Category: Dossier

  • Gauches Communes à Saint-Gilles lutte pour un plan radical d’investissements publics pour un enseignement gratuit et de qualité !

    Gauches Communes défend l’ouverture de 4 nouvelles écoles communales

    La croissance démographique, et donc l’augmentation du nombre d’élèves, était prévisible. Le thème du manque de place dans l’enseignement allait inévitablement arriver sur table. Rien n’a été entrepris pour répondre de manière sérieuse au phénomène. C’est même pire : nous avons traversé 30 années de sous-financement et de coupes budgétaires à tous les niveaux de pouvoir avec pour conséquence une détérioration sans fin de l’enseignement : suppression de postes, détérioration des infrastructures, manque de places,…

    Par Nicolas Menoux

    Stop au bricolage : pour une infrastructure scolaire de qualité !

    A Saint-Gilles, dans l’urgence, la majorité communale a bricolé l’aménagement de places supplémentaires dans les écoles. Des conteneurs ont été placés dans l’école Ulenspiegel où deux ‘‘classes modulaires’’ ont été placées sur le terrain de foot de la cour de récréation. Idem à l’école Quatre Saisons pour une classe de 25 enfants en maternelle.

    Charles Picqué déclarait à ce propos : ‘‘On est confronté à un défi terrible et il faut choisir : soit il n’y a pas de locaux scolaires, pas de places dans les écoles, et c’est une catastrophe sans nom, soit on travaille dans les meilleures conditions possibles, même avec du matériel modulaire, des préfabriqués, etc. Vu l’urgence et la gravité, on n’a pas le choix.’’

    La majorité communale est clairement en retard sur les besoins. Elle est pourtant au pouvoir depuis des décennies et l’accroissement de la population scolaire n’était pas une surprise. Saint-Gilles est depuis longtemps déjà une des 3 communes bruxelloises (avec Schaerbeek et Saint-Josse) qui comprend le plus d’élèves devant se rendre en dehors de leur commune pour leur scolarité.

    En 2012, nous avons défendu qu’au moins un millier de places devaient être créées pour 2015. La majorité communale a repris cet objectif de 1000 nouvelles places pour 2016. Finalement, seules 700 places ont été créées dans l’enseignement fondamental sur toute la législature, mais une seule nouvelle école a été ouverte. C’est insuffisant, plus de la moitié de ces 700 places reposent sur un élargissement de l’offre dans les écoles existantes, avec entres autres des containers, des préfabriqués et des classes trop remplies. Du bricolage.

    Avec ces méthodes, on court après les manques tout en minant la qualité de l’enseignement et, notamment, en diminuant le temps disponible pour les enseignants par élève pour le suivi pédagogique.

    1000 places supplémentaires, cela exige l’infrastructure pour les accueillir et donc de nouveaux établissements scolaires. Chaque enfant a droit à une place dans une école de son quartier. Sans investissements pour de nouvelles infrastructures scolaires, cet objectif ne sera jamais atteignable sans porter atteinte aux conditions d’étude. Il existe dix écoles fondamentales à Saint-Gilles, dont 6 écoles communales. Nous défendons un plan radical d’investissements publics pour la création de 4 nouvelles écoles communales d’enseignement fondamental (maternel et primaire). Construire 4 nouvelles écoles est crucial pour commencer à diminuer le nombre trop élevé d’élèves par classe en vue d’atteindre des classes de 15 élèves maximum.

    Pour un refinancement public massif de l’enseignement !

    Il est également nécessaire de libérer des moyens pour les activités en extérieur (natation, excursions, etc.). En effet, de plus en plus d’écoles doivent annuler des excursions car le coût repose complètement sur le dos des familles, certaines étant incapables d’en supporter les frais principalement en raison du transport, souvent bien plus cher que le reste de l’excursion.

    De plus, les repas scolaires sont sous-traités à des entreprises privées comme Sodexo. Cette entreprise n’est pas vraiment réputée pour ses repas sains, mais plutôt pour sa course aux profits. Gauches Communes revendique la fin de la sous-traitance des repas dans les écoles. La cuisine centrale prévue pour la préparation des repas des crèches devrait être élargie notamment aux écoles communales et offrir des repas gratuits et de qualité à chaque enfant.

    Motivons nos enseignants en leur donnant de meilleures conditions de travail, des classes plus petites qui permettent un plus proche accompagnement des élèves et suffisamment d’encadrement pour offrir un enseignement de qualité. Il faut améliorer les statuts des enseignants mais également nommer l’ensemble du personnel dans les écoles communales.

    Il faut lutter pour les moyens nécessaires et non s’en tenir aux carcans budgétaires austéritaires. Une commune qui lancerait la résistance contre les coupes budgétaires et pour un plan radical d’investissements publics pourrait catalyser dans d’autres communes un mouvement plus large. Il est en effet également nécessaire de lutter pour obtenir un refinancement public de l’enseignement du fondamental au supérieur à hauteur de minimum 7% du PIB.

    Tout cela devrait être intégré dans un grand plan d’investissements publics sous le contrôle et la gestion démocratique de la collectivité, financé par la nationalisation du secteur bancaire, par le refus du paiement de la dette publique aux grands spéculateurs et par une mise sous propriété publique des secteurs vitaux de l’économie.

    >> reprenonsnoscommunes.be

  • Venezuela : Maduro survit à une tentative d’assassinat. Comment vaincre la réaction et l’impérialisme ?

    Dans l’après-midi du samedi 4 août, diverses explosions sur l’avenue Bolivar à Caracas ont interrompu le discours du Président Nicolas Maduro lors d’un défilé commémorant le 81e anniversaire de la Garde nationale vénézuélienne. Les explosions ont conduit à des scènes de panique et à l’évacuation immédiate de Maduro, de sa femme et des chefs militaires. Cette nuit-là, le ministre de l’Information, Jorge Rodriguez, a annoncé qu’il y avait eu une attaque terroriste menée par des drones chargés d’explosifs C4. Il a déclaré que 7 soldats avaient été blessés et que plusieurs personnes avaient été arrêtées, l’attaque étant attribuée à des sections de la droite et de l’extrême droite.

    Déclaration d’Izquierda Revolucionaria (section vénézuélienne du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    Plus tard, la journaliste de l’opposition Patricia Poleo a confirmé cette version des événements, publiant une déclaration d’un groupe qui se qualifie de “soldats de Franela” revendiquant la responsabilité de l’attaque. Le groupe en question rassemble des partisans d’Oscar Perez, un officier lié à l’extrême droite et décédé lors d’une fusillade avec la Garde nationale le 15 janvier dernier. Il était l’auteur de l’attaque terroriste menée contre la Cour suprême en juin 2017. La déclaration en question disait que cette attaque faisait partie de l’opération “Phoenix” dont l’objectif était de tuer Maduro et de renverser le gouvernement vénézuélien. Le lendemain, Maduro a accusé le président sortant de Colombie, Juan Manuel Santos, qui a récemment appelé au renversement du gouvernement vénézuélien, d’être responsable.

    Le caractère violent et putschiste de la droite vénézuélienne.

    Le caractère violent et terroriste de la droite au Venezuela n’est une nouvelle pour personne. Les médias capitalistes, les gouvernements de droite du monde entier et de nombreuses sections de la social-démocratie présentent ces éléments comme de simples “forces d’opposition luttant pour la démocratie”. La réalité est que ces forces ont habituellement recours à la violence et au terrorisme : depuis le coup d’Etat fasciste de 2002 où elles ont tenté de tuer Hugo Chavez (démocratiquement élu par le peuple vénézuélien) et d’arrêter ses partisans, jusqu’aux “guarimbas”, des actions fascistes et terroristes stimulées par des leaders de l’”opposition” comme Leopoldo Lopez ou Henrique Capriles Radonski.

    Le dernier épisode “guarimba” a causé plus de 100 morts entre mars et juillet 2017 et il y a même eu des cas de lynchage et de personnes brûlées vives pour s’être déclarées Chavistas. Ces méthodes terroristes sont l’une des raisons de la défaite de l’offensive de l’opposition et de la tentative de la MUD (Table de l’unité démocratique) de prendre le pouvoir.

    Leur objectif est de semer la peur, de paralyser le pays et d’entraver les élections à l’Assemblée nationale constituante (ANC) a provoqué la mobilisation des masses qui, une fois de plus, a contrarié les plans de la droite et de leurs mentors : l’impérialisme américain et les gouvernements réactionnaires de Colombie, du Brésil et de l’Argentine.

    Un an après les élections de l’ANC : de la mobilisation et l’espoir à la frustration et au désenchantement.

    L’attaque du 4 août a eu lieu exactement un an après la victoire du gouvernement aux élections de l’ANC. Lors de ces élections, des millions de pauvres se sont mobilisés pour vaincre la stratégie de coup d’Etat de la droite, mais des millions d’électeurs et de militants chavistas ont également utilisés ces élections pour exprimer leur mécontentement à l’égard des politiques capitalistes menées par le gouvernement Maduro, en organisant et en soutenant des candidats critiques et en exigeant un virage à gauche.

    Depuis lors, la réponse de Maduro, de l’appareil d’Etat et de la bureaucratie du PSUV (le parti au pouvoir) a été de diviser, d’isoler et de réprimer tous les mouvements critiques de gauche tout en confirmant sa politique d’accords avec des couches du capitalisme vénézuélien, en suivant les avis de ses conseillers internationaux (en particulier le gouvernement chinois qui finance une grande partie de la dette du Venezuela). Leur objectif n’est pas de défendre ou d’approfondir la révolution mais de stabiliser le capitalisme vénézuélien avec eux-mêmes à sa tête et de démanteler dans la pratique les mesures les plus à gauche adoptées par Chavez sous la pression des masses.

    Dans la pratique, Maduro a effectué un virage évident vers la droite. Ses politiques économiques ont conduit à des hausses constantes des prix et à des réductions de salaires et des droits des travailleurs. Il a accordé des montagnes d’argent et d’”aide” aux nouveaux capitalistes nés dans les rangs de la bureaucratie en raison de son contrôle sur l’Etat ainsi qu’aux sections de la bourgeoisie traditionnelle qui ont passé un accord avec le gouvernement. Ce dernier a permis à des multinationales de Chine, d’Iran et de Russie – des “amis” – de réaliser des profits juteux grâce à des entreprises mixtes et à des accords commerciaux pour exploiter nos ressources naturelles.

    Alors qu’une partie des capitalistes et de l’impérialisme américain est toujours favorable à un effondrement économique qui leur permettrait de reconstruire leur base sociale et de faire tomber Maduro pour constituer un gouvernement similaire à celui du Brésil, de l’Argentine ou de la Colombie, une autre partie est favorable à conclure un accord, au moins temporairement, avec le gouvernement. Ces capitalistes aimeraient que Maduro lui-même ou des secteurs de l’Etat-major militaire ou de la bureaucratie dirigent une transition qui en finisse avec les acquis du processus révolutionnaire à l’aide d’un discours “chaviste”.

    Ce glissement vers la droite s’inscrit dans le contexte d’une situation où la grande majorité de la classe ouvrière et des pauvres lutte pour survivre avec leur famille. La baisse cumulée du PIB au cours de ces 3 dernières années est supérieure à 40% selon certains – une situation qui n’est comparable qu’à l’impact d’une guerre ! L’inflation annuelle est d’environ 46.000% selon le FMI, qui prévoit qu’elle pourrait atteindre le chiffre incroyable de 1.000.000% ! Il est difficile de connaître les dimensions réelles de la situation, car la Banque du Venezuela a cessé de publier des informations.

    Renforcement des tendances bonapartistes et bureaucratiques au sein du gouvernement

    Les tentatives des sections critiques du mouvement chaviste et du mouvement ouvrier visant à lutter contre cette situation ont jusqu’ici été éparses et limitées étant donné les difficultés que l’effondrement économique engendre pour l’organisation et la participation des masses. La démoralisation et le scepticisme générés parmi de larges secteurs de la population, en raison de ce virage à droite en l’absence d’une organisation unie et indépendante de la classe ouvrière disposant d’un programme clair et décisif unissant les revendications populaires et l’opposition de gauche à la bureaucratie, représentent également une grave difficulté.

    Outre les politiques économiques susmentionnées, le contrôle bureaucratique a été renforcé sur les organisations de masse construites pendant la période de croissance révolutionnaire, comme la Fédération syndicale CSBT et le PSUV. Le PSUV est de plus en plus une machine bureaucratique dans laquelle toute dissidence est écrasée.

    Le PSUV agit comme un appendice de l’appareil d’Etat, à la manière des partis communistes des anciens Etats staliniens (URSS, etc.), à la différence que le Venezuela n’est pas un Etat ouvrier déformé reposant sur une économie planifiée mais un Etat capitaliste basé sur des relations capitalistes de production et dépendant du marché mondial à un degré extrême (à cause du facteur pétrolier).

    Cette évolution – qui consiste à ne pas mener une révolution jusqu’au bout pour en faire une véritable révolution socialiste reposant sur la démocratie ouvrière – n’est pas quelque chose de neuf dans l’histoire. Quelque chose de semblable s’est produit au Nicaragua sous les Sandinistes, aux conséquences connues. Maduro et ses collaborateurs ont un modèle à suivre : la Chine, qui est un promoteur clair du capitalisme d’Etat basé sur un régime autoritaire bonapartiste ayant rompu tout lien avec les traditions révolutionnaires.

    Comme dans tout régime bonapartiste, ils essaient de contenir les divisions internes dans certaines limites. Ceux qui sont allées trop loin dans leurs pratiques de corruption ou qui ont exigé un virage plus abrupt vers la droite ont été purgés de peur de provoquer une explosion sociale. En dépit des pompeuses déclarations de Maduro sur le socialisme et la révolution, sa politique consiste à utiliser l’appareil de l’État et celui du parti, en combinaison de mesures clientélistes et d’une répression sélective contre les voix critiques, afin de gérer le capitalisme et de rester au pouvoir.

    L’une des conséquences possibles de l’attentat terroriste du 4 août est qu’il puisse servir à la bureaucratie pour justifier l’intensification des mesures bonapartistes et autoritaires ainsi que le renforcement de la tendance à la criminalisation des protestations sociales et des critiques de gauche sur le régime.

    Le capitalisme est une voie sans issue

    Après avoir subi des défaites humiliantes aux élections régionales et locales d’octobre et de décembre 2017, la MUD n’a pas été en mesure de se présenter en commun lors des élections présidentielles de mai dernier. Craignant une nouvelle catastrophe, la majorité des partis composant la MUD a décidé de ne pas se présenter. La MUD a finalement été dissoute et la nouvelle stratégie d’une partie de l’opposition contre-révolutionnaire est de profiter de la terrible situation économique et du mécontentement social pour lancer un “Front élargi” (FA). Ces dernier essayent de laisser derrière eux (au moins publiquement) l’appareil discrédité des partis traditionnels de droite et de présenter le FA comme un rassemblement de mouvements sociaux. Pour l’instant, ce fut sans succès et leur base reste passive et démoralisée.

    Lors des élections présidentielles, Maduro a été réélu avec un taux d’abstention de plus de 50% et le soutien de moins de 30% de l’électorat. L’impérialisme et ses marionnettes vénézuéliennes ont refusé de reconnaître les résultats, mais leurs appels à protester en rue n’ont rien donné. La bureaucratie a essayé de dépeindre ce résultat comme une grande victoire, mais il est aisé de voir au travers de cette rhétorique. L’abstention record et l’atmosphère d’apathie durant la campagne reflétaient l’effondrement de leur autorité, surtout si l’on compare cela à l’enthousiasme provoqué par les victoires électorales de Chavez, la première victoire de Maduro en 2013 et même avec la mobilisation pour les élections de l’ANC il y a un an à peine.

    Le mécontentement populaire pourrait devenir encore plus vif à la suite des nouvelles mesures annoncées par le gouvernement. Divers dirigeants de la politique économique ont émis des déclarations appelant à la fin du contrôle des changes ce qui, au lieu de contrôler l’inflation comme ils l’affirment, pourrait l’aggraver. La question fondamentale reste celles de l’effondrement de l’économie productive, de la grève des investissements et du pillage des richesses pétrolières par les capitalistes et la bureaucratie. Avec ou sans contrôle des changes, il sera très difficile aux masses d’échapper à la misère et à la pénurie généralisée.

    Luttons pour une politique socialiste, anticapitaliste et antibureaucratique. Tout le pouvoir aux travailleurs et aux pauvres !

    Ce serait une erreur de considérer la situation au Venezuela comme distincte des processus politiques et économiques en développement dans toute l’Amérique latine et à travers le monde. Dans le contexte actuel, l’espace pour une contre-révolution stable au Venezuela (qu’elle soit menée par la droite ou par la bureaucratie elle-même) n’est pas similaire à celui qui a pu exister dans d’autres moments historiques. La lutte de classe devient plus aigüe sur tout le continent : pensons aux mobilisations de masse au Brésil et en Argentine, à la victoire historique de Lopez Obrador au Mexique, à la croissance de la gauche en Colombie et au mouvement insurrectionnel au Nicaragua.

    La campagne lancée par la bureaucratie du PSUV pour dénigrer le soulèvement de masse au Nicaragua, en le comparant aux “guarimbas” du Venezuela est symptomatique. La réalité est que c’est la classe ouvrière et la base populaire des Sandinistes qui se mobilise, développe des organes d’auto-organisation et lutte contre la répression sauvage et les politiques capitalistes du gouvernement bourgeois bonapartiste de Daniel Ortega. Le Nicaragua est un exemple de ce qui se passe lorsqu’une direction issue d’un mouvement révolutionnaire se rend dans le camp de la classe capitaliste et applique des mesures antisociales contre la classe ouvrière et les pauvres.

    Le capitalisme vénézuélien faible et parasitaire ne peut pas garantir une vie digne aux masses. La classe dirigeante internationale présente la paralysie de l’économie vénézuélienne comme le résultat du “socialisme”. La réalité est toute autre : la révolution bolivarienne n’a pas été achevée. Chavez a mis en œuvre des réformes progressistes qui ont permis d’élever le niveau de vie. Mais les mesures nécessaires pour mettre fin au capitalisme n’ont jamais été adoptées. Ni l’expropriation des banques, des propriétés foncières ou des grandes entreprises, ni la destruction de l’Etat capitaliste avec sa bureaucratie, ses lois et ses institutions. Un Etat réellement dirigé par les travailleurs et les pauvres n’a jamais été constitué.

    La seule alternative, aujourd’hui plus que jamais, c’est un programme véritablement socialiste qui retire une fois pour toutes le pouvoir économique et politique des mains des capitalistes et des bureaucrates et le place entre celles des travailleurs et des pauvres.

    Rejoignez Izquierda Revolucionaria et luttez pour un tel programme !

    1. Contrôle direct des travailleurs dans toutes les entreprises publiques et privées pour lutter en faveur du gel des prix, pour le contrôle de la production alimentaire locale et la satisfaction de tous les besoins du peuple contre le sabotage capitaliste et bureaucratique.

