Category: Ecologie

  • Notre santé menacée par la course aux profits

    – Faisons payer la pollution aux multinationales comme 3M
    – Organisation du bilan de santé des travailleurs et des résidents
    – Planifions démocratiquement la production pour répondre à nos besoins et pas à leurs profits

    Il s’agit d’un des plus gros scandales environnementaux de l’histoire récente en Belgique. Les habitants de la commune de Zwijndrecht (près d’Anvers), et tous ceux vivant dans un rayon de 15 km (environ un million et demi de personnes) ont été invités à ne plus manger d’œufs provenant de leur poulailler. En cause, la pollution des sols par la société américaine 3M qui produisait du PFOS (sulfonate de perfluorooctane) et ses dégâts sur la santé de dizaines de milliers de travailleurs du port d’Anvers et de la population des environs. Aujourd’hui, les autorités et le monde politique capitaliste paniquent, mais rien n’est fait pour s’attaquer au véritable coupable : la course aux profits des entreprises polluantes.

    Un scandale dissimulé durant des années

    L’ampleur des ravages n’est pas encore claire. Mais si toute la lumière doit encore être faite, on sait déjà que 3M savait que le SPFO était un produit dangereux dans les années 1970. Philippe Grandjean, professeur à Harvard et spécialiste de médecine environnementale a déclaré « Si nous avions su à la fin des années 1970 ce que 3M savait déjà, nous, scientifiques, aurions prêté attention à cette question beaucoup plus tôt. » Mais 3M n’a rien fait et a préféré mettre en danger la santé de ses propres employés plutôt que raboter les dividendes de ses actionnaires.

    La multinationale est restée silencieuse jusqu’à la fin des années 1990. En 1999, Rich Purdy, le spécialiste de l’environnement de la société, a démissionné pour protester contre « les blocages, les retards et l’indécision » dans le traitement des SPFO. L’inaction de 3M ne se limite pas aux SPFO : ses émissions de HFC-23 représentent 4 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre en Flandre, chose que la multinationale a minimisée pendant des années.

    Les écotaxes qui frappent les travailleuses et les travailleurs sont justifiées par la devise du « pollueur payeur ». Mais les vrais pollueurs, les grandes entreprises comme 3M, s’en sortent toujours sans le moindre souci.

    Le scandale des SPFO présente des similitudes frappantes avec la gestion de la crise sanitaire. Tout le chaos et les multiples pénuries provenaient du défaut de planification et de l’absence de contrôle démocratique sur la production et la distribution des matériaux de protection et des vaccins. La vaccination de l’ensemble de la population mondiale est nécessaire pour stopper le développement de nouveaux variants. Mais l’abolition des brevets toucherait les profits des multinationales pharmaceutiques. Même la capacité de production actuelle n’est pas utilisée à plein régime (voir en page 2) ! En plein milieu de cette pandémie, l’une des plus grandes entreprises pharmaceutiques de notre pays, GSK, a jugé nécessaire de s’attaquer à son personnel au lieu de concentrer toute son attention sur la lutte contre le virus ! La grève du personnel a heureusement fait plier la direction de GSK (voir en page 5).

    Le mouvement ouvrier doit agir !

    C’est le mouvement ouvrier qui fut le premier à intervenir contre la pollution et à lutter pour un environnement de travail et de vie sain et sûr. Friedrich Engels a écrit sur l’insalubrité des conditions de vie dans « La Situation de la classe laborieuse en Angleterre » en 1845 : « La société sait combien cette condition est préjudiciable à la santé et à la vie des travailleurs. Malgré cela, elle ne fait pourtant rien pour l’améliorer. Elle connaît les conséquences de ses institutions. Ses agissements ne constituent donc pas un simple homicide, mais un assassinat. » En 1886, le programme du Parti ouvrier belge (POB, ancêtre des partis socialistes) exigeait la création d’une commission ouvrière chargée d’enquêter sur l’état de santé dans les ateliers et les maisons ouvrières.

    Des mesures urgentes doivent être adoptées pour protéger la population contre la pollution. Les (anciens) employés de 3M, les milliers de travailleurs sur les chantiers de construction de la liaison Oosterweel (le ring périphérique anversois) et tous les résidents de la région du site 3M sont concernés. Afin d’évaluer avec précision quels sont les dégâts, tous les documents et les données détenus par 3M doivent être rendus publics. Une étude biomédicale de grande envergure doit être menée immédiatement, sous le contrôle de représentants des travailleurs et des riverains. Les travaux d’Oosterweel doivent être arrêtés immédiatement, jusqu’à ce que la sécurité et la santé du personnel soient garanties.

    La FGTB-Chimie a réagi en expliquant que les pouvoirs du Comité pour la Prévention et la Protection au Travail (CPPT) doivent être renforcés et élargis. Les services d’inspection du bien-être au travail et de l’environnement doivent également être renforcés. Le syndicat a également fait remarquer qu’il existe des risques de pollution historique dans plusieurs entreprises de la région et que l’on utilise des matières premières dont les effets sur l’homme et l’environnement n’ont pas encore été entièrement ou suffisamment évalués.

    Toute cette colère doit être canalisée dans un mouvement de lutte. Les multinationales et leur personnel politique ne doivent pas s’en tirer à si bon compte. Une large campagne de pétition pour faire payer 3M et pour mettre en place une étude biomédicale contrôlée par les travailleurs et les résidents pourrait servir d’outil pour constituer des comités d’action et les aider à mobiliser vers une manifestation de masse juste après l’été. Les syndicats, les militants pour le climat, etc. pourraient prendre une telle initiative ensemble. Ce scandale illustre toute la nécessité d’un « changement de système ». Non seulement 3M, mais l’ensemble du système est coupable. Il est nécessaire de planifier démocratiquement la production afin que les besoins de la population soient au centre des préoccupations et non la soif mortelle de profit des multinationales.

  • Changement climatique : nous n’aurons aucun avenir sans changement de système

    Deux ans après la première grève mondiale pour le climat du 19 mars 2019, malgré l’acuité de la situation, le Covid-19 a relégué la question au second plan. Pourtant, le coronavirus est en soi une lourde accusation contre le mode de production capitaliste qui détruit les écosystèmes et crée des dangers biologiques et environnementaux menaçant le développement de toute notre biosphère.

    Par Jonas Brännberg, Rättvisepartiet Socialisterna (section suédoise d’Alternative Socialiste Internationale en Suède).

    Les avertissements concernant la pression exercée par le mode de production capitaliste sur la capacité de la terre à gérer toutes les formes de stress se sont multipliés. Au cours de l’année écoulée, nous avons vu un nombre record de tempêtes tropicales en Amérique centrale et en Asie du Sud-Est, des chaleurs extrêmes en Sibérie et des incendies en Australie et en Amérique du Nord et du Sud. 2020 a été, malgré le phénomène météorologique de refroidissement, La Niña, l’année la plus chaude jamais enregistrée. Bien que cette température ait égalé celle de 2016, le phénomène de réchauffement El Niño a alors été important.

    Le changement climatique est loin d’être le seul responsable de ces graves alertes. On peut également citer la disparition rapide d’espèces, la surfertilisation et l’explosion du plastique et d’autres polluants. Selon les climatologues, nous avons déjà quitté la zone de sécurité pour quatre des neuf “frontières planétaires” qui maintiennent la Terre dans l’état stable dans lequel elle se trouve depuis 11 700 ans, appelé Holocène.

    Les frontières planétaires

    Le concept de “frontières planétaires” est utilisé pour définir “l’espace de fonctionnement sûr pour l’humanité” – il faut y rester pour assurer le “développement durable”. Ces frontières sont le changement climatique, la perte de biodiversité, les changements biogéochimiques, l’acidification des océans, l’utilisation des terres, l’eau douce, l’appauvrissement de la couche d’ozone, l’utilisation d’aérosols et la pollution chimique.

    Lorsque Karl Marx et Friedrich Engels, les fondateurs du socialisme moderne, ont étudié le capitalisme, ils ont souligné la contradiction qui existe entre le système capitaliste et la nature. Marx l’a exprimée en disant que le capitalisme avait créé une faille métabolique entre les êtres humains et la nature. Il a donné l’exemple de la manière dont les nutriments contenus dans les aliments étaient transportés de la campagne vers les villes pour être ensuite rejetés dans la mer sous forme de déchets, avec pour conséquence l’épuisement des sols.

    Marx et Engels ne pouvaient cependant qu’entrevoir les prémices de ce qui allait devenir une transformation complète de la relation de l’homme à la nature. Dans la quête de profits toujours plus importants, les écosystèmes et les ressources naturelles de la terre ont été traités comme des ressources gratuites, où les matières premières, les produits alimentaires et autres ressources ont été aspirés de la nature tandis que la pollution a été vomie dans le sol, la mer et l’air. Avec l’aide des combustibles fossiles, la barrière photosynthétique a été brisée – le capitalisme a tout simplement produit plus hors de la nature qu’il n’a pu lui en restituer afin d’accroître son expansion et de satisfaire sa course aux profits, sans prêter la moindre attention aux graves conséquences.

    Il n’est pas toujours facile de voir quand des changements graduels transforment la quantité en qualité (en un état complètement neuf), surtout pendant que cela se produit. Ce n’est qu’au cours de ces dernières années que les chercheurs ont pu parvenir à la conclusion que la terre, au milieu des années 1900, avait déjà quitté ce que l’on appelle l’Holocène – une ère de 11.700 ans caractérisée par des conditions très stables dans les systèmes terrestres.

    Nous vivons désormais dans ce que l’on appelle l’Anthropocène (l’ère de l’homme), même si “Capitalismocène” est une meilleure description. Cela signifie que nous vivons à une époque où l’humanité, sous le règne du capitalisme, est devenue la force la plus importante dans l’évolution de la vie sur terre. L’équilibre du système terrestre, qui a utilisé l’équilibre et la rétroaction d’une variété de formes de vie pour maintenir les températures entre -5 et +2 pendant 2,6 millions d’années, est maintenant, en raison de l’industrialisation, sérieusement menacé.

    Tout au long de l’histoire de l’humanité, la terre (ou plutôt la partie de la terre où la vie peut exister) a probablement été perçue comme plus ou moins infinie. En fait, il s’agit d’un fragment extrêmement petit du monde dans lequel nous vivons. Dans l’univers, il y a au moins deux trillions de galaxies, et dans notre propre galaxie, la Voie lactée, il y a jusqu’à 400 milliards d’étoiles. Autour de l’une de ces étoiles, notre soleil, la Terre tourne, avec une fine couche de vie de seulement 20 km sur et au-dessus de sa surface.

