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Category: International
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France. La colère est partout, coordonnons-la, mais cette fois-ci pour gagner!
150.000 emplois menacés, pouvoir d’achat épuisé, austérité brutale annoncée …
Ce que nous préparent Barnier et Macron s’annonce très brutal. Ils essaient de faire passer un budget austéritaire, alors que les services publics sont déjà bien vides voire inexistants, et que la vie chère impacte de larges couches de la société. Au même moment s’enchaînent les annonces de milliers de licenciements, derrière les mastodontes Auchan et Michelin : la perspective de se retrouver sans emplois touchera plus de 150.000 personnes selon la CGT – “Nous sommes au début d’une violente saignée industrielle”, disait sa secrétaire générale Sophie Binet.
Depuis mi-novembre la colère pousse de nombreux secteurs de travail à se mettre en grève, avec aussi un appel de la CGT pour une grève le 12 décembre contre cette vague de plans de licenciements. Le potentiel existe pour un puissant mouvement social contre l’austérité et la vie chère, et contre les oppressions raciste, sexiste et queerphobe systémiques. L’échec du mouvement contre la réforme des retraites ne doit pas nous décourager ; au contraire, inspirons-nous de son atmosphère combative pour en dépasser les faiblesses. Coordonner la colère et la résistance pourrait se faire via l’implication des couches larges à la base, via le lancement de comités de lutte sur les lieux de travail, dans les écoles et dans les quartiers.Article de notre organisation-soeur en France Macron et Barnier veulent nous imposer une nouvelle cure d’austérité
Un lourd plan de coupes budgétaires, c’est ce que veut imposer le gouvernement Barnier, avec bien sûr le plein accord de Macron. Mais le débat sur le budget 2025 n’en finit plus de battre son plein à l’Assemblée Nationale. Ni les macronistes, ni Les Républicains ne veulent être vus comme ceux qui auront été le plus loin dans la casse sociale. En octobre et novembre, les tensions étaient vives entre les partenaires de majorité, si bien que plusieurs ministres ont menacé de démissionner au cas où leur ministère allaient devoir faire des coupes budgétaires trop importantes.
Un projet de texte a finalement été établi, mais les partenaires de coalition se heurtent à leur absence de majorité absolue à l’Assemblée Nationale. Avant d’arriver en séance plénière à l’AN, le texte initial a ainsi subi de très lourdes modifications en commission, sous l’impulsion de la France Insoumise et des autres partis dans la coalition Nouveau Front Populaire (NFP), imposant notamment un impôt universel sur les multinationales, une taxe sur les super-dividendes et les GAFAM et un impôt sur le patrimoine des milliardaires. Les partis de gouvernements (et le RN !) ont donc décidé de voter contre le texte (ce qui constitue un fait historique) et de renvoyer sa version initiale vers le Sénat, où la gauche ne pourra pas amender le texte dans ce sens, puisqu’elle y est quasi inexistante.
Les débats et les votes vont encore durer jusqu’à mi-décembre, mais il semble très peu probable que Macron/Barnier arrivent en définitive à imposer leur projet de budget sur base d’un vote – ce sera donc très probablement via le très impopulaire 49.3. Suite à cette activation, un vote de censure par toutes les oppositions serait fatal au gouvernement Barnier, qui pourrait ainsi tomber dans le courant du mois de décembre.
Michelin, fonction publique, SNCF : les mobilisations montrent la voie
Monde agricole, rail, fonction publique, collectivités territoriales, grande distribution, automobile, VTC, hôpitaux publics, biologistes médicaux, chimie… : contre les plans de licenciements, contre la vie chère, pour les salaires et de meilleures conditions de travail, contre les plans d’austérité budgétaire, les actions et grèves se succèdent depuis la mi-novembre.
Michelin – Fermeture des usines de Vannes et Cholet, 1.250 emplois directs, et des milliers d’autres qui en dépendent : l’annonce de Michelin a provoqué un séisme, auquel s’ajoute d’autres emplois menacés dans le secteur automobile, dans le contexte de crise profonde de l’industrie dans le monde. Le secteur est en crise, mais pas le compte en banque des décideurs de Michelin, qui viennent de procéder à des versements de dividendes records, et qui n’ont pour programme que la logique de profit pour eux-mêmes, avec le soutien des gouvernements pro-capitalistes.
Le personnel de Michelin s’est directement mobilisé dès le 5 novembre. En lançant une grève reconductible, il a répondu de manière résolue par l’action, dans les usines visées, mais aussi sur les autres sites du groupe.
Fonction publique – L’un des symboles de ces coupes budgétaires drastiques que veulent imposer Macron/Barnier, c’est le macroniste Guillaume Kasbarian, Ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique. Le 13 novembre, il partageait le post d’Elon Musk qui célébrait sa nomination par Trump au “département de l’Efficacité gouvernementale” (DOGE), s’apprêtant à faire des coupes drastiques dans les budgets de la fonction publique aux USA. Après avoir félicité Musk, Kasbarian ajoutait : “J’ai hâte de partager les meilleures pratiques pour lutter contre la bureaucratie excessive, réduire la paperasserie et repenser les organisations publiques afin d’améliorer l’efficacité des fonctionnaires.”
Sous le terme de “débureaucratisation”, le Kasbarian entend saigner la fonction publique “à tous les étages”. Les fonctionnaires qui tombent malades sont aussi dans le viseur : allongement du délai de carence à 3 jours et limitation du remboursement des arrêts maladie à 90%, “pour faire baisser l’absentéisme”. Les syndicats ont eu raison de se mobiliser dès mi-novembre, et ont appelé à une journée de grève le 5 décembre.
SNCF – À côté de la première journée de grève le 21 novembre, les syndicats du personnel de la SNCF ont annoncé le dépôt d’un préavis de grève illimitée à partir du 11 décembre, pour protester contre le démantèlement de Fret SNCF et l’ouverture de son capital. Au 1er janvier 2025, il est prévu que Fret SNCF sera transformée en deux sociétés : Hexafret pour le transport et Technis pour la maintenance du matériel, une mesure imposée par la Commission européenne. Et ceci dans le contexte d’ouverture à la concurrence des lignes régionales.
Et… campagne anti-grève – Les médias dominants parlent d’un “orage social” auquel doit faire face Barnier. Cette avalanche de grèves a aussi relancé la campagne anti-grève dans ces médias, la droite s’insurgeant contre la paralysie du pays, surtout à l’approche de la période des fêtes. Le personnel de la SNCF est en première ligne, avec le retour du désormais traditionnel “vous allez gâcher le Noël des français”. Le député allié du Rassemblement National Eric Ciotti a même proposé l’interdiction des grèves pendant les vacances.
Le monde agricole à nouveau dans les rues
La rhétorique de la classe dominante contre le risque de paralysie du pays n’est généralement pas appliquée à la colère du monde agricole. Non pas parce que la classe capitaliste et ses relais politiques et médiatiques se soucient du sort des agriculteurices. Mais parce que l’agro-business est fortement majoritaire dans la représentation professionnelle du secteur, avec à sa tête la direction de la FNSEA et des JA. Les grandes entreprises agroalimentaires donnent le ton, avec pour principale préoccupation la diminution des règles administratives et des normes environnementales, c’est-à-dire polluer davantage pour accroître davantage encore leurs profits. Pendant que la majorité des professionnel.les, sur des petites exploitations, veulent surtout une rémunération juste pour leur travail – ce que l’agro-business et la grande distribution leur empêche d’atteindre.
Les accords de libre échange entre l’UE et le Mercosur sont très justement l’occasion du monde agricole pour se re-mobiliser. Les petit.es exploitant.es n’en veulent pas et iels ont raison : la concurrence déloyale va encore plus miner leurs possibilités de rémunération juste, avec la réduction drastique des droits de douanes entre les deux blocs de marché-libre. Avec ces mobilisations, la direction de la FNSEA et l’agro-business ont un autre agenda : ne pas perdre le contrôle et se positionner en vue des prochaines élections professionnelles en janvier…
Face au potentiel de convergence des luttes : “diviser-pour-régner”
Barnier et Macron vont avoir du mal à apaiser la colère qui re-commence à se généraliser. Avec aussi des appels au retour de la lutte des Gilets Jaunes, qui ont déjà mobilisés durant le mois de novembre, 6 ans après le début du mouvement historique.
Toutes ces mobilisations se font pour des raisons diverses, mais qui témoignent de la généralisation de la colère, orientée contre l’approche socio-économique de Barnier et Macron, et le monde qu’ils représentent. Leur monde est ultra-majoritairement représenté sur la scène médiatique, et il ne faut souvent même pas aller chercher sur les chaînes de l’empire Bolloré : “Est-ce que vous craignez (sic) une convergence des luttes, une mobilisation qui pourrait bloquer la France ?”, demandait un.e journaliste d’Arte Radio (Le Club ’28, 15/11) à un.e autre journaliste…
Le camp d’en face est très conscient du risque de convergence et coordination des différentes colères et luttes. C’est pourquoi la rhétorique anti-grèves est de retour, et il faut s’attendre à de nombreuses autres tentatives de diviser par n’importe quel moyen, surtout si ça permet de continuer à opprimer les mêmes personnes qui subissent déjà.
Une nouvelle “loi immigration” est en projet depuis septembre, et pourrait être lancée au tout début 2025. Encore une fois, il s’agira de cibler les personnes migrantes, et par-delà toutes les personnes issues de l’immigration, particulièrement nord-africaine et subsaharienne – et surtout avec une rhétorique islamophobe. Encore une fois, cela favorisera la confiance qu’ont les groupes et individus violents d’extrême droite pour harceler, intimider et violenter les personnes qui subissent déjà un racisme systémique, mais aussi à l’encontre d’autres, particulièrement les personnes LGBTQIA+.
Impliquons dans la lutte toutes les personnes qui subissent !
Les inégalités mènent à la lutte. Faire converger et coordonner la colère s’avèrera crucial si on veut gagner. Mais cela ne suffira pas. L’absence de victoire du mouvement contre la réforme des retraites pèse sur les mobilisations actuelles. Inspirons-nous des points forts de ce mouvement, et notamment son atmosphère combative et tenace, autour d’une lutte commune. Mais ajoutons-y une large implication active par en bas, quelque chose qui pourrait être fait par la mise sur pied de comités de lutte.
Certaines mobilisations récentes ont vu le lancement de tels comités, pour soutenir des grèves par exemple. Cela pourrait être lancé partout – même là où la mobilisation n’est pas (encore) existante, sur les lieux de travail, dans les écoles et facs, dans les quartiers et les villages. De tels comités pourraient essayer d’organiser l’action, mais aussi la solidarité envers d’autres mobilisations. Ils pourraient servir à assurer une lutte constante contre chaque oppression vécue par l’un.e d’entre nous, et à mener la bataille politique contre les forces d’extrême droite qui tentent d’exploiter les inégalités sociales et la crainte en l’avenir. Des appels à la solidarité avec les luttes des populations en Martinique et Kanaky pourraient aussi être plus facilement tenus, ainsi qu’avec les luttes nécessaires par exemple en Allemagne, où d’ailleurs Michelin a déjà annoncé vouloir fermer des usines en 2025.
C’est par une implication réellement plus large et par en bas qu’un futur appel à la grève générale pourrait être sérieusement suivi, ce qui serait une véritable défiance pour Macron et ses gouvernements pro-capitalistes.
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Palestine, Liban,… les femmes, premières victimes des guerres et du génocide
Un rapport de l’ONU publié fin octobre dévoilait qu’en 2023, la proportion de femmes tuées dans les conflits armés (de Gaza à l’Ukraine en passant par le Soudan) a explosé à travers le monde pour atteindre le double de l’année précédente. Parallèlement, les violences sexuelles liées aux guerres ont augmenté de 50%. Quand l’étude des données de l’année 2024 sera réalisée, elle mettra de nouveau en avant l’impact disproportionné des guerres sur les femmes.
Tous nos yeux se tournent évidemment aujourd’hui vers l’escalade meurtrière régionale de l’agression israélienne au Moyen-Orient, qui provoque des déplacements massifs et interrompt des services de santé vitaux pour les femmes et les filles. Dans le nord de Gaza, les autorités israéliennes forcent les hôpitaux à évacuer, parmi lesquels ceux qui proposent des soins obstétricaux d’urgence aux femmes enceintes, au milieu des bombardements et des opérations terrestres. Le sud est surpeuplé avec un manque dramatique d’infrastructures de base.
Une situation similaire se développe aujourd’hui au Liban et déborde vers la Syrie.On compte au moins 98 centres de santé primaires contraints à fermer leurs portes au cours de l’année écoulée au Liban, et cinq hôpitaux désormais hors d’état de fonctionner à cause de destructions physiques ou touchant leur infrastructure. Ces déplacements de masse ont des conséquences particulièrement douloureuses pour les femmes et les filles.
En un an, on estime que 60.000 femmes ont accouché à Gaza. L’UNFPA, l’agence des Nations Unies en charge de la santé sexuelle et reproductive, n’a pu aider que 45.000 d’entre elles. Le personnel médical rapporte une forte augmentation des fausses couches et des décès maternels, tandis que l’anxiété et la malnutrition limitent les possibilités d’allaitement et que des milliers de femmes enceintes sont au bord de la famine.