    2. Augmentations salariales supérieures à l’inflation. Discussion et application des conventions collectives salariales. Incorporation de tous les travailleurs sous-traitants dans les contrats à durée indéterminée. Réintégration de tous les combattants de classe révolutionnaire licenciés par les patrons et les bureaucrates. Indemnité de chômage pour tous les chômeurs.

    3. Expropriation et nationalisation de toutes les entreprises fermées et sous-utilisées de même que des terres avec embauche immédiate de travailleurs, d’agriculteurs et d’étudiants pour y travailler en développant le contrôle démocratique des travailleurs. Nationalisation sous contrôle démocratique de toutes les entreprises qui sabotent l’économie.

    4. Création d’une société d’État ayant le monopole du commerce extérieur. Instauration du contrôle démocratique ouvrier pour lutter contre la spéculation, l’inflation et la corruption et garantir la pleine autosuffisance alimentaire.

    5. Nationalisation des banques, des terres et de l’industrie sous contrôle ouvrier, afin de planifier démocratiquement l’ensemble de l’économie dans l’intérêt du peuple afin de satisfaire les besoins sociaux.

    6. Création d’un système de santé publique gratuit et universel qui garantisse des soins de qualité. Expropriation des cliniques privées pour les placer sous contrôle démocratique afin de garantir des soins de santé à tous, sans discrimination.

    7. Création d’une entreprise publique de construction pour construire des infrastructures, des maisons, des universités, etc., gérées sous contrôle démocratique et s’engager dans un plan de construction de 500.000 logements par an et mettre fin au déficit de logements en 3 ans.

    8. Non-paiement de la dette extérieure ! Les impérialistes nous soumettent à la misère par le biais de sanctions pour payer leur accumulation massive de richesses avec notre misère.

    9. Création d’un Etat socialiste reposant sur des conseils d’ouvriers, d’agriculteurs et d’étudiants, au niveau local, régional et national. Tous les représentants doivent être élus et rééligibles à tout moment par les assemblées de leur secteur. Les représentants devraient se représenter devant leur base au moins tous les 6 mois et ne pas gagner plus que le salaire moyen d’un travailleur qualifié, pour mettre fin à la bureaucratie corrompue.

    Ni capitalistes ni bureaucrates ! Tout le pouvoir aux travailleurs et aux pauvres !

  • Chine : Aggravation de la crise et résistance de masse

    L’article qui suit est la retranscription de l’introduction de l’atelier de discussion consacré à la situation en Chine qui a été donnée à l’édition 2018 de l’école du Comité pour une Internationale Ouvrière. Cette introduction avait été donnée par Pasha, de Socialist Action, CIO à Hong Kong.

    L’année écoulée peut être décrite comme une année de grands changements en Chine – montrant l’aggravation de la crise de la dictature du parti unique et la forme particulière du capitalisme d’État chinois. Il y a eu un changement historique dans la structure du régime du “Parti communiste” (PCC) avec le couronnement de Xi Jinping comme “dirigeant à vie” en mars dernier.

    Depuis le mois d’avril, nous avons assisté à une série de grèves audacieuses qui se sont répandues dans de nombreuses provinces. Dans les relations internationales, le conflit entre les États-Unis et la Chine s’est aggravé de façon dramatique. Il s’agit du plus important conflit mondial entre les deux plus grandes puissances économiques.

    Le ministère chinois du commerce a décrit les droits de douane imposés par le président Trump le 6 juillet comme étant “la plus grande guerre commerciale de l’histoire économique”. Ce n’est pas encore la “plus grande jamais vue”, mais une nouvelle escalade est possible. Le conflit Etats-Unis / Chine n’est pas un phénomène passager ; c’est maintenant une réalité permanente, avec des hauts et des bas, qui définit une partie cruciale des perspectives du CIO concernant le capitalisme mondial.

    Nous observons également une nouvelle phase dans le malaise économique de la Chine. La répression du régime contre les dettes et opérations bancaires parallèles (« shadow banking ») a entraîné un nouveau ralentissement économique et, une fois de plus, un retour partiel aux politiques de relance, c’est-à-dire à une augmentation de la dette. Ce changement peut devenir plus important dans les mois à venir. Le problème de la dette de la Chine est un problème pour l’ensemble du système capitaliste mondial. Aucun pays dans l’histoire n’a accumulé autant de dettes.

    Eloignement de la politique de Deng Xiaoping

    La réunion de mars du « Congrès national du peuple » – le pseudo parlement chinois – a été surnommée le « couronnement de Xi Jinping ». Le congrès a supprimé les limites du mandat de la présidence afin que Xi puisse gouverner à vie.

    Depuis la fin des années 1970, la Chine est gouvernée par une forme de “leadership collectif”, un système mis en place par Deng Xiaoping, l’architecte du retour de la Chine au capitalisme. Le modèle de partage du pouvoir de Deng, ainsi que d’autres règles politiques, ont été conçus pour sauvegarder la “stabilité” et empêcher que les luttes de pouvoir au sein de l’État n’aillent trop loin et ne menacent l’existence de la dictature.

    Depuis la crise mondiale du capitalisme de 2007-08, l’élite dirigeante du PCC a besoin d’un “homme fort”, avec un pouvoir centralisé sans précédent, pour la sauver de ses propres crises – une dette croissante et des troubles de masse qui augmentent.

    En six ans, depuis son arrivée au pouvoir, Xi a mené une vaste campagne de lutte contre la corruption, qui porte en partie sur celle-ci et l’obtention du soutien du public, mais qui a surtout servi à consolider la position de Xi et à supprimer toute opposition. Mais plutôt que de surmonter les tensions au sein de l’État chinois et de l’élite dirigeante, la consolidation du pouvoir de Xi a porté les tensions à un niveau potentiellement plus élevé.

    Malgré la censure massive d’Internet, les citoyens chinois ont rapidement exprimé leur cynisme et leur opposition en ligne à l’égard du couronnement de Xi par des métaphores satiriques. Les censeurs d’Internet ont dû rapidement interdire toute une liste de mots tels que “limite de deux mandats”, “amendement constitutionnel”, “je ne suis pas d’accord”, “Corée du Nord”, et même “Winnie l’ourson” (considéré comme ressemblant trop au dirigeant chinois).

    Cela a mis en évidence le véritable niveau de soutien de Xi parmi les masses. Certains commentateurs ont décrit Xi comme le leader le plus fort depuis Mao, mais Mao était un dirigeant bonapartiste à la tête d’un mouvement qui a renversé le capitalisme en Chine ; le gigantesque culte de la personnalité que le régime a construit autour de Mao n’a été possible qu’en raison de son rôle dans la révolution.

    Xi Jinping préside un système capitaliste d’Etat et sa véritable base de soutien parmi les masses est exagérée. Son pouvoir repose principalement sur la répression, le nationalisme, le “lavage de cerveau” massif des médias et le fait que certaines couches de la population connaissent encore des améliorations. Mais c’est de plus en plus fragile. Les fondements du règne de Xi – niveaux d’endettement sans précédent, répression accrue et nationalisme – constituent une succession de crises à venir.

    Répression et conséquences

    Aujourd’hui, la répression étatique est la pire depuis 1989. Le budget du gouvernement pour la sécurité intérieure était de 193 milliards de dollars l’année dernière – il a triplé depuis 2007. C’est 19 % de plus que le budget militaire de la Chine (sécurité extérieure).

    Dans la région musulmane du Xinjiang, deux fois moins grande que l’Inde, la Chine a construit “l’État policier parfait”, selon le journal The Guardian. Entre 500 000 et 1 million d’Ouïghours musulmans ont été détenus dans des camps de prisonniers de type militaire – jusqu’à un sur dix de la population. Le PCC gouverne maintenant le Xinjiang par le biais d’un système ouvertement raciste de type apartheid avec des lois plus répressives pour les musulmans.

    Malgré le fait que le régime ait la machine d’État répressive la plus sophistiquée au monde, la résistance de masse et les protestations s’intensifient. Depuis la fin de 2017, les masses en Chine ont participé avec audace à des manifestations en ligne à grande échelle et à des grèves des travailleurs de plusieurs provinces, ce qui représente un tournant dramatique.

    En avril, les grutiers se sont mis en grève dans au moins 13 provinces pour réclamer de meilleurs salaires et de meilleures conditions. Ils ont ensuite appelé à une grève à l’échelle nationale le 1er mai. Étant donné la répression et la censure de l’État, c’est un exploit en soi. Ces luttes sont organisées par le biais de groupes de discussion en ligne et de messageries instantanées.

    Grèves multi-provinciales

    La grève des grutiers était historique dans le sens où c’était l’action la plus impressionnante, coordonnée et audacieuse à ce jour. Auparavant, presque toutes les grèves en Chine se déroulaient dans une usine ou un district. Une grève à l’échelle nationale est un très grand changement. La lutte d’avril semblait ouvrir le chemin aux luttes nationales.

    En juin, c’était au tour des camionneurs. Les camionneurs en grève dans plus de 12 provinces ont protesté contre la hausse du prix du carburant, les péages routiers coûteux, le harcèlement policier et l’exploitation accrue par une application d’embauche de type « Uber » ». L’action des camionneurs s’est déroulée dans les villes de Chongqing à l’ouest jusqu’à Shanghai à l’est. C’est similaire à la distance de Madrid à Londres. Faire cela sous la dictature la plus puissante du monde est impressionnant.

    Et depuis avril, les anciens combattants de l’armée de plusieurs provinces avaient organisé des manifestations pour réclamer le paiement des pensions et des prestations de retraite. Certains anciens combattants ont été battus par des gangsters payés par les gouvernements locaux du PCC. Par le biais de liens et de réseaux au sein de l’armée, des dizaines de milliers d’anciens combattants ont été mobilisés pour manifester en solidarité à travers le pays.

    La lutte des vétérans de l’armée est importante parce qu’elle sape la propagande nationaliste de Xi Jinping. Il y a 57 millions de soldats retraités en Chine. Cette question peut également avoir une incidence sur les soldats en service. Comment l’Etat peut-il défendre la “nation chinoise” s’il laisse ses anciens combattants mourir de faim et les frappe lorsqu’ils protestent ?

    Plus tôt cette année, le gouvernement a mis sur pied un nouveau ministère des Anciens Combattants parce qu’il était préoccupé par les protestations des anciens combattants. Mais le fait que des protestations aient éclaté de toute façon montre les limites de l’Etat pour faire face à ces problèmes.

    #Metoo en Chine

    Parmi les autres mouvements importants en Chine figurent les mouvements féministes et LGBTQI+. Le mouvement #Metoo qui a balayé le monde a aussi profondément affecté la Chine. En janvier, une universitaire chinoise travaillant aux États-Unis a révélé en ligne qu’elle avait été agressée sexuellement par son professeur il y a douze ans. Son tweet est devenu viral et a reçu un énorme soutien en ligne parmi les femmes en Chine.

    Cela a déclenché un mouvement en ligne, en particulier dans les écoles et les collèges. Cela a même forcé l’État à se contenter de belles paroles et à condamner la violence sexuelle. En même temps, le PCC craignait que le mouvement devienne incontrôlable et a donc rapidement interdit toute tentative d’organiser des manifestations dans les rues. Un blog féministe de premier plan a été interdit.

    Les censeurs de l’État ont ensuite décidés d’interdire les sujets LGBTQI+. Weibo, la principale plateforme de blogs en Chine, a annoncé qu’elle supprimerait les “contenus illégaux”, y compris l’ « homosexualité ». Cela a déclenché un contrecoup massif. La campagne #IamGay a appelé au boycott de Weibo. Avec plus de 500 millions de partage sur le net, il s’agissait probablement du plus grand mouvement en ligne au monde. Elle a forcé l’entreprise et les autorités à renverser l’interdiction du contenu « homosexuel ».

    De la récente vague de luttes, il y a plusieurs caractéristiques que nous pouvons observer. Les luttes de masse en Chine s’organisent de plus en plus malgré la répression et la censure de l’Etat, capables de se mettre en scène et de se coordonner à travers tout le pays. Les travailleurs tirent clairement les leçons du passé, ils se rendent compte que les problèmes ne peuvent être résolus localement.

    La radicalisation de la conscience de masse est également une caractéristique, bien qu’elle soit inégale. Les travailleurs limitent généralement leurs revendications à l’économie et évitent de contester directement le régime du PCC, en partie pour éviter la répression de l’État et en partie à cause des illusions persistantes du PCC.

    Si le régime recourt à la répression, ce qui est définitivement le cas sous Xi Jinping, ce n’est qu’une question de temps avant que les travailleurs ne tirent la conclusion que la dictature est un obstacle à tout changement réel et cela amènera leurs luttes vers une direction politique plus claire.

    Ralentissement économique

    L’économie chinoise est confrontée à des crises sur de multiples fronts. L’économie est en ralentissement après une courte période de légère reprise en 2017. Depuis le début de 2018, le marché boursier a perdu 2 billions de dollars américains, comparativement à 5 billions de dollars américains lors du krach boursier de 2015.

    Les données économiques du 2ème trimestre devraient être beaucoup plus faibles qu’au 1er trimestre. Les chiffres du commerce de détail en mai étaient les pires depuis 15 ans. Le taux de croissance de l’investissement est le plus faible depuis 20 ans. La part de la dette dans le PIB est passée de 141 % en 2008 à 256 % l’an dernier. Ce chiffre s’élève à 304 % du PIB si l’on inclut les banques de l’ombre. En fait, le niveau d’endettement réel est beaucoup plus élevé. Cela s’explique par le fait que la plupart des dettes bancaires fictives ne sont pas enregistrées. Même le gouvernement ne connaît pas le tableau complet.

    Le dernier ralentissement oblige le PCC à redémarrer la stratégie de relance économique. Pendant dix ans, nous avons vu le même zigzag dans la politique économique – de la relance au resserrement du crédit et de retour à la relance, c’est-à-dire davantage de dette. Le problème de la dette est particulièrement grave au niveau des administrations locales (les administrations locales en Chine sont les villes et les provinces, de sorte que certaines sont plus grandes que la plupart des gouvernements nationaux en Europe ou dans le monde).
    Cela a été en partie à l’origine des protestations des anciens combattants de l’armée. En fait, les gouvernements locaux d’au moins 32 villes de six provinces financent maintenant leurs dépenses de sécurité sociale et de retraite avec des prêts des banques ou des banques fictives. Ce problème ne fera qu’empirer avec le vieillissement rapide de la population chinoise.

    Une ville de la province du Hunan n’a pas été en mesure de payer ses fonctionnaires à temps en mai. Ces arriérés de salaires – pour les fonctionnaires – étaient les premiers dans l’histoire moderne de la Chine. Nous voyons déjà la crise de la dette se transformer en crise sociale, et nous en verrons d’autres à l’avenir.

    Guerre commerciale et conflit impérialiste

    L’escalade de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine est un autre coup porté à l’économie chinoise déjà vulnérable. Le 6 juillet, les droits de douane imposés par l’administration Trump sur 34 milliards USD d’importations en provenance de la Chine représentaient le premier coup de feu après une longue période de menaces. Cela a depuis lors été suivi par des droits de douane sur 16 milliards USD d’importations supplémentaires et la menace de Trump d’élargir ce chiffre à 200 milliards USD de marchandises chinoises d’ici septembre.

    Le régime chinois est forcé de riposter « dollar pour dollar » avec ses propres tarifs douaniers contre les marchandises américaines, mais en fait, il a offert des concessions à Trump et voulait désespérément éviter la guerre commerciale. Dans le conflit commercial plus large, il y a une « guerre de la technologie ». L’objectif principal de l’impérialisme américain et de Trump est d’arrêter « Made in China 2025 » – le plan du PCC pour devenir une superpuissance technologique.

    Les sanctions du gouvernement américain qui interdisaient à la troisième plus grande entreprise d’infrastructure de télécommunications ZTE d’acheter quoi que ce soit à des entreprises américaines, ont essentiellement forcé la fermeture de l’entreprise pendant 70 jours en avril-mai. La crise du ZTE a mis en évidence la dépendance de la Chine à l’égard de l’Occident pour la technologie. ZTE obtient 90 % de ses « semi-conducteurs » auprès d’entreprises américaines.

    Trump a accepté de lever l’interdiction sur ZTE, mais l’accord subséquent est toujours humiliant pour l’entreprise et l’État chinois. Ils doivent payer une amende équivalente à deux ans de bénéfices. Mais pire encore, ils ont dû licencier l’ensemble du conseil d’administration et accepter des bureaucrates américains au sein de l’entreprise. Cela ressemble un peu à ce que la troïka du FMI et de l’UE a fait à la Grèce – envoyer des bureaucrates de l’UE pour vérifier que les Grecs ne “trichaient” pas.

    La situation est compliquée par le fait que même Trump a partiellement perdu le contrôle de la guerre commerciale – le Congrès américain, les républicains et les démocrates exigent maintenant des mesures encore plus sévères contre la Chine.

    Dévaluation

    Dans le cadre de ces représailles, la Chine a permis à sa monnaie, le yuan, de baisser face au dollar. Toutefois, il s’agit d’un mouvement dangereux, car il pourrait déclencher une fuite massive de capitaux de la Chine, comme ce qui s’est produit en 2015. Le régime devrait alors imposer davantage de contrôles des capitaux.

    Mais avec plus de contrôle des capitaux, il peut dire adieu au rêve d’ « internationaliser le yuan » pour en faire une monnaie de réserve mondiale. En fait, l’internationalisation du yuan a régressé au cours des trois dernières années. Moins de pays veulent utiliser la monnaie chinoise dans les paiements internationaux. Le franc suisse et le dollar canadien ont maintenant une plus grande part mondiale que le yuan. Cela est important parce que la domination du dollar américain dans l’économie capitaliste mondiale restreint les politiques que le régime chinois peut suivre.

    Les Etats-Unis et la Chine, les deux plus grandes puissances impérialistes, se disputent la domination économique et géopolitique. La confrontation entre eux a été accentuée par la crise mondiale depuis 2008.

    Alors qu’une « guerre spontanée » ou un affrontement militaire direct n’est pas une perspective immédiate, les guerres commerciales et autres conflits économiques peuvent devenir un substitut à l’action militaire. Tous les accords auxquels ils parviennent dans la guerre commerciale actuelle ne peuvent être que de courte durée et fragiles. Leurs conflits peuvent frapper davantage l’économie mondiale, qui ne s’est pas remise de la grave crise d’il y a dix ans.

    Le conflit taïwanais peut être relancé dans le cadre de la rivalité croissante entre les États-Unis et la Chine. Cela peut conduire à une guerre ou à une grave crise militaire à l’avenir. La crise capitaliste a aussi rapidement exposé le gouvernement DPP  « pro-indépendance » de Taiwan, élu en 2016, en tant que parti capitaliste néo-libéral qui défend également une augmentation des dépenses en armements et davantage d’accords avec l’impérialisme américain, tout en imposant l’austérité aux travailleurs. Aucune des élites au pouvoir, qu’il s’agisse des États-Unis, de la Chine ou de Taïwan, n’a de solution et ne fait que rendre la situation plus dangereuse.

