Your cart is currently empty!
Category: Asie
-
Violence sectaire au Pakistan. Parachinar saigne à nouveau
Violence sectaire, accusations de blasphème contre des minorités comme les Ahmedi, les chrétien.ne.s ou les chiites, meurtres collectifs, meurtres de chiites, génocide chiite : Une fois de plus, des échos effroyables nous parviennent de Parachinar, dans le nord-ouest du Pakistan.
Article d’Andleeb Haider, militante d’origine pakistanaise
Le district de Kurram est une région de la province de Khyber-Pakhtunkhwa (KPK), dans le nord-ouest du Pakistan. Ce district est divisé en trois parties : le Haut-Kurram, le Kurram-Centre et le Bas-Kurram. Sur la carte, Parachinar, la ville centrale du Haut-Kurram, apparaît comme une enclave afghane. Une seule route relie Parachinar au reste du Pakistan. Cette route est appelée « Thall Parachinar » parce que la ville est située sur une montagne et qu’il n’y a pas d’autres routes qui descendent.
Parachinar a joué un rôle important dans l’affrontement entre l’URSS et les États-Unis au cours de la guerre soviéto-afghane. Située à 90 km de Kaboul, cette ville frontalière pakistanaise a servi de rampe de lancement aux djihadistes venus du reste du pays et du monde entier pour combattre les Russes. En représailles, les troupes soviétiques et leurs alliés afghans ont bombardé à plusieurs reprises le district de Kurram et Parachinar. La population chiite locale n’était ni pro-soviétique ni pro-djihadiste, mais elle a payé un lourd tribut à la guerre. Elle l’a fait non pas une fois, mais plusieurs fois.
Dans les années 1980, la population chiite locale, en particulier la tribu Turi, a résisté aux djihadistes pour mettre fin aux représailles contre Parachinar. Cependant, le passage était stratégiquement très important. Le dictateur de droite Zia-ul-Haq a tenté de faire de Kurram une base permanente pour les djihadistes, malgré la résistance de la population locale. La situation dans cette région frontalière a toujours été tendue, la paix et la prospérité n’ayant jamais été la priorité du gouvernement et des élites pakistanaises.
Après les attaques américaines suivant le 11 septembre 2001, les djihadistes ont recommencé à se rassembler à Kurram pour franchir la frontière afghane et combattre les États-Unis. Les tribus chiites, quant à elles, ont choisi de soutenir les Hazaras vivant en Afghanistan. Une fois de plus, des talibans pakistanais et afghans appartenant aux deux camps ont mené des attaques contre Parachinar et d’autres zones où les chiites sont majoritaires. Depuis 2007, la route d’accès centrale est bloquée suite aux attaques du Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP). L’approvisionnement n’est donc possible que par le biais de convois armés.
En même temps, la population de Kurram est également en proie à des dissensions. Selon les données officielles, celle-ci se compose de 43 % de chiites et de 57 % de sunnites, mais les chiites possèdent davantage de terres. Lors de conflits, des tribus sunnites se sont emparées de terres. Cela s’accompagne souvent de disputes et d’affrontements. En 2023, des affrontements dans le village de Bushehra ont fait 7 morts et 37 blessés. Un an plus tard, de nouvelles violences sectaires ont fait 49 morts et 200 blessés. La terre est très riche et fertile pour toutes sortes de cultures et, selon des sources locales, les montagnes de la partie supérieure du district de Kurram et des environs de Parachinar regorgent de minéraux.
Le 24 novembre 2024, un convoi d’environ 200 véhicules s’est rendu de Peshawar à Parachinar sous la supervision de l’armée. Dans le Bas-Kurram, il a été attaqué. Cette attaque a fait 49 morts, dont un bébé de six mois. D’autres incidents ont également eu lieu. La route a été complètement fermée. Il n’y a plus de nourriture, de médicaments et de carburant. Des dizaines d’enfants sont morts faute de médicaments.
Le gouvernement fédéral dirigé par le PML-N et le gouvernement provincial dirigé par le PTI se renvoient mutuellement la responsabilité. Ils s’accusent mutuellement et n’hésitent pas à mentir. Après de nombreux travaux, une réunion des autorités a finalement eu lieu le 23 décembre pour discuter de la situation à Kurram. Le Premier ministre de la province de KPK a annoncé que tous les habitants du district seraient désarmés. Toutefois, les tribus chiites, qui sont invariablement la cible de tirs de part et d’autre de la frontière, sont très inquiètes.
Les habitants de Paranichar protestent et s’opposent au désarmement et aux massacres brutaux. Des manifestations sont organisées pour défendre la paix et la stabilité, l’éducation et les soins de santé pour les enfants, l’ouverture du Thall Parachinar et la sécurisation de cette route afin que les gens puissent voyager sans crainte. Les litiges fonciers doivent être portés devant les autorités et agences compétentes.
La violence sectaire et le conflit en cours montrent comment l’impérialisme et les puissances régionales, avec leurs conflits et leurs guerres, ne causent pas seulement la mort et la destruction dans les régions qu’ils ont ciblées, mais perturbent également des équilibres locaux vieux de plusieurs décennies entre les populations. L’absence de moyens pour l’éducation, la santé et l’avenir des populations alimente la spirale de violence meurtrière et de barbarie croissante. Le sort terrible des habitants de Parachinar est à peine évoqué dans les médias du monde entier. Nous devons agir pour que cela change.
-
[DOSSIER] Les tâches inachevées de la révolte du Bangladesh
La lave de l’éruption populaire qui a renversé l’autocrate Sheikh Hasina au Bangladesh le 5 août est encore brûlante. Point d’orgue d’une révolte héroïque et intrépide menée par des étudiant.e.s, le départ d’Hasina a libéré les énergies révolutionnaires et suscité d’immenses aspirations au changement. Mais diverses forces conspirent pour les étouffer et les contenir au sein du système qui a nourri Hasina et le régime détesté de la Ligue Awami (littéralement la «ligue du Peuple du Bangladesh»).
Par Serge Jordan (Inde)
De nombreux commentateur.trice.s se sont empressé.e.s de raconter que le régime d’Hasina était devenu profondément antidémocratique, mais qu’il avait toutefois supervisé une grande réussite économique. Comme si la révolte de masse qui venait de se produire n’était pas née du chômage endémique et de la corruption extrême ! Comme si la police n’avait pas, il y a de cela moins d’un an, tiré et arrêté en masse des ouvrier.e.s du textile qui protestaient contre leurs salaires de misère ! Comme si près de 30 % de la population ne souffrait pas d’une grave insécurité alimentaire !
Le nouveau gouvernement provisoire de 17 membres, dirigé par l’ancien prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, a été constitué à la demande des dirigeant.e.s des « Étudiant.e.s contre la discrimination », la plateforme qui a mené les manifestations étudiantes.
L’empressement de l’armée et de la bureaucratie à accepter comme nouvelle figure de proue du pays une personne choisie par les représentant.e.s du soulèvement, reflète l’énorme impact sociétal et la pression exercée par ce mouvement. Les dirigeant.e.s militaires ont jugé trop risqué de s’emparer directement du pouvoir. Les masses n’étaient pas disposées à laisser leur lutte être détournée par une prise de pouvoir militaire – un sentiment façonné par l’histoire du Bangladesh, faite de régime militaire et de coups d’Etat – et les généraux ont compris qu’une telle décision aurait facilement pu raviver les flammes du mouvement de masse.
D’un autre côté, cette concession découle également du fait qu’en tant que multimillionnaire néolibéral proche du FMI, Yunus est une valeur sûre pour le capitalisme, avec l’avantage supplémentaire qu’il attire la sympathie de la jeunesse protestataire en raison de sa victimisation par le régime d’Hasina. Il se présente comme étant au-dessus de la mêlée de la « politique partisane ». Cette position correspond à la méfiance généralisée à l’égard de tous les partis politiques établis, y compris les principaux groupes d’opposition, le BNP (Parti nationaliste du Bangladesh) de droite et le Jamaat-e-Islami.
Les dirigeant.e.s étudiant.e.s ont opté pour une stratégie d’engagement positif avec la nouvelle administration intérimaire. Cependant, bien qu’il émette quelques critiques du régime autoritaire précédent, ce gouvernement a été orchestré sous supervision militaire et ne montre aucune propension à défier les intérêts des grandes entreprises de quelque manière que ce soit. Il n’a aucun lien organique avec les forces sociales qui se sont battues et ont versé leur sang pour renverser l’ancien régime.
Dans ces conditions, la nomination de deux jeunes universitaires comme ministres n’est qu’un geste symbolique, car ils seront réduits au rang de pions dans une équipe dirigeante déterminée à dompter le mouvement de masse et à maintenir l’état actuel capitaliste sous prétexte de restaurer la « confiance des investisseurs ».
Arracher les anciennes structures jusqu’à la racine
Bien qu’une attitude attentiste prévale à l’égard de Yunus, avec l’espoir qu’il tienne ses promesses, les mobilisations n’ont pas faibli, bien qu’elles soient actuellement moins intenses. Les étudiant.e.s et les travailleur.euse.s restent déterminé.e.s à démanteler les vestiges de l’ancien régime. En plus d’exiger que les assassins des manifestant.e.s soient jugés, des rassemblements ont exigé de purger les divers secteurs de l’appareil d’Etat, de l’administration publique et des institutions privées des fidèles de la Ligue Awami pour en expulser les personnes impliquées dans la répression sanglante du soulèvement et dans la corruption.
Après que la foule ait encerclé la Cour suprême, le pouvoir judiciaire a été débarrassé du président de la Cour suprême et de six juges de la Cour d’appel complices de l’ancien régime. Le gouverneur de la banque centrale du Bangladesh a démissionné quelques jours après que le siège de la banque ait été pris d’assaut par les masses et les employé.e.s de plusieurs banques privées ont exigé la révocation des directeurs liés au gouvernement de la Ligue Awami. Au moins 18 vice-chanceliers d’universités publiques ont été contraints de démissionner depuis l’éviction de l’ancienne Première ministre Sheikh Hasina, en raison des mobilisations étudiantes en cours. Le président de l’Office national des recettes, ainsi que le directeur général de la « Shilpakala Academy » (centre culturel national public du Bangladesh) ont également été contraints de démissionner. L’inspecteur général de la police a été démis de ses fonctions et des efforts ont été déployés pour redorer le blason des forces de police, puisque même des policier.e.s de rang inférieur ont manifesté pour demander que les hauts fonctionnaires qui avaient ordonné de tirer sur les manifestant.e.s soient traduit.e.s en justice.
Cette lutte permanente pour se débarrasser des complices de l’ancien régime et des fonctionnaires corrompus doit aller plus loin. Le problème ne peut être résolu en éliminant simplement quelques pommes pourries, aussi important que cela puisse être. Les structures profondément enracinées qui ont soutenu un système d’exploitation et d’oppression doivent être démolies et remplacées par des structures au service de la majorité. Des comités de travailleur.euse.s et d’étudiant.e.s démocratiquement élu.e.s, dont les représentant.e.s sont pleinement responsables et peuvent être révoqué.e.s par celle, ceux et celleux qui les ont élu.e.s, doivent être habilité.e.s à prendre la tête de cette transformation.
Ceci est également important pour éviter que de nouveaux fonctionnaires soient parachuté.e.s par le nouveau gouvernement non élu, plutôt que d’être issus d’un mandat populaire. Par exemple, le lundi 19, le gouvernement a nommé arbitrairement des administrateur.trice.s pour 61 conseils de district à travers le pays, puisque les président.e.s et maires initiaux.ales des conseils de district et des municipalités sont entré.e.s dans la clandestinité à la suite de la destitution de Hasina. Le mouvement devrait plutôt plaider pour que les habitant.e.s se rassemblent et élisent leurs propres conseils locaux, composés de représentant.e.s qui vivent, travaillent et luttent au sein de leurs communautés. Ces conseils pourraient servir de forums démocratiques ouverts où les habitant.e.s pourraient délibérer et choisir des représentant.e.s qui reflètent réellement leurs intérêts et leurs préoccupations.
Un vaste réseau de comités et de conseils, reliés à l’échelle nationale, pourrait constituer l’épine dorsale d’un gouvernement issu du milieu du soulèvement, en finissant par s’emparer du pouvoir politique pour le placer aux mains du peuple révolutionnaire afin de briser l’Etat capitaliste. Cela peut sembler une proposition intimidante, mais la multitude d’initiatives populaires entreprises dans le sillage du mouvement de masse – y compris le maintien de l’ordre dans la ville de Dhaka des jours durant en raison de l’absence de la police – démontre le potentiel indéniable de la jeunesse et des travailleur.euse.s du Bangladesh à gérer efficacement les affaires publiques.
La révolution est synonyme de rupture et non de continuité
Le moment est venu pour toutes les sections de la classe ouvrière et des opprimé.e.s d’affirmer leurs revendications et leurs aspirations.
Les femmes, qui ont été à l’avant-garde du mouvement et qui constituent également l’épine dorsale du secteur stratégique du textile au Bangladesh, ont leurs propres attentes spécifiques. Leurs voix, comme celles de toutes les sections opprimées de la société, seront essentielles pour définir l’orientation du mouvement.
Vendredi dernier, des milliers de personnes ont défilé sous la bannière « Awaaz Tolo Nari » (Élevez votre voix, femmes) à l’université de Dhaka, en solidarité avec les manifestations en cours à la suite du viol et du meurtre d’une femme médecin stagiaire à Kolkata, en Inde, et avec les victimes de viol dans le monde entier.
Les étudiant.e.s ont observé un programme « Occupy the Night » (Occupez la nuit) exigeant une enquête équitable et une justice pour chaque cas de viol au Bangladesh à la suite du soulèvement de masse. Cet acte inspirant de solidarité par-delà les frontières ne souligne pas seulement les luttes communes et les oppressions interconnectées auxquelles sont confrontés les peuples des deux pays ; il encourage également les femmes bangladaises à lutter pour la sécurité et l’égalité, et à affronter la violence de genre, le sexisme et le patriarcat à l’intérieur de leur propre pays.
Les masses insurgées, dans toutes leurs diversités, doivent façonner leur avenir par leur propre action collective ; elles doivent s’efforcer de construire une direction révolutionnaire de l’intérieur et ne pas placer leurs espoirs dans des politiciens non élus qui, bien qu’ils prétendent parler en leur nom, n’ont joué aucun rôle actif dans le soulèvement.