À tout cela s’ajoutent les violences sexuelles commises par l’armée israélienne. Des experts indépendants liés aux Nations unies ont déjà fait état depuis plusieurs mois de des “allégations crédibles” d’exécutions et de viols de filles et de femmes par les forces israéliennes dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Ces experts, dont la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la violence à l’égard des femmes, Reem Alsalem, ont déclaré avoir reçu des informations sur des exécutions “ciblées” de femmes palestiniennes dans la bande de Gaza, souvent en compagnie de membres de leur famille et d’enfants.
“De nombreuses femmes auraient été soumises à des traitements inhumains et dégradants, privées de serviettes hygiéniques, de nourriture et de médicaments, et gravement maltraitées. Lors d’un incident au moins, des femmes palestiniennes de Gaza auraient été détenues dans une cage sous la pluie et dans le froid, sans nourriture”, ont dénoncé ces experts. De nombreuses femmes sont par ailleurs portées disparues après avoir été en contact avec l’armée israélienne.
Le combat contre la machine de mort israélienne et contre l’impérialisme fait partie intégrante du combat féministe.
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Liban : Netanyahou exporte le bain de sang
Le 23 octobre uniquement, au moins 558 personnes libanaises ont été tuées par des attaques israéliennes, dont 50 enfants. Plus de 1.800 personnes étaient également blessées. Il s’agissait de la journée la plus meurtrière que le Liban ait connue depuis la fin de la guerre civile en 1990. Depuis son attaque terroriste de masse à l’aide d’engins explosifs dissimulés dans des milliers de bipeurs à travers le Liban les 17 et 18 septembre, Israël ne fait qu’augmenter le niveau de violence. Des dizaines d’immeubles de Beyrouth, la capitale, ont été complètement rasés, sans la moindre sommation, avec un déluge de morts. En date du 24 octobre, les rapports font état d’au moins 2.600 personnes mortes et de millions de déplacées.
Par Ammar (Bruxelles), article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste
Depuis plus d’un an maintenant l’Etat Israël assassine impunément des centaines de milliers de personnes. A Gaza, le nombre de personnes directement tuées est d’au moins 45.000 personnes et il faudrait encore y ajouer environ 200.000 personnes décédées “indirectement” des suites de la destruction de toutes les infrastructures de soin et de logement tandis que l’aide humanitaire est bloquée. Il s’agit de près de 10% de la population gazaouie, et l’estimation est encore prudente.
Ce génocide puise ses origines avant même la création de l’État d’Israël en 1948, dans la politique de “diviser pour régner” de l’impérialisme britannique à l’époque de la Palestine sous mandat britannique, à la suite de l’effondrement de l’empire ottoman. Pour tenter de garder leur contrôle de ce découpage arbitraire, les peuples, notamment juifs et arabes, ont été montés les uns contre les autres, à l’image de l’Inde où les Hindouistes ont été opposés aux Musulmans.
C’est sur cette même logique que l’État libanais indépendant a été créé et reconnu en 1943, sur une base confessionnelle et sectaires très strictes. C’est ainsi que depuis lors, à la suite du mandat français, le Liban a fonctionné sur base d’un système politique semi féodal reposant sur l’institutionnalisation des divisions confessionnelles essentiellement entre chiites, maronites et sunnites, au parlement comme dans tous les aspects de la vie politique du pays. Ce système avait pour but de figer la domination de l’élite chrétienne maronite sur le pays.
A la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les élites, principalement maronites et sunnites, se sont fortement enrichies en développant principalement un système bancaire qui est parvenu à attirer des placements venant de toute la région dans ce nouveau paradis fiscal. On parlait à l’époque de la “Suisse du Moyen Orient”.
Ce système économique et politique n’a fait qu’accentuer les inégalités au cours des décennies, et a créé un État libanais complètement gangréné par la corruption et dépourvu de tout moyen financier entraînant une absence quasi complète de services publics dans le pays. Cette situation de crise sociale et politique amplifiée par une question nationale complexe, avec notamment environ 140.000 réfugié.e.s de Palestine arrivé.e.s au Liban dans le sillage de la guerre israélo-arabe de 1948, a conduit à une guerre civile entre 1975 et 1990 et, déjà, une intervention militaire israélienne meurtrière sur le sol libanais en 1982, suivie d’une occupation jusqu’en 2000.
Corruption, crise financière et sous-développement de l’infrastructure
La fin de la guerre civile n’a pas pour autant supprimé la misère. En 2019-2021, le pays a connu une série de mobilisations de masse – par-delà les frontières confessionnelles – à la suite d’une profonde crise financière, avec l’élément déclencheur d’un paquet de mesures d’austérité sans précédent et sous l’inspiration du Hirak algérien (mouvement de masse opposé à un cinquième mandat du président Bouteflika).
En août 2020, deux explosions ont frappé le port de Beyrouth, une des plus graves explosions non nucléaires de l’histoire, qui a causé 235 mort.e.s, 6.500 blessé.e.s et 300.000 personnes sans abri. Plusieurs manifestations ont à nouveau exigé la démission du gouvernement et dénoncé la corruption généralisée de la caste politique. Durant la pandémie, quand un confinement national a été décrété alors que la faim, l’inflation et le chômage augmentaient, la police a tiré à balles réelles sur la foule de manifestant.e.s.
Les inégalités dans le pays sont telles que les 1 % les plus riches, soit 42.000 personnes, possèdent 58 % de la richesse de l’ensemble de la population. La corruption des élites politiques des différentes communautés du pays n’a laissé aucun moyen dans les caisses de l’État pour la création de services publics viables. Dans la période à venir, un grand nombre de décès indirects de cette guerre seront dus à l’inaction de partis libanais corrompus depuis des décennies pour développer les infrastructures et les services à la population.
La situation était déjà désastreuse au Liban avant cette attaque unilatérale qui vise principalement les régions où la majorité de la population est musulmane chiite, base confessionnelle du Hezbollah : au sud du Liban (où sont principalement aussi les camps historiques de réfugié.es palestinien.ne.s), dans la banlieue sud de Beyrouth, et dans la plaine de la Bekaa (dans l’Est du pays). Il est important de souligner que la population chiite est historiquement celle dont les couches larges sont parmi les plus pauvres du pays, par opposition aux populations chrétiennes du centre et du nord du pays. Même si cela n’empêche pas Israël de bombarder des zones à majorité chrétienne ou sunnite, telles que Tripoli ; où le Hezbollah ne dispose d’aucune implantation.
Les ambitions coloniales des couches les plus réactionnaires de la politique israélienne débordent largement de Gaza, c’est l’ensemble de la sous-région qui est concernée, ce qui permet aussi de comprendre les frappes israéliennes en Syrie et l’invasion terrestre au Liban.
Oui à la résistance, non à l’islamisme
Sur qui peut-on se reposer ? Israël ne pourrait continuer ses exactions sans le soutien actif de la “communauté internationale”, c’est-à-dire des puissances impérialistes occidentales. Le double standard entre les sanctions appliquées à la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine et le soutien militaire et financier à Israël saute aux yeux. Israël est la tête de pont par excellence de l’impérialisme occidental dans la région, elle continuera à bénéficier de ce soutien, peu importent les résolutions de l’ONU ou les condamnations de la Cour pénale internationale.
Dans la région, la république islamique d’Iran est aujourd’hui la plus grande menace militaire vis-à-vis d’Israël. Elle soutient financièrement et logistiquement le Hezbollah, et aussi le Hamas, et est la seule force militaire dans la région capable de représenter une menace pour le régime sioniste.
Les peuples palestiniens et libanais ont évidemment le droit aujourd’hui de résister contre l’envahisseur, y compris de façon armée. Nous refusons de renvoyer simplement dos à dos Israël et le Hezbollah ou le Hamas. Mais nous estimons toutefois essentiel de rappeler que remplacer un régime réactionnaire par un autre n’est pas la solution pour la libération et l’émancipation de toustes les habitant.e.s de la région. Si nous nous opposons résolument à l’offensive génocidaire israélienne et à sa politique coloniale, nous saluons aussi le courage et la détermination des femmes iraniennes et du soulèvement de masse “Femme, Vie, Liberté” déclenché par la colère suite de l’horrible assassinat de Mahsa Jîna Amini en 2022 par le régime misogyne iranien.
Au Liban, le Hezbollah a lui aussi montré son vrai visage ces dernières années. Malgré sa capacité relative à unifier des couches issues de différentes confessions lors du conflit israélo-libanais de 2006, le Hezbollah a par la suite lui-même profité du système de corruption libanais, à l’image des autres forces politiques du pays, sur des bases confessionnelles sectaires et tout particulièrement depuis qu’il est devenu la force politique la plus influente au Liban.
Le Hezbollah a même fait usage de son autorité et de la force pour freiner la révolution d’octobre durant l’automne 2019, en qualifiant la jeunesse révoltée de “traitre à la solde de l’Occident” et en attaquant physiquement les rassemblements contestataires. A l’époque, les revendications du mouvement, initialement économiques et opposées à la corruption de l’ensemble de l’élite politique, se sont transformées en revendications sociales pour réclamer un changement de société. Ainsi durant des mois, la Thawra (Révolution en arabe) a dépassé les frontières confessionnelles et a posé les germes d’une alternative à l’État libanais défaillant. Des assemblées générales ; des comités de quartier ; des groupes de solidarité financière, médicale et juridique ont vu le jour pour assister les occupations de places et des grèves générales. Malheureusement, la pression de partis tels que le Hezbollah, l’absence de coordination claire et de perspectives ainsi que la pandémie de covid ont eu raison du mouvement. Mais les causes sociales et économiques qui lui ont donné naissance n’ont pas disparu.
Au même moment, en 2019-2020, des mobilisations anti-gouvernementales déferlaient sur l’Irak, là aussi par-delà les frontières confessionnelles, de même que sur l’Iran. C’est dans ce type de mobilisations populaires de masse et dans l’exploitation de leur potentiel révolutionnaire qu’une issue peut être trouvée. Nous soutenons la résistance, y compris de manière armée, mais pas sur des bases confessionnelles et antisémites, tels que le fait le Hezbollah, mais sur des bases anticoloniales et révolutionnaires. Cela pourrait trouver un écho dans toute la région, jusque parmi les masses pauvres israéliennes. La résistance contre l’impérialisme, ou qu’il soit, est plus puissante si elle repose sur l’unité dans la lutte de toutes les couches exploitées et opprimées, au-delà des différences confessionnelles et nationales, et surtout organisée de manière démocratique. Cette résistance doit prendre différentes formes, y compris de manière armée, mais elle doit surtout reposer sur l’action des masses qui lutte non seulement contre les colonisateurs mais aussi contre le capitalisme et les gouvernements dont le pouvoir repose sur ce système.
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Action de solidarité avec Ahou Daryaei : femme, vie, liberté!
Hier, nous étions une trentaine à participer à une action face à l’université de Liège en solidarité avec Ahou Daryaei, étudiante de l’université islamique Azad de Téhéran a bravé la répression en protestant courageusement contre la police des mœurs.
Enlevée pour un hijab jugé “inapproprié”, elle s’est dévêtue jusqu’à ses sous-vêtements en signe de résistance. Elle est désormais en détention, et sa vie est en danger. Son action courageuse se place à la suite du soulèvement féministe en Iran qui avait fait écho au slogan kurde “Femme, vie, liberté – Jin, Jiyan, Azadî”
La solidarité internationaliste était au coeur des prises de parole qui ont vu se succéder des camarades orignaire d’Iran, d’Italie et du Chili, aux côté d’un militante étudiante belge.
Ce combat est lutte mondiale qui dépasse les frontières et qui constitue un cri de résistance commun : de l’Iran à la Palestine, contre toute forme d’oppression et d’injustice. Nous dénonçons la récupération de la révolte féministe en Iran pour servir les intérêts de l’impérialisme, l’escalade meurtrière du génocide à Gaza et l’agression israélienne dans la région.
Le combat contre la machine de mort israélienne et contre l’impérialisme fait partie intégrante du combat féministe, au même titre que le combat contre un régime théocratique dictatorial comme celui de l’Iran.




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Namur : nouvelle mobilisation contre l’armement d’Israël
Hier, plus de 500 personnes se sont réunies à Namur pour une nouvelle manifestation contre la livraison d’armes en Israël à l’appel d’une large coalition.
Cette mobilisation aux portes du parlement wallon s’imposait tout particulièrement au vu du changement de la composition du nouveau gouvernement wallon : “Nous exigeons du gouvernement wallon et de son ministre-président l’interdiction de la délivrance de toute licence d’exportation – directe ou indirecte – d’armes, de matériel de guerre ou assimilé à destination d’Israël”, défendaient les porte-paroles.
La mobilisation visait notamment à défendre le maintien de l’interdiction de tout transit d’armes destinées à Israël dans les aéroports wallons et la la levée de toute opacité concernant le transit de marchandises à destination d’Israël via l’ouverture des registres douaniers.