    Le projet « Belt and Road »

    Xi Jinping a lancé l’initiative « Belt and Road » (BRI) en 2013 pour gagner de nouveaux marchés à l’étranger pour écouler la production excédentaire du capitalisme chinois. Il s’agissait également de se préparer aux futures guerres commerciales et construire un protectionnisme accru à l’échelle mondiale. La BRI a été ajoutée à la constitution du PCC l’année dernière – la première fois qu’une politique étrangère a été intégrée dans la constitution – pour signaler qu’il n’y aurait pas d’inversion de cette politique.

    Aujourd’hui, l’Initiative intègre plus de 70 pays. Son ambition est de relier le monde sous-développé en une sphère économique dirigée par la Chine via la construction de pipelines, d’autoroutes, de ports, de chemins de fer, de réseaux électriques.

    Nous décrivons le BRI comme un « impérialisme avec des caractéristiques chinoises ». Ces caractéristiques sont des prêts financés par l’État pour la construction d’infrastructures et l’exportation de certains éléments du régime autoritaire de la Chine. Il y a aussi une composante militaire avec certains projets de l’IRB – pour les ports et certains chemins de fer en particulier – principalement motivés par des considérations militaires stratégiques.

    La stratégie de la Chine pour s’emparer de terres et ressources dans les petits pays moins développés est simple : elle leur accorde des prêts pour des projets d’infrastructure, obtient le contrôle des projets et, lorsque le pays n’est pas en mesure de rembourser les prêts, les entreprises chinoises et l’État deviennent propriétaires du projet.

    Cependant, les aspirations impérialistes de la Chine sont déjà confrontées à des revers. Des manifestations de masse ont éclaté au Vietnam en juin contre les capitaux étrangers, principalement des entreprises chinoises. Ces sociétés ont acheté des terres au gouvernement vietnamien sur des baux de 99 ans, des arrangements qui rappellent les anciens traités du colonialisme. Le tsunami politique de l’élection malaisienne en mai a vu le nouveau gouvernement mettre au rebut le projet de train à grande vitesse Kuala Lumpur-Singapour dirigé par les Chinois.

    L’investissement mondial dans l’initiative Belt and Road est aujourd’hui ralenti. Au cours des cinq premiers mois de cette année, les contrats signés par des entreprises chinoises ont diminués de six pour cent par rapport à l’année dernière. Le nombre croissant de défauts de paiement de la dette du BRI aura un impact direct sur les entreprises chinoises, qui sont lourdement endettées. Ainsi, l’initiative, lancée à l’origine par le PCC pour exporter la capacité excédentaire et alléger la dette, fait maintenant partie du problème.

    La répression à Hong Kong

    Les développements en Chine ont également eu des implications importantes à Hong Kong où le PCC tente de décapiter la lutte démocratique. Le gouvernement de Carrie Lam représente une nouvelle escalade de la répression.

    Au cours de l’année écoulée, six législateurs de l’opposition démocratiquement élus ont été disqualifiés, plus de 40 jeunes et autres activistes ont été emprisonnés pour avoir participé à des manifestations antigouvernementales, et six candidats ont été interdits de se présenter aux élections pour des raisons de soutien à l’ « indépendance » ou à l’ « autodétermination ».

    De nouvelles lois draconiennes sont introduites, y compris la loi sur l’hymne national. Toute personne à Hong Kong reconnue coupable d’ « irrespect » de l’hymne national chinois est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans.

    Les principaux partis bourgeois pro-démocratie ont été en plein recul politique. Ils n’ont pas réussi à proposer une nouvelle stratégie de lutte contre le gouvernement autoritaire. Ces « pan-démocrates » ont en réalité été un frein à la lutte pour la démocratie pendant des décennies, avec des similitudes avec le rôle des dirigeants sociaux-démocrates et des dirigeants nationalistes bourgeois dans d’autres parties du monde :

    1. Ils ne croient pas à la lutte de masse et essaient toujours de trouver un compromis avec le régime qui, dans le cas de la Chine, n’a aucune chance d’aboutir.
    2. Ils craignent que les mouvements de masse, une fois qu’ils « s’échappent », deviennent incontrôlables et se radicalisent.
    3. Ils défendent le capitalisme et ne veulent donc pas pousser la lutte contre la dictature chinoise « trop loin », car cela mettrait aussi en danger le capitalisme.

    Le CIO est le seul à réclamer un mouvement démocratique de lutte basé sur un programme socialiste, avec un parti ouvrier de masse comme noyau dur. Nous expliquons également que la démocratie, y compris l’autodétermination à Hong Kong, ne peut être gagnée qu’en s’associant aux luttes de masse en Chine ainsi qu’à l’échelle internationale et en renversant la dictature du PCC.

  • L’Europe en crise : tensions, division et instabilité

    L’establishment européen est aux prises avec de grandes difficultés. En dépit d’une période de reprise économique limitée, l’instabilité politique continue de croître et à cela s’ajoute la possibilité d’une nouvelle récession qui pourrait complètement saper des équilibres déjà bien fragiles. Lors de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO, dont le PSL/LSP est la section belge) qui s’est tenue la semaine dernière à Barcelone, une discussion approfondie a abordé les perspectives de l’Europe, dont voici quelques éléments ci-dessous.

    Rapport de Geert Cool

    D’une crise économique à une crise politique

    Dix ans après la récession de 2007-2008, ses causes ne sont toujours présentes. Cela ouvre la voie à de nouveaux séismes dans l’économie. Alors même que a plupart des pays européens connaissent une croissance limitée, les répercussions politiques de la récession économique prennent de l’ampleur. Même le pays le plus fort de l’Union européenne, l’Allemagne, n’a pas pu échapper à une crise politique avec la formation difficile d’un nouveau gouvernement Merkel. Ceci a été rapidement suivi par la menace d’une crise gouvernementale autour de la question migratoire.

    L’Union européenne a été créée dans le but de disposer d’une plus grande stabilité ainsi que pour rapprocher les différents pays européens face à l’impérialisme américain ainsi que comme bloc face à l’Est. Aujourd’hui, cette stabilité n’existe plus et l’UE ne fait qu’accroître la division en Europe. L’UE ne peut pas donner le ton dans la guerre commerciale qui se développe. Le processus décisionnel stagne et l’establishment n’est plus en mesure de proposer quelque chose qui ressemble à un projet. Les propositions de Macron concernant le budget européen ont provoqué de la résistance, y compris chez Merkel, en partie à cause des craintes de tensions au sein même de sa propre coalition et de la pression de l’AfD populiste en Allemagne. L’UE n’a jamais été aussi faible qu’aujourd’hui !

    L’instabilité politique s’est accrue dans presque tous les pays européens, avec un nombre record de gouvernements minoritaires et une fragmentation politique sans précédent. Cela se reflétera encore dans les élections européennes de mai 2019. Outre la fragmentation et la création de nouveaux groupes. Macron tente par exemple de construire un groupe pro-européen, Mélenchon est en faveur d’un bloc de gauche sans Syriza (qui applique une politique d’austérité en Grèce) et l’extrême droite tente aussi de constituer de nouveaux groupes. Ces élections peuvent aussi être caractérisées par une très faible participation dans différents pays. La confiance dans toutes les institutions est en berne, y compris dans l’UE et les partis traditionnels.

    Le tremblement de terre italien

    Les élections italiennes de mars dernier ont mis en évidence les difficultés rencontrées par l’establishment en termes de représentation politique. Pour la deuxième fois en 25 ans, les instruments politiques traditionnels de la bourgeoisie ont été rayés de la carte. Plus de la moitié des électeurs ont soutenu la Lega et le Mouvement Cinq Etoiles, qui se présentent toutes deux comme des formations anti-establishment. Ce soutien résulte du rejet des partis traditionnels après des décennies d’attaques contre les conditions de vie des travailleurs et de la frustration croissante.

    Salvini de la Léga répond à ce mécontentement en le liant à la question de la migration. Il suggère que les nombreux problèmes auxquels la population est confrontée sont dus à l’arrivée de réfugiés plutôt qu’à l’avidité des capitalistes, dont la soif de bénéfices et de dividendes implique de s’en prendre aux conditions de vie des travailleurs et de leurs familles. Parallèlement, l’extrême droite et les populistes tels que ceux du Mouvement Cinq Etoiles tentent de se présenter comme des opposants à l’austérité. Des mesures sociales ont été promises, mais leur introduction a immédiatement été mise en veilleuse une fois au pouvoir.

    Le soutien dont disposent des forces telles que la Lega et le Mouvement Cinq Etoiles ne provient pas uniquement du rejet des partis établis, il découle également de l’absence d’une alternative sérieuse de gauche. Le virage à droite et la bourgeoisification de la social-démocratie ont causé de sérieux problèmes à cette dernière sur presque tout le continent, et les forces de gauche n’ont pas encore fait leurs preuves ou ne sont pas encore suffisamment conséquentes pour être considérées comme des alternatives sérieuses. Cela a permis à la Léga et au Mouvement Cinq Etoiles de se présenter comme des forces de changement.

    C’est aussi, soit dit en passant, sur cette base que certains politiciens bien établis ont pu remonter dans les sondages et remporter des élections. Macron en France ou Kurz en Autriche se sont présentés comme de nouveaux visages qui apporteraient de réels changements. L’effondrement rapide du soutien pour Macron – qui est déjà en concurrence avec Hollande en termes d’impopularité – est une réponse aux promesses de changement non-tenues ainsi qu’à ses mesures néolibérales particulièrement impopulaires. La France a connu d’importantes grèves et manifestations de masse ces derniers mois. En Autriche aussi, une première grande manifestation a eu lieu contre le gouvernement formé par les conservateurs (ÖVP) et l’extrême droite (FPÖ), principalement suite contre la mesure visant à porter la durée maximale de travail à 12 heures par jour.

    La seule façon pour les forces populistes et d’extrême droite de ne pas être immédiatement sanctionnées pour ne pas avoir rompu avec la politique d’austérité est de jouer la carte du racisme et de la migration. Des boucs émissaires sont recherchés et cela a un impact sur la population, principalement en raison de l’absence d’une réponse collective suffisamment forte de la part des syndicats et de la gauche. Cette situation, combinée à l’impact réel de la baisse des conditions de niveau de vie pour de larges couches de la population, créée des ouvertures pour les préjugés racistes.

    Le nouveau gouvernement italien est très instable et ne peut tenir ses promesses. Mais son existence donne confiance à l’extrême droite et les faits de violence raciste augmentent. Les socialistes révolutionnaires doivent défendre les couches les plus faibles de la société dans le cadre d’une lutte commune de toute la classe des travailleurs contre la politique d’austérité et contre la division encouragée pour nous affaiblir.

    Il semble que le gouvernement italien essaiera de placer son action dans les limites permises par l’UE, même si cela signifie de reporter ses promesses électorales. Avec la dette publique la plus élevée de l’UE et la troisième plus élevée au monde, la marge de manoeuvre est très limitée. C’est déjà le cas dans une période de reprise limitée, que cela pourra-t-il donner en cas de nouvelle récession ? L’économie italienne est dix fois plus importante que celle de Grèce. Le départ de l’Italie de la zone euro et de l’UE est encore moins évident à gérer que dans le cas de la Grèce. L’UE va donc faire tout ce qui est en son pouvoir pour garder l’Italie à bord et pour établir une relation de travail avec le gouvernement italien. La seule question est de savoir si cela sera possible, surtout dans l’éventualité d’un nouveau ralentissement économique.

    De crise en crise

    La récession précédente n’a été “résolue” que par des mesures de relance massives et la croissance limitée de ces dernières années s’appuie fortement sur celles-ci. Cela conduit à une forte augmentation du niveau d’endettement, qui est encore gérable pour l’instant en raison d’un taux d’intérêt bas. Mais cela signifie aussi que le matelas disponible pour absorber un prochain choc économique est beaucoup plus limité. Cela aura inévitablement des conséquences politiques. Un ancien dirigeant du FMI a ainsi publiquement déclaré qu’une autre crise pourrait être fatale pour l’UE.

    La croissance économique en Europe ralentit actuellement et plusieurs facteurs pourraient encore aggraver ce ralentissement. Il y a les conséquences des droits de douane à l’importation et du protectionnisme lancé par Trump, il y a le déclin de l’assouplissement quantitatif, les conséquences du Brexit, etc. Le ministre français des finances a expliqué que le status quo n’est plus possible et qu’il faut faire quelque chose pour absorber de nouveaux chocs économiques. Sans toutefois proposer quoi que ce soit à cet effet.

    La lutte collective et sa traduction politique

    Les conséquences de la politique d’austérité conduisent non seulement à l’affaiblissement des parti établis, mais aussi à des conflits. En France, les deux partis traditionnels ont été durement frappés lors des dernières élections et, dans le cas du PS, c’était un véritable uppercut. Macron et son parti La République En Marche l’ont remplacé. Cependant, il est déjà clair pour une grande partie de la population française que Macron est le président des riches. Il mène une politique à la Thatcher et se rend compte que c’est une course contre la montre pour mettre en œuvre le plus grand nombre possible de mesures.

    Il s’agit notamment de renforcer les moyens répressifs pour réduire la contestation au silence, mais aussi de privatisations et d’autres attaques contre les travailleurs. Cela entraîne des conflits sociaux et des actions, à l’image de la longue grève des chemins de fer français et les diverses manifestations contre l’austérité. Mélenchon est considéré comme la figure la plus importante de l’opposition à Macron. La France Insoumise, bien sûr, a des limites, mais il prend des initiatives pour unir et renforcer l’opposition à la politique de Macron dans la rue.

    Ces derniers mois, le centre de gravité des luttes collectives et des mouvements de protestation en Europe a peut-être été l’Espagne. Il n’y a pas seulement eu l’impressionnante grève féministe du 8 mars, à laquelle six millions de femmes et d’hommes ont pris part, ou les manifestations contre les peines très légères infligées aux violeurs de “La Meute”, il y a aussi eu des actions majeures de la part des retraités, entre autres. Il y a bien entendu également eu le mouvement phénoménal en Catalogne, dont il est question plus en détail plus loin dans ce rapport. On estime que 10 millions de personnes ont participé à des manifestations l’année dernière dans l’Etat espagnol, soit un adulte sur quatre ! L’establishment a dû en tenir compte : le gouvernement du PP s’est heurté à une motion de défiance qui a pu être remportée grâce aux pressions exercées sur les petits partenaires, comme les nationalistes basques. Cela ouvre la perspective d’un gouvernement social-démocrate du PSOE soutenu par la gauche radicale (Podemos et IU), suivant le modèle du gouvernement portugais.

    D’importants mouvements sociaux ont également eu lieu ailleurs. En Irlande, il y a eu la campagne en faveur de l’avortement et son remarquable résultat, deux tiers des participants se prononçant en faveur de la levée de l’interdiction constitutionnelle de l’avortement. Les jeunes ont pris les devants : 90 % des jeunes femmes sont allées voter, le nombre de jeunes femmes inscrites pour pouvoir voter a augmenté de 94 % par rapport aux dernières élections législatives irlandaises. Cela a été remarqué chez les personnes âgées, beaucoup d’entre elles prenant position en faveur de la levée de l’interdiction de l’avortement parce que c’est ce que la jeunesse désirait et qu’il s’agit de son avenir.

    Dans divers exemples de mouvements et de luttes, il est frappant de constater que la direction syndicale ne joue pas un rôle fondamental et n’est parfois même pas présente du tout. Là où les dirigeants syndicaux organisent la résistance, c’est souvent avec un manque de stratégie quant à la manière de construire le mouvement et certainement quant à la perspective d’une alternative politique contre les partis de l’austérité.

    Les nouvelles forces de gauche

    Non seulement les populistes de droite et l’extrême droite sont à la hausse, mais de nouvelles forces de gauche sont également à la hausse. Il ne s’agit souvent pas de véritables partis, mais plutôt de réseaux sans véritable structuration organisés via Internet (comme Podemos ou la France Insoumise, dans une certaine mesure). La question est de savoir si ces nouvelles forces de gauche pourront se développer de manière stable. Elles ne disposent pas d’un moyen évident pour impliquer une large base active dans la prise de décision et la mobilisation. Leur croissance électorale conduit à l’espoir de rompre avec la politique d’austérité dans la pratique également. Cela exige un programme et une perspective appropriés pour faire face au capitalisme. Le réformisme de gauche ne suffit pas, comme le montre douloureusement l’exemple grec de Syriza.

    Dans une situation complexe, il existe de nombreux obstacles et questions difficiles pour ces forces de gauche, comme le thème de la migration ou celui de la question nationale. L’espoir de changement fait pression sur la formation de coalitions avec les partis établis, y compris la social-démocratie, pour stopper l’austérité. Il est logique qu’une voie facile soit d’abord recherchée, mais cela n’enlève rien au fait que la confrontation avec le capitalisme doit être envisagée et préparée. Cela signifie de placer sa confiance dans la capacité de la classe ouvrière à s’organiser et à se battre. Le changement est forcé par une lutte de masse et non par des manœuvres parlementaires. Mais la pression pour un changement rapide doit être prise en compte. En ce sens, il était juste que le Bloc de gauche portugais et le Parti communiste portugais tolèrent un gouvernement minoritaire de la social-démocratie (un modèle maintenant également suivi en Espagne), mais cela doit s’accompagner d’une position indépendante visant à mobiliser et à impliquer des couches plus larges. Sinon, la gauche radicale risque de perdre ses plumes au profit de la social-démocratie. C’était déjà le cas lors des dernières élections locales au Portugal et c’est également possible en Espagne.

    Beaucoup d’espoir se concentrent sur Corbyn au Royaume Uni. Les élections locales de mai ont toutefois constitué un sérieux avertissement : le soutien aux travaillistes n’a pas été aussi fort que prévu, en partie parce que le parti poursuit une politique d’austérité au niveau local. De plus, Corbyn semble reculer rapidement dans chaque attaque, y compris dans la campagne qui vise à l’accuser d’antisémitisme en assimilant toute critique du régime réactionnaire israélien à l’antisémitisme. Les Tories de Theresa May sont particulièrement divisés autour, entre autres, du Brexit, ce qui permettrait de renverser ce gouvernement profondément affaiblit. De nouvelles élections législatives seraient l’occasion de revenir à une mobilisation plus large en faveur d’un programme offensif contre la politique antisociale. Un mouvement de masse pourrait pousser un gouvernement Corbyn plus à gauche que ce que les partisans de Corbyn ont l’intention de faire. Cependant, sans approche offensive, il est possible que le gouvernement reste en place et que le feuilleton du Brexit dure longtemps et soit confus. Cette humiliation du capitalisme britannique est l’expression de la position plus faible de l’impérialisme britannique et de ses dirigeants politiques.