Yunus a beau parler d’une « deuxième révolution », cette rhétorique sonne creux lorsqu’on la rapproche de ses promesses de continuité dans l’industrie de textile. « Nous ne tolérerons aucune tentative visant à perturber la chaîne d’approvisionnement mondiale de l’habillement, dans laquelle nous sommes un acteur clé », a-t-il déclaré. Cela revient en fait à s’engager à maintenir le système même qui a soumis les travailleur.euse.s à une exploitation implacable, en veillant à ce que la souffrance de la main-d’œuvre ne soit pas remise en question et que les profits des marques multinationales ne soient pas affectés.
Cet engagement est en contradiction flagrante avec les besoins des travailleur.euse.s de l’habillement, qui exigent du gouvernement de transition le doublement du salaire minimum, des services de garde pour les enfants des travailleur.euse.s, l’extension du congé de maternité payé à six mois, des comités de plainte pour le harcèlement sexuel dans les usines, le droit d’organiser des syndicats et la justice pour les personnes tuées ou blessées au cours des manifestations.
Même si, sous la pression et par crainte d’une réaction générale, l’administration intérimaire peut prendre des mesures limitées pour créer l’illusion d’un changement, ce gouvernement se retrouvera inévitablement sur une trajectoire de collision avec la classe ouvrière. On ne peut pas à la fois satisfaire la soif de transformation des travailleur.euse.s et préserver les profits des propriétaires d’ateliers clandestins et des grandes entreprises.
De même, il est impossible de résoudre la myriade de problèmes sociaux du pays tout en adhérant aux diktats d’austérité du FMI – que Yunus n’a montré aucun signe de remise en question. Comme l’a noté Farid Erkizia Bakht, auteur et analyste politique bangladais, « la gestion économique, soumise aux restrictions strictes du FMI en matière d’austérité, l’enfermera ».
Les masses doivent tracer leur propre voie par la lutte, l’initiative révolutionnaire et l’organisation politique indépendante. Les événements récents ont montré que chaque concession ou recul de la classe dirigeante s’est produit lorsqu’elle a senti le souffle chaud de la révolution sur sa nuque.
Ce n’est pas la droiture du général Waker-Uz-Zaman qui a poussé Hasina hors du pouvoir, mais le défi des jeunes officier.e.s et soldat.e.s qui ont refusé d’être les exécutant.e.s de son régime en ruine. La dissolution du Parlement n’était pas un cadeau du président, mais le résultat direct de l’inondation des rues par la population qui l’exigeait.
Ce ne sont pas les appels à l’harmonie et à l’unité de Yunus qui ont permis d’endiguer les attaques sectaires entre communautés, mais les initiatives prises à la base par des étudiant.e.s et destravailleur.euse.s et personnes opprimées en Bangladesh, en formant des groupes de surveillance nocturne des quartiers pour protéger les minorités religieuses et en postant des volontaires devant les maisons, les magasins et les temples hindous.
Le gouvernement intérimaire, malgré ses promesses, ne peut et ne veut pas apporter les changements profonds nécessaires pour s’attaquer aux causes profondes du soulèvement. C’est le pouvoir collectif des masses, organisé dans des structures démocratiques et transparentes/où tout.e élu.e et membre peut être tenu responsable de ses actions, qui doit faire avancer ce changement révolutionnaire. Mais pour garantir véritablement l’avenir pour lequel le peuple du Bangladesh se bat, il faudra doter cette lutte d’un programme clair qui rompt de manière décisive avec le capitalisme, le système qui engendre des crises multiples et de plus en plus graves et qui alimente des rébellions sociales similaires dans diverses parties du monde.
Le capitalisme est également le principal moteur du changement climatique, qui entraîne des événements météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents et intenses. Le Bangladesh est l’un des pays les plus vulnérables à ce phénomène. Les inondations en cours dans le sud-est du pays, qui ont bloqué 3 millions de personnes et privé d’électricité des centaines de milliers d’autres, ne sont que les dernières d’une série d’inondations dévastatrices qui ont touché le pays cette année. Cette situation ne fera qu’empirer tant que ce système axé sur le profit restera debout.
Les revendications présentées ci-dessous, sur lesquelles nous aimerions recevoir des commentaires, sont, à notre avis, des étapes essentielles vers la transformation socialiste révolutionnaire nécessaire pour accomplir les tâches inachevées du soulèvement du Bangladesh :
- Justice immédiate pour les meurtres de manifestant.e.s, indemnisation à hauteur du crime pour les familles des martyrs et assistance médicale gratuite pour toutes les personnes blessées.
- Abolition et dissolution du bataillon d’action rapide (RAB) ainsi que de tous les ligues et groupes paramilitaires liés à l’ancien parti au pouvoir.
- Exigeons de l’Inde qu’elle livre Sheikh Hasina et les autres fugitif.ve.s de la Ligue Awami pour qu’iels soient jugé.e.s au Bangladesh.
- N’accordons aucune confiance au gouvernement intérimaire et à tout gouvernement basé sur le capitalisme, ni à aucune entreprise politique qui ne soit pas soumise au contrôle démocratique des masses.
- Election d’une assemblée constituante par le biais d’un processus libre et démocratique avec une représentation de tous les secteurs de la société, à l’exclusion de ceux.celles qui sont impliqué.e.s dans la répression et l’exploitation du peuple bangladais.
- Mise en œuvre des mesures de contrôle des prix au niveau local pour réguler les prix des produits de base ; plaider en faveur d’un salaire de subsistance dans tous les secteurs et ajuster tous les salaires en fonction du coût de la vie.
- Création d’emplois pour les chômeurs en réduisant la semaine de travail sans diminuer les salaires.
- Fin des investissements dans les mégaprojets dont les bénéfices pour les personnes pauvres sont discutables ; réorientation des ressources vers les besoins fondamentaux de la population, les services publics essentiels tels que la santé et l’éducation, et les projets d’infrastructure qui sont socialement utiles et respectueux de l’environnement.
- Confiscation de tous les biens de la famille de Sheikh Hasina et des complices de la Ligue Awami.
- Ouverture de la comptabilité de toutes les institutions publiques et privées pour permettre l’inspection des travailleur.euse.s et des étudiant.e.s, afin de révéler et d’éliminer les profits et la corruption.
- Adoption de mesures fermes pour mettre fin à la fuite des capitaux et au blanchiment d’argent et récupérer les vastes richesses blanchies à l’étranger par les oligarques liés à l’ancien régime.
- Formation de comités du soulèvement sur tous les lieux de travail, dans les écoles, les collèges, les universités et les quartiers. Ces comités doivent être interconnectés, créant ainsi un réseau qui servira de base à un futur gouvernement révolutionnaire, fidèle aux aspirations du soulèvement.
- Placement de l’industrie de l’habillement, les banques, l’énergie, les télécommunications et d’autres secteurs clés de l’économie sous la propriété publique et le contrôle démocratique des travailleur.euse.s, en vue de réorganiser l’économie sur la base d’une planification démocratique.
- Rejet des divisions communautaires, des persécutions et des attaques contre les minorités religieuses et ethniques ; défense de l’égalité des droits pour toutes et tous, y compris pour les hindous bengalis et les réfugiés rohingyas.
- Résistance contre l’ingérence de toutes les puissances étrangères ; refus du payement exorbitant de la dette extérieure et rejet des accords d’austérité néfastes conclus avec le FMI.
- Solidarité avec tou.te.s les travailleur.euse.s et les opprimé.e.s en lutte ; soutien au soulèvement du Bangladesh et à la révolte actuelle des médecins, des femmes et des jeunes en Inde contre la violence fondée sur le genre.
- Pour une lutte mondiale contre le capitalisme et l’impérialisme, pour un Bangladesh socialiste et un monde socialiste.
-
Inde. Modi s’apprête à entamer un nouveau mandat marqué par de nouvelles tensions communautaires et sociales
L’establishment indien aime présenter le pays comme la plus grande démocratie du monde. Avec 1,4 milliard d’habitants, c’est effectivement le pays le plus peuplé et des élections sont prévues début mai. Le parti au pouvoir, le BJP (Bharatiya Janata Party, “Parti indien du Peuple”), un parti nationaliste hindou d’extrême droite qui compte 180 millions de membres, semble se diriger vers une nouvelle victoire. Non pas par enthousiasme pour ce que le parti du Premier ministre Modi a à offrir à la population, mais en raison de la faillite totale de l’opposition et d’un sectarisme religieux de plus en plus brutal.
Modi, le nouveau dieu hindou
Dans sa course au chauvinisme hindou, Modi a récemment ouvert un nouveau temple à Ayodhya, en faisant office de sorte de grand prêtre. Il ne s’agit pas de n’importe quel temple : la mosquée historique d’Ayodhya a été prise d’assaut et détruite en 1992 par des partisans du BJP qui voulaient construire un temple au même endroit pour honorer Ram. L’attaque avait été suivie de violences communautaires dans toute l’Inde. 2.000 personnes y ont trouvé la mort. Pour les nationalistes, Ram est “la personnification de notre concept de nationalisme culturel”, comme l’a déclaré l’ancien dirigeant du BJP Advani. Le nouveau temple, situé sur les ruines de l’ancienne mosquée, a été inauguré par Modi lors d’un spectacle particulièrement coûteux, avant même d’être entièrement achevé. Les députés du BJP ont alors parlé de Modi comme du “Roi des Dieux”. Ram n’est de toute évidence pas le seul à être vénéré dans ce temple…
Ces événements ont donné un nouvel élan à la violence nationaliste principalement dirigée contre les musulmans. Des mosquées sont attaquées et tandis que nouvelles mesures sont avancées afin de refuser l’accès à la citoyenneté pour toute une partie de la population indienne. Des initiatives similaires avaient été précédemment repoussées par des mobilisations de masse. L’animosité envers le Pakistan voisin est également à nouveau alimentée, en particulier autour de la question du Cachemire, partagé entre l’Inde et le Pakistan.
Ce nationalisme exacerbé sert à détourner l’attention de la crise sociale. Au cours d’une décennie, la politique du BJP et de Modi n’a délivré aucune amélioration pour la majorité de la population. Seuls les plus riches félicitent l’action gouvernementale, symbolisée par l’essor de Gautam Adani et Mukesh Ambani, deux milliardaires indiens qui figurent parmi les 20 personnes les plus riches au monde. Le pourcent le plus riche du pays détient 40,6% de l’ensemble des richesses. Le revers de la médaille, c’est que l’Inde compte le plus grand nombre de pauvres au monde : 228,9 millions de personnes.
Tapis rouge pour les richissimes
Le fossé obscène entre cette masse considérable de gens qui peinent à survivre et la richesse écœurante au sommet a une fois de plus été souligné début mars, à l’occasion de la grande célébration pré-mariage du plus jeune fils de Mukesh Ambani. L’élite capitaliste mondiale s’y était donnée rendez-vous, dont Bill Gates, Ivanka Trump, Rihanna, Mark Zuckerberg et un grand nombre des stars les plus en vue de “Bollywood”, le Hollywood indien. Ambani a choisi d’organiser cette fête à 140 millions d’euros dans l’État du Gujarat, dont Modi avait été nommé chef du gouvernement en 2001.
Avec l’aide de l’élite économique, dont Ambani, le BJP et Modi dominent aujourd’hui la scène médiatique. Les règles électorales ont été opportunément modifiée afin d’autoriser les donations de millions de dollars aux campagnes électorales, principalement à l’avantage du BJP. Ce n’est aucunement un hasard si Ambani a décrit Modi comme “le premier ministre le plus prospère de l’histoire de l’Inde”, son succès ayant largement profité à son propre portefeuille et sa soif de prestige. L’autre figure de proue du capitalisme indien, Gautam Adani, a été brièvement sous le feu des critiques pour fraude, mais la clémence de la justice indienne a conduit l’enquête dans un cul-de-sac.
Sans surprise, l’extrême droite indienne déroule le tapis rouge à la voracité de la classe capitaliste tandis que la grande majorité de la population continue de subir la misère. De grandes mobilisations ont toutefois eu lieu à plusieurs reprises, parmi lesquelles les plus grandes grèves générales de l’histoire de l’humanité ou encore les protestations de masse des agriculteurs qui ont partiellement stoppé la libéralisation du secteur agricole. La contestation paysanne se poursuit d’ailleurs toujours, en dépit d’une sévère répression de la part des autorités qui entendent offrir toute l’agriculture à l’agrobusiness. Mais, et c’est bien entendu crucial, la vaste protestation des agriculteurs, soutenue par le mouvement ouvrier, a imposé des concessions significatives à Modi. Une lutte acharnée de par le monde d’en bas, voilà la solution.
La faillite de l’opposition
Malheureusement, on ne peut pas compter sur l’opposition officielle. Le plus grand parti d’opposition est le Parti du Congrès, lui-même responsable de l’introduction des mesures néolibérales et qui, depuis 1980, n’est pas étranger à l’entrée du nationalisme hindou dans la politique. Malgré l’alliance des partis d’opposition, il ne semble pas que le BJP puisse être vaincu. La gauche s’est constamment affaiblie ces dernières années, essentiellement en raison des politiques antisociales qu’elle a elle-même appliqué, notamment au Bengale occidental. Résultat : la tradition d’un parti communiste autrefois puissant a largement disparu et le BJP a pu y faire une percée inédite. Aujourd’hui encore, les divers partis communistes du pays continuent de s’aligner sur le Pari du Congrès sur base de calculs électoraux au lieu de s’engager dans l’organisation de la lutte. Au niveau local, les partis d’opposition appliquent eux-mêmes des politiques antisociales et instrumentalisent les discriminations et l’oppression de castes. La faillite de l’opposition a élargi le champ des attaques antidémocratiques du BJP, telles que la suspension de plus de 140 députés en décembre et l’arrestation de dirigeants de partis d’opposition.