Les organisations syndicales ont un rôle crucial à jouer à ce titre, en organisant une campagne effective pour que les travailleur.euse.s surveillent ce qui passe par leurs mains et organisent un boycott ouvrier des livraisons et du transit d’armes par la Belgique.Photos : J-F










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La politique du “moindre mal” s’écrase aux USA. Trump, président d’un système en état de putréfaction
L’élection de Trump représente un danger immédiat pour toutes les personnes migrantes ou issues de l’immigration, pour les personnes LGBTQIA+, les féministes, les travailleur.euse.s et toutes celles et ceux qui s’opposent au système d’accumulation des profits pour une poignée de super-riches. Les élections américaines ont suscité un enthousiasme limité : Kamala Harris a récolté moins de voix que Joe Biden il y a quatre ans, mais Trump lui-même en a près de 1 million alors que le corps électoral a grandi depuis lors. La victoire de Trump est une expression du rejet de la politique dominante et de la crise dans laquelle est plongée le système. Un système en crise cherche à assurer sa domination avec des représentants politiques qui correspondent à son état de putréfaction.
Notre solidarité va d’abord et avant tout aux victimes de ces politiques. Avec Trump, la répression sera encore plus intense. Les mesures racistes ont atteint de nouveaux sommets : l’administration Biden-Harris a par exemple expulsé encore plus de personnes immigrées que Trump durant son premier mandat. Aujourd’hui, Trump et ses alliés parlent de déportations massives et de camps de détention. Cela pue un passé dont les conséquences désastreuses sont connues de tous.
De son côté, la communauté LGBTQIA+ craint à juste titre les conséquences du pouvoir croissant des groupes conservateurs et religieux. Trump a largement utilisé la transphobie pour s’attirer le soutien des conservateurs et sa nouvelle administration devrait rapidement statuer que les lois fédérales sur les droits civils ne couvriront pas la discrimination anti-LGBTQ+.
Le personnel du secteur de la santé redoute la perspective du complotiste anti-vaccin Robert F. Kennedy comme ministre de la Santé. Elon Musk n’a pas fait mystère de sa volonté de participer à la réduction drastique des dépenses publiques : il a lui-même déjà proposé des coupes budgétaires de deux milliers de milliards de dollars dans les dépenses publiques. Cela affectera l’ensemble des travailleur.euse.s.
Cette normalisation des mesures d’extrême droite aura également des conséquences en Europe et ailleurs. Le Premier ministre hongrois Orban et Filip Dewinter (Vlaams Belang) se sont tous deux réjouis de la victoire de leur riche ami et homme d’affaires corrompu. La confiance de l’extrême droite grandit, ce qui conduira inévitablement à de nouvelles violences. Et puis il y a le feu vert inconditionnel donné au régime israélien de Netanyahou pour ne pas limiter le génocide et le carnage à Gaza et au Sud-Liban.
La menace est réelle et le danger est grand. La résistance doit être sérieusement organisée. Et c’est tout à fait possible. La semaine dernière, la grève de 30.000 travailleur.euse.s de Boeing aux Etats-Unis a pris fin après sept semaines. Le personnel a obtenu une augmentation de salaire de 38 % pour les quatre prochaines années. Cela semble être une augmentation considérable, mais compte tenu des taux d’inflation de ces dernières années, il était nécessaire d’aller encore beaucoup plus loin. La proposition finale a recueilli 59 % des votes des grévistes, ce qui indique qu’un groupe important souhaitait continuer le combat pour obtenir davantage. Par ailleurs, au momen-même de l’élection présidentielle, des référendums sur le droit à l’avortement étaient organisés dans dix États. Dans huit d’entre eux, une majorité s’est dégagée en faveur d’un renforcement des droits, y compris dans certains États où les républicains l’ont emporté. Seuls le Dakota du Sud et le Nebraska n’ont pas approuvé le renforcement du droit à l’avortement. En Floride, 57 % des électeurs ont voté en faveur de ce renforcement, mais une majorité de 60 % est nécessaire pour modifier la législation. Aujourd’hui, une majorité d’Américain.ne.s soutient le droit à l’avortement. De nombreux autres exemples montrent le potentiel présent pour la lutte sociale et la résistance.
Les démocrates espéraient faire de l’élection un référendum sur le droit à l’avortement. Eux-mêmes n’ont rien fait ces dernières années pour défendre efficacement ces droits ou en imposer de nouveaux. Tout a été renvoyé aux élections. Dans le contexte de l’effondrement des conditions de vie de la classe travailleuse en raison d’une forte inflation, cela ne pouvait pas susciter l’enthousiasme. Le statu quo, la préservation de l’ordre actuel des choses, représente déjà une douleur permanente pour des millions de personnes aux Etats-Unis. Une tactique du « moindre mal » visant simplement à préserver la catastrophe sociale en cours ne pouvait qu’échouer.
Un parti comme le parti démocrate, qui soutient résolument le génocide à Gaza et qui est le parti de Wall Street par excellence, ne constitue pas une alternative à Trump. Bernie Sanders déclare aujourd’hui que les démocrates ont « abandonné la classe ouvrière » et « défendent le statu quo », laissant le « peuple américain en colère et désireux de changement ». C’est vrai. Mais ce sont précisément pour cette direction démocrate que Bernie Sanders a lui-même fait campagne. Attendre que les élections soient passées pour se connecter à la colère et à l’aspiration populaire au changement est une erreur monumentale qui sape toute crédibilité.
Les marchés boursiers ont salué la victoire de Trump. La crainte du chaos s’est évanouie avec un résultat électoral aussi clair. Les marchés supposent, à juste titre, que Trump continuera à défendre les intérêts des grandes entreprises. Que cela se fasse avec une rhétorique brutale et une haine plus brutale ou avec une version polie et moins ouverte, ils ne s’en soucient guère.
Au cours de la campagne électorale, Trump a reçu le soutien enthousiaste d’Elon Musk. Jeff Bezos, d’Amazon, lui a également ouvert la porte. Les capitalistes attendent de Trump qu’il ne leur mette pas de bâtons dans les roues pour maintenir leurs profits. Cependant, il existe des contradictions majeures. Par exemple, agir face à la crise climatique est plus nécessaire que jamais, comme l’illustrent le nombre et la gravité des catastrophes naturelles. Ces catastrophes touchent principalement les travailleur.euse.s, mais aussi les capitalistes. Et c’est dans ce contexte que devraient prendre place des coupes budgétaires supplémentaires dans la réponse des autorités gouvernementales face aux catastrophes naturelles. Alors que certains capitalistes estiment que le protectionnisme sera le plus à même d’assurer leurs profits, d’autres redoutent que cela leur rende l’accès plus difficile au marché international. Certains espèrent des règles plus souples pour faire baisser les salaires tout en soutenant une politique d’expulsion du réservoir de main-d’œuvre immigrée bon marché.
La joie des riches sur les marchés boursiers contraste fortement avec la peur et l’angoisse d’innombrables activistes. Pour la classe travailleuse et ses instruments de lutte, les choses se présentent effectivement sous un jour très sombre. Cela ne doit pas nous décourager, mais au contraire nous stimuler à organiser sérieusement notre colère pour en faire une force de changement vers un autre système et une autre organisation de la société.
Le système capitaliste nous enfonce vers des catastrophes multiples et la seule force capable le bloquer pour ensuite repartir dans une toute autre direction, c’est la classe travailleuse dans toute sa diversité, avec ses méthodes de grève et de blocage potentiel de toute la production et l’économie. Voilà la force sociale qui fait tout basculer. La propriété et le contrôle démocratiques des secteurs clés de l’économie permettraient une planification rationnelle où les ressources et capacités technologiques disponibles seraient utilisées pour satisfaire aux besoins de l’humanité et de la planète. C’est en luttant activement pour ce type de société, le socialisme démocratique, que l’on peut combattre l’angoisse et la peur en donnant à notre colère une perspective positive d’émancipation collective au lieu du désespoir qui domine aujourd’hui.
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Élections américaines de 2024 : Les limites du moindre mal à l’ère du désordre
Des oreilles bandées en hommage à la blessure de Trump lors d’une tentative d’assassinat en été, des participant.e.s à la Convention nationale démocrate (DNC) vêtus de blanc en clin d’œil aux suffragettes, des débats diffusés en direct où le modérateur doit clarifier en temps réel que « le meurtre de nourrissons est illégal dans les 50 États » lorsqu’un avortement fictif de neuf mois est décrit.
Par Harper Cleves, Socialist Party (Irlande)
Les élections américaines sont réputées pour leur faste et leur caractère dramatique, mais pour beaucoup, les enjeux de cette élection sont particulièrement élevés. D’une part, le démagogue Donald Trump, avec ses projets politiques dystopiques et son sectarisme manifeste ; d’autre part, la poursuite d’une administration qui a supervisé et contribué activement à un génocide qui a tué des centaines de milliers de Palestinien.ne.s au cours de l’année écoulée. Il est essentiel de comprendre le contexte de cette élection présidentielle pour en envisager les résultats potentiels, mais aussi pour imaginer une alternative à la mascarade déplaisante et dangereuse de la politique corporatiste américaine.
Une économie pour les patrons, au détriment des travailleur.euse.s
Pour comprendre le cirque des élections présidentielles américaines, il est essentiel d’avoir un aperçu de ce qu’est la vie aux États-Unis aujourd’hui. Les inégalités économiques n’ont jamais été aussi fortes, même si le taux de chômage est le plus bas depuis 54 ans. Au premier trimestre 2024, 67 % de la richesse totale était détenue par les 10 % de personnes les mieux rémunérées, tandis que les 50 % les plus pauvres n’en possédaient que 2,5 %. Les soins de santé constituent un exemple frappant de l’impact de l’inégalité des richesses et de l’ampleur de la privatisation de ressources essentielles au maintien de la vie humaine : en 2022, 45 % des Américain.e.s n’étaient pas en mesure de se payer des soins de santé ou d’y avoir accès.
Trump, et les présidents américains qui se sont succédé avant lui, n’ont rien fait pour atténuer la question des inégalités parce qu’elle provient d’une dépendance à l’égard du marché privé pour fournir des biens essentiels. La « Bidenomics » – la politique économique de l’administration Biden – n’a fait que creuser ce fossé. Les investissements de Biden dans les infrastructures, ainsi que les subventions accordées à la fabrication de voitures électriques et de semi-conducteurs, tout en contribuant à une modeste reprise économique, ne visent pas à mettre de l’argent dans les poches des Américain.e.s de la classe travailleuse, mais plutôt à revitaliser la production nationale dans le contexte d’une nouvelle guerre froide avec la Chine, en fournissant des fonds publics aux grandes entreprises.
La trahison démocrate face à la lutte des cheminot.e.s de 2022 démontre clairement les relations douillettes qu’entretient Joe Biden avec les entreprises au détriment des travailleur.euse.s, malgré son titre autoproclamé de « président le plus pro-syndical de l’histoire des États-Unis ». Dans ce conflit, où plus de 100.000 cheminots de plusieurs syndicats ont menacé de faire grève pour obtenir un droit fondamental au congé maladie, Biden est intervenu en utilisant les pouvoirs présidentiels qui lui permettent de briser la grève en cas de perturbation substantielle du commerce interétatique, forçant ainsi un accord que la plupart des travailleur.euse.s avaient rejeté afin de satisfaire les patrons du rail.
Le plan de Trump pour une politique économique protectionniste, tout en prétendant se concentrer sur le retour des emplois aux États-Unis, ne résoudra pas cette question et placera également les intérêts des grandes entreprises au premier plan.
Les jeunes sont perdants
Les jeunes sont particulièrement touchés par ces dures réalités économiques. Le rapport annuel 2024 sur le bonheur dans le monde, élaboré à partir des sondages mondiaux de Gallup, montre que les États-Unis sont au plus bas de leur classement, quittant pour la première fois le top 20 pour se retrouver à la 23e place. L’insatisfaction des jeunes de moins de 30 ans est principalement à l’origine de ce recul, les répondants de la génération Z se déclarant plus stressés et insatisfaits de leurs conditions de vie. Les jeunes ont des taux d’endettement étudiant beaucoup plus élevés, des taux d’accession à la propriété plus faibles, des taux de location plus élevés et sont plus susceptibles de vivre avec leurs parents ou d’autres colocataire.trice.s que les générations précédentes.
Cependant, d’autres indicateurs incluent « le sentiment d’être moins soutenu par les amis et la famille, et d’être moins libre de faire des choix de vie ». Ces phénomènes inquiétants ne peuvent être dissociés de l’ardoise de lois régressives adoptées et de la désignation consciente de boucs émissaires parmi les femmes, les personnes queer et les personnes victimes de racisme, tant au niveau des États qu’au niveau fédéral, les millennials (personnes nées entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990) et la génération Z (personnes nés entre la fin des années 1990 et le début des années 2010) représentant les générations les plus diversifiées de l’histoire des États-Unis.