    L’Europe de l’Est

    Dans les Balkans, ainsi qu’en Europe centrale et orientale, il existe des processus très contradictoires. En Pologne, par exemple, le parti au pouvoir, le PIS, poursuit une politique de répression autoritaire (avec notamment un contrôle accru du pouvoir judiciaire, la possibilité renforcée de réprimer la contestation, etc.) associée à un nationalisme fort (en Roumanie, c’est aussi le cas : la propagande anti-roumaine a été rendue punissable par le gouvernement social-démocrate). Dans le même temps, cependant, des mesures sociales ont été adoptées : des allocations familiales à partir du deuxième enfant (de 120 euros par mois), une réduction de l’âge de la retraite, une augmentation du salaire minimum, etc. (Concernant la situation en Pologne, nous publierons une interview plus tard). Nous assistons à des choses similaires dans d’autres pays d’Europe de l’Est.

    La croissance économique limitée et les tentatives des capitalistes locaux de s’approprier une plus grande part de l’économie conduisent à cette politique. Les gouvernements ne défendent pas les intérêts de la population ordinaire, mais ceux des capitalistes locaux. La rhétorique nationaliste et les éléments autoritaires conduisent à une croissance de l’extrême droite, y compris pour les groupes violents. C’est un danger pour tout le mouvement ouvrier. Dans le même temps, cependant, il y a des exemples de luttes, et même des mouvements sociaux assez importants, comme pour le droit à l’avortement ou pour des salaires plus élevés en Pologne, ou encore contre la corruption en Roumanie. La gauche peut s’appuyer sur ces points concrets.

    La migration et le mouvement ouvrier

    Le mouvement ouvrier et les nouvelles forces de gauche se heurtent à diverses complications. La migration est sans aucun doute l’une des plus importantes. Bien que le nombre de réfugiés ait fortement diminué depuis 2015, la migration a été utilisée pour mener une politique de bouc émissaire. Le Premier ministre Kurz a annoncé que ce serait le thème central de la présidence autrichienne de l’UE. En Allemagne, le gouvernement est sous la pression des populistes de droite de l’AfD.

    Tous les partis établis s’entendent sur le projet de l’Europe-Forteresse, mais ils ne s’entendent pas sur les quotas et la répartition des réfugiés. La répression s’intensifie : l’Italie refuse l’entrée aux bateaux de réfugiés, la Hongrie érige en infraction pénale le fait d’aider les réfugiés (même pour les avocats), l’Autriche a annoncé une surveillance plus stricte de sa frontière avec l’Allemagne, Macron critique Salvini mais augmente la surveillance aux frontières françaises.

    Des couches larges de la population sont favorables à l’adoption de législations plus strictes. Ce n’est pas tant sur base du racisme, même s’il existe, mais sur base des craintes ressenties au sujet de ce que le tissu social est capable de supporter dans la société. Cette peur ne peut être surmontée que par une lutte cohérente et collective de la part du mouvement ouvrier contre la politique d’austérité qui mine ce tissu social. Une attitude défensive qui épouse la logique de l’establishment capitaliste ne répond pas aux raisons pour lesquelles les gens fuient et constitue un obstacle à une lutte commune contre les causes des déficits sociaux. Sur une base capitaliste, il n’y a pas de solution à apporter à la question de la migration. Tant que ce système vivra, la situation pourrait même empirer. La question du changement social et d’une société socialiste doit être soulevée. C’est la seule façon de créer un monde où chacun pourra vivre et voyager comme il l’entend, sans risque de pauvreté, de persécution ou de guerre.

    Le mouvement ouvrier et la question nationale

    Un système en crise rend toutes les contradictions existantes plus prononcées. La question nationale en fait partie. Lors de l’école d’été du CIO, de nombreux exemples en ont été donnés : le mouvement en Catalogne, la situation en Irlande du Nord, l’appel à un deuxième référendum sur l’indépendance en Écosse, le débat sur le nom de Macédoine, la division à Chypre, etc. Plusieurs orateurs ont souligné que les marxistes sont en faveur du droit à l’autodétermination, mais que cela est directement lié à la nécessité d’un programme socialiste.

    Nous devons nous montrer flexibles dans notre tactique, mais déterminés dans notre programme. Des situations différentes exigent des approches différentes et une évaluation constante. Bien sûr, nous avons soutenu le droit du peuple catalan à un référendum sur l’indépendance contre la répression du gouvernement à Madrid. Cependant, un référendum en Irlande du Nord sur la frontière nord-sud dans le contexte du Brexit serait une toute autre affaire : cela ne ferait que renforcer dangereusement les divisions sectaires avec la possibilité d’un retour à la violence. Autour de la discussion sur le nom de Macédoine, nous avons défendu l’idée qu’il serait préférable d’adopter un nom tel que Macédoine du Nord pour la région de l’ancienne République yougoslave de Macédoine qui représente 38% du territoire total de l’ancienne Macédoine (52% se trouve en Grèce et 10% en Bulgarie).

    Malheureusement, il y a de la confusion parmi beaucoup de gens à gauche au sujet de la question nationale. Parfois, le besoin d’unité des travailleurs est invoqué pour nier le droit à l’autodétermination, alors que la reconnaissance de ce droit à l’autodétermination est précisément une condition préalable pour obtenir cette unité dans le respect de l’individualité de chacun et sur une base d’égalité. Les erreurs commises par Podemos et Izquierda Unida autour du mouvement catalan, en mettant l’opposition de masse en Catalogne sur un pied d’égalité avec la répression franquiste du gouvernement PP, sont en train de les exclure du mouvement. L’échec des travaillistes à soutenir le référendum sur l’indépendance en Écosse a conduit le parti à obtenir un score inférieur à celui des Conservateurs en Écosse, malgré la reprise limitée due à l’effet Corbyn.

    Lénine a fait remarquer un jour que ceux qui ne reconnaissent pas les droits des minorités et l’oppression nationale ne sont pas marxistes et ne sont même pas démocrates. La question nationale est un test important pour le programme et la méthode de toutes les organisations de gauche. Sans la reconnaissance du droit à l’autodétermination, les bolchéviks n’auraient pas pu réaliser la Révolution d’Octobre 1917. La question nationale gagnera en importance en période de crise du capitalisme. Elle peut constituer un levier dans la lutte contre l’austérité, l’oppression et le capitalisme.

    Construire l’alternative socialiste

    Dès 1938, dans le “Programme de transition”, Léon Trotski écrivait que la crise de l’humanité peut se résumer à la crise de la direction du mouvement ouvrier. Les nouvelles forces de gauche n’existent pas encore en tant qu’alternative, ce qui laisse de l’espace à de nombreuses forces pour marquer des points électoralement. Dans le même temps, cependant, nous devons reconnaître la position politique affaiblie de la bourgeoisie : nulle part il n’y a de gouvernement stable et cela avant cela que les forces de gauche ne représentent un défi important.

    Le rapport de force de la classe ouvrière est potentiellement bien meilleur qu’il n’y paraît à première vue. Avec de puissants partis des travailleurs, la situation pourrait être très différente et changerait énormément la conscience des masses. Il existe un fossé entre la maturité de la situation objective et l’immaturité des organisations de travailleurs. C’était déjà un thème du “Programme de transition” en 1938, mais cela est beaucoup plus prononcé aujourd’hui. Nous devons être proactifs dans la présentation de nos réponses et permettre aux nouvelles générations, qui commencent à entrer en lutte comme avec le référendum irlandais sur l’avortement, de prendre en compte les idées du socialisme.

  • Vaincre ‘‘l’hégémonie culturelle de droite’’ par l’audace et la confiance autour d’un programme socialiste

    ‘‘Il y a une hégémonie culturelle de droite, et si l’on veut pouvoir résister à la finance, au monde bancaire, à la Commission européenne, ça prendra du temps.’’ C’est ainsi que s’est exprimé Raoul Heddebouw dans les pages du Soir en juin dernier. Que la droite soit omniprésente dans le débat public, c’est une évidence. Et elle a un effet. Nous craignons que cette ‘‘hégémonie culturelle’’ ne soit utilisée par le PTB afin de repousser à un avenir lointain la perspective d’une transformation socialiste de la société pour se restreindre à un programme pragmatique de réformes limitées dans son activité quotidienne. On ne trouve aucun pont entre les réformes et le changement fondamental de société nécessaire à leur maintien.

    Dossier de Nicolas Croes

    En plus de posséder les moyens de production et d’échange – les secteurs-clés de l’économie – la classe capitaliste est parvenue à distiller son idéologie bien au-delà de sa propre classe sociale grâce à sa domination économique (l’argent), politique (le pouvoir) et légale (la contrainte). Le contrôle des médias, des programmes scolaires,… a donné de nombreux outils à la classe dominante pour développer le fatalisme chez les victimes de l’exploitation et des discriminations inhérentes au système capitaliste. Voire même pour les convaincre qu’il est dans leur intérêt que les choses restent en l’état.

    Comme le disaient Marx et Engels au 19e siècle : ‘‘Les pensées de la classe dominante sont aussi les pensées dominantes de chaque époque, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle.’’ (L’idéologie allemande) Ainsi, on nous fait accepter que le capitalisme est la meilleure manière d’organiser la société, que toute alternative est impossible. On nous fait croire que l’Histoire est le fait de personnalités remarquables de l’élite et, surtout, que les travailleurs et la jeunesse n’ont aucun pouvoir de changer la société si ce n’est en s’en remettant béatement à ces dernières.

    ‘‘Les faits sont têtus’’

    Les idées de la classe dirigeante ont beau être dominantes, elles sont pourtant constamment remises en cause par d’autres. Le discours officiel vient systématiquement buter sur la réalité de la vie quotidienne. Comme le disait Lénine, ‘‘les faits sont têtus’’. Cela ne signifie toutefois pas que la population peut s’extraire tout simplement de l’emprise de l’idéologie dominante mais, à certains moments, les frustrations et les incompréhensions accumulées durant une période parfois longue peuvent soudainement exploser et s’exprimer de manière tout à fait inattendue.

    Il n’est pas rare d’entendre que la Flandre est irrémédiablement ‘‘de droite et conservatrice’’. Il est d’ailleurs déplorable que cette idée soit défendue par certains à gauche, parfois en raison d’un honnête défaitisme, parfois pour justifier cyniquement qu’il ne sert à rien d’organiser des actions. Et pourtant…

    Pourtant, en décembre 2014, une enquête menée par le bureau iVox pour le magazine Knack et la chaîne VTM révélait que 85% des Flamands étaient favorables à l’instauration d’un impôt sur les fortunes à partir d’1 million d’euros. 85% ! L’idée d’une taxation sur les gains du capital était également bien accueillie : 57% des sondés affirmaient alors vouloir taxer tous les revenus du capital, tandis que 65% se prononçaient en faveur d’une taxe sur les gains des transactions financières.

    Les résultats de cette étude ne sont pas tombés du ciel : ils exprimaient l’effet d’entraînement qu’avait eu sur la société le plan d’action musclé du front commun syndical de l’automne 2014. Après une concentration de militants en septembre, une gigantesque manifestation avait été appelée et a réuni 150.000 personnes dans les rues de Bruxelles le 6 novembre 2014, dans la perspective d’une tournée de grèves provinciales qui fut un succès dans tout le pays, au Nord comme au Sud, et d’une grève générale nationale qui a paralysé l’ensemble du pays le 15 décembre. Chaque action donnait de l’élan pour la suivante. La colère sociale était devenue un véritable torrent qui a déferlé sur le pays.

    En dépit du battage médiatique intense contre les ‘‘grévistes preneurs d’otages’’ et de la quasi-unanimité du paysage politique flamand, 55% des sondés flamands soutenaient les actions syndicales, dont 32% des électeurs de la N-VA. Ce n’était pas compliqué à comprendre : 80% des répondants s’estimaient personnellement touchés par les mesures d’économie et 78% constataient qu’elles n’étaient pas réparties équitablement.

    Hélas, l’accent qu’ont ensuite mis les directions syndicales sur la ‘‘concertation sociale’’ ainsi que la désorganisation de la lutte a laissé le gouvernement se ressaisir. C’est ce qui lui a permis de continuer de faire des ravages, avec cette fois une attention toute particulière sur le sécuritaire et la question migratoire utilisés pour semer la division.

    Bien plus qu’une simple bataille d’idées

    La lutte d’idées reflète la lutte entre les classes sociales à l’œuvre dans la société. L’opposition à l’idéologie dominante de la classe dirigeante est le reflet des intérêts matériels des autres classes. En parlant de la Révolution russe, le révolutionnaire Léon Trotsky faisait remarquer que plus la classe des travailleurs agit ‘‘résolument et avec assurance, et plus elle a la possibilité d’entraîner les couches intermédiaires, plus la couche dominante est isolée, plus sa démoralisation s’accentue ; et en revanche, la désagrégation des couches dirigeantes apporte de l’eau au moulin de la classe révolutionnaire.’’

    C’est ce que l’on a pu voir au cours du plan d’action de 2014 : derrière la classe des travailleurs en action se sont groupés la jeunesse, le monde culturel (ce qui a notamment donné naissance à Tout Autre Chose),… On a même vu nombre de petits commerçants fermer symboliquement leur boutique ou leur café le jour des grèves pour montrer leur solidarité.

    Ce que cet exemple démontre, c’est que, sans remettre en question la nécessité de faire un intense travail de sensibilisation et d’information au jour le jour, c’est avant tout en entrant en action collectivement que la population passe à travers des sauts de conscience. La rapidité, l’ampleur, le caractère et la durée de ceux-ci sont déterminés par la manière dont elle peut être orientée au cours de son évolution. C’est là tout l’intérêt de construire des organisations politiques qui visent à accompagner cet apprentissage sur base de l’expérience concrète de la lutte.

    C’est ce que défendaient Marx et Engels dans le Manifeste du Parti Communiste. Selon eux, le rôle des communistes ne consiste pas à se contenter de prêcher la vérité au peuple par leur propagande en espérant que cela suffise à changer les mentalités. Il est de participer étroitement à la lutte des classes, en aidant les travailleurs à trouver le chemin vers une alternative.

    Un autre monde à gagner

    Vaincre définitivement ‘’l’hégémonie culturelle de la droite’’ exige de formuler des revendications et un programme qui repose sur les inquiétudes quotidiennes de la population pour faire un pont vers la nécessité d’un affrontement global avec le système capitaliste. Ainsi, sur base du sentiment général qui existe en faveur d’un impôt sur la fortune, il faut souligner que la seule manière d’éviter une fuite des riches et de leurs capitaux et de saisir en mains publiques la totalité du secteur financier. Ce qui permettrait de libérer les richesses dont nous avons besoin pour un vaste programme d’investissements massifs dans les infrastructures, les services publics,… Sur base d’une préoccupation largement ressentie, il est ainsi possible de donner un aperçu d’une organisation différente de l’économie et de la société : le socialisme.

    Trotsky disait à ce sujet : “La “possibilité” ou ‘‘l’impossibilité” de réaliser les revendications est, dans le cas présent, une question de rapport des forces, qui ne peut être résolue que par la lutte.’’ Allant un peu plus loin, il a ajouté que : “Les révolutionnaires considèrent toujours que les réformes et acquisitions ne sont qu’un sous-produit de la lutte révolutionnaire. Si nous disons que nous n’allons demander que ce qu’ils peuvent donner […] alors la classe dirigeante ne donnera qu’un dixième ou rien de ce que nous demandons. Le plus étendu et le plus militant sera l’esprit des travailleurs, le plus sera revendiqué et remporté.’’

    La classe des travailleurs a toujours le pouvoir de renverser le système capitaliste et de créer une société qui abolisse l’exploitation de classe, une société qui combine démocratie, égalité et liberté, surtout au vu des avancées économiques, scientifiques et technologiques modernes. Comme l’a expliqué le célèbre marxiste américain James Cannon, le rôle des socialistes authentiques est ‘‘de préparer les travailleurs pour cela, de les convaincre qu’une telle société est souhaitable et d’essayer de les organiser pour accélérer sa venue et pour y parvenir de la façon la plus efficace et la plus économique.’’ C’est l’approche défendue par le PSL.

  • Éthiopie. Le nouveau Premier ministre essaye de mettre fin à l’agitation sociale et politique par des concessions

    Ces trois dernières années, l’Éthiopie a connu une grande agitation sociale et politique. Des actions de protestations ont eu lieu dans presque tout le pays. La population est lassée de l’injustice, des abus, des assassinats et des arrestations. Elle revendique des changements politiques et économiques pour faire face aux difficultés qui touchent chaque domaine de la vie.

    Par Temesgen Bekele Aga (Rättvisepartiet Socialisterna, section suédoise du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    En raison de la force et de l’ampleur des actions de protestations en Éthiopie et ailleurs, le Premier ministre Hailemariam Desalegn a été contraint d’annoncer sa démission le 15 février dernier. Par la suite, le FDRPE (Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien) a déclaré l’état d’urgence pour la deuxième fois en deux ans. Le FDRPE est officiellement une coalition de quatre partis qui gouverne le pays depuis 27 ans. En réalité, le rassemblement est totalement sous le contrôle dictatorial d’un des partis, le FLPT (Front de libération du peuple du Tigray).

    Le comité exécutif du FDRPE a tenu une réunion longue et secrète. Après un mois, Abiy Ahmed, 41 ans, a été élu nouveau président du parti et premier ministre éthiopien.

    Ahmed est originaire de la région d’Oromia et est issu des Oromos, le plus grand groupe ethnique d’Éthiopie (représentant environ 32 millions d’habitants sur 105 millions). Il a fait part de l’armée éthipienne dans sa jeunesse et devint plus tard lieutenant-colonel. Il a également occupé différents postes gouvernementaux, dont celui de ministre des sciences et de la technologie ainsi que de président et vice-président de l’État régional d’Oromia.

    Oromia est l’épicentre de manifestations de masse depuis août 2016. Celles-ci s’opposaient à l’accaparement des terres par le gouvernement dans le cadre d’un plan d’expansion de la capitale, Addis-Abeba. Des centaines de personnes ont été tuées par les forces de sécurité de l’État lorsque la population, souvent dirigée par des jeunes, s’est révoltée. Les protestations se sont répandues dans toute l’Oromia mais aussi dans la deuxième plus grande région, Amhara, ainsi que dans la capitale.

    Les revendications du mouvement visaient non seulement l’accaparement des terres, mais aussi le régime lui-même. En dépit d’une décennie où le pays a connu la plus forte croissance d’Afrique, et peut-être même du monde, avec 10 % par an, la vie de la plupart des gens n’a pas changé. La majorité de la population vit d’une agriculture à petite échelle et autosuffisante. Pour les jeunes qui ont pu étudier à l’université, le chômage reste élevé.