Le maintien du BJP au pouvoir ne fera qu’accroître les tensions sectaires. Parallèlement, la discrimination fondée sur le système de castes s’intensifie. Sur la scène internationale, Modi s’aligne sur les intérêts de l’impérialisme américain et espère que son ami Trump sera réélu. Le régime indien veut faire entrer les investissements qui migrent hors de Chine, même si les infrastructures et les conditions générales offertes par l’Inde posent de nombreux obstacles. Les liens avec l’impérialisme américain sont utilisés dans sa concurrence face à l’impérialisme chinois. En dépit de la coopération officielle dans le cadre des pays BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), les tensions entre l’Inde et la Chine restent vives. La frontière entre la Chine et l’Arunachal Pradesh, au nord-est de l’Inde, fait l’objet de litiges, mais c’est surtout la concurrence régionale qui importe. Dans le même temps, Modi tente de préserver une sorte de semi-indépendance où subsistent de bonnes relations avec la Russie. Son régime n’a pas hésité à assassiner un séparatiste sikh de droite au Canada pour tendre les relations avec ce pays. Néanmoins, tout indique que les liens avec le bloc qui entoure l’impérialisme américain se renforcent et détermineront la position géopolitique de l’Inde.
La période à venir sera marquée par de nouvelles tensions. En se limitant aux étroites limites du capitalisme, l’opposition indienne ne parviendra pas à enrayer la montée des divisions sociales, de la misère et de la violence communautaire. La riposte contre l’extrême droite passe par une stratégie de rupture de système reposant sur une classe ouvrière jeune et dynamique et une paysannerie pauvre unies dans la lutte contre toutes les formes d’oppression et d’exploitation. Alternative Socialiste – Inde (ASI) veut jouer un rôle à cet égard.
Construire une alternative socialiste révolutionnaire
Alternative Socialiste Internationale a commencé à construire une nouvelle section en Inde en 2020, en pleine pandémie. Il n’est pas évident d’entamer une tâche aussi importante que la construction d’une force révolutionnaire sur un sous-continent. Entre-temps, grâce à des réunions hebdomadaires visant à jeter les bases politiques de notre organisation, des progrès notables ont été réalisés. Les premières éditions d’un journal ont été publiées et notre section-soeur a participé à diverses actions, notamment contre le massacre à Gaza.
Le 8 mars, Journée Internationale de lutte pour les Droits des Femmes, a été célébré avec le lancement de la campagne ROSA en Inde, lors d’une réunion où 18 personnes ont écouté Laura Fitzgerald de ROSA Irlande, Moumita d’ASI-Inde et Meena Kandasamy, écrivaine et activiste indienne bien connue. Le lien entre les différentes formes d’oppression sous le capitalisme a occupé une place prépondérante lors de cette réunion, qui a également mis l’accent sur la nécessité de lutter sans relâche contre l’oppression des castes. ASI en Inde aborde l’histoire et la réalité de la discrimination de caste afin d’affiner son analyse marxiste, une nécessité absolue dans un pays où le système de caste est si important. Le fait qu’un terme comme “paria” ait été adopté en français directement à partir du système de castes indien montre à quel point cette oppression est puissante.
Il existe également des contacts avec la campagne PAPA (Project Affected People’s Association) qui s’est opposée au projet de construction de la mine à ciel ouvert Deucha Panchami à Birhbum, dans le Bengale occidental, qui serait la deuxième plus grande mine de ce type au monde. Pour cette mine, 21.000 personnes devront être déplacées, dont 9.000 Adivasis (un peuple autochtone) et 4.000 Dalits (les soi-disant “intouchables” qui sont exclus du système des castes). L’ensemble du projet est désastreux pour les populations locales, mais aussi pour l’environnement. Les seuls gagnants sont les propriétaires super-riches de la société minière et leurs marionnettes politiques. En collaboration avec la PAPA, ASI souhaite faire connaître la lutte contre ce projet minier au niveau international.
Plus d’informations via socialistindia.org
-
Chine. Aggravation de l’hostilité à l’égard de Xi Jinping autour de la mort de Li Keqiang
La mort de Li Keqiang d’une crise cardiaque à l’âge de 68 ans a déclenché une nouvelle lutte entre le vaste appareil de censure en ligne de la dictature et les masses dont le seul canal d’expression semi-légal est l’internet.
Par chinaworker.info
Li, premier ministre chinois de 2013 à mars de cette année, nominalement classé comme le deuxième responsable le plus puissant derrière Xi Jinping dans l’État du PCC, est décédé à Shanghai ce 27 octobre.
Ces deux derniers jours, au moins 10.000 personnes ont fait la queue pour rendre hommage à Li devant son ancienne résidence à Hefei, la capitale de la province d’Anhui. Un mur de fleurs s’est amoncelé devant l’entrée du bâtiment et la ville de 8 millions d’habitants s’est même retrouvée en rupture de stock. La phrase la plus souvent imprimée sur les cartes de condoléances accompagnant les fleurs est une citation de Li Keqiang lorsqu’il a quitté ses fonctions : « Le ciel regarde ce que font les humains. Le firmament a des yeux ». Cet ancien proverbe est une provocation pour Xi et le groupe dirigeant actuel. Il s’agit quasiment de l’équivalent d’une malédiction dont l’actuelle popularité illustre la façon dont les gens utilisent le deuil de Li Keqiang afin d’exprimer leurs critiques à l’égard de Xi.
L’appareil de censure du PCC est immédiatement passé à la vitesse supérieure en demandant à diverses structures de l’État et des médias de réprimer les « commentaires trop élogieux » à l’égard de Li. Les directives de censure secrètes, qui ont fait l’objet d’une fuite et ont été publiées en ligne, invitent tous les médias à faire preuve de vigilance à l’égard des commentaires qui « font des éloges exagérés en apparence alors qu’il s’agit en réalité d’un acte de critique ». Un article affirmant que Li avait été emmené dans le mauvais hôpital à Shanghai (un hôpital de médecine traditionnelle chinoise au lieu d’un hôpital spécialisé dans les soins cardiaques) a été supprimé par les censeurs.
La chanson de l’artiste malaisienne Fish Leong, « Malheureusement, ce n’est pas vous », a été partagée en ligne par de nombreuses personnes en guise de protestation. Cela s’est également produit l’année dernière lors du décès de l’ancien dirigeant Jiang Zemin, et du Japonais Shinzo Abe quelques mois auparavant. La chanson est donc régulièrement frappée d’interdiction en Chine. L’idée est assez évidente et met en lumière le puissant climat anti-Xi qui s’est installé en Chine.
Un hashtag, « celui qui devrait mourir ne l’a pas fait », a rapidement été interdit. Des vidéos ou citations de Li Keqiang sont également apparues avec également une pointe de critique implicite, à l’image des vidéos de Li Keqiang en visite à Wuhan aux débuts de l’épidémie de COVID-19, en janvier 2020, soit deux mois avant son patron. Un autre exemple est la conférence de presse de Li à l’Assemblée nationale populaire en 2020, au cours de laquelle il a révélé que la Chine comptait plus de 600 millions de personnes dont le revenu mensuel était d’à peine 1.000 yuans, ce qui n’est « même pas suffisant pour louer une chambre dans une ville chinoise de taille moyenne ». Ce discours s’inscrivait dans le cadre d’une lutte de pouvoir interne au PCC largement cachée dans laquelle la faction Tuanpai de Li voulait mettre à mal les déclarations vantardes de Xi sur « l’éradication de la pauvreté ». (La faction Tuanpai regroupe l’ancienne garde politique rapprochée du précédent n°1 chinois, Hu Jintao, opposée aux « fils de princes », enfants de dignitaires du régime dont Xi Jinping est le chef de file, NDLR).
Insécurité aiguë
La répression actuelle du deuil et des discussions sur la mort de Li reflète l’insécurité aiguë du régime de Xi, qui sent un considérable mécontentement gronder à travers la société. Le PCC est embourbé dans une crise économique historique après l’effondrement de la plus grande bulle immobilière du monde. Le niveau de vie est en baisse alors que l’économie est sous assistance respiratoire. Jusqu’à la moitié des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage, le régime de Xi réprimant la publication de données pertinentes à ce sujet. L’année dernière, selon Capital Economics, la richesse nette des ménages chinois s’est contractée de 4,3 %. Toutes les classes sociales se sont appauvries, la classe ouvrière étant toujours la plus grande perdante.
Les universités sont bien sûr au centre des préoccupations du gouvernement. Cela est d’autant plus vrai après les manifestations de l’année dernière, parfois appelées « mouvement du livre blanc », qui ont été déclenchées par un incendie mortel dans la capitale du Xinjiang, Urumqi, et par la colère accumulée contre les confinements paralysants liés à la pandémie. Aujourd’hui, on craint manifestement que la mort de Li ne serve de paratonnerre à divers griefs sociaux et économiques. Les manifestations de 2022, les plus importantes en Chine depuis 1989, ont commencé à soulever des revendications politiques, notamment la démission de Xi Jinping, avant d’être rapidement écrasées.
Selon le South China Morning Post de Hong Kong, l’université de Hainan a publié des instructions mettant en garde les étudiants contre la publication en ligne de commentaires sur la mort de Li. Un conseiller étudiant anonyme d’une grande université de Pékin a déclaré au journal : « Nous ne voulons pas que les étudiants organisent leurs propres événements de deuil. Ils pourraient devenir trop émotifs et causer des turbulences inutiles comme ce qui s’est passé il y a plus de 30 ans. »
Il existe en Chine une tradition bien établie qui consiste à « pleurer les morts pour critiquer les vivants ». C’est ainsi qu’est né le mouvement démocratique de masse en 1989, à la suite du décès soudain de l’ancien dirigeant du PCC, Hu Yaobang. En 1976, bien que le premier ministre Zhou Enlai soit décédé en janvier, c’est trois mois plus tard, les 4 et 5 avril, à l’occasion de la fête de Qingming (jour traditionnel de commémoration des morts), que d’immenses foules se sont rassemblées sur la place Tiananmen à Pékin. Il s’agissait d’un mouvement spontané contre l’enlèvement des couronnes, slogans et autres objets commémorant Zhou, qui reflétait la colère des masses contre le régime maoïste.
Une figure en retrait
Li et le cabinet qu’il dirigeait (le Conseil d’État) ont été mis à l’écart par Xi Jinping, qui a concentré de plus en plus de pouvoir entre ses mains. La dictature du parti unique s’est transformée en dictature d’un seul homme. Ce processus de renforcement du contrôle autoritaire, aujourd’hui exacerbé par la grave crise économique, explique pourquoi Li est perçu favorablement par des pans entiers de la population. Cette sympathie est due à ce qu’il n’était pas, plutôt qu’à ce qu’il était.
D’une certaine manière, Li en est venu à symboliser personnellement la brutalité du régime de Xi. Il a été réduit à un personnage secondaire, bien moins influent que ses prédécesseurs tels que Zhu Rongji et Wen Jiabao, qui ont occupé le poste de premier ministre avant lui. Même ses propres discours en tant que premier ministre ont parfois été censurés ou relégués en dernière page des journaux, tout comme la couverture des événements publics auxquels il participait. Si le numéro deux du PCC est lui aussi victime d’un contrôle autoritaire, de quelles libertés peuvent bien jouir les citoyens ordinaires ?
Li a parfois exprimé, bien que sous une forme très réservée et sibylline, le mécontentement croissant à l’égard du pouvoir de Xi dans la société en général et au sein des sections de l’élite dirigeante, y compris les quelque 200 familles capitalistes dominantes du PCC. Il n’a jamais été question d’une opposition sérieuse ou coordonnée à la position de Xi. La faction Tuanpai de Li a été largement mise en déroute par Xi dans la lutte interne pour le pouvoir, comme l’a démontré de manière flagrante le 20e congrès du PCC de l’année dernière. Aucun représentant des Tuanpai ne siège aujourd’hui dans les organes dirigeants (Politburo et Comité permanent) et le vétéran des Tuanpai, Hu Jintao, ancien secrétaire général du PCC et président de l’État, a été publiquement humilié et « aidé » à quitter la tribune du congrès.
Que représentait Li ?
Les intérêts que Li Keqiang représentait au sein du régime étaient les restes de l’aile économique libérale, les partisans de la doctrine de « réforme et d’ouverture » de Deng Xiaoping (grâce à laquelle la restauration capitaliste a été réalisée) et certaines sections de la classe capitaliste qui s’opposent aux politiques capitalistes nationalistes de Xi en matière de « découplage », « d’autosuffisance » et d’escalade de la confrontation avec l’impérialisme américain.
Le fait que ces forces se soient affaiblies au cours de la dernière décennie n’est pas dû aux compétences politiques de Xi ou aux déficiences personnelles de Li et d’autres dirigeants tuanpai, mais reflète les besoins sociaux et économiques objectifs du capitalisme chinois pour une dictature renforcée combinée à une orientation économique plus nationaliste. Dans les pays à développement tardif comme la Chine, le capitalisme a besoin d’un État fort en raison de ses propres faiblesses inhérentes lorsqu’il est en concurrence avec des économies capitalistes plus anciennes et plus développées.
Plutôt que la démocratie bourgeoise qui existe (et qui est de plus en plus chancelante) dans les États capitalistes plus anciens, les capitalistes chinois ont besoin de la protection d’une dictature face à leurs ennemis et face à eux-mêmes. La concentration du pouvoir personnel de Xi en tant que « nouvel empereur » est enracinée dans ces contradictions sociales.
Retour à l’ère Mao ?
Lors d’une visite dans la province de Guangdong en août 2022, Li Keqiang a déclaré que « le fleuve Jaune et le fleuve Yangtze ne couleront pas en arrière », dans une allusion sibylline à la poursuite de la réforme et de l’ouverture économiques (capitalistes) telles que définies par Deng Xiaoping dans les années 1980. Le Guangdong est considéré comme le berceau de la restauration du capitalisme il y a 40 ans. Cette citation a été largement diffusée depuis la mort de Li. Elle implique une critique du renforcement du contrôle de l’État (capitaliste) par Xi et de son éloignement des réformes de Deng. Elle montre également que de nombreuses idées différentes sont prises dans le tourbillon de la commémoration de Li. Alors que l’humeur anti-Xi est prédominante et devient de plus en plus explosive, il n’y a pas encore de réelle clarté sur ce que devrait être l’alternative.