Rien qu’en 2024, 642 projets de loi anti-trans ont été envisagés aux États-Unis, sur des sujets tels que la limitation de l’utilisation des toilettes, l’interdiction de l’accès aux soins de réaffirmation du genre ou l’interdiction pour les enfants transgenres de participer à des activités sportives. Depuis l’annulation de Roe V Wade (arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis en 1973 concernant la protection du droit à l’avortement abrogé en 2022), 14 États ont interdit presque totalement l’accès à l’avortement, ce qui se traduit par des taux de mortalité liés à la grossesse deux fois plus élevés que dans les États où l’avortement est autorisé. En 2021 et 2022, 563 projets de loi ont été déposés contre l’enseignement de la théorie critique de la race dans les écoles publiques.
La commission de l’éducation et de la main-d’œuvre de la Chambre des représentants, sous couvert de s’attaquer à l’antisémitisme sur les campus universitaires au milieu d’un mouvement international de solidarité avec la Palestine, trouve également des moyens créatifs de réduire les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), ce qui a été alimenté par la décision explicite de la Cour suprême conservatrice contre la discrimination positive contre le racisme comme moyen de réduire les disparités et les inégalités racistes sur les campus universitaires.
Biden-Trump : la bataille originelle perdue d’avance
Dans ce contexte de crise extrême, il n’est pas surprenant que la polarisation ait prospéré. Les politiques modérées qui semblaient raisonnables à la population en des temps plus stables se révèlent aujourd’hui tout à fait insuffisantes. Dans un sondage réalisé en mars par leNew York Times et le Siena College, quatre fois plus d’électeur.trice.s se sont déclaré.e.s en colère, effrayé.e.s, déçu.e.s, résigné.e.s ou inquiet.e.s à propos de cette élection qu’iels ne se sont déclaré.e.s heureux.ses, enthousiastes ou plein.e.s d’espoir.
Même si de nombreux électeur.trice.s sont désespéré.e.s, il est clair que les Républicains ont l’avantage. La désaffection que Trump a su exploiter avec sa marque unique de populisme de droite est puissante et constitue en soi un indicateur d’un système défaillant. Qu’il s’agisse des richissimes qui soutiennent la soumission de Trump aux grandes entreprises, de la classe travailleuse blanche privée de ses droits et des pauvres des zones rurales qui détestent l’establishment démocrate et qui ont également adhéré à son discours haineux pour expliquer leur désespoir, le bloc Trump est un bloc puissant que les démocrates n’ont pas réussi à imiter. Un récent sondage a montré que 88 % des républicains considèrent Trump de façon très favorable ou plutôt favorable – un chiffre de soutien interne dont la campagne de Biden n’aurait pas pu se vanter.
Cette dynamique, associée à une suspicion publique quant à la capacité mentale de Biden à remplir ses fonctions, a eu un impact sur les sondages. Après une performance abominable lors du premier débat présidentiel cet été, cette idée a gagné encore plus de terrain, certains sondages montrant que la piètre performance de Biden le donnait distancé par Trump de six points. Dans un geste sans précédent, le 21 juillet, 182 jours seulement avant la fin de son mandat, Joe Biden s’est retiré de la course présidentielle et a choisi l’impopulaire vice-présidente Kamala Harris pour lui succéder. Cette décision n’a fait qu’exposer la faiblesse du Parti démocrate, tout en lui donnant l’occasion d’entamer une campagne avec un bagage moins lourd que celui de Biden.
Trump VS Kamala : quelle est leur position sur les questions d’actualité ?
Projet 2025 : L’un des thèmes majeurs de la campagne présidentielle est un ensemble de propositions politiques associées à Donald Trump, appelé « Projet 2025 », produit par un groupe de réflexion de droite appelé The Heritage Foundation. Les objectifs déclarés du document sont de « restaurer la famille en tant que pièce maîtresse de la vie américaine ; démanteler l’État administratif ; défendre la souveraineté et les frontières de la nation ; et garantir les droits individuels donnés par Dieu pour vivre librement ».
La « théorie de l’exécutif unitaire » du plan prévoit de placer l’ensemble de l’appareil fédéral sous le contrôle de l’exécutif, y compris les ministères indépendants, comme le ministère de la justice. Il appelle au démantèlement complet du Département de l’éducation et promet de licencier les employés fédéraux « corrompus », ce que beaucoup ont compris comme signifiant les employés qui ne sont pas loyaux envers l’administration Trump. Cela équivaudrait à une énorme consolidation du pouvoir présidentiel, que beaucoup considèrent raisonnablement comme une menace pour les fondements mêmes de la démocratie. Cette situation a été exacerbée par le moment où le colistier de Trump JD Vance, lors d’un débat vice-présidentiel, a refusé de répondre à la question « qui a gagné l’élection de 2020 ».
Bien que le projet 2025 ne soit pas officiellement soutenu ou produit par la campagne de Trump, certaines parties du plan ont été fortement dirigées par des personnes qui étaient des conseillers de premier plan de Trump pendant sa présidence. Il existe également une grande cohérence entre le Projet 2025 et le programme politique de Trump, à l’exception notable de l’avortement, que Trump ne mentionne pas une seule fois dans son plan, alors que la réalité des interdictions d’avortement a montré à beaucoup à quel point cette forme de soins de santé est essentielle.
Dans ce contexte, de nombreux électeurs craignent qu’une présidence Trump ne ressemble davantage à une dictature, une crainte amplifiée par l’impact persistant de l’insurrection du « 6 janvier » (la prise d’assaut du capitole), qui a suivi les déclarations de Trump selon lesquelles les élections avaient été volées, et par la récente décision de la Cour suprême, qui a effectivement placé les présidents en exercice au-dessus de la loi. Les démocrates s’appuient sur cette crainte et considèrent qu’un vote en faveur de Kamala Harris est un vote en faveur de la préservation de la « démocratie américaine », aussi antidémocratique qu’elle puisse être.
Le « grand flic » Harris : L’un des éléments du Projet 2025 auquel Trump a adhéré est la promesse de déployer l’armée américaine à la frontière entre les États-Unis et le Mexique pour assister les déportations massives, une demande reflétée lors de la Convention nationale républicaine (RNC), où les participant.e.s ont brandi des pancartes portant les mots « Déportations massives maintenant ! ». Trump a formulé des slogans et des promesses dangereux, comme sa menace d’expulser « un million d’immigrés ». Ces dernières années, l’immigration aux États-Unis a considérablement augmenté, en particulier en provenance d’Amérique latine et des Caraïbes. Selon l’Office of Homeland Security Statistics, la frontière sud a enregistré au moins 6,3 millions de rencontres avec des migrant.e.s depuis que Biden est devenu président en 2021, et plus de 2,4 millions de ces personnes ont été autorisés à entrer dans le pays. Même si la plupart d’entre elles se trouvent aujourd’hui devant les tribunaux dans le cadre de procédures d’expulsion actives, cela représente tout de même une augmentation significative de la migration récente, attribuable aux tendances qui affectent les pays à l’échelle mondiale, telles que la crise climatique, l’instabilité politique et les difficultés économiques.
Les démocrates, comme les républicains, ne sont pas à l’abri d’imputer aux immigré.e.s les problèmes causés par la fausse pénurie posée par le marché privé, et leur rhétorique et leur programme ont contribué à faire régresser l’opinion publique sur ces questions. La proportion d’Américain.ne.s souhaitant que le niveau de toutes les formes d’immigration diminue a radicalement augmenté, passant de 28 % à la mi-2020 à 55 % en juin 2024. C’est la première fois depuis 2005 que la majorité des Américain.ne.s souhaitent une diminution de l’immigration. Le sentiment anti-immigration a atteint son apogée en 2001, dans le sillage du 11 septembre. Tous les secteurs de l’électorat reflètent ce virage à droite en matière d’immigration, y compris les électeurs latino-américains, qui sont plus enclins que par le passé à soutenir des politiques frontalières plus strictes, ainsi que les démocrates inscrits sur les listes électorales.
Trump a même progressé auprès de l’électorat noir et latino-américain. Si Harris conserve une avance significative, 78 % contre 15 % pour M. Trump auprès de l’électorat noir et 56 % contre 37 % auprès des Latinos, cette avance est bien maigre par rapport aux bases de soutien dont disposaient les démocrates par le passé. En 2020, Joe Biden a obtenu 92 % de soutien de la part des électeurs noirs et 63 % de la part des Latinos.
En conséquence, le programme du Parti démocrate pour 2024 représente un recul des droits des immigrés, en soutenant des déportations plus rapides pour les migrant.e.s économiques et en appelant à des règles plus strictes pour les demandeur.euse.s d’asile, y compris la possibilité d’arrêter complètement le traitement des demandes d’asile. Ce revirement se reflète également dans le fait que Kamala Harris a remis l’accent sur son rôle de procureure dans l’État de Californie, en arborant fièrement son badge de « Top Cop ». Dans les publicités, elle a souligné son rôle dans la lutte contre la criminalité transfrontalière. En tant que procureure, elle était également favorable à ce que les immigré.e.s sans papiers qui commettaient des délits, même non violents, soient remis aux services de l’immigration.
Le contraste est saisissant avec la situation qui prévalait il y a quatre ans, dans le sillage du puissant mouvement Black Lives Matter, le plus grand mouvement de protestation de l’histoire des États-Unis. À la lumière de ces faits, Kamala Harris a dû renoncer à son personnage de Top Cop. Lors de la convention nationale démocrate (DNC) de 2020, les membres des familles d’hommes noirs tués par des violences policières ont été invités à monter sur scène, et Kamala Harris elle-même a parlé du racisme structurel. Une fillette de 11 ans qui avait été détenue dans un centre de détention a eu le droit de s’exprimer. Les bénéficiaires de l’action différée pour les arrivées d’enfants (DACA, dispositif mis en place par le gouvernement Obama qui permet à certains immigrés mineurs entrés illégalement sur le territoire américain de bénéficier d’un moratoire de deux ans sur leur expulsion) se sont vus offrir une plateforme pour démontrer ce message également. Bien que ces messages se soient avérés creux lorsqu’il s’agissait de politique réelle, il était clair qu’en 2020, le Parti démocrate ressentait la pression de refléter un certain état d’esprit.
En réalité, les démocrates, Kamala Harris en tête, tentent de marcher sur une corde raide : d’une part, décrier le type de racisme et de sentiment anti-immigrés affiché lors des rassemblements de Trump, et être le parti de la diversité, de l’humanité et du progrès ; et d’autre part, démontrer plus ouvertement la réalité de leur insensibilité sur la question en rendant plus difficile l’accès à la sûreté et à la sécurité pour les immigrants vulnérables à une époque où la guerre, les catastrophes climatiques et la pauvreté créent des réfugiés dans le monde entier.
La bataille contre le « wokisme ». Alors que nous entrons dans le dernier mois avant les élections, Donald Trump a dépensé au moins 17 millions de dollars pour des publicités qui s’en prennent à Kamala Harris, qui soutient les soins de genre pour les détenu.e.s dans le cadre de sa campagne de 2019. Il n’est pas certain qu’il s’agisse de sa position actuelle, étant donné qu’elle est revenue sur bon nombre de ses positions les plus progressistes. L’une des publicités se termine par un slogan incendiaire : « Elle est aux côtés d’eux/elles – Trump est aux côtés de vous ». Ce slogan est diffusé sur une image de Trump discutant avec des ouvriers d’usine et sur une citation de CNBC : « Trump : Moins d’impôts, plus de salaires pour les travailleurs ». Ces publicités de Trump ont été diffusées plus de 30 000 fois, y compris dans les États clés de l’échiquier politique, avec une attention particulière pour les retransmissions de matchs de football américain.
À première vue, il peut sembler étrange de mettre l’accent sur un tel sujet au cours du dernier mois précédant l’élection, surtout lorsque les principaux thèmes abordés par les électeurs semblent être l’économie et l’avortement. Pourtant, opposer les droits des personnes transgenres aux problèmes de la classe travailleuse, comme le laisse entendre la campagne publicitaire, est une approche utilisée par l’ensemble du parti républicain. S’il est vrai que le Parti démocrate n’est pas un parti qui défend les intérêts de la classe travailleuse, le fait que Kamala Harris ait déjà soutenu la prise en charge des détenu.e.s en fonction de leur genre n’a aucune incidence sur ce fait. Une lutte réussie pour des soins de santé gratuits et accessibles aux personnes transgenres, intégrés dans un système de santé public, serait une victoire pour toutes les personnes de la classe travailleuses qui luttent contre des coûts démesurément élevés pour les soins de santé de base. Le choix de Trump de mettre l’accent sur cette question démontre l’efficacité du retour de bâton sur le « wokisme », c’est-à-dire les idées progressistes sur le genre, le racisme et la sexualité, et la façon dont cela peut trouver un écho auprès de l’électorat.
En ce qui concerne l’avortement, Trump est moins catégorique. Reconnaissant qu’il s’agit d’une faiblesse pour lui, puisque des États « rouges » (la couleur du parti républicain) ont voté des référendums qui limiteraient l’accès à l’avortement, il se contente généralement d’insister sur le fait qu’il s’agit d’une question relevant des « droits des États ».