    Le régime a longtemps eu recours à une répression brutale contre toute forme d’opposition. Les élections de 2005 avaient ainsi clairement été remportées par l’opposition, mais celle-ci a été victime d’une répression qui a fait des centaines de morts. Aujourd’hui, le FDRPE détient tous les sièges au “parlement” et tous les opposants sont qualifiés de “terroristes” et emprisonnés. Les partisans internationaux du régime – les États-Unis, l’UE et surtout la Chine – ont tous accepté ces méthodes dictatoriales.

    Le “voyage de la paix” d’Abiy

    Après avoir été élu, il s’est rendu dans différentes parties du pays – du nord au sud et d’est en ouest – avec l’idée d’un “voyage de la paix” visant à stabiliser les troubles sociaux et politiques. Au cours de son voyage, il largement bénéficié d’un écho positif en raison de son approche du nationalisme éthiopien (“l’éthiopianisme”) qui diffère fortement des idées des dirigeants précédents et du FDRPE lui-même, qui se sont essentiellement basés sur les divisions ethniques au cours des 27 dernières années.

    Depuis la nomination d’Abiy en avril 2018, une pléthore de dirigeants politiques, de chefs militaires et de chefs du renseignement de l’administration précédente, qui semblaient autrefois puissants et intouchables, ont été rétrogradés ou démis de leurs fonctions.

    Il s’est également rendu au Soudan, au Kenya, en Égypte, en Somalie et en Arabie saoudite. En plus de renouveler les relations diplomatiques et politiques, il a obtenu la libération de milliers d’Éthiopiens emprisonnés dans ces pays. Le peuple éthiopien a considéré cette action comme un acte de renouveau du nationalisme éthiopien et de la protection des citoyens où qu’ils se trouvent.

    Cependant, le Premier ministre Abiy était loin d’être à l’abri des critiques quand il s’efforçait de libérer de personnes emprisonnées à l’étranger alors que son propre gouvernement en détenait encore des milliers en prison. Nombre de ces derniers étaient journalistes, dirigeants et membres de partis politiques de l’opposition, chefs religieux, etc. Après une vaste campagne menée dans les médias sociaux et après de nombreuses manifestations, son régime a libéré des milliers de personnes, y compris des dirigeants de partis politiques et des journalistes comme Merara Gudina, Bekele Gerba, Andargache Tsige, Fikru Maru, Eskinder Nega, Temesgen Desalegn. Son gouvernement a également rejeté les accusations portées contre les dirigeants des partis politiques reposant sur la diaspora, comme Birhanu Nega et Jawar Ahmed, ainsi que contre les médias basés sur la diaspora, comme Esat et OMN (Oromia Media Network)

    Il a invité les dirigeants des partis politiques de l’opposition et les journalistes à son palais (y compris ceux qui avaient été libérés de prison) et leur a demandé de travailler avec lui dans l’intérêt de l’unité du peuple éthiopien et d’élargir le système démocratique en Éthiopie. Abiy a également invité tous les partis politiques éthiopiens à l’étranger à venir travailler pacifiquement en Éthiopie. Après son invitation, certains partis politiques comme le Front Démocratique de l’Oromo (FDO), dirigé par le vétéran politique Lencho Leta, ont accepté son invitation et sont retournés au pays.

    Tout cela a renforcé la confiance du peuple éthiopien envers le nouveau gouvernement. Abiy a continué sur sa lancée et, le 2 juin, le cabinet éthiopien a approuvé un projet de loi qui lèverait l’état d’urgence à l’échelle nationale deux mois avant la date prévue. Le gouvernement a déclaré que la situation du pays en matière de paix et de sécurité s’est beaucoup améliorée. Cet état d’urgence controversé et dénué de sens avait été déclaré immédiatement après la démission de l’ancien Premier ministre, Hailemariam Desalegn.

    La paix avec l’Erythrée ?

    Abiy affirme vouloir résoudre le conflit avec l’Érythrée. Il appelle à la paix et se montre intéressé par la proposition de paix d’Alger qui a suivi la guerre de 1998-2000. L’accord exigeait que la ville contestée de Badime reste à l’Erythrée. Le gouvernement érythréen a réagi positivement au programme éthiopien de paix et de réconciliation. Le Président érythréen Isayas a annoncé son intention d’envoyer une délégation à Addis-Abeba pour discuter de la question et de l’accord de paix d’Alger.

    Mais la décision de donner Badime à l’Erythrée n’est pas acceptée par beaucoup d’Ethiopiens. Les habitants de Badime ont été les premiers à s’opposer et à manifester contre cette décision. Ils ont dit : “Nous sommes éthiopiens, hier, aujourd’hui et demain ! » Les manifestations se sont répandues dans toute la région du Tigray.–

    Un plan de privatisations

    Le gouvernement Abiy a également annoncé un plan de privatisation des entreprises d’État. Les actions d’Ethio-Telecome, Ethiopian Airline, Ethiopian Power et Maritime Transport and Logistics Corporation seront vendues à des capitalistes nationaux et étrangers, tandis que l’État détiendra une participation majoritaire.

    Jusqu’à présent, le FDRPE a tenté de suivre le « modèle chinois », l’Etat (l’armée et le parti) gardant un contrôle de l’économie tout en invitant les multinationales à venir, en offrant à ces dernières des travailleurs bien formés à bas salaires et sans protection syndicale. Les autorités ont également amélioré les infrastructures, le plus souvent avec des prêts chinois et des entreprises chinoises. Parallèlement, l’Éthiopie est un allié militaire des États-Unis.

    Ce nouveau plan pro-marché est un avertissement aux travailleurs, aux jeunes et aux pauvres d’Éthiopie. De nouvelles étapes vers la mondialisation capitaliste ne feront qu’accroître la pauvreté et l’exploitation. Malgré la croissance rapide des années 2000, l’Éthiopie a toujours l’un des PIB par habitant les plus bas au monde. La famine et la misère côtoient des usines de haute technologie et les chemins de fer.

    Tous ces changements ont été effectués en seulement trois mois, depuis son arrivée au pouvoir. Toujours très populaire, Abiy n’est pas exempt de critiques. Des meurtres et des expulsions sur base de groupe ethnique ont toujours lieu. Les Amharas ont été la cible de meurtres brutaux et d’expulsions dans la région d’Oromia et de Benshangul Gumuz, de même que les Oromos de la région de Somalie, etc. Et un conflit ethnique mortel se déroule toujours entre Wolaytas et Sidamas, Gurages et Kebenas.

    Certains groupes affirment que la nomination du premier ministre Abiy est une stratégie de survie du FDRPE. Parce jusqu’à ce jour, l’objectif le plus important du FDRPE a toujours été son propre pouvoir et sa propre survie. D’autres groupes, y compris les dirigeants des partis politiques de l’opposition en Éthiopie ainsi qu’en exil, déclarent que le peuple éthiopien doit le soutenir parce qu’il a un bon programme sur la démocratisation de l’Éthiopie, l’unification et la stabilisation du peuple éthiopien et de la Corne de l’Afrique.

    Un régime divisé

    On estime que le FDRPE est divisé en groupes pro-Abiy et anti-Abiy. Le FLPT a accepté la nomination du Dr. Abiy comme moyen de calmer le soulèvement populaire. Mais ses membres veulent disposer de quelqu’un comme l’ancien premier ministre, Hailemariam Desalegne, soit une marionnette qui les cajole à chaque fois qu’ils en ont besoin et qui applaudit quand ils en ont besoin. L’autorité du FLPT n’est pas censée être remise en question. Tous les autres membres de l’alliance FDRPE n’existent que grâce à eux. Ils ont été créés et promus grâce au FLPT.

    Abiy Ahmed, cependant, a été plus vite et plus loin que les dirigeants du TPLF ne le souhaitaient. Ils lui ont ouvertement reproché de ne pas les avoir consultés avant d’annoncer des changements majeurs.

    Les tensions se sont manifestées lorsque des militants politiques et des défenseurs des droits de l’homme ont organisé un rassemblement pour manifester leur soutien et remercier le nouveau Premier ministre le 23 juin. Ce jour-là, des centaines de milliers de personnes venant de différentes parties du pays se sont rassemblées sur la place Meskel à Addis Abeba pour prendre part à un rassemblement pacifique de solidarité en faveur de son programme de réformes. Les supporters portaient des vêtements sur lesquels figuraient le portrait d’Abiy et et différents slogans comme ‘One love, one Ethiopia’, ‘Unity’, etc.

    Abiy s’est présenté à la marche en portant un t-shirt arborant une carte de l’Afrique et le fameux salut du pouvoir de Mandela. Puis il a fait un discours qui a réchauffé la foule. Mais, juste après, une bombe a explosé près du premier ministre. Au moins deux personnes sont mortes et des centaines de personnes ont été blessées. Abiy, à la télévision nationale, a décrit l’incident comme “une tentative infructueuse des forces qui ne veulent pas voir l’Éthiopie unie”. Il a dit qu’il s’agissait d’une ” attaque bien orchestrée “, mais qui a échoué.

    Le lendemain, Zeinu Jemal, chef de la Commission de la police fédérale, a déclaré à la Société éthiopienne de radiodiffusion, propriété de l’État : “Le nombre de suspects en garde à vue pour implication dans l’attaque de Meskel Square a atteint le nombre de 30.” Neuf agents, dont le chef adjoint de la commission de police d’Addis-Abeba, ont été arrêtés pour faille de sécurité, selon des sources officielles.

    Les perspectives de l’Éthiopie sont ouvertes. Abiy Ahmed disposera d’une période de lune de miel, même les sceptiques attendront de voir. Jusqu’à présent, Abiy Ahmed n’a pas modifié les lois antiterroristes notoires et n’a inculpé aucun des dirigeants ou officiers précédents pour les massacres et les arrestations massives qu’ils ont commis. Les dirigeants du FLPT sont restés en place et contrôlent toujours l’appareil de sécurité. Il n’y a pas de date pour de nouvelles élections ou des changements dans la loi électorale.

    Les luttes et les révoltes dans d’autres pays, comme le processus de révolution et de contre-révolution en Afrique du Nord et au Moyen Orient en 2011, ont montré que le changement de régime au sommet ne suffit pas. Avec l’économie et l’appareil d’Etat sous le contrôle des capitalistes et des généraux, les attentes des masses ne pourront jamais être satisfaites.

    Lorsque des manifestations referont leur apparition en Éthiopie, le régime, avec ou sans Abiy, peut, à un certain stade, tenter à nouveau de raviver les divisions et les conflits ethniques. Aucune mesure n’a été prise pour mettre fin aux tueries à la frontière entre l’Oromia et la région somalienne de l’Éthiopie.

    Les changements rendus nécessaires par les protestations de masse ont donné une certaine ouverture. Cela doit être utilisé pour organiser à partir de la base un mouvement indépendant des travailleurs, avec des syndicats démocratiques et une force politique qui défie le régime et son système capitaliste. L’Éthiopie a besoin d’un parti politique socialiste révolutionnaire et démocratique.

  • Relations mondiales : Divisions ouvertes au G7

    L’échec du G7 et les pénalités douanières reflètent le désordre capitaliste mondial.

    Les déclarations de Trump à la suite de sa rencontre de Singapour avec Kim Jong-un ont fortement contrasté avec l’humeur pessimiste de la plupart des autres dirigeants qui l’avaient accompagné au dernier sommet du G7, au Canada.

    Par Robert Bechert, Secrétariat international du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)

    Ce G7 fut une démonstration de faiblesse de la part de ce club de dirigeants. La réunion n’a pas pu cacher les divisions croissantes entre les vieilles puissances impérialistes, chose inédite depuis le début de ces réunions en 1975. Ce rassemblement de dirigeants capitalistes de premier plan n’avait vraiment rien à dire sur les questions cruciales auxquelles le monde est confronté. Le déclin du G7 a été fortement symbolisé par le retrait de Trump du communiqué final du G7. Cet exemple largement symbolique de la politique “America First” de Trump a été suivi par quelque chose de plus significatif, l’imposition de taxes douanières supplémentaires sur une série d’exportations chinoises vers les États-Unis.

    Ces mesures, ainsi que l’imposition antérieure de taxes supplémentaires sur les importations d’acier et d’aluminium aux États-Unis, ont accru les craintes des opposants de Trump, et de certains secteurs clés du milieu américain des affaires, que ces pénalités douanières puissent déclencher une guerre commerciale ou, à tout le moins, un ralentissement de l’économie mondiale.

    Ces mesures, ainsi que d’autres développements tels que la réaffirmation du rôle du régime russe au Moyen-Orient et ailleurs, ouvrent un nouveau chapitre dans les relations mondiales.

    Les affrontements individuels entre leaders n’étaient pas uniquement le résultat de la brutalité de Trump, de son ego, de ses propres « fake facts » et de ses changements rapides de politique. Plus fondamentalement, ils reflètent les changements qui surviennent dans les relations politiques et économiques mondiales alors que les rivalités et l’instabilité augmentent à un moment où l’économie internationale n’a pas encore échappé aux conséquences de la crise qui a commencé en 2007/8.

    La montée en puissance de la Chine nouvellement capitaliste et l’affaiblissement relatif de l’impérialisme américain constituent des éléments cruciaux. Ce déclin est l’une des raisons pour lesquelles Trump utilise des tarifs douaniers contre la Chine. Historiquement, la première puissance de toute époque a défendu le libre-échange, en raison de sa domination du marché mondial, comme l’a fait la Grande-Bretagne au XIXe siècle. En outre, la domination stratégique internationale dont les Etats-Unis ont bénéficié après l’effondrement de l’ex-Union soviétique est terminée. Mais, en dépit de la montée en puissance de la Chine et de son rôle international croissant, les États-Unis demeurent aujourd’hui encore la première économie mondiale et la puissance militaire mondiale prédominante.

    D’autres ingrédients de ce mélange international volatil sont l’aiguisement des questions environnementales, comme l’approvisionnement en eau, et la façon dont certains pays connaissent une croissance démographique rapide qui modifie également les équilibres de force régionaux, tout en posant fortement la question de ce que l’avenir réserve à des dizaines de millions de jeunes.

    Pour les jeunes en particulier, le futur caractère de l’emploi est posé par les changements structurels profonds qui se produisent à la fois dans les économies nationales et dans l’économie mondiale à mesure que la technologie et la numérisation se développent. Une question clé sera de savoir qui bénéficiera de ces changements, les capitalistes et une petite élite ou au contraire la masse de l’humanité. Actuellement, beaucoup de ces développements sont utilisés pour accroître les profits et aiguiser la concurrence au détriment des travailleurs.

    Dans ce contexte, l’économie mondiale a renoué avec la croissance, mais à un rythme plus lent qu’avant la crise de 2007/8. Cependant, une grande partie de cette croissance repose sur l’utilisation de la dette pour tenter de surmonter les séquelles persistantes de cette crise. Rien qu’en 2017, la dette mondiale totale a augmenté de plus de 20.000 milliards de dollars pour atteindre 237.000 milliards de dollars, soit l’équivalent de 30.000 dollars pour chaque être humain sur la planète, ce qui a suscité des craintes d’une nouvelle crise financière.

    Simultanément, l’Union européenne (UE) est confrontée à ses propres problèmes de tensions entre ses membres, aux effets de Brexit, à la prévention d’une nouvelle crise monétaire de l’euro, à l’impact de l’afflux de migrants et à son propre déclin international relatif. Ce n’est pas un hasard si, au G7, le nouveau gouvernement italien était le seul qui semblait éprouver de la sympathie à l’égard de certaines des positions de Trump.

    Tout cela s’est traduit par une concurrence accrue entre puissances rivales pour maintenir ou accroître leur part d’un marché à croissance lente et à concurrence plus intense. L’”America First” de Trump en est un exemple frappant, mais il exprime plus ouvertement et plus grossièrement ce que tous les capitalistes visent. L’administration de Trump ne s’inquiète pas de l’instabilité que ses actions créent, elle la considère comme une rupture de l’équilibre avec ses rivaux et libère l’impérialisme américain de certaines des contraintes imposées par la collaboration avec d’autres puissances. Mais la classe dirigeante américaine est loin d’être la seule à poursuivre ses propres intérêts, actuellement c’est Trump qui est tout simplement le plus direct à le dire. L’impérialisme allemand est actuellement généralement plus circonspect dans la manière dont il cherche à diriger l’UE, bien qu’il ait été brutal lorsqu’il a réussi à mettre la Grèce au pied du mur en 2015.

    Trump veut également toujours préserver sa base aux Etats-Unis, la plupart de ses tweets lui sont destinée, un régime régulier de vantardises concernant ce qu’il a “fait”, de nationalisme et d’attaques populistes contre ses opposants. Outre la droite, une partie importante de la base de Trump est composée de ceux dont le niveau de vie était déjà en difficulté avant la récession et qui se sentaient les laissés pour compte de ce qu’ils voyaient comme un establishment élitiste. Ainsi, Trump continue de promettre de “rendre l’Amérique à nouveau grande” ainsi que de ramener des emplois de bonne qualité dans le pays et d’attaquer hypocritement les membres de la classe dirigeante américaine qui osent s’opposer à lui.

    Mais, à bien des égards, la situation aux États-Unis n’est pas unique. Partout dans le monde, la colère et l’aliénation minent les institutions et les structures existantes, y compris les parlements et les partis politiques. Dans de nombreux pays, avant même l’éclatement de la crise de 2007/8, des années d’attaques néolibérales et de revers pour les mouvements ouvriers avaient entraîné une polarisation croissante de la richesse et une diminution des conditions de vie tant pour la classe ouvrière que pour des sections de la classe moyenne.

    Depuis lors, la longue crise a davantage creusé le niveau de vie, le travail “atypique” (les contrats à durée déterminée, le travail précaire, le développement de secteurs à bas salaire imposés par les autorités, etc.) s’est étendu et de plus en plus de gens craignaient que leurs enfants et leurs petits-enfants aient un niveau de vie moins élevé et des perspectives de vie moins bonnes. En plus de cette colère, l’idée s’est développée parmi beaucoup de gens qu’ils payent une crise dont ils ne sont pas responsables, en dépit des efforts vains de la classe dirigeante pour leur faire accepter l’inverse. Le fait que de nombreuses banques, dont il est généralement admis qu’elles ont déclenché la crise de 2007/8, ont recommencé à réaliser d’énormes bénéfices ne fera que renforcer cette amertume.

    Autre source d’amertume ; la récente croissance économique limitée n’a pas, dans de nombreux pays, entraîné d’augmentation réelle et soutenue des revenus et des conditions de travail de la classe ouvrière ou de la classe moyenne. Actuellement, l’Allemagne, la plus grande économie européenne, connaît le taux d’emploi le plus élevé de son histoire, mais les syndicats estiment qu’environ 20% des travailleurs se trouvent dans le secteur des bas salaires.