Les politiques autoritaires et nationalistes de Xi Jinping sont décrites par certains critiques comme un retour à l’ère maoïste. Ce n’est pas le cas, car le régime de Mao reposait sur des bases économiques complètement différentes. La Chine de Xi est capitaliste. Jusqu’à la restauration du capitalisme dans les années 1980, l’État du PCC était une dictature stalinienne calquée sur le modèle de l’URSS et reposant sur une économie planifiée extrêmement bureaucratique, qui a toutefois été en mesure d’introduire d’importantes réformes sociales et de protection sociale – qui ont ensuite été anéanties par le capitalisme.
Aujourd’hui, le régime de Xi utilise certains symboles et allusions à la période précapitaliste pour justifier la dictature et la répression, mais il le fait dans l’intérêt d’une économie capitaliste. Cela ne signifie pas un retour aux soins de santé de base gratuits, aux logements subventionnés, et encore moins l’abolition du capitalisme. De nombreuses personnes en deuil aujourd’hui citent le discours de Li Keqiang sur la réforme et l’ouverture en partie parce que cette idée – le programme de restauration capitaliste de Deng – est largement et faussement confondue avec l’opposition au prétendu « maoïsme » de Xi, qui à son tour est considéré comme ramenant la Chine à la pauvreté et à l’arriération par d’importantes couches de la population.
Les marxistes accordent une grande attention à la lutte pour le pouvoir au sein de l’État-PCC, parce qu’il s’agit d’une mesure partielle – très déformée – des énormes pressions sociales qui s’accumulent dans la société chinoise. Aucune des factions ou des figures de proue du PCC ne représente une voie à suivre et aucune n’est du côté de la classe ouvrière. Leur lutte porte sur la manière de gérer la fortune du capitalisme chinois, y compris sur la meilleure façon de maintenir la dictature et de prévenir les défis révolutionnaires.
Avec les mesures qu’il a prises, le régime de Xi peut réussir à contenir les retombées politiques de la mort de Li Keqiang et empêcher cet événement de déclencher des incidents de masse. Mais l’accumulation d’un mécontentement social explosif est inévitable compte tenu de la trajectoire économique désastreuse de la Chine et des conditions de plus en plus brutales du régime dictatorial.
-
Economie chinoise : Qu’est-il advenu du rebond ?
Le signal de détresse de la province de Guizhou ouvre un nouveau front dans la crise de la dette du pays
L’économie chinoise a connu une année 2022 désastreuse. Xi Jinping, quelques mois après le début de son troisième mandat sans précédent en tant que dirigeant absolu, cherche donc désespérément un rebond économique pour dissiper la morosité qui s’empare des capitalistes chinois ainsi qu’à travers le monde et restaurer la “confiance”. Au début de l’année, le capitalisme mondial avait largement adhéré à l’idée du “retour de la Chine”, espérant une forte croissance de la deuxième économie mondiale pour contrebalancer les risques de récession dans les économies capitalistes occidentales. Mais le rebond post-pandémique de Xi s’essouffle déjà.
Éditorial du numéro 70 du magazine Socialist (magazine d’ASI en Chine)
Nous avons toujours été sceptiques quant aux prévisions d’une forte reprise économique cette année. Lorsque le Congrès national du peuple a officialisé en mars l’objectif de PIB pour cette année, à savoir “environ 5 %”, nous avons été frappés par la faiblesse de ce chiffre (il s’agit de l’objectif de PIB le plus bas pour la Chine depuis 1991). De nombreux économistes dans le monde tablent sur des prévisions plus élevées, de l’ordre de six pour cent ou plus. Que sait donc le régime de Xi que les autres ignorent ?
Au cours de nos discussions, nous avons identifié deux façons dont l’économie chinoise pourrait atteindre l’objectif de 5 % : en augmentant encore de manière significative la dette déjà insoutenable du pays ou en trafiquant les comptes. Il est probable que les deux méthodes seront utilisées. Le malaise économique chinois de ces dernières années n’était pas simplement le résultat, comme le pensent certains commentateurs, de la doctrine ultra-répressive “zéro COVID” de Xi, bien que cela ait certainement aggravé les choses.
Les causes profondes de la dramatique crise actuelle sont à rechercher dans l’épuisement du modèle de croissance capitaliste d’État de la Chine reposant sur l’endettement. Il est arrivé en bout de course. Ce modèle de croissance reposait sur des investissements massifs dans les infrastructures – dont des milliers de milliards de dollars gaspillés en éléphants blancs (mégaprojets, souvent d’infrastructure, avec plus de coûts que de bénéfices à la collectivité) – et sur des prix de l’immobilier largement gonflés, à l’image de l’ancienne économie de bulles spéculatives du Japon, mais en pire.
Cette formule a constitué le moteur de l’économie chinoise au cours des deux dernières décennies, en particulier depuis la crise mondiale de 2008-9, lorsqu’un plan de relance chinois historique, qui ne sera jamais répété, a secoué le monde (« lorsque la Chine a sauvé le capitalisme mondial », comme le dit le dicton). Ces mesures ont été à l’origine de l’explosion de la dette, qui elle-même est à l’origine de la situation que nous connaissons aujourd’hui. Nous l’avions prédit, mais certains soi-disant marxistes l’ont nié, car, qu’ils aient été ou non aveuglés par la propagande du PCC, ils ont affirmé que « l’État chinois a des capacités uniques ».
Le contrôle par la dictature chinoise du système bancaire, des médias, de l’internet, du pouvoir judiciaire, d’autres leviers importants de contrôle financier et politique, sans oublier une censure étendue avec la possibilité de faire disparaître quiconque lance une alerte ou pose des questions embarrassantes, lui confère un degré de contrôle que les régimes capitalistes “normaux” n’ont pas. Mais cela n’annule pas la loi de la gravité ou, plus pertinemment, la loi de la valeur.
Pendant plus d’une décennie, la croissance de la Chine a dépendu de l’augmentation rapide de la dette. Lorsque le gouvernement s’est concentré sur le “désendettement”, en freinant la spirale des niveaux d’endettement, l’économie a plongé. Nous l’avons vu clairement lors de la répression de l’endettement dans le secteur de l’immobilier, qui a déclenché l’effondrement de l’immobilier au cours de ces deux dernières années. La soi-disant reprise de 2023 ne fait que poursuivre sur la même voie, le ratio dette/PIB de la Chine ayant augmenté de 7,7 points de pourcentage au cours du premier trimestre 2023 pour atteindre le niveau record de 290 %, selon les données de la Banque populaire de Chine.
Le PCC repousse une crise de la dette depuis plusieurs années en déplaçant des bombes à retardement potentielles d’une partie du système financier à l’autre, dans un vaste exercice de cache-cache. Mais les turbulences financières actuelles dans les gouvernements locaux – les salles des machines de son modèle capitaliste d’État de dette contre infrastructure – pourraient devenir le défi de trop pour le régime de Xi. L’émergence de la crise de la dette dans le Guizhou, suivie d’une série d’autres provinces très endettées, pourrait ne pas être si facile à faire disparaître par Beijing au moyen d’un nouvel artifice financier.
Les gouvernements locaux à la peine
Le chiffre officiel du PIB pour le premier trimestre a connu une croissance rassurante de 4,5 % par rapport au même trimestre en 2022. Est-ce bien le cas ? Comme toujours, on ne peut se fier à l’exactitude des données officielles chinoises. Il s’agit d’une reprise fragile, fortement tributaire d’un “soutien vital” sous la forme de projets d’infrastructure dictés par l’État et financés par la dette.
Dix-huit provinces ont annoncé un total de près de 10.000 milliards de yuans (1.400 milliards de dollars) pour la construction de nouvelles infrastructures en 2023, selon un rapport du Global Times (28 février 2023). Les 13 provinces restantes n’ont pas divulgué leurs chiffres d’investissement.
Mais les gouvernements provinciaux et locaux sont à court d’argent. Sur 31 provinces, 22 ont vu leurs revenus diminuer en 2022, selon les données officielles. Des billions de yuans de frais de service de la dette ont creusé un trou béant dans les budgets des gouvernements locaux. Cela représente plus d’un tiers de l’ensemble des dépenses de certaines municipalités. Les ventes de terrains, qui représentaient traditionnellement un quart des recettes des collectivités locales, se sont effondrées de 23,3 % l’année dernière en raison de la crise immobilière. Cela s’est traduit par une perte combinée d’environ 2 000 milliards de yuans (288 milliards de dollars) pour les gouvernements locaux.
Il en résulte un tsunami de suppressions d’emplois, de coupes dans les salaires et de suppressions de services dans tout le pays. Les services d’autobus ont été fermés ou temporairement suspendus dans plus de 20 villes, les compagnies d’autobus n’étant pas en mesure d’acheter du carburant ou de payer les salaires du personnel. Dans la province de Hebei, les subsides pour le chauffage hivernal ont été abolis. Les écoles, les hôpitaux, les bâtiments officiels et d’autres infrastructures des collectivités locales ont été vendus à des acteurs privés afin d’obtenir des liquidités. « Les salaires de beaucoup de mes collègues ont été retardés, et c’était difficile parce que nous avons des familles à nourrir », a déclaré à Al Jazeera un employé du gouvernement dans la province de Jiangxi. « C’était inimaginable auparavant. »
La stratégie économique du PCC consiste à redoubler d’efforts en matière d’infrastructures dans l’espoir de relancer la croissance économique et de stimuler les dépenses de consommation pour qu’elles deviennent la force motrice de l’économie. Mais la tendance de ces dernières années montre que ce n’est pas le cas, bien au contraire.
La reprise de cette année est entravée par une consommation des ménages atone et une préférence pour l’épargne plutôt que pour la dépense. Cela ne devrait surprendre personne. Les travailleurs chinois et la classe moyenne sont extrêmement inquiets quant à leur sécurité économique : emplois, salaires, pensions et pertes liées à la baisse de l’immobilier (l’effet de richesse négatif). En avril, le taux de chômage des jeunes a atteint le chiffre record de 20,4 %, ce qui signifie que plus de 20 millions de jeunes de moins de 25 ans sont sans emploi. Le secteur dit informel, qui regroupe les emplois déréglementés et précaires, représente aujourd’hui 56 % de l’ensemble de la population active (contre 33 % en 2004).
Les capitalistes ne sont pas non plus rassurés. Les entreprises privées hésitent à s’engager dans de nouveaux investissements, car la confiance dans la reprise et dans les capacités de gestion économique de la dictature de Xi est au plus bas. L’”année de l’enfer” que fut 2022 n’a toujours pas été digérée.
Cet état d’esprit se reflète dans les données du premier trimestre, où les investissements du secteur public ont augmenté de 10 %, alors que le secteur privé n’a progressé que de 0,6 %. Le secteur privé représente 60 % du PIB de la Chine, 80 % de l’emploi urbain et 90 % des nouveaux emplois. Cela contribue à expliquer le taux obstinément élevé de chômage des jeunes, qui est resté supérieur à 16 % pendant un an.
Des “dépenses de vengeance” ?
Les économistes avaient prédit une vague de dépenses « de vengeance » (revenge spending, dépenses excessives en sortie du confinement) lorsque Xi a abandonné de manière chaotique le régime “zéro COVID” en décembre dernier, permettant enfin à la population de retrouver une certaine forme de “normalité”. Mais la vague de consommation attendue brille par son absence. Même le Politburo du PCC l’a reconnu lors de sa réunion du 28 avril, en admettant les problèmes d’une demande insuffisante et d’une faible “dynamique interne”.
Au contraire, ce sont les dépôts bancaires qui atteignent des niveaux record. Même les investisseurs étrangers les plus enthousiastes l’ont remarqué. Estée Lauder, Starbucks et Qualcomm, qui considèrent tous la Chine comme l’un de leurs principaux marchés, ont mis en garde contre la baisse de leurs ventes.
Ting Lu, économiste en chef de Nomura pour la Chine, a déclaré à Reuters : « La hausse de 8 000 milliards de yuans des nouveaux dépôts des ménages en 2022 a suscité des opinions haussières sur le marché, qui pensait que cela (…) conduirait à une libération massive de la demande refoulée post-pandémique (…) Cependant, les nouveaux dépôts des ménages ont encore augmenté [au premier trimestre 2023]. »
Selon la Banque populaire de Chine, les dépôts détenus par les ménages ont augmenté de 9 900 milliards de yuans (1 400 milliards de dollars) au premier trimestre, soit une hausse de 27 % par rapport à l’année précédente.
Par conséquent, les économistes sont particulièrement sceptiques quant aux chiffres des ventes au détail en Chine, qui ont fait état d’une croissance de 5,8 % au cours du premier trimestre. L’atonie de la consommation des ménages, à l’exception des services (voyages et sorties au restaurant pour fêter la fin de trois années de politique de zéro covid), est également confirmée par le taux d’inflation le plus bas du monde.
L’indice des prix à la consommation (IPC) de la Chine est tombé à seulement 0,1 % en avril. Cette “reprise sans inflation”, comme l’appelle le magazine The Economist, suggère que les entreprises subissent des pressions pour ne pas augmenter leurs prix en raison de la faiblesse de la demande.
Les prix à la sortie de l’usine, tels qu’ils ressortent de l’indice des prix à la production (IPP), se situent en territoire déflationniste. L’IPP d’avril est tombé à son niveau le plus bas en trois ans, moins 3,5 %. La déflation, ou baisse des prix, peut être tout aussi déstabilisante que l’inflation. C’est particulièrement vrai dans les économies très endettées, comme la Chine. Alors que l’inflation ronge la dette en privant l’argent de sa valeur, la déflation a l’effet inverse et rend le coût du remboursement de la dette plus élevé en termes relatifs.
Le Japon est aux prises avec la déflation depuis plus de 30 ans, une période connue sous le nom de “décennies perdues”. Pendant cette période, son économie a stagné, passant de 17,7 % du PIB mondial en 1995 à 6 % aujourd’hui. L’accumulation de la dette en Chine, qui dépasse largement celle du Japon, suivie de l’implosion de la bulle immobilière chinoise en 2021, et maintenant la crise de la dette encore plus grave qui éclate dans les gouvernements locaux, qui représentent 90 % de toutes les dépenses publiques, font pointer la menace d’un scénario économique japonais en Chine.
Le marché immobilier continue de se contracter malgré les mesures de soutien adoptées par le gouvernement à la fin de l’année dernière. Alors que le taux de déclin des ventes immobilières semble s’être stabilisé, après avoir implosé l’année dernière, l’investissement dans le secteur a chuté de 6,2 % en janvier-avril, après une chute de 10 % en 2022. Les nouvelles mises en chantier mesurées par la surface de plancher ont chuté de 19,2 % au premier trimestre par rapport à la base déjà faible de l’année précédente.
Le S.O.S. de Guizhou
La crise de la dette des gouvernements locaux signalée par les événements de Guizhou, où une forme de sauvetage déguisé du gouvernement central semble être en cours, marque l’ouverture d’un nouveau front effrayant dans la bataille que mène la Chine pour éviter un effondrement financier. Les villes et les préfectures du Guizhou, une province de 38 millions d’habitants, ont accumulé des “dettes cachées” – celles qui passent par des entités hors bilan – d’un montant de 1,31 trillion de yuans (190 milliards de dollars américains). Ces dettes sont principalement dues à des programmes d’infrastructure répétés.
En avril, le gouvernement provincial de Guizhou a envoyé un “S.O.S” à Pékin. Un communiqué publié sur son site officiel indiquait que « la dette est devenue un problème majeur et urgent pour les gouvernements locaux [de la province] » et admettait qu’il est « impossible de résoudre efficacement [le problème de la dette] en s’appuyant sur les capacités propres [du gouvernement local] ». La déclaration a été supprimée quelques heures plus tard.
Le Guizhou est à la crise de la dette des collectivités locales ce qu’Evergrande était à la crise immobilière : juste la partie émergée de l’iceberg. Cela dit, il sera beaucoup plus difficile de désamorcer la crise de la dette des collectivités locales que de faire face à l’effondrement de l’immobilier. Selon le FMI, la dette officielle des collectivités locales a presque doublé au cours des cinq dernières années pour atteindre 35,3 billions de yuans (5,14 billions de dollars). Cela représente plus de 120 % de l’ensemble des recettes des collectivités locales.
Mais il y a aussi les dettes accumulées par les véhicules financiers des gouvernements locaux (LGFV), des entités hors bilan qui sont les principaux vecteurs des dépenses de construction et d’infrastructure. Des milliers de ces entreprises mal réglementées mais détenues par l’État sont un héritage du gigantesque plan de relance de 2008-2009, qui a consolidé leur rôle au cœur de l’économie du capitalisme d’État chinois. Selon le FMI, la dette des LGFV atteindra 57 000 milliards de yuans (8 300 milliards de dollars) en 2022, soit 48 % du PIB de la Chine.
La crise de la dette intérieure de la Chine présente de nombreuses caractéristiques similaires à la crise de la dette extérieure que les politiques du PCC ont contribué à créer, Pékin ayant été contraint d’accorder de multiples renflouements à sa “famille” de pays de l’initiative « Belt and road » (BRI, ou « Nouvelles routes de la soie ») en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Les projets conçus pour stimuler la croissance et accroître le pouvoir économique du capitalisme chinois et de sa dictature sont au contraire devenus une ponction sur les ressources dont il est difficile de se défaire.
Le régime de Xi est soumis à la pression massive de la nouvelle guerre froide impérialiste qui oppose les Etats-Unis et la Chine, la bataille géopolitique mondiale entre deux superpuissances défaillantes, toutes deux en proie à des crises économiques et politiques. Ce conflit est à l’origine du processus de démondialisation qui, à son tour, aggrave les difficultés économiques du capitalisme mondial et accroît les menaces militaires. Dans ce climat international, le PCC se rabat sur sa recette traditionnelle pour stimuler la croissance du PIB : pousser les gouvernements locaux à court d’argent à s’endetter davantage.
Parallèlement, il impose une plus grande austérité à la population, en réduisant les salaires des fonctionnaires et en s’attaquant aux retraites. Plutôt que les « dépenses de vengeance » espérées par le capitalisme, la sortie du cauchemar pandémique de la Chine pourrait voir les travailleurs et les jeunes déclencher une vengeance d’un autre genre.
-
[INTERVIEW] Chine : la parole à un socialiste révolutionnaire – Venez le rencontrer à “Socialisme 2023”!
“Une dictature ne se réforme pas, elle se combat par la lutte de masse !“
La position du régime chinois dans le monde suscite de nombreux débats, y compris à gauche. En tant qu’internationalistes conséquents, nous nous plaçons toujours du côté des travailleurs et travailleuses ainsi que des personnes opprimées. Nous ne considérons pas le régime chinois comme un allié potentiel, ce sont les travailleurs.euses qui se battent pour un avenir meilleur qui retiennent toute notre attention. Alternative Socialiste Internationale (ASI) dispose d’une section active en Chine, à Hong Kong et à Taïwan. Lei Hon, un jeune militant de Chinaworker.info, participera aux journées « Socialisme 2023 ». Nous nous sommes entretenus avec lui à l’approche de l’événement.
On a vu le régime chinois passer de la politique zéro-covid à l’assouplissement des restrictions. Comment en est-on arrivé là et peut-on envisager un retour à la situation antérieure à la pandémie ?
« La façon insensée et désorganisée dont le régime de Xi Jinping est brutalement sorti de la période « zéro-covid » a causé la mort d’un à deux millions de personnes. Dans une dictature brutale, avec un contrôle total des médias et l’utilisation de la terreur contre les médecins pour cacher les causes des décès, il est parfaitement possible de cacher l’ampleur exacte du désastre. Mais cette expérience a été gravée dans la conscience des masses et a alimenté la colère contre la dictature de Xi.
« La profondeur de la colère était évidente lors des manifestations de l’an dernier. Rien de tel ne s’était produit depuis 1989 et le soulèvement de masse réprimé par le massacre de la place Tienanmen. Je ne suis pas en train de dire que c’était comparable à 1989, ce mouvement était alors beaucoup plus important, d’un ordre qualitativement différent. Mais le mouvement de 2022 est intervenu après des décennies au cours desquelles il n’y avait eu que des manifestations locales isolées.
« Ces manifestations se sont calmées au bout d’une semaine. La peur de la répression a bien sûr joué un rôle important, mais les manifestations ont laissé une marque sur la Chine. La dictature a paniqué et a sacrifié la politique « zéro-covid » de Xi. Nous savons maintenant qu’il y a eu des désaccords au sommet. La décision de changer de cap n’était pas facile à prendre et son application fut terriblement désordonnée. Aujourd’hui, il y a peut-être un certain redressement de l’économie, mais il n’y a aucune certitude quant à un vigoureux rebond. La situation reste très précaire. »
Le promoteur immobilier Evergrande a connu de graves difficultés en 2021. La crise immobilière se poursuit-elle ? Y a-t-il une perspective pour une nouvelle croissance importante ?
« Oui, la crise de l’immobilier est toujours présente et freinera encore l’économie chinoise dans les années à venir. La situation est similaire à celle qu’avait connue le Japon, où la bulle immobilière a éclaté et où, 30 ans plus tard, l’économie ne s’est toujours pas redressée.
« Depuis l’effondrement d’Evergrande en 2021, 26 sociétés immobilières chinoises sont en défaut de paiement. Cela signifie qu’elles ne parviennent pas à rembourser leurs dettes. En février, la plus grande société immobilière chinoise, Country Garden, a affiché la première perte annuelle de son histoire, environ 900 millions d’euros.
« La crise de l’endettement des sociétés immobilières est l’expression d’un phénomène beaucoup plus vaste, à savoir la surproduction. Il y a 130 millions de logements vides en Chine ! Pendant des années, le secteur de l’immobilier a été dominé par la spéculation financière : les riches achetaient de multiples maisons pour gagner de l’argent, plutôt que des logements pour la masse des travailleurs et travailleuses. Les ventes totales de logements ont chuté de 24 % l’an dernier par rapport à 2021. En raison des prix exorbitants, de nombreuses personnes n’ont pas les moyens de se loger. Et en même temps, les riches sont découragés, car ils craignent que l’immobilier ne soit plus un bon investissement.
« L’effondrement du secteur immobilier pourrait s’atténuer et il pourrait y avoir un rebond limité cette année. Mais cela vient après une très mauvaise année 2022. Et il sera impossible de revenir à la situation du boom immobilier qui précédait. »
Certain.e.s, à gauche en Europe estiment que la Chine n’est pas capitaliste, ou du moins qu’elle est « moins mauvaise » que l’impérialisme américain. Le régime a aidé à négocier un accord entre l’Iran et l’Arabie Saoudite et tente de jouer un rôle dans d’éventuelles négociations sur la guerre en Ukraine. Peut-on parler d’impérialisme vis-à-vis du régime chinois ?
« La Chine est une énorme économie capitaliste et, en raison de sa position clé dans le système capitaliste mondial, elle est également impérialiste. Lénine a expliqué que le capitalisme évolue inévitablement vers l’impérialisme, son « stade suprême ». L’idée que la Chine ne serait en quelque sorte que capitaliste et non impérialiste va directement à l’encontre de toute analyse marxiste.
« La Chine est le plus grand créancier du monde. Les prêts accordés par la Chine à d’autres pays représentent 6% du PIB mondial. Elle utilise la Nouvelle route de la soie, l’initiative Belt and Road, pour rendre des pays pauvres dépendants du capitalisme chinois. Ceux qui prétendent qu’il s’agit simplement de « développement » par opposition à l’impérialisme devraient jeter un œil aux crises de la dette au Sri Lanka, au Pakistan, en Zambie ainsi que dans d’autres pays, et au rôle qu’y joue le capital chinois.
« Le régime de Xi est maintenant engagé dans une grande marche diplomatique pour montrer sa capacité à défier l’impérialisme américain dans la nouvelle guerre froide. Il y a le Plan de paix vide de contenu pour l’Ukraine, puis l’accord irano-saoudien qui est une victoire des relations publiques du régime chinois. Mais ces accords et initiatives sont très fragiles ; ils n’ont pas beaucoup de substance. Le capitalisme et l’impérialisme représentent un système condamné. Pékin ne peut pas le faire fonctionner mieux que Washington ».
Notre analyse selon laquelle une nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine est en cours est de plus en plus partagée par les analystes. Quel est le degré de dangerosité de l’escalade de cette nouvelle guerre froide ? Taïwan pourrait-elle devenir une nouvelle Ukraine?
« La situation à Taïwan devient de plus en plus dangereuse. Les médias occidentaux ne se concentrent que sur un seul aspect du conflit : la menace d’une attaque chinoise. Ce n’est qu’un facteur, et une attaque chinoise ne semble pas imminente.
« Les autres facteurs qui pourraient déclencher une guerre à Taïwan sont les politiques liées à l’impérialisme américain, qui veut utiliser la question de Taïwan pour faire une démonstration de force contre la Chine. Les possibilités de lutte de masse des travailleurs, des travailleuses et de la jeunesse à Taïwan, en Chine et aux États-Unis sont également des facteurs. Les régimes pourraient paniquer et cela pourrait déclencher un conflit.
« Les États-Unis ne veulent pas d’une guerre maintenant, d’autant plus qu’ils ont les mains pleines avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Mais les États-Unis arment et militarisent Taïwan et forgent de nouvelles alliances militaires, comme le pacte AUKUS (Accord de coopération militaire entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis) qui est entièrement orienté vers une future guerre avec la Chine. L’objectif est de contenir ce pays. Cette stratégie dangereuse pourrait elle-même déclencher une guerre. Dans le même temps, les États-Unis tentent d’écraser la Chine sur le plan économique, en particulier dans le domaine technologique.
« Nous soutenons le droit à l’indépendance du peuple taïwanais. Mais à moins qu’un mouvement ouvrier uni ne soit constitué de Chinois, de Taïwanais et d’autres personnes de la région pour lutter contre le capitalisme et le militarisme, la ‘solution’ du capitalisme pourrait se transformer en une terrible guerre. »
Quelle alternative ChinaWorker envisage pour le régime chinois actuel et comment l’obtenir ?
« Le régime chinois est confronté à une crise sans précédent. Les manifestations de l’an dernier étaient une indication de ce qui nous attend. L’économie connait une crise profonde, ce qui signifie que Xi Jinping ne peut pas offrir une plus grande sécurité économique comme « carotte » pour réduire le mécontentement des masses. Il ne lui reste que le « bâton » d’une répression policière accrue combinée à un nationalisme réactionnaire. La perspective, c’est une lutte de masse encore plus importante.
« Une dictature ne peut pas être réformée. Cela ne s’est jamais produit dans l’histoire. La lutte de masse, en particulier celle des travailleurs et travailleuses par le biais de grèves et d’occupations, a toujours été la principale force contre une dictature – comme en Corée du Sud et en Afrique du Sud. Mais cette lutte a besoin d’une direction, d’une organisation et d’un parti, qui font défaut en Chine. Le régime de Xi ne permet aucune activité politique. Il interdit tous les syndicats.
« Pour les socialistes révolutionnaires, la lutte démocratique pour les droits démocratiques fondamentaux tels que la liberté d’expression est inséparable de la lutte pour le socialisme. C’est ainsi que les bolcheviks russes ont abordé la question. La Chine compte 1.133 milliardaires contre 716 aux États-Unis. La lutte contre la dictature ne vient pas de la classe capitaliste. Elle doit se développer contre eux et contre la dictature qui représente leurs intérêts. »
Nous sommes heureux d’accueillir Lei Han (activiste de Chinaworker.info) lors de nos Journées SOCIALISME 2023 ces 14 & 15 avril.
Le VENDREDI, dans un atelier de discussion (de 15h30 à 18h), il animera une table de questions/réponses : La Chine est-elle impérialiste ? Est-elle différente de l’impérialisme occidental ? Pourquoi le régime se dit-il « communiste » ?
Le SAMEDI : il sera présent lors de la session d’ouverture (10h00-10h45) qui aura pour thème “Les crises multiples du capitalisme et le guide d’action du socialisme révolutionnaire” au côté de Cédric Gerome, membre de l’Exécutif international d’ASI, auteur de “Tunisie 2010-2013 : Le peuple veut la chute du système” et spécialiste des processus révolutionnaires dans la région.
Le SAMEDI également, (16h-18h30) il animera un atelier de discussion ayant pour thème “Après “Zero Covid” et les actions en Chine, comment la classe travailleuse peut-elle poursuivre le combat contre le régime ?”