Et pourtant, même si Kamala Harris se présente comme une candidate progressiste, la réalité est qu’elle fait également partie d’une administration qui a connu le pire recul en matière de droit à l’avortement, de prise en charge des personnes handicapées et de droits des personnes LGBTQIA+ depuis des années. Cette situation ne peut être imputée uniquement à l’administration Trump, aux assemblées législatives conservatrices des États et à la Cour suprême. Pendant des décennies, les démocrates ont permis de subtiles érosions des droits des femmes ; ils ont laissé prospérer un système de santé de plus en plus privatisé ; ils ont siphonné l’avortement et les soins d’affirmation du genre vers des cliniques spécialisées ; tout cela montre leur mépris pour ces formes essentielles de soins de santé, mais a également préparé le terrain pour les attaques de la droite radicale contre ces services.
Le « meilleur ami d’Israël » et le bras droit de Joe le Génocidaire. La complicité de l’administration Biden dans le génocide de Gaza est bien documentée et constitue un problème important pour les démocrates à l’approche de cette élection. En août 2024, on estime que l’administration Biden a envoyé plus de 600 cargaisons d’armes à Israël, ce qui représente plus de 50 000 tonnes d’équipement militaire en seulement 10 mois. Ces livraisons d’armes représentent une complicité et une participation absolues au génocide.
Cette grave vérité a eu un impact sur l’opinion américaine. La majorité soutient toujours Israël, mais des chiffres plus importants que jamais démontrent le scepticisme et la désapprobation pure et simple de l’approche des gouvernements israélien et américain à l’égard de la Palestine, en particulier auprès des personnes musulmanes et de la jeunesse. Un sondage réalisé en novembre dernier a montré que 70 % de l’électorat âgé de 18 à 34 ans déclaraient désapprouver la façon dont Biden a géré la « guerre » contre Gaza. En mai de cette année, un sondage de l’Institut arabo-américain (AAI) a montré que le soutien de Biden parmi les Américain.ne.s d’origine arabe se situait juste en dessous de 20 %. L’électorat arabo-américain constituent un bloc de vote important dans des États en pleine mutation, comme au Michigan. Ce printemps et cet été, des milliers de jeunes gens fréquentant les universités américaines ont participé à des manifestations et à des occupations de campus appelant leurs universités à rompre leurs liens avec les produits, les universités et la recherche en Israël qui contribuent au génocide à Gaza.
Kamala Harris a tenté d’adopter un ton plus empathique et conciliant à l’égard de la Palestine, reconnaissant à juste titre les problèmes que le génocide pourrait poser à sa campagne. Elle a qualifié de « dévastatrices » et de « catastrophiques » les « images d’enfants morts et de personnes désespérées et affamées fuyant pour se mettre à l’abri, parfois déplacées pour la deuxième, la troisième ou la quatrième fois », et a promis que « je ne resterai pas silencieuse ».
En réalité, Harris s’aligne sur l’approche de Biden et, en dépit de ses témoignages de sympathie, sa politique ne fera que perpétuer la catastrophe. Elle s’est fait l’écho du soutien « inébranlable » et « à toute épreuve » de Biden à Israël et n’a fait aucune suggestion quant à l’arrêt de l’envoi d’armes vers Israël – un pouvoir qui relève de l’exécutif et qui, plus que toute autre chose, réduirait la capacité de l’État israélien à poursuivre son règne de la terreur.
En ce qui concerne la politique étrangère, et notamment le génocide en cours à Gaza, la campagne de Trump n’a pas grand-chose à dire, si ce n’est qu’elle présente la Chine comme l’ennemi principal et réaffirme une politique protectionniste, fondée sur des tarifs douaniers élevés, en matière de commerce extérieur. Dans ce contexte, il a parfois affirmé qu’il mettrait fin à l’implication des États-Unis dans les guerres étrangères. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles des personnalités comme le maire de Hamtramck, ville du Michigan, Amer Ghaleb, originaire du Yémen, ont soutenu Trump dans cet État où le vote arabe et musulman sera un facteur clé.
Néanmoins, il n’y a aucune raison de penser que Donald Trump sera l’ami des Palestinien.ne.s. Il s’est décrit comme le « meilleur ami d’Israël ». Au cours de son mandat de président, Trump a montré son mépris total et, en fait, sa malveillance à l’égard de l’autodétermination du peuple palestinien en reconnaissant Jérusalem comme la véritable capitale de l’État israélien. Malgré l’utilisation occasionnelle par Trump du surnom de « Joe le génocidaire » pour décrire le président Biden, les Palestinien.ne.s et leurs allié.e.s en lutte aux États-Unis devraient anticiper son mandat de président avec beaucoup plus de crainte que d’espoir.
Quand le « moindre mal » reste un mal certain
À l’extérieur de la convention démocrate, un manifestant nommé Farzeen Harunani, originaire de Chicago, a déclaré : « J’ai été bleu (couleur démocrate) toute ma vie. J’ai fait du bénévolat pour les démocrates, j’ai fait des dons aux démocrates, j’ai fait du porte-à-porte pour eux, j’ai fait des appels téléphoniques pour eux ». Il a expliqué qu’il se sentait politiquement sans abri. Harunani a poursuivi en disant : « Nous sommes tous très frustrés parce que le système bipartite est tellement ancré dans nos habitudes. Et si, au lieu de voter pour une réduction des dégâts, nous pouvions voter pour l’absence de dégâts ? »
Ces propos expriment le sentiment de nombreuses personnes qui se demandent s’il faut voter pour Harris, pour un tiers parti ou ne pas voter du tout. Beaucoup de ceux qui éprouvent une profonde sympathie pour les Palestinien.ne.s voteront tout de même pour Harris, espérant peut-être qu’elle sera la porte la plus facile à pousser, ou craignant en particulier la politique intérieure promise par une administration Trump. C’est éminemment compréhensible. En tant que socialistes révolutionnaires, nous continuerons à nous battre aux côtés de ces personnes pour faire pression sur celle qui accèdera à la présidence afin qu’elle mette fin au génocide à Gaza, parmi beaucoup, beaucoup d’autres choses.
Cependant, fondamentalement, le parti démocrate est une impasse, que ce soit sous la direction de Kamala Harris ou de Joe Biden. Dans un monde dominé par les crises, qu’il s’agisse d’une augmentation considérable du racisme, d’ouragans gigantesques sur une côte ou d’incendies de forêt sur l’autre, de soins de santé et d’éducation qui peuvent entraîner des dettes à vie, d’attaques quotidiennes contre l’autonomie et la sécurité physiques ou d’une conflagration apparemment sans fin de génocides et de guerres, il est clair pour un nombre croissant de personnes que la politique du « business as usual » ne suffira pas.
La solidarité est l’antidote à la peur
Pour certaines de ces personnes, le style incendiaire et le populisme haineux de Donald Trump et d’autres comme lui trouveront un écho. La haine que représente Trump s’inscrit mieux dans les sillons du capitalisme néolibéral hyper individualiste dans lequel nous avons été socialisés pendant des décennies.
Mais pour d’autres, en particulier ceux qui sont confrontés au racisme quotidien, qui regardent avec horreur des êtres chers être bombardés à Gaza ou au Liban, qui craignent d’être contraints d’être parents ou de subir des violences à l’école pour le simple fait d’être eux-mêmes, le système capitaliste qui repose si complètement sur la violence, l’oppression et l’exploitation est de plus en plus remis en question.
Kamala Harris est très légèrement en tête des sondages au moment où nous écrivons cet article. Elle n’est pas perçue avec le même scepticisme que Joe Biden, mais représente-t-elle quelque chose de suffisamment différent pour surmonter le culte que Trump inspire à de nombreuses personnes ? C’est peu probable : son bilan et celui du parti démocrate dans son ensemble laissent présager la poursuite du statu quo.
Ce qui est clair, c’est que peu importe qui s’assiéra dans le bureau ovale en janvier, nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Nous devons poursuivre nos manifestations pour mettre fin au génocide, maintenir la pression sur la personne qui occupera le bureau pour rétablir le droit national à l’avortement, lutter pour des soins de santé et des logements socialisés et pour tout ce dont nous avons besoin pour vivre. Nous avons vu que le sentiment pour de tels mouvements existe ; des campements universitaires en solidarité avec la Palestine qui ont inspiré un mouvement mondial, aux nouvelles couches de travailleurs qui testent leur pouvoir en se mettant en grève, aux jeunes qui organisent l’entraide dans leurs communautés – il est clair que beaucoup se battent pour trouver un moyen de construire et de lutter pour le monde dont nous avons besoin en dehors de la politique officielle.
De ces mouvements et organisations communautaires – ou de ceux dont nous n’avons pas encore rêvé – pourraient naître les graines d’un nouveau type de politique et d’organisation de base, capable de coaliser un mouvement ou un parti qui représente une véritable alternative à la mascarade déprimante que nous voyons dans les plus hautes fonctions. Telle est la tâche essentielle. Nous rassembler, refuser les compromis, sentir notre force à travers l’action collective afin de ne plus avoir à accepter un moindre mal, mais de pouvoir construire un monde socialiste fondé sur une action active en faveur du bien.
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Halte au génocide à Gaza et à la spirale sanglante au Moyen-Orient
Depuis plus d’un an, le monde assiste avec horreur et en temps réel à l’une des campagnes de bombardement les plus destructrices et les plus impitoyables de l’histoire – un assaut incessant aux proportions génocidaires – sur la bande de Gaza. La machine de mort et de destruction maniée par l’État israélien tourne et elle plonge dans de nouvelles profondeurs indicibles, tout en élargissant son champ d’action régional. Le Moyen-Orient est aujourd’hui au bord de ce qui pourrait être la plus grande conflagration régionale depuis des décennies.
Par Serge Jordan
Une horreur sans fin
Selon le bilan officiel publié par le ministère de la santé de Gaza, le génocide israélien à Gaza a tué plus de 43.000 Palestiniens en 12 mois. Ce chiffre représente toutefois plus que probablement une importante sous-estimation. Plusieurs milliers de personnes sont toujours portées disparues et ne sont pas prises en compte dans les statistiques officielles. L’anéantissement des établissements de santé, des réseaux de communication et des infrastructures routières a gravement entravé la tenue de registres précis. Ce chiffre ne tient pas non plus compte du nombre important – et croissant – de victimes dues à des causes indirectes telles que la maladie, la malnutrition et la famine. Plusieurs organisations, dont l’Organisation mondiale de la santé, des groupes de défense des droits humains et des professionnel.le.s de la santé qui ont travaillé à Gaza, affirment que le nombre réel de victimes est beaucoup plus élevé que ce qui est indiqué. Une étude récente du “Costs of War Project” de l’université Brown (Etats-Unis) estime ce nombre à environ 114.000, ce qui représente environ 5 % de la population de Gaza, et le qualifie de “nombre minimum ferme et prudent de morts”, tandis que les estimations de la revue scientifique britannique “The Lancet” faisait déjà état de plus de 180.000 personnes décédées de causes indirectes il y a plusieurs mois.
Entre-temps, la Cisjordanie occupée a également connu une recrudescence des attaques meurtrières de l’armée israélienne et des colons au cours de l’année écoulée, ce qui a entraîné la détention de près de 12.000 Palestinien.ne.s et la mort de centaines de personnes, dont 36 enfants tués lors de frappes aériennes et en raison de tirs à balles réelles 129, la plupart touchés à la tête ou à la partie supérieure du corps.
Aussi horrible que cela puisse paraître, le nombre de mort.e.s ne représente qu’une partie de la barbarie dont est victime le peuple palestinien. Un nouveau rapport de l’Agence des Nations unies pour le développement sur l’impact socio-économique de la guerre révèle que les indicateurs de développement humain dans la bande de Gaza se sont effondrés à des niveaux jamais atteints depuis les années 1950, et qu’il faudrait 350 ans (!) pour que l’économie de Gaza retrouve les niveaux d’avant le 7 octobre 2023. La quasi-totalité de la population de Gaza souffre d’une forte insécurité alimentaire, un demi-million de personnes sont menacées de famine. Des dizaines de milliers de personnes ont subi des blessures qui ont changé leur vie ; Gaza abrite désormais le plus grand nombre d’enfants amputés de l’histoire moderne, avec 10 enfants en moyenne qui perdent une jambe ou les deux chaque jour.