    Avec un système capitaliste passé en mode turbo ces dernières décennies, cette biosphère a été gravement endommagée. Ce ne sont pas seulement les changements de température qui menacent de modifier radicalement l’état dans lequel notre civilisation existe. La vie sur Terre est également façonnée par la circulation dans l’atmosphère (comme les courants-jets dont les changements récents ont provoqué la vague de froid extrême au Texas), par la circulation de l’eau à travers la vapeur d’eau, les précipitations et les courants océaniques, l’étendue des calottes glaciaires, le sol, l’étendue de la couche d’ozone, la circulation des nutriments, etc. Avec notre entrée dans l’Anthropocène, la société humaine affecte non seulement la dynamique de toute vie sur terre mais aussi l’ensemble du système terrestre : les océans, la glace, la terre, l’atmosphère et le climat.

    Jamais dans l’histoire de la planète, depuis sa création il y a 5 milliards d’années, la diversité de la vie n’a été aussi grande qu’à l’époque géologique la plus récente. Ceci est dialectiquement lié aux conditions climatiques. Des conditions climatiques stables ont créé les conditions nécessaires au développement et à la diversification de la vie, mais la diversité de la vie a également stabilisé le système terrestre et créé une biosphère élastique, capable de gérer le changement et l’incertitude.

    Avec le capitalisme, cette diversité a été rapidement érodée. Depuis 1970, le capitalisme a fait disparaître 60 % des populations de mammifères, d’oiseaux, de poissons et de reptiles, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF). En moyenne, un animal et une plante sur quatre qui ont été étudiés sont menacés, ce qui signifie qu’environ un million d’espèces sont menacées d’extinction.

    Cette perte de biodiversité nous menace directement, par exemple par la diminution des insectes pollinisateurs qui a entraîné une réduction de la production alimentaire. Mais c’est aussi une menace qui risque d’accélérer le changement climatique et de rendre plus difficile l’adaptation au changement. À cause de l’industrie agricole capitaliste, par exemple, 90 % des cultures locales, qui peuvent s’adapter au changement climatique, ont été perdues lorsque les grandes multinationales ont introduit leurs cultures à haut rendement.

    La mondialisation capitaliste à laquelle nous avons assisté au cours des dernières décennies a donc non seulement créé des chaînes de production mondiales fragiles, mais a également rendu notre planète, plus imbriquée, plus fragile d’un point de vue biologique également.

    Au cours des dernières décennies, 50 % des terres de la planète ont été converties en agriculture, en villes, en routes et en autres infrastructures. Aujourd’hui, le changement d’affectation des sols est à l’origine de 14 % des émissions de gaz à effet de serre. Un récent rapport de la “Rainforest Foundation Norway” a défendu que seul un tiers des forêts tropicales du monde est encore intact.

    Pour illustrer l’importance de l’homme pour la biosphère et les écosystèmes, on peut mentionner, par exemple, que le poids de la population humaine actuelle est 10 fois supérieur à celui de tous les mammifères sauvages. Si l’on ajoute le poids du bétail destiné à la consommation humaine, les mammifères sauvages ne représentent que 4 % du poids total.

    Cependant, c’est le capitalisme qui est le problème, pas les gens ou l’humanité. Les 1 % les plus riches sont responsables de plus de deux fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que la moitié la plus pauvre du monde au cours des 25 dernières années. La moitié la plus pauvre de la population mondiale n’a pratiquement pas augmenté ses émissions au cours de la même période, désormais connue sous le nom d’ère de l’inégalité carbone. Dans le même temps, quelques grandes entreprises exploitent les ressources de la nature. Par exemple, selon le rapport intitulé “Transnational Corporations as ‘Keystone Actors’ in Marine Ecosystems”, seules 13 entreprises géantes sont responsables de 20 à 40 % de toutes les captures marines de poissons plus gros et plus précieux.

    Ce qui est particulièrement menaçant dans le changement climatique, c’est qu’il ne s’agira probablement pas d’un changement progressif avec l’augmentation des niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Tout comme pour les protestations de masse ou les révolutions, nous verrons des points de basculement – où les écosystèmes, en raison de l’augmentation de la température, changent d’état rapidement et pour toujours.

    La fonte des glaces de l’Arctique et des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique, la transformation de l’Amazonie en savane, le dégel du pergélisol ou la réduction de la circulation dans les océans du monde en sont des exemples. Récemment, un rapport inquiétant a indiqué que le dégel du pergélisol se produisait plus rapidement que prévu, entraînant d’importantes émissions de méthane, un gaz à effet de serre. Si cela est vrai, cela signifie qu’un tiers du budget de gaz à effet de serre qui nous permet de rester en dessous d’un réchauffement de 1,5 degré a déjà disparu.

    Ces points de basculement créent à leur tour des rétroactions auto-renforcées qui risquent de provoquer de nouveaux points de basculement, par exemple lorsque la fonte des calottes glaciaires cesse de réfléchir la chaleur du soleil ou lorsque les forêts en feu passent du statut de puits de carbone à celui de sources d’émissions. Il peut en résulter une cascade de points de basculement qui transforment notre terre en une “serre”, même si les émissions de dioxyde de carbone sont réduites. Cela prendra bien sûr du temps – peut-être des centaines d’années – mais le problème est que lorsque nous atteignons un point de basculement, nous ne savons pas s’il est possible de revenir en arrière.

    C’est pourquoi l’appel à rester en dessous d’une hausse de température de 1,5 degré est si important. De nouvelles recherches montrent que le risque de points de basculement est beaucoup plus proche qu’on ne le pensait auparavant. Certains sont probablement déjà passés, comme la fonte des glaces dans l’Arctique ou la mort d’au moins la moitié des récifs coralliens. Néanmoins, les niveaux d’émission actuels laissent présager une augmentation de plus de trois degrés de la température mondiale d’ici 2100.

    La capacité et la volonté de l’élite dirigeante de coopérer et de changer sont limitées par un système en crise à tous les niveaux.

    La crise climatique ne peut être considérée séparément des autres crises du capitalisme, qu’elles soient économiques, sociales ou politiques. Elles renvoient toutes à un système dont les contradictions sont de plus en plus fortes et qui crée des crises qui interagissent les unes avec les autres.

    Par exemple, le changement climatique alimente des conflits qui peuvent conduire à la guerre et aux réfugiés, tandis que le changement climatique lui-même crée des réfugiés climatiques. Selon Oxfam, 20 millions de personnes ont été contraintes de fuir chaque année au cours de la dernière décennie en raison du changement climatique. Si la société ne change pas de cap, l’avenir sera bien pire. En fonction de différents scénarios de croissance démographique et de réchauffement, on estime que dans 50 ans, 1 à 3 milliards de personnes pourraient connaître des conditions similaires à celles du Sahara – en dehors des conditions climatiques dans lesquelles les humains ont vécu jusqu’à présent. Aujourd’hui déjà, le changement climatique, tout comme la pandémie de Covid et d’autres crises, entraîne une augmentation des inégalités de classe et de genre.

    L’explosion des injustices avec la privatisation, la dérégulation et l’austérité du néolibéralisme a sapé la position de l’élite bourgeoise dans la société, et avec la crise économique, les antagonismes entre les grandes puissances du monde, notamment entre les États-Unis et la Chine, se sont accrus. Cela signifie que la capacité et la volonté de l’élite dirigeante de coopérer et de changer sont limitées par un système qui est en crise à tous les niveaux.

    Bien que les confinements résultant de la pandémie aient entraîné une réduction des émissions climatiques d’environ 7 % pour 2020, il y a très peu d’éléments indiquant qu’il s’agit du début d’un changement durable. Au contraire, le stimulus que les États ont déversé sur les capitalistes pour maintenir l’économie à flot est allé dans une bien plus large mesure à l’industrie des combustibles fossiles qu’aux énergies renouvelables. En novembre 2020, les gouvernements du G20 avaient versé 233 milliards de dollars pour soutenir les activités qui favorisent la production ou la consommation de combustibles fossiles, tandis que seulement 146 milliards de dollars étaient destinés aux énergies renouvelables, à l’efficacité énergétique et aux alternatives à faibles émissions (Production Gap Report 2020). Au lieu de la nécessaire réduction de la production de combustibles fossiles de six pour cent par an, une augmentation de deux pour cent par an est prévue pour 2030.

    La prise de conscience de la menace existentielle à laquelle nous sommes confrontés, la profondeur de la faille métabolique dont Marx n’avait vu que le début, permettent de comprendre que le problème ne peut pas être résolu en passant “simplement” aux voitures électriques, en installant des panneaux solaires ou en mangeant moins ou pas de viande. C’est loin d’être le changement qui s’impose.

    Comme ils l’ont fait jusqu’à présent, les représentants du capitalisme agiront au mieux trop tard et trop peu. Un nouveau rapport intitulé “Fossil CO2 emissions in the post-COVID era” montre comment le taux de réduction des émissions doit être multiplié par dix par rapport à la période 2016-2019 pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. L’incapacité n’est pas liée à un manque de compétences ou de connaissances, mais au système capitaliste, où le profit et la croissance sont toujours prioritaires, ce qui signifie que la nature est traitée comme une ressource gratuite et infinie.

    Nous avons besoin d’une transformation complète de la société pour rester dans les limites planétaires qui maintiennent le système terrestre et la biosphère dans un état sûr pour notre avenir. Cela signifie l’arrêt immédiat de toute nouvelle extraction de pétrole et de gaz et un plan démocratique pour réduire à zéro les émissions d’ici une ou deux décennies. Cela implique une transformation de l’agriculture, de la sylviculture, de l’exploitation minière, des transports, de la production d’énergie et d’autres activités afin de protéger la biodiversité et de convertir les sources d’émissions en puits de carbone. Il s’agit également d’utiliser un minimum de ressources naturelles et, parallèlement, de redistribuer les richesses et les ressources dans le cadre d’un plan d’investissement vert.

    Tout cela n’est pas possible dans le cadre du capitalisme. L’humanité est intégrée et son avenir est lié à celui de la nature et de la biosphère qui nous entoure. Le capitalisme, en revanche, considère la nature comme une ressource externe, à consommer et à exploiter, tout comme les travailleurs. L’appât du gain qui pousse à ce développement ne peut être arrêté ni par des appels pieux ni par des lois insuffisantes de la part de politiciens qui défendent le même système. Pour un véritable changement, il faut un socialisme démocratique : que les intérêts privés de profit soient abolis par la nationalisation des grandes entreprises et des banques sous contrôle démocratique, afin de suspendre ou de réorganiser les activités nuisibles à l’environnement, tout en satisfaisant les autres besoins de la société.

    Indépendamment de l’inévitable déclin que connaît actuellement le mouvement climatique, de plus en plus de personnes, en particulier les jeunes, concluront que la lutte contre le changement climatique doit nécessairement être anticapitaliste afin de parvenir à la victoire.

    Tout comme les crises du capitalisme sont étroitement liées et interagissent les unes avec les autres, la lutte contre le système capitaliste et ses défenseurs doit être organisée et rassemblée au-delà de toutes les frontières. Le mouvement climatique doit défier le capitalisme en coopération internationale avec la lutte des travailleurs, la lutte féministe, la lutte contre le racisme et d’autres mouvements. Si le capitalisme n’est pas renversé, il menace de détruire les conditions de vie et de civilisation sur cette planète.

  • Taxe kilométrique à Bruxelles : Une écotaxe injuste pour les travailleurs

    La taxe kilométrique « SmartMove » déposée par le gouvernement bruxellois (PS-Ecolo-Défi-OpenVld-Sp.a-Groen) en décembre dernier pour entrer en vigueur en 2022 a fait couler beaucoup d’encre. En l’absence d’alternative crédible à la voiture pour se rendre au travail, la note sera très salée, navetteur ou non : entre 180 et 2.000€ par an selon la FGTB-Bruxelles. Même l’étude commandée par le gouvernement bruxellois parle d’un impact financier négatif pour absolument toutes les catégories.

    Par Boris (Bruxelles)

    SmartMove renoue avec la tradition des écotaxes socialement injustes présentées comme étant progressistes. Elle viserait les plus hauts revenus puisqu’elle revient plus cher pour les grosses cylindrées ? Faux. Cette taxe ne représente pas grand-chose pour les plus riches qui souhaitent se balader en grosse cylindrée ou en voiture de luxe. En réalité, plus les revenus sont faibles, plus cela est proportionnellement douloureux. Quant aux Bruxellois, l’abolition de la taxe de mise en circulation et de la taxe de circulation ne compenseront pas les nouveaux frais. L’autre moitié des travailleurs à Bruxelles, les navetteurs, sera doublement taxée : via leur lieux de travail et via leur domicile.

    SmartMove vise à changer les comportements automobiles de manière à diminuer le nombre de kilomètres parcourus par des véhicules à Bruxelles de 7,7%, dont une diminution de 11% en heure de pointe pour réduire les embouteillages de 30%. Le rapport précise que cette baisse serait principalement réalisée par des Bruxellois et non des navetteurs. Les métros et les trams ne sont-ils pas déjà bondés en heure de pointe ? Des investissements sont prévus à la Stib, mais ils sont largement insuffisants pour répondre aux nouveaux besoins d’un réseau déjà saturé. Pour les navetteurs, aucune alternative crédible en vue non plus. La fin des travaux du RER n’arrivera pas avant 2031. Faute d’investissements publics massifs dans l’infrastructure et le transport public, l’objectif de passer de 20% à 40% de navetteurs utilisant les transports en commun en 2030 est un rêve.

    SmartMove bénéficierait aux Bruxellois les plus pauvres puisqu’ils ne disposent pas d’une voiture et vivent dans les quartiers les plus touchés par la pollution de l’air ? 46% des ménages bruxellois ne disposent d’aucune voiture et ce chiffre grimpe à 68,8% pour les ménages qui ont moins de 1.000€/mois de revenus. L’argument est terriblement cynique au regard de la politique établie, synonyme d’appauvrissement collectif. La pauvreté est la première cause des problèmes de santé, ce qui vient à nouveau d’êtres illustré par le taux de surmortalité face au Covid. La pollution de l’air, un immense problème de santé publique, est causé pour 30% par la circulation automobile. Notre opposition à SmartMove n’implique pas que nous soyons favorables au tout-à-la-voiture, principe autour duquel Bruxelles a été conçue. Il est regrettable que Greenpeace ait défendu dans le mouvement pour le climat une proposition de taxe injuste via un péage urbain à Bruxelles. Cela ne traduisait en rien le sentiment des jeunes dans les grèves scolaires : ils ne défendaient pas un capitalisme vert mais revendiquaient un changement de système : system change not climate change !

    Cette taxe kilométrique permettrait de rapporter 200 millions d’euros supplémentaires au budget annuel de la Région. L’opposition à cette taxe de la part des politiciens flamands et wallons ainsi que des organisations patronales pue l’hypocrisie. Aucun d’eux ne s’oppose en réalité à une nouvelle fiscalité automobile injuste pour les travailleurs. Les organisations patronales veulent un système harmonisé sur l’ensemble du pays et surtout que les employeurs n’en fassent pas les frais. De leur côté, avec le centre de gravité qui a glissé de plus en plus vers les Régions, chaque politicien traditionnel se base sur son propre électorat. L’idée même d’une taxe injuste n’est pas combattue, ce qui pose problème, c’est le glissement d’une partie de la fiscalité automobile de la Flandre et de la Wallonie vers Bruxelles.

    C’est aux employeurs de payer intégralement le coût des déplacements des travailleurs entre le domicile et le lieu de travail. Nous défendons des solutions collectives comme alternative à la voiture grâce à un plan radical d’investissements publics dans l’infrastructure et les transports en commun, sans présenter la facture ni aux Bruxellois, ni aux navetteurs, mais aux plus riches qui ont profité de quatre décennies de transfert de moyens publics vers leur coffre-fort.

  • A peine élu, Joe Biden trahit les écologistes qui l’ont soutenu

    Lors de sa campagne, le démocrate Joe Biden avait promis le retour immédiat des États-Unis dans l’Accord de Paris, assorti d’un plan climatique. Après les années Trump, grand partisan des énergies fossiles et responsable de la réduction des budgets de l’United States Environmental Protection Agency (EPA), on peut comprendre celles et ceux qui ont poussé un soupir de soulagement.

    « La victoire historique de Joe Biden est la première étape pour éviter la catastrophe climatique », a ainsi commenté sur Twitter la directrice exécutive de Greenpeace, Jennifer Morgan. Elle espère qu’il sera « le champion » de la cause environnementale. Durant sa campagne, Biden a promis un plan à hauteur de 1.700 milliards de dollars pour lutter pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2035. Il a déclaré que la cause écologiste est l’une de ses principales priorités.

    Dis-moi qui sont tes amis et je te dirai qui tu es

    Il faut toutefois rester prudent vis-à-vis de ses annonces électorales conçues pour plaire aux électeurs alors qu’au cours de l’année 2019, des millions de personnes ont été évacuées et des centaines de milliers ont perdu leur maison à cause d’incendies et d’inondations. Le thème du changement climatique s’est invité de force dans le débat électoral.

    Durant la campagne électorale déjà, de nombreuses voix ont souligné l’impossibilité d’obtenir la neutralité carbone en refusant de s’en prendre à la fracturation hydraulique (méthode d’extraction de pétrole et de gaz emprisonnés dans le sous-sol en y injectant des fluides à forte pression). Biden ne souhaite pas l’arrêt de cette technique très controversée qui représente pas moins de 35% de la production énergétique des États-Unis.

    Lors d’un des débats télévisés avec Donald Trump, Biden a déclaré qu’il était pour une « transition » de l’industrie pétrolière vers des énergies renouvelables, avant de se reprendre et de dire qu’il se limiterait à empêcher que des fonds gouvernementaux soient versés à l’industrie pétrolière. « Nous n’allons pas nous débarrasser des énergies fossiles. Nous allons nous débarrasser des subventions pour les énergies fossiles », a-t-il précisé. Dire le contraire aurait signifié se retourner contre des personnes telles qu’Andrew Goldman, co-fondateur de la société de production de gaz naturel Western LNG, qui a co-organisé diverses activités de levées de fonds à la faveur du candidat démocrate.

    Autre élément inquiétant, l’une des premières personnes désignées pour faire partie de son administration est l’actuel député Cédric Richmond, qui servira de liaison entre la Maison Blanche et le mouvement pour le climat. Au cours des dix ans qu’il a passés au Congrès, Richmond a reçu environ 341.000 dollars de donateurs de l’industrie du pétrole et du gaz. Richmond est d’ailleurs connu pour avoir a rompu à plusieurs reprises avec son propre parti dès lors qu’il s’agissait de votes sur le climat et l’environnement. Il s’est ainsi joint aux républicains pour voter en faveur de l’augmentation des exportations de combustibles fossiles et de la promotion du développement des pipelines, s’est opposé à une législation démocrate visant à (très peu) limiter la pollution due à la fracturation hydraulique,…
    La nomination a un goût de trahison pour des activistes comme Varshini Prakash, directeur exécutif du mouvement écologiste Sunrise Movement qui a fait partie du groupe de travail politique de Biden durant la campagne électorale. Cette nomination est « un affront aux jeunes qui ont rendu la victoire du president-élu possible. »

    L’écologie, mauvaise pour l’emploi ?

    Les États-Unis constituent le premier producteur mondial de pétrole et de gaz. Ce secteur emploie 10 millions de personnes. Trump n’a d’ailleurs pas hésité à jouer sur les craintes de pertes d’emplois causées par une transition verte pour s’attirer les votes de travailleurs. Et il faut dire que Biden n’avait rien à répondre… Pourtant, pour chaque emploi perdu dans les énergies fossiles, une réelle transition écologique en créerait au moins 10.

    La catastrophe climatique n’arrive pas, elle est déjà là. Si les émissions de carbone continuent d’augmenter comme elles le font actuellement, dans 30 ans, un demi-million de foyers américains seront inondés chaque année. D’ici 2070, 28 millions de personnes seront touchées par des méga-feux d’une taille équivalente à Manhattan.

    Les services d’incendie et de secours en général ainsi que de protection de la nature nécessitent de toute urgence une injection massive de personnel. Pour répondre à la crise du logement aux États-Unis et assurer que les infrastructures puissent résister aux conditions climatiques extrêmes qui deviennent hélas la norme, il faut un programme public massif de construction et de rénovation. Des millions d’emplois verts, socialement utiles et bien payés pourraient être créés ainsi. La reconversion des travailleuses et travailleurs des entreprises polluantes ne pose aucun problème.

    Mais on ne contrôle pas ce que l’on ne possède pas. Un véritable plan pour le climat devra s’appuyer sur l’expropriation des multinationales pétrolières afin de les empêcher de nuire et d’utiliser leurs fonds dans la réparation des dégâts qu’elles ont causés. La seule issue qui nous permettra d’échapper à l’enfer sur terre est la planification écologique socialiste.

  • Les 10 % des citoyens européens les plus riches responsables d’autant d’émissions de CO2 que les 50 % les plus pauvres

    Quand les inégalités creusent le fossé économique et écologique entre les classes

    Selon une récente analyse publiée par OXFAM, les émissions de CO2 ont diminué d’environ 12 % pour l’ensemble des 27 pays membres de l’UE entre 1990 et 2015. L’étude révèle également que l’essentiel de ces réductions a été assumé par les classes les plus pauvres de l’Union. La consommation des plus riches demeure, quant à elle, en nette hausse.

    Par Jeremy (Namur)

    On aimerait pouvoir se réjouir sans réserve devant la diminution affichée des émissions nettes de CO2 liées à la consommation – c’est-à-dire corrigées pour tenir compte des émissions induites dans d’autres pays par la production de biens et de services destinés à être consommés en Europe. Pourtant, à y regarder de plus près, on constate que cette diminution n’a pas été supportée également par toutes les tranches de la population.

    L’étude réalisée en collaboration avec l’Institut de l’Environnement de Stockholm (SEI) révèle que les 10 % des citoyens européens les plus riches sont responsables de 27 % des émissions de toute l’UE. C’est autant que les 50 % des habitants les plus pauvres réunis. Parmi eux, le 1 % des plus riches émettent, à eux seuls, 7 % de la quantité totale de CO2. L’étude révèle également que, alors que la part des émissions des classes les plus pauvres a diminué : -25 % chez la moitié la plus pauvre de la population et -13 % chez les 40 % disposant d’un revenu intermédiaire, la consommation des 10 % les plus riches a augmenté de 3 % quand la part – déjà très haute ! – du 1 % des plus fortunés a crû de 5 %.

    Sur base de cette étude, OXFAM appelle l’UE à lutter contre les inégalités si elle veut se donner les moyens de réduire ses émissions à la hauteur des engagements pris lors de l’accord de Paris (2015). Nous sommes, bien entendu, d’accord sur la nécessité de s’attaquer aux inégalités, mais il est nécessaire d’aller beaucoup plus loin.

    Tout d’abord, il faut poser la question de la force susceptible de mener cette lutte contre les inégalités. Or, si les dernières décennies d’austérité ont montré une chose, c’est bien la détermination de la classe dominante à œuvrer dans le sens contraire. Un constat qui fut encore exacerbé en Europe au cours des dix dernières années suivant la crise de la zone euro. Et ce constat est vrai partout : que dire de la prédation de valeur par les grands capitalistes mondiaux au cours de la pandémie de COVID-19 ? En vérité, une diminution des inégalités ne sera possible que grâce à la mobilisation de la classe des travailleuses et des travailleurs.

    Il est également absolument essentiel de remarquer l’ampleur de la réduction nécessaire. Pour rester sous le seuil de +1,5 °C à l’horizon 2100 (une limite par ailleurs déjà potentiellement fort dangereuse), les émissions devront chuter de pas moins de 60 % d’ici à 2030. Ce simple fait illustre à quel point une lutte efficace contre le réchauffement climatique nécessitera bien plus qu’un transfert de revenu qui laisserait le système inchangé par ailleurs.

    À plus forte raison, la croyance dans l’idée que cela pourrait suffire reviendrait à jouer le jeu de la classe capitaliste. De son point de vue, en effet, les inégalités en UE ont explosé en même temps que les émissions totales ont diminué, pourquoi ne pas continuer dans la même voie et se contenter de verdir, éventuellement, quelque peu le capitalisme ? La raison est très simple : le capitalisme vert est un mirage qui ne résout rien et qui n’est certainement pas à la hauteur des enjeux que nous connaissons. Pour y faire face, il ne nous faut rien de moins qu’une rupture avec ce mode de production anarchique et irrationnel pour laisser place à la planification et à la gestion démocratique de la production.

    L’analyse reprise plus haut montre, enfin, que la transformation socialiste de la société capable de maitriser le dérèglement climatique ne saurait être efficace qu’à l’échelle internationale. Premièrement parce que les inégalités y sont encore plus importantes qu’au sein de l’UE, enfin parce qu’une réorganisation de la production au bénéfice de tous n’est envisageable qu’à cette échelle.

  • Que crève le capitalisme. Ce sera lui ou nous.

    Hervé Kempf (1) avait déjà écrit « Comment les riches détruisent la planète (2007) ». Son tout nouvel ouvrage se situe dans cette continuité et son titre a le mérite de dire les choses clairement. C’est hélas beaucoup moins le cas dans le livre proprement dit.

    L’auteur ne manque pas de bonnes intention et une inquiétude sérieuse l’anime face à la perspective d’un « apartheid climatique » où les riches paient pour échapper à la surchauffe, à la faim et aux conflits, tandis que le reste du monde est laissé pour compte. Mais son analyse et ses propositions reposent avant tous sur les comportements individuels. Ainsi, pour lui, le capitalisme « est une organisation sociale dont les membres sont réputés avoir pour motivation principale de gagner de l’argent afin de pouvoir gagner plus d’argent. » C’est vrai. Mais cette cupidité est ancrée dans un élément matériel : la possession des moyens de production. C’est là que se situe le fondement du capitalisme et c’est à cela qu’il faut s’attaquer.

    Hervé Kempf semble fier de dire « qu’il n’y a pas de programme, pas de solution clé en main, pas de remède magique qui remplace le vilain capitalisme par le gentil monde écologique et fraternel », mais définir l’alternative que nous voulons est pourtant crucial afin de définir le chemin et les méthodes d’y parvenir. L’auteur défend quant à lui la stratégie de la frénésie : mener n’importe quel type d’action contre le système capitaliste en crise pour en accélérer l’effondrement. Et espérer que cela ira mieux ensuite.

    Le livre souligne à juste titre que les révoltent gagnent en ampleur : entre 2011 et 2019, les émeutes, les grèves générales et les manifestations antigouvernementales se sont accrues de 244 %, selon le Global Peace Index. L’Europe étant par ailleurs la région où l’on a compté le plus de ces rébellions. Mais nous ne pouvons simplement souhaiter que ces révoltes augmentent en nous disant « on verra bien ».

    La meilleure manière de bloquer l’économie, c’est de recourir à l’arme de la grève. Nous devons faire reposer notre stratégie sur le lien avec la classe des travailleuses et des travailleurs, les seuls à même de complètement bloquer l’économie capitaliste pour la refaire ensuite tourner en étant débarrassés des parasites du patronat. Sur cette base, nous pourrons alors rationnellement et démocratiquement planifier la production économique et mobiliser toutes les ressources pour répondre aux besoins sociaux et faire face au défi écologique.

    Au final, « Que crève le capitalisme » ressemble bien plus à un cri de désespoir qu’à un acte d’accusation.

    1) Ancien journaliste de Courrier international, La Recherche et du Monde, actuel rédacteur en chef de Reporterre

  • No es fuego es capitalismo! Le capitalisme met le feu à la planète, seul le socialisme peut éteindre l’incendie

    Le matin du 10 septembre dernier, les Californiens de la région de San Francisco et alentours se sont réveillés dans une atmosphère aux allures d’apocalypse. Tout l’air de la ville semblait avoir pris une teinte orangeâtre. La cause : les nombreux incendies de forêt qui ont ravagé la région depuis la fin du mois d’août. Toujours non contenus entièrement au moment d’écrire ces lignes, cinq de ces incendies sont déjà classés dans le top 10 des plus grands incendies de toute l’Histoire de la Californie, pourtant habituée aux feux de forêt à cette période de l’année.

    Par Jeremy (Namur)

    Plusieurs millions d’hectares sont partis en fumée, du jamais vu ! Mais les Californiens ne sont pas les seuls à avoir souffert du feu : leurs voisins des États de l’Oregon et de Washington au nord, ont aussi dû faire face à d’importants incendies tout au long du mois de septembre, contraignant plusieurs milliers de personnes à évacuer leurs maisons.

    Une nouvelle norme

    Malheureusement, de tels évènements sont loin d’être marginaux, et encore moins surprenants. Depuis plus de 50 ans, les scientifiques accumulent les données démontrant la réalité du réchauffement climatique et la gravité de ses conséquences comme l’augmentation de la fréquence des incendies de forêt. Les immenses feux survenus en Australie en janvier dernier en sont un autre exemple frappant et qui ne fut occulté de l’information que par la crise du covid-19, dans laquelle de nombreux experts voient également un symptôme de l’exploitation sauvage de la nature pour alimenter le mode de production capitaliste.

    C’est un cercle vicieux : la concentration de gaz à effet de serre (CO2, méthane, etc.) augmente, ce qui fait monter la température, cause des incendies et accroît encore la quantité de CO2 dans l’atmosphère en supprimant la couverture forestière qui l’en extrayait. Et il faut encore ajouter à ça les incendies provoqués directement pour faire de la place pour l’agriculture ou l’élevage industriels intensifs (principales sources de méthane dans l’atmosphère) par les compagnies privées en Amazonie n’hésitant pas à s’approprier criminellement la terre des paysans pauvres pour en tirer toujours plus de profits.

    L’impasse du capitalisme vert et le Green New Deal

    Depuis peu, les avertissements des scientifiques reçoivent un nouvel écho un peu partout dans le monde, en particulier parmi les jeunes qui sont les plus sensibles à l’ampleur de la catastrophe climatique qui s’annonce. Certains politiciens bourgeois opportunistes y ont vu un créneau porteur pour leurs propres carrières. Inféodés aux intérêts économiques des grands groupes capitalistes, ils n’ont souvent rien d’autre à proposer que des solutions illusoires, comme la finance verte. Ils ne font rien pour entraver la libre circulation du capital absolument nécessaire pour exercer une pression à la baisse sur les salaires en dépit de la pollution causée par la délocalisation généralisée de la production. Tout ça, bien sûr, quand ils ne se servent pas directement de la nécessaire transition écologique comme d’un prétexte pour distribuer des aides publiques à de grands groupes privés en difficulté selon la formule bien connue : « Collectivisation des pertes, privatisation des profits ».

    Le “capitalisme vert” s’adresse principalement aux travailleurs et à leurs familles. Cependant, l’idée que la modification des comportements de consommation individuelle puisse stopper le changement climatique a été réfutée lors de la pandémie de Covid-19. Malgré l’arrêt presque complet du trafic aérien et une réduction substantielle du trafic automobile, la réduction des émissions de CO2 n’a pas été suffisante pour rester en dessous de la limite de 1,5 degré de réchauffement climatique.

    Aux États-Unis, des représentants politiques situés à la gauche du parti démocrate mettent en avant l’idée d’un Green New Deal, proposée initialement par la très populaire Alexandria Ocasio-Cortez. Cette proposition – qui fait référence au programme d’intervention de l’État dans l’économie de Roosevelt sous la pression des luttes ouvrièreaux États-Unis dans les années ’30 – va dans le bon sens. Sa réalisation serait un grand pas en avant en comparaison de la situation actuelle sous la présidence de Donald Trump, notoirement climato-négationniste. Ce projet reste cependant critiquable sous deux rapports. Premièrement, le New Deal de Roosevelt ne fut pas imposé par « en haut », mais bien par les mobilisations massives de la classe ouvrière paupérisée par la crise et par la crainte que ces mobilisations ne menacent le système capitaliste lui-même. De plus, il ne permit jamais de relancer tout à fait l’économie qui ne sortit de l’ornière que « grâce » à la reconstruction d’après-guerre. Deuxièmement, un Green New Deal ne cherchant qu’à opérer à l’intérieur du système capitaliste existant serait rapidement mis en échec par les mécanismes du marché.

    Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à observer la situation à l’origine des incendies californiens Camp Fire et Wine Fire de 2018 causés par la négligence de la compagnie Pacific Gas & Electric Company (PG&E). Celle-ci n’avait alors pas jugé utile de remplacer certaines de ses lignes à haute tension (vieilles de plus de 100 ans !) pour ne pas empiéter sur ses profits alors même qu’elle connaissait les risques depuis plusieurs dizaines d’années. En plus de la destruction de leurs conditions de vie, les habitants de la région ont, depuis, également dû subir les coupures de courant planifiées en périodes de sécheresse pour éviter à la compagnie de s’endetter. Le surcoût pour les compagnies d’assurance a finalement été compensé par une augmentation du montant des primes pour les particuliers.

    Cet exemple montre qu’il n’y a rien à espérer des compagnies privées soumises aux impératifs de concurrence, de rentabilité et de profit pour aborder sérieusement le problème du réchauffement climatique et ses conséquences. Pour ça nous avons besoin d’une planification démocratique de la production et de la répartition des richesses ajustées aux besoins réels de la population.

  • La nouvelle norme climatique : Le capitalisme tue la planète

    La nouvelle norme climatique : Le capitalisme tue la planète

    Dans presque tous les systèmes de mesure des conditions météorologiques extrêmes, la Terre bat tous les records, des vagues de chaleur les plus chaudes aux pires incendies en passant par l’une des saisons d’ouragans les plus actives jamais enregistrées. C’est la nouvelle norme et, oui, c’est la réalité du changement climatique.

    Par Rebecca Green, Socialist Alternative (USA)

    Des millions de personnes ont été évacuées et des centaines de milliers ont perdu leur maison à cause d’incendies et d’inondations depuis le COVID-19, une pandémie qui illustre les dangers d’une dégradation sans entrave de l’environnement. Sur toute la côte ouest, sous un ciel orange menaçant, les gens ont été contraints de rester à l’intérieur pour éviter la fumée toxique d’incendies historiques en pleine pandémie respiratoire. Les incendies et la fumée ont créé un sentiment dramatique de peur et d’effroi parmi une grande partie de la population, non seulement en Californie, mais aussi dans l’État de Washington et celui de l’Oregon. Alors que des millions de personnes, en particulier les jeunes, sont conscients de la nécessité de mener immédiatement une action spectaculaire, il existe également un sentiment écrasant d’impuissance face au temps qui nous manque.

    Les deux principaux partis politiques des États-Unis s’opposent catégoriquement au changement radical nécessaire. La seule façon de sortir de cette crise est de le faire nous-mêmes et d’impliquer des millions de personnes dans un processus de planification démocratique de l’économie et dans la construction d’une société socialiste durable sur le plan environnemental.

    Conditions météorologiques extrêmes non maîtrisées

    Avec l’augmentation des températures mondiales, les climats secs deviennent encore plus secs, ce qui crée plus de combustible pour les incendies de champs et de forêts. Le temps plus chaud signifie également que dans les climats plus humides, l’air peut contenir plus d’humidité, ce qui signifie que les tempêtes tropicales et les ouragans sont plus menaçants en termes d’inondations. Même si nous devenions neutres en carbone à 100% demain, les conditions météorologiques extrêmes perdureraient. Si nous devons arrêter cette crise à sa source, nous devons également nous adapter à une nouvelle norme climatique.

    Il s’agit notamment de revoir de fond en comble notre gestion des forêts et notre réaction aux incendies de forêt. Les feux de forêt sont naturels dans des endroits comme la Californie, mais une approche « si ça brûle, éteignez ça » depuis des décennies a évité que des débris qui alimentent aujourd’hui les méga-feux ne soient déblayés petit à petit. Si l’on ajoute à cela des décennies de sous-financement dans la lutte contre les incendies et le recours à la main-d’œuvre carcérale (en nombre insuffisant en raison de l’épidémie de COVID-19), on obtient que la Californie lance un appel désespéré aux autres États et même à l’Australie pour envoyer des pompiers. Nous avons besoin d’un refinancement de la lutte contre les incendies et la gestion des forêts, y compris pour permettre des incendies contrôlés.

    Nous avons besoin de ressources adéquates pour répondre aux menaces climatiques, mais nous devons également reconsidérer les endroits où nous pouvons vivre et travailler. Si les émissions de carbone continuent d’augmenter comme elles le font, dans 30 ans, un demi-million de foyers seront inondés chaque année. D’ici 2070, 28 millions de personnes seront touchées par des méga-feux d’une taille équivalente à Manhattan.

    Et pourtant, depuis 2010, dans les États côtiers, ce sont les zones les plus inondables qui ont connu le plus grand taux de construction de logements, et le développement immobilier se poursuit également dans les zones touchées par les incendies sur la côte ouest.

    Les promoteurs immobiliers ont constamment combattu les règles de construction exigeant des fenêtres résistantes au feu et aux chocs, par exemple, alors que c’est ce qui fait souvent la différence entre une maison endommagée ou une maison complètement rasée.

    Pendant ce temps, le secteur des assurances tente de fuir ses responsabilités. L’année dernière, les autorités californiennes ont dû interdire aux assureurs d’annuler les polices d’assurance de 800.000 maisons. Des centaines de milliers de gens sont abandonnés par leurs compagnies d’assurance parce que l’assurance n’est tout simplement pas rentable lorsqu’une maison brûle ou est inondée.

    Les gens n’ont pas besoin d’une assurance à but lucratif. Nous devons assurer que tout le monde dispose d’un logement abordable et de qualité, avec la garantie d’une aide en cas de catastrophe naturelle. Il faut systématiser les fenêtres et toits métalliques à l’épreuve du feu dans les zones exposées au feu, ainsi que les volets métalliques de haute qualité et les sangles anti-tempête. Le secteur de l’assurance est un piètre substitut aux services sociaux.

    Nous avons besoin d’un programme d’emploi qui pourrait remettre des millions de personnes au travail dans des emplois syndiqués de haute qualité; de construction de logements abordables et durables ainsi que de rénovation des maisons pour qu’elles résistent aux conditions climatiques extrêmes ; le tout financé par une taxation des riches.

    Pas le temps d’attendre

    Le parti républicain et Donald Trump représentent des menaces évidentes pour l’environnement, mais la négligence criminelle du parti démocrate qui contrôle la Californie, l’Oregon et Washington est également une menace pour la vie. D’une main, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, impose que les voitures soient exemptes de combustibles fossiles d’ici 2035. De l’autre, il a approuvé 36 nouveaux permis de fracturation hydraulique depuis le début de l’épidémie de COVID-19. En juillet, il a réduit de 7,5% le salaire des pompiers. En mai, les réductions de son budget d’urgence en cas de pandémie ont fait que CalFire n’a ajouté que 167 pompiers à ses rangs, au lieu des 500 qu’ils avaient demandés, ce qui est bien en deçà de ce dont ils ont besoin. M. Newsom s’oppose également à l’augmentation des taxes sur les plus riches de l’État – alors d’où est censé venir l’argent destiné à la lutte contre les incendies ?

    Joe Biden a un plan climatique de grande envergure par rapport à ceux des démocrates du passé, mais il est encore loin de ce qui est nécessaire, et il ne soutient toujours pas un Green New Deal. Pour gagner même ses modestes mesures, Biden et les démocrates devraient s’attaquer directement à l’industrie des combustibles fossiles, aux promoteurs immobiliers et aux grandes industries polluantes, ce qu’ils refusent systématiquement de faire.

    Seulement 100 producteurs de combustibles fossiles sont responsables de 70% des émissions de ces deux dernières décennies – faut-il s’étonner qu’ils préconisent un changement de mode de vie individuel comme solution? Les milliardaires qui ont mis notre planète en péril sont au courant du changement climatique depuis des décennies, et ils savent que la situation s’aggrave. Tant que notre société sera gérée sur la base du profit, nous devrons lutter contre des intérêts financiers à chaque étape pour obtenir les changements les plus modestes. Et tant que les partis républicain et démocrate seront redevables à ces intérêts capitalistes, nous devrons les combattre.

    Nous n’avons plus le temps de les laisser nous ralentir : pour éviter un effondrement climatique de grande ampleur, nous devons renverser complètement le système capitaliste. Les entreprises privées de services publics et de combustibles fossiles doivent être prises en charge de manière démocratique par le secteur public. Nous devons nous appuyer sur le mouvement des jeunes en faveur du climat qui a fait descendre des millions de personnes dans la rue pour lutter pour notre avenir. Pour gagner, nous aurons besoin d’un mouvement révolutionnaire de masse de la classe ouvrière, la classe qui peut mettre la société à l’arrêt et la relancer sur des bases totalement différentes et durables.

    Nous exigeons :

    – Taxez les milliardaires et les grandes entreprises pour financer entièrement la lutte contre les incendies, les services de gestion des forêts et un Green New Deal ! Nous pouvons remettre des millions de personnes au travail dans des emplois syndiqués de qualité qui nous préparent à faire face aux conditions climatiques extrêmes, en rénovant les maisons pour qu’elles résistent au pire et en construisant de nouveaux logements durables et abordables.
    – Développer des pratiques de brûlage contrôlé dans le cadre de la gestion des forêts, en consultant les communautés indigènes qui utilisent cette pratique depuis des siècles;
    – Les travailleurs devraient avoir le droit de refuser des travaux non essentiels dans les zones où la qualité de l’air est médiocre!
    – Faire en sorte que les services publics privés et les grandes entreprises de combustibles fossiles deviennent des propriétés publiques et démocratiques. Ils devraient être immédiatement rééquipés pour les sources d’énergie renouvelables.
    – Un nouveau parti politique qui rejette l’argent des combustibles fossiles, et qui crée des mouvements de lutte pour lutter pour un Green New Deal et une action climatique spectaculaire MAINTENANT!
    – System change, not climate change : le système capitaliste continuera à exploiter la planète dans l’intérêt du profit. Il repose également sur l’exploitation de la classe ouvrière et des groupes particulièrement opprimés, qui souffrent de manière disproportionnée des effets du changement climatique. Pour sauver notre planète et débarrasser notre société du racisme, du sexisme, de l’homophobie et de toutes les formes d’oppression, nous devons lutter pour la transformation socialiste de la société afin qu’elle fonctionne de façon équitable et durable pour toutes et tous!

  • Les 1% les plus riches représentent le double des émissions des 50% les plus pauvres. Il faut changer de système !

    “Sans lutte de classe, l’écologie n’est que du jardinage”

    Entre 1990 et 2015, le 1% le plus riche au monde a produit des émissions deux fois plus importantes que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. Ce fait remarquable provient d’une étude réalisée par Oxfam et l’Institut de l’environnement de Stockholm. Le rapport note également que le fossé se creuse. Au cours de cette période de 25 années, les émissions ont augmenté de 60 %, mais parmi le pourcent le plus riche, l’augmentation a été trois fois plus importante que chez la moitié la plus pauvre.

    Il est difficile de nier aujourd’hui la nature dramatique du changement climatique. Les phénomènes météorologiques extrêmes, la sécheresse, les incendies de forêt et d’autres expressions du changement climatique deviennent la nouvelle norme. Certaines parties du monde risquent de devenir inhabitables. Parmi les victimes de ces conditions climatiques extrêmes, on trouve principalement des travailleurs et des pauvres. Le 1% des plus riches peut se permettre de trouver un refuge ailleurs, sans subir de répression anti-migrants. Certains ultra-riches achètent même des villas-bunkers sécurisés en Nouvelle-Zélande en supposant que l’impact du changement climatique y sera plus limité !

    On suppose trop souvent que les mesures écologiques sont antisociales. Cela provient notamment de l’expérience des politiques introduites par les gouvernements comprenant les partis « verts », comme les écotaxes. De nombreux partis verts sont nés d’une préoccupation légitime suscitée par la destruction de l’environnement, mais souvent sans conclure que celle-ci est liée au système de production capitaliste. En raison de l’offensive idéologique néo-libérale des années 1990, les critiques du système ont quasiment disparu dans les partis verts. Il en a découlé une batterie de mesures insuffisantes pour s’attaquer réellement au problème du climat et qui, de plus, touchait principalement les travailleurs ordinaires. Toutes sortes d’écotaxes ne concernaient pas les grandes entreprises et leurs riches actionnaires qui constituent le 1% le plus riche du monde, mais bien les travailleurs et la population ordinaire.

    L’étude d’Oxfam confirme que le climat est un enjeu social. Le capitalisme conduit à des inégalités croissantes, également en termes de climat. Ce système est incapable de faire face au changement climatique. Même un changement drastique du comportement de consommation individuel – comme lors de la pandémie de Covid-19 – ne suffira pas pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 degré. Sans la lutte contre le système de production lui-même, c’est-à-dire le capitalisme, il n’y aura pas de réponse au changement climatique et il ne sera même pas possible d’atténuer les effets des changements déjà à l’oeuvre.

    Les récents mouvements de protestation soulèvent de plus en plus souvent le problème du système. Lors des manifestations sur le climat, on pouvait lire sur les pancartes “Changer le système, pas le climat”. Dans les mobilisation Black Lives Matter, on a pu lire “C’est tout le système qui est coupable”. Cela représente un pas en avant très important.

    En tant que socialistes anticapitalistes, nous allons un peu plus loin : nous rejetons le système actuel et nous nous organisons pour le renverser car il ne disparaîtra pas de lui-même (les super-riches ne l’accepteront pas). En outre, nous défendons une alternative socialiste : une société où les besoins et les revendications de la majorité de la population seront centraux et où l’économie sera organisée sur la base d’une planification démocratique. Rejoignez-nous !

  • Le marxisme et l’environnement

    Le marxisme est souvent accusé à tort de tenir l’environnement pour acquis — dans la poursuite de la croissance économique requise afin de soulager la pauvreté et le besoin. Pourtant, rien ne pourrait être plus loin de la vérité. S’inspirant des travaux de Marx et de Engels, ainsi que des expériences vécues lors des premières années de la Révolution russe, Per-Åke Westterlund (Membre de la section du CIO en Suède) remet les pendules à l’heure.

    Il y a deux accusations communes portées contre le marxisme au sujet de l’environnement, de la part de la droite et de certains militant·e·s écologistes, ainsi que d’une partie de la gauche. La première est que Karl Marx avait une vision trop positive de l’industrialisation et voyait la nature comme une source infinie à exploiter. La seconde est que le marxisme (URSS) porte la responsabilité pour quelques-unes des pires catastrophes écologiques de l’histoire.

    Contrairement à ces prétentions, la conscience et l’esprit de lutte pour l’environnement ne sont pas nouveaux pour les marxistes. En fait, Marx était un pionnier dans l’analyse et la critique des effets destructeurs de l’industrialisation capitaliste envers la nature ainsi que la société. Autant Marx que Friedrich Engels, auteurs du Manifeste communiste en 1848, ont étudié et suivi de près la science dans tous ses domaines.

    La production industrielle capitaliste, ainsi que la classe ouvrière (le prolétariat) et son travail, venaient de faire leur apparition dans les décennies précédentes, mais ont été comprises immédiatement par Marx en tant qu’éléments clés du développement de la société. Souligner le rôle central de la classe ouvrière ne voulait pas dire ignorer l’environnement et la nature.

    Curieusement, Marx voyait le travail comme étant «?un processus dans lequel l’homme et la nature participent tous les deux?». Ceci est souligné dans la Critique du programme de Gotha — le programme adopté par le congrès fondateur du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) en 1875. Marx conteste l’affirmation inscrite au programme, soit que « ?le travail est la source de toute richesse et de toute culture ». « Le travail n’est pas la source de toute richesse », écrivit Marx. « La nature est autant la source de valeurs d’usage (et c’est sûrement en cela que la richesse matérielle consiste !) que le travail, qui est lui-même la manifestation d’une force de la nature, la force de travail humaine ». L’idée erronée selon laquelle le travail serait la seule source de la richesse provenait de Ferdinand Lassalle, et non de Marx.

    Marx s’inquiétait des effets de la perturbation dans la relation entre l’humanité et la nature. Pour cette raison, il voyait l’aliénation des travailleurs et travailleuses dans la production capitaliste comme faisant partie du même processus que l’aliénation humaine de la nature. À son époque, ceci était particulièrement évident dans l’industrialisation de l’agriculture.

    La classe ouvrière était et continue d’être à la pointe des effets du capitalisme sur l’environnement. Par exemple, les compagnies énergétiques – pétrole, charbon, énergie nucléaire – posent une menace directe envers les travailleurs et travailleuses dans ces industries, ainsi qu’envers les populations et l’environnement naturel dans des régions ou des pays entiers. Les travailleurs et travailleuses dans ces industries sont souvent les plus conscient·e·s de ces dangers. La lutte pour améliorer l’environnement de travail représente une partie importante de la lutte environnementale.

    De plus, la philosophie marxiste (le matérialisme dialectique) offre les moyens d’analyser et d’expliquer la crise climatique d’aujourd’hui. Marx et Engels, au milieu du 19e siècle, ont démontré en quoi la société et la nature se développent via l’accumulation de contradictions menant à une rupture qualitative. Aujourd’hui, la recherche sur le climat fait l’écho de cette méthode en nous avertissant des points de basculement, ces moments où l’environnement passe irréversiblement d’une phase à une autre.

    Parmi ceux et celles qui blâment Marx d’avoir négligé l’environnement, plusieurs n’ont pas étudié ses œuvres, mais plutôt celles de ses prétendu.e.s « disciples » sociaux-démocrates ou staliniens. Les sociétés qu’ils et qu’elles ont construites, en les qualifiant de socialistes, contredisaient complètement Marx en ce qui concernait la démocratie ouvrière, le rôle de l’État, ainsi que le traitement de l’environnement. Par contraste, Marx avait prédit que la « science naturelle… deviendrait la base des sciences humaines, car il s’agit déjà de la base de la vie humaine » (Manuscrits de 1844).

    Marx sur la nature

    Afin de comprendre le marxisme et l’environnement, il faut d’abord comprendre la méthode : Marx considérait toujours le monde et son histoire, dans leur totalité, comme points de départ de son analyse et de son programme. Le fait que Marx voyait le capitalisme comme un système historiquement progressiste a souvent été mal compris et dénaturé. Par exemple, Michael Löwy, du Secrétariat unifié de la Quatrième Internationale, a écrit que Marx avait « une attitude plutôt non critique envers la civilisation industrielle, particulièrement sa relation destructrice avec la nature ». Löwy réclamait également que « Marx ne possède pas une perspective écologique intégrée » (For a Critical Marxism, Against the Current, novembre et décembre 1997).

    Tout d’abord, si le capitalisme avait un côté progressiste, selon Marx, c’était en comparaison au féodalisme, c’est-à-dire qu’il n’était que temporairement progressiste. La réalisation principale du capitalisme était la création de la première société qui jetait les bases non seulement de son propre anéantissement, mais également de celui de toute société de classe. La prise de pouvoir par la classe ouvrière, supportée par les paysan·ne·s pauvres, amènerait le règne de la majorité et le début d’une évolution vers une société complètement différente. Déjà, dans la Commune de Paris en 1871, où les ouvriers et ouvrières ont pris le pouvoir pendant deux mois, la perspective de Marx fut démontrée.

    Comprendre le rôle du capitalisme ne correspond pas à une défense de ce système. Marx, avant et plus que n’importe qui, voyait dans le capitalisme un système de production de profits grâce au surtravail. La science et les forces naturelles sont adaptées et exploitées à cette fin. La santé des ouvriers et ouvrières est ignorée, tout comme les effets sur la nature. Marx a vu juste et dénonçait les mesures prises afin de d’adapter la nature au capitalisme. Certain.e.s critiques disent que Marx envisageait la nature comme une chose gratuite et illimitée. Mais le point qu’il avançait était que la nature n’avait aucune valeur dans un régime capitaliste. Sa propre conclusion était que la nature non exploitée avait sa propre valeur d’usage, par exemple l’air, la forêt, les poissons.

    Marx étudia le matérialisme non-mécaniste d’Épicure (341-270 av. J.-C.) et la dialectique de GWF Hegel (1770-1831) et développa sa philosophie, le matérialisme dialectique. Ce fut une vision géniale du monde, parfaitement adaptée à son temps. L’événement majeur de l’époque, la Révolution française, était le résultat de la base matérielle – l’économie capitaliste et le dépassement du féodalisme par la société – accompagnée de l’action consciente des masses révolutionnaires.

    Les idées de Marx étaient les plus développées parmi toutes les philosophies faisant rupture avec l’antécédent religieux. Au lieu d’une Terre immuable et au centre de tout, avec l’humanité au centre de la Terre, le marxisme pose un monde mortel et en transformation perpétuelle, en ligne avec le matérialisme classique. La vie serait un produit de la Terre (la nature) et non d’un dieu. L’humanité serait intégrée à la nature, et non en opposition avec elle. De la même manière, Marx se garda de séparer l’histoire dite naturelle et celle dite sociale, les voyant comme deux parties d’un même ensemble. Les lois de la dialectique s’appliqueraient dans la nature comme dans la société, et leurs développements seraient interreliés, l’un affectant l’autre. Marx employa le terme « métabolisme » : une chaîne de processus liés en un corps.

    Marx démontra que l’écart grandissant entre la cité et la région représentait une violation de ce métabolisme, résumé par le terme « rupture du métabolisme » (metabolic rift) de John Bellamy Foster, auteur du livre Marx’s Ecology. Dans le troisième volume du Capital, publié en 1894 après la mort de Marx (1883), l’auteur décrit le capitalisme comme une rupture avec les lois naturelles de la vie : « D’un autre côté, la grande propriété foncière fait décroître la population rurale de façon constante, et la met en opposition avec une population industrielle en croissance constante et concentrée dans les grandes villes. Elle crée ainsi les conditions qui causent une rupture irréparable dans la cohérence des échanges sociaux prescrite par les lois naturelles de la vie ».

    À partir d’une discussion à propos de la dégradation à long terme du sol, suite à l’utilisation d’engrais chimiques dans l’agriculture, Marx écrit que « tout le progrès dans l’agriculture capitaliste est un progrès dans l’art, non seulement de l’exploitation de l’ouvrier, mais aussi de l’exploitation du sol ; tout progrès dans l’amélioration de la fertilité du sol pour un temps donné est une progression vers la ruine des sources durables de cette fertilité ».

    Il expliqua : « La production capitaliste, en concentrant la population dans de grands centres… perturbe la circulation de la matière entre l’Homme et le sol, c’est-à-dire qu’elle empêche le retour au sol de ses éléments consommés par l’Homme dans la forme de nourriture et de vêtements ; elle entre ainsi en violation des conditions nécessaires à la fertilité durable du sol ». Mais encore : « La production capitaliste, ainsi, développe la technologie, et la combinaison de plusieurs processus dans un tout social, et ce en sapant les sources originales de la richesse – le sol et le travailleur ». (Capital, Volume I, 1867) Faisant une prédiction à long terme, Marx signala que la modernisation constante du capitalisme accélérerait ce « processus de destruction ».

    Engels résuma ce besoin d’apprendre de la nature et notre dépendance par rapport à elle ainsi : « à chaque nouvelle étape nous sommes rappelés que nous ne sommes en aucun cas maîtres de la nature tel un conquérant d’un peuple étranger, telle une personne à l’écart de la nature – mais que nous appartenons, notre chair, notre sang et notre cerveau, à la nature, que nous existons en elle, et que toute notre maîtrise d’elle consiste en notre avantage vis-à-vis des autres créatures d’être en mesure d’apprendre ses lois et de les appliquer correctement ». (Le Rôle du travail dans la transformation du singe en Homme, 1876)

    Marx sur le socialisme

    Marx est également critiqué par certains pour ne pas avoir donné un plan plus précis d’une future société socialiste. Ces critiques croient que, chez Marx, la production et le traitement de l’environnement seraient essentiellement identiques à ce qui existait sous le capitalisme. C’est vrai que Marx et Engels se différenciaient des socialistes utopistes qui dessinaient des plans détaillés de la société idéale. Cependant, cela ne signifie aucunement que leurs œuvres soient dépourvues de descriptions de la différence entre le capitalisme et le socialisme.

    Marx et Engels ont pris note du coût immense de la production capitaliste, coût assumé par les travailleurs , les travailleuses, les paysan·ne·s, la nature et la société. Ils ont milité pour un changement complet de la production, le remplaçant par ce que Marx appelait la production coopérative. L’anarchie du système capitaliste serait remplacée par un contrôle social et une possession des moyens de production et de distribution. Le tout serait organisé dans un plan social.

    Que dire des prédictions de Marx selon lesquelles le socialisme représenterait une société avec une production améliorée et une abondance de ressources ? Cela impliquerait-il davantage de catastrophes environnementales ? Premièrement, à l’époque de Marx, tout comme aujourd’hui, il y a un besoin urgent d’offrir une vie décente à tous. Ceci sera le résultat d’une production améliorée de la nourriture, de l’accès au logement, aux soins de santé et à l’éducation, et d’une meilleure diffusion de la technique moderne. Dans les années 1800, la production de telles nécessités aurait été rendue possible aux dépens de la production d’armes, de produits de luxe, etc. Aujourd’hui, c’est d’autant plus le cas avec la quantité énorme de ressources dilapidées par les dépenses militaires et la consommation luxueuse du 1%.

    Dans sa Critique du programme de Gotha, et dans le Capital, Marx discuta du besoin d’équilibrer les ressources entre la consommation individuelle et l’augmentation nécessaire de la consommation sociale, tout en épargnant des ressources à des fins d’investissement et pour constituer une réserve sociale. Ceci inclut également un équilibre entre le temps de travail, qui serait vraisemblablement moindre, et le temps libre. Dans une telle société, tout le monde travaillerait, tout le monde pourrait développer ses propres compétences et son éducation, et tout le monde aurait la possibilité de participer à l’administration de la société.

    Une société socialiste briserait l’aliénation et permettrait à tous et à toutes un développement libéré des contraintes du salariat et du capital. Cela impliquerait également « l’unité complète entre l’Homme et la nature – la véritable résurrection de la nature – le naturalisme cohérent de l’Homme et le naturalisme cohérent de la nature » (Manuscrits de 1844). Une révolution socialiste libérerait non seulement les travailleurs, les travailleuses et l’humanité, mais également la nature. Avec la possession socialisée de la terre, la nature ne serait plus un simple produit d’où l’on retirerait des profits.

    Au sein du programme proposé dans le Manifeste communiste, quelques-unes des mesures clés sont tout aussi importantes aujourd’hui au sujet de l’environnement. La mesure no. 1 stipule : « Expropriation de la propriété foncière et affectation de la rente foncière aux dépenses de I’État ». Ceci s’applique à la contestation de l’exploitation minière dangereuse, des champs de pétrole et de la fracturation hydraulique, par exemple. La seconde partie de cette mesure indique que les revenus issus de la terre alimenteraient le secteur public. La mesure no. 6 traite du transport : « Centralisation entre les mains de l’État de tous les moyens de transport ».

    La mesure no. 7 a également de fortes implications pour l’environnement : « Multiplication des usines nationales et des instruments de production ; défrichement et amélioration des terres selon un plan collectif ». Le programme commun serait basé sur la propriété commune au lieu de l’exploitation privée, afin de prendre soin et d’améliorer la terre. En résumé : le changement de direction de la société, incluant son traitement de la nature, serait une question de propriété, de pouvoir et de contrôle.

    Les bolcheviques et l’environnement

    La classe ouvrière russe et les nations opprimées par le tsar ont pris le pouvoir au mois d’octobre 1917. Contrairement aux propos calomnieux contemporains adressés contre le gouvernement bolchevique, celui-ci révolutionna la politique dans tous les domaines de la société. Il s’agit du premier pays à avoir banni le racisme et l’antisémitisme, et à avoir légalisé le droit à l’avortement et au divorce, ainsi que l’homosexualité. D’une façon semblable, les bolcheviques sous Lénine et Léon Trotski ont été des pionniers en matière de politiques environnementales radicales.

    Avant la révolution, la Russie était, dans ce domaine comme dans plusieurs autres, un pays économiquement arriéré. « Les scientifiques de la dynastie Romanov ont été incapables de convaincre les représentants du gouvernement, les gens d’affaires et même leurs propres collègues d’adopter des techniques modernes de gestion scientifique afin de protéger les ressources et de garantir leur disponibilité pour les générations présentes et futures (préservation)… la plupart des projets ont dû attendre la Révolution russe, car le gouvernement du tsar les considérait trop coûteux et croyait possiblement qu’ils étaient inutiles ». (An Environmental History of Russia, Cambridge University Press, 2013)

    Sous la direction des bolcheviques, la classe ouvrière prit le pouvoir dans un pays dévasté par la Première Guerre mondiale, pour ensuite se retrouver face aux agressions militaires des armées envahissantes et des anciens généraux tsaristes. Malgré tout, le gouvernement soviétique agit immédiatement sur les questions environnementales. Deux jours après la prise de pouvoir, le décret « Sur la terre » nationalisa toutes les forêts, les minéraux et l’eau. Une demi-année plus tard, en mai 1918, un autre décret, « Sur les forêts », établit le contrôle centralisé du reboisement et de la protection forestière. Les forêts furent divisées en deux catégories, l’une d’entre elles étant à l’abri de l’exploitation. Ceci fut un sujet important étant donné que plusieurs forêts avaient été coupées à blanc sous le règne tsariste. D’une façon semblable, la chasse fut réglementée et permise seulement durant certaines saisons. « Étonnamment, la Révolution russe permit l’établissement de recherches portant sur l’océanographie et la pêche continentale. » (An Environmental History) Ces décisions furent prises dans une période de turbulences extrêmes. « Au cours de la tourmente de la guerre civile et du communisme de guerre, le gouvernement bolchevique arriva à soutenir les scientifiques, incluant certains œuvrant sur des sujets de préoccupation environnementale. Et les scientifiques, avec ce soutien, ont répandu leurs activités environnementales ». En 1920, Lénine était impliqué dans l’établissement de la première réserve naturelle dans le monde qui était financé par un État et destinée exclusivement à la recherche scientifique, la Il’menskii. En 1924, il existait quatre réserves de ce genre (zapovedniks). Plusieurs nouvelles institutions de recherche furent établies, les scientifiques russes étaient perçu·e·s comme des écologistes de première ligne, et des cours d’écologie furent donnés à l’Université de Moscou. Le scientifique Vladimir Vernadsky devint une célébrité mondiale pour son concept de la « noosphère » : « un nouvel état de la biosphère dans lequel les humains jouent un rôle actif dans le changement qui est basé sur la reconnaissance de l’interconnexion des hommes et des femmes avec la nature » (An Environmental History).

    La révolution provoqua une explosion d’organisations environnementales, un développement qui a été encouragé et adopté par les bolcheviques. Le TsBK (Bureau central pour l’Étude des Traditions Locales) avait 70 000 membres provenant de 2 270 branches. Tout aussi importante était la VOOP (Société panrusse pour la conservation de la nature). Les activistes et scientifiques produisirent des revues comme « Problèmes de l’Écologie et de la Biocénologie ». Ils tinrent également des réunions et organisèrent des groupes pour des études locales afin de stimuler l’intérêt pour la science dans les régions. Certains bolcheviques de premier plan, parmi lesquels figurait Nadezhda Krupskaya, discutèrent de comment améliorer l’environnement dans les cités et les villes, menant à un modèle de cité verte comprenant davantage de parcs et de zones vertes.

    Cependant, ces idées révolutionnaires prirent fin de façon abrupte. La contre-révolution sociale et politique vécue sous le stalinisme comportait également une contre-révolution environnementale. « Après la Révolution russe, la science écologique naissante se développa rapidement au cours des bouleversements sociaux et l’expérimentation politique des années 1920. Des représentant·e·s du gouvernement, scientifiques et ingénieur·e·s établirent un ambitieux programme d’électrification nationale… ?» Mais par la suite, lorsque Staline prit le pouvoir, sa recherche pour les supposés « démolisseurs » « inclut quelques-un·e·s des biologistes, spécialistes de la forêt et de la pêche, agronomes et écologistes les plus important·e·s » (An Environmental History).

    Stalinisme versus nature

    Quelques-unes des pires catastrophes environnementales ont eu lieu sous le régime stalinien : la destruction de la Mer d’Aral entre le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, l’accident nucléaire de Tchernobyl en Ukraine, et l’anéantissement de plusieurs villes par la pollution. Comment était-ce possible, et y avait-il un lien avec les bolcheviques et le socialisme ?

    En réalité,le régime de Staline est responsable du meurtre et de la destruction du parti bolchevique qui avait mené la révolution en 1917. Ceci fut possible dans un contexte de révolutions échouées dans tous les autres pays et de la situation actuelle de la Russie : économie et culture d’autant plus arriérées par la destruction de la Première Guerre mondiale et de la guerre civile.

    Lorsque le régime de Staline se retrouva bien établi, il n’avait aucune idéologie autre que celle de la conservation du pouvoir. Afin d’arriver à ce but, Staline fut contraint de retenir un accomplissement fondamental de la révolution, l’économie nationalisée, assise sur laquelle toute la bureaucratie stalinienne reposait. Or, elle n’était ni socialiste ni communiste. Staline fit un virage de 180 degrés sur le sujet de l’environnement, comme dans plusieurs autres secteurs. Son régime utilisa la force afin de collectiviser l’agriculture, abolit la protection des zapovedniks et réinitialisa les coupes à blanc.

    Les méthodes staliniennes employées contre l’opposition furent brutales : « Des arrestations, des interrogations et de la torture afin d’extorquer de faux aveux et de faux témoignages ont accompagné les accusations d’espionnage, de subversion et de diffamation de l’Union soviétique parmi ceux, incluant les scientifiques, qui semblaient s’opposer aux programmes staliniens ». VOOP et TsBK furent purgés jusqu’à leur disparition. La dictature « a rendu les activités indépendantes et raisonnables à peu près impossibles » (An Environmental History).

    Toute organisation indépendante de travailleurs, de travailleuses et d’activistes furent bannies, ce qui ouvrit la voie à la destruction de l’environnement. De nombreuses lois et règlements, formellement impeccables, ne furent jamais totalement implantées. Le gaspillage et la mauvaise gestion prirent le dessus. La science perdit sa nécessaire liberté d’expression. Trotski avait déjà constaté, dans les années 1930, que l’économie planifiée avait besoin de la démocratie ouvrière tout comme le corps a besoin d’oxygène, sans quoi elle tomberait dans la dégénérescence et la mort. L’opposition à Staline de Trotski, ainsi que son plaidoyer pour une nouvelle révolution contre le régime, fut la manifestation des idées marxistes contre le stalinisme, incluant celles sur l’environnement.

    Le régime de Staline déploya de massifs camps de travaux forcés, incluant de nombreux prisonniers et prisonnières politiques, afin de stimuler une rapide expansion de l’industrialisation. Le camp Vorkuta, où l’on avait emprisonné plusieurs trotskistes, fut fondé en 1932 dans le but d’établir des mines de charbon au nord du cercle arctique. Des millions de prisonniers et prisonnières, sous la surveillance attentive de la police secrète (NKVD), furent exploité·e·s en tant qu’esclaves dans la construction et dans l’extraction minière et forestière. La majorité des immenses projets sous le stalinisme provinrent de la direction centralisée, sans considération pour les différentes circonstances géographiques.

    Après la Deuxième Guerre mondiale, au lieu de pallier à l’énorme dévastation, voire la famine de la Russie, l’orgueil de Staline l’amena à lancer un grandiose « Plan pour la Transformation de la Nature ». Ceci inclut le détournement de rivières et la réorganisation des forêts en zones industrielles. L’idéologue derrière ce plan, Trofim Lysenko, était un charlatan prétendant avoir inventé des techniques de plantation qui, en fait, causèrent la destruction de nombreuses forêts. Sous le stalinisme et le Lyssenkisme, la nature n’avait aucune valeur en soi.

    Le stalinisme en tant que système persista après la mort de Staline en 1953. Quelques années plus tard, l’accident nucléaire de Kyshtym, dans l’Oural, fut gardé secret par le régime de Nikita Khrouchtchev. Aucune force ne pouvait contester la pollution, les grands projets et l’interdiction de tout activisme environnemental.

    Ceci étant dit, les critiques capitalistes du stalinisme – qui amalgament stalinisme et socialisme afin de décrédibiliser ce dernier – ont très peu de raisons de se féliciter. « De plusieurs manières, les démocraties occidentales ont emprunté les mêmes trajets de développement dangereux et l’utilisation éhontée des ressources naturelles, d’écosystèmes ruinés, et de lois et règlements adoptés tardivement afin de régler et de limiter les dégâts présents et futurs… Dans les années 1990, plusieurs observateurs soutenaient que le démantèlement de l’économie centralement planifiée libérerait automatiquement le développement environnemental… La réalité a prouvé être dramatiquement différente. De nouvelles menaces à la durabilité sont apparues, incluant la vente de feu des ressources, la restructuration de l’économie qui réduisit dramatiquement les ressources consacrées à la protection environnementale, et la décision du président Poutine de dissoudre l’Agence de Protection Environnementale de la Fédération russe en 2000 » (An Environmental History).

    Le marxisme aujourd’hui

    Aujourd’hui, le climat et l’environnement attirent un nombre grandissant d’activistes. Partout dans le monde, il existe de nombreuses luttes contre les grandes entreprises pétrolières, la fracturation hydraulique, les déchets industriels, les nouveaux projets spéculatifs de transport et d’exploitation minière, etc., et à cela se rajoute la lutte contre les promesses vides des politicien·ne·s Les marxistes font partie de ces luttes : des manifestations contre le pétrolier Shell à Seattle jusqu’à la lutte qui stoppa le projet East West Link à Melbourne, en Australie, aux mouvements locaux massifs contre les mines d’or en Grèce et contre la fracturation hydraulique en Irlande.

    L’anticapitalisme prend de l’ampleur parmi les activistes climatiques. Dans le livre de Naomi Klein, « This Changes Everything » – qui, et ce n’est pas par accident, porte comme sous-titre « Capitalism Versus the Climate » – l’auteure rapporte comment les activistes de droite de type Tea Party soutiennent que le changement climatique est une fiction « communiste » créée dans le but d’implanter l’économie planifiée. Cette manière de voir les choses démontre en quoi ils comprennent que le capitalisme est incapable de régler une crise aussi énorme. Le système, dans les mots de Klein, est en guerre contre toute forme de vie sur la planète, incluant la vie humaine.

    Bien sûr, le monde a changé depuis l’époque de Marx et Engels. Marx aurait sans doute suivi de près tous les rapports émis par les scientifiques de l’environnement et du changement climatique. L’inadéquation entre les fonctions interdépendantes de la planète s’est gravement empirée, et l’avilissement s’accélère. Les marxistes sont les mieux placés pour offrir une solution porteuse d’avenir dès aujourd’hui. L’amplification des crises sociales et environnementales est causée par le même système, le capitalisme, et les luttes contre lui sont interreliées.

    Les compagnies pétrolières et leurs alliés n’abandonneront jamais de façon volontaire. La seule force en mesure de résoudre la crise environnementale est la force collective la plus puissante, celle de la classe ouvrière en alliance avec les nombreux militant·e·s de l’environnement, notamment les peuples autochtones, les paysans les plus pauvres et la population rurale. Les crises et les luttes s’accumulent en voie d’une révolution sociale: l’abolition du capitalisme.

    Le climat et la crise environnementale se sont développés au point de souligner l’urgente nécessité d’agir. La seule réelle alternative est une planification démocratique et durable des ressources sur une base globale. Une telle société socialiste démocratique améliorera la qualité de vie d’une vaste majorité des gens, tout en posant la nature et l’humanité comme un seul corps interchangeable.

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