Inscriptions et programme complet : https://linktr.ee/lsppsl

-
Kurdistan. « C’est pas le béton qui a tué les gens, c’est la politique d’Etat »
Les séismes en Turquie, en Syrie et au Kurdistan ont causé des dizaines de milliers de victimes. Le régime turc se retranche derrière « le destin », mais la catastrophe est loin d’expliquer seule l’ampleur du drame. Nous en avons discuté avec Mizgin, membre liégeoise de la plateforme « Jin Jiyan Azadi » (Femme, Vie, Liberté), coupole qui regroupe les organisations de femmes kurdes.
« Depuis 1999 et le tremblement de terre de Yalova (Istanboul), une loi a été votée en prévision de nouveaux tremblements de terre avec une taxe spéciale visant à garantir une provision pour l’aide, les containers d’urgence pour loger les victimes,… Cet argent a disparu. L’Etat turc l’a utilisé pour faire la guerre, contre les Kurdes tout particulièrement, notamment en envahissant Afrin et la région kurde au nord de la Syrie.
« On compte plus de 100.000 morts, des villes entières ont été détruites. Mais tous les bâtiments n’ont pas été touchés de la même manière. Les bâtiments d’Etat tiennent mieux par exemple. Les entreprises immobilières ont empoché de l’argent sur le peuple en économisant sur les matériaux avec la complicité des autorités. La Turquie est pourtant connue comme un endroit sujet à des séismes réguliers, comme le Japon.
« Alors oui, il est question de plaques tectoniques, mais le reste n’est pas naturel, c’est politique. Ce sont les territoires kurdes qui ont été les plus touchés. L’aide officielle n’y est arrivée qu’après 3 jours et ce ne sont d’abord que les endroits qui comptaient plus de votes pour l’AKP (parti islamiste de droite du président Erdogan, NDLR) et le MHP (extrême droite, allié à l’AKP) qui ont été secourus. Les secours sont instrumentalisés par la propagande de l’AKP et du MHP alors que l’aide d’organisations liées au mouvement kurde ou à la gauche comme le HDP (Parti démocratique du peuple) est bloquée ou détournée.
« Des gens ont été laissés sous les décombres parce qu’ils étaient Kurdes ou Alevis (branche particulière de l’islam, non sunnite, NDLR). Aujourd’hui, Erdogan veut vider les villes détruites et y installer des partisans, comme il l’a fait à Afrin avec l’occupation militaire. Beaucoup d’enfants ont disparu, on ne sait pas ce que sont devenus de nombreux orphelins et on craint que beaucoup ont été kidnappés pour être placés dans des familles d’accueil islamistes proches du régime.
« Tout est politique, et on espère que cela aidera le peuple turc à se réveiller. Le régime peut utiliser le choc de la crise à son avantage, mais cela ne durera qu’un temps car ses promesses sont creuses. »
-
Rencontres avec un militant sidérurgiste iranien
Quel rôle joue le mouvement ouvrier dans les protestations en Iran ?
- Lundi 27 février. Liège. 18h30 Place du XX août // salle Commu 2 // Evénement Facebook
- Mardi 28 février. Bruxelles. 18h30 ULB Campus Solbosch // DC2.206, ULB Solbosch // Evénement Facebook
L’assassinat de Zhina (Mahsa) Amini, une jeune femme kurde, par la “police des mœurs” en Iran a provoqué un mouvement de masse audacieux et explosif, défiant le pouvoir des mollahs et le régime ! Depuis lors, les actions de révolte et de lutte se sont succédé sous le slogan « femme, vie, liberté ! » issu du mouvement des femmes kurdes. De la mort est né le désir d’une vie plus libre. Les gens se sont tout d’abord rassemblés pour les funérailles de la jeune Zhina et ont ensuite continué à se rassembler pour lutter contre le hijab obligatoire, puis pour leur liberté : les femmes brûlaient ou enlevaient leur hijab, des sittings et des grèves dans les universités ont été organisés et des travailleurs du secteur pétrochimique se sont mis en grève dans le sud du pays.
Malgré la répression intense, le mouvement, bien qu’affaibli, continue. Comparé au début du mouvement, il y a moins de manifestations. Mais les mobilisations se poursuivent tout de même. Des comités de quartiers organisent et invitent à la manifestation, des médecins et des membres du personnel soignant s’organisent clandestinement pour soigner les manifestants, des syndicalistes appellent à la grève…
Il semblerait que le régime ne soit pas prêt de s’écrouler cela dit. La dictature déploie toutes les armes à sa disposition pour freiner l’élan révolutionnaire. Rien ne les effraie, y compris le meurtre. Le régime a pour l’instant condamné à mort pas moins de 11 personnes ; deux d’entre-elles ont déjà été exécutées, dont un mineur. Plus de 400 personnes sont mortes pendant les soulèvements et 16000 personnes ont été arrêtées.
Se pose alors la question : quelles perspectives pour la suite du mouvement ? Sans aucun doute, le mouvement ouvrier à un rôle à jouer. Il reste la seule force sociale capable de mettre fin au régime des Mollah et à la structure économique sur laquelle il se repose, à savoir le capitalisme. Les manifestations en Iran, ont d’ailleurs pris un caractère de classe.
Nous en discuteront avec Meysam Al-Mahdi, vétéran de la lutte syndicale iranienne, travailleur depuis 15 ans dans la sidérurgie. Il est l’un des ouvriers les plus connus d’Ahvaz National Steel Company, car il était leur porte-parole au plus fort du mouvement contre la privatisation de l’entreprise. Il a commencé son travail dans ce complexe en 2007 en tant qu’employé de service journalier (à la cantine) puis il a commencé à travailler comme ouvrier avec des contrats temporaires dans le secteur de production et y a travaillé jusqu’en 2018. Après avoir été arrêté à plusieurs reprises, il a été emprisonné en tant que porte-parole des travailleurs ; Après un certain temps passé en prison, Il vit désormais dans la clandestinité.
Aujourd’hui, il vient porter le vocabulaire et la littérature de sa classe. Il vient porter la parole des opprimés d’Iran. Il vient nous rappeler que la lutte est internationale et que, en tant qu’étudiant.e, en tant que femme ou en tant que travailleur.euse, il y a une nécessité absolue de s’intéresser au mouvement révolutionnaire qui fait trembler les oppresseurs d’Iran et du monde entier, car il y a d’importantes leçon à en tirer pour nos propres luttes.
L’internationalisme, c’est concret. La lutte des femmes, des étudiant.e.s et des travailleur.euse.s d’Iran, c’est la nôtre. Leurs mort.es, c’est les nôtre. Nous envoyons nos salutations solidaires au révolté.e.s d’Iran.
- Lundi 27 février. Liège. 18h30 Place du XX août // salle Commu 2 // Evénement Facebook
-
Chine. L’effondrement de la politique du zéro COVID de Xi Jinping
La sortie soudaine et chaotique des contrôles stricts sur les pandémies laisse les villes aux prises avec la poussée explosive du COVID.
Par Vincent Kolo, chinaworker.info
En réponse à une vague de protestations anti-gouvernementales fin novembre (voir les liens ci-dessus), la dictature chinoise (PCC) a brusquement tourné le dos à son régime profondément impopulaire « Zero COVID ». Mais pour les masses chinoises, il s’agit de passer « de la poêle à frire au feu ». Malgré l’absence de données fiables et la sous-estimation délibérée du nombre de décès, il semble que les grandes villes comme Pékin, Shanghai et Guangzhou connaissent actuellement une poussée explosive du variant Omicron, et que d’autres régions du pays s’attendent à connaître le même sort dans les semaines à venir.
Selon les données officielles, le nombre de nouvelles infections dans l’ensemble du pays s’élève à environ 2.000 par jour, un chiffre ridiculement bas. Selon des estimations officieuses, la moitié des 22 millions d’habitants de Pékin ont déjà été infectés par Omicron. Même Hu Xijin, ancien rédacteur en chef du Global Times (quotidien chinois épousant la ligne éditoriale du Quotidien du Peuple, le journal officiel du Parti communiste chinois, NDT), a posté une réprimande sur les réseaux sociaux chinois : « Soit vous communiquez des chiffres réels, soit vous arrêtez de les publier. »
La Chine pourrait désormais connaître la vague de COVID la plus rapide de l’histoire de la pandémie. Les experts chinois prévoient que 840 millions de personnes pourraient être infectées au cours des prochains mois. La rapidité et l’ampleur terrifiantes de cette épidémie sont dues, d’une part, aux variants hautement transmissibles d’Omicron qui se propagent maintenant à l’intérieur du pays et, d’autre part, à une population en grande partie « immunologiquement naïve » qui n’a pas été exposée au virus pendant trois ans en raison d’une politique « Zéro COVID » rigoureuse basée sur le confinement, les restrictions de voyage et les tests de masse, tous soudainement supprimés dans de nombreuses régions du pays.
Omicron est relativement bénin pour la plupart des gens, mais hautement infectieux. Le variant BF.7 qui sévit actuellement en Chine a un « nombre R » reproductible de 16, contre 10 ou 11 lors de l’épidémie d’Omicron de l’hiver dernier aux États-Unis. Ce chiffre indique le nombre moyen de personnes infectées par chaque cas positif. Le 11 décembre, le principal épidémiologiste chinois, Zhong Nanshan, a déclaré aux médias d’État que ce nombre était encore plus élevé en Chine, une personne en infectant 22 autres. Alors qu’aux États-Unis, l’hiver dernier, les cas doublaient tous les deux ou trois jours, « maintenant, en Chine, le temps de doublement est de quelques heures », a déclaré l’épidémiologiste Ben Cowling de l’université de Hong Kong (15 décembre). Compte tenu du faible taux de vaccination des personnes âgées en Chine, avec seulement 40 % des plus de 80 ans entièrement vaccinés, on prévoit entre un demi-million et deux millions de décès dus au COVID au cours des prochaines vagues.
Crise politique
À la fin du mois de novembre, des manifestations ont éclaté dans une vingtaine de villes et plus de 80 universités pour protester contre les confinements incessants et les tests stricts de la politique « Zéro COVID ». Ces manifestations ont été d’une ampleur historique et ont brisé le moule des protestations des trois dernières décennies en ce qu’elles étaient d’envergure nationale et parce qu’elles ont soulevé des revendications explicitement politiques de droits démocratiques et même de « démission » de Xi Jinping.
Le PCC a investi des sommes colossales dans la création de l’État policier le plus grand et le plus sophistiqué technologiquement au monde. Il l’a fait précisément pour rendre impossible une telle flambée de protestation. Bien sûr, ce projet était voué à l’échec, comme nous l’avions prédit. Bien que les manifestations aient rassemblé un nombre relativement modeste de personnes, le simple fait qu’elles aient eu lieu a plongé le régime de Xi dans un état de crise.
Le moment et la manière dont la dictature a abandonné ses contrôles « zéro COVID » défient toute logique, à moins que l’on ne comprenne qu’il s’agit d’une réaction de panique face à ces protestations et à la crainte de leur extension faute de réaction. Non seulement c’est l’hiver, avec le Nouvel An chinois (la plus grande migration humaine annuelle au monde) dans un mois à peine, mais la Chine connaissait déjà sa plus grande vague d’infections lorsque le gouvernement a fait volte-face.
Dans aucun des autres pays qui ont suivi une stratégie « Zéro COVID », celle-ci ne s’est terminée de manière aussi désordonnée, abrupte et inopportune. En Chine, les éléments clés d’une stratégie alternative de lutte contre la pandémie, tels qu’une campagne de relance de la vaccination et le renforcement du système de santé publique, en particulier de la capacité des unités de soins intensifs, sont seulement maintenant improvisés à la hâte, au lieu d’avoir été préparés à l’avance.
Plutôt qu’une transition, c’est comme si l’ancien régime de lutte contre la pandémie s’était effondré. Le gouvernement n’a pas de « plan B » autre que celui d’improviser au jour le jour. La propagande d’État de ces trois dernières années, qui liait étroitement la doctrine « Zéro COVID » à Xi personnellement (il est le « commandant en chef » de la « guerre populaire » contre le virus), soulignait qu’il s’agissait de la meilleure stratégie pandémique au monde et de la preuve du « système supérieur » de la Chine par rapport aux « démocraties » chaotiques de style occidental. Les politiques pandémiques désastreuses des gouvernements occidentaux, enracinées dans des décennies de destruction néolibérale de l’aide sociale, ont flatté l’approche contraire mais tout aussi antisociale de Xi.
Aujourd’hui, la stratégie pandémique du régime chinois est « optimisée » selon son nouveau mot à la mode. Le « zéro COVID » n’est pas officiellement mort, mais il n’est plus mentionné dans les déclarations officielles. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire qu’une campagne politique se poursuit en nom longtemps après avoir été interrompue dans la pratique pour éviter d’humilier le dirigeant. La révolution culturelle de Mao ne s’est officiellement terminée qu’à sa mort en 1976, alors qu’en réalité elle s’était déjà terminée en 1969.
Pourquoi cela ? Pourquoi maintenant ?
Xi s’est maintenant tu, bien qu’il ait clairement sanctionné ce changement de politique. La responsabilité du démantèlement du « Zéro COVID » a été dévolue aux gouvernements locaux, en partie pour protéger l’empereur des retombées. La crainte de la dictature d’une colère généralisée est évidemment la principale raison de ce soudain virage à 180 degrés. Mais il y a aussi un élément de vengeance : punir les masses pour avoir osé défier Xi.
La dictature a compris que le virus peut être un allié pour pacifier la population et endiguer de nouvelles protestations. Cela a joué un rôle important dans la bataille menée par le PCC pour rétablir son contrôle sur Hong Kong en 2020, à un moment où la lutte anti-autoritaire de masse était déjà entrée dans une phase de déclin. C’était des mois avant que la loi sur la sécurité nationale ne soit imposée à la ville. Dans de nombreux pays occidentaux, la phase initiale de la pandémie, avec une recrudescence des cas et une société plongée dans le chaos, s’est également accompagnée d’un arrêt ou d’un net ralentissement de la lutte de masse.
Plutôt que de descendre dans les rues pour profiter de sa nouvelle mobilité, la population des plus grandes villes chinoises a largement évité de s’aventurer à l’extérieur par peur de l’infection ou parce qu’elle est infectée. La semaine dernière, Pékin a été décrit sur internet comme une « ville fantôme virtuelle ». Le nombre de passagers du métro à Pékin et dans plusieurs autres grandes villes est inférieur à ce qu’il était avant la levée des restrictions du programme « Zéro COVID », lorsque la preuve d’un test PCR négatif était requise pour utiliser les transports publics.