Dans ce qui a marqué un nouveau degré d’horreur et d’intensification de cette guerre brutale d’extermination – que l’envoyé palestinien auprès des Nations unies a qualifié de « génocide dans le génocide » -, le nord de Gaza a été soumis à un siège d’une cruauté stupéfiante au cours des trois dernières semaines (alors que les zones dites « sûres » ou « humanitaires » dans les parties méridionales de la bande continuent d’être régulièrement bombardées elles aussi). Depuis le 1er octobre, les forces israéliennes ont empêché l’entrée de nourriture ou d’aide de quelque nature que ce soit dans le nord de Gaza et ont soumis la région à des frappes aériennes et à des tirs d’artillerie incessants. L’armée israélienne a intensifié son offensive terrestre – la troisième en douze mois – encerclant le camp de réfugiés de Jabalia, tuant des centaines de civils et forçant des dizaines de milliers de personnes à fuir. Les familles déplacées qui s’abritaient dans des bâtiments publics sont chassées sous la menace des armes, avant que ces bâtiments ne soient rasés ou brûlés par les soldat.e.s israélien.ne.s. Les Palestinien.ne.s qui ont fui ont fait des récits effrayants de cette campagne permanente de meurtres, de famine planifiée et de déplacements forcés : des dizaines de corps éparpillés dans les rues, des preuves d’exécutions sommaires, des blessés laissés sur place alors que les ambulances et les secours sont délibérément bloqués, voire directement attaqués. L’armée israélienne prend également pour cible ce qui reste des réserves et des canalisations d’eau, poussant la population restante plus près du bord de la famine et de la soif. Joyce Msuya, responsable des affaires humanitaires de l’ONU, a averti samedi que « l’ensemble de la population du nord de Gaza risque de mourir sous le siège israélien », au lendemain d’un raid israélien de grande envergure sur Kamal Adwan, le dernier hôpital opérationnel de la région.
Le directeur de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orien (UNRWA), Philippe Lazzarini, a récemment déclaré : “L’odeur de la mort est omniprésente, les corps gisant sur les routes ou sous les décombres. Les missions de déblaiement des corps ou d’assistance humanitaire sont refusées. Dans le nord de Gaza, les gens attendent simplement de mourir. Ils se sentent abandonnés, désespérés et seuls. Ils vivent d’une heure à l’autre, craignant la mort à chaque seconde.” Malgré ces conditions insupportables et la menace imminente d’anéantissement, de nombreux.ses Palestinien.ne.s ne peuvent tout simplement pas partir – ou refusent de le faire en sachant qu’une fois parti.e.s, il ne sera pas possible de revenir – une expérience gravée dans leur histoire.
Cette stratégie militaire israélienne semble s’inspirer des principes fondamentaux de ce que l’on appelle le « plan des généraux », un projet publié en septembre par une association d’officiers retraités et de réservistes israéliens, que le Premier ministre Netanyahou a qualifié de « logique ». Les principaux objectifs de ce plan sont l’encerclement militaire du nord de Gaza, l’interruption de l’aide humanitaire et l’utilisation de la famine comme moyen de pression pour forcer l’évacuation totale de la zone. Chaque Palestinien.ne qui resterait sur place serait qualifié.e d’agent du Hamas et traité.e comme une cible légitime à abattre. Connu également sous le nom de « plan d’Eiland », il porte le nom de Giora Eiland, général de division à la retraite et ancien chef du Conseil national de sécurité d’Israël, qui en a conçu le cadre et a résumé son raisonnement brutal il y a déjà un an dans une interview, en déclarant : « Gaza doit être complètement détruite : chaos terrible, crise humanitaire grave, cris au ciel… ». Cette déclaration s’accompagne des projets du mouvement des colons et de l’extrême droite israélienne de réinstaller Gaza, ouvertement discutés lors d’une conférence le 21 octobre à laquelle ont participé des membres de la Knesset (le Parlement) et plusieurs membres du Likoud (le parti de Nétanyahou) ainsi que des ministres du gouvernement, et qui ont été protégés par l’armée et la police.
Cependant, la faisabilité pratique d’un plan visant à soumettre environ 400.000 personnes à l’horrible ultimatum « partir ou mourir » est une toute autre question. Outre l’attachement indéfectible des Palestinien.ne.s à leur terre, on peut se demander combien de temps les forces d’occupation israéliennes pourront maintenir leur emprise sur le nord de Gaza sans subir des pertes croissantes de la part du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens qui continuent d’opérer dans la région. L’armée israélienne est également confrontée à des contraintes militaires, logistiques et humaines de plus en plus importantes pour soutenir les opérations dans la bande de Gaza, compte tenu des exigences simultanées de l’intensification de la guerre avec le Liban – qui nécessite d’importants déploiements de troupes – ainsi que de la possibilité d’une escalade de la guerre à l’extérieur.
L’assaut s’étend au Liban
Malgré les affirmations publiques du contraire, plus d’un an après le début de la guerre, le gouvernement de Netanyahou n’a toujours pas atteint les objectifs qu’il s’était fixés à Gaza. Par exemple, moins de 7 % des otages israéliens libérés ont été récupérés par la force militaire. Les célébrations triomphalistes de l’establishment israélien à l’occasion de l’assassinat des dirigeants du Hamas, Ismail Haniyeh et plus récemment Yahya Sinwar, ne peuvent occulter la réalité : le Hamas, bien qu’ayant subi des pertes militaires significatives en hommes et en matériel, est loin d’être « éliminé ». L’affirmation du ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, selon laquelle le Hamas est effectivement démantelé en tant que force de combat à Gaza – reprise la semaine dernière par le secrétaire d’État américain Antony Blinken – ne correspond pas aux faits. Outre le fait que ce récit contredit clairement la propagande de l’État israélien, qui continue d’imputer au Hamas la responsabilité de la quasi-totalité pertes civiles palestiniennes massacrées par les bombes de Tsahal, le groupe conserve objectivement une capacité et une volonté de se battre. Dans un contexte pratiquement dépourvu de forces de résistance de gauche, la spirale d’atrocités du régime israélien devrait également aider le Hamas à reconstituer ses rangs au sein d’une nouvelle génération de Palestinien.nes. Sur le plan politique, les résultats du dernier sondage effectué par le Centre palestinien de recherche sur les politiques et les sondages au début du mois de septembre montrent que si le soutien au Hamas a légèrement baissé, il reste le plus élevé par rapport à toutes les autres factions palestiniennes, tant à Gaza qu’en Cisjordanie occupée.
Confronté à une impasse stratégique, Nétanyahou s’est retrouvé sous la pression des factions les plus extrémistes et ultranationalistes de son propre cabinet, qui l’ont incité à poursuivre l’escalade de la guerre. Il cherchait aussi désespérément à détourner l’attention de ses propres vulnérabilités politiques et des critiques intérieures croissantes concernant sa conduite de la guerre. Ces critiques ont culminé, début septembre, avec des manifestations historiques dans tout Israël et une grève générale de courte durée déclenchée par la fédération syndicale Histadrut, qui a cédé à la pression massive de la base – à laquelle ont participé des travailleurs d’origine juive, arabe et autre, exigeant un « accord immédiat ».
Encouragé par les facteurs susmentionnés et sentant une opportunité dans la faiblesse évidente de l’actuelle administration Biden, Nétanyahou a opté pour une fuite en avant imprudente, appuyant sur l’accélérateur de la guerre au Liban. L’explosion meurtrière de bipeurs et d’appareils de communication piégés dans une opération de terrorisme d’Etat à travers le Liban à la mi-septembre a simplement servi de prélude aux « Flèches du Nord », une offensive militaire israélienne aérienne et terrestre brutale de plus grande envergure sur le Liban. Les affirmations du régime israélien selon lesquelles ce nouvel assaut ne vise que le Hezbollah sont manifestement fausses. Il a attaqué sans discrimination des hôpitaux, des zones résidentielles, des postes frontières, des équipes de la Croix-Rouge et de la protection civile, des agriculteurs, des bergers, des journalistes et même des forces de « maintien de la paix » de l’ONU. Les infrastructures essentielles – eau, électricité, communications – ont été délibérément prises pour cible, de même que les bâtiments gouvernementaux, les monuments culturels et les sites historiques. L’offensive a tué plus de 2.600 personnes à ce jour et en a déplacé environ 1,2 million, forçant plus d’un.e habitant.e du Liban sur cinq à quitter son foyer.
L’offensive de l’armée israélienne au Liban semble en partie reposer sur l’idée de terroriser et de saper la base sociale du Hezbollah. Attiser les flammes sectaires au sein de la population libanaise pourrait bien être un élément intentionnel de cette stratégie, alors que les Libanais.es majoritairement chiites sont contraints de fuir le sud vers des régions majoritairement sunnites, druzes et chrétiennes. Ainsi, à la mi-octobre, l’armée israélienne a frappé le petit village septentrional d’Aito, dans le cœur chrétien du pays, loin des principales zones d’influence du Hezbollah dans le sud et l’est du Liban, mais où étaient accueillies les personnes déplacées à l’intérieur du pays en provenance des régions à majorité chiite. Vingt-deux personnes ont été tuées dans l’attentat.
L’assassinat de Hassan Nasrallah, leader historique et très en vue du Hezbollah, à la fin du mois de septembre, ainsi que l’élimination de la plupart des hauts commandants militaires de l’organisation, ont incontestablement porté un coup au Hezbollah. Ces actions, ainsi que les attaques de bipeurs et de talkies-walkies ont également mis en évidence de graves failles de sécurité au sein de la structure du groupe. Sur le plan politique, elles ont permis à Nétanyahou de rehausser temporairement son prestige sur le plan intérieur. Son parti, le Likoud, est remonté d’un niveau historiquement bas pour prendre la tête des sondages d’opinion nationaux.
Toutefois, les limites de cette tendance sont déjà visibles. Des sondages récents montrent également qu’une majorité de la population israélienne souhaite une élection anticipée et la coalition de Nétanyahou serait incapable de former un gouvernement lors d’élections hypothétiques, l’un des deux partenaires de la coalition d’extrême droite risquant de perdre tous ses sièges au parlement. Sur le champ de bataille, le Hezbollah reste un adversaire redoutable. Par rapport à sa guerre de 2006 contre Israël, l’organisation a considérablement renforcé ses capacités de combat, en grande partie grâce à des années d’expérience aux côtés des forces du régime réactionnaire d’Assad en Syrie. Le Hezbollah dispose d’un vaste arsenal de missiles et de roquettes guidés avec précision ; bien que certaines parties de cet arsenal aient été dégradées lors des récentes frappes aériennes israéliennes, il est toujours capable d’atteindre presque n’importe quelle cible en Israël – comme l’a récemment souligné une frappe de drone visant la luxueuse villa privée de Netanyahou dans la ville côtière de Césarée. En outre, le groupe peut compter sur des dizaines de milliers de combattants aguerris, endurcis par une guerre de longue haleine. Bien que les médias ne s’accordent pas sur le nombre exact de victimes militaires israéliennes au Liban, il est largement admis que les pertes de ces derniers jours ont été les plus lourdes jamais infligées par le Hezbollah, qui mène un combat acharné sur le terrain – tout en faisant pleuvoir des tirs de roquettes de l’autre côté de la frontière, dont certains ont fait des victimes civiles. L’idée initiale et déclarée de l’armée israélienne d’une « opération ciblée et limitée » au Liban pourrait facilement se transformer en son contraire.
Croire qu’Israël a ouvert ce nouveau front – aux dépens du peuple libanais – pour assurer une « sécurité » et une « paix » durables à sa propre population est une illusion cruelle qui s’effondrera bientôt sous le poids de la réalité. Sans parler du fardeau que la guerre et la spirale des dépenses militaires font peser sur l’économie israélienne, ce qui, comme l’a noté « The Hindu », « oblige à faire des choix difficiles entre les programmes sociaux et l’armée ». Cela exacerbera les tensions sociales et approfondira les contradictions au sein de la société israélienne.
L’armée israélienne bombarde l’Iran
Tragiquement, le potentiel destructeur de ce conflit pourrait encore se déployer, car la dynamique engagée risque de l’entraîner dans quelque chose de bien plus grave. Ce que le régime israélien cherchait à obtenir, sans y parvenir, par le biais des accords d’Abraham – à savoir un changement à long terme de l’équilibre régional des forces en sa faveur vis-à-vis de l’Iran et des groupes soutenus par l’Iran, ainsi que la mise à l’écart de la question palestinienne et la normalisation et le renforcement de son régime d’occupation – il tente à présent de l’obtenir par une campagne de mort et de destruction. Cette logique conduit le gouvernement de Nétanyahou sur la voie d’une confrontation avec Téhéran.
Alors que le gouvernement génocidaire de Tel-Aviv multiplie les provocations – il a bombardé, le Yémen, la Syrie, le Liban et Gaza en l’espace de 24 heures en septembre – le régime iranien cherche à maintenir une stratégie d’escalade « contrôlée » et « calculée », marchant sur un fil entre le fait de se poser comme une ligne de front clé dans « l’axe de la résistance » contre le régime israélien tout en évitant consciemment des actions qui pourraient déclencher une guerre à grande échelle. Cette prudence ne découle pas d’une position de force, mais de la crainte des retombées politiques, sociales, économiques et militaires qu’un tel scénario entraînerait, d’autant plus que le pays a été confronté à des éruptions périodiques de mécontentement interne massif au cours des dernières années. Pourtant, le lancement par l’Iran de 200 missiles balistiques en direction d’Israël à la suite de l’assassinat de Nasrallah, qui a tué un civil (un Palestinien dans la ville de Jéricho, en Cisjordanie), a été immédiatement exploité par les responsables israéliens comme prétexte pour menacer de représailles punitives. Dans la foulée, le Pentagone a envoyé en Israël son système de défense antimissile le plus avancé, accompagné d’une centaine de personnes chargées de le faire fonctionner. Il s’agissait du premier déploiement officiel de troupes américaines sur le terrain depuis le début du génocide à Gaza, et d’un « exemple opérationnel du soutien sans faille des États-Unis à la défense d’Israël », selon le secrétaire américain à la défense, Lloyd J. Austin.
