Author: sander

  • L’Arizona, un projet brutal contre notre classe sociale. Se révolter & s’organiser pour gagner!

    C’est une fuite dans la presse qui a permis à beaucoup d’entre-nous de découvrir le scénario préparé à huis clos contre tous les travailleur.euse.s, les jeunes, les chômeur.euse.s, les malades et les pensionné.e.s de notre pays. La coalition des droites, adoubée sans sourciller par les “socialistes” du Vooruit et les “humanistes” du CD&V – Engagés, a décidé de déclarer la guerre au monde du travail, à toutes celles et ceux qui triment au quotidien pour tenter d’avoir une vie décente. Surprise, les riches seront, eux, encore une fois préservés de toute contribution au bon fonctionnement de la société.

    Par Karim, délégué syndical CGSP

    Il est impossible avec les 600 mots que j’ai pour cet article de lister l’ensemble des mesures que la note De Wever prévoit. J’invite tout le monde à lire les analyses des organisations syndicales, le dossier central de ce journal ou la note elle-même parce que tout l’enjeu des semaines à venir sera de discuter et de conscientiser sur l’ampleur inédite des attaques qui se préparent. Prenons le temps de décortiquer et d’expliquer à tous nos collègues ce qui se trame. C’est le premier pas pour les impliquer dans la lutte.

    Le futur gouvernement espérait certainement nous diviser en s’en prenant par étapes, tout au long de la législature, à chacune de ses cibles. L’avantage que nous avons avec cette fuite est que leur projet de frapper tout le monde est maintenant évident. Au menu des attaques: réduction des budgets des services publics (déjà en piteux état), nouvelles attaques sur les pensions (l’imposition du recul de l’âge de départ à 67 ans n’est donc pas suffisante), les enseignant.e.s, les chômeur.euse.s (allez expliquer aux travailleur.euse.s licencié.e.s de chez Audi que dans 2 ans, ils se retrouveront au CPAS), les soins de santé (ils les ont vite oubliées les promesses de la crise covid), la dérégulation brutale du travail de nuit, la suppression des sursalaires pour le personnel de nuit… bref, tout le monde va y passer.

    On peut affirmer aujourd’hui que la société capitaliste tout entière présente aux travailleur.euse.s un front unique. Face à cette agression d’une ampleur historique, nous devons réfléchir activement à la construction d’un front unique de notre classe. Les enjeux pour préserver nos conditions de vie doivent nous pousser à nous retrouver sur le chemin de la lutte.

    Les nombreuses fermetures d’entreprises s’ajoutent à ce tableau sombre et demandent que l’on discute urgemment dans toutes les organisations du mouvement social d’une stratégie pour lutter massivement contre ce futur gouvernement et pour préserver nos conquis sociaux. Nous sommes assez sceptiques de la stratégie actuelle de la lutte syndicale chez Audi qui nous fait craindre un enterrement du combat avant même qu’il ne commence véritablement.

    Pourtant, ce lundi 16 septembre, nous étions des milliers – les sous-traitants d’Audi en tête – à exprimer notre colère et notre volonté de lutter. Les discours des dirigeants syndicaux nous ont semblé défaitistes pour ne pas dire à côté de la plaque. Aucune perspective, aucune revendication qui nous amènerait à nous unifier dans une lutte de long terme face à la machine à broyer que sera cette future coalition Arizona.

    Camarades, nous sommes pourtant face à une classe dirigeante qui verra ses intérêts défendus durement par un profil qui mélange un peu du pire de Thatcher et de Trump. Camarades, nous devons nous activer, discuter, mettre pression sur nos dirigeants syndicaux, les déborder si nécessaire. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre, mettons-nous en branle et prenons confiance collectivement dans notre capacité à les pousser dans les cordes.

    Un personnage dont je ne retrouve plus le nom écrivait il y a longtemps que “La timidité chez l’esclave induit l’audace chez le tyran.”  Ne soyons pas timides, luttons !

  • Gouvernement flamand : une impitoyable offensive de droite saupoudrée de vagues promesses sociales

    Lors du congrès de participation de Vooruit, samedi soir, Conner Rousseau a dû s’en prendre violemment à la N-VA pour présenter l’accord de coalition flamand comme ayant évité le pire. Il a déclaré avoir bloqué de nombreuses “vilaines idées” de la N-VA tout en renforçant les fonds alloués à l’aide sociale et aux transports publics. Mais un examen plus approfondi de l’accord de gouvernement révèle que si quelques vagues promesses sociales sont bel et bien écrites, c’est le venin de la droite qui a servi d’encre pour un texte qui repose sur la haine de l’autre et la division.

    Des sanctions pour les personnes démunies, de l’oxygène pour les profits du privé

    La teneur en sanctions de l’accord de coalition flamand est frappante. Des règles sont imposées pour tout et n’importe quoi. Du moins concernant les personnes qui ne sont pas considérées comme tel à part entière : les personnes au chômage, réfugiées, allocataires sociaux, dont la langue maternelle n’est pas le néerlandais… L’accès aux droits sociaux devient plus conditionnel, plus individuel et surtout lié à des exigences linguistiques. Le nationalisme linguistique comme mécanisme d’exclusion, en d’autres termes !

    L’accord de coalition prévoit une médiation et un suivi accrus des personnes au chômage, avec des contrôles et des sanctions plus rapides. Les formations seraient lancées plus rapidement. Le rôle du VDAB (service flamand de l’emploi et de la formation) se limiterait à “orienter” le parcours et ne se chargerait plus de formation qu’en l’absence d’offre de formation privée ou semi-publique. Le secteur privé de la formation a de beaux jours devant lui ! Le suivi des personnes au chômage pourrait également se faire davantage au niveau local, avec l’extension des travaux d’intérêt général obligatoires sous le nouveau nom “d’emplois sociaux”. Il s’agit d’un emploi obligatoire après un an de chômage dans des tâches concernant les autorités locales, les ASBL et les écoles, à 4,5 euros de l’heure en plus de l’allocation de chômage. Pourquoi les autorités locales devraient-elles encore recruter du personnel à de bonnes conditions de travail et à de bons salaires alors qu’elles pourront compter sur du personnel obligatoire bon marché ? Cela met sérieusement à mal l’idée que cette expérience professionnelle soit un tremplin vers un emploi régulier.

    Compte tenu de la proposition discutée au niveau fédéral de limiter les allocations de chômage dans le temps, le nouveau gouvernement flamand souhaite consacrer plus d’efforts pour s’en prendre aux bénéficiaires du revenu d’intégration. Conformément à la proposition fédérale d’une chasse aux malades de longue durée, le VDAB est tenu de réaliser 12.000 parcours de retour à l’emploi par an, ce chiffre devant être porté à 20.000 d’ici à 2029. L’idée n’est pas pour autant qu’il y aurait moins de malades de longue durée. Ce serait d’ailleurs étrange avec une politique dominante qui n’apporte aucune réponse aux raisons fondamentales pour lesquelles les gens tombent malades, la charge de travail intenable n’étant pas la moindre de celles-ci.

    Les personnes dont la langue maternelle n’est pas le néerlandais sont également dans le collimateur de ce gouvernement flamand. Les nouveaux.elles arrivant.e.s de langue étrangère ayant des enfants en âge scolaire devront démontrer leurs efforts pour apprendre le néerlandais. Sans pouvoir prouver la participation d’au moins un parent à un cours, l’allocation scolaire serait supprimée. Il s’agit même du premier point de l’accord gouvernemental relatif à l’enseignement. Ce n’est qu’ensuite que la situation du personnel de l’enseignement est abordée, en termes très vagues tels que revaloriser le statut social de la profession. C’est très bien, mais pour cela, il faut de l’argent. Et pas un mot dans l’accord de coalition sur un plan d’investissements publics dans la formation, l’infrastructure et le personnel, ne parlons même pas d’un plan à la hauteur des nécessités. Ainsi, en ce qui concerne les infrastructures, il est seulement dit que le rythme d’investissement sera maintenu. En d’autres termes, il n’y aura pas de fonds supplémentaires. Les investissements massifs que le personnel de l’enseignement a réclamés au début de l’année n’auront pas lieu. Au lieu de consacrer davantage de ressources à l’enseignement supérieur, le gouvernement flamand veut limiter le nombre d’étudiant.e.s avec des examens d’entrée.

    Les sanctions sont concrètes, les promesses vagues. C’est le fil rouge de l’accord de coalition. Les écoles peuvent contacter la politique sociale locale par l’intermédiaire du CLB (Centrum voor Leerlingenbegeleiding, Centre d’encadrement pour élèves en français) si les parents ont des difficultés à assumer leurs responsabilités”. Cela suggère à nouveau que l’accent sera mis sur les sanctions plutôt que sur l’aide. Avec une politique axée sur les sanctions, il faut des petits policiers à tous les niveaux.