Les hôpitaux de la capitale seraient débordés, avec des scènes qui rappellent celles de Hong Kong au début de l’année, avec des patients obligés d’attendre dehors dans les parkings des hôpitaux. Un nombre alarmant de membres du personnel médical est infecté, et des rapports indiquent que des médecins et des infirmières de Pékin ont reçu l’ordre de travailler malgré des tests positifs au COVID. Les médicaments courants contre la fièvre, tels que le paracétamol et l’ibuprofène, ainsi que les kits d’autodiagnostic, ont été épuisés dans de nombreuses villes, ce qui prouve une fois de plus que le changement de politique du régime n’était pas du tout planifié et qu’il s’agissait d’un réflexe. Les banques de sang seraient également à court de sang.
Les crématoriums de Pékin fonctionnent 24 heures sur 24, ce qui accroît les spéculations selon lesquelles le gouvernement supprimerait les données relatives aux décès dus au COVID. À Wuhan, lors de l’épidémie initiale au début de l’année 2020, il était largement admis que le nombre officiel de décès était sous-estimé. Officiellement, deux personnes sont mortes du COVID à Pékin depuis le 3 décembre. Un hashtag sur les deux décès est devenu viral sur les réseaux sociaux, beaucoup exprimant leur incrédulité.
Non seulement le nombre officiel de décès en Chine ne correspond pas à l’expérience d’autres pays après la levée des restrictions, mais il est également remis en question par les récits de témoins oculaires. « Des journalistes de l’agence Reuters ont vu des corbillards alignés à l’extérieur d’un crématorium COVID-19 à Pékin et des ouvriers en combinaison de protection transportant les morts à l’intérieur de l’installation », a rapporté Reuters le 19 décembre. Les recherches Internet des habitants de Pékin sur les « maisons funéraires » ont atteint leur niveau le plus élevé depuis le début de la pandémie.
La lutte de pouvoir interne du PCC
Le régime de Xi a été soumis à une pression croissante pour sortir de la politique du « Zéro COVID » afin de faire face à l’aggravation du marasme économique et d’endiguer la tendance au découplage accéléré de l’économie chinoise vis-à-vis des entreprises occidentales. De nombreux gouvernements locaux ont été mis au bord de la faillite par les coûts énormes de maintien de l’infrastructure « Zéro COVID », en particulier la demande de tests de masse à grande échelle. Soochow Securities a estimé qu’une année de tests de masse pourrait coûter aux collectivités locales chinoises un total de 1,7 trillion de yuans (257 milliards de dollars), soit environ 1,5 % du PIB.
Cette pression économique a exacerbé la lutte pour le pouvoir au sein du PCC et les conflits entre le centre et les régions. Pour Xi, un avantage important de la politique « Zéro COVID » était son rôle dans la lutte de pouvoir interne au PCC en tant qu’outil pour éliminer les critiques et récompenser ceux qui font preuve d’une loyauté servile.
Le chômage record des jeunes (près de 20 % officiellement), la baisse des salaires réels et l’implosion du marché immobilier sont autant de facteurs importants à l’origine des manifestations de novembre. Les médias et les organes de propagande de la dictature n’ont bien sûr pas fait état de ces manifestations. Officiellement, elles n’ont pas eu lieu. Il serait extrêmement dangereux pour ce régime de reconnaître que la pression de masse lui a forcé la main.
Lors du 20e congrès du PCC, six semaines seulement avant cette explosion de la lutte, Xi Jinping a de nouveau réitéré la nécessité de maintenir la politique du « zéro COVID ». Au cours du congrès, il a été annoncé que la capacité de dépistage de la Chine avait atteint le niveau incroyable d’un milliard de tests PCR par jour. On peut se demander aujourd’hui à quoi a servi cet investissement massif, car les tests de masse sont sommairement abandonnés.
Lors du congrès, Xi a purgé le Comité permanent du Politburo des éléments d’opposition et a promu des acolytes comme Li Qiang et Cai Qi, tous deux fortement associés à l’application du programme Zéro COVID dans leurs villes. En tant que chef du PCC de Shanghai, Li Qiang a présidé au confinement brutal de deux mois de la plus grande ville de Chine au début de l’année, suscitant un mécontentement massif de la population. Ce n’est pas une coïncidence si, lors des manifestations de novembre, certains des slogans antigouvernementaux les plus radicaux sont apparus à Shanghai, notamment les chants « A bas le PCC » et « Xi Jinping démission ».
L’homologue de Li à Pékin, Cai Qi, également promu au Comité permanent lors du 20e Congrès, a annoncé en juin que le programme Zero COVID serait « maintenu pour les cinq prochaines années ». Cette déclaration est devenue virale, mais pas dans le sens où Cai l’entendait, et en quelques heures la référence aux « cinq ans » a été supprimée des rapports de presse.
Le COVID zéro a maintenant disparu des déclarations officielles. Les derniers commentaires publics de Xi sur cette politique ont eu lieu lors de la réunion du Politburo du 10 novembre, lorsqu’il a demandé aux membres du Politburo de s’en tenir « résolument » au « Zéro COVID ». Elle n’a pas été mentionnée une seule fois dans le nouveau plan en 10 points annoncé le 7 décembre par la Commission nationale de la santé (CNS) et le mécanisme conjoint de prévention et de contrôle du Conseil des affaires d’État (le cabinet chinois). Il s’agit d’une « volte-face étonnante », comme l’a noté le Financial Times. Mais il est également important de noter qu’il n’y a pas eu d’annonce officielle de la fin de cette politique. Dans le jargon typique du PCC, la politique a été « optimisée ».
Le régime de Xi a substitué une politique désastreuse à une autre. Les déclarations officielles présentent le soudain changement de cap chaotique du régime comme un raffinement fondé sur de prétendus « succès ». Les médias d’État soulignent aujourd’hui la réduction de la gravité de l’Omicron – ce qui n’est guère une nouvelle – alors qu’auparavant ils rapportaient le contraire. Ils saluent le taux de vaccination de 90 %, mais celui-ci a été atteint il y a plus d’un an, et exclut des dizaines de millions de personnes parmi les plus vulnérables.
Tous les facteurs actuellement cités pour justifier le changement soudain de politique étaient présents depuis longtemps, mais le régime de Xi a persisté malgré tout. Il l’a fait en partie pour des raisons politiques, notamment la recherche d’une forme extrême de contrôle social, et comme une arme dans le programme de lutte pour le pouvoir de Xi avant le 20e Congrès (pour cimenter son projet de règne à vie).
Ce qui se passe maintenant est un échec politique massif. Chinaworker.info a constamment critiqué la politique « Zéro COVID » de Xi pour son absence de base scientifique, sa brutalité et sa lourdeur bureaucratique. Les mesures de confinement n’ont pas été utilisées pour gagner du temps afin de remédier aux taux de vaccination trop faibles du pays. Selon le FMI, 375 millions de personnes âgées de plus de 15 ans en Chine n’ont pas encore reçu trois doses, dont plus de 90 millions de personnes âgées de plus de 60 ans. Plutôt que de résoudre la crise du système de santé public, les ressources ont été détournées vers la machinerie gargantuesque des tests, de la quarantaine et de l’application des mesures de confinement. Les vaccins les plus efficaces – étrangers – sont interdits en Chine (sauf pour les étrangers !), dans le cadre de la propagande nationaliste anti-occidentale de Xi.
Selon les données officielles, au 19 novembre, seuls 1,9 million de Chinois ont été infectés par le COVID sur une population de 1,4 milliard d’habitants. Feng Zijian, ancien directeur adjoint du Centre de contrôle et de prévention des maladies, a déclaré qu’il s’attendait à ce que 60 % de la population chinoise soit infectée lors d’une première vague d’infections – ce qui se traduit par 840 millions de nouveaux cas. À terme, jusqu’à 90 % de la population chinoise aura été infectée, selon M. Feng.
Les semaines à venir s’annoncent particulièrement incertaines. Même si de nombreuses villes ont abandonné l’ancienne politique, les confinements sont toujours d’actualité. Shanghai a annoncé la fermeture de toutes ses écoles et de tous ses jardins d’enfants à partir du 19 décembre. Les étudiants universitaires auxquels chinaworker.info a parlé dans différentes villes rapportent que de nombreuses restrictions sont toujours en place.
La politique du PCC en matière de pandémie restera probablement erratique, avec des zigzags et des crises. Sa nouvelle politique fait peser le plus lourd fardeau sur la classe ouvrière et sur le secteur précaire qui comprend 300 millions de travailleurs migrants, sur les travailleurs de la santé et sur la population rurale où les soins de santé publics sont dans un état encore plus délabré. On compte 1,48 médecin et 2,1 infirmières pour 1 000 habitants dans les zones rurales, contre 3,96 médecins et 5,4 infirmières pour 1 000 habitants dans les villes, selon le South China Morning Post (12 décembre 2022).
Il n’est pas exclu que le régime effectue de nouveaux virages à 180 degrés au cours de la prochaine période. Les zigzags politiques font après tout partie de l’ADN du PCC. Si les scénarios les plus pessimistes concernant les décès dus au COVID se réalisent, nous pourrions assister à un nouveau pivot vers des confinements à grande échelle, bien que cela se heurte à des difficultés croissantes. Xi a jusqu’à présent gardé un silence complet sur l’échec du « Zéro COVID », ce qui pourrait le mettre en position de revenir sur la politique actuelle tout en désignant d’autres dirigeants du PCC et les administrations locales comme responsables de cet échec.
D’autres pirouettes politiques sont possibles, comme la mise en œuvre d’une obligation de vaccination pour les personnes âgées – une mesure que le régime a évitée, par crainte d’une opposition importante découlant du bilan effroyable de la Chine en matière de vaccins défectueux bien avant le COVID. Il n’est pas totalement exclu que l’interdiction des vaccins étrangers à ARNm soit levée, en fonction de la gravité de la situation.
Des concessions possibles ?
Le régime de Xi a été contraint de changer de cap sous la pression de masse, mais le nouveau cap est à bien des égards pire que son prédécesseur. Il ne s’agit pas d’une véritable concession et encore moins d’une réforme, au sens d’une amélioration tangible. Il montre à l’importante minorité de la population qui est au courant des manifestations de masse (la plupart des gens ne le savent pas) que la lutte peut obliger la dictature à reculer, au moins partiellement. Les marxistes expliquent l’importance de ce fait comme une leçon cruciale pour les luttes futures. Mais nous expliquons aussi qu’il faut faire plus.
ASI et chinaworker.info ont expliqué que la dictature capitaliste en Chine possède, en règle générale, moins de flexibilité politique qu’un système démocratique bourgeois avec son parlement et ses gouvernements (capitalistes) tournants. Certains défis qui ne mettent pas automatiquement en danger un régime « démocratique » de style occidental, comme l’effondrement de l’autorité d’un gouvernement, peuvent constituer une crise existentielle pour une dictature.
Par exemple, en Grande-Bretagne, l’année dernière a vu une série de gouvernements se désintégrer de manière spectaculaire, ce qui reflète une crise historique du principal parti capitaliste, les Tories. Mais cela n’a pas encore mis à l’ordre du jour l’effondrement du système capitaliste britannique.
Il existe d’autres exemples où les gouvernements capitalistes « démocratiques » manœuvrent avec un degré de liberté qui n’est pas possible dans la même mesure dans un système autoritaire rigide comme en Chine ou actuellement en Iran. C’est pourquoi la classe capitaliste, en règle générale, sauf dans des conditions spécifiques comme celles de la Chine où les relations capitalistes sont historiquement tardives et extrêmement instables, préfère la démocratie bourgeoise à la dictature bourgeoise. Mais même les capitalistes les plus « démocratiques » peuvent se réconcilier avec la dictature si la survie de leur système l’exige.
Les demandes démocratiques, par exemple la demande de syndicats indépendants, ou la liberté d’expression et la suppression des mesures de censure draconiennes, sont combattues bec et ongles par le régime du PCC parce que ces choses mettraient en danger son pouvoir, menaçant de déclencher une réaction en chaîne de perte de contrôle vers la dissolution et l’effondrement. Par conséquent, toute concession en zigzag sera suivie d’une nouvelle répression.
Le PCC n’est pas un parti, c’est l’État. La chute du PCC signifie donc l’effondrement de l’État. C’est la principale raison pour laquelle Xi a décidé qu’il n’avait pas d’autre choix que d’écraser la lutte pour la démocratie à Hong Kong, de peur qu’elle n’atteigne un point où elle déborderait sur la Chine continentale.
Cela ne signifie pas que la dictature ne peut pas faire de concessions lorsqu’elle est sous la pression d’une lutte de masse. En 2010, Pékin a contraint les constructeurs automobiles japonais à accorder des augmentations de salaire de 30 % aux ouvriers de l’automobile dans le Guangdong, afin de mettre fin à une vague de grèves qui commençait également à susciter des revendications en faveur d’un syndicat indépendant. En 2003, face à ce qui était alors la plus grande manifestation de masse jamais organisée à Hong Kong, Pékin a ordonné au gouvernement de Hong Kong d’effectuer une retraite humiliante et d’abandonner son projet de loi sur la sécurité “Article 23”. Le gouvernement de Hong Kong est tombé – il était remplaçable. Dans le Guangdong, le PCC provincial a également organisé une retraite partielle à propos du village contestataire de Wukan en 2011. Les négociateurs du PCC ont accepté d’autoriser une élection dans le village et la libération des manifestants arrêtés.
Qu’avaient en commun ces concessions ? Premièrement, et surtout, elles ne menaçaient pas fondamentalement le pouvoir et le contrôle de la dictature. Deuxièmement, la partie concédante dans ces exemples n’était pas le gouvernement central mais une agence subordonnée ou une partie extérieure – un futur bouc émissaire. Troisièmement, toutes ces concessions pouvaient être et étaient en fait annulées par de nouvelles attaques contre-révolutionnaires.
Par conséquent, le règne historique du PCC n’est pas entièrement dépourvu de flexibilité politique. Mais celle-ci est beaucoup plus limitée que dans la plupart des régimes capitalistes « démocratiques ». Et cette flexibilité a diminué de façon spectaculaire sous le règne de Xi Jinping. Le « bâton » de la répression est devenu plus gros tandis que la « carotte » des concessions est devenue plus petite. Sous la pression d’un mouvement ou d’une crise potentiellement révolutionnaire, le régime du PCC pourrait faire des promesses et proposer des réformes, auxquelles on ne peut jamais se fier. Ce qu’ils ne feront pas, c’est dissoudre la dictature et le capitalisme. Cette tâche nécessite un mouvement ouvrier de masse avec un programme démocratique et socialiste révolutionnaire.
-
Répression des manifestations en Chine, mais solidarité à l’extérieur
Fin novembre, la Chine a été frappée par une vague sans précédent de manifestations de masse dans une vingtaine de villes et plus de 80 universités. Ces manifestations ont plongé le régime de Xi Jinping dans un état de quasi-panique. Pour l’instant, la dictature chinoise du PCC et son Etat sécuritaire semblent avoir réussi à étouffer les manifestations. Mais la société chinoise ne reviendra pas en arrière.
Par Elan Axelbank, Socialist Alternative (ASI-USA)
Ces dernières années, de petites manifestations localisées contre les confinements, la pollution ou la corruption n’étaient pas inhabituelles en Chine. Et cela, même si elles ont toujours été fortement censurées. Ce qui a rendu la récente vague de protestations différente, c’est qu’elle était d’envergure nationale et que, dans certains cas, elle comportait des revendications politiques en faveur des droits démocratiques et contre la dictature. Les personnes manifestants ont appelé à la fin des politiques nationales telles que la politique “zéro COVID”. Elles ont exigé la liberté d’expression, de presse et de réunion. Des chants contre Xi Jinping et le Parti soi-disant communiste (PCC) ont retenti à Shanghai et dans les universités. La diffusion de tels slogans en public n’a pas été entendue depuis le mouvement de masse de 1989. Cela constitue une «subversion contre l’État» et est passible de nombreuses années de prison.
Le ralentissement des protestations, qui pourrait bien n’être que temporaire, est en partie dû à la répression de l’État. Mais il est aussi dû au fait que l’organisation de la classe ouvrière chinoise est empêchée par l’État policier vicieux et l’interdiction des syndicats. Par conséquent, toutes les luttes ont tendance à être convulsives et spontanées, elles manquent d’organisation. Les grèves en Chine sont ainsi rarement organisées. Le plus souvent, elles surviennent lorsque la brutalité et la tromperie envers les travailleurs et travailleuses atteignent un point de rupture.
L’arrêt des manifestations n’est toutefois pas universel. De multiples manifestations de travailleuses et travailleurs migrants ont encore eu lieu ces derniers jours dans le Guangdong et une manifestation a eu lieu à l’université de Nanjing. Les étudiantes et étudiants de Nanjing ont protesté après la levée du confinement de leur campus, avant que celui-ci ne soit soudainement réimposé quelques jours plus tard. Ce processus risque de se répéter dans toute la Chine au cours des prochains mois. La question n’est pas de savoir si les protestations réapparaîtront, mais de savoir quand.
Qu’arrive-t-il à la politique zéro COVID?
Dernièrement, plusieurs des plus grandes villes de Chine ont annoncé un assouplissement de leur politique de confinement. Dans certaines villes, l’obligation de présenter un test PCR négatif pour voyager dans les transports publics a été supprimée. À Pékin, certains complexes d’appartements ont indiqué que les résidentes et résidents pouvaient être mis en quarantaine chez eux au lieu de l’être dans les camps centralisés (fangcang) souvent décrits comme étant pires que la prison.
Il est à noter que Xi Jinping lui-même n’a fait aucune déclaration concernant la politique “zéro COVID” ou l’assouplissement des mesures de confinement (à l’exception de commentaires privés faits au président du Conseil européen en visite, Charles Michel). Xi n’a pas reconnu publiquement que des manifestations ont eu lieu. Ces dossiers ont été délégués à des fonctionnaires locaux afin de protéger Xi, qui ne peut pas «revenir» sur sa politique phare des trois dernières années. Il ne fait aucun doute que ces fonctionnaires ont l’approbation du dictateur. Alors que les médias étrangers dépeignent ces mesures comme un retrait total de la politique du zéro COVID, il s’agit en réalité d’un retrait partiel, bien qu’il puisse s’approfondir. Actuellement, 450 millions de personnes vivent dans une forme ou une autre de confinement en Chine, contre 528 millions il y a une semaine.
Loin de représenter un «adoucissement» de la dictature dans son ensemble, ce changement indique simplement que pour Xi, la propagation du COVID-19 – comme le potentiel de centaines de milliers de morts ou, comme certains experts l’ont indiqué, jusqu’à deux millions – est un moindre mal par rapport à la manifestation publique de résistance au régime la plus importante depuis 30 ans. Cela montre à quel point le régime est effrayé et peu confiant, en particulier au moment où la Chine s’enfonce dans une crise économique (Capital Economics prévoit une croissance du PIB réel de -1 % pour 2022). Cela confirme ce que nous avons dit avant et après le 20e congrès du PCC en octobre: la dictature agit de plus en plus en position de faiblesse, et non de force.
L’assouplissement de la politique zéro COVID présente désormais une nouvelle série de problèmes pour la société chinoise. Elle souligne clairement les limites de la «réforme» du système capitaliste autoritaire et pose avec acuité la question d’un changement systémique complet. Les gens ordinaires seront immensément soulagés de pouvoir se déplacer plus librement à l’extérieur, de prendre le métro, de s’engager dans davantage d’activités sociales, bien qu’il y ait également un certain scepticisme quant à la mise en œuvre réelle des mesures annoncées. Mais avec la flambée actuelle du virus, il est tout à fait possible que la Chine soit frappée par une grande vague de décès pendant les mois d’hiver, comme ce fut le cas à Hong Kong plus tôt cette année. Les vaccins chinois sont moins efficaces que ceux de l’Occident (interdits d’entrée en Chine), les taux de vaccination complète sont extrêmement faibles chez les personnes âgées (seules 40% des plus de 80 ans sont complètement vaccinées) et il y a une pénurie importante de lits de soins intensifs. Les scientifiques et les experts en matière de COVID-19 estiment que si le zéro COVID est levé, entre 1,5 et 2 millions de personnes pourraient mourir à travers le pays. Certains disent plus.
Sans «plan B», le régime va violemment zigzaguer à mesure que le variant Omicron hautement contagieux se répandra. Il passera du confinement, à l’assouplissement partiel, pour revenir au confinement. Mais dans la nouvelle période ouverte par les récentes manifestations, il sera de plus en plus difficile pour l’État de faire respecter des mesures de confinement complètes et durables, comme celles d’Urumqi ayant duré plus de 100 jours. Les étudiantes et étudiants de l’université de Nanjing lancent un avertissement au régime. L‘un d’entre eux a crié aux représentants de l’université: «Si vous nous touchez, vous deviendrez le deuxième Foxconn!», en référence à l’usine qui a connu une importante grève.
C’est pourquoi la section Chine/Hong Kong/Taïwan d’Alternative socialiste internationale (ASI) exige, au-delà de la simple fin du zéro COVID, des ressources massives pour construire et équiper le système de santé, intensifier le programme de vaccination, en particulier chez les personnes âgées, et la levée immédiate de l’interdiction des vaccins étrangers à ARN messager. Les pharmaceutiques et les autres compagnies COVID super rentables doivent devenir des propriétés publiques démocratiques sans rachat ni indemnité. Les ressources massives de ces entreprises doivent être investies dans le système hospitalier public.
Cependant, le Parti communiste (PCC), qui est en réalité le plus grand régime capitaliste du monde, ne prendra jamais de telles mesures. Ces changements constitueraient une menace fondamentale pour la maximisation des profits. La levée de l’interdiction des vaccins étrangers serait un aveu humiliant de faiblesse technologique nationale pour Xi, qui a besoin de souligner la grandeur nationale alors que la nouvelle guerre froide s’intensifie. Les dictatures ne sont jamais réformées. Le PCC doit être renversé et remplacé par un système socialiste démocratique où la classe ouvrière contrôle la société et où les droits démocratiques sont garantis à tout le monde. Un changement sérieux n’est pas possible sur la base du capitalisme, qui en Chine et dans de nombreuses régions d’Asie, a besoin d’un système autoritaire pour assurer sa domination.
La construction du mouvement en dehors de la Chine est cruciale
Lutter contre l’exploitation et l’oppression brutale du capitalisme chinois et de sa dictature à la Big Brother est extrêmement difficile et dangereux, pour ne pas dire plus. Immédiatement après la vague de manifestations de la dernière fin de semaine de novembre, le régime a envoyé des appels et des textos en masse aux personnes qui ont participé aux manifestations. Elles sont connues grâce aux caméras de sécurité et au suivi des téléphones portables. Le régime leur a communiqué que leur identité et leur participation aux manifestations sont connues de la police et les a averties de ne plus y participer. Peu avant que la récente vague de protestations n’éclate, ASI avait organisé à Londres une manifestation devant l’ambassade de Chine en solidarité avec le militant socialiste emprisonné Chai Xiaoming et pour la libération de toutes les personnes prisonnières politiques en Chine. À peine une semaine plus tard, une manifestation vingt fois plus importante est revenue au même endroit.
Mais s’élever contre la dictature n’est pas non plus sans danger pour les citoyennes et citoyens chinois vivant hors de Chine. De nombreux témoignages font état d’étudiantes et d’étudiants chinois qui étudient à l’étranger et qui participent à des veillées en solidarité avec les victimes de l’incendie d’Urumqi et les récentes manifestations, mais dont les familles en Chine reçoivent ensuite la visite de la police. Les systèmes de surveillance avancés de la dictature et son réseau d’espions et d’agents, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Chine, sont absolument massifs. Les rapports de ces derniers mois n’ont fait que le confirmer. Il s’agit d’un État totalitaire numérique, doté des technologies de surveillance les plus sophistiquées au monde (souvent développées en partenariat avec des entreprises américaines). Par définition, une dictature a besoin d’un état de surveillance intense pour rester au pouvoir.
À de nombreux moments de l’histoire, les efforts des socialistes et des activistes en exil ont joué un rôle essentiel dans le renversement des dictatures. Les personnes en exil ont pu créer des organisations et rédiger plus librement des documents politiques qu’elles pouvaient ensuite faire passer clandestinement dans leur pays d’origine. Ce fut certainement le cas avec la Révolution socialiste russe, menée par Lénine et Trotsky qui ont vécu en exil pendant la majeure partie de leur vie politique. Dans une moindre mesure, cela a aussi été le cas avec la fin de l’apartheid en Afrique du Sud.
Au cours des six derniers mois seulement, les restrictions COVID se sont visiblement assouplies dans le monde entier, mais restaient en place en Chine, dans un contexte de crise économique de grande ampleur. Une politisation rapide – et une radicalisation dans certains cas – a touché les étudiantes et étudiants chinois qui étudient à l’étranger. Le fait que les travailleuses et travailleurs de Foxconn, la plus grande usine d’iPhone du monde, se soient défendus contre leur confinement, les conditions dangereuses et les salaires volés a donné le coup d’envoi du récent mouvement. Les étudiantes et étudiants ont joué un rôle important dans sa propagation après l’incendie d’Urumqi. De même, les manifestations de solidarité internationales qui ont eu lieu au cours de la dernière semaine et demie ont été menées presque exclusivement par des étudiantes et étudiants chinois à l’étranger.
Alternative socialiste internationale (ASI) fait tout ce qu’elle peut pour aider à développer ce mouvement. Cela s’est traduit par le fait que nos sections nationales ont pris l’initiative d’organiser leurs propres manifestations, comme à Londres. Nos sections ont aussi aidé à organiser, puis à soutenir d’autres protestations et y prendre la parole à Taipei, New York, Dublin, Boston, etc. Partout où ASI est présente, nous contribuons à la discussion et au débat indispensables sur la voie à suivre pour le mouvement : quel type d’organisation, de revendications et de stratégies sont nécessaires pour gagner?
La Chine est le 2e pays le plus peuplé du monde, la 2e plus grande économie du monde, et elle est dirigée par la dictature la plus puissante du monde. Sa classe ouvrière est gargantuesque et constitue une puissance potentielle. La nouvelle guerre froide entre l’impérialisme chinois et l’impérialisme américain menace d’aggraver toutes les crises dans tous les coins du monde dans les années à venir, y compris la menace d’un élargissement du conflit militaire inter-impérialiste. La construction d’un véritable mouvement socialiste en Chine n’est pas une option, mais une nécessité pour la classe ouvrière internationale. ASI considère cette tâche comme une priorité absolue.
Rejoignez-nous!
La dictature du PCC traverse une crise historique. Comme le dit le proverbe, chaque décision qu’elle prend sera la mauvaise, car chaque «solution» qu’elle tente de mettre en œuvre ne fait que créer à son tour de nouvelles crises. Les manifestations se sont pour l’instant calmées, mais les chants «À bas le PCC» et «Xi Jinping! Démission!» ne peuvent pas être oubliés. Pour se préparer à l’émergence d’une nouvelle vague de protestations, il faut tirer les leçons des luttes contre les dictatures à travers l’histoire, ainsi que des luttes plus récentes comme le mouvement de Hong Kong de 2019.
Les manifestations spontanées peuvent faire irruption spontanément. Mais sans revendications claires et sans organisation, leur pouvoir de résistance sera toujours limité. Il doit y avoir une stratégie claire pour gagner, basée sur le pouvoir de la classe ouvrière canalisé dans des syndicats indépendants et des syndicats étudiants. Ce pouvoir s’exerce par des grèves massives et coordonnées. Des comités clandestins doivent être créés pour coordonner, élaborer des stratégies et développer la lutte. Nous devons être clairs sur l’impossibilité de réformer le PCC, qui loin d’être «communiste», est une dictature capitaliste. Il faut être clair sur la nécessité de remplacer ce système par un gouvernement ouvrier démocratique et un véritable socialisme. Pour toutes les personnes qui sont d’accord, Chinoises ou non, vivant en Chine ou non, rejoignez Alternative Socialiste Internationale (chinaworker.info en Chine/Hong Kong/Taiwan) et aidez-nous à construire cette lutte historique si crucialement nécessaire.