Présentée comme une mesure défensive, l’attaque israélienne, orchestrée en tandem avec Washington, est intervenue le 26 octobre et a pratiquement représenté une offensive. Elle visait les sites de fabrication de missiles et de drones iraniens, ainsi que les défenses aériennes. Bien que les installations nucléaires et pétrolières – cibles auxquelles l’administration Biden s’est publiquement opposée – ont été épargnées, il n’est pas certain que d’autres frappes suivront. Même isolée, cette première attaque militaire israélienne ouvertement reconnue contre l’Iran comporte le risque de déclencher une réaction en chaîne plus large.
La danse hypocrite de l’impérialisme
Les timides tentatives de la Maison Blanche de mettre le pied à l’étrier pour éviter un conflit total avec l’Iran en plaidant pour des frappes aériennes relativement “limitées”, combinées à son insistance renouvelée sur la nécessité d’un cessez-le-feu à la suite de l’assassinat de Yahya Sinwar, dissimulent mal le rôle instrumental que l’impérialisme américain a joué tout au long de l’année écoulée dans la préparation de cette situation explosive et dans la facilitation matérielle, politique et diplomatique du génocide à Gaza. De nouvelles données de l’agence de surveillance d’Al Jazeera, Sanad, révèlent l’ampleur stupéfiante de l’implication américaine et britannique dans les opérations militaires d’Israël entre octobre 2023 et octobre 2024. Ces données font état de pas moins de 6.000 vols militaires au-dessus de la région, soit une moyenne de 16 par jour, dont 1 200 vols de fret livrant des armes à Israël, ainsi que des missions de reconnaissance, du ravitaillement en vol et d’autres formes de soutien.
Néanmoins, les prétendues « contraintes » de l’administration Biden concernant l’attaque d’Israël contre l’Iran, sa capitalisation sur la mort de Sinwar pour plaider à nouveau en faveur d’un cessez-le-feu – bien que le Premier ministre israélien ait ostensiblement fait savoir qu’il ne voyait pas les choses de cette manière – ainsi que ses menaces – largement inconséquentes – de geler l’aide militaire si le régime israélien ne levait pas les restrictions sur l’aide humanitaire à Gaza dans les 30 jours, trahissent toutes de réelles inquiétudes dans les cercles dirigeants américains. Ces efforts timides pour freiner les manœuvres de guerre les plus extrêmes de Nétanyahou ne sont pas motivés par des considérations morales, mais par l’indignation publique massive et la réaction brutale contre les actions du régime israélien, par des calculs électoraux cyniques (un récent sondage a montré que les Américains d’origine arabe préfèrent légèrement Trump à Harris) et par le spectre d’une déstabilisation beaucoup plus importante de la région. Washington hésite certainement à s’engager dans une guerre à grande échelle avec l’Iran, sachant que cela pourrait exacerber le sentiment anti-américain et causer des ravages sur les marchés pétroliers et l’économie mondiale dans son ensemble. Préoccupé par l’intensification de sa rivalité stratégique avec la Chine, l’establishment politique américain – démocrates et républicains confondus – préférerait réduire son empreinte au Moyen-Orient plutôt que de l’aggraver. Toutefois, paradoxalement, si un tel conflit devait éclater, l’impérialisme américain passerait probablement en mode réactif, contraint de renforcer son soutien au régime israélien de peur que toute manifestation de faiblesse n’enhardisse ses rivaux régionaux et mondiaux. Dans le contexte de la « nouvelle guerre froide » (c’est-à-dire la bataille pour l’hégémonie mondiale entre les deux principales superpuissances que sont les États-Unis et la Chine), le président qui occupera la Maison Blanche favorisera objectivement l’affaiblissement de l’Iran et des puissances impérialistes qui lui sont associées, à savoir la Chine et la Russie.
Quoi qu’il en soit, les gestes actuels de l’administration américaine ne signalent aucun changement significatif dans la politique des États-Unis. Le soutien de Washington à Israël reste profondément ancré dans des impératifs géostratégiques, qui ne peuvent être modifiés par la seule rhétorique. Seuls des mouvements d’envergure venant d’en bas, y compris des développements majeurs de la lutte des classes, pourraient exercer la pression de masse nécessaire pour perturber cette alliance bien ancrée.
Dans l’état actuel des choses, alors que Biden peut occasionnellement déclarer qu’il y a trop de victimes civiles, il continue d’armer Israël jusqu’aux dents. De même, le Premier ministre britannique Keir Starmer affirme que “le monde ne tolérera plus d’excuses de la part d’Israël » – ce même Starmer qui a déjà justifié le droit d’Israël à couper l’eau et l’électricité à Gaza. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau fustige le régime indien de Narendra Modi pour ses exécutions extrajudiciaires en territoire étranger, mais garde un silence complice lorsqu’Israël commet des actes similaires à Gaza, au Liban ou en Iran. Modi, quant à lui, parle de « diplomatie de la paix » tout en soutenant le gouvernement de Nétanyahou par le biais de contrats d’armement impliquant des entreprises indiennes, en facilitant l’envoi de travailleurs indiens en Israël et en s’abstenant sur les résolutions de l’ONU appelant à un cessez-le-feu ou condamnant l’occupation et les crimes de guerre d’Israël. Le président turc Erdoğan a beau s’insurger contre les bombardements d’Israël, il ordonne la même semaine plus de 40 frappes aériennes sur le nord et l’est de la Syrie, tuant des dizaines de civils. Quant à Macron, un ancien fonctionnaire français cité par Politico décrit son approche hésitante : « Lorsqu’il parle aux pays émergents, il est pro-palestinien ; et lorsqu’il parle à Netanyahou, il ne pense qu’à la sécurité d’Israël. » Son récent revirement vers une rhétorique plus ferme à l’encontre de certaines politiques de Nétanyahou semble coïncider avec l’invasion israélienne du Liban, un pays que l’impérialisme français continue de considérer comme faisant partie de son arrière-cour.
Cette hypocrisie éhontée met à nu la faillite morale des dirigeants capitalistes mondiaux de tous bords. Leur indignation sélective révèle que les condamnations de la violence ne sont rien d’autre que des outils de commodité pendant que le massacre se poursuit. La fin de ce massacre ne viendra pas des hautes sphères du pouvoir, mais d’une résistance généralisée et organisée à l’échelle internationale, forçant une rupture dans le système qui permet et facilite ces crimes.
Arrêter le génocide, arrêter la machine de mort de l’État israélien – Combattre l’ensemble du système par une action de masse
Le peuple palestinien, ainsi que tous les travailleurs et opprimés vivant au Liban et dans la région, ont besoin de notre solidarité inébranlable. Nous devons appeler à l’arrêt immédiat du déchaînement sanglant du régime israélien dans la région et au retrait total de ses forces d’occupation du Liban, de Gaza et de la Cisjordanie occupée. Les États-Unis et la plupart des dirigeants occidentaux plaident en faveur d’un cessez-le-feu centré sur la libération des otages israéliens toujours détenus à Gaza. Pourtant, non seulement ils restent indifférents au sort des milliers de prisonniers palestiniens qui croupissent dans les prisons israéliennes, mais ils ont également apporté leur soutien au cabinet de guerre de Nétanyahou, qui a méthodiquement saboté toutes les possibilités de cessez-le-feu, tout en exploitant sans ménagement le sort des otages pour accélérer son agenda sanglant. Le chahut récent de Nétanyahou par les familles endeuillées des otages lors de son discours au cours d’un rassemblement de commémoration des victimes du 7 octobre à Jérusalem est un signe certain de l’indignation croissante de l’opinion publique face à ces manœuvres cyniques.
Il est évident qu’aucun cessez-le-feu véritable et durable ne peut avoir lieu dans des conditions de siège et d’occupation militaire. En l’état actuel des choses, nous défendons le droit inaliénable des masses au Liban et dans les territoires palestiniens occupés de résister à l’agression militaire permanente d’Israël, y compris par les armes. Une résistance armée reposant sur des bases de masse et liée au contrôle démocratique de la population, cherchant à unir les travailleurs et les opprimés à travers les diverses confessions et communautés nationales, et intégrant les revendications de libération nationale avec les revendications de transformation économique et sociale radicale, serait le meilleur moyen d’y parvenir.
La résistance contre ce génocide doit s’attaquer à ses racines fondamentales. Cela signifie mener une lutte politique sans compromis non seulement contre le colonialisme et le racisme de l’État israélien, mais aussi contre le système capitaliste et impérialiste qui les soutient. Cette lutte doit aller de pair avec la construction d’organisations socialistes indépendantes capables d’organiser la classe ouvrière et tous les opprimés autour d’un tel programme. Elle doit s’éloigner des capitulations des partis pro-capitalistes corrompus comme le Fatah, mais aussi des forces islamistes de droite comme le Hamas et le Hezbollah. Même si, dans les conditions actuelles, ces forces bénéficient d’un soutien important, les socialistes révolutionnaires doivent s’attaquer aux causes profondes de l’oppression nationale sans succomber à des méthodes politiques réactionnaires qui, en fin de compte, servent à consolider les relations de pouvoir existantes. Il ne peut y avoir de libération pour certains sans libération pour tous : pour réussir, la lutte doit être anti-sectaire, internationaliste, féministe, anti-impérialiste, anticapitaliste et donner la priorité à la participation démocratique de masse – autant de qualités dont ces organisations sont malheureusement dépourvues. De plus, leurs attaques aveugles contre les civils israéliens et leur collaboration avec le régime despotique iranien – celui-là même qui a brutalement écrasé le mouvement « Femme, Vie, Liberté » – contribuent à renforcer la propagande sanguinaire de Nétanyahou et de la bande de bouchers qui font pleuvoir la terreur sur Gaza et le Liban.
Notre lutte doit viser non seulement l’assaut militaire de l’État israélien, mais aussi tous ceux qui le soutiennent, toutes les puissances impérialistes dont les intérêts particuliers font partie intégrante du bain de sang qui engloutit actuellement le Moyen-Orient, et tous les régimes autoritaires et oppressifs de la région – y compris l’Iran et la Turquie – qui se soucient davantage de leur propre richesse et de leur survie politique que du sort des masses palestiniennes.
Ensemble, la complicité effective des régimes arabes dans l’autorisation des actions barbares d’Israël à Gaza et leur perpétuation de la violence d’État et de la misère chez eux, pourraient alimenter un mélange puissant susceptible de déclencher de nouveaux soulèvements dans toute la région. En octobre, le régime égyptien d’al-Sissi a augmenté les prix des carburants pour la troisième fois cette année dans le cadre de « réformes structurelles » plus larges imposées à la demande du FMI –après avoir réduit les subventions pour le pain en juin. Ces politiques ne font qu’accentuer la colère d’une population qui souffre déjà de graves difficultés économiques, tout en voyant leur gouvernement agir comme un facilitateur de facto de l’étranglement du peuple palestinien. « Le deuxième printemps arabe se prépare, sans aucun doute, mais tous les moteurs sont toujours là : la pauvreté, la corruption, le chômage, le blocage politique et la tyrannie », a déclaré Oraib Al Rantawi, directeur du Centre d’études politiques d’Al-Qods, basé à Amman. Bien que les rues du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord semblent actuellement dominées par des sentiments de démoralisation et d’impuissance, les événements horribles qui se déroulent à Gaza et au Liban continuent d’agir comme un catalyseur pour une accumulation moléculaire mais constante de rage de masse et de radicalisation – qui pourrait éclater de la manière la plus explosive et, si elle est organisée efficacement, devenir un puissant levier pour arrêter la spirale de la machine de mort du régime israélien et de ses soutiens impérialistes.
Pendant ce temps, à travers le monde, bien qu’avec des fluctuations et des degrés d’intensité variables, des millions de personnes se sont levées par défi, en manifestant, en boycottant, en faisant grève, en occupant. Des actions menées par des étudiants et des travailleurs universitaires – parfois soutenus par des syndicats, y compris par des grèves comme celle des United Automobile Workers (UAW) aux États-Unis – ont appelé les universités à rompre tous leurs liens avec l’État d’Israël. Ces actions ont permis de démasquer les mensonges de la classe dirigeante – qui a généralement répondu par une violente répression policière contre les campements – et de populariser la question du contrôle démocratique par les étudiants et les travailleurs de la gestion et de l’utilisation des fonds de leurs universités.
Rien qu’à Londres, 300.000 personnes ont envahi les rues à la suite de l’invasion du Liban. Fin septembre, une grève générale de 24 heures « contre le génocide et l’occupation en Palestine » a été organisée dans l’État espagnol à l’appel de plus de 200 syndicats et ONG, accompagnée de manifestations de masse dans tout le pays. C’est la voie à suivre : pour obtenir les résultats les plus tangibles, nous devons frapper au cœur des profiteurs de guerre et des États impérialistes, en ciblant leurs fonctions et leurs profits, et donner un nouveau souffle à l’appel initial des syndicats palestiniens au mouvement ouvrier mondial, appelant à la solidarité contre le génocide à Gaza – et maintenant l’assaut sur le Liban et la poursuite de l’escalade de la guerre dans la région.
Les dockers grecs ont récemment bloqué les livraisons d’armes à Israël, les travailleurs de Google et de Microsoft se sont révoltés contre le partenariat de leur entreprise avec le gouvernement et l’armée israéliens, les travailleurs des hôpitaux parisiens ont manifesté en solidarité avec leurs homologues soumis à un blocus à Gaza, et la campagne « Arrêtez d’armer Israël » s’est poursuivie, aux militants français de « Stop Arming Israel » qui ont distribué des tracts dans plusieurs usines d’armement françaises qui soutiennent le génocide israélien afin de nouer des liens avec les travailleurs de l’industrie, aux appels publics des syndicats français CGT STMicroelectronics et CGT Thales pour que leurs entreprises respectives cessent de faire des affaires avec Israël… ces innombrables actes de solidarité de la classe ouvrière doivent être amplifiés partout où cela est possible, en particulier dans les secteurs stratégiques qui sont au cœur du fonctionnement de la machine de guerre israélienne. Aussi stimulantes que soient ces actions, les syndicats et les organisations de travailleurs du monde entier pourraient et devraient faire beaucoup plus pour mobiliser activement leurs membres, dénoncer la complicité de leurs gouvernements dans les atrocités en cours et libérer toute la puissance de la classe ouvrière par une action de masse audacieuse et coordonnée.
Cette lutte doit également s’étendre aux travailleurs et aux jeunes de l’État d’Israël, en les exhortant à utiliser leur pouvoir et à tirer parti de leur travail pour bloquer la machine de guerre et affronter ce qui est objectivement – même si ce n’est pas encore consciemment reconnu – un ennemi commun. Nous saluons et sommes pleinement solidaires de tous ceux qui, à l’intérieur de la ligne verte, prennent des mesures audacieuses pour s’opposer au régime de Nétanyahou et à l’ensemble des forces politiques qui soutiennent cette guerre d’extermination contre les Palestiniens.
Incontestablement, des contradictions majeures compliquent ce processus. Par exemple, la courte grève générale du 2 septembre s’est produite non pas à cause mais en dépit de la direction de la Histadrout, dont le président nationaliste de droite Bar-David, en décembre 2023, a signé de manière dégoûtante un obus destiné à être utilisé pour bombarder la bande de Gaza, avec l’inscription suivante : “Le peuple d’Israël vit. Salutations de la Histadrout et des travailleurs d’Israël”. La grève a également été soutenue par une partie de la classe capitaliste israélienne, pour ses propres intérêts. Quant au mouvement « Deal now », il a reflété une conscience profondément conflictuelle et contradictoire, et son soutien a été considérablement affaibli par l’attaque contre le Liban. Malgré ces difficultés, la grève et les manifestations « Deal now » ont laissé entrevoir le rôle que les travailleurs israéliens pourraient jouer à l’intérieur de la ligne verte pour soutenir la lutte contre le génocide à Gaza, la guerre au Liban, la violence des colons et des militaires en Cisjordanie occupée, ainsi que la politique du régime israélien en général. Les socialistes révolutionnaires ont pour tâche essentielle d’encourager activement ce processus et de démasquer la rhétorique trompeuse de la sécurité et de l’autodéfense que la classe dirigeante israélienne exploite pour déguiser un agenda qui ne conduit qu’à plus d’insécurité, d’austérité et d’effusion de sang pour toutes les parties impliquées.
En fin de compte, la lutte pour la libération de la Palestine est inséparable de la lutte globale contre le capitalisme, un système axé sur le profit privé qui engendre des guerres, la dévastation de l’environnement et d’obscures inégalités. Dans ce système, les technologies les plus avancées de l’humanité sont exploitées non pas pour améliorer la vie mais pour l’anéantir à une échelle génocidaire, tandis que les appareils les plus perfectionnés permettent de diffuser en direct les actes de violence les plus primitifs et les plus déshumanisants à des millions de personnes. L’urgence d’une transformation révolutionnaire n’a jamais été aussi claire. Il est essentiel de renverser ce système destructeur pour récupérer les immenses richesses et ressources de la société, y compris celles qui sont actuellement canalisées vers le massacre de masse et la ruine de Gaza. Ce n’est que par le biais d’un programme socialiste visant la propriété et le contrôle collectifs des moyens de production et défendant les droits de toutes les communautés nationales et religieuses à la pleine égalité et à l’autodétermination que nous pourrons jeter les bases d’un avenir où la paix, la sécurité et la prospérité seront garanties à tous les peuples.
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La plus grande manifestation jamais organisée à Bruxelles contre le génocide et l’escalade meurtrière régionale
Quelle manifestation ce dimanche ! Nous n’utilisons pas souvent le terme « historique », mais il est certainement approprié ici. Non, la colère suscitée par le génocide à Gaza et l’escalade régionale de la violence par Netanyahou et son régime d’extrême droite n’est pas retombée. Au contraire, le flot quotidien de rapports d’horreur en provenance du Moyen-Orient ne fait que l’accentuer. La manifestation phénoménale de dimanche dernier était extrêmement diversifiée. Des personnes de tous âges et de toutes origines ont manifesté dans une foule qui n’en finissait pas. Le message était solidaire et uni : cela doit cesser, nous exigeons un cessez-le-feu et la fin du génocide, nous exprimons notre solidarité avec les victimes de Gaza et du Liban, nous sommes tous des enfants palestiniens.
Ce n’était pas la première grande manifestation nationale, mais c’était la plus importante jusqu’à présent. La police a parlé de 32.000 participant.e.s, un chiffre largement sous-estimé, comme toujours. Il y avait au moins 50.000, voire 70.000 manifestant.e.s, comme l’affirment les associations organisatrices. Avec des manifestations d’une telle ampleur, il est difficile de faire une estimation exacte. Dans l’ensemble, il s’agissait probablement de la plus grande manifestation depuis la plus grande manifestation pour le climat de 2019. Les médias établis s’en sont tenus à des comptes rendus succincts. Dans le quotidien flamand De Standaard, par exemple, il faut déjà faire défiler la page 13 pour obtenir un reportage avec deux photos. Pourquoi ce mouvement de masse qui bénéficie d’un large soutien populaire est-il ignoré à ce point dans la pratique ?
Parmi les manifestant.e.s, il y avait des jeunes et des moins jeunes. Des étudiant.e.s qui ont occupé des campus, des syndicalistes et des travailleur.euse.s s’organisant spécifiquement autour de la Palestine, des activistes politiques, des membres d’organisations comme Amnesty International et, surtout, des dizaines de milliers de personnes qui n’ont pas défilé dans un bloc spécifique, parfois parce qu’elles ne l’ont tout simplement pas trouvé dans le flux de personnes et souvent parce que, dans l’immense manifestation, les gens marchaient pour la plupart ensemble. Des personnes d’horizons divers manifestaient en solidarité et savaient que leur voix est plus forte parce qu’elles sont nombreuses. Cette solidarité était réconfortante à un moment où les nouvelles quotidiennes du Moyen-Orient pèsent sur les esprits.
Le PSL était bien entendu présent à la manifestation. Nous avions un stand au point de départ sur Bruxelles Nord et au point d’arrivée sur la place Jean Rey, qui était manifestement bien trop petite pour une manifestation de cette taille. Nous avons marché avec des banderoles ou avec des collègues et des amis. Nous avons également distribué un tract dont le texte est disponible ici.
Reportage photos de Pol :




























Reportage photos de Liesbeth:





















Reportage photos de Jean-Marie:










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Bloquons le génocide : pour un boycott organisépar la classe travailleuse!
UN AN DE GÉNOCIDE, DES DÉCENNIES D’OCCUPATION COLONIALE
Depuis un an, l’Etat israélien déchaîne sa machine de mort contre les Palestinien.ne.s : au moins 45.000 personnes ont directement perdu la vie sous les bombes tandis que plus de 180.000 personnes sont décédées de famine ou des suites de la destruction des infrastructures de santé. Le génocide est l’aboutissement d’un ordre colonial bâti sur des décennies d’occupation, de dépossession et de déshumanisation des Palestinien.ne.s.
Tract distribué lors de la manifestation nationale du 20 octobre
Les impérialismes occidentaux complices
L’opération de terrorisme d’Etat de masse mené au Liban a confirmé le même esprit génocidaire et illustre que nous ne pouvons pas nous fier sur les institutions officielles. Cet ordre colonial n’existerait pas sans le soutien des puissances impérialistes occidentales.
L’Etat israélien garantit aux puissances et multinationales occidentales un accès aux routes commerciales ainsi qu’aux réserves de gaz et de pétrole de la région. Les intérêts économiques et stratégiques du capitalisme, reposant sur l’exploitation pour le profit, ont continuellement poussé à armer matériellement et idéologiquement l’État israélien jusqu’au génocide.
Lutter pour la Palestine implique de combattre nos propres gouvernements
Nous sommes des millions à travers le monde à avoir manifesté et boycotté, à être entrés en grève ou à avoir lancé des occupations de campus. A Londres, 300.000 personnes ont occupé les rues après l’invasion du Liban. En construisant un rapport de force, des victoires sont possibles. A Liège, l’occupation a obtenu la suspension de certains contrats liant l’université à des entreprises ayant fourni Tsahal, comme OIP Sensor System ou Léonardo.
Pour poursuivre sur cette voie, il faut viser les profiteurs de guerre et les Etats impérialistes là où ça leur fait mal: au profit. Dans l’Etat espagnol, il y a trois semaines, une grève générale de 24h “contre le génocide et l’occupation en Palestine” a été proclamée à l’appel de plus de 200 syndicats et ONG. Cette grève a été accompagnée de manifestations de masse dans les grandes villes, avec les organisations étudiantes à leur tête.
En Belgique, un boycott ouvrier du transit d’armes vers Israël – comme le demandent les syndicats palestiniens – pourrait tout à fait se faire grâce à l’action des syndicats. Ce type de campagne doit être discuté et pris en main de toute urgence par les délégations syndicales : par le biais de motions de solidarité, d’actions aux portes de l’entreprise, d’une présence syndicale visible aux actions pro-palestiniennes,… pour lancer une dynamique vers le blocage effectif de la manutention d’armes vers Israël.
Ce sera d’autant plus important que le nouveau gouvernement wallon MR – Engagés va très certainement revenir sur des avancées obtenues par le mouvement, notamment l’arrêté de la région wallonne interdisant tout transit d’armes vers Israël.
La libération de la Palestine
Alors que Georges-Louis Bouchez (MR) ose qualifier l’opération terroriste israélienne au Liban de “coup de génie”, chaque acte de résistance du peuple palestinien ou libanais est qualifié de terrorisme. Nous soutenons la population de l’État libanais, tout comme les Palestinien.ne.s, dans leur lutte pour leur libération nationale et sociale ainsi que dans leur droit de résister à l’agression du régime israélien, y compris par les armes.
Mais la lutte militaire sera insuffisante à elle seule. Le mouvement le plus puissant contre le génocide et la transformation de toute la région en un enfer, c’est un mouvement qui organiserait les masses de la région autour de la lutte contre l’agression israélienne mais aussi du rejet de la passivité complice des régimes de la région, de la misère, de l’exploitation capitaliste et du pillage impérialiste. Une telle unité dans la résistance nationale et sociale serait la meilleure façon de repousser chaque tentative, de Netanyahu et de l’impérialisme, de diviser les peuples de la région sur base confessionnelle ou régionale sectaire. La résistance armée organisée sous contrôle démocratique et fondée sur l’unité des travailleur.euse.s et des pauvres de différentes communautés religieuses et nationales serait la meilleure manière d’y parvenir.
Que tout le système dégage !
La classe dirigeante israélienne n’a rien d’autre à offrir qu’une fuite en avant génocidaire pour tenter de stabiliser son règne colonial de corruption, d’inégalités, d’insécurité, d’autoritarisme et de précarisation d’existence. Une lutte révolutionnaire pour renverser le système capitaliste, grâce à la prise de contrôle des vastes richesses et ressources de la région par les masses, pourrait atteindre la classe travailleuse en Israël et la stimuler à rejoindre le combat contre un ennemi commun.
La lutte de masse de la classe travailleuse et des pauvres doit redessiner toute la région en respectant le droit à l’autodétermination des peuples et les intérêts de chaque communauté (arabes, amazighs, kurdes, juifs,…). Un système fondé sur le pouvoir des masses serait synonyme de liberté et de justice pour tou.te.s. Cela pourrait permettre aux Palestinien.ne.s et aux Juif.ve.s israélien.ne.s d’exercer leur droit démocratique à l’autodétermination et à toutes les minorités nationales et religieuses de bénéficier d’une égalité totale – ce qui est impensable tant que l’État sioniste, fondé sur la suprématie raciste et l’occupation, restera debout.
Cette lutte pour une transformation socialiste révolutionnaire de toute la région doit commencer aujourd’hui.