    Cela survient à un moment où, à l’échelle internationale, l’énorme polarisation des richesses s’est poursuivie. Les politiques d’”assouplissement quantitatif” (QE, quantitative easing) menées par de nombreux gouvernements dans le but d’atténuer l’impact de la crise ont dans les faits également servi à enrichir davantage la classe dirigeante. En Grande-Bretagne, la Banque d’Angleterre estime que les 10% des familles les plus riches ont bénéficié en moyenne chacune de 350.000 livres sterling grâce à ces opérations d’assouplissement quantitatif entre 2009 et 2014, soit environ 1.345 livres sterling de revenus supplémentaires chaque semaine, et ces familles ont certainement gagné bien plus depuis lors.

    Après le début de la crise, pays après pays, les protestations se sont multipliées, qu’il s’agisse de luttes industrielles, de manifestations de masse ou de la naissance de nouveaux mouvements politiques. Toutefois, jusqu’à présent, ces développements n’ont pas conduit à des changements décisifs. Cela s’explique en grande partie par le fait que les dirigeants de ces mouvements ne disposent pas d’un programme visant à contester le système capitaliste ou ne sont pas disposés à le faire. Cet échec, qui s’est surtout traduit par la trahison des dirigeants de SYRIZA en Grèce en 2015 lorsqu’ils ont accepté de mettre en œuvre des politiques d’austérité, a souvent ouvert la voie à la croissance des populistes de droite et des partis d’extrême droite. Ces forces ont parfois mentionné de véritables questions et craintes, mais ont donné des réponses erronées, souvent enrobées d’une propagande réactionnaire et nationaliste.

    La victoire de Trump elle-même était en partie enracinée dans la déception éprouvée face aux promesses « d’espoir » d’Obama, qui ne se sont pas concrétisées pour nombre d’Américains, au côté de la campagne pro-entreprise pourrie de Clinton. Alors que Trump représente une partie de la classe dirigeante américaine, sa prise de pouvoir sur le parti républicain américain et son arrivée à la présidence reflète combien les classes dirigeantes nationales ont, du moins pour l’instant, perdu leur emprise sur les événements politiques dans leurs propres États. Même si les politiciens capitalistes et les machines d’Etat n’ont pas dans le passé tout simplement été de simples marionnettes aux mains de la classe dirigeante, ils représentaient généralement leurs intérêts généraux, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui avec les gouvernements actuels aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et maintenant en Italie.

    Mais les événements ne se développent pas en ligne droite. La victoire de Trump elle-même a stimulé l’opposition au sein des États-Unis. Il ne faut pas oublier qu’il a perdu le vote populaire en 2016 et que Trump craint évidemment de futures défaites électorales. Il veut désespérément maintenir sa base ensemble, se présenter comme un “outsider” et est prêt à blâmer les autres pour tous ses échecs. Ses tactiques grossières, souvent basées la logique de « diviser pour mieux régner » tant au niveau national qu’international, peuvent elles-mêmes accroître les turbulence et provoquer des changements rapides.

    Malgré son caractère international, fortement renforcé par la mondialisation, le capitalisme, de par sa nature même, est enraciné dans l’État-nation, ce qui entraîne des rivalités, des affrontements et est à l’origine de conflits et de guerres. Avant la Seconde Guerre mondiale, c’était même le cas entre alliés. Ce n’est qu’en 1939 que l’armée américaine a cessé de mettre à jour son « War Plan Red », un plan consacré à un éventuel conflit militaire avec la Grande-Bretagne. Et même alors, ce plan a été préservé un certain nombre d’années. Il est évident qu’il n’y a aucune perspective de guerre entre les États-Unis et la Grande-Bretagne aujourd’hui, mais l’histoire joue encore un rôle aujourd’hui. Ainsi, dans le cadre de sa propagande, Trump a récemment reproché au Canada d’avoir incendié Washington DC en 1814, alors qu’il s’agissait en fait d’une armée britannique.

    Après 1945, le capitalisme a été contesté durant des décennies par le stalinisme. Le stalinisme ne représentait pas le socialisme, mais un régime totalitaire qui a émergé à partir des développements contre-révolutionnaires survenus en Russie dans les années 1920 et 1930. Cependant, pendant des décennies, ce système ne reposait pas sur une économie capitaliste. Pendant un certain temps, surtout après 1945, les puissances capitalistes ont craint que la transformation de pays comme la Russie et la Chine soit considérée comme des exemples illustrant que des alternatives au capitalisme étaient possibles. L’existence d’Etats non capitalistes, bien que staliniens, a fourni un ciment qui a généralement gardé sous contrôle les rivalités et les conflits entre grandes puissances capitalistes. Mais après l’effondrement du stalinisme en ex-Union soviétique et en Europe, suivi de la transformation de la Chine en une forme particulière de capitalisme d’État, ce ciment s’est dissous. C’est en partie pourquoi Trump et ses partisans estiment que c’est le bon moment pour lancer une contre-offensive contre les capitalistes rivaux qui prospèrent aux dépens des Etats-Unis.

    Mais ce ne sont pas seulement les politiques de Trump qui causent des perturbations. Les tensions s’intensifient à nouveau au sein de l’Union européenne, non seulement sur la question des migrations, mais aussi sur l’avenir de la zone euro, en particulier sur la manière de faire face à une nouvelle crise bancaire, ce qui est largement considéré comme une possibilité. L’UE peut également être confrontée par le fait que l’Italie et d’autres pays de l’UE, se tournent vers Trump afin de bénéficier d’un effet de levier contre l’Allemagne et la France, ce qui conduirait à des affrontements plus profonds.

    Depuis les années 1930, les divisions capitalistes internationales n’ont jamais été aussi ouvertes. Alors que des affrontements militaires directs entre grandes puissances capitalistes sont très peu probables à ce stade, la possibilité de conflits régionaux, de guerres par procuration et, plus tard, peut-être même d’escarmouches entre les forces américaines et chinoises ne peut être exclue.

    Bien sûr, dans ces conflits, l’hypocrisie ne manque pas de part et d’autre. Les médias capitalistes des pays qui ressentent les attaques de Trump ont critiqué son incapacité à mentionner les droits de l’homme avec Kim Jong-un, mais ils omettent souvent de mentionner le silence de leurs propres gouvernements sur les droits de l’homme en Arabie Saoudite et dans les autres dictatures du Golfe.

    La polarisation qui prend place aux États-Unis montre comment les politiques de Trump, l’enrichissement de sa propre famille et son comportement personnel provoquent une opposition. Parallèlement, la combinaison d’une croissance économique limitée et d’une augmentation considérable des bénéfices de nombreuses entreprises aux États-Unis commence à encourager les travailleurs à faire pression pour obtenir leurs revendications. Le nombre total de membres des syndicats américains a augmenté de 262.000 personnes l’an dernier, les trois quarts de ces nouveaux affiliés ayant moins de 34 ans. Cette année a déjà été marquée par une vague de grèves parmi les enseignants, souvent organisées par la base, afin d’exiger plus de moyens pour l’enseignement ainsi que de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail.

    Tant aux États-Unis qu’à l’échelle internationale, on craint que les politiques de Trump, malgré sa rencontre amicale avec Kim Jong-un, ne conduisent à de nouveaux conflits militaires, en particulier au Moyen-Orient. Ceci, au côté de sa politique réactionnaire, constituera un facteur important dans les manifestations de masse qui accueilleront la visite de Trump en Grande-Bretagne en juillet.

    Mais aux États-Unis même, l’intérêt croissant pour le socialisme reflète la recherche d’une issue pour la société. Parmi ceux qui cherchent une alternative se développe la compréhension que les victoires de la droite – d’abord George W. Bush et maintenant Trump – étaient le reflet de la déception populaire à l’égard des présidences de Bill Clinton et d’Obama. La victoire de Trump, comme les succès de la droite dans d’autres pays, est liée au fait que les républicains traditionnels et Hilary Clinton n’étaient pas en mesure de faire face aux populistes et nationalistes de droite, ainsi qu’à l’extrême droite, qui exploitent les craintes et la colère de la population.

    C’est pourquoi il est si nécessaire de construire une alternative socialiste contre les troubles et les dysfonctionnements du capitalisme. Des luttes prendront place sur des questions importantes comme les conditions de vie, l’oppression, l’environnement et les droits démocratiques, ainsi que contre les politiques menées par les politiciens capitalistes. Il est d’une nécessité vitale de discuter du programme et des stratégies nécessaires pour remporter ces batailles mais, pour parvenir à un changement durable, cela doit être lié à la construction ou à la reconstruction d’un mouvement socialiste clairement indépendant du capitalisme et qui lui soit opposé.

    Cela signifie d’avoir la perspective de renverser le capitalisme, de placer les secteurs économiques clés sous propriété publique et de commencer à démocratiquement planifier l’utilisation des talents humains et des ressources à travers le monde dans l’intérêt de l’humanité et non pour satisfaire l’avidité capitaliste. C’est ce que Socialist Alternative défend aux Etats-Unis dans les divers mouvements de lutte qui s’y développent et ce que d’autres activistes du Comité pour une Alternative Ouvrière défendent également dans le monde entier.

  • Trotsky et la Première Guerre mondiale – Les mouvements de masse peuvent stopper l’horreur

    Le Moyen-Orient est aux prises avec une spirale désespérée de guerre et de violence dans laquelle sont impliquées toutes les puissances mondiales, alors que chaque puissance régionale défend ses intérêts. La guerre en Syrie a dégénéré en une série de conflits et de guerres aux multiples facettes, avec la possibilité d’une nouvelle guerre généralisée. Le Moyen-Orient d’aujourd’hui rappelle les Balkans des années qui ont précédé la Première Guerre mondiale. Une nouvelle guerre mondiale menace-t-elle ? Quelles leçons tirer de la Première Guerre mondiale ?

    Par Geert Cool

    Une lutte pour les marchés et l’influence

    Derrière la Grande Guerre prenait place une bataille féroce pour les marchés et l’influence. Dans ‘‘La Guerre et l’Internationale’’, Léon Trotsky notait : ‘‘Le développement futur de la propriété mondiale mettra en lumière la lutte incessante que se livrent les grandes puissances pour le partage de la surface terrestre. La rivalité économique, sous le signe du militarisme, s’accompagne de pillages et de destructions, désorganisant ainsi les bases de la propriété humaine.’’ L’intégration mondiale de l’économie n’a pas mis fin aux divergences d’intérêts historiques, économiques, politiques et stratégiques des classes dirigeantes nationales. Et la guerre en a été l’expression tragique. Comme l’a dit le socialiste français Jean Jaurès, assassiné dès le début de la guerre : ‘‘Le capitalisme porte en lui la guerre, comme la nuée porte l’orage.’’

    Au Moyen-Orient, comme dans les Balkans avant la Première Guerre mondiale, les puissances impérialistes se battent pour l’influence et le contrôle de territoire. Les droits nationaux sont piétinés ou utilisés comme monnaie d’échange au service des ambitions impérialistes des principaux acteurs de la région. Le risque existe d’une nouvelle escalade de la guerre syrienne vers un conflit régional avec d’une part Israël, soutenu par Trump et les États-Unis, et d’autre part l’Iran, soutenu par le bloc chiite et, en arrière-plan, par la Russie. La résiliation unilatérale de l’accord nucléaire avec l’Iran par Trump a déjà été suivie d’attaques de missiles israéliens contre des cibles iraniennes en Syrie. Même si lancer une guerre généralisée n’est pas à la base de ces actions, le conflit peut développer sa propre dynamique dans cette direction.

    La perspective de conflits et de guerres régionales continue de menacer. À court terme, une guerre mondiale n’est pas à l’ordre du jour. Les conséquences d’un tel conflit, avec l’existence d’armes nucléaires, seraient la destruction totale de la planète. De plus, les classes dirigeantes redoutent les troubles sociaux et les révolutions que cela entrainerait et qui pourraient renverser des figures de premier plan de l’impérialisme et du capitalisme.

    De l’horreur à la révolution

    L’horreur de la guerre peut reléguer au second plan la perspective de la lutte de classe pour une société socialiste. La vague nationaliste qui a déferlé au début de la Première Guerre mondiale a même inondé les partis ouvriers les plus puissants de l’époque. Le programme socialiste, y compris l’internationalisme, a été abandonné. Karl Kautsky avait peut-être la plus grande autorité au sein du mouvement socialiste de l’époque ; il a déclaré que l’instrument de l’internationalisme n’était ‘‘pas un outil efficace en temps de guerre’’. Alors qu’il était précédemment généralement reconnu que le capitalisme conduisait à la guerre, au début de cette guerre, la réponse du socialisme a été ignorée.

    Cependant, plusieurs guerres ont pris fin par la lutte des classes, y compris par la (menace de) révolution. Avec la Révolution russe de 1917, il était devenu intenable de poursuivre la Première Guerre mondiale. La Révolution allemande de novembre 1918 lui a donné le coup de grâce. En 1973, le président américain Richard Nixon n’avait plus d’autre alternative à sa disposition que le retrait des troupes du Vietnam, car la poursuite de cette guerre menaçait de conduire à une révolte sociale incontrôlable aux Etats-Unis.

    Beaucoup de forces limitent leurs efforts à des appels désespérés en faveur de négociations de paix entre les dirigeants du monde, alors que se sont ces mêmes dirigeants capitalistes qui s’engagent dans les diverses guerres tout en employant une rhétorique favorable aux solutions politiques plutôt que militaires. Mais la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens. Pour combattre un incendie, on fait appel aux pompiers, pas aux pyromanes.

    Construire un mouvement anti-guerre

    L’histoire récente illustre elle aussi le potentiel d’un fort mouvement anti-guerre. Fin 2002 et début 2003, les mobilisations ont été massives contre l’invasion imminente de l’Irak. Des millions de personnes sont descendues dans les rues lors de la plus grande journée internationale d’action jamais vue. Ce mouvement de masse a pourtant eu lieu à la suite du triomphalisme néolibéral des années 1990.

    Depuis la récession économique de 2008, nous sommes dans une autre situation : l’autorité de l’ensemble des institutions établies ainsi que des politiciens a encore été sapée. Des premières expériences de mouvements de masse ont renversé des dictateurs en Tunisie et en Egypte ; des couches plus larges cherchent des alternatives à la situation actuelle et, dans certains pays, ils s’orientent explicitement vers le socialisme. Un puissant mouvement anti-guerre irait peut-être aujourd’hui un cran plus loin avec un élément insuffisamment présent en 2003 : le blocage des ports et de l’industrie de l’armement ou, si nécessaire, de l’ensemble de l’économie afin d’arrêter (chaque pas vers) la guerre.

    La situation désespérée en Syrie et ailleurs n’entraîne pas encore de mouvements de masse. Beaucoup sont paralysés par le désespoir. L’escalade de la guerre, la fatigue concernant cette dernière et la résistance croissante aux dépenses militaires insensées peuvent conduire à de nouveaux mouvements anti-guerre. Cependant, nous ne devons pas simplement attendre que cela se produise ; il nous faut dès à présent poser les bases d’une résistance anti-guerre active. Nous ne créons pas la scène historique sur laquelle nous sommes actifs, nous devons agir sur le terrain que l’Histoire a créé.

    Que peut nous apprendre Trotsky ?

    L’année dernière, nous avons accordé beaucoup d’attention au 100e anniversaire de la Révolution russe et nous ferons de même avec celui de la Révolution allemande de 1918. Ces deux mouvements révolutionnaires résultent de la Première Guerre mondiale et ne peuvent être compris sans une meilleure compréhension de cette guerre elle-même. Léon Trotsky a écrit beaucoup de matériel durant la guerre, y compris son texte ‘‘La Guerre et l’Internationale’’ dans lequel une vue d’ensemble de la situation et un programme anti-guerre ont été présentés. Dans sa correspondance de guerre, il discute des principaux développements ainsi que de la vie quotidienne sur la ligne de front. Il a par exemple décrit les tranchées ou le destin du 7e régiment lors, entre autres, de la terrible destruction de Louvain.

    Le message central de Trotsky était que, malgré et en dépit de l’horreur, il restait optimiste. ‘‘Nous, marxistes révolutionnaires, n’avons aucune raison de perdre espoir. L’époque dans laquelle nous entrons sera notre époque. Le Marxisme n’est pas vaincu. Au contraire : si le grondement de l’artillerie sur tous les champs de bataille européens signifie la faillite des organisations historiques du prolétariat, il proclame la victoire théorique du Marxisme. Que reste-t-il à présent du développement ‘‘pacifique’’, de l’effondrement des contradictions capitalistes, de l’accroissement mesuré et progressif du Socialisme ?’’ La guerre ne résout pas la question ; ‘‘au contraire, elle la rend plus aiguë. Et voici le monde capitaliste placé devant ces deux possibilités : Guerre permanente ou Révolution du prolétariat’’.

    L’horreur de la guerre – de la Première Guerre mondiale à la Syrie, l’Irak ou Gaza aujourd’hui – est une conséquence sanglante du capitalisme. Tant que le capitalisme existera, cette tendance à la barbarie se poursuivra.

    Pour éviter la guerre, nous devons combattre le capitalisme. Des partis ouvriers massifs et indépendants qui défendent une alternative socialiste internationaliste au capitalisme restent la meilleure garantie contre la guerre. Ils peuvent poser les bases d’un monde socialiste basé sur la planification démocratique de l’économie, ce qui signifie qu’il n’y aura plus de lutte pour les marchés et les intérêts économiques, lutte inévitable au sein du capitalisme et qui continue de conduire à des conflits.

  • [DOSSIER] Comment le OUI a-t-il remporté le référendum irlandais sur l’avortement ?


    Le référendum sur la suppression de l’interdiction constitutionnelle de l’avortement (le 8e Amendement) qui s’est tenu le 25 mai dernier a abouti à une éclatante victoire pour le camp du OUI. 66,4 % des participants au référendum se sont prononcés en faveur de son abolition contre 33,6 % dans le camp opposé, alors que le taux de participation était de plus de 64 %, soit le taux le plus élevé jamais enregistré pour un référendum en Irlande. Ce résultat est quasiment l’exact opposé de celui de 1983 qui a imposé l’interdiction de l’avortement. Mais, cette fois, près d’un million de personnes de plus y ont participé. Le gouvernement a déclaré avoir l’intention de légiférer pour permettre l’avortement jusqu’à 12 semaines sans conditions, conformément aux propositions de l’Assemblée citoyenne (mise en place en 2016 pour débattre de l’IVG, NDT). Cela ne peut être interprété que comme un puissant vote pro-choix.

    Les politiciens de l’establishment et les médias essaient désespérément de réécrire la véritable histoire de la lutte radicale qui a donné naissance à ce changement. Ce qu’ils redoutent par-dessus tout, c’est que la population en tire confiance et réalise qu’elle est capable d’organiser par elle-même de puissantes luttes de masse sur toutes les questions clés de société et même d’entrer en confrontation ouverte avec l’ensemble du système capitaliste lui-même, un système qui repose sur le principe de l’inégalité.