    L’imposition de règles est complétée par le relèvement du niveau de maitrise du néerlandais obligatoire pour accéder à un logement social ou par une nouvelle pression en faveur d’une interdiction plus large du port du voile au sein du gouvernement flamand, sous prétexte que tout contact doit être perçu comme “neutre”. L’imposition de règles ne touche pas tout le monde, bien entendu. Le gouvernement veut ainsi limiter les possibilités de s’opposer aux permis de construire. Le groupe d’action Climaxi note à juste titre que la combinaison d’un faible investissement pour le climat et d’une législation moins démocratique est pernicieuse tant pour les dossiers locaux que pour le climat international.

    Les intérêts du privé sont au cœur de l’accord de coalition. Celui-ci appelle à des politiques favorables aux PME mais, parallèlement, le gouvernement flamand souhaite examiner de près les subventions accordées aux entreprises, car elles peuvent constituer un “frein à la destruction créatrice”. C’est tout à l’avantage des grands acteurs, pas des petites structures. Cela indique clairement que les investissements publics n’ont pas d’objectif social, mais qu’ils sont orientés vers les intérêts des grandes entreprises. Il en va de même, par exemple, pour les investissements supplémentaires dans les travaux publics.

    Qu’en est-il des promesses sociales ?

    Les investissements supplémentaires dans l’aide sociale sont un trophée du CD&V et de Vooruit. Dix mille places supplémentaires seront ajoutées (sous conditions) dans les services de garde d’enfants. C’est moins que nécessaire, mais c’est un pas en avant indispensable. Pour le gouvernement flamand, il ne s’agit pas seulement d’un service social, mais aussi d’un “instrument important pour rendre l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée praticable”. Par ailleurs, l’accord ne contient pratiquement rien de concret sur la question de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Sans surprise, puisque la politique liée à la Petite enfance est principalement axée sur ce point, priorité sera accordée aux travailleur.euse.s.

    La réduction des droits d’enregistrement pour l’achat d’un premier logement de 3 à 2 % est présentée comme une mesure visant à rendre le logement plus abordable. Toutefois, Bart De Wever a immédiatement parlé d’un ballon d’oxygène pour le marché, car on construit beaucoup trop peu en Flandre. L’entretien de liens chaleureux avec les promoteurs immobiliers débordent de toute évidence largement le niveau anversois… L’accord de coalition stipule : En tant que gouvernement, nous facilitons le bon fonctionnement du marché immobilier et procédons à des ajustements ciblés si nécessaire. La nécessité d’augmenter considérablement l’offre de logements sociaux n’a pas mentionnée nulle part.

    Ce n’est que lorsqu’elles s’inscrivent dans une logique de profit que les mesures sociales sont plus concrètes. D’autres propositions restent très vagues. La promesse de Vooruit d’offrir à tous les élèves un repas sain à l’école, par exemple, est sévèrement édulcorée : Si les écoles primaires et la politique sociale locale concernée veulent apporter un soutien collectif à des repas sains à l’école, elles peuvent demander un cofinancement flamand.

    Le rétablissement partiel de l’indexation des allocations familiales intervient à un moment où l’inflation est à nouveau plus faible, de sorte que rien ne changera pour l’instant. L’allocation sociale pour les parents à faibles revenus ne sera pas indexée. Et bien sûr, rien n’est dit sur le rattrapage de la perte subie ces dernières années en raison d’une indexation incomplète, une perte estimée à un milliard d’euros. Le CD&V a eu droit à un trophée, mais il n’a pas eu le droit de coûter quoi que ce soit.

    Concernant les transports en commun, il est vaguement question d’élargir l’offre. En ce qui concerne les ressources nécessaires, seuls les engagements d’investissement du contrat de services publics avec De Lijn seront respectéssont mentionnés. Des fonds supplémentaires pour l’entretien et le remplacement ne visent qu’à maintenir notre infrastructure à niveau. Cela ouvre la porte à des tarifs nettement plus élevés. Avec Annick De Ridder (N-VA) comme nouvelle ministre de la Mobilité, il est clair que le service aux usagers ne sera pas une priorité. De Ridder est une opposante notoire et acharnée des transports en commun. Il y a vingt ans, alors qu’elle était encore députée libérale, elle se plaignait amèrement des nombreux “bus vides” en circulation. Cela n’augure donc rien de bon.

    La réduction des droits de succession peut sembler sociale, car de plus en plus de personnes dépendent des ressources héritées de leurs parents pour leurs vieux jours. Il est frustrant de constater qu’une grande partie de ces ressources disparaît par le biais des droits de succession. Toutefois, ce n’est pas dans la classe travailleuse que les héritages sont les plus importants. Les super-riches organisent leurs héritages de manière beaucoup plus efficace et disposent de nombreuses échappatoires leur permettant de payer moins sur les montants les plus élevés. Cela renforce et accroît les inégalités dans la société ; les héritages sont généralement la principale source de richesse pour les super-riches. Selon l’accord de coalition, la réduction de l’impôt sur les successions viserait dans un premier temps les héritages de petite et moyenne importance. Ce n’est pas encore concret et il n’y a aucune mention de la manière dont les échappatoires pour les très riches seront abordées. Toute réduction de nos droits de succession sert-elle à éviter d’avoir à parler de l’énorme machine à inégalités qu’est le droit de succession tout court ?

    La suppression de la prime pour l’emploi sur les bas salaires concerne 1 million de bénéficiaires sur 2,5 millions de travailleurs. Pour l’Open VLD, c’était un point central. Cette prime complétait le salaire des travailleur.euse.s sans que le patronat ait à déverser le moindre centime. Le complément va disparaître, mais aucune pression ne sera exercée sur les employeur.euse.s en faveur de salaires décents.

    En ce qui concerne les titre-services, outre l’accord de coalition, il y aurait un accord informel pour en augmenter le prix et supprimer la déduction fiscale. Cela rendra les titre-services plus chers. Seule une partie limitée de ce montant sera affectée aux salaires du personnel du secteur, qui fait pourtant campagne depuis longtemps pour de véritables augmentations de salaire.

    Une opposition conséquente est nécessaire face à ce gouvernement faible

    Les négociations ont été difficiles et De Wever a dû être appelé à la fin pour arrondir les derniers angles. Des fuites ont fait état de confrontations amères, y compris entre les membres de la N-VA eux-mêmes (Demir contre Weyts et Demir contre De Ridder, De Wever ayant dû intervenir). L’ancien ministre président Jan Jambon (N-VA) a été débarqué depuis longtemps, et pas seulement parce que Conner Rousseau a insisté sur ce point. Certains hommes forts de la N-VA du précédent gouvernement flamand n’ont pas obtenu de bons résultats aux élections de juin dernier. La perte de la N-VA aux élections flamandes (une nouvelle baisse de 4 sièges après avoir également perdu 8 sièges en 2019) implique que Vooruit et le CD&V ont relativement plus de poids. Pour obtenir l’adhésion de son congrès, Conner Rousseau s’en est pris violemment à la N-VA. Lors des négociations, Sammy Mahdi (CD&V) n’a pas hésité à s’adresser aux médias pour faire part de ses exigences. Même s’il parvenait à atterrir avant les élections municipales, il y a peu de chances que cela devienne un gouvernement stable et cohérent.

    Le manque de moyens et les crises sont nombreux dans les domaines pour lesquels le gouvernement flamand est compétent. Dans De Standaard, Marc Reynebeau déclare : Le sous-financement a déjà transformé de nombreux joyaux de la couronne flamande, de l’enseignement aux transports publics en passant par les soins et le logement social, en cas problématiques”Le PTB note à juste titre :Nous traversons une crise du logement, les transports publics sont défaillants et les déficits en matière de soins et d’enseignement sont énormes. Mais malgré de longues négociations, la N-VA, le CD&V et le Vooruit ne mettent guère de solutions sur la table. En revanche, ils font de vagues promesses, sans expliquer où ils vont faire des économies.

    La FGTB se dit satisfaite des investissements annoncés dans les soins de santé, les allocations familiales, les transports publics et l’enseignement, mais se pose encore beaucoup de questionsparce que les budgets et l’élaboration concrète restent vagues. La CSC réagit de la même manière et met en garde contre le fait que la marchandisation des soins n’est pas clairement arrêtée. Le SETCA-Non Marchand se déclare prudemment optimisteconcernant les soins de santé et le bien-être. Un investissement d’une ampleur sans précédent dans le non marchand flamand est annoncé, a déclaré le SETCA, tout en reconnaissant que les chiffres exacts font encore défaut. Au sujet des attaques antisociales contenues dans l’accord de coalition, les réponses des sommets syndicaux restent bien trop discrètes, pour rester poli.

    Le PTB déclare : Nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir au cours des cinq prochaines années pour imposer les investissements nécessaires dans le logement, les soins de santé, les transports publics et l’enseignement”. Il s’agit d’une bonne approche, que nous ferions bien d’étoffer par des plans d’action et des perspectives de lutte.

    Les défis sont énormes, les déficits continuent de se creuser et ce gouvernement va encore les augmenter. L’accord de coalition indique clairement que les partis participants partent du principe que le gouvernement Arizona sera en place au niveau fédéral. Cela signifie de nouvelles attaques contre la classe travailleuse et toutes celles et ceux qui luttent. L’opposition ne doit pas se limiter à des déclarations fortes, nous devons nous organiser sur chaque lieu de travail et dans chaque quartier pour formuler et populariser par la lutte des revendications autour des besoins à combler. C’est ainsi que nous pourrons construire un rapport de force qui nous permettra de gagner. Si nous ne le faisons pas, nous laissons la place à toutes sortes de discours et de recherche de boucs émissaires qui vont semer la discorde et la haine tout en affaiblissant la riposte de la classe travailleuse.

  • Stopper le génocide, enrayer la machine à tuer: construisons une lutte de masse contre le génocide et le capitalisme

    Le génocide des masses palestiniennes se poursuit et le régime israélien tente de s’engouffrer dans une escalade régionale de l’horreur. Les tueries orchestrées au Liban contre le Hezbollah dépassent la fiction hollywoodienne. Il s’agit en fait d’un terrorisme de haute technologie sous la conduite de la célèbre machine à tuer du Mossad, les services secrets israéliens.

    Par Bart Vandersteeene, article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    Il est frappant de constater comment les médias occidentaux présentent ces actes comme une forme de lutte contre le terrorisme. On ne trouve de temps à autre, au mieux, qu’une vague critique du bout des lèvres. En dépit d’une année de génocide, défendre l’allié de l’impérialisme occidental reste le premier impératif. Le monde entier est témoin de l’horreur génocidaire infligée par le régime israélien. Dans le meilleur des cas, les dirigeants occidentaux se contentent de lever les mains au ciel, en signe d’impuissance. Comme s’il s’agissait d’un événement sur lequel il est malheureusement impossible d’avoir un impact. Au pire, ils défendent bec et ongles le « droit » de l’État israélien, sous le prétexte de la sécurité de son peuple, à perpétuer son régime d’occupation, de colonisation et de génocide.

    Les guerres, les génocides et la barbarie sont les expressions d’un capitalisme en déclin. C’est le résultat d’une intensification massive de la concurrence internationale pour le pouvoir et les profits, avec des méthodes de plus en plus extrêmes d’exercice de ce pouvoir. Et pour conséquence un coût humain effroyable à Gaza, mais aussi au Soudan, en Éthiopie, dans l’est du Congo…

    L’Occident est complice. À 100%

    L’Occident est le coarchitecte de l’occupation et de la machine génocidaire qu’est l’État d’Israël. Les décideurs politiques en place se préoccupent parfois du sort des Palestinien.ne.s, mais de manière extrêmement cynique. L’État d’Israël est complètement intégré dans le rouage impérialiste occidental.

    Outre l’alliance géopolitique, il existe également des liens et des intérêts économiques directs. Chez nous aussi, diverses entreprises s’enrichissent sur la terreur et la destruction. Ce sont elles qui devraient être la cible de notre mouvement, les profiteurs directs du génocide, les complices et ceux qui portent la responsabilité politique de la poursuite de ces politiques.

    Élargir l’outil d’action qu’est le boycott

    Un an après le début du génocide, beaucoup se demandent comment poursuivre le mouvement. Les manifestations de masse ne suffisent pas. La lutte contre les livraisons d’armes et pour un boycott académique général a contribué à alimenter le mouvement de revendications concrètes. Les revendications en faveur d’un boycott général jouent également un rôle dans la lutte contre la normalisation du régime israélien. Plus d’une fois, les demandes de boycott, qu’il s’agisse de l’Eurovision ou de compétitions internationales de football, se sont heurtées à un mur. Les liens entre les institutions occidentales et les institutions de l’État israélien sont profondément enracinés.

    Des concessions ont été arrachées dans plusieurs universités. Cependant, celles-ci ne semblent pas définitivement acquises. L’UGent semble travailler secrètement à un système permettant de poursuivre malgré tout la coopération avec les universités israéliennes, en dépit des promesses effectuées. Quelle honte ! La seule option est de reprendre les occupations et, si possible, de les étendre. Nous ne devons pas stopper les mobilisations de masse, mais continuer à nous mobiliser et à descendre dans la rue. Mais il faut aller plus loin.

    Certaines organisations, en particulier toutes celles qui organisent les salarié.e.s sur leur lieu de travail, peuvent jouer un rôle décisif dans l’expansion de la lutte. Les syndicats peuvent développer un rapport de force qui permette d’arracher des revendications concrètes. Le boycott ne doit pas se limiter à un instrument exercé uniquement par des individus, sous la forme d’un boycott des consommateurs. Le boycott peut être mis en œuvre de telle sorte que les travailleur.euse.s, organisé.e.s par le biais de leurs syndicats, refusent de servir les profiteurs du génocide. Sur base d’une campagne de sensibilisation sérieuse, les syndicats des supermarchés peuvent faire en sorte que le personnel refuse collectivement de mettre en rayon les produits provenant des territoires occupés. Dans certaines entreprises, les syndicats peuvent contrôler et imposer qu’aucun service ne soit fourni à l’État israélien et à ses institutions. Il existe donc de nombreux exemples où les syndicats peuvent utiliser le pouvoir potentiel de la classe travailleuse pour s’engager dans l’instrument du boycott, faire respecter les revendications du mouvement et ainsi renforcer celui-ci.

    Les masses palestiniennes et la classe travailleuse du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont finalement la force qui peut arrêter ce génocide. Un puissant mouvement de solidarité en Occident peut apporter un soutien important à cette lutte.

    Nous invitons à participer aux prochains rassemblement appelés par un large éventail d’organisations :

    • 20 octobre, Bruxelles : Manifestation nationale, 15h, Gare du Nord.
    • 5 octobre, Liège : 14h, Place Saint Lambert.
  • 28 septembre, Journée mondiale pour le droit à l’avortement : Mon corps mon choix !

    Nous étions nombreux.ses aux quatre coins du monde à nous rassembler ce samedi 28 septembre. A Bruxelles, nous avons été quelques centaines pour réagir face au rejet de la proposition de loi du PS pour étendre le délai à 18 semaines et dépénaliser totalement l’IVG par la commission de la Justice.

    En 2019, cette proposition de loi a été abandonnée pour permettre la formation du gouvernement Vivaldi, face au blocage du CD&V. Aujourd’hui, la menace est plus forte avec la possible formation d’une coalition Arizona, comprenant la N-VA, le CD&V et les Engagés. La semaine dernière, pour éviter que le sujet ne soit une source de tensions entre ces partis de l’Arizona, les cinq formations politiques ont décidé de rejeter tous les textes à l’agenda du Parlement, sauf s’il y a consensus entre eux, “indépendamment de leur position sur le fond”.

    Les conséquences de l’inertie gouvernementale pèsent sur les personnes pouvant être enceintes et sur les professionnel·les de santé. Chaque année, un demi-millier de personnes sont obligées de franchir nos frontières pour recourir à une IVG aux Pays-Bas. Le droit à l’avortement est une question cruciale pour la vie et la santé, qui se retrouve instrumentalisée par des partis politiques et des campagnes de désinformation. C’est un droit marqué de conquêtes sociales fragiles et de retour en arrière majeurs, comme en atteste le recul infligé par La Cour suprême des Etats-Unis en 2022).

    Dans ce système capitaliste basé sur le profit et pas l’intérêt de la population, les intérêts des travailleur.euse.s passent en arrière plan et c’est le cas pour le droit essentiel à l’avortement. La lutte pour le droit à l’avortement doit être liée à la lutte pour une société basée sur nos besoins. Une lutte pour le socialisme.

    L’accès à l’avortement n’est pas une lutte isolée. Elle est indissociable des luttes pour des moyens adéquats concernant la petite enfance et l’éducation.

    La Campagne ROSA et le front féministe unitaire revendiquent :

    • L’adoption et le renforcement de la proposition de loi de 2019 : l’extension du délai d’accès à 18 semaines minimum, la suppression du délai de réflexion et la dépénalisation totale de l’IVG !
    • La couverture garantie de l’avortement par l’aide médicale urgente (AMU) pour les personnes ne bénéficiant pas d’une mutuelle !
    • Le financement des centres pratiquant l’avortement à hauteur des besoins en personnel, matériel et formation !
    • Luttons pour garantir que chaque personne puisse décider de son avenir et disposer de son corps sans entrave ni honte.

    Signataires de l’appel :

    • Collecti.e.f 8 maars – Bruxelles
    • Féministes anticapitalistes
    • Gacehpa
    • Garance ASBL
    • Réseau ADES
    • Planning familial de Saint-Josse
    • La Trace
    • La Mutinerie montoise
    • L’ilot ASBL
    • Collages féministes Bruxelles
    • Sofélia
    • Genres pluriels ASBL
    • Collecti.e.f 8 mars national
    • Vie Féminine
    • MOC
    • Comité Femmes Éliane Vogel-Polsky (FGTB Bruxelles)
    • Xeno- ASBL
    • Free Clinic ASBL
    • Campagne ROSA

    En Belgique… Il faut toujours se battre pour le droit à l’avortement

    L’avortement est un droit en Belgique, mais ce droit est aujourd’hui menacé par des pressions conservatrices croissantes. La loi actuelle autorise l’avortement jusqu’à 12 semaines après la conception, avec un délai de réflexion obligatoire de 6 jours après la première consultation. Cependant, chaque année, plus de 350 personnes dépassant ce délai sont contraintes de se rendre aux Pays-Bas pour une interruption volontaire de grossesse (IVG), avec des coûts atteignant 1.200 euros, sans compter les frais de voyage et de logement. Comme le rappelle Jihan Seniora, coordinatrice de la Fédération des Centres de Planning familial solidaires Sofelia : « Toutes les femmes ne sont donc pas égales face à cette alternative. »

    Par Ophélie (Bruxelles), article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    En 2019, une proposition de loi pour étendre le délai à 18 semaines et dépénaliser totalement l’IVG a été abandonnée pour permettre la formation du gouvernement Vivaldi, face au blocage du CD&V. Aujourd’hui, la menace est plus forte avec la possible formation d’une coalition Arizona, qui pourrait entraîner de nouveaux blocages sur la question de l’IVG. À l’automne 2024, une proposition de loi sur l’IVG sera débattue en urgence au Parlement, mais les cinq partis de la future coalition n’ont montré aucune ligne commune sur le sujet. Les Engagés (ex-CdH) s’y opposent fermement.

    Le droit à l’avortement est un objet de marchandage politique, utilisé par certains partis pour des gains électoraux. Mais ce n’est pas une question de chiffres ou de délais : il s’agit d’une question de vie et de santé. Le manque d’accès à un accompagnement médical et légal d’un avortement conduit beaucoup de personnes à se rabattre sur des options dangereuses, voire mortelles. Le blocage politique empêche toute avancée.

    Aux États-Unis, une première femme décède à cause des restrictions de l’IVG

    Les récents événements aux États-Unis montrent à quel point les droits reproductifs représentent des conquêtes sociales fragiles. Amber Thurman, une jeune femme de 28 ans, avait été contrainte de se rendre dans un État voisin pour prendre une pilule abortive et n’a pu être soignée à la suite des complications que cette IVG a entraînées. Ce décès tragique illustre les conséquences dévastatrices d’un accès limité aux soins. Il montre aussi que les luttes pour les droits reproductifs ne se limitent pas à notre pays. Elles sont globales.

    Les répercussions de la décision rétrograde de la Cour Suprême des États-Unis ont largement dépassé le cadre du pays. En Afrique, plus de 20 pays ont assoupli les restrictions sur l’avortement ces dernières années, mais malgré la légalité accrue de l’opération dans des pays comme le Ghana, le Congo, l’Éthiopie ou encore le Mozambique, le personnel médical craint de pratiquer ouvertement des avortements en raison des groupes anti-avortement. Leur hostilité a été considérablement enhardie depuis la décision de la Cour suprême des États-Unis.

    Mon corps mon choix

    Unissons-nous pour exiger un accès libre et sans restriction à l’avortement ! Ce combat est indissociable de celui pour des moyens adéquats concernant la petite enfance et l’éducation. La situation financière reste une raison majeure qui pousse à opter pour un avortement. Nous voulons un réel choix: un choix où avoir des enfants ne signifie pas sacrifier sa sécurité financière et où le recours à l’avortement n’est pas stigmatisé.

    Le droit à l’avortement ne doit pas être menacé par des manœuvres politiques ou des campagnes de désinformation. Une récente étude du Center for Countering Digital Hate révèle que des plateformes comme Facebook et Instagram sont inondées de publicités anti-avortement. Entre 2019 et 2024, rien qu’au Ghana et au Mexique, 187 publicités de ce type ont été vues près de 9 millions de fois.

    Ce combat se mène d’abord dans la rue. À l’occasion de la Journée internationale pour un avortement sans risque, le 28 septembre, exigeons l’extension du délai légal à 18 semaines en Belgique et un accès libre à l’avortement ! L’accès à l’avortement n’est pas une lutte isolée. Ensemble, luttons pour garantir que chaque personne puisse décider de son avenir et disposer de son corps sans entraves ni honte.

  • Ils ont volé notre histoire! La queerphobie nazie et la destruction de l’Institut de Sexologie de Magnus Hirschfeld en 1933

    Non, le mouvement et l’activisme LGBTQIA+ ne sont pas nés le 28 juin 1969 à Greenwich Village lors du soulèvement de Stonewall. Le mouvement LGBTQIA+ moderne est en réalité né en Allemagne dans la seconde moitié du 19e siècle. Lors de notre week-end antifasciste début juillet, notre camarade Sam est revenu.e sur ces racines que le fascisme avait tenté d’arracher et dont l’héritage fut crucial pour le mouvement de libération LGBTQIA+ des années ‘60 et ‘70.

    Karl Heinrich Ulrichs, un pionnier

    Du début des années 1860, Karl Ulrichs fut le premier à reconnaître publiquement les personnes LGBTQIA+ en tant que minorité opprimée devant se battre pour son émancipation. Pionnier de la sexologie autant que précurseur du militantisme LGBTQIA+, il a souligné la nécessité d’adopter des termes clairs plutôt que des descriptions vagues et a également écrit sur ce qu’il décrivait comme le « troisième genre », que nous appelons aujourd’hui non-binaire ou genre queer. Il fut encore le premier à reconnaître véritablement l’existence de l’homosexualité féminine, chose très controversé à l’époque. 

    Karl Ulrichs voyageait à travers l’Europe pour organiser des réunions clandestines afin de parler de la LGBTQIA+phobie et de la manière de lutter contre l’oppression, dans le but de mobiliser les individu·e·x·s pour qu’elles/iels/ils agissent eux-mêmes, car son objectif principal restait l’activisme. Il a d’ailleurs organisé une ou plusieurs réunions de ce type en Belgique (probablement à Bruxelles). Il n’est cependant pas parvenu à construire un véritable mouvement.

    Hirschfeld et l’Institut de sexologie

    Après l’unification de l’Allemagne sous la forme d’un État-nation en 1871, les paragraphes 175 et 175b ont été inscrits dans le Code pénal allemand (Strafgesetzbuch). Ils ont criminalisé l’homosexualité de 1871 à 1994, mais interdisaient aussi très clairement aux individu·e·x·s d’être transgenres ou non conformes au genre. Bien que l’homosexualité entre femmes cisgenres n’était pas strictement interdite, l’« article 175 » a également été utilisé pour persécuter et emprisonner des lesbiennes. À partir de 1880, il y a même eu à Berlin une unité de police dédiée uniquement à l’arrestation des personnes LGBTQIA+.

    C’est dans ce contexte que s’est déployée l’activité de Magnus Hirschfeld, lui-même homosexuel, à partir de son expérience de médecin et de psychologue, au début des années 1890. En 1897, il a fondé le Comité humanitaire scientifique (Wissenschaftlich-humanitäres Komitee) pour la réforme juridique de l’article 175, dont la devise était « par la science vers la justice » et qui reposait sur la combinaison de l’action politique, de la recherche scientifique et de l’éducation publique.

    Bien que ses premiers écrits n’aient porté que sur les personnes gays et lesbiennes, il a rapidement commencé à accorder plus d’attention aux personnes transgenres et à celles qui ne se conforment pas au genre. Dans son livre phare « Die Transvestiten », il a nuancé l’idée d’Ulrichs sur l’existence d’un soi-disant « troisième genre discret ». Il était plutôt convaincu que le genre constituait un spectre et qu’il existait de multiples (ou nombreuses) identités de genre. Il a également établi une distinction entre le sexe biologique et le genre, de même qu’entre orientation sexuelle et identité de genre.

    En 1919, il a fondé avec d’autres psychologues, médecin·e·x·s et activistes l’Institut für Sexualwissenschaft (Institut pour la science sexuelle) à Berlin, qui fournissait des conseils médicaux et psychologiques sur une série de questions sexuelles, principalement pour les personnes LGBTQIA+, mais pas seulement. Un autre objectif important de l’institut était la recherche scientifique claire et détaillée. L’Institut comprenait par ailleurs des archives, une bibliothèque et un musée visité par plus de 3.500 personnes chaque année. Des conférences y étaient organisées, comme le congrès international sur l’homosexualité. La même année, l’Institut a sorti le premier film de l’histoire sur l’homosexualité : « Anders als die Anderen ».

    Très vite, les activités de l’institut ont été visées par des groupes d’extrême droite et conservateurs, comme les Freikorps et plus tard les SA. L’Institut était également un refuge pour personnes transgenres et non binaires.

    Hirschfeld n’a certainement pas été le seul à effectuer de telles recherches, mais il fut une source d’inspiration directe pour presque tout le monde. Un ou plusieurs activistes agissant de manière indépendante ne constituent pas pour autant des mouvements sociaux. Voilà quelle était la grande différence avec Hirschfeld et son institut.

    Il s’agissait du tout premier véritable mouvement LGBTQIA+ alliant recherche scientifique, activisme dans les rues et un travail d’éducation par le biais de magazines, de journaux et de tout un mouvement littéraire, avec le soutien des mouvements socialistes, anarchistes et féministes, y compris par-delà les frontières, notamment en tissant des liens avec les bolcheviks et l’Union soviétique, du moins jusqu’à ce que le totalitarisme bureaucratique stalinien n’en décide autrement.

    Magnus Hirschfeld était particulièrement en relation avec les militantes féministes socialistes Clara Zetkin (à qui l’on doit la Journée internationale de lutte des droits des femmes) et Alexandra Kollontaï, ainsi que d’August Bebel, dirigeant du parti social-démocrate allemand, par ailleurs auteur du livre « La femme et le socialisme » (1891). Sans jamais avoir adhéré officiellement à un parti, la pensée de Hirschfeld était fortement influencée par les idéaux socialistes. Il défendait la plus forte solidarité possible entre le mouvement LGBTQIA+ et le combat féministe.

    La persécution nazie

    Les nazis ont qualifié Hirschfeld « l’Allemand le plus dangereux ». À l’époque, l’homosexualité était également appelée de manière moqueuse « l’amour allemand » ou « la maladie allemande », conséquence directe des travaux de Magnus Hirschfeld et de son institut.

    Peu après leur arrivée au pouvoir en 1933, les nazis ont commencé à interdire les livres qu’ils considéraient comme « non allemands », y compris l’ensemble de l’œuvre de Magnus Hirschfeld. Ses livres ont été parmi les premiers à être interdits.

    Le 6 mai 1933, les nazis ont détruit l’ensemble de l’institut, au cours d’un spectacle macabre, avec une fanfare et une foule d’environ 200 personnes invitées à regarder la démolition avec boissons et snacks à leur disposition. La persécution des personnes LGBTQIA+ par les nazis plongea alors dans l’horreur, de nombreuses personnes étant arrêtées, torturées et/ou déporté·e·x·s dans des camps de concentration.

    La destruction de l’institut et l’inculpation du personnel n’étaient pas des surprises, mais cela s’est produit beaucoup plus rapidement que ce à quoi tout le monde s’attendait. Toute la bibliothèque et les archives de l’institut ont été perdues, le travail de toute une vie de Hirschfeld et de beaucoup d’autres. Hirschfeld est mort en exil en France quelques mois plus tard. En mai 1933, il était en tournée mondiale hors d’Allemagne pour avertir des dangers du fascisme.

    Jusqu’en 1934, les poursuites à l’encontre des personnes LGBTQIA+ étaient du ressort de la police. À partir de cette date, la Gestapo a créé une nouvelle unité, le « Bureau spécial II S », qui se consacrait uniquement à la poursuite des personnes LGBTQIA+ et des personnes ayant eu recours à l’avortement. La loi a été modifiée de manière que les preuves ne soient plus nécessaires.

    Plus de 160.000 homosexuels et transsexuels ont connu les camps de concentration et les prisons nazis. Les personnes survivantes ont ensuite continué à être persécutées par le gouvernement allemand. Il n’existe malheureusement pas de chiffres fiables concernant le nombre de lesbiennes envoyées dans les camps de concentration.

    Le sort des personnes LGBTQIA+ sous le nazisme a toujours été tenu à l’écart de l’histoire. Il a fallu attendre environ 70 ans pour qu’elles/iels/ils soient officiellement reconnues comme victimes. Nous pouvons entretenir leur mémoire en poursuivant leur combat, par la liaison de la lutte pour l’émancipation LGBTQIA+ et de la lutte antifasciste. Ce n’est qu’en s’organisant et en luttant que l’on peut réaliser de réels progrès.

  • La jeunesse en action : retour sur une année de combat antifasciste

    La lutte contre l’extrême droite avait été définie comme un fil rouge de notre activité l’an dernier à l’issue de discussions sur les perspectives. Ce fut, au côté des actions de solidarité avec les masses palestiniennes, une des luttes les plus dynamiques de l’année académique écoulée. Dès la rentrée, nous avons amené le sujet partout où on allait, à commencer par des meetings de rentrée d’EGA et de la Campagne ROSA où, à Bruxelles et Liège, nous avions invité des antifascistes flamands à venir partager leurs expériences.

    Par Clément T. (Liège), article tiré de l’édition de septembre de Lutte Socialiste

    “Contre le fascisme et la misère, c’est la lutte sociale qui est nécessaire !”

    Nos camarades dans toute la Belgique se sont investi.es sur leurs lieux de vie, leurs lieux de travail, mais aussi par des fronts larges et des plateformes dans leurs villes ou encore dans le syndicat. Ensuite, à l’échelle nationale, il y a eu la fondation en février de la Coordination Antifasciste de Belgique, dans laquelle nous nous sommes investi.e.s avec enthousiasme, en participant au débat sur le contenu politique de l’initiative, mais aussi en consacrant des ressources et forces militantes essentielles pour mener à bien les projets de la CAB: concevoir et coller les affiches, rédiger et distribuer les tracts, écrire les appels de mobilisations, les mails, gérer la logistique et l’administration des assemblées, etc. 

    Autour de cette campagne antifasciste, en Wallonie, nous avons, au côté d’autres activistes antifascistes, poursuivi le parti Chez Nous partout où il essayait de grandir : Liège, Mons, Charleroi, Namur, Huy. À l’unif, dans les bars, dans les rues, sur les marchés et jusqu’à leur siège de parti.

    En Flandre, nous avons été parmi les moteurs principaux de la lutte contre l’extrême-droite. D’abord au congrès socio-économique du Vlaams Belang, contre lequel un groupe de syndicalistes avait initié une mobilisation à Alost, puis à leur congrès sur l’immigration, où nos camarades de ROSA et EGA tenaient le bloc le plus large et dynamique de la marche à Gand. Ensuite évidemment, nous avons été au premier plan dans la lutte contre le NSV (Nationalistische Studentenvereniging, association des étudiants nationalistes, organisation étudiante officieuse du Vlaams Belang) par une mobilisation à Louvain qui a entraîné une sanction historique dans la ville, puis par notre travail dans une plateforme anversoise aux côtés de la FGTB et de camarades anarchistes menant à une manifestation plus large où, une fois encore, nous avions un bloc dynamique qui représentait toute la diversité de la jeunesse autour de messages politiques contre l’extrême droite, la casse sociale néolibérale et toutes les formes d’oppression.

    À Bruxelles, suite l’appel en ligne de la CAB, et suite à une mobilisation sur le terrain, nous avons forcé un meeting international d’extrême droite (la NatCon) à déplacer par deux fois sa conférence en une semaine, puis à se réfugier auprès du Conseil d’État. Ensuite, les 11 et 16 juin, en réponse aux résultats électoraux, des milliers de personnes ont manifesté contre la droite et l’extrême-droite, à nouveau à l’appel de la CAB. Sans tout cela, le paysage antifasciste en Belgique ne serait décidément pas ce qu’il est.     

    “Siamo tutti antifascisti !” 

    En mai, juin et août, nous avons mené notre campagne “Pride is a protest” en défense des droits LGBTQIA+ avec, cette année, un accent particulièrement antifasciste qui s’imposait tout naturellement au vu des attaques de la droite conservatrice et de l’extrême droite sur cette question. Plus tôt dans l’année, fin septembre, la Campagne ROSA avait aussi été le seul collectif à organiser, à Liège, un petit rassemblement contre les incendies et actes de vandalismes sur des écoles contre les cours d’EVRAS (Education à la vie relationnelle, affective et sexuelle). Fin mars, nous avons organisé dans toute la Belgique une tournée pour mettre en valeur l’internationalisme dans le combat antifasciste et féministe-socialiste en invitant une camarade brésilienne à venir parler du combat contre Bolsonrao et l’extrême droite brésilienne.

    Ce qui est selon nous essentiel, c’est la structuration du mouvement de façon démocratique et sa politisation. Politiser, nous l’avons fait en amenant systématiquement dans le mouvement un contenu social, anticapitaliste, antiraciste, féministe et Queer. On l’a aussi fait en mettant en avant une stratégie qui prend le problème à sa racine, avec une analyse du système, de ses agents et outils, puis en proposant une méthode à la hauteur de nos objectifs. Cela s’est d’autant plus vu dans notre travail de plateforme, où ce n’était nécessairement acquis et où, sans ça, certaines initiatives auraient été impossibles.

    “Ce n’est qu’un début, continuons le combat !”

    L’avenir immédiat sera déterminé par l’opposition aux projets antisociaux des gouvernements de droite, au fédéral et dans les régions. Cinq ans de tentative de casse sociale. Cinq ans de punition collective face à la faillite du capitalisme. S’y opposer fait partie intégrante du combat antifasciste, pour défendre où personne n’est laissé sur le bord de chemin et où personne ne se trompe de colère. Un axe majeur de mobilisation se trouve dans les mains des organisations syndicales. Elles ont le potentiel de mobiliser les travailleur.euses en un bloc d’opposition et de contre-attaque puissant, y compris sur le terrain antifasciste.

  • Cordon sanitaire : stop ou encore ?

    24 novembre 1991, le “dimanche noir”. Le Vlaams Blok, renommé depuis Vlaams Belang, s’impose dans le paysage politique. Le parti d’extrême droite existait déjà depuis 1978, mais n’avait jamais obtenu plus de deux députés à la Chambre. Ce jour-là, il en récolte six fois plus. Sous la pression de mobilisations antifascistes de masse qui ont suivi le choc du résultat, un “cordon sanitaire” a été mis en place contre l’extrême droite. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est devenu bien poreux.

    Initialement prévu comme un “cordon sanitaire politique et médiatique”, il n’est plus que politique en Flandre. Les médias dominants traitent le parti d’extrême droite comme un partenaire normal de la vie politique. Et qu’en est-il des risques de le voir monter au pouvoir après les élections communales ? Le risque de voir la N-VA conclure un accord avec le Vlaams Belang semble provisoirement écarté après les élections du 9 juin. Dans le sprint final de la campagne, Bart De Wever avait été très catégorique quant à un refus de gouvernement avec le VB à la Région. La question était tactique plutôt que de principe : en accréditant de tout son poids l’idée qu’un vote pour le VB était inutile, il est parvenu à rafler la première place. Et la tactique, ça peut très vite évoluer, d’autant plus dans un parti qui comporte des figures d’extrême droite comme Theo Francken.

    La question est toujours ouverte dans certaines communes flamandes où l’extrême droite pourrait disposer d’une majorité absolue. C’est Ninove qui est au centre de l’attention, le Vlaams Belang (sous le nom de Forza Ninove) y reste stable aux alentours de 40%, mais d’autres communes pourraient également connaître des scores similaires en périphérie des grandes villes.

    Du côté francophone, le cordon sanitaire médiatique n’est plus ce qu’il était. Il a aujourd’hui un caractère très relatif au vu de la place accordée aux éditorialistes et aux figures d’extrême droite diverses dans le paysage médiatique français. Ils vomissent aussi sur la Belgique francophone. Et c’est surtout le MR qui n’épargne pas ses coups de butoir dans le cadre de sa stratégie populiste de droite qui reprend et banalise des thèmes d’extrême droite.

    Face à l’échec du nouveau parti d’extrême droite wallon Chez Nous aux élections de juin, pas mal de figures du parti lorgnent maintenant vers le MR, ce qui n’a rien de neuf, le parti ayant déjà accueilli de tristes individus comme l’ancien membre du Front National Georges-Pierre Tonnelier (citation issue des réseaux sociaux “bavure : balle atteignant victorieusement un ressortissant étranger”). Bouchez peut se réjouir à court terme, mais partout où cette stratégie a été adoptée, elle a conduit plus tard à l’essor de forces ouvertement d’extrême droite.

    La seule conclusion qui s’impose, c’est que le cordon sanitaire est né des puissantes mobilisations antifascistes des années ’90, et que la seule manière de le renforcer ou de le restaurer, c’est de reprendre ce chemin, en le renforçant par un programme antifasciste de classe qui vise à en finir avec le terreau socio-économique sur lequel peut proliférer la haine de l’autre.

  • Prisons. Vers un statut social à part entière pour les personnes détenues

    Lorsque l’on parle de droits sociaux, les personnes détenues passent souvent à la trappe. Et quand le sujet arrive sur table surgissent rapidement des réflexions du type “Est-il nécessaire de leur consacrer autant de ressources ?” ou encore “Faut-il vraiment les plaindre?

    Par Lena (Anvers)

    “Avoir de la compassion” n’a rien à voir avec le fait de reconnaître l’humanité des personnes détenues. Celles-ci sont et restent des êtres humains qui doivent être traités comme tels, indépendamment de leurs actes, même si cela peut être difficile à admettre dans certains cas. C’est à ce titre qu’un statut social adéquat est important, d’autant plus que cela a également un impact sur les familles des personnes détenues et que cela participe à prévenir des risques de récidive.

    À titre d’illustration, voici tout d’abord quelques chiffres sur la population carcérale en Belgique (Source : Direction Générale des Institutions Pénitentiaires). En 2022, il y avait au total 11.050 personnes incarcérées. Dans nos prisons, il y a 9.614 places. La surpopulation est donc importante. Sur ce nombre total de détenu.e.s, 6.059 ont été effectivement condamné.e.s et 4 031 sont en détention provisoire. Y figurent aussi 783 personnes internées, c’est-à-dire confrontées à de graves problèmes de santé mentale. Outre les détenu.e.s, 1.828 personnes étaient placées sous surveillance électronique, qu’elles purgeaient donc leur peine avec un bracelet électronique.

    La grande majorité des détenu.e.s, soit 95,5 %, sont des hommes. Un peu plus de la moitié de la population carcérale, soit 56,5 %, est de nationalité belge. Parmi les non-Belges, 70 % (soit 31,15 % de la population carcérale totale) sont en situation irrégulière.

    64% de la population carcérale a moins de 30 ans. Une minorité (22%) est célibataire, ce qui signifie que de nombreuses personnes détenues laissent derrière elles leur partenaire ou leur famille. La grande majorité (80%) a un parcours scolaire incomplet. 65 % sont au chômage au moment de leur détention, 72% sont endettés et 46% ont déjà été incarcérés.

    Ces chiffres brossent un tableau sombre de la situation. Les personnes détenues se retrouvent souvent dans un cercle vicieux très négatif de mauvaises conditions de vie et de travail qui les poussent (en partie) à la criminalité. Un séjour en prison ne fait qu’aggraver la précarité par la suite, de sorte qu’il est très difficile pour une personne ayant purgé sa peine de quitter définitivement le milieu criminel.

    Lorsqu’une personne se retrouve en prison, elle perd tout droit à la Sécurité sociale. Les allocations de chômage, de maladie ou d’invalidité, la pension, le revenu d’intégration, etc. sont totalement suspendus. La justification est qu’un.e prisonnier.ère est logé.e et nourri.e en prison, à la charge de l’État, et que la situation ne doit pas représenter un double coût pour la collectivité.

    La loi belge stipule explicitement qu’une personne détenue ne peut pas subir de dommages liés à la détention. C’est-à-dire qu’une personne condamnée à une peine d’emprisonnement ne peut subir d’autre préjudice de cette peine que la privation de liberté, le préjudice supplémentaire étant en fait une sorte de “peine complémentaire” qui n’a pas été prononcée par un juge. Et c’est là que le bât blesse !

    Supprimer les allocations de Sécurité sociale pour éviter un double coût à la collectivité est une chose, mais un.e détenu.e éprouve souvent de grandes difficultés à bénéficier à nouveau d’allocations après son séjour en prison. Il arrive fréquemment que les conditions ne soient plus remplies à ce moment-là. Par exemple, il faut avoir travaillé un certain nombre de jours avant de recevoir des allocations de chômage, ou avoir été inscrit auprès d’une mutuelle de santé pendant un certain temps avant d’avoir droit à des allocations de maladie ou d’invalidité. Pour une personne qui a passé beaucoup de temps en prison, ces exigences sont évidemment impossibles à satisfaire. Même la recherche d’un emploi constitue généralement un formidable problème en raison de la stigmatisation et de la discrimination. Il peut donc s’écouler beaucoup de temps avant qu’un.e ex-détenu.e ne parvienne à s’assurer un revenu, si tant est qu’il ou elle y parvienne. Un.e ex-détenu.e se retrouvera donc très vite dans la pauvreté. Il s’agit donc en grande partie d’un dommage lié à la détention !

    La personne détenue ne subit pas seulement la privation de liberté en tant que sanction, elle se voit également privée de la possibilité de prendre un nouveau départ dans la vie après sa détention. Le système social actuel concernant la détention favorise donc la récidive.

    Deuxième point important : si l’on revient un instant aux données chiffrées, on constate que 78% des détenu.e.s ont un.e partenaire ou une famille. La grande majorité des détenu.e.s sont des hommes, et les études démographiques montrent que les familles ont tendance à dépendre des revenus du mari. Ces familles étaient souvent déjà dans des situations précaires avant la détention de celui-ci, où la femme ne travaille pas et n’a jamais travaillé, ne maîtrise pas la langue, est peu qualifiée et reste à la maison pour s’occuper des enfants. Par conséquent, lorsque le mari se retrouve en prison, c’est toute la famille qui perd ses revenus.

    Dans de nombreux cas, la femme ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier de certaines allocations, telles que les allocations de chômage. À cela s’ajoute la charge des enfants. La barrière de la langue et le faible niveau d’éducation jouent également un rôle dans “l’effet Mathieu”, l’empêchant d’accéder à l’aide et aux opportunités qui existent pour les femmes dans ces situations. Ces femmes sont par ailleurs exposées au risque de pauvreté et de sans-abrisme, et elles aussi considèrent parfois la criminalité comme la seule issue.

    Selon la loi, il ne devrait pas y avoir de dommages liés à la détention pour les ex-détenu.e.s, mais le statut social belge permet non seulement à celles et ceux-ci, mais également à leurs familles, de subir des dommages liés à la détention pour un crime dont elles ne sont pas responsables ! Développer un statut social spécifique est donc indispensable.

  • Pour en finir avec le cauchemar Trump, Kamala Harris n’est pas plus une solution que Biden

    La classe travailleuse et la jeunesse ont besoin de leur propre instrument politique

    A nouveau, l’élection présidentielle américaine de novembre 2024 prend place dans un système politique plongé dans une crise turbulente. Donald Trump affrontera Kamala Harris, deux candidats qui défendent des intérêts opposés à ceux de la classe travailleuse. Tous deux soutiennent par exemple le génocide en cours à Gaza. Les travailleur.euses et la jeunesse ont besoin de leur propre organisation politique, indépendante de la classe des milliardaires, pour combattre l’impérialisme, l’extrême droite et toute la violence du système capitaliste.

    Par Evan Palmer

    Comment expliquer la popularité de Trump ?

    La popularité persistante de Trump après son premier mandat désastreux est étonnante. Il s’est complètement fourvoyé dans la crise du Covid-19, il a lancé une attaque après l’autre contre les personnes opprimées et s’est moqué de la crise climatique tout en accordant d’importantes réductions d’impôts aux milliardaires.

    L’attrait d’un personnage comme Trump s’inscrit dans le cadre de la crise de l’establishment capitaliste, une crise qui n’est pas circonscrite aux États-Unis. Le discours populiste de droite parvient à capter une large audience, car les gens sont avides de se débarrasser de l’état actuel des choses. Et la droite offre des réponses faciles. C’est ce qui a servi de tremplin à Trump pour accéder au pouvoir. Ses promesses d’un changement et son statut “d’outsider” (bien qu’il soit lui-même milliardaire) ont séduit de nombreux.ses travailleur.euses et propriétaires de petites entreprises qui en ont assez de subir la politique dominante, qu’elle soit menée par la vieille garde des Républicains ou par les Démocrates.

    Mais au cours des quatre années au pouvoir, Trump a suivi une politique de droite somme toute assez classique, ce qui lui a rendu plus difficile de cultiver son image de “rebelle”. Cela explique pourquoi il a instrumentalisé le racisme et s’en est pris aux personnes opprimées. Pour mobiliser sa base, Trump mise beaucoup sur ses promesses de déportations massives de personnes migrantes.

    La crise politique de l’establishment capitaliste a été exacerbée par l’impasse dans laquelle s’est retrouvé le Parti démocrate. La présidence de Joe Biden fut un cauchemar pour la classe travailleuse. Les quatre dernières années ont été marquées par l’inflation, l’érosion de la protection sociale mise en place lors de la pandémie et par le financement public toujours plus important de la guerre en Ukraine et du génocide à Gaza.

    Les démocrates se sont peut-être sauvés de justesse en choisissant la vice-présidente Kamala Harris comme candidate au lieu du calamiteux Biden. Mais c’était en désespoir de cause. Le déplorable état de santé physique et mental de Joe Biden était évident. Mais le plus gros problème, est celui de la politique menée par son administration. Celle-ci n’a respecté aucune de ses promesses : protection des droits liés à l’avortement, droits des personnes transgenres, crise climatique, pouvoir d’achat et meilleur salaire minimum plus élevé, etc. tous ces problèmes cruciaux sont restés sans réponse.

    Ajoutons à ce triste bilan l’absence d’une alternative de gauche et l’on comprend que la porte est grande ouverte pour les populistes de droite qui peuvent cyniquement prétendre défendre la classe travailleuse tout en faisant des personnes migrantes le bouc émissaire de tous les problèmes du moment.

    Le fait que le parti démocrate ait eu tant de mal à trouver un candidat viable et que le Parti républicain ait complètement glissé vers le populisme de droite est l’expression de la crise profonde du système politique. Cette crise découle de la crise accélérée du capitalisme dans une ère du désordre, faite de conflits inter-impérialistes et d’une insatisfaction sociale de masse qui conduit régulièrement à de grands mouvements de lutte. Les capitalistes sont à la recherche de nouvelles manières de gérer leur système, mais ils n’ont pas encore trouvé d’option qui garantisse une stabilité. La confiance dans l’establishment capitaliste classique étant extrêmement faible, certain.e.s se réjouissent même d’une forme plus autoritaire de capitalisme. Trump et ses amis milliardaires, comme Elon Musk, sont sans aucun doute très ouverts à cette idée.

    Kamala Harris, un moindre mal ?

    Le remplacement de Joe Biden par une candidate plus jeune et plus populaire a quelque peu relancé les chances de victoire des démocrates. La campagne de Kamala Harris et de son colistier Tim Walz joue sur les craintes légitimes d’un retour de Trump sous stéroïdes, car les Républicains sont aujourd’hui beaucoup plus ancrés dans le populisme de droite qu’à l’époque de sa présidence.

    Kamala Harris est généralement considérée comme une meilleure alternative à la fois à Trump et à Biden, ce qu’illustrent les sondages ou encore le nombre de volontaires qui souhaitent mener campagne pour elle. Sa stratégie principale est de se distancer de Trump et de prétendre incarner une alternative favorable au droit à l’avortement, à l’environnement et à d’autres mesures populaires. Son passé dresse un tableau différent. Vice-présidente de Joe Biden, elle est tout aussi responsable que lui du soutien américain au génocide en cours à Gaza ou encore du nombre de déportations de personnes migrantes qui a surpassé celui de l’administration Trump. Précédemment, en tant que procureure, elle fut un rouage enthousiaste de la culture politique de répression. Plus récemment, alors que la droite n’a cessé de s’en prendre aux personnes trans et au droit à l’avortement, les démocrates ont à peine levé le petit doigt.

    Nous comprenons parfaitement que l’on puisse espérer qu’une victoire de Harris ne soit pas si destructrice qu’une victoire de Trump. Mais nous devons regarder plus loin. Une présidente démocrate qui continue à protéger Wall Street au détriment des nécessités sociales ou écologiques continuera à alimenter la colère et la frustration qu’instrumentalise le populisme de droite. La gauche politique et syndicale ne doit pas collaborer à ça.

    La classe travailleuse doit prendre les choses en main et s’organiser pour mener le combat en défense de ses droits et intérêts. Kamala Harris ne stoppera pas le danger de l’extrême droite. Sans une véritable alternative de gauche combative et reposant sur une indépendance de classe, l’espace continuera d’être laissé aux forces qui détournent la colère sociale légitime des masses pour alimenter le racisme et la haine.

    Les échecs de la gauche et les tâches de la classe travailleuse

    Où donc se trouve la gauche socialiste dans ce gâchis ? Il y a tout juste huit ans, en 2016, le sénateur démocrate Bernie Sanders avait mené une campagne pour devenir le candidat à la présidence qui a mobilisé des millions de personnes dans ce qu’il qualifiait de “révolution politique contre la classe des milliardaires”. En 2020, Sanders s’est à nouveau lancé dans les primaires démocrates. Les deux fois, il a été battu par les manœuvres de l’establishment du parti démocrate. Et par deux fois, il a capitulé. Toute l’aile “progressiste” du parti démocrate a suivi la même voie, de Sanders à Alexandria Ocasio-Cortez et les autres élu.es progressistes que l’on appelle “The Squad”.

    Durant une brève période, de 2016 à 2020, ces figures de gauche avaient une opportunité à saisir. C’était l’époque où les “idées socialistes” gagnaient en popularité. Mais tout semblant de militantisme a disparu chez ces voix progressistes aujourd’hui réduites au rang de caisse de résonance de Biden et Harris. C’est un avertissement à l’ensemble de la classe travailleuse concernant les limites du réformisme et des tentatives d’être présent au sein du Parti démocrate. Pour concrétiser des revendications populaires telles que “Medicare for All” (des soins de santé accessibles) et un “Green New Deal” (un programme d’investissements publics écologiques avec des emplois décents), un mouvement de masse de la classe travailleuse qui s’oppose directement à l’État capitaliste est vital.

    Le parti démocrate est un parti entièrement capitaliste, sans structures démocratiques ni racines dans la classe travailleuse. Beaucoup de gens considèrent à juste titre les démocrates et les républicains comme les deux faces d’une même médaille. La classe travailleuse américaine a besoin de son propre parti, un parti de lutte totalement indépendant des capitalistes et qui défende dans les mots et dans les actes les intérêts de classe des travailleur.euses et de leurs familles. Un tel parti ne tombera pas du ciel, il ne pourra être construit qu’en unissant les luttes de notre classe – les luttes ouvrières, féministes et LGBTQIA+, antiracistes et anti-impérialistes – autour d’une politique qui vise au renversement du capitalisme.

    Dans cette élection, les seules options indépendantes des deux grands partis du capital sont Jill Stein (parti vert), le militant antiraciste Cornel West et Claudia de la Cruz (Parti du socialisme et de la libération, un parti stalinien). Il vaut mieux voter pour ces candidats que pour Harris, même si aucun d’entre eux ne représente un mouvement ou un parti suffisant pour remplir les tâches qui nous font face.

    La chose la plus importante pour les travailleurs et les jeunes en ce moment est de s’organiser contre l’extrême droite dans un antifascisme de classe. Quel que soit le vainqueur en novembre prochain, les attaques antisociales seront au menu. Nous avons besoin de comités de lutte composés de travailleurs et de jeunes, dotés de structures démocratiques et d’un plan d’action en escalade (avec des manifestations, des débrayages, des réunions publiques et des grèves) contre les déportations de migrant.e.s, pour le droit à l’avortement, pour les droits des personnes transgenres et pour une meilleure protection sociale de tous les travailleur.euse.s et de leurs familles.

    Une coordination nationale des comités de lutte serait le meilleur moyen de lutter de manière offensive pour nos droits et nos revendications. Cela jouerait également un rôle dans la défense des manifestations et des communautés contre les attaques de la droite. Les syndicats ont un rôle clé à jouer et sont eux-mêmes plus forts lorsqu’ils s’engagent dans des luttes politiques contre l’oppression et l’État capitaliste. Un tel mouvement pourrait lutter pour que l’enseignement et les soins de santé soient entièrement propriété publique et soumis à une gestion publique démocratique. Pour vaincre véritablement l’extrême droite, une révolution sera nécessaire afin de renverser le capitalisme et de faire place à une société socialiste démocratique où la classe travailleuse prendra ses décisions dans l’intérêt des masses et de la planète.

  • Venezuela. Ni la bureaucratie ni la bourgeoisie n’offrent d’issue

    Les élections présidentielles vénézuéliennes du 28 juillet dernier ont une nouvelle fois donné Nicolás Maduro vainqueur. Elles se sont déroulées dans un contexte de profonde crise économique, en raison non seulement des sanctions imposées par l’impérialisme américain, mais aussi de la faiblesse des ventes de pétrole et du sabotage continu de l’économie par la bourgeoisie vénézuélienne. La victoire de Maduro est contestée par la droite vénézuélienne et l’impérialisme étasunien, mais aussi par les gouvernements de gauche du Mexique et de Colombie.

    Par Mauro Espínola

    En un peu plus d’une décennie, le Venezuela est passé du statut de référence pour la gauche latino-américaine et mondiale à celui d’épine dans le pied. En juin 2024, selon les données de l’ONU, pas moins de 7,77 millions de Vénézuélien.ne.s avaient fui le pays. Parmi eux, 6,5 millions se trouvent dans d’autres pays d’Amérique latine et des Caraïbes, tels que la Colombie, le Pérou, l’Équateur, le Brésil et le Chili. Cela explique en partie la pression croissante exercée par les gouvernements de ces pays sur le gouvernement de Nicolás Maduro pour qu’il trouve une issue à la crise migratoire.

    Une économie en récession

    L’économie vénézuélienne va de mal en pis. Les sanctions économiques imposées par les États-Unis ont entraîné une baisse des exportations de pétrole du pays caribéen vers les États-Unis. Entre 1999 et 2014, le Venezuela a perçu 960 milliards de dollars de revenus pétroliers. La rente pétrolière représentait environ 56,5 milliards de dollars par an. Le prix du baril est passé de 16 dollars en 1999 à 88 dollars en 2008, pour chuter ensuite drastiquement en raison de la crise économique mondiale et ne remonter à 100 dollars le baril qu’en 2012. En revanche, en 2023, le Venezuela n’a tiré que 6,23 milliards de dollars des ventes de pétrole. Cela ne représente que 11% des recettes pétrolières annuelles perçues entre 1999 et 2014, soit une baisse nette de 89% de ses recettes pétrolières.

    La levée des sanctions en octobre 2023 pour les mesures imposées en novembre 2022 a entraîné une augmentation de 49% des exportations de pétrole du Venezuela vers les États-Unis de janvier à avril de cette année. Les sanctions avaient été abrogées à la suite d’accords entre l’opposition et le gouvernement Maduro en 2023 pour mener à bien les élections de juillet dernier. Mais en avril, l’administration Biden a réimposé les sanctions sous prétexte qu’elle n’avait pas de garanties que ces élections “seraient libres”. En d’autres termes, l’impérialisme américain utilise ouvertement l’achat d’hydrocarbures comme monnaie d’échange dans sa stratégie visant à positionner l’opposition vénézuélienne et affaiblir le gouvernement Maduro. Ce n’est donc pas un hasard si la région contestée de l’Essequibo, en Guyana, a connu une forte hausse de la production et des exportations de pétrole. Celle-ci est passée de 1.300 barils par jour en 2019 à 640.000 en janvier de cette année. En février, le Guyana a exporté 621.000 barils de pétrole, dépassant ainsi les 604.000 barils exportés par le Venezuela.

    Les sanctions économiques n’expliquent toutefois pas tout. Même si 80% des échanges commerciaux du Venezuela sont constitués de pétrole, aux mains du gouvernement Maduro par l’intermédiaire de l’entreprise publique PDVSA, le commerce intérieur reste aux mains de la classe capitaliste vénézuélienne. Cela explique la politique de pénurie menée depuis des années dans le but d’intimider et de saper la base sociale du régime chaviste. Cela explique également le taux d’inflation de cette dernière décennie, qui a dépassé les 100%. Selon les données de la Banque mondiale, l’inflation au Venezuela était déjà de 40% en 2013. En 2016, la hausse des prix a atteint 62%. En d’autres termes, l’inflation causée par la pénurie de biens était déjà un problème dans l’économie vénézuélienne lorsqu’elle connaissait encore une croissance économique significative issue des ventes de pétrole. Cela s’explique essentiellement par le contrôle qu’exerce la classe capitaliste sur l’offre de détail dans les centres commerciaux.

    Entre la bureaucratie et la bourgeoisie

    C’est dans cette situation de crise économique, exacerbée par les sanctions économiques et la chute des exportations de pétrole, que la colère s’est développée dans des couches de la population vénézuélienne, excitée par la faim et le désespoir. Les médias dominants ont tenté de présenter ce mécontentement comme plus important que le soutien au gouvernement de Maduro. Il peut sembler raisonnable de douter d’une victoire de Maduro avec 51% des voix. Mais prétendre que le candidat de l’opposition, Edmundo González, a remporté 70% des voix est totalement invraisemblable. González refuse d’ailleurs avec obstination de présenter les documents officiels qui prouveraient son triomphe.

    Maduro représente la bureaucratie bolivarienne. Edmundo Gonzalez ou Maria Corina Machado représentent la bourgeoisie vénézuélienne, avec le soutien de la bourgeoisie à l’échelle internationale. Aucun de ces camps ne représente une véritable issue pour la classe travailleuse et les pauvres du Venezuela. Ils sont au contraire tous deux responsables de la terrible situation qui frappe les masses vénézuéliennes. La classe travailleuse ne doit compter que sur ses propres forces. Une des tâches urgentes aujourd’hui est la construction d’une organisation démocratique reposant sur celle-ci pour défendre un programme de rupture anticapitaliste et socialiste.

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