétitif à l’échelle européenne voire mondiale, une vraie « superstar » de l’exportation. Pendant la crise de l’euro, le capital allemand a su imposer sa volonté aux économies plus faibles du sud de l’Europe et ainsi même profiter de la crise.
Les points forts du modèle économique du pays sont aujourd’hui devenus des faiblesses. Après le trou financier produit par la crise du covid, la guerre russo-ukrainienne a porté un coup encore plus sévère à l’édifice allemand. L’Allemagne a désormais perdu sa source d’énergie bon marché, le gaz russe. Le découplage de l’économie mondiale a porté préjudice aux exportations allemandes, en particulier celles vers le marché chinois. L’accès à la Chine, un pays désormais lui-même en crise, fut un élément crucial de la recette du succès allemand au cours de la dernière période. Un vaste secteur à bas salaires présente aussi le désavantage d’une plus faible demande intérieure. Le sous-investissement dans les infrastructures publiques (tel la numérisation) nuit désormais à l’économie. L’Allemagne, à l’instar de l’UE dans son ensemble, est en position de faiblesse dans les technologies de pointe, loin derrière les États-Unis et la Chine.
Crise budgétaire et austérité
L’Allemagne est également confrontée à une crise budgétaire en grande partie auto-imposée. La coalition fédérale allemande dite ‘feu tricolore’ (‘Ampel-Koalition’) composée du Parti social-démocrates (SPD), du Parti libéral-démocrate (FDP) et de l’Alliance 90 / Les Verts a tenté de réaffecter un fonds d’urgence covid de 60 milliards d’euros au nouveau « fonds pour le climat et la transformation ». Au Bundestag les chrétiens-démocrates du CDU/CSU s’y sont opposés. Ils ont également eu recours à la cour constitutionnelle pour empêcher la mesure en question. Le verdict donna raison aux chrétiens-démocrates, au motif que la mesure enfreignait le « Schuldenbremse » (frein à l’endettement) lequel limite depuis 2016 le déficit budgétaire à 0,35 % du PIB.[iii]
La coalition s’est divisée sur la question de savoir si elle doit remettre en cause le principe du frein à l’endettement. Christian Lindner, le ministre des Finances issue du FDP, parti néolibéral particulièrement zélé, est, contrairement à ses partenaires de coalition sociaux-démocrates et verts, un particulièrement attaché à ce principe constitutionnel. Le gouvernement n’étant pas disposé à abandonner les allégements fiscaux garantis aux riches et aux grandes entreprises pour combler les trous budgétaires qui se sont ouverts dans le budget 2025, des coupes dans les dépenses sociales se profilent. A partir de 2027, les coûts de réarmement, actuellement encore couverts par un fonds spécial, vont encore d’avantage mettre le budget de l’État sous pression. La crise du covid, le réarmement, la transition énergétique, etc. devront tous être mis sur leur dos de la classe travailleuse afin que le pays, voir le capital allemand, retrouve sa compétitivité.
Virageà droite
La classe dirigeante a besoin du racisme et de la persécution des personnes marginalisées et vulnérables pour diviser la classe travailleuse. C’est la seule façon de lui faire payer la facture. Les médias et l’ensemble du spectre politique, par leur acceptation même du capitalisme comme une fatalité, sont poussés sur la voie de la droitisation. La quasi-invisibilité de la gauche, voire l’absence complète d’une perspective d’une alternative socialiste au système, assure que cette surenchère ne rencontrer que très peu d’opposition. De plus, quand des perspectives économiques pessimistes s’ajoutent au désert social crée par les politiques des dernières décennies, cela alimente encore davantage les craintes de déclin social qui motivent le vote pour l’extrême droite.
Ceci explique le succès électoral sans précédent de l’AfD et ainsi que la droitisation de l’ensemble du champ politique. Les partis établis se bousculent pour mettre en œuvre de nombreux éléments du programme de l’extrême droite. L’Allemagne suit ainsi bon nombre d’autres pays de l’UE, ou cette évolution est déjà en court pour assez longtemps. Cependant, la récente droitisation accélérée de l’Allemagne, la première puissance de l’UE, risque de donner de l’élan à cette tendance ailleurs sur le continent.
L’Est du pays
Pour des raisons historiques, le bousculement politique allemand se présente de la façon la plus aiguë dans l’Est du pays. Le malaise allemand des années 1990 et du début des années 2000 fut en partie lié aux coûts de l’intégration de l’ex-Allemagne de l’Est par le capitalisme ouest-allemand. Les bouleversements massifs causés par la restauration capitaliste, en particulier la destruction de la majeure partie de l’industrie est-allemande et le chômage de masse qui en a résulté, ont laissé un traumatisme durable dans la région. 35 ans après la réunification, l’Est du pays connait toujours un taux de pauvreté nettement plus élevé. Le revenu moyen y est notamment 14 % inférieur à celui dans l’Ouest du pays.[iv]
À l’exception de quelques grands centres de population, cette partie du pays connaît aussi un déclin démographique continu marqués par l’émigration. Dans un contexte néolibéral, ceci s’accompagne de la perte concomitante de services publics. Les partis d’extrême droite, ainsi que des groupuscules (néo)fascistes violents, y connaissent depuis longtemps un terrain fertile. La colère est redirigée vers l’immigration, bien que celle-ci soit relativement peu importante dans ses contrées. La présence significative du parti Die Linke dans le paysage politique de l’Est du pays (ici largement basée sur l’ancien PDS, parti successeur de la dictature bureaucratique est-allemande), a dans une certaine mesure mit un frein à la monté de l’extrême droite. Toutefois en s’accommodant du statu quo, Die Linke n’a finalement pas réussi à apporter une réponse à la crise systémique dont souffre la population et le parti disparaît peu à peu.
Trois excellents résultats pour l’AfD
En septembre, trois élections régionales ont eu lieu dans l’est de l’Allemagne : en Thuringe et en Saxe le 1er septembre et dans le Brandebourg le 22 septembre. Le parti d’extrême droite AfD a remporté les élections en Thuringe avec près de 33% des voix, soit une hausse de plus de 9% par rapport aux résultats de 2019. En Saxe et dans le Brandebourg, l’AfD a atteint un score d’environ 30 %, manquant de peu la première place.
Le succès de l’AfD n’était toutefois pas inattendu. Depuis un certain temps déjà, le parti était donné deuxième dans les sondages au niveau fédéral, un fait confirmé par les élections européennes de juillet 2024.
Toutefois, pour la première fois depuis la deuxième guerre mondiale, un parti d’extrême droite est arrivé premier dans une région allemande. Coïncidence troublante de l’histoire, c’est en Thuringe que le parti nazi, après les élections régionales de janvier 1930, a participé pour la première fois à une coalition gouvernementale. Cependant, l’AfD n’est pas le NSDAP, et nous ne sommes pas dans les années 1930.
La situation est grave, mais nous vivons dans une période assez différente. Le poids plus important de la classe travailleuse aujourd’hui par rapport aux années 1930 et l’absence d’une gauche forte, et surtout d’une gauche révolutionnaire, signifient que l’extrême droite prend pour l’instant la forme de partis populistes, tout à fait à l’aise avec le cadre de démocratie représentative existante.
La trajectoire actuelle reste pour autant inquiétante. De plus en plus de gens votent pour l’AfD par conviction, par exemple par adhésion à son programme raciste anti-migrants, plutôt que par déception envers les autres partis. En Thuringe, sur dix ans la part du « vote protestataire » est ainsi passée de 57 % à 40 % parmi les électeurs de l’AfD.[v] Pour la première fois, les gens votent majoritairement pour l’AfD parce qu’ils lui font confiance pour résoudre leurs problèmes.[vi]
Contrairement au Rassemblement national en France, l’AfD n’est pas non plus sur une trajectoire de dédiabolisation. Le parti fut fondé en 2013 en réaction à la crise de l’euro comme parti eurosceptique ultra-néolibéral. Elle prônait, entre autres, soit la réintroduction des monnaies nationales ou la formation de zones monétaires séparées plus stables (voir le nord et le sud l’UE). Le parti a ensuite connu plusieurs épisodes de luttes intestines au cours desquelles les éléments d’extrême droite raciste les plus extrêmes sont à chaque fois sortis vainqueurs. L’AfD se caractérise aujourd’hui par son programme profondément islamophobe et anti-immigration.
L’AfD de Thuringe est particulièrement à droite, même selon les normes du parti, avec un style de communication que certains dirigeants nationaux préféreraient éviter. Le chef du parti régional, Björn Höcke, s’est notamment opposé à la commémoration des crimes de l’Allemagne nazie en critiquant le mémorial de l’Holocauste à Berlin et en affirmant que les Allemands sont le « seul peuple au monde à avoir planté un mémorial de la honte au cœur de leur capitale ». Il a encore été condamné en juillet 2024 pour utilisation d’un slogan nazi.
Si l’AfD n’est pas un parti de combattants de rue fascistes, il s’est sans aucun doute renforcé grâce à des mouvements de protestation tels que Pegida (extrême droite islamophobe) ou Querdenker (conspirationniste covid). L’AfD entretient des liens avec des groupes d’extrême droite violents et son succès s’accompagne d’une augmentation de la violence raciste et d’extrême droite. Au cours du premier semestre 2024, le nombre de crimes attribués à l’extrémisme de droite a atteint un nouveau record en Allemagne.[vii]
Faire barrage mais pour combien de temps encore…
Dans chacune des trois élections régionales récentes, un parti de l’establishment réussi à concentrer le vote anti-AfD. En Thuringe et en Saxe, ce fut la CDU chrétienne-démocrate, actuellement en opposition au niveau fédéral. En Thuringe le CDU est arrivé deuxième, en Saxe premier. Dans le Brandebourg, ce fut le vote SPD social-démocrate qui a su faire barrage à l’AfD. Le “vote barrage” est surtout une affaire des plus de 60 ans ou d’électeurs encore plus âgés. Au Brandebourg, parmi les plus de 70 ans, la moitié aurait voté pour le SPD et seuls 17% pour l’AfD. Parmi les Brandebourgeois âgés de 25 à 44 ans, le vote pour l’extrême droite est par contre en moyenne deux fois plus élevé, soit 34%.[viii] Chez les générations moins âgées, l’argument moral contre le fascisme utilisé par les partis établis a clairement moins de poids. La cohorte d’âge qui constitue l’épine dorsale du barrage anti-extrême droite ne présage rien de bon pour la performance future du dit barrage.
Malgré la victoire serrée du SPD dans le Brandebourg, Etat détenu par les sociaux-démocrates depuis la réunification allemande, les élections régionales représentent un revers majeur pour la coalition fédérale allemande. Sur l’ensemble des trois élections, les verts et les libéraux ont quasiment été anéantis électoralement. En Thuringe et en Saxe, les partis formant de la coalition fédérale n’ont obtenu respectivement que 10,5 % et 13,3 %, tous les trois réunis. En effet la popularité du gouvernement Chancelier d’Olaf Scholz connaît une chute continue. Selon un sondage national réaliser le 19 septembre seul 16% de l’électorat se disait satisfait du gouvernement, avec 47% se montrant « pas du tout satisfait ».[ix]
Bouleversement à gauche
Outre l’avancée de l’extrême droite, les dernières élections régionales ont également vu un bouleversement à gauche de l’échiquier politique. Die Linke est en effet la grande perdante de ces élections. Die Linke, qui avait déjà largement perdu son image de parti anti-establishment, notamment en participant à des coalitions gouvernementales d’austérité dans de nombreuses régions du pays, surtout à l’Est du pays, mais aussi à Brême. Le lancement en janvier du Bündnis Sahra Wagenknecht (BSW), alliance prônant le nom de sa dirigeante, ancienne figure de proue de Die Linke, n’a fait qu’accélérer un effondrement déjà en cours. Le BSW, scission droitière de Die Linke, est arrivé troisième dans chacune des trois élections régionales ; Thuringe (15.8%) Saxe (11,8%) et Brandebourg (13,5%).
Dans le Brandebourg, Die Linke a perdu l’entièreté de ses sièges. En Thuringe, la chute a aussi été particulièrement dramatique. Aux élections de 2019, Die Linke avait encore connu un succès électoral historique, devenant le plus grand parti avec 31% des voix (29 sièges). Aujourd’hui, son résultat est de 13% (12 sièges). Le fait que l’office du Ministre-président de l’Etat de Thuringe soit occupé depuis 2020 par Bodo Ramelow, homme politique de Die Linke, n’a pas convaincu les électeurs. Alors que Ramelow est personnellement populaire, Die Linke n’a fait que de perdre en popularité. Parti électoraliste largement absent des luttes sociales, Die Linke gouverne comme n’importe quel autre parti, adhérant notamment aux carcans budgétaires.
En Saxe, Die Linke a également perdu plus de la moitié de ses électeurs, passant de 14 à 6 sièges. Si Die Linke n’a pu éviter un échec électoral complet, c’est grâce à une légère hausse du soutien parmi les jeunes électeurs de moins de 35 ans dans les villes universitaires et les grandes villes tel que Leipzig.
Le BSW prétendent être pour « la raison et la justice », se dit économiquement de gauche mais conservateur sur les questions d’oppression (anti-woke) et s’oppose aux dépenses environnementales. La dirigeante du BSW en Saxe, Sabine Zimmermann, a situé le BSW « à droite du SPD et à gauche de la CDU » avec de grands « chevauchements politiques » avec la CDU dans les domaines de la « politique de l’éducation et de la migration ».[x]
Bien que le BSW ait principalement pris des voix à Die Linke, il a sans doute empêché l’AfD d’avoir encore de meilleurs résultats. Selon une enquête auprès des électeurs BSW en Thuringe et en Saxe, respectivement 26 et 33 % de ceux-ci auraient voté pour l’AfD si l’option BSW était inexistante.[xi] Contrairement à Die Linke, BSW semble en effet attirer autant le support d’électeurs ruraux qu’urbains. Ses meilleurs résultats se situe dans les petites villes.[xii] Pour l’AfD, plus la circonscription est rurale, meilleur est non seulement son résultat électoral, mais aussi sa progression électorale depuis les dernières élections.[xiii]
Cependant, le discours social-conservateur du BSW contribue à normalisation des positions de droite et contribue ainsi à la droitisation du spectre politique allemand. Die Linke, toujours nettement plus à gauche, est désormais plus inaudible que jamais dans les débats publics. Alors que le BSW a exclu toute coalition avec l’AfD, Sahra Wagenknecht a déjà déclaré qu’elle pouvait imaginer une coopération substantielle avec le parti d’extrême droite.[xiv]
Une difficile formation de coalitions régionales
Dans l’Est du pays, les partis de la coalition fédérale et le CDU (tous des partis dit « de l’Ouest ») ont collectivement obtenu de mauvais résultats. Pour l’instant, on souhaite maintenir un cordon sanitaire pour empêcher l’AfD de prendre part au gouvernement. Les négociations de coalition s’avèrent donc difficiles.
Dans le Brandebourg, les sièges sont répartis à parts égales entre le SPD et la CDU d’un côté et l’AfD et le BSW de l’autre. Le SPD et la CDU ne sont donc pas en mesure de constituer une majorité. Une coalition du SPD avec le BSW, qui a deux sièges de plus que la CDU est donc une possibilité.[xv]
En Thuringe, la coalition la plus probable serait celle entre la CDU, le BSW et le SPD. Mais comme ces trois partis ne détiennent ensemble que la moitié des sièges, cette coalition devrait compter sur la tolérance de ce qui reste de Die Linke. L’AfD se retrouverait alors dans la position d’être l’unique parti d’opposition, ce qui risquerait de la renforcerait encore davantage.[xvi]
En Saxe, la CDU, arrivée en tête aux élections, donne du fil à retordre à ses éventuels partenaires de coalition, le SPD et le BSW. Jusqu’à présent, les chrétiens-démocrates, qui sont susceptibles de former le prochain gouvernement fédéral, ont engagé une collaboration limitée avec l’AfD au niveau local. Les chrétiens-démocrates tentent de se distinguer des partis de la coalition fédérale en surpassant ceux-ci dans l’adoption du programme de l’extrême-droite, notamment sur le sujet de l’immigration. A plus long terme, il n’est pas exclu que ceux-ci ne préfèrent pas une coalition avec l’AfD au maintien d’une orientation envers les parties « centristes ». L’exemple de Meloni en Italie, qui entretient de bonnes relations avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, membre de la CDU, montre les compromis que l’AfD devrait faire pour que cela devienne une option. Cela impliquerait une position plus conciliante envers l’UE et l’OTAN.
La capacité de la BSW à participer dans des coalitions dépendra sans doute de son insistance sur ses positions sur la guerre en Ukraine et sur le stationnement de missiles américains en Allemagne. Le parti saura-t-elle mettre ces positions de côté sous prétexte que ces questions sont moins conséquentes au niveau des régions ? Le BSW parle également constamment de la promotion des intérêts des petites et moyennes entreprises. Dans quelle mesure une telle position est-elle compatible avec ses revendications d’une augmentation du salaire minimum et des retraites ? Il est tout à fait possible que si le BSW entre dans des coalitions régionales, il décevra ses électeurs encore plus rapidement que Die Linke ne l’a fait par le passé.[xvii]
Vers des élections fédérales
Les prochaines élections fédérales en Allemagne sont prévues dans un an, le 28 septembre 2025. D’après un récent sondage (28/09/2024), si ses élections avaient lieux actuellement, le CDU/CSU arriverait en tête avec (32%) suivit par l’AfD (19%) et le SPD (15%). Le BSW arriverait juste derrière l’Alliance 90 / Les Verts avec 10% contre 11%. Le FDP et Die Linke ne pourrait recevoir aucun mandat.[xviii]
L’AfD passerait ainsi de la 5e place en 2021 (où elle avait recueilli 10,4% des voix) au deuxième parti du pays. La monté de l’Afd, n’est d’ailleurs pas d’un phénomène limité à l’est du pays. Les sondages régionaux laissent penser que le parti obtiendrait en moyenne 14% des voix dans les régions de l’Ouest contre 25% dans celles de l’Est.[xix] Cependant, dans certaines régions de l’Allemagne de l’Ouest elle pourrait obtenir un vote bien plus important. En Basse-Saxe, par exemple, l’AfD pourrait obtenir jusqu’à 21 % des voix.
Si la gauche s’associe à des politiques antisociales ou adopte même des éléments de la rhétorique de division de l’extrême droite, cela ne fait que renforcer l’extrême droite. Le mouvement ouvrier ne doit pas se résigner à la crise économique, sociale, écologique et politique, mais formuler ses propres alternatives et les défendre de manière offensive par une lutte conséquente.
[xiii] Cet entretien tire des conclusions intéressantes sur le contexte sociologique de l’hégémonie croissante de l’extrême droite dans les zones rurales délaissées. Dans ce cas, il s’agit du RN en France, mais je pense qu’il y a des leçons plus larges à en tirer. Il explique comment les couches de classe moyenne, des petits indépendants, qui sont souvent les premières à adhérer à l’extrême droite, peuvent ensuite influencer des couches plus larges dans ce type d’environnement. https://www.youtube.com/watch?v=KuKnsKHRQN0
Pour marquer des point aux élections du 9 juin dernier, la N-VA a pris publiquement ses distances avec le Vlaams Belang. La stratégie étant reproduite vis-à-vis des élections communales, les chances de briser le cordon sanitaire à l’échelle locale sont plus réduites. Si l’on regarde les résultats du 9 juin par district électoral, on constate que la N-VA et le VB ont obtenu ensemble la majorité dans 151 communes flamandes. La ligne de Bart De Wever – consistant à n’entrer nulle part en coalition avec l’extrême droite – semble tenir pour l’instant, mais pour combien de temps ?
Le 9 juin, le Vlaams Belang a réalisé des percées dans une série de communes où il ne dispose pourtant pas de section locale vivante. De tous les partis, c’est l’extrême droite qui a obtenu le moins de votes préférentiels par rapport au nombre total de voix. Mais il y a des exceptions. C’est le cas à Ninove où, lors des élections législatives, un quart de l’électorat a donné son vote préférentiel à Guy D’Haeseleer. Sa liste, Forza Ninove, a déjà obtenu 40 % des voix en 2018. S’il y a une commune où l’extrême droite peut bientôt arriver au pouvoir, c’est bien Ninove.
Comment expliquer ce soutien ? Une série de facteurs sont combinés : la disparition de l’industrie et des sources locales d’emploi, la réduction de tous les services publics (et privés) et l’afflux de personnes fuyant Bruxelles parce que la capitale devient inabordable. A cela s’ajoute un réel ancrage de l’extrême droite. Dès la première percée du Vlaams Blok, des noyaux étaient actifs dans la région de la Dendre. Ces dernières années, D’Haeseleer a développé un réseau de soutien avec Forza Ninove. Il aide les gens à remplir leur déclaration d’impôt par exemple. D’Haeseleer signe de son nom la notice nécrologique de chaque habitant de Ninove décédé. Là où d’autres partis se limitent de plus en plus aux opérations de communication, Forza Ninove est ancré localement.
Les problèmes sociaux s’accumulent et nourrissent les tensions sociales, sans que les forces politiques nationales ou locales y répondent. Ce vide politique, dans un contexte où la gauche syndicale et politique n’est pas suffisamment présente, laisse un espace à l’extrême droite. Faute de solution collective aux problèmes individuels, les gens se laissent d’autant plus facilement tromper par ceux qui instrumentalisent leurs frustrations. La participation au pouvoir de l’extrême droite s’accompagnera d’ailleurs sans aucun doute de nouvelles attaques contre le mouvement ouvrier et tous ceux qui ne correspondent pas aux normes appréciées par l’extrême droite.
Quelle réponse le mouvement de la classe travailleuse peut-il apporter ? Il n’y a pas de solution miracle. Il faut construire de manière cohérente un rapport de force capable d’imposer le changement social. Nier la colère ne sert à rien, il faut l’aiguiller vers les vrais responsables de la précarisation de l’existence sous toutes ses formes. Ce travail exige de la patience. Et aussi un programme axé non pas sur ce que permet l’establishment, mais sur ce qui est nécessaire pour répondre aux inquiétudes de la grande majorité de la population. Une approche de classe offensive et audacieuse est le meilleur moyen de lutter ensemble pour un meilleur avenir, et donc d’étouffer immédiatement le désespoir sur lequel prospère l’extrême droite.
Les élections du 13 octobre arrivent à un moment important. Une vague de licenciements collectifs a déjà commencé, avec Audi en tête. Bart De Wever, Georges-Louis Bouchez et toute leur bande tentent d’installer un gouvernement fédéral qui déclenchera un tsunami d’attaques contre les conditions d’existence de la classe travailleuse. Leur recette, c’est une austérité digne de Thatcher avec une propagande populiste digne de Trump. Le 13 octobre ne portera pas seulement sur des questions locales. La résistance de la classe travailleuse sera stimulée par le résultat le plus fort possible pour le PTB.
Par Geert Cool, article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste
La sombre perspective d’économiser 27 milliards d’euros au niveau fédéral plane sur tous les niveaux de pouvoir. Cela peut donner l’impression que les dés sont déjà jetés. Que peut-on donc bien changer à l’échelle communale si l’argent manque même pour l’enseignement et les transports publics? Et si les caisses communales sont déjà exsangues et qu’une masse de personnes exclues des allocations de chômage font appel aux CPAS? Plusieurs communes – y compris celles où le PTB espère participer au pouvoir – sont sous tutelle financière régionale. Un instrument de choix pour bloquer toute mesure sociale significative.
La seule chose possible, visiblement, ce ne serait qu’une politique à la faveur des riches. Pardon, de “l’économie”. Vous remettez ça en question? Extrémiste! Et hop: on se retrouve du coup jeté dans le même sac que l’extrême droite. Pourtant celle-ci défend exactement la même politique antisociale dès qu’elle en a l’occasion, avec une répression encore plus forte et une haine de l’autre encore plus écœurante.
C’est la politique des partis dominants qui est à l’origine des tensions sociales, de la casse sociale, de l’aliénation qui frappe des couches grandissantes de la population et, finalement, de ce qu’ils qualifient de “polarisation”. Les services publics sont démantelés ou privatisés, y compris les soins de santé. Les promoteurs immobiliers ont les coudées franches pour faire grimper les prix du logement par la spéculation et les projets de prestige, alors que le logement social crie famine. Au lieu de développer des refuges et des services d’aide aux personnes sans-abri, on les chasse des centres-villes. Mais attention, ne cédez pas à la polarisation !
Les politiques locales des partis dominants s’éloignent généralement de ce qui est nécessaire. La gratuité des transports en commun? Des investissements publics sérieux dans le service à la population et les infrastructures? La construction et la rénovation de logements sociaux? Le recrutement d’un personnel suffisant à des conditions correctes ? L’aménagement des villes et communes pour faire aux canicules et à la crise climatique ? “Impossible”, selon celles et ceux qui sont en place. Pour arracher ce qui est prétendument impossible, il faut développer un rapport de forces reposant sur la lutte des classes. Ce n’est pas autrement que le mouvement ouvrier a arraché le suffrage universel, la sécurité sociale ou encore la fin du travail des enfants. Tout cela était également auparavant “impossible” et menaçait la “compétitivité” des entreprises.
A Bruxelles et Anvers, la possibilité pour le PTB d’obtenir de très bons scores sème la panique. La droite brandit à nouveau le spectre du communisme avec une rhétorique que l’on n’avait plus entendue depuis la guerre froide. La social-démocratie et les Verts accusent le PTB d’être “polarisant” et augmentent la pression en faveur de la modération. Le programme du PTB pour les communales est pourtant déjà extrêmement modéré. C’est hélas surtout lors du Congrès ou au Premier mai que l’on entend le PTB parler de changer de société. Son slogan en faveur de “coalitions du changement” place toutefois la social-démocratie et les Verts devant le choix de gouverner avec le MR ou la N-VA ou avec le PTB. Cela exprime une ambition de prendre les choses en main dans la gestion des communes, ce qui est logique avec des pourcentages supérieurs à 20%. Mais pourquoi ne pas étayer davantage le slogan en le concrétisant par des revendications claires qui partent des besoins, et en indiquant les prochaines étapes de la construction d’un rapport de force pas seulement dans les urnes, mais aussi dans la rue ?
Une campagne en faveur d’un réseau de communes rebelles pourrait aider à mobiliser la population en faveur d’un programme basé sur les besoins sociaux et environnementaux. C’est nécessaire pour éviter qu’une “coalition du changement” ne représente en fin de compte qu’un changement de visages dans la gestion communale sans que cela ne soit sérieusement ressenti dans le quotidien de la classe travailleuse.
Il y a un lien entre la lutte et les élections. Les manifestations de masse contre le génocide à Gaza ont joué un rôle important dans le score du PTB en juin, en particulier à Bruxelles et à Anvers. Un parti qui atteint plus de 20% dans certaines grandes villes et qui se décrit comme marxiste a également une plus grande responsabilité. Face à l’horreur de la coalition Arizona, il nous faut plus qu’une pétition telle que le propose le PTB (www.ptb.be/stop-arizona), même à un moment où l’attention est focalisée sur les élections locales. C’est en organisant les luttes et en reliant les différents mouvements sociaux les uns aux autres que l’on renforce le plus efficacement la solidarité.
Nous sommes plus forts si nous avons également un objectif clairement défini: une société totalement différente, où la classe travailleuse exerce un contrôle démocratique sur les ressources disponibles. Cela exige le renversement de la barbarie capitaliste. Nous pourrions ainsi prendre le contrôle de notre avenir et faire passer en premier les besoins de la classe travailleuse et de la planète. Pour renforcer cette approche révolutionnaire, votre place vous attend à nos côtés.
Ces dernières années ont été rudes pour les communes avec la crise Covid, la crise inflationniste ou encore les inondations meurtrières de juillet 2021. En Wallonie et à Bruxelles, celles-ci ont toutefois continué d’investir (3,2 milliards d’euros en six ans, soit deux fois plus que sous la précédente législature) dans les voiries ainsi que la modernisation et la rénovation énergétique des bâtiments essentiellement. Face à ce qui s’impose après des décennies de sous-investissement, il en faudra encore bien plus.
Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste
Résistance ou résignation ?
En Wallonie, sans le soutien financier de la Région, il serait en réalité question d’un déficit de 467 millions d’euros pour l’année 2024 uniquement. Quelle attitude adoptera le gouvernement wallon MR-Engagés ? Une de ses premières décisions a été d’enterrer l’extension du tram de Liège vers Herstal et Seraing, deux communes populaires qui en ont pourtant bien besoin. Mais ce n’est pas là que le MR et Les Engagés vont à la pêche aux voix. Nous avons besoin d’investissements historiques dans la mobilité douce ainsi que dans l’adaptation aux conséquences du dérèglement climatique et la protection de la population. Pour toute la population, pas seulement celle des communes riches.
Et puis il y a la fameuse « bombe des pensions », celles des fonctionnaires communaux statutaires. Les pouvoirs locaux sont les seules instances publiques à devoir assumer intégralement le financement des pensions de leur personnel. Mais puisqu’on a partout stoppé l’engagement de personnel statutaire, car les contractuels reviennent moins chers, le fonds des pensions des statutaires n’a pas été alimenté correctement. « Nous ne sommes qu’au début du problème et les perspectives s’annoncent inquiétantes », avertissait en juin dernier Arnaud Dessoy, expert en matière de finances locales chez Belfius, le principal créancier des communes.
Aujourd’hui, 11 communes bruxelloises sur 19 connaissent un plan de redressement financier du Fonds régional bruxellois de refinancement des trésoreries communales (FRBRTC), contre 8 il y a dix ans. En Wallonie, 114 communes wallonnes ont bénéficié d’un crédit extraordinaire du CRAC (Centre régional d’Aide aux Communes) depuis 2004, pour un montant cumulé de près de 2,5 milliards d’euros. Il y en a 47 qui ont pu rembourser leur dû. Il reste donc 67 communes sous tutelle financière du CRAC.
Georges-Louis Bouchez, Maxime Prévot et leurs amis prévoient d’y ajouter encore le poids de la limitation dans le temps des allocations de chômage, qui pousserait 90.000 personnes vers les CPAS à travers le pays selon la FGTB. À charge des communes, donc.
Il n’y a pas 10.000 solutions : soit aller chercher des fonds à un autre niveau de pouvoir et réviser le paiement de la dette des communes, soit augmenter fortement les impôts locaux et réduire sauvagement le service à la population.
Liège et la crise de la dette
La question n’est pas neuve et un retour sur la situation à Liège dans les années ’80 est riche d’enseignements.(1) Une grave crise de la dette a éclaté à Liège en 1982. Elle provient en premier lieu de la reconstruction de l’après-guerre : de 1945 à 1964, la dette a été multipliée par 8. Pour aider les communes à se reconstruire, le gouvernement aurait pu aller chercher les fonds nécessaires auprès du capital des entreprises, des holdings, des banques et des gros patrimoines. Il a préféré modifier la législation fiscale en leur faveur. Ça vous rappelle quelque chose ? Du coup, les communes sont devenues les proies des banques et des créanciers.
Au début de la décennie 1980, les taux d’intérêt ont atteint des niveaux historiques partout dans le monde. Cela a mis sous pression tous les problèmes existants, déjà sérieusement aggravés par la crise économique des années ‘70. En 1983, Liège payait 20 millions de Francs belges (500.000 euros, sans tenir compte de l’inflation) d’intérêts sur sa dette par jour ! Mais la crise y a éclaté un an plus tôt, en 1982, alors que la dette de la Ville s’élevait à 45 milliards de FB (1,12 milliard d’euros).
En mars, le gouvernement de droite bloque les ressources de la Ville en les conditionnant à un plan d’assainissement drastique. En avril, la Ville se déclare en cessation de paiement et ne verse les salaires que partiellement ou avec de nombreuses semaines de retard. En juin, un rapport réalisé à la demande de la CGSP souligne le poids monumental du remboursement de la dette : 36% du total des dépenses communales et dénonce les emprunts aux taux d’intérêt qui ont atteint jusqu’à 22,5% au profit du Crédit communal et de quelques banques privées.
Une lutte prolongée s’engage alors, avec diverses grèves d’avril ‘82 à juillet ‘83. Dans certains secteurs, la grève dure plusieurs semaines. Les pompiers entrent en grève de la faim et sont rejoints par d’autres. Des actions de blocage ciblent les principales entrées de la ville. L’hôtel de ville est encerclé d’immondices.
La colère débouche sur l’impasse
En octobre ‘82, ce sont les élections communales. À Liège, elles donnent une large victoire d’une part au cartel PS – Rassemblement Wallon – Rassemblement Populaire Wallon et d’autre part à Ecolo. La nouvelle majorité promettait dans son accord électoral de s’appuyer sur les fortes mobilisations de l’époque pour décréter un moratoire sur le remboursement de la dette et imposer aux banques une forte réduction de celle-ci. Et puis ? Et puis plus rien.
Les promesses creuses des sommets du PS – qui n’a jamais envisagé de mener la lutte de façon conséquente contrairement à sa base – ont désorienté et désorganisé le mouvement. En juillet 1983, la majorité décide d’un premier plan d’austérité. Qui sera suivi d’autres en ‘85 et ’89. Le temps de travail hebdomadaire augmente de 2h, les salaires sont réduits de 15 à 30% et l’emploi est raboté de 33% en ‘83 à 45% en ‘93. Plusieurs services sont fermés, y compris dans les hôpitaux, tandis que d’autres sont privatisés, comme le traitement des déchets. En 2008, la charge de la dette pesait encore 28% dans les dépenses de la ville.
Consolider la combattivité avec une stratégie et un programme
Ce n’était pas une fatalité. La colère et les luttes ne manquaient pas. Les difficultés de la Ville de Liège étaient le miroir de la situation dans de nombreuses villes et communes. D’autre part, les sidérurgistes sont rentrés en lutte contre les pertes d’emploi. En septembre 1983 a eu lieu la plus importante grève des services publics depuis la grève générale de 60-61. Les attaques pleuvaient contre la population de la part des gouvernements de droite (sauts d’index, augmentation d’impôt, etc.). Le 31 mai 1986, pas moins de 200.000 personnes ont manifesté à Bruxelles contre la casse sociale.
Les nombreux lutte des travailleur.euse.s de l’époque n’ont pas manqué de combativité, mais il leur aurait fallu une meilleure organisation à la base, en tissant des liens entre les divers groupes d’actions, syndicaux ou non. Une majorité communale de gauche conséquente aurait pu prendre la tête d’une résistance de masse en faveur d’une politique adossée sur les nécessités sociales et non sur les intérêts des actionnaires des banques. Le point de départ aurait été le refus du paiement de la dette publique et d’entrer en lutte contre le gouvernement social-chrétien / libéral pour arracher les moyens nécessaire. Le sommet du PS y était totalement opposé : le président du parti et bourgmestre de Flémalle André Cools a par exemple systématiquement présenté le personnel communal comme des privilégié.e.s.
“Better to break the law, than break the poor”
Une approche combattive de cette nature aurait signifier de premièrement voter un budget déficitaire pour dépasser la camisole de force budgétaire. A droite, on rétorquera que la loi ne le permet pas. À gauche, on ripostera en disant qu’il « vaut mieux briser la loi que briser les pauvres », en reprenant la fameuse maxime des 47 conseillers communaux de Liverpool dans les années ’80. Entre 1983 et 1987, Liverpool fut une vibrante illustration de ce qui est permis par une lutte de classe menée de façon conséquente.
La situation ressemblait énormément à ce qui est expliqué plus haut, avec des autorités locales étouffées par les autorités supérieures. Et dans ce cas-là, on parle de Thatcher, la Dame de fer. Mais à Liverpool, le programme, la stratégie et les tactiques qui ont prévalu dans le combat du conseil municipal travailliste (l’équivalent du PS) étaient essentiellement déterminées par le groupe Militant, l’aile marxiste du parti. Des promesses avaient été faites, qui allaient être imposées par la lutte : plus de logements sociaux ont été construits à Liverpool à cette époque que dans toutes les autres municipalités du pays réunies !
Pour faire face aux défis à venir, notre camp social devra étudier avec attention de pareilles sources d’inspiration, à l’instar de la riche histoire des grèves générales en Belgique ou encore de celle des occupations d’usine et des grèves spontanées, décidées et organisées par la base syndicale elle-même.
Nous conseillons d’ailleurs la lecture de l’excellent dossier du collectif ACiDe liégeois (Audit citoyen de la dette) « Aux origines de la dette de la ville de Liège » disponible sur le site du Comité pour l’annulation des dettes illégitimes, cadtm.org.
Un an après le début du génocide, on assiste à une extension régionale du carnage. Cette horreur inimaginable ne semble pas pouvoir être arrêtée. Des dizaines de milliers de personnes ont été cyniquement assassinées. Toutes les infrastructures permettant de répondre aux besoins les plus élémentaires de millions de personnes ont été totalement détruites. Tout cela se déroule sous les yeux du monde entier. Le génocide n’est pas seulement toléré, mais facilité par les puissances impérialistes des États-Unis et de l’Europe. Leurs condamnations hypocrites ne sont qu’un écran de fumée.
Bart Vandersteene, article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste,
Dans les faits, l’impérialisme gagne à avoir un allié armé jusqu’aux dents dans la région. Et cet armement est d’autant plus efficace que cet État contribue lui-même à créer l’insécurité contre laquelle il doit ensuite se protéger et s’armer. L’impérialisme, en tant que continuation de la logique capitaliste sur le terrain mondial, est une brutale machine à tuer et à détruire.
La famine comme arme de guerre
Selon l’Unicef, on dénombre déjà au moins 35 000 morts à Gaza (certaines sources avancent des chiffres bien plus élevés), dont 14.000 enfants. Récemment, l’organisation Save the Children a donné le chiffre alarmant de 21.000 enfants disparus, dont beaucoup sont ensevelis sous les décombres. Un enfant sur trois souffre de malnutrition aiguë.
Les hôpitaux, les écoles et les maisons sont en ruines. Selon l’UNRWA, 67% de l’eau, des installations sanitaires et des infrastructures ont été détruites ou gravement endommagées.
La reconstruction de Gaza, ne serait-ce que pour retrouver la situation déjà insuffisante et délabrée d’avant le 7 octobre, coûterait environ 42 milliards de dollars et prendrait 16 ans. Le tissu social de la société palestinienne à Gaza a été détruit, c’est un des objectifs visés.
Dépossession et déshumanisation
Le génocide ne se limite pas à Gaza, même si c’est là qu’il est le plus visible et le plus brutal. Il s’intensifie aussi en Cisjordanie occupée. Depuis le 7 octobre, plus de 600 Palestinien.ne.s ont été tué.e.s et près de 10.000 arrêté.e.s lors d’une nouvelle vague de violence intensifiée par les colons, accompagnée d’une expropriation et d’un nettoyage ethnique par les forces de sécurité israéliennes.
À Jénine, ville de 50 000 habitant.e.s et de 20 000 réfugié.e.s, une offensive majeure a été lancée par les FDI le 28 août. En cinq jours, 70% des routes ont été détruites et des milliers de foyers ont été privés d’eau et d’électricité. Les actions des FDI n’ont pas seulement un impact direct sur la population palestinienne. Elles provoquent aussi une escalade de la part des colons qui saisissent l’occasion de s’emparer de terres par la force et la terreur.
Dans les prisons israéliennes, des rapports font état de traitements sadiques et humiliants infligés à des milliers de Palestinien.ne.s arrêté.e.s arbitrairement. Dans une lettre adressée au procureur général d’Israël, un médecin décrit le scénario cauchemardesque d’un hôpital de campagne: “Pas plus tard que cette semaine, deux prisonniers ont été amputés des jambes à la suite de blessures causées par des menottes, ce qui est malheureusement un événement de routine.”
La pression sur le gouvernement israélien augmente
Une manifestation impressionnante a eu lieu en Israël le 2 septembre. La pression exercée par la base a contraint la fédération syndicale Histadrout à annoncer une grève générale. Celle-ci a paralysé une grande partie de la vie sociale.
Les principales revendications concernaient un cessez-le-feu et un échange de prisonniers pour résoudre la situation désespérée des otages. Des centaines de milliers d’Israélien.ne.s sont descendu.e.s dans la rue pour protester contre leur gouvernement. Ces manifestations expriment le potentiel de mobilisation d’un mouvement généralisé contre la guerre, l’occupation et le génocide.
Le gouvernement israélien ne se préoccupe pas véritablement de la sécurité de son peuple. C’est ce qu’il prétend. Mais ce qui est en jeu, c’est son pouvoir de gouverner la région en tant qu’agent loyal de l’impérialisme occidental.
Une pression internationale grandissante
Sous la pression, l’actuel gouvernement israélien de droite choisit de poursuivre l’escalade, tant sur le plan national qu’international. Plus la population israélienne est effrayée, plus elle tente de traduire cette peur en une prétendue unité nationale.
L’extension régionale du carnage constitue une menace majeure pour la vie de millions de personnes dans la région. Mais cette escalade crée également la discorde dans ses propres rangs et des désaccords avec les soutiens impérialistes. Une expansion régionale de la terreur et de la violence pourrait entraîner l’ensemble du Moyen-Orient dans une spirale infernale. Et l’impérialisme occidental a de quoi s’inquiéter.
Les démocrates américains sont soumis à une pression croissante du fait des protestations dans leur pays. Alors que les élections approchent à grands pas, la pression monte pour qu’ils s’expriment explicitement contre les politiques du gouvernement israélien, mais aussi pour qu’ils lui retirent leur soutien.
L’opposition massive au génocide à Gaza rappelle le mouvement radical contre la guerre du Vietnam qui a ébranlé le capitalisme américain à la fin des années 1960 et au début des années 1970. L’establishment américain veut éviter qu’un tel scénario ne se reproduise.
Un mouvement révolutionnaire est nécessaire
La construction actuelle de l’État israélien, qui fait partie de l’engrenage impérialiste, ne peut conduire qu’à la destruction et à la violence. La liberté des Palestinien.ne.s est liée à la lutte contre ce système inhumain. Les masses palestiniennes peuvent être à l’origine d’une telle lutte de masse. Dans leur propre histoire, elles ont des traditions qui peuvent servir de sources d’inspiration. De la première Intifada – un soulèvement de masse des travailleurs, des femmes et des jeunes – à l’héroïque Marche du retour de 2018 ou à la grève de la dignité de 2021.
Les alliés naturels de cette lutte sont la classe ouvrière, les pauvres et les opprimés de la région et du monde entier. Cela a été amplement démontré au cours des derniers mois. Il est essentiel d’établir des liens avec les masses laborieuses d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Dans un passé récent, il existe des exemples significatifs de la manière dont des régimes arabes capitalistes corrompus ont été renversés. Ces régimes se laissent souvent enfermer dans la logique impérialiste et constituent donc un frein à la libération des masses palestiniennes ainsi que des masses opprimées dans leur propre pays
Il est également vital pour le mouvement de tendre la main à la classe ouvrière israélienne. Celle-ci peut potentiellement se joindre à une lutte contre un ennemi commun. Pour ce faire, il faut être capable de rompre avec l’idéologie raciste toxique de l’État sioniste. De nombreux Palestiniens sont évidemment sceptiques quant à cette possibilité; cependant, les récentes manifestations et la grève générale à l’intérieur de la ligne verte pour un cessez-le-feu et un échange de prisonniers donnent un aperçu de ce qui est possible.
Le système doit disparaître
Une transformation révolutionnaire de la région doit viser à libérer chacun de l’exploitation, de l’oppression et du génocide. Ceux-ci sont, l’un après l’autre, le résultat du capitalisme. Une alternative au capitalisme doit utiliser les richesses et les ressources pour satisfaire les intérêts de la grande majorité de la population. L’élite capitaliste doit être expropriée, les entreprises et les stocks de ressources doivent devenir des biens publics et être contrôlés démocratiquement par la classe ouvrière et les pauvres. Un tel Moyen-Orient et une telle Afrique du Nord démocratiques, anticapitalistes et socialistes constitueraient un outil capable de garantir la liberté et la justice pour tou.te.s. Il pourrait accorder aux Palestiniens et aux Juifs israéliens le droit égal et démocratique à l’autodétermination et garantir une égalité totale à toutes les minorités nationales et religieuses.
Pas de second Gaza au Liban !
Depuis des mois, le régime israélien fait tout ce qu’il peut pour provoquer une escalade régionale. Les récentes attaques terroristes au Liban en font partie. Les explosions des 17 et 18 septembre au Liban et en Syrie ont fait au moins 37 morts et des milliers de blessés. Ces explosions visaient clairement des pans entiers de la population libanaise, et pas seulement les militants du Hezbollah. Le ministre israélien de la guerre, M. Galant, a parlé d’une “nouvelle phase” dans la guerre contre “l’axe de la résistance”, en mettant l’accent sur le Liban.
L’été dernier, le chef du Hamas, Ismail Haniyeh, a été assassiné à Téhéran et le chef du Hezbollah, Hajj Mohsin, à Beyrouth. Des attentats à la bombe ont été perpétrés au Yémen. Aujourd’hui, une opération de terrorisme d’État à grande échelle vient s’ajouter à tout cela. Comment décrire autrement des explosions meurtrières perpétrées au moyen d’appareils de communication manipulés, tels que des bipeurs et des talkies-walkies? Tous les experts le déclarent incompatible avec le droit international de la guerre, mais les médias occidentaux ne parlent pas des attentats et du terrorisme. C’est un exemple de deux poids, deux mesures. En octobre 2023, le président de la N-VA, M. De Wever, a déclaré: “Il n’y a pas d’autre solution que de choisir Israël, la démocratie et la lumière. Ceux qui sont de l’autre côté se rangeront du côté de la terreur et des ténèbres”.
Le journaliste d’investigation israélien Ronen Bergman nomme les choses telles qu’elles sont. Il affirme que les Israéliens ont mis au point “la machine à tuer la plus robuste et la plus rationalisée de l’histoire”. Cette machine à tuer est déployée pour provoquer une guerre régionale. L’objectif est de créer encore plus de misère et de destruction. C’est désastreux pour les peuples de la région et cela n’apportera pas non plus la sécurité et la stabilité aux Israéliens.
La résistance et la solidarité internationales de la classe ouvrière et de tous les opprimés sont vitales contre l’escalade de la violence et du génocide.
L’exposition « Yézidis, Soleil invaincu, dix ans après le génocide » s’est tenue à la Cité Miroir, à Liège, de juillet à septembre. Conçue par la photojournaliste Johanna de Tessières et par le journaliste Christophe Lamfalussy, elle était composée d’une cinquantaine de photos illustrant l’histoire, la culture et la religion du peuple yézidi ainsi que d’une carte géographique pour situer les villes et villages cités. L’exposition visait à faire prendre conscience de toutes les conséquences économiques, politiques et humaines du génocide commis contre les yézidis par les fondamentalistes religieux de l’État Islamique (Daesh). L’horreur subie par ce peuple est largement inconnue internationalement tandis que l’impunité est complète pour les crimes commis.
Par Elisa (Liège)
Le peuple yézidi est une minorité religieuse qui parle kurde. Elle ne compte que 800.000 personnes dans le monde, dont la majorité vivait jusqu’ici en Irak. Elle a résisté, depuis l’Empire ottoman jusqu’au régime de Saddam Hussein, à toutes les autres tentatives de dissolution.
À la suite des profondes déstabilisations causées par l’invasion et l’occupation de l’Irak par la Grande-Bretagne et les États-Unis en 2003 puis par la guerre civile en Syrie en 2011, Daesh, organisation d’idéologie salafiste djihadiste, a proclamé l’instauration d’un califat totalitaire sur les territoires sous son contrôle en 2014.
Le soleil invaincu
Dès ses débuts, Daesh a lancé une offensive contre les Yézédis. Des dizaines de villages ont été rasés et sont encore aujourd’hui inhabitables. 10 ans après le génocide, des camps yézidis subsistent encore dans le Kurdistan irakien (Nord de l’Irak), où la précarité d’existence dans les campements n’a pas empêché une relative gestion autonome des terres, de l’économie et de l’éducation.
Le yézidisme est une religion qui se transmet oralement. L’absence d’écrits est justifiée par une volonté de préserver le pacifisme de leur religion, afin que des textes ne soient pas détournés à des fins de violence. Elle emprunte des pratiques et rites aux religions que sont l’islam, le christianisme et le judaïsme. C’est d’ailleurs une religion qui interdit le prosélytisme, il n’y a donc pas une croyance qui doit prévaloir une autre.
On y trouve bon nombre de référence au soleil. Elle prend d’ailleurs ses racines dans le zoroastrisme (dont l’une des caractéristiques est l’adoration du soleil) et du mithraïsme (qui a pour culte le « Soleil invaincu »). De plus, les prières se font face au soleil. Un principe accompagne la prière, c’est l’importance du collectif : le yézidi prie d’abord pour le monde, ensuite pour sa famille, enfin, pour lui-même.
Une autre référence au soleil se trouve sur les temples à Lalesh, un lieu de culte où ils célèbrent leur grand pèlerinage chaque année, qui sont couverts d’un dôme conique dont les nervures symbolisent les rayons du soleil illuminant l’humanité. Si le culte du soleil est fort présent dans la yézidisme, la croyance elle-même envers ce culte est très forte aussi. Elle est révélatrice d’un besoin de résilience, d’ailleurs, les termes « Soleil invaincu » sont bien choisis. Il y a, dans cette croyance au culte du soleil, un rattachement fort à la continuité de l’ethnie, de leur langue, de leur terre et de leur religion.
Pourquoi l’État islamique s’est-il attaqué aux yézidis ?
En automne 2014, Daesh publie dans son magazine de propagande en ligne Dabiq un article de 3 pages justifiant l’élimination de cette « minorité païenne » où les yézidis sont décrits comme des « adorateurs du diable ». Daesh essaye de justifier ses attaques en racontant qu’un des anges vénérés des yézidis est directement lié au soleil et est donc associé au feu de l’enfer.
De plus, les yézidis sont considérés comme des hérétiques n’appartenant pas à la « vraie » religion musulmane. En fait, Daesh a utilisé des interprétations religieuses fumeuses pour justifier ses crimes de guerre, dont d’innombrables viols sur des femmes et fillettes devenues esclaves sexuelles. Le génocide est ainsi planifié, codifié et même glorifié dans les mosquées et les revues de propagande de l’organisation djihadiste.
En 2014, Daesh commence sa conquête territoriale par le contrôle de la ville de Falloujah en Irak. Le 3 août 2014, Daesh attaque la région montagneuse de Sinjar et applique une politique d’extermination des hommes et tandis que les femmes et les enfants sont vendus comme esclaves. 40.000 Yézidis se réfugient dans la montagne où beaucoup vont mourir de faim ou de soif. Beaucoup vivent encore dans des camps aujourd’hui, des camps surpeuplés et dont l’accès à l’eau est limité. Les yézidis travaillent dans les villes voisines pour un salaire de misère et les ONG ainsi que le gouvernement irakien leur ont promis de l’argent et des vêtements, mais, soit les agents sur place les gardaient pour eux, soit les yézidis devaient les acheter…
L’autodéfense des yézidis
En 2014, tant l’armée irakienne que les unités de la région autonome kurde du nord de l’Irak (peshmerga) ont alors abandonné la population yézidie, qui s’est auto-organisée. Le gouvernement irakien a ensuite en partie financé les milices locales, car ils avaient le même ennemi, Daesh. Mais d’un autre côté, ce même gouvernement a tenté de dissoudre des groupes d’autodéfense sous la pression de l’État turc, ennemi de longue date des différentes communautés kurdes, tout particulièrement celles de son territoire.
Des combats communs ont parfois eu lieu entre les milices irakiennes et la milice locale, la condition de la collaboration pour les yézidis était qu’elle reste dans l’intérêt de la population locale et non pas dans celui de l’État turc ou de groupes corrompus. Des combats ont pu éclater entre milices pour cette raison. Des quartiers entiers du nord de l’Irak ont été détruits, dont le village yézidi de Kocho, où les pires massacres ont pris place et où plus personne ne vit aujourd’hui.
Les milices yézidies ont reçu un soutien plus conséquent des forces de la région kurde du nord-est syrien du Rojava, les Unités de protection du peuple (YPG) et les Unités de protection des femmes (YPJ), historiquement liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), réclamant une autonomie pour la région. Un corridor humanitaire a été installé vers le Rojava, mais 4000 yézidis ont voulu rester dans les montagnes pour défendre leur peuple. Ils se sont organisés (agriculture, gestion de l’eau, éducation) et ont continué à faire vivre la culture yézidi. Des milliers de personnes ont été sauvées par ce corridor. À l’exemple des YPG et YPJ, les milices yézidis ont fondé les Unités de résistance de Sinjar (YBS) et son pendant féminin, les Unités des femmes de Sinjar (YJS).
Un combat qui n’est pas terminé
La documentation sur le peuple yézidi, les minorités ethnoreligieuses ainsi que sur les conflits et génocides en cours de façon plus globale est essentielle pour comprendre les dynamiques de pouvoir des puissances impérialistes envers les peuples opprimés, et comprendre ainsi la légitimité de ces peuples à devenir indépendants dans leur région et non pas des réfugiés et des travailleur.euses exploité.e.s par les gouvernements impérialistes et ceux instrumentalisés par ces derniers.
Nous devons aussi et surtout nous unir, être solidaires et combatif.ves pour la libération des peuples opprimés. Nous devons marquer notre présence et montrer une position claire et ferme pour l’abolition de l’impérialisme sous toutes ses formes et le renversement du capitalisme qui alimente la guerre contre les peuples opprimés, la pauvreté et l’exploitation de la classe travailleuse du monde entier. Alors que l’extrême droite est grimpante partout dans le monde, une alternative solidaire reposant sur la coopération entre les peuples, les communautés opprimées et la classe travailleuse est plus qu’urgente !
Depuis le 20 septembre et jusqu’au 3 novembre, « Yézidis, Soleil invaincu, dix ans après le génocide » est présenté dans le cadre de l’exposition « Irak, Bosnie, Rwanda. Re/construire » au Centre du photojournalisme Géopolis, Rue des Tanneurs 58 à Bruxelles.
L’annonce de la fermeture prochaine de l’usine d’assemblage automobile Audi à Forest touche non seulement près de 3.000 ouvrier.ère.s de l’usine mais aussi des centaines de travailleur.euse.s occupé.e.s dans les firmes de sous-traitance sur le site même de l’entreprise.
Les sociétés de sous-traitance concernées sont: DP World qui s’occupe de la réception des matières, de la gestion des entrepôts et des vidanges ainsi que de la préparation des commandes. Rhenus Automotive qui s’occupe de réceptionner les pièces et d’approvisionner la chaîne de production. Plastic Omnium en charge des équipements de carrosserie (pare-chocs, phares, radiateurs, etc.) Van Eupen Sesé, cette firme s’occupe de l’emballage. Des centaines d’ouvriers sont ainsi occupés sur le site par ces firmes de sous-traitance qui font partie intégrante du processus de production. À côté des métallos, il y a aussi le personnel du nettoyage ou des restaurants, essentiellement des femmes. Des 800 personnes qui travaillent dans la sous-traitance, il y en a environ 250 dans l’horeca ou le nettoyage. Autant dire que sans ce monde, aucun véhicule achevé ne sortirait des chaînes de l’usine de Forest.
Diviser… pour mieux exploiter
Le recours systématique à de la sous-traitance et aux travailleurs intérimaires (près de 300!) est une politique délibérée menée par Audi pour accroître le taux d’exploitation de la main-d’œuvre occupée. Car les conditions de travail et de rémunération ne sont pas les mêmes entre le personnel Audi et le personnel de la sous-traitance. Dans le mot « sous-traitance », un terme a son importance : le terme « sous ».
Quel sera le sort des ouvriers de la sous-traitance après la fermeture prévue en 2025 ? Nul ne le sait encore et c’est l’angoisse chez les ouvriers et ouvrières de la sous-traitance qui campent devant l’entrée de l’usine de Forest depuis plusieurs semaines.
La multinationale Audi prévoit de transférer la production de son modèle Q8 e-tron (prix catalogue en Belgique: 91.480 € TVAC) vers son usine de Puebla au Mexique (ouverte en 2026 et où les salaires sont plus bas qu’à Forest). Mais les frontières n’arrêtent pas la lutte des classes. En février dernier, les travailleurs et les travailleuses d’Audi Puebla ont arraché une augmentation de salaire de 7% et une augmentation des avantages sociaux pour 2024 de 3,2% après avoir mené une grève pendant près d’un mois !
Solidarité et unité
Les sous-traitants sont les oublié.e.s du conflit. Leur travail dépend à 100% d’Audi, mais ils ne sont pourtant pas pris en considération par la procédure de licenciement collectif de la loi Renault. En 2006, à l’époque de la grosse restructuration de ce qui était à l’époque VW Forest, les travailleurs sous-traitants ont obtenu beaucoup moins. Ici, quand la direction d’Audi a convoqué une assemblée du personnel fin août, le personnel des sous-traitants n’était pas convié. Cette division qui sert la direction doit être contrée par l’unité à la base : il nous faut un plan de bataille qui ne laisse personne de côté, ni chez Audi, ni chez les sous-traitants.