    Ruth Coppinger prend la parole à un rassemblement au lendemain de la tenue du référendum. “Nous sommes rentrés dans l’Histoire!”

    Ruth Coppinger – membre du Socialist Party et députée de Solidarity (un mouvement plus large auquel participe le Socialist Party et qui dispose actuellement de trois élus au Parlement irlandais : Ruth Coppinger, Paul Murphy et Mick Barry) – a été consciemment exclue des médias nationaux durant la durée de la campagne alors qu’elle est une des figures clés du mouvement. Cet article, écrit par des membres du Socialist Party, tente de remettre les pendules à l’heure. Au côté d’autres activistes, le Socialist Party a joué un rôle vital dans la campagne nationale de ROSA (for Reproductive rights, against Oppression, Sexism & Austerity) dont l’impact a été considérable. Le Socialist Party et ROSA ont également fait partie du groupe Together4Yes.

    Document du Socialist Party (section irlandaise du Comité pour Internationale Ouvrière)

    35 ans après le précédent référendum sur la question, l’envie de se débarrasser du 8e amendement à la Constitution était largement partagée. On trouvait peu de contrastes entre les villes et les campagnes, car les attitudes avaient également changé dans les petites villes et les zones rurales. Une seule circonscription a voté NON alors qu’en 1983, toutes avaient dit OUI à l’interdiction, sauf une. Même dans la province de Connaught/Ulster, traditionnellement la plus conservatrice, la question a été nettement tranchée avec 59% en faveur du OUI et 41% pour le NON.

    Le OUI a été particulièrement représenté dans les zones urbaines. Dans la plupart des villes, le OUI se situait aux alentours des 70 %. 9 des 10 circonscriptions les plus favorables au OUI étaient à Dublin, l’autre étant celle de Wicklow, à 74,26 %. Le pourcentage global de OUI à Dublin était de 75,5 %. Dans le quartier dublinois de Stoneybatter, composé de communautés ouvrières ainsi que d’une nouvelle population plus jeune qui s’installe dans la région, le vote a été de 92% en faveur du OUI.

    Le OUI a été très marqué dans la classe moyenne et la classe ouvrière. Les chiffres indiquent qu’il est plus élevé dans le premier cas, bien qu’au cours de la campagne, il était évident que le sentiment sur la question était plus fort parmi la classe ouvrière, dont les femmes ont été au cœur de la révolte.

    Les jeunes femmes au coeur de la lutte

    65% des hommes et 70% des femmes qui ont voté l’ont fait en faveur du OUI. Dans l’ensemble, 87 % des participants de moins de 25 ans ont voté OUI et 90 % des jeunes femmes ! Au cours de ces dernières années, ce sont les jeunes femmes qui ont constitué la force motrice de ce mouvement et tout particulièrement durant la dernière phase, celle de la campagne référendaire elle-même (le référendum s’est tenu le 25 mai 2018 et avait été annoncé en janvier de la même année, les modalités ayant été définies en mars, NDT).

    En comparaison des dernières élections générales de 2016, le nombre de jeunes femmes qui ont participé au vote a massivement augmenté de 94%. Les jeunes transgenres et les élèves du secondaire étaient également au premier plan et le journal dublinois Gay Community News (GCN) a estimé que 91 % des membres de la communauté LGBTQI+ qui ont voté l’ont fait en faveur du OUI.

    La campagne ROSA a mené une intense campagne, autour de manifestations, d’action, d’affichages, mais aussi de stands de sensibilisation tenus en rue.

    Ce changement est le fruit d’intenses années d’efforts et la campagne formelle elle-même a été longue, étalée sur deux mois, à partir de la fin du mois de mars, lorsque le gouvernement a officiellement signé l’arrêté fixant les modalités du référendum.

    Dès le lancement de la campagne, le camp du NON s’est fait remarquer par des affiches misogynes dégoûtantes avec des photos de fœtus et des titres qui criaient ‘‘Permis de tuer ? Votez non’’, ‘‘Ne choisissez pas la mort – Votez non’’, ‘‘En Angleterre, 1 bébé sur 5 est avorté – Votez non’’, ‘‘Si tuer un enfant à naître au bout de six mois vous dérange, alors votez non’’.

    Mais, le 25 mai, les électeurs ont rejeté sans la moindre équivoque possible la campagne extrêmement bien financée du NON (qui disposait notamment de ressources et de publicités liés à la droite religieuse américaine). Ce référendum a fait des vagues partout à travers le monde entier.

    Le média en ligne américain Vox a déclaré : ‘‘Le sentiment favorable à l’abrogation était particulièrement élevé parmi la jeunesse et les électeurs urbains, suggérant qu’une nouvelle majorité de gauche et laïque avait supplanté les générations plus âgées catholiques plus conservatrices’’.

    De profonds changements

    Ce résultat reflète les changements survenus en Irlande au cours de ces dernières décennies. En fait, l’amendement de 1983 à la Constitution était dans un sens un coup politique de la part de la droite cléricale et des politiciens conservateurs avec le soutien de l’Église. Ils craignaient que l’Irlande change ses attitudes sociales et se sont donc précipités pour obtenir une interdiction de l’avortement avant qu’il ne soit trop tard.

    Le monde, et avec lui la société irlandaise, a énormément changé depuis lors. Mais la société officielle irlandaise et l’establishment politique ont refusé de refléter ce changement par des modifications significatives de la Constitution et de la législation. L’ampleur du changement qui a été imposé à l’establishment politique est indiquée par le fait qu’il y a tout juste cinq ans, la Loi sur la protection de la vie durant la grossesse est entrée en vigueur et que cette loi prévoyait que toute personne qui pratiquait un avortement pouvait être emprisonnée pendant 14 ans !

    Après 1983, l’existence du 8e amendement et la domination de la politique par les partis conservateurs (y compris lorsque les travaillistes sont devenus membres de l’establishment dans les années 1990) ont fait en sorte que beaucoup de personnes ont eu le sentiment de devoir, à contrecœur, accepter cette ‘‘solution irlandaise hypocrite à un problème irlandais’’, c’est-à-dire que l’avortement ne serait pas autorisé en Irlande dans un avenir proche au motif que les gens pourraient se rendre en Grande-Bretagne pour y pratiquer l’avortement.

    Mais, en 1992, il y a eu le “cas X”, dans laquelle une mineure violée a d’abord été empêchée de se rendre en Grande-Bretagne pour un avortement, mais y a ensuite été autorisée, après que la Cour suprême décide que le 8e amendement autorisait l’avortement lorsqu’il y avait menace pour la vie de la mère. Toutefois, l’interdiction est restée fondamentalement intacte.

    Les jeunes femmes qui ont grandi dans les années 90 et 2000, à l’époque du ‘‘Tigre celtique’’ (terme qui désigne l’Irlande pendant la période de forte croissance économique entre les années 1990 et 2001-2002, en référence aux ‘‘Tigres asiatiques’’ des années ‘80 et ‘90), ne l’entendaient cependant pas de cette oreille. De plus en plus de voix se sont élevées en faveur de l’émancipation des femmes et d’un État laïque moderne, ce qui signifiait le droit de décider sur son corps et le droit à l’avortement. Depuis lors, les jeunes femmes ont été une dynamique clé pour faire avancer la société irlandaise.

    Savita – le premier point tournant

    Affiche de la campagne ROSA : “Savita compte. les femmes comptent.”

    Le tragique décès de Savita Halappanavar en octobre 2012 à l’hôpital universitaire de Galway a constitué un moment extrêmement important. Savita a été trouvée éprouvant des douleurs intenses en train de faire une fausse couche. Elle a demandé qu’un avortement soit pratiqué, mais celui-ci lui a été refusé. La décision prise dans l’affaire X précise que l’avortement ne peut être autorisé que lorsqu’il y a “un risque réel et substantiel” pour la vie d’une femme.

    En plus de dire que la santé d’une femme n’a pas d’importance, cette position juridique signifie que dans le temps nécessaire pour juger ou décider qu’il y a bien un “risque réel et substantiel” pour la vie, les conditions de santé peuvent empirer et il peut donc être trop tard. En fin de compte, la décision dans l’affaire X n’offrait aucune garantie aux femmes, et Savita n’aurait été sauvée que si on lui avait permis de recourir à l’avortement lorsqu’elle en avait fait la demande.

    La mort de Savita a suscité une énorme colère et des dizaines de milliers de jeunes, en particulier des jeunes femmes, se sont mobilisés pour exiger des changements. La position généralement partagée par nombre de militants de longue date et éminents du mouvement pro-choix et pour le droit à l’avortement à l’époque était d’exiger que la décision prise dans le “cas X” soit légiférée, pour aider à formaliser et clarifier ce qui était permis dans le 8ème amendement.

    Le Socialist Party, en particulier par l’intermédiaire de Ruth Coppinger, alors conseillère municipale, a adopté une position totalement différente en affirmant que l’abrogation immédiate du 8e amendement était nécessaire pour donner rapidement lieu à une législation prévoyant le droit à l’avortement. Ces idées ont reçu une réponse très forte de la part des jeunes femmes mobilisées par la mort de Savita.

    En réponse à la mort de Savita et à la crise politique qu’elle a créée, le gouvernement Fine Gael – parti travailliste a adopté la loi sur la protection de la vie pendant la grossesse mentionnée ci-dessus, qui n’a fait que mettre dans la législation la décision limitée de 1992. C’était tout à fait insuffisant. Les mobilisations de la jeunesse, et des jeunes femmes en particulier, contre les terribles mauvais traitements et l’injustice dont Savita a souffert ont changé la dynamique. C’était le début du mouvement vers l’abrogation qui a culminé avec le vote en faveur du OUI le 25 mai dernier.

    Accroître la pression politique

    En 2014, il devenait de plus en plus accepté dans le mouvement que le 8e amendement devait être abrogé immédiatement. Ce sentiment a considérablement été renforcé lorsque Ruth Coppinger a remporté l’élection partielle dans la circonscription de Dublin-Ouest en mai 2014 et est entrée au Dáil (le parlement), rejoignant ainsi Joe Higgins. Elle a été rejointe par deux autres députés, Paul Murphy qui a remporté une élection partielle historique en octobre 2014 et Mick Barry, élu en 2015. Ruth Coppinger, au nom de l’Anti Austerity Alliance (AAA, précurseur de Solidarity) et du Socialist Party a présenté divers projets de loi concernant l’avortement, l’abrogation de l’interdiction et des cas d’anomalies fœtales mortelles. Cela a instauré de nouvelles pressions sur le gouvernement. Sa réponse a été de mettre en place une Assemblée citoyenne chargée d’élaborer des propositions concernant l’avortement.

    Le gouvernement espérait que cette Assemblée ne présente que des propositions permettant l’avortement dans des circonstances exceptionnelles. L’Assemblée étant constituée d’une centaine de personnes ordinaires de la population, le gouvernement entendait donc mettre ensuite l’accent sur la composition de l’Assemblée pour dire que l’ampleur du changement accepté plus largement dans la société ne dépassait pas ce cadre.

    L’Assemblée a toutefois représenté les changements qui étaient déjà à l’œuvre dans la société irlandaise. Ses recommandations étaient vigoureusement pro-choix. Parmi celles-ci : l’autorisation de pratiquer des avortements sur demande jusqu’à 12 semaines et pour des raisons socio-économiques jusqu’à 22 semaines. Ces recommandations devaient être envoyées à une commission (parlementaire) qui, à son tour, devait envoyer un rapport au gouvernement.

    Pas de recul face aux propositions de l’Assemblée des Citoyens

    Sachant que ce serait un champ de bataille où, comme l’a dit un journaliste, le travail de la commission ‘‘serait essentiellement de diluer les propositions au point qu’elles ne soient pas politiquement toxiques’’, Ruth Coppinger, en tant que membre de la commission représentant Solidarity et le Socialist Party, s’est attelée à la tâche d’accroître la pression pour accepter la proposition des 12 semaines sur demande. Si l’on pouvait faire pression sur la commission pour qu’elle l’accepte, cela permettrait de prendre en charge 92 % des grossesses en situation de crise affectant les gens du Sud (l’avortement étant encore illégal en Irlande du Nord).

    La commission parlementaire s’est réunie à l’automne dernier et a publié son rapport final juste avant Noël. Grâce à la pression incessante émanant du mouvement des jeunes femmes, qui avait reçu une attention toute particulière de la part de Ruth Coppinger, la commission a soutenu la proposition de l’Assemblée citoyenne pour permettre l’avortement à la demande jusqu’à 12 semaines.

    De son côté, le gouvernement a déclaré qu’il publierait les grandes lignes de la législation 12 semaines avant la tenue d’un référendum visant à abroger l’interdiction, de sorte qu’il n’y aurait pas de confusion quant à ce qui serait mis en œuvre en cas d’abrogation.

    Les pilules abortives – le deuxième point tournant

    L’establishment politique se trouvait face à un sérieux dilemme. Il était clair que maintenir le statu quo n’était plus tenable, mais ils étaient très hésitants quant à la marche à suivre. Le 8ème Amendement continuait à créer des injustices flagrantes et parfois même des crises politiques qui menaçaient les gouvernements et la base des partis. Il était nécessaire de se défaire de cette source d’instabilité.

    Mais, parallèlement, l’establishment ne désirait pas endosser la responsabilité de la mise en œuvre du droit à l’avortement. Son approche était généralement très timide en redoutant de saper sa base de soutien. Permettre un droit limité à l’avortement dans un contexte de changement d’attitude sur le sujet allait toutefois vraisemblablement créer des situations et des crises plus inacceptables encore. En fin de compte, ce sont les pilules abortives qui ont pris la décision pour la commission.

    Depuis 2014, le mouvement féministe socialiste ROSA, initié par le Socialist Party, s’est engagé dans une série d’actions extrêmement médiatisées qui ont créé une prise de conscience au sujet des pilules abortives, illégales en Irlande mais entièrement sûres et pouvant être auto-administrées.

    ROSA a notamment organisé un ‘‘train des pilules abortives’’ et des bus qui ont parcouru le pays (en référence au ‘‘train de la contraception’’ de 1971, quand un groupe de féministes s’était rendu à Belfast y acheter des préservatifs pour les ramener en république irlandaise et défier l’Etat de les arrêter, NDT). Au moment où la commission parlementaire était en pleines délibérations, des études ont montré que, quotidiennement, 10 Irlandaises se rendaient chaque jour à l’étranger pour y bénéficier d’un avortement tandis que 5 prenaient des pilules abortives en Irlande. Cela signifiait concrètement que l’avortement était devenu une réalité en Irlande plus que jamais auparavant. Il était même probable que l’utilisation des pilules abortives allait encore connaitre une augmentation. Les actions de ROSA ont été essentielles pour que l’utilisation des pilules abortives soit mieux connue.

    Une situation changée

    Lors de la présentation du rapport de l’Assemblée citoyenne, le juge Laffoy a identifié les pilules abortives comme un facteur clé émergeant. Devant la commission, des preuves ont été présentées qui soulignent l’utilisation accrue des pilules et, entre autres, l’obstétricien consultant Peter Boylan a déclaré qu’à la suite du développement de l’usage des pilules abortives, le ‘‘génie est sorti de la bouteille’’.

    La commission aurait pu proposer une forme limitée d’avortement, moins de 12 semaines, mais avec l’utilisation croissante des pilules abortives, une telle loi aurait immédiatement été inapplicable et dépassée. Ces pilules abortives faisaient de l’avortement jusqu’à 12 semaines un fait établi en Irlande. Il était évident que la majorité des membres de la commission estimaient pouvoir ramer en toute sécurité derrière cette proposition.

    Il s’agissait d’une énorme percée, car cela signifiait que le contexte politique du référendum était une politique pro-choix en attente. Si le référendum pouvait être gagné, l’Irlande serait dans les mois à venir pro-choix. Cela a finalement été le cas, ce qui représente une énorme transformation par rapport à il y a quelques années. C’est probablement le plus grand coup porté en faveur des droits des femmes dans l’histoire de l’État irlandais et cela a d’énormes implications pour l’avenir.

    Le camp du NON et sa campagne toxique

    Au début de la campagne officielle, le sentiment en faveur de l’abrogation était clairement dominant, mais la campagne du Non est passée à l’offensive et a eu un impact. Elle a déterminé quel était l’agenda de la discussion et a mis l’accent sur les délais et l’avortement “à la demande” jusqu’à 12 semaines. Cela a suscité des questions et des doutes et le soutien en faveur du OUI a été réduit à néant. Mais par la suite, la campagne du NON a été si offensante qu’elle a déclenché une riposte active des femmes. La campagne du NON reposait essentiellement sur la diffusion de soupçons envers les intentions des femmes pour les présenter comme des meurtrières.

    Certains défendaient l’idée que la campagne large en faveur du OUI ne devait pas atteindre le niveau du NON. Toutefois, dans le cadre d’une campagne, il faut tenir compte des problèmes réels qui s’installent et qui font l’objet de discussions. La campagne officielle Together4Yes (T4Yes) a poursuivi son approche mais, sur le terrain, les militants, tant à l’intérieur de T4Y que dans d’autres campagnes, sont allés plus loin pour répondre aux arguments du NON, en se concentrant particulièrement sur la réalité de l’avortement en Irlande et sur les raisons pour lesquelles les gens recourent à l’avortement.

    Un sondage à la sortie des urnes réalisé par la chaîne de télévision publique irlandaise RTÉ a indiqué que les témoignages de femmes dans les médias et l’expérience vécue par des proches ont constitué le facteur d’influence le plus déterminant pour 77 % des participants au vote. Cela a clairement démontré que l’idée selon laquelle il fallait une approche prudente en termes d’argumentation était fausse. Toute l’idée de l’existence supposée d’une ‘‘Irlande du centre’’ n’était qu’une pure construction. Les gens réagissent positivement quand une argumentation solide reposant sur l’expérience concrète vécue par d’autres leur est présentée. Cela a encore été illustré par le sondage RTE qui relevait que le droit de choisir était le principal facteur d’influence dans une liste d’options à 62 %, bien au-dessus d’une anomalie fœtale fatale, citée par 39 % des sondés.

    10 jours qui ébranlèrent le monde

    A moins de deux semaines de la fin de la campagne survint un important changement. Le 14 mai, un débat télévisé, durant l’émission The Claire Byrne Live show, a été suivi par 650.000 personnes. Bien qu’il ait été estimé que le camp du NON avait peut-être mieux saisi cette opportunité, nombreux parmi ceux qui ont regardé l’émission ont été profondément choqués par l’approche de certains des militants du NON. L’émission a été l’objet d’un nombre incroyable de 1.277 plaintes, parmi lesquelles 92 % consacrées à sa partialité en défaveur du OUI. Cet événement de même que l’approche de plus en plus brutale des militants du NON dans la campagne ont freiné leur dynamique.

    Quelques jours plus tard, ROSA a accroché son dernier lot d’affiches. L’une d’entre elles qui comportait une grande photo de Savita avec le simple message ‘‘Savita Matters – Women Matter – Vote Yes’’ (Savita compte, les femmes comptent) a été affichée dans tous les principaux centres-villes et à travers toute la ville de Dublin. Ces affiches ont agi eu l’effet d’une sorte de délivrance, une ‘‘riposte’’ que beaucoup attendaient depuis longtemps déjà. Elles ont rappelé aux gens la réalité de ce que signifiait le 8e Amendement ; mais elles ont aussi aidé à donner confiance à beaucoup d’autres pour qu’ils deviennent actifs dans la campagne, soit en militant autour de l’une des initiatives, soit à titre individuel en défendant le OUI jusqu’au jour du scrutin.

    ‘‘Dans les derniers jours de la campagne référendaire sur le Huitième Amendement, des dizaines de petites affiches sont apparues autour de Dublin. L’image était celle de Savita Halappanavar, reconnaissable instantanément grâce à ses cheveux épais et foncés, son large sourire, ses yeux souriants et le point Bindi sur le front. Le message contenait un mot : Oui. Elles étaient frappantes par leur simplicité et leur franchise.’’ Harry McGee, Irish Times, 26 mai.

    D’innombrables conversations

    Les anecdotes relatant la manière dont de jeunes femmes se sont battues pour le OUI avec leurs proches au cours de la dernière semaine de campagne sont légion. Il était clair qu’un élan imparable en faveur du OUI se profilait sous l’impulsion des jeunes femmes.

    La campagne du NON a semé des doutes parmi certaines couches, mais elle n’a pas pu renverser la vapeur et s’opposer au changement de conscience qui s’était développé au fil des années sur cette question. D’autre part, les messages misogynes et agressifs du NON ont créé une vague de réaction qui les a finalement noyés le jour du scrutin.

    Les membres du Socialist Party ont été très actifs, avec d’autres, dans les campagnes de ROSA et de Solidarity, ainsi que dans la vaste campagne Together4Yes. ROSA et Solidarity ont déployé une activité intense dans les collectivités locales, mais surtout dans les centres-villes. Au Parlement et dans leurs circonscriptions, Paul Murphy (Dublin Sud-Ouest) et Mick Barry (Cork North Central) ont tous deux joué un rôle de premier plan dans la campagne du OUI. Dans ces deux circonscriptions, la victoire du OUI fut impressionnante.

    Lancement de la campagne au Liberty Hall.

    La campagne de ROSA a commencé le 14 avril avec un rassemblement national de 500 personnes au Liberty Hall, à Dublin, durant lequel de nombreux orateurs du Socialist Party et du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) ont pu prendre la parole. ROSA a organisé des actions sur une base quotidienne de même que des manifestations jusqu’aux aéroports de Cork et Dublin, auxquelles 350 personnes ont assisté. Ces marches retraçaient les pas des milliers et milliers de femmes forcées d’aller avorter à l’étranger au cours de ces 35 dernières années. Le jour du décompte des votes, 250 personnes ont assisté à un rassemblement de ROSA au Projects Arts Centre à Dublin et des centaines de personnes sont devenues membres de ROSA.

    L’impact de ROSA

    Le point culminant de l’activité de ROSA durant la campagne fut l’apparition de 15.000 affiches mise en place par des activistes de ROSA et de Solidarity. Celles-ci ont eu un très grand impact et se sont distinguées par leur contenu sans équivoque à tel point qu’elles ont figuré sur la quasi-totalité de la couverture médiatique internationale du référendum.

    La classe des travailleurs, les femmes et les jeunes femmes en particulier ont été les moteurs de ce changement historique de même que d’autres récents bouleversements sociaux, de la lutte contre la taxe sur l’eau (water charge) au référendum sur le mariage égalitaire. Et maintenant cette nouvelle percée historique. La jeune génération, souvent dénigrée par certains sous le terme de ‘‘snowflakes’’ (flocons de neige), s’est retrouvée à la tête d’un mouvement qui a non seulement forcé un establishment politique très réticent à agir mais a également vaincu l’Église catholique. Toute la question est aujourd’hui de savoir quand, et non pas si, cette jeunesse se retrouvera à l’avant-plan d’autres combats qui les feront entrer en conflit ouvert avec le système capitaliste lui-même.

    Qu’en dissent-ils ?

    Pour finir, voici quelques-uns des nombreux commentaires qui ont été envoyés à des membres du Socialist Party ou qui sont apparus dans des forums publics concernant les activités dans lesquelles nous avons été impliqués ainsi qu’au sujet du rôle joué par Ruth Coppinger.

    • ‘‘Merci beaucoup Rosa pour tous vos efforts et votre influence héroïques, inspirants et constants’’.
    • ‘‘J’espère que vous réalisez tout ce que vous avez fait pour les femmes d’Irlande ! Profitez du week-end et offrez-vous quelque chose de spécial ! Je suis si heureuse, reconnaissante et optimiste pour l’avenir.’’
    • ‘‘Chère Ruth, je dois admettre que vous entrerez dans l’histoire comme la voix la plus forte, cohérente et logique de #Repeal… Nous pouvons probablement compter sur les doigts d’une main les thèmes politiques sur lesquelles vous et moi sommes d’accord. L’abrogation en était certainement une. En tant que défenseur inébranlable et passionné de l’abrogation, vous avez rendu un grand service au pays, aux professionnels de la santé ainsi qu’aux femmes”.
    • ‘‘Salut, salut. Je voudrais juste vous féliciter pour votre fantastique campagne d’affichage autour de la ville de Dublin pour le vote en faveur du OUI. C’est à mon avis la plus réfléchie de toutes les campagnes d’affichage. Quand le OUI l’emportera la semaine prochaine, il aura une énorme dette de gratitude envers vous.’’

  • 22 Mai 68 : Occupation du siège de la Fédération française de football

    Photo : ‘‘LE FOOTBALL AUX FOOTBALLEURS !’’ Banderole déployée sur la façade du siège de la Fédération française de football, le 22 mai 1968. Plus haut, une autre proclamait : ‘‘LA FÉDÉRATION PROPRIÉTÉ DES 600.000 FOOTBALLEURS’’

    Pour un autre football

    Il y a 50 ans jour pour jour, le 22 mai 1968, débutait l’occupation du siège de la Fédération française de football (FFF). Durant 6 jours, la FFF est devenue l’agora de discussion sur la manière dont le football devrait être géré et joué. Petit retour sur cet épisode méconnu qui exprime une nouvelle fois le caractère généralisé de ce mois de révolution, ainsi que la nécessité de penser autrement ce sport planétaire en proie, déjà à l’époque, à une crise existentielle.

    Par Stéphane Delcros

    L’explosion des contradictions sociétales et footballistiques

    Le début des années 60 a marqué un tournant dans le monde du football professionnel, engagé sur une voie qui allait aiguiser ses contradictions. Sous les coups de boutoir de la montée en puissance des intérêts financiers, un secteur fortuné est en train de se créer, déjà à l’époque, même si bien loin de la situation actuelle. La France, bien qu’en retard sur ces développements, connaissait la même tendance, doublée d’un archaïsme dans l’organisation du football professionnel et amateur.

    Comme un peu partout, la richesse arrivant n’était accessible qu’à une poignée de gens, principalement les dirigeants des grands clubs et fédérations. Les plus grandes stars de l’époque touchaient à peine plus que le salaire minimum. Et, surtout, les joueurs professionnels étaient privés de ‘liberté’. Le footballeur devait signer un ‘contrat à vie’ (jusqu’à ses 35 ans) avec son club. Celui-ci pouvait alors décider de tout, du transfert vers un autre club à la baisse unilatérale du salaire. Triple vainqueur de la Coupe d’Europe des clubs champions avec le Real Madrid, l’international français Raymond Kopa, l’une des grandes gloires de l’époque, assimilera en 1963 les joueurs pros à ‘‘des esclaves’’ ; il écopera pour la peine d’une suspension de 6 mois. D’autres mesures privatives existaient aussi : la pratique du football était à l’époque limitée à huit mois sur l’année (octobre-mai), et la ‘Licence B’ limitait fortement les transferts dans le football amateur, car elle interdisait à un joueur transféré de jouer dans l’équipe première de son nouveau club durant la première année de son transfert.

    Comme le souligne Mickaël Correia, dans Une histoire populaire du football (La découverte, 2018), certains acteurs du monde du football luttaient déjà depuis des années contre les instances autoritaires et leur politique, pour davantage de démocratie et de liberté. C’est le cas du magazine footballistique contestataire Le Miroir du football, affilié au Parti Communiste mais dont l’équipe de rédacteurs n’est pas membre et peut se permettre une certaine liberté.

    Rendre ‘le football aux footballeurs’

    Galvanisés par l’atmosphère révolutionnaire régnant alors, le 22 mai 1968, quelques dizaines de footballeurs amateurs emmenés par des journalistes du Miroir du football et son rédacteur en chef François Thébaud investissent pacifiquement le siège de la FFF à Paris. Deux joueurs professionnels les rejoindront : André Merelle et Michel Oriot, du Red Star FC (alors en Division 1 ; aujourd’hui tout frais champion de National, donc en Ligue 2 pour 2018-19).

    Le personnel est libéré, l’entrée est barricadée, un drapeau rouge et hissé et des banderoles déployés sur la façade. Un comité d’occupation est mis sur pieds et un tract-programme publié, dont l’introduction annonçait : ‘‘LE FOOTBALL AUX FOOTBALLEURS! Footballeurs appartenant à divers clubs de la région parisienne, nous avons décidé d’occuper aujourd’hui le siège de la Fédération Française de Football. Comme les ouvriers occupent leurs usines. Comme les étudiants occupent leurs facultés. POURQUOI ? Pour rendre aux 600.000 footballeurs français et à leurs millions d’amis ce qui leur appartient : le football dont les pontifes de la Fédération les ont expropriés pour servir leurs intérêts égoïstes de profiteurs du sport.’’

    Comme expliqué ci-dessus, c’est le manque de considération et l’appel à davantage de libertés pour les joueurs qui était surtout revendiqué par les contestataires, contre la mainmise des dirigeants servants leurs propres intérêts, ‘‘les pontifes’’. Cela, à côté d’autres sujets, comme le manque de terrains pour pratiquer le sport : en région parisienne, il existait alors en moyenne un terrain pour quatre clubs.

    Un espace de discussions sur le football et la société

    Durant les 6 jours d’occupation, les locaux du 60bis Avenue d’Iéna ont servis de véritable agora, imbriquée dans la contestation globale du mois de mai 1968. Tout le monde, lié ou pas au monde sportif, était invité à rejoindre le siège de la FFF. Ils ne seront pas très nombreux, vu l’ampleur de la contestation dans la société en ces jours de fin mai et l’éloignement géographique (le siège de la FFF se situait dans le 16ème arrondissement, quartier riche isolé de l’épicentre des évènements révolutionnaires). Mais des joueurs et des clubs d’un peu partout viendront prendre part à l’une ou l’autre journée d’occupation. L’ensemble des maux de la société et leurs conséquences sur la pratique du football pouvaient y être discutés, et des solutions proposées. C’était aussi un lieu de discussion sur les tactiques terrain, sur l’univers du et autour du football. Quelques journées riches d’échange, de celles qui font penser qu’en quelques jours, l’on vient de vivre dix années d’expérience.

    Il y sera largement discuté de la déformation du sport qu’insufflait alors l’introduction de capitaux, avec ‘rendement’ et ‘résultat’ comme objectif premier, loin devant l’idée du sport pour le beau jeu et le plaisir. Depuis quelques années, le jeu qualitatif et esthétique tourné vers l’offensive était remplacé par un jeu efficace assurant le résultat final, selon les désirs des sociétés commerciales et équipementiers.

    Les organes de presse traditionnels verront bien sûr d’un très mauvais œil cette occupation et ces revendications. Des journaux spécialisés L’Equipe et France Football, très conservateurs, qui désirent que le football reste ‘apolitique’, au journal du Parti Communiste L’Humanité, qui y verra, comme beaucoup d’évènements de ce mois révolutionnaire, une aventure de gauchistes sur un sujet secondaire.

    Un tournant pour l’organisation du football

    Cet épisode n’aura certes pas révolutionné le football. Mais s’il est aujourd’hui très peu évoqué (consciemment, bien sûr), il a tout de même constitué un tournant pour le football en France et ailleurs. Dans les mois qui suivirent, la ‘‘Licence B’’, la saison de huit mois et le ‘contrat à vie’ seront abrogés, et davantage de représentation au sein des instances dirigeantes. L’occupation de la FFF n’a bien sûr pas en soi réussi à imposer ces mesures ; c’est l’ensemble de l’évolution de la société née de la contestation qui le permettra. Mais ces quelques jours ont constitué le socle d’une certaine idée du football. Elles auront certainement joué aussi un rôle dans le déclenchement de grèves de footballeurs dans les années qui suive, comme celle de décembre 1972, à nouveau contre des mesures restrictives de la part de la FFF, restée largement autoritaire et partisane du culte de la victoire.

    Et par exemple, par la suite, de nombreux clubs de football vont se saisir des éléments de ce socle pour (ré-) inventer leur jeu. Des clubs fonctionnant en collectifs plus-ou-moins autogérés et pratiquant un jeu de mouvement, promouvant le style avant le résultat (1). Dans les années 70, en France, certains de ces clubs, et des joueurs, éducateurs et journalistes formèrent le Mouvement Football Progrès (MPF), qui mènera une partie de la fronde à venir contre la FFF.

    [divider]

    En 1968, le vent de la révolution a soufflé bien davantage que seulement en France. Et dans les années qui suivront, c’est partout dans le monde que des initiatives comme celles-ci seront prises pour ‘un autre football’. C’est sans doute l’expérience de la ‘Démocratie corinthiane’ au Brésil qui est aujourd’hui la plus connue, parce qu’aussi la plus aboutie. Au début des années 80, en pleine dictature militaire, le SC Corinthians Paulista sera géré collectivement par ses joueurs, emmenés notamment par l’international brésilien Sócrates. Jusqu’à la chute de la dictature, ils multiplieront les actions de contestation contre cette dernière et les dirigeants de clubs à sa solde. Sur le terrain et aux entrainements, ce sont les footballeurs qui décidaient démocratiquement de tous les aspects : nomination des entraineurs, recrutements, préparation de matches,… devenant ainsi le symbole, au niveau du football, de ce qui pouvait être fait dans l’ensemble de la société.

    [divider]

    Aujourd’hui ? Dénoncer les salaires mirobolants, défendre la pratique du football pour tous

    Aujourd’hui, il est vrai que de nombreux footballeurs ont accès à des salaires et primes mirobolantes, à des années-lumière des salaires moyens de travailleurs. Une telle situation est affligeante, et répugnante pour de nombreux footballeurs et supporters, ainsi que pour de nombreuses personnes qui se détournent du football en particulier pour cette raison. Même s’il est important de ne pas s’en prendre aux footballeurs concernés en tant que tel, il est absolument nécessaire de dénoncer cette dérive exponentielle, et de chercher des moyens pour changer ce système.

    Mais l’immense majorité des footballeurs, y compris professionnels, n’a pas accès à cet imposant magot. Le syndicat international de footballeurs FIFPro a ainsi publié fin 2016 son ‘Rapport mondial sur l’emploi 2016’(2). Dans cette enquête inédite réalisée auprès de 14.000 joueurs professionnels de 54 pays et 87 ligues, il est rapporté que les footballeurs super-riches (720.000 dollars par an) ne représentent que 2% de la profession. Le salaire mensuel net moyen dans le monde se situe entre 1.000 et 2.000 dollars. Et 45% des footballeurs gagnent moins de 1.000 dollars par mois, 21% gagnent moins de 300 dollars. L’enquête dévoile aussi que 41% des footballeurs disent avoir reçu leur salaire avec un retard au cours des deux dernières saisons. Ne jamais se fier à la partie émergée de l’iceberg…

    Une grande partie du football professionnel souffre donc. Lorsque des subsides publics sont investis, c’est le plus souvent en faveur des plus grands clubs, ceux-là même qui attirent (aussi) les plus gros sponsors privés et le magot des droits de diffusion par les chaines télévisées. La situation que vivent de nombreux clubs est parfois intenable. Les faillites emportent avec elles sont lot de joueurs, d’employés, de bénévoles et de supporters. La crise économique est bien sûr passée par là, et avec elle la politique d’austérité brutale qui diminue voire supprime de nombreux subsides et font réfléchir à deux fois les éventuels sponsors privés avant d’investir dans un club petit ou moyen. La concurrence avec les plus hauts budgets est alors impossible. Et la situation est bien sûr encore plus compliquée dans le football amateur. Beaucoup de clubs, ici aussi, ne disposent même pas de l’argent suffisant pour acheter un défibrillateur…

    Revendiquons notre sport !

    Le culte de la victoire, celui du résultat avant le style, dénoncé par les occupants de Mai 68 n’a pas disparu ; les problèmes que rencontrent la plupart des joueurs de football non plus. Le monde du football est davantage encore devenu le reflet amplifié des maux liés à la société capitaliste qui organise nos vies.

    Il ne sert pas à grand-chose d’être nostalgique du ‘football d’avant’ ; ce n’est pas le paradis du football qui existait avant les années ’60. Il est par contre important de se battre contre la tendance actuelle, et pour un vrai football ‘moderne’, qui nous appartienne à nous, footballeurs, supporters, bénévoles et employés des clubs et du secteur. Pour que ceux qui connaissent et vivent ces problèmes décident de ce qui est nécessaire pour la pratique de leur sport.

    Mais le football n’existe pas en tant qu’entité isolée dans la société, comme l’ont bien souligné les occupants de la FFF en Mai 68. Tenter de changer la manière dont le sport est organisé et son orientation future ne se fait pas seulement entre pratiquants et fans. On sait comment, dans cette société, la moindre avancée progressiste peut vite être supprimée par les élites si la socle économique et idéologique de la société n’est pas lui-même modifié. C’est l’ensemble de la société qui doit être changée : mettre à bas ce système capitaliste qui transforme tout en produit et qui introduit l’individualisme comme règle de vie là où ce sont les gestions et décisions collectives qui sont les plus à même de répondre aux besoins de tous.

    Notes
    (1) A propos de l’expérience du Stade Lamballais, lire : ‘‘Lamballe au centre’’, So foot, Mai 2018, p86-89.
    (2) Le Rapport mondial sur l’emploi 2016, 29 novembre 2016, https://www.fifpro.org/actualites/la-plus-grande-enquete-jamais-menee-sur-le-football/fr/
    (+) Pour en savoir plus sur ce sujet, lire : Les enragés du football, Faouzi Mahjoub, Alain Leiblang, François-René Simon, Calmann-Lévy, 2008.
    (+) Sur ce sujet et beaucoup d’autres, lire l’excellent : Une histoire populaire du football, Mickaël Correia, La Découverte, 2018.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop