Category: Politique belge

  • [Entretien] Limitation dans le temps des allocations de chômage: c’est au système économique qu’il faut s’en prendre, pas à ses victimes

    Dans le catalogue des horreurs que préparent De Wever, Bouchez et tous les partis de l’Arizona figure en bonne place la limitation dans le temps des allocations de chômage, un véritable “trophée de chasse” pour la droite. Nous en avons discuté avec Cédric Leterme, du GRESEA.

    Propos recueillis par Nicolas Croes

    Merci, Cédric, de nous accorder cet entretien. L’an dernier, tu avais écrit une carte blanche intitulée Limitation des allocations de chômage : où sont les profiteurs ? Tu y développais d’une part l’inefficacité des mesures de répression des chômeurs pour lutter contre le chômage et d’autre part qu’attaquer les chômeurs permet de faire diversion (et division) quant aux vrais profiteurs.

    Vooruit s’était pour la première fois déclaré en faveur de cette mesure, une nouveauté qui ne vient pas de nulle part : elle est dans la filiation du plan d’activation des chômeurs instauré en 2004 sous l’action du ministre Frank Vandenbroucke, très proche de l’actuel président du parti Conner Rousseau. Les Engagés ont également rejoint la cohorte à ce moment-là. Cette nouvelle configuration rendait très probable que ça arrive sur table après les élections.

    Par ailleurs, c’était clairement une manœuvre de diversion. Quand on parle de ça, on ne parle pas de ce qui est plus massif. C’est systématique depuis des décennies : pour ne pas parler de l’évasion fiscale, pour ne pas parler de l’inflation, pour ne pas parler de profits, on va parler chômeur et chômage de longue durée. C’est d’autant plus outrancier que la précédente attaque, en 2012, a limité dans le temps les allocations d’insertion et a rendu extraordinairement dégressives les autres allocations, puisque deux des trois planchers sont en dessous du seuil de pauvreté au-delà de la période maximum. C’est impossible de vivre correctement.

    Deux études ont fait le bilan des mesures de 2012, sans parvenir à de grandes surprises. On savait déjà qu’on ne crée pas d’emploi en punissant les chômeurs. Les chiffres montrent que la dégressivité et la limitation dans le temps des allocations d’insertion n’ont servi à rien. Ça n’a pas suscité de retour à l’emploi des personnes concernées, au contraire, ça a fait exploser la précarité et ça a accru la charge sur les CPAS. Mais parmi les personnes exclues du chômage, il n’y en a que la moitié qui arrivent ensuite au CPAS. Que deviennent les autres ? Alors, la droite parle de la toxicomanie, de la mendicité… Tout ça, ça a une source. À un moment donné, quand on coupe tout et que les gens passent même au travers du dernier filet de sécurité, ces personnes se retrouvent forcément quelque part. Il y a la solidarité intrafamiliale, les gens retournent chez eux, mais d’autres ont recourt au trafic. On perd la trace de ces personnes-là. Donc, même d’un point de vue de contrôle social, cette mesure est complètement absurde. La sécurité sociale, c’est aussi une manière de garder du lien.

    Les économies espérées sont ridicules. Ici, dans la note de De Wever, on espère économiser 1,8 milliard avec la limitation à 2 ans des allocations, en sachant que sur ce 1,8 milliard, il y a un milliard qui va être reporté sur les CPAS, dont 800 millions sur les communes. En gros, on vise à économiser 800 millions, des cacahouètes, en enfonçant des dizaines de milliers de personnes encore plus dans la misère et en aggravant les inégalités sociales et territoriales.

    Le gouvernement De Croo (avec participation du PS et d’ECOLO) a fixé cet objectif d’un taux d’emploi de 80 % en 2030, objectif repris aujourd’hui par les partis qui négocient la coalition Arizona. D’où vient ce chiffre ?

    De nulle part, ça n’a aucun sens. 80%, ça fait joli. Plus que 78% ou 82%. C’est tout. Dans ce taux d’emploi,  on compte le nombre de personnes qui ont eu un “travail rémunéré”  durant la semaine précédant l’enquête, y compris à temps partiel, en intérim, peu importe. Et peu importe aussi si ces emplois sont utiles ou nuisibles à la collectivité. On rapporte ensuite ce nombre à la « population en âge de travailler », en considérant que toutes les personnes entre 20 et 64 ans devraient logiquement avoir un emploi. Mais on a aujourd’hui un taux de chômage historiquement faible et, sur toute la population en âge de travailler, il y a plein de gens qui ont de bonnes raisons de ne pas être présents sur le marché du travail. Ces personnes sont malades, s’occupent de leur famille, se forment, etc. Beaucoup “travaillent”  donc, mais pas au sens du taux d’emploi.

    Par ailleurs, quand on rapporte notre taux d’emploi au nombre d’équivalents temps plein, on dresse une réalité différente. On nous parle d’un taux d’emploi magnifique en Hollande, qui frôle les 80%. Mais avec combien d’intérimaires et de contrats précaires ? Si la base du calcul repose sur les équivalents temps plein, la différence est marginale. De toute façon, ce n’est pas en punissant 100.000 chômeurs qu’on va atteindre ces 80% : il faudrait recaser 8 à 900.000 personnes absentes aujourd’hui du marché du travail pour des raisons diverses, en sachant qu’il y a 180.000 postes disponibles à l’heure actuelle.

    L’enjeu se situe donc ailleurs. Ce n’est pas innocent non plus qu’on en parle maintenant alors que la situation économique est morose et que les licenciements se succèdent.

    Oui, il faut s’attendre à ce que le taux de chômage explose et que les drames sociaux s’accumulent. Et on va de nouveau mettre la faute sur les premières victimes. Où faudrait-il recaser ces gens ? On ne nous chiffre jamais les emplois en pénurie. Oui, il y a des secteurs où il y a des tensions de recrutement. Pourquoi ? Notamment parce que les conditions de travail sont dégueulasses.

    Par contre, on ne parle pas de mesures beaucoup plus bénéfiques pour le taux d’emploi – à supposer que cet indicateur soit pertinent, ce qui est déjà discutable – comme la réduction collective du temps de travail. C’est une mesure qui a une efficacité prouvée bien plus élevée que de punir les gens.

    C’est très juste, et ça s’impose aussi face à la charge de travail. Dans tous les secteurs, les gens craquent. Ce type de revendication est au cœur de la bataille idéologique à mener contre la droite.

    Que le MR parvienne à se positionner comme parti du travail, c’est quand même incroyable. Leur première mesure au gouvernement wallon, c’est de supprimer les droits de succession. Ils parlent du mérite individuel et ils s’empressent de favoriser l’héritage et les nantis. Ils favorisent les actionnaires, qui sont quand même les premiers à ne pas travailler. C’est fabuleux.

    Ce monde-là ne parle que du travail dans une perspective marchande et capitaliste. Il faut un emploi, c’est-à-dire un travail qui paye, une façon d’avoir de l’argent, indépendamment des enjeux sociaux, indépendamment de la sécurité sociale, indépendamment du sens du travail et indépendamment de son utilité sociale. Et il faut surtout éviter que l’État ou les syndicats aillent à l’encontre de ce fonctionnement marchand du travail.

    Mais la gauche ne parle plus du travail, ou alors en parle selon les termes de la droite. C’est dramatique. J’ai lu une interview dans l’Echo de quelqu’un du PTB, on a absolument voulu lui faire dire qu’on a besoin des multinationales pour travailler, ce à quoi il a répondu oui, oui, effectivement, mais après il faut qu’elles payent leurs justes impôts. C’est un abandon complet d’accepter le “besoin”  de multinationales pour nous dire ce qu’on doit produire et comment le faire pour ensuite qu’elles en récupèrent un maximum en nous laissant éventuellement quelques miettes. Une fois que tu as accepté ça, le champ discursif idéologique est assez réduit. On a pourtant derrière nous une séquence historique, avec le covid et les inondations, qui aurait dû inviter à une remise en cause de notre fonctionnement, ne fut-ce que d’un point de vue écologique, pour réfléchir à une production mise au service de la collectivité et pas de quelques actionnaires. Mais les discours un peu radicaux étaient rares. Au contraire, c’est le MR qui a fini par imposer le nucléaire.

    Le renoncement à gauche en termes de réflexion un peu radicale sur l’économie est terrible. On a encore vu cela avec Audi, où le désert était complet en termes de solution et de perspective de lutte. On a quand même une histoire d’occupations d’entreprises en Belgique, qui remonte un peu, mais qui est réelle. On a aussi l’exemple de l’occupation et de la reconversion sous contrôle ouvrier de GKN en Italie et ça, c’est aujourd’hui. Et à aucun moment ça ne sort. Le PTB parle d’un moratoire sur les usines automobiles, on cherche des repreneurs, mais qui est-ce que ça fait rêver ça ? Qui y croit ?

    Il y a un fatalisme, une résignation. Il y a eu le résultat des urnes, c’est vrai. Mais on ne doit pas surinterpréter ça. Le discours de droite populiste est d’autant plus fort qu’il y a ce renoncement à gauche. Peu avant les élections, il y avait encore des sondages sur la popularité d’un impôt sur la fortune, tout ça n’a pas disparu. Les gens se rendent bien compte de la concentration obscène de richesses. Mais sans perspective stratégique collective, ça parait tellement énorme qu’on ne sait pas trop bien sur quoi agir. Tout parait inatteignable : nationalisation, socialisation… On n’arrive déjà pas à limiter la casse, alors pourquoi penser à aller plus loin ? Et donc, le truc concret sur lequel on pense avoir une prise, c’est le voisin qu’on soupçonne d’avoir 100 euros de plus.

    Pourtant, assumer la rupture, c’est exactement ce qu’il faut faire. L’échec vient souvent du manque d’audace. On doit avoir un projet qui parle à l’imagination, qui suscite de l’espoir, qui ne se contente pas de limiter la casse.

    Nous sommes au 80e anniversaire du Pacte social dont la Sécurité sociale est un pilier. On ne va pas manquer de commémorations insipides, autour de l’idée que tout le monde était d’accord. C’est faux, il y avait un rapport de force. Tout l’enjeu aujourd’hui est de ne pas défendre cette réalisation comme si c’était le maximum à obtenir. Il faut l’élargir, la prolonger, aller au-delà et dépasser la question de purs transferts financiers pour inclure la socialisation de la production et la sécurité d’existence des gens, avec le logement, l’alimentation, etc. Les patrons disent qu’ils ne sont pas contents avec cette sécurité sociale là, et bien nous aussi, on doit pouvoir dire haut et fort que c’est insuffisant et qu’on va se battre pour le faire valoir.

  • Le MR à droite toute, et ça continue !

    Depuis l’arrivée de Georges-Louis Bouchez à la présidence du MR, la ligne du parti n’a fait que s’infléchir du côté conservateur de la force. Adieu Reynders et Michel et leurs sourires de technocrates, bonjour langage simple et arguments douteux. Court retour sur la descente conservatrice d’un des descendants du plus vieux parti de Belgique. Charles Rogier en sueur !

    Par Verba (Liège)

    Un “outsider” au pouvoir depuis 20 ans

    Rappelons un fait pourtant simple, mais qui semble avoir été effacé par les outrages discursifs de Georges-Louis Bouchez (que nous appellerons ensuite Gloub par souci d’économie de signes) : le MR a été aux manettes depuis 20 ans au fédéral et faisait partie des derniers gouvernements wallons et de Fédération Wallonie-Bruxelles, aux côtés du PS.

    Pourtant, toute la campagne a été axée autour de “l’opposition” du MR à la politique du PS, auquel il a lui-même participé. Ce tour de passe-passe a été rendu possible par la particip-opposition de Gloub aux différents gouvernements : le parti participe effectivement aux différents gouvernements, mais son président n’a fait qu’attaquer ses partenaires et monter en épingle tous les prétextes pour saboter les différentes actions desdits gouvernements. La manœuvre a été empruntée à Elio Di Rupo qui était en son temps le champion de la particip-opposition.

    De cette façon, le MR s’est construit une figure médiatique d’envergure à l’aide des techniques rhétoriques de Trump : ce qu’on veut, c’est de la polémique partout, tout le temps. Et si en plus on récupère des éléments de langage issus du sarkozysme ou des sujets de campagne de l’extrême-droite, c’est encore mieux. Que les propos soient vrais ou cohérents n’a que peu d’importance : il faut se faire voir, se faire entendre. En Belgique comme ailleurs, cette brume de provocations et de “diviser pour régner” vise à brouiller la perception de la politique du parti pour ce qu’elle est : unilatéralement antisociale et pro-riches.

    Le ver était dans le fruit

    Au-delà des mots et des carabistouilles, on peut également se questionner sur la présence au sein du MR d’anciennes personnalités proches ou ayant fait partie de l’extrême-droite. On notera ainsi la présence de Marc Ysaye, rentré au MR avec tambours et trompettes sur fond d’accord idéologique avec Jordan Bardella ou Marine Lepen, ou encore de Georges-Pierre Tonnelier (ancien du FN belge), de Drieu Godefridi (passé depuis à la NVA, puis continuant son petit bonhomme de chemin de son côté) qu’on pourrait décrire comme un chantre indépendant du libertarianisme mâtiné d’une sympathie non dissimulée pour des figures telles que Zemmour, Trump ou Bolsonaro. Les conservateurs haut en couleurs ne manquent pas au sein du MR, y compris parmi les figures de premier plan comme Pierre-Yves Jeholet qui, en plein débat, a balancé à Nabil Boukili (PTB) à “Ne venez pas nous donner des leçons ici en Belgique. Si ça ne vous plaît pas, vous n’êtes pas obligé de rester en Belgique.”

    Ces gentils chantres de la liberté de discriminer ont l’assurance d’être défendus par leur président. Après tout, ce dernier ne se cache pas pour partager sur les réseaux sociaux du Fdesouche (média d’extrême-droite français), du Damien Rieu (ancien porte-parole du RN français), du Alessandra d’Angelo (rédactrice en chef de Pan.be, ancien journal satirique, nouveau média numérique tendance extrême droitière et ancienne attachée parlementaire du tristement célèbre Laurent Louis). Concernant les élections communales passées, qu’est-ce que Gloub comme une “étape d’une dangerosité sans précédent pour notre démocratie” ? L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir à Ninove et à Ranst ? Non. La possible présence du PTB dans une majorité à Molenbeek.

    Importer les conflits, une seconde nature signé MR

    En quelques années, Gloub a effacé toutes les personnalités médiatiques du MR. On ne ressort les seconds couteux que pour importer d’ailleurs diverses paniques morales. Drieu Godefridi s’est fait le relais d’une vieille panique morale issue de l’alt-right américaine selon laquelle on ne pourrait plus souhaiter un joyeux Noël et que la gauche aurait détruit la fête. David Clarinval, alors qu’il était vice-Premier ministre, s’est chargé de la promotion en Belgique du pamphlet transphobe “Transmania” écrit par deux militantes transphobes françaises et publié chez Magnus, un éditeur d’extrême droite, où l’on peut lire que “L’idéologie transgenre et ses dérives ouvrent une brèche intéressante pour l’avancée des revendications pédophiles.” L’importation des paniques morales est au cœur de la méthode Bouchez. À chaque moment sa polémique.

    Le champ lexical employé est lourdement marqué par la droite sarkozyste : travaux d’intérêt général pour les personnes au chômage de longue durée, interdiction de la mendicité, discrimination à l’emploi pour les femmes voilées, etc. La filière d’import française bat son plein et les sources d’inspiration du MR ne sont même plus cachées : le groupe Bolloré, la rhétorique du RN et ses thèmes avec un petit supplément Trump. Les cinq prochaines années ont de quoi nous faire rêver. Il se murmurerait même que l’ancien protégé de Reynders aura son ministère rien qu’à lui dans le futur gouvernement Arizona : celui de la Sécurité. Tout un programme.

  • Podcast “Marx, la lutte et nous” : retour sur les élections locales

    Une séquence électorale générale est maintenant derrière nous, avec la tenue des élections sociales et celle des élections fédérales, régionales et européennes en juin, puis des communales et des provinciales ce mois d’octobre. Comme nous l’avions développé dans notre déclaration intiale du 16 octobre, à mesure que la “fête de la démocratie” devient un simulacre vide de sens, toujours plus de gens s’en détournent. Quelles sont toutesfois les enseignements à en tirer dans la perspective des luttes sociales à venir ? Nous vous invitons à participer à cette discussion, en écoutant ce podcast et en nous faisons parvenir vos réactions et suggestions !

  • Cordon sanitaire rompu à Ranst: le Vlaams Belang au secours de la vieille culture politique

    À Ranst (province d’Anvers), la vieille culture politique a repris la main après avoir été sanctionnée pour conflit d’intérêts en 2018. Pour continuer à dérouler le tapis rouge aux promoteurs immobiliers, les forces politiques sanctionnées n’ont pas hésité à ouvrir la porte au Vlaams Belang. Selon le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, mettre en difficulté les arrivistes et opportunistes accrochés au pouvoir serait la raison d’être de sa carrière politique. Anti-établissement ? Anti-corruption ? Ce sont des slogans bons pour les élections, rien de plus. Une fois les élections passées et sans imposer la moindre condition, le VB se retrouve à visage découvert face à l’establishment précédemment soupçonné de corruption.

    Article extrait de blokbuster.be

    La politique de clocher

    En 2018, la coalition Open VLD / CD&V avait été rejetée par les électeurs de Ranst. Des rumeurs persistantes de conflits d’intérêts avaient tué l’ancienne administration. L’ancien bourgmestre Lode Hofmans, par ailleurs homme d’affaires actif dans l’immobilier et les assurances, a pris ses distances avec son parti, l’Open VLD, en 2019 en raison des nombreuses accusations.

    C’est son opposition à l’ancienne administration qui a valu à la N-VA de remporter les élections de 2018. Le parti avait notamment souligné qu’au cours de la législature 2012 / 2018, l’échevin Vermeesch (Open VLD) a dû quitter 192 des 223 sessions du conseil communal en raison d’un conflit d’intérêts ! Le bourgmestre Hofmans avait dû faire de même pour 52 séances.

    Ces liens assez étroits entre le secteur immobilier et l’administration communale ne sont pas une exception à la règle. Actuellement, cette question fait également l’objet de nombreuses discussions dans la commune de Boechout. Dans la périphérie d’Anvers, la pression pour la construction d’appartements supplémentaires est très forte. La population vieillit, les centres-villes offrent des possibilités d’appartements coûteux et le secteur immobilier cherche à faire des bénéfices.

    Mais que la N-VA se permette de dénoncer ça, c’est tout de même très hypocrite. A Anvers, l’empereur de la N-VA Bart De Wever ne cache pas sa fierté d’entretenir d’excellentes relations avec ce secteur. Après tout, les constructions à faire ne manquent pas, selon lui. A Boechout, la N-VA est intervenue depuis Anvers pour faire taire la section locale qui s’opposait à trop de projets.

    Cette atmosphère d’entre-soi a alimenté un mécontentement qui a profité à la N-VA et surtout à Groen en 2018. Ils ont ensuite formé une coalition ensemble. Le véritable changement espéré n’a pas eu lieu, ce qui a donné l’occasion aux vieux crocodiles de revenir.

    L’ancienne administration composée d’anciens libéraux et du CD&V s’est métamorphosée. Les anciens noms de partis ont disparu et un nouveau projet a été lancé : PIT. Le fait que quelques membres de l’Open VLD se soient présentés avec leur propre liste sous le nom de « Vrij Ranst » n’a pas empêché cette liste de devenir la première force électorale avec 34%. C’est à peu près la même chose que l’Open VLD et le CD&V combinés en 2018, mais un siège supplémentaire, car les grands partis ont un avantage avec le système électoral communal. En outre, Vrij Ranst a gagné 3 sièges. La coalition communale N-VA / Groen a perdu respectivement 3 et 2 sièges.

    Une coalition entre PIT et la N-VA était l’option la plus logique au vu des résultats. Cependant, les querelles personnelles ont pesé lourd. Pour garantir les bénéfices des sociétés immobilières amies, les élus locaux libéraux et démocrates-chrétiens n’hésitent pas à faire de Ranst la première commune où le cordon sanitaire est rompu. Peut-être comptent-ils sur Christel Engelen, échevine du Vlaams Belang, pour être suffisamment docile pour ne pas se mettre en travers du chemin.

    Le VB se débarrasse de son masque anti-establishment

    Parler, lors des campagnes électorales, de lutte contre la corruption et se présenter comme un outsider s’opposant à l’establishment est une chose. La réalité est bien différente. La position du Vlaams Belang à Ranst le démontre une fois de plus. Puisque la propagande sur la rupture du cordon sanitaire est plus importante pour ce parti, aucune condition n’est fixée pour former une majorité. En ce qui concerne la répartition des postes, le fait que le VB ne dispose que d’une seule échevine n’est pas important, il est cependant vrai qu’un vrai candidat pour un deuxième poste d’échevin n’existait pas vraiment à Ranst. Soutenir de vieux crocodiles libéraux et démocrates-chrétiens – qui étaient même incapables de se présenter sous le nom de leur propre parti en raison de leur passé – ne pose aucun problème à la bande de Van Grieken. Ils en sont même fiers.

    Le VB critiquera-t-il les « amis de l’immobilier » ? Il y a peu de chances. Des journalistes du site d’information Apache ont clairement démontré où se situe le VB. Le promoteur immobilier anversois Erik Van der Paal a invité De Wever au restaurant étoilé ‘t Fornuis. Apache avait alors filmé leur arrivée au restaurant et les images avaient ensuite été publiées quelques semaines plus tard sous le dossier “Le promoteur immobilier préféré de Bart De Wever”. Mais Van der Paal est tout aussi à l’aise avec le Vlaams Belang. L’épouse de Gerolf Annemans a travaillé comme secrétaire à ses côtés. Lors du vote sur l’immunité parlementaire d’Alain Mathot (PS), un important partenaire commercial de Van der Paal, en 2016, Dewinter et son assistant anversois de l’époque, Penris, ont soudainement dû faire une pause pipi urgente, ce qui les a empêchés de voter. Le Vlaams Belang n’avait même pas beoin d’être au pouvoir quelque part pour soutenir ceux qui y sont.

    Un danger pour la population

    Beaucoup d’habitants de Ranst estiment que la participation du Vlaams Belang à l’administration locale ne sera pas très remarquée. Avec 3 sièges au conseil communal et bientôt une échevine, son poids est en effet limité. Mais imaginez que vous soyez un demandeur d’asile et que vous vous retrouviez dans le centre d’hébergement de Fedasil à Broechem (un quartier de Ranst) avec un conseil communal hostile. La section locale du VB n’est cependant pas opposée aux personnes migrantes en toutes circonstances : elles sont les bienvenues pour travailler dans les fermes et exploitations fruitières pour des salaires de misère. Mais soyons clairs : le VB au pouvoir signifie la normalisation de l’extrême droite et du profond racisme qui est dans son ADN.

    Le soutien du VB aux décideurs politiques de l’ancienne administration agravera l’impact des promoteurs privés et des sociétés immobilières qui font grimper les prix. Le nouveau conseil communal veut déjà supprimer un projet de logements sociaux à Emblem « parce qu’il est trop grand ». L’ancien bourgmestre Lode Hofmans s’est personnellement rendu à une réunion de quartier pour mener l’opposition à ce projet. Lorsqu’ils étaient au pouvoir, ces politiciens prenaient rarement des initiatives en faveur du logement social, ce qui leur a même valu des remarques de la part du gouvernement flamand, qui est loin d’être champion en la matière. Pour les libéraux, les chrétiens-démocrates et maintenant l’extrême droite, faire baisser les loyers par ce biais n’est tout simplement pas une option. 

    Cette immonde coalition illustre jusqu’où sont capables d’aller les vieux politiciens, mais aussi à quel point le Vlaams Belang est capable de se mettre à plat ventre. La nouvelle administration communale sera faite d’un mélange d’extrême bienveillance envers les promoteurs immobiliers et de racisme exacerbé pour les personnes du centre d’asile de Ranst.

    Dans les semaines et les mois à venir, la situation à Ranst sera suivie de près, y compris par nous. Nous nous préoccupons du sort des personnes hébergées dans le centre d’asile, des jeunes qui ne trouvent pas de logement abordable, des personnes victimes de racisme, du manque de services de proximité pour la population et nous nous opposons à l’impact du secteur immobilier. Vous habitez à Ranst ou dans ses environs et vous voulez agir ? Commencez par porter le triangle rouge, symbole de la résistance au racisme et au fascisme. Commencez à parler aux gens de votre quartier. Suivez la politique locale à Ranst. Participez aux actions nationales contre les politiques antisociales qui nous sont proposées. Nous sommes prêts à soutenir les actions et les campagnes antifascistes dans la région à la mesure de nos moyens.

  • Alors que les licenciements collectifs se multiplient, la chasse aux chômeur.euse.s s’intensifie

    La coalition Arizona, probable futur gouvernement fédéral, compte bien intensifier la chasse aux chômeurs. Dans leurs beaux costumes taillés sur mesure, les politicien.ne.s de la classe dominante ont chargé leur fusil de chasse en claironnant lors de la campagne électorale qu’il fallait limiter le paiement des allocations de chômage à 2 ans. Objectif ? Botter le cul aux chômeur.euse.s pour les contraindre à accepter n’importe quel travail et à n’importe quel prix. Après les exclusions du chômage du gouvernement Di Rupo, la saison de la chasse est à nouveau ouverte. Cette fois-ci, la couleur du costume taillé sur mesure des chasseurs tourne plutôt au brun caca d’oie.

    Par Maxime (Liège)

    La supernote de Bart de Wever (N-VA) a donné le ton lorsque ses propositions ont fuité dans la presse: il est temps une fois de plus de s’attaquer aux personnes les plus précarisées. La proposition de cette note était de limiter le chômage dans le temps en augmentant les montants dans un premier temps, puis en mettant en place une dégressivité allant jusqu’à l’exclusion des allocations. Couic !

    Si vous êtes de Wallonie, cette proposition doit vous rappeler quelque chose. Le Trump borain, Georges-Louis Bouchez, nous a assez rabattu les oreilles avec. La justification ? Augmenter la différence entre les revenus du travail et les allocations du chômage. Alors qu’il suffirait d’augmenter les salaires pour atteindre cet objectif ! Mais leur objectif est de rendre encore plus invivable la vie des plus précarisé.e.s : les chômeur.euse.s et les malades de longue durée.

    Alors, ça fonctionne?

    Comme nous le rappelions dans notre édition de juin 2024, cette mesure s’avère inefficace et constitue uniquement de la poudre aux yeux électorale.

    À partir de 2006 a été mise en place le contrôle des demandeur.euse.s d’emplois. À la suite de quoi une étude a suivi pendant 15 ans des demandeur.euse.s d’emploi de moins de 50 ans. Le résultat est sans appel : le durcissement des conditions d’accès et du contrôle n’a eu aucun résultat positif. “La seule chose, c’est que les gens exclus du chômage se sont retrouvés dans une autre branche de la Sécu, essentiellement la branche invalidité. Ils n’étaient plus chômeurs, mais malades de longue durée”, expliquait ainsi Maxime Fontaine, spécialiste des finances publiques et de la sécurité sociale (ULB), dans les pages du magazine Moustique.

    Ces propositions ne sont, une fois de plus, qu’un effet d’annonce sur une cible facile. Les salaires, en raison des tripotages de l’index, des sauts d’index et de la loi de 1996 sur la norme salariale, n’ont pas suivi l’augmentation réelle du coût de la vie. La recette est connue : les gens sont frustrés, car leur niveau de vie diminue de plus en plus à cause de l’inflation et de la flexibilisation des emplois, et ils cherchent un coupable.

    La coalition Arizona ressort donc de vieilles ficelles pour précariser encore plus les plus précarisé.e.s : réclamer une hausse des salaires ne leur viendrait même pas à l’esprit !

    Du Forem au CPAS

    Une autre conséquence de cette mesure sera d’envoyer les demandeur.euse.s d’emploi de l’institution chargée du chômage (Forem, Actiris et VDAB) vers les CPAS des communes. La mesure augmenterait ainsi le nombre de bénéficiaires du RIS (Revenu d’Intégration Sociale) et ajouterait un poids financier important sur des communes déjà en difficulté. Heureusement, Bart a pensé à cela et propose de compenser cela par une augmentation du financement des CPAS de 200 millions d’euros. Sauf que comme le précise la FGTB, qui a analysé les effets probables de cette mesure, ce serait bien de 700 millions d’euros dont auraient besoin les CPAS pour répondre au nouvel afflux de bénéficiaires : verser les RIS, engager de nouveaux assistant.e.s sociaux.ales, absorber la demande….

    La fin des tensions sur le marché du travail ?

    Un autre constat vient également jouer en défaveur des demandeur.euse.s d’emploi : la demande est plus grande que l’offre sur notre marché de l’emploi. Au second trimestre 2024, ils étaient 284.000 à chercher un emploi en Belgique. Contre 278.520 offres d’emploi publiées par les agences d’aide à l’emploi (Forem, Actiris et VDAB).

    En outre les offres d’emploi ne correspondent pas toujours aux profils des demandeur.euse.s d’emploi et il est souvent nécessaire de suivre des formations pour se réorienter. Comment réaliser ce changement de manière sereine avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête ?

    Résumons. Il s’agit d’une mesure inefficace pour obliger les gens à se remettre au travail sans tenir compte d’un marché de l’emploi où la demande dépasse l’offre et en faisant peser l’effort sur les communes belges sans leur fournir les moyens d’y faire face. Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?

    Le résultat sera de faire pression sur les salaires: le patronat, avec l’état actuel du marché du travail, dispose déjà de pas mal de moyens de pression pour engager un.e travailleur.euse à moindres frais. Cette limitation dans le temps accentuera ces moyens de pression et le chantage au travail incitera les gens à accepter des salaires moindres. D’une mesure voulant augmenter la différence entre salaire et chômage, ils n’accoucheront que d’une mesure diminuant les salaires. Heureusement que nous sommes dirigé.e.s par “l’élite” politique, sans quoi où irions-nous ?

  • A mesure que la “fête de la démocratie” devient un simulacre vide de sens, toujours plus de gens s’en détournent

    La suppression du vote obligatoire en Flandre s’est traduite par une participation beaucoup plus faible que prévu, avec un taux de participation de 63,7 %. Même à Bruxelles, où le vote est obligatoire, il y a de nombreuses communes où plus d’un cinquième de l’électorat ne s’est pas présenté. En Wallonie, malgré le vote obligatoire, les gens qui n’ont pas été voter, les gens qui ont voté blanc et les gens qui ont voté nul représentent 22,7% de l’électorat, le chiffre le plus élevé depuis 1919.

    Le suffrage universel a été imposé à la suite d’une lutte acharnée de la part du mouvement ouvrier menée contre celles et ceux qui revendiquent aujourd’hui de représenter la “démocratie”. Une fois arrachée, cette conquête sociale a été pervertie jusqu’à devenir l’occasion de colorier un bulletin toutes les quelques années pour que les partis traditionnels appliquent tout de même la même politique antisociale par la suite. Ce n’est pas une coïncidence si les jeunes et les personnes peu qualifiées sont les premières personnes à tourner le dos à ce système : ce sont précisément les couches qui s’identifient le moins à la manière dont le système fonctionne. Alors qu’un bourgmestre sur huit entretient des liens avec des promoteurs immobiliers, la question des liens avec les personnes précarisées ou la jeunesse n’est même pas soulevée. Si le monde politique ne s’y intéresse pas, comment peut-il espérer gagner leur intérêt politique, alors que ces couches sont justement celles qui ont le plus besoin de sortir du statu quo ?  

    Souvent, chez les partis traditionnels, des figures locales populaires permettent de sauver les meubles, mais elles ne peuvent pas complètement cacher la poursuite de l’érosion de soutien. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, l’extrême droite arrive au pouvoir au niveau local, à Ninove. Le PTB a globalement progressé, avec de beaux scores à Bruxelles et Anvers notamment, mais un score plus important était attendu.

    L’extrême droite au pouvoir à Ninove

    Le 9 juin, le Vlaams Belang était le premier parti dans 143 communes flamandes, alors qu’il ne l’est plus aujourd’hui que dans deux d’entre elles : Ninove et Denderleeuw. Dans des villes comme Anvers, Gand et Louvain, l’extrême droite décline. A Anvers, pour se distinguer face au discours droitier de la N-VA, la vieille figure de proue du Vlaams Blok/Belang Filip Dewinter devient encore plus caricatural, tout particulièrement dans le contexte d’une population si diversifiée. Faire une croix sur l’extrême droite est toutefois malheureusement prématuré dans la perspective d’inégalités croissantes et d’augmentation de tous les problèmes sociaux qui y sont liés. 

    À Ninove, la liste Forza Ninove a obtenu la majorité absolue. Le 9 juin, un quart des électeur.trices de Ninove avaient accordé un vote préférentiel à Guy D’Haeseleer. Aujourd’hui, il s’agit de près de 40 % des votants. Pourquoi l’extrême droite peut-elle faire un tel score ? Une série de facteurs entrent en jeu : la disparition de l’industrie et des sources locales d’emploi, la réduction de tous les services publics (et privés), une pression accrue sur le marché du logement et les services publics due à l’arrivée rapide de gens fuyant la politique de logement antisociale et inabordable de Bruxelles et, pour couronner le tout, l’accent mis sur le racisme par tous les partis. A cela s’ajoute un réel ancrage de l’extrême droite. Dès la première percée du Vlaams Blok, des noyaux étaient actifs dans la région de la Dendre. Ces dernières années, D’Haeseleer s’est développé un réseau de soutien avec Forza Ninove. Celui-ci aide les gens à remplir leur déclaration d’impôt et D’Haeseleer signe de son nom la notice nécrologique de chaque habitant de Ninove décédé par exemple, choses que les autres partis ne font plus en Flandre. Là où d’autres partis se limitent de plus en plus aux opérations de communication, Forza Ninove est ancré localement.

    En 2018, Forza Ninove a échoué de peu à obtenir la majorité absolue et tous les autres partis ont formé une coalition. Il a toutefois fallu faire preuve de persuasion avec la N-VA. Aujourd’hui, Forza Ninove obtient 18 sièges sur 35. D’Haeseleer a annoncé vouloir discuter avec la N-VA (qui a perdu 1 de ses 2 sièges), mais les chances de parvenir à une coalition sont inexistantes. Forza Ninove a besoin que cette discussion prenne place essentiellement à des fins de propagande. Si Bart De Wever ouvre cette porte, la N-VA risque bien de se retrouver aspirée par l’extrême droite au-delà de Ninove. Le fait que la N-VA représente le parti par excellence des attaques antisociales sévères prévues par la coalition fédérale Arizona contre la classe travailleuse ne pose aucun problème au Vlaams Belang. Bien au contraire.

    Forza Ninove affirme défendre les services sociaux avec la construction d’un nouvel hôpital et d’une nouvelle maison de repos et de soins. En réalité, Forza Ninove s’est contenté de souhaiter que ces questions soient examinées. Ce qui est par contre très concret, ce sont les restrictions d’accès au logement social et à l’aide sociale (présentées comme trop généreuses et comme un « Win-for-life ») ainsi que le contrôle strict du catalogue de la bibliothèque, du menu des repas scolaires, de la langue des vendeur.euse.s aux étals du marché, du maquillage lors des fêtes de Saint-Nicolas… Les coupes budgétaires dans le secteur social iront de pair avec une augmentation de la répression, le déploiement de services de sécurité privés, l’utilisation accrue de Sanctions administratives communales (SAC) et de travaux d’intérêt général obligatoires pour les personnes qui font appel au CPAS. Forza Ninove souhaite un contrôle approfondi de la vie de la population : « Pour les personnes qui résident déjà légalement ici, il n’y a de place dans notre société que dans la mesure où elles s’intègrent, contribuent à notre prospérité, se conforment à nos lois et à nos normes et respectent nos valeurs, notre culture et nos traditions. » Combien de SAC la police des valeurs va-t-elle bientôt donner ? Forza Ninove veut lancer une chasse ouverte aux personnes sans-papiers. Les subventions pour les associations culturelles ou sportives ne seront accordées que pour autant que l’on n’y parle que le néerlandais exclusivement. Quant au reste, les promesses de campagne concernant la lutte contre la corruption et le népotisme sont généralement les premières à être rompues une fois que l’extrême droite est en mesure d’elle-même attribuer les postes et les contrats. C’est ce qui ressort notamment des municipalités françaises où l’extrême droite est arrivée au pouvoir.

    À Denderleeuw, le scénario qui s’y présente est similaire à celui d’il y a six ans à Ninove. Le Vlaams Belang y est devenu le plus grand parti avec un peu moins de 40 %. Cela signifie soit une coalition du VB avec la N-VA, soit une coalition de tous les autres partis contre le VB, l’option la plus probable. Comme le cas de Ninove le démontre, cela ne suffira pas à stopper la progression de l’extrême droite.

    Sans réponse collective de la part du mouvement des travailleur.euse.s pour s’en prendre au terreau sur lequel l’extrême droite se développe et sans approche réelle des problèmes sociaux, l’extrême droite peut continuer à croître. Une opposition de gauche forte et combative est nécessaire pour combattre le succès électoral de l’extrême droite. Une liste du PTB à Ninove aurait pu offrir une alternative de gauche à celles et ceux qui souhaitaient exprimer un vote de protestation. Mais il faut bien plus que ça, la lutte sociale est également nécessaire pour s’opposer à la politique d’extrême droite de « diviser pour mieux régner » sur base de la haine de l’autre. Les projets antisociaux du futur gouvernement fédéral Arizona vont donner du vent aux voiles de l’extrême droite.

    Une semaine avant les élections, le président du Vlaams Belang Tom Van Grieken a déclaré triomphalement que le cordon sanitaire « est sur le point d’exploser ». La déclaration semblait surtout destinée à encourager ses troupes. Avec la « défaite victorieuse » du 9 juin, où le Vlaams Belang n’était finalement pas arrivé en tête en Flandre, le tremplin vers une participation à grande échelle aux autorités locales avait déjà disparu. Van Grieken doit maintenant se contenter de Ninove, une victoire qu’il s’est empressé de revendiquer pour ne pas avoir à parler des autres résultats. Il est possible qu’il y ait une autre percée dans les communes avec des listes locales. Il attend avec impatience que se clarifie la situation à Middelkerke, où Jean-Marie Dedecker (député indépendant élu sur une liste N-VA) a perdu sa majorité absolue et n’a pas apprécié que la N-VA présente sa propre liste contre la sienne. La rancune jouera certainement pour embarquer à bord le seul élu VB à Middelkerke, surtout avec un personnage comme Dedecker.

    L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir à Ninove est un signal d’alarme pour tou.te.s les antifascistes. C’est aussi un danger évident pour toutes les personnes perçues comme étrangères ou d’origine étrangère. Allons-nous laisser l’aliénation causée par des années de politiques antisociales et la colère qu’elles suscitent être exploitées par des partis qui ne font qu’alimenter la haine de l’autre et la discorde ? Ou allons-nous organiser une résistance sérieuse aux mesures antisociales à tous les niveaux de pouvoir, couplée à un effort antifasciste à Ninove et dans la région de la Dendre ? Cela peut se faire en scrutant systématiquement les politiques locales, en rassemblant toutes les victimes des politiques de droite, les jeunes, les personnes opprimées et toutes les personnes exploitées aux côtés de syndicalistes, en renforçant les initiatives locales et en développant des campagnes qui soulignent les intérêts de la classe travailleuse dans toute sa diversité.

    Du côté francophone, l’extrême droite dispose d’un élu sur une liste de “Chez Nous”, à Mouscron. En 2018, l’extrême droite francophone était représentée par quatre formations et une centaine de listes dans des dizaines de communes, avec 13 élus dans 10 communes. En 2024, il y a eu 6 listes péniblement constituées et au final des échecs à Liège, Amay et même Fleurus où Nicotra a échoué à se faire réélire. Cela s’explique notamment par la trumpisation du MR, le parti servant notamment de refuge pour diverses figures d’extrême droite, mais aussi par l’activité conséquente des divers réseaux et groupes antifascistes qui ont largement contribué à bloquer l’essor d’initiatives d’extrême droite. La dynamique de la Coordination Antifasciste de Belgique (CAB) renforce très clairement cela. 

    Face à la consolidation de l’Arizona, place à la lutte dans la rue

    De Wever a triomphé une fois de plus à Anvers. Avec 37%, il a maintenu son challenger Jos D’Haese (PTB) loin derrière à la deuxième place. La N-VA reste aux commandes à Anvers dans une coalition avec Vooruit, qui semble s’y être confortablement habitué. Il est excessivement embarrassant qu’une partie de la direction de de la FGTB d’Anvers se soit lancée à corps perdu dans la campagne de Vooruit et ait même été candidate pour ce parti, tandis que Vooruit a fait le lit de De Wever aux niveaux local, régional et fédéral. Vooruit préfère appliquer des politiques de droite avec la N-VA plutôt que d’envisager une coalition progressiste. Même en ce qui concerne le conseil de district anversois de Borgerhout – où figure le PTB avec Groen et Vooruit, les trois formations ayant obtenu 67% des voix – pour la députée européenne Vooruit Kathleen Van Brempt, il ne saurait être question d’un conseil de district « en opposition avec le conseil communal ». La participation des dirigeant.e.s de la FGTB à la campagne de Vooruit n’est d’aucune aide pour organiser l’opposition au prochain gouvernement Arizona. Quelle explication vont-ils et elles donner aux personnes qui perdront bientôt leurs allocations de chômage ? Aux travailleur.euse.s qui devront faire face à de nouvelles attaques contre leurs pensions et leurs salaires ? Ou aux jeunes qui ne trouvent pas de logement abordable parce que ce sont les désirs des magnats de l’immobilier qui font loi ?

    Une fois de plus, De Wever a pu apparaître comme le vainqueur central et s’imaginer tranquillement en empereur romain. Des campagnes locales ont bien eu lieu ces 12 dernières années contre la politique antisociale de l’hôtel de ville, sans toutefois qu’un large mouvement social ne se matérialise. Cela ne joue pas à la faveur de notre camp social, même si le résultat historique du PTB (à la deuxième place avec 20%) donne une fois de plus une indication du potentiel existant pour mener une lutte conséquente. 

    De Wever a déclaré, avec une islamophobie répugnante, que le PTB recueillait des voix sur base de Gaza et du port du voile. Comme si le vote des personnes issues de l’immigration comptait moins ! Comme l’opposition active au terrible génocide à Gaza et à son escalade en une guerre régionale était quelque chose de négatif ! De Wever parle bien entendu à partir de son propre point de vue, totalement dénué d’empathie pour le massacre des masses palestiniennes ou libanaises et reposant sur un soutien sans équivoque au gouvernement de droite et d’extrême droite en Israël. Ce soutien, soit dit en passant, est en partie motivé par des raisons électorales. Pour notre part, nous estimons que le fait que les manifestations autour de Gaza se traduisent également sur le plan politique est un atout. La lutte sociale et les élections ne sont jamais séparées, l’implication active de couches plus larges dans ces luttes est la meilleure façon de mobiliser un soutien, y compris lors des élections.

    Cette victoire à Anvers renforce la position de De Wever dans les négociations pour former le gouvernement fédéral. Il a déjà annoncé que sa « super-note » reviendrait sous un autre nom sur la table dès le 14 octobre. Le résultat à Anvers éclipse les faiblesses électorales de la N-VA. Les hommes forts du gouvernement flamand ne s’en sortent pas bien. A Brasschaat, l’ancien ministre-président flamand Jan Jambon a conservé sa majorité absolue mais a perdu près de la moitié de ses voix de préférence en tant que tête de liste. À Beersel, l’ancien ministre flamand de l’Enseignement Ben Weyts a perdu deux tiers de ses votes préférentiels. Le nouveau ministre-président flamand Matthias Diependaele à Zottegem et l’ancienne ministre de l’Environnement, de la Justice, du Tourisme et de l’Energie Zuhal Demir à Genk perdent également des votes préférentiels. A Bruxelles, la N-VA a perdu ses six conseillers communaux, dont la nouvelle ministre du gouvernement flamand Cieltje Van Achter à Schaerbeek. Le talon d’Achille de la machine de campagne de De Wever est la politique de son parti. À Anvers, il a réussi à détourner l’attention sur ce point, mais en tant que Premier ministre fédéral, ce sera considérablement plus difficile d’opérer le même tour de passe-passe. Surtout avec le catalogue des horreurs qu’il a déjà présenté avec sa super-note.

    Les libéraux francophones de Georges-Louis Bouchez ont reproduit la vague bleue du 9 juin, mais pas dans la mesure où l’espérait le MR. Ils n’ont pas pu briser la domination du PS à Mons, Charleroi et Liège. A Bruxelles aussi, le PS tient bon. L’érosion du PS se poursuit, mais le MR et Les Engagés ont été incapable de simplement traduire le résultat du 9 juin au niveau local. Les Engagés sont sortis renforcés des élections, le MR a également progressé mais, fidèle à l’arrogance de Bouchez, il avait placé la barre beaucoup trop haut. 

    Le PS a quant à lui mené sa campagne pour les communales en soulignant tout particulièrement son opposition à l’Arizona et aux projets de la droite. Tout ça, une fois de plus, pour se dépêcher de conclure des majorités avec le MR une fois le scrutin passé. Ce fut même le cas à Evere, alors que le PS y dispose d’une majorité absolue. ECOLO n’est pas innocent de pareilles alliances : à Tournai, le parti vert s’est allié au MR et aux Engagés pour reléguer le PS dans l’opposition et permettre à Marie-Christine Marghem de devenir bourgmestre. L’ancienne ministre de l’Energie MR est notamment connue pour sa position très pro-nucléaire : “Nous devons prolonger tout ce qu’il est possible de prolonger pour calmer les marchés”.

    Les autres partenaires de l’Arizona revendiquent une victoire. Le CD&V s’est maintenu dans les zones rurales et reste le plus important dans 108 communes flamandes (contre 113 en 2018), avec des bastions en Flandre occidentale, dans le Limbourg, dans certaines parties de la Flandre orientale et dans la région de la Campine. Le président du parti Sammy Mahdi a remporté un succès personnel avec une liste de cartel CD&V et Open Vld à Vilvorde. Vooruit a obtenu de bons résultats dans un certain nombre de villes centrales, devenant le plus important à Ostende, Turnhout, Louvain et Herentals. À Saint-Nicolas, il l’a raté de peu. À Gand, Vooruit était le plus important au sein du cartel avec les libéraux du bourgmestre De Clercq. De l’autre côté, Conner Rousseau n’a pas été à la hauteur de ses ambitions de bourgmestre, et le ministre flamand Gennez à Malines, en tant que deuxième sur la liste, a attiré beaucoup moins de votes préférentiels qu’en tant que tête de liste en 2018.

    Pendant ce temps, l’Open Vld et Groen continuent de prendre des coups. Le premier ministre sortant De Croo a pu maintenir de justesse sa majorité absolue à Brakel. Les libéraux perdent Ostende, sont en position de faiblesse au sein du cartel à Gand et à Anvers, pour la première fois, ont même complètement disparu du conseil communal. La coprésidente de Groen, Nadia Naji, a affirmé que son parti ne disposait pas de suffisamment de temps après le 9 juin pour rectifier le tir. Ce qu’elle n’a pas mentionné, c’est que Groen est en train de perdre du terrain avec Ecolo à Bruxelles. A Ostende, Groen partage les coups de l’Open Vld avec lequel il a formé une liste communale. A Louvain et Anvers, le déclin est net. Les espoirs à Audenarde avec Elisabeth Meuleman n’ont pas été comblés. Heureusement pour Groen, il y a eu les résultats à Gand, celui de l’entente avec Vooruit à Mortsel et celui avec la N-VA dans le Horebeke de Petra De Sutter. Ecolo est resté relativement intact à Liège sous le nom Vert Ardent et a conservé la tête du scrutin à Ixelles, mais une alliance entre le MR, les Engagés et le PS a eu raison du mayorat des Verts, décroché en 2018. Pour la première fois depuis 2000, Ecolo va également dans l’opposition à Ottignies-Louvain-la-Neuve. 

    La percée spectaculaire de Team Fouad Ahidar en juin s’est poursuivie à Bruxelles, avec notamment des scores élevés à Anderlecht et Molenbeek. Au niveau local, la percée reste pour l’instant limitée à la région de Bruxelles, mais ailleurs, la méfiance à l’égard de la politique dominante est également très répandue. Les listes Team Fouad Ahidar à Bruxelles ont été considérées par de nombreuses personnes issues de l’immigration comme les leurs, alors que d’autres partis ont placé des candidat.e.s issu.e.s de l’immigration sur leur liste principalement ou uniquement pour obtenir des votes, mais pas pour lutter contre la discrimination quotidienne, une discrimination qui augmente à mesure que le manque de tout grimpe en flèche, pénurie qui frappe le plus durement les groupes les plus pauvres et les plus opprimés de la population. Après le score élevé de Fouad Ahidar en juin, les partis établis ont répondu par une campagne islamophobe répugnante. Cela ne fera qu’accroître l’aliénation à l’égard de la politique traditionnelle. Le fait de se tenir debout avec des listes est un pas en avant. En particulier avec des revendications de logements abordables, d’investissements dans l’enseignement et de soins de santé accessibles. D’un autre côté, l’opposition à un meilleur accès à l’avortement et aux droits des personnes LGBTQIA+ (ce qui était notable dans la campagne d’Anvers) est problématique. Les partis traditionnels n’ont pas de leçons à donner à Fouad Ahidar sur ce point : c’est le CD&V et la N-VA qui ont bloqué l’assouplissement du droit à l’avortement, et les libéraux, les sociaux-démocrates et les verts l’ont également autorisé pendant des années, formation de gouvernement après formation de gouvernement, en dépit de leur majorité parlementaire. C’est d’ailleurs ce que Vooruit continue à faire concernant la coalition Arizona. Les réactions islamophobes des partis établis servent principalement à éviter d’avoir à répondre à la méfiance justifiée d’une partie de la population et à l’aversion justifiée pour la politique blanche raciste de discrimination quotidienne. À partir de la voix contre l’oppression exprimée dans le résultat de Fouad Ahidar, d’autres mesures peuvent être prises pour lutter contre toutes les formes d’oppression. L’ensemble de la classe travailleuse, dans toute sa diversité, a un rôle à jouer à cet égard.

    Que signifient ces résultats pour la période à venir ? Les chances de voir le gouvernement de l’Arizona s’imposer ont augmenté. De Wever, Rousseau, Mahdi et Prévot sortent confiants des élections. Cependant, les éléments de la super-note de De Wever dans la formation du gouvernement indiquent clairement l’arrivée de politiques antisociales particulièrement dures. Celles-ci visent à atomiser le mouvement organisé des travailleur.euse.s afin de rendre plus favorable la position du capital dans la société, avec l’impact de nous appauvrir collectivement ainsi que d’isoler et de réprimer plus durement les plus faibles. Il s’agit d’une recette éprouvée pour la croissance de l’extrême droite. Le MR adoptant une position trumpienne, il en va de même du côté francophone. Même si le résultat de Chez Nous reste limité (1 siège à Mouscron), c’est un signal d’alarme. A moins, bien sûr, que le mouvement des travailleur.euse.s ne s’en mêle. Le journal de la FGTB sur la super-note est une excellente initiative pour une campagne d’information. Ce journal s’adresse surtout aux syndicalistes, mais il pourrait constituer un tremplin vers un journal plus accessible en front commun syndical, comme lors de la lutte finalement victorieuse contre le système de pension à points. Si les dirigeants syndicaux sont aveuglés par la présence du Vooruit et du CD&V dans les gouvernements, ils risquent d’alimenter l’aliénation au sein de leurs propres organisations. Il s’agit maintenant de commencer à organiser la lutte.

    Le PTB progresse, mais s’attendait à plus 

    Le duel anversois entre Bart De Wever et Jos D’Haese a dominé la campagne électorale du côté néerlandophone. Avec 20,2%, le PTB devient le deuxième parti d’Anvers, un résultat historique. Dans les arrondissements d’Anvers, le nombre de conseillers de district du PTB a doublé, passant de 19 à 43. A Borgerhout, le PTB est le premier parti avec 28,8% et le deuxième à Hoboken (26,2%) et à Deurne (22,2%). C’est phénoménal ! En même temps, le PTB doit reconnaître que les attentes étaient plus élevées. Le pari était de briser la coalition autour de la N-VA, et l’on rêvait même ici et là que le PTB devienne le plus grand parti d’Anvers. Cela ne s’est pas concrétisé, avec 37 %, la N-VA est presque deux fois plus importante électoralement.

    Dans une première réaction, Jos D’Haese a souligné le rôle de l’abolition du vote obligatoire. C’est certainement un facteur. Mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à la façon de convertir le soutien au PTB, en particulier dans les quartiers populaires, en une implication plus active dans les luttes sociales et dans la campagne électorale. Au cours des 12 dernières années, de petites actions ont eu lieu contre la gestion froide et antisociale d’Anvers, certaines d’ailleurs couronnées de succès. Cependant, l’absence d’un mouvement de protestation plus large contre De Wever lui a permis de s’en tirer avec sa rhétorique digne de la guerre froide mêlée de ses fantasmes d’empereur romain pour éviter d’avoir à parler de sa politique de casse sociale. La mobilisation dans d’autres domaines peut également stimuler l’implication dans une campagne électorale pour s’opposer aux politiques menées par ce biais.

    En 2018, le PTB avait obtenu nationalement l’élection de 142 conseiller.ère.s communaux.ales. Lors de Manifiesta, Raoul Hedebouw avait déclaré que l’ambition du parti était de doubler ce nombre. Au final, le PTB a obtenu 197 sièges, en plus des 43 conseiller.ère.s de district mentionnés ci-dessus. De premier.ère.s élu.e.s sont arrivé.e.s à Ostende, Alost, Ronse, Boom, Mortsel, Heist-op-den-Berg, Halle, Asse et Dilbeek du côté néerlandophone ; à Mouscron, Tournai, Binche, Ath, Tubeke, Châtelet, Sambreville et Fleurus du côté francophone et à Jette et Etterbeek à Bruxelles. Avec 20 %, le PTB est le nouveau venu le plus frappant à Mouscron, la commune où le parti d’extrême droite Chez Nous a obtenu son seul siège. De l’autre côté, le PTB perd son siège à Lommel et il y a une perte de siège à Zelzate.

    Le deuxième objectif était de former des majorités progressistes dans quatre ou cinq communes. Conner Rousseau et Vooruit ont explicitement bloqué cet objectif dans les derniers jours avant les élections. A défaut d’une majorité absolue, Vooruit pourrait opter pour un partenaire plus petit à Zelzate (peut-être le cartel CD&V et N-VA pour graisser la patte au gouvernement fédéral ?) Kathleen Van Brempt s’oppose à une coalition progressiste à Borgerhout. Là, le PTB est le plus grand parti, mais il dépend de Groen, qui peut soit former une majorité avec le PTB, soit en constituer une avec Vooruit et la N-VA. Quel prix la N-VA est-elle prête à payer pour cela à la mairie d’Anvers ?

    Il y a plus de possibilités à Bruxelles et du côté francophone, notamment à Mons et La Louvière. A Molenbeek, avec Catherine Moureaux, le PS est de justesse resté le parti le plus important et, comme en 2018, il veut y discuter avec le PTB. À Saint-Gilles, la coalition du PS et d’Ecolo est déjà formée. Il y a encore une petite chance à Forest. À Seraing, le PS dispose d’une majorité absolue, mais il peut encore y avoir une coalition. Herstal sera un cas intéressant : le PS y est à deux doigts de la majorité absolue et doit choisir de gouverner soit avec le MR, soit avec le PTB. Il existe donc des possibilités de participation à des coalitions. Il convient de rappeler qu’il s’agit de communes placées sous la tutelle financière de la région et qui disposent donc d’une marge de manœuvre très réduite. 

    Le léger recul du PTB à Zelzate soulève la question de savoir si la participation ne devrait pas produire des résultats plus ambitieux. Dans un contexte de méfiance croissante à l’égard de la politique dominante – en fait à l’égard de toutes les institutions capitalistes – il ressort de toute évidence qu’une approche limitée au terrain électoral et institutionnel est trop limitée. Imaginez que l’énorme organisation militante que le PTB a mis en place dans les campagnes électorales au cours de l’année écoulée puisse poser les bases de comités d’action et de campagnes en faveur d’un impôt sur la fortune, d’un plan massif d’investissement public dans le logement social, les soins de santé et l’enseignement, de transports publics plus nombreux et gratuits ou encore pour s’opposer à la coalition Arizona ? 

    Ce n’est qu’en transformant le mécontentement passif en entrée en action, par le biais d’actions et de campagnes, que nous pourrons orienter la méfiance vers une lutte contre l’ensemble du système capitaliste. C’est par la lutte que nous pourrons construire un rapport de force favorable à un changement de système. 

    Une résistance active est nécessaire !

    Le catalogue des horreurs de l’Arizona s’accompagne de politiques antisociales au niveau régional. Le nouveau gouvernement flamand tente de le cacher en prétendant investir davantage dans la politique sociale et le logement social, mais il n’a pas de réponse aux énormes déficits et défend principalement une politique de division dirigée contre les plus faibles de la société. Le nouveau gouvernement de Fédération Wallonie Bruxelles a déjà clairement signalé que le personnel de l’enseignement était en ligne de mire. A Bruxelles, les discussions sont toujours bloquées mais tout le monde reconnaît que les caisses sont vides. C’est aussi le cas au niveau local. La limitation dans le temps des allocations de chômage va encore plus peser sur les finances communales et les CPAS et ce alors que dans de nombreuses communes, tout ce qui le pouvait a déjà été privatisé et que le monde socioculturel est devenu un désert.

    À tous les niveaux, les plus riches se voient dérouler le tapis rouge ; le futur premier ministre De Wever se targue même d’entretenir des liens étroits avec les magnats de l’immobilier et les grands patrons. Un bourgmestre sur huit a des liens avec le secteur immobilier, a-t-on appris dans les médias flamands les jours précédant les élections. Combien de bourgmestres ont des liens avec le monde des personnes défavorisées ?

    Plusieurs années s’écouleront sans élections. Le faible taux de participation aux élections locales illustre que l’espoir d’arracher un changement par cette voie est limité. Cela ne doit toutefois pas inévitablement conduire à la résignation ou au pessimisme. La classe travailleuse peut imposer le respect de ses intérêts et de ses revendications. C’est le chemin qui avait été pris en 2014 avec un puissant plan d’action en escalade contre le pire gouvernement de droite depuis les années ‘80. C’est le manque de détermination dans les sommets syndicaux pour continuer le combat dans l’élan de la grève générale nationale de masse du 15 décembre qui a permis au gouvernement Michel de reprendre l’initiative. Il a manqué au sein du mouvement une force capable de défendre largement une proposition alternative à la voie sans issue de la direction syndicale. Cela n’a toutefois pas empêché le mouvement des travailleur.euse.s d’enterrer plus tard le projet de pensions à point en 2018. 

    Un tel type de lutte est également possible et tout à fait nécessaire pour les questions relatives à l’échelon communal, telles que l’investissement dans des logements abordables plutôt que dans des projets prestigieux de marketing urbain, le développement des services publics (et la manière dont cela contribue à la sécurité de la population), la protection et l’amélioration des conditions de travail et des pensions du personnel communal, etc. 

    Dans le cadre du plan Oxygène destiné à aider les communes wallonnes en difficulté financière (28 actuellement), la Région wallonne, via le Centre régional d’aide aux communes (Crac), avait prévu de lever par emprunt 350 millions d’euros auprès des banques en 2024. Seule la banque ING a répondu, mais pour un total de 82 millions seulement et en refusant de financer sept villes wallonnes, et non des moindres : Liège, Charleroi, Mons, Ath, Namur, La Louvière et Verviers. Il manque donc 268 millions, ce qui s’ajoute aux nombreux autres défis des communes, dont le financement des CPAS et des pensions des fonctionnaires locaux ou encore des zones de secours. C’est une indication claire du type de combat qui sera nécessaire, avec une lutte résolue pour briser la camisole de force budgétaire des communes, refuser de payer la dette des communes aux banquiers spéculateurs et récupérer dans le giron public toutes les matières qui ont été bradées au privé.

    Les illusions d’une partie de la direction syndicale envers Vooruit et le PS sont l’expression d’une faiblesse plus large, celle d’un manque de solutions face aux multiples crises du capitalisme. C’est un obstacle considérable pour entrer en lutte. Même après l’annonce des licenciements collectifs chez Audi, il n’y a guère eu de lutte digne de ce nom. Une perspective de victoire est essentielle pour s’engager dans l’action collective. Mener ce type de discussion sur nos revendications et notre approche avec le plus grand nombre possible de travailleur.euse.s et de militant.e.s est une priorité cruciale.

    Il nous faut une mobilisation active d’en bas contre les attaques d’en haut, en faveur d’un changement fondamental de société et d’un système différent. Le PSL a appelé à voter pour le PTB lors de ces élections, en considérant qu’il s’agissait de la meilleure façon de renforcer la position de la classe travailleuse. Nous continuerons à suivre ce type d’approche constructive et continuerons, dans la lutte au côté de camarades d’horizons différents, à débattre de la nécessité d’une société socialiste.

  • Pension à 67 ans ? Non merci ! Mathias, 57 ans, chauffeur de poids lourd

    La droite veut nous faire bosser de plus en plus longtemps. Actuellement, 11,5 % des personnes actives ont plus de 60 ans. Il y a cinq ans, ce chiffre était de 7,2 %. Le vieillissement du monde du travail s’accélère. Seulement… nous ne pourrons pas continuer ainsi. Travailler jusqu’à 67 ans est déjà impossible pour beaucoup. Témoignage d’un routier.

    Par Guy Van Sinoy

    Bonjour! Je m’appelle Mathias, j’ai aujourd’hui 57 ans et je suis chauffeur de poids lourd depuis l’âge de 22 ans. Quand j’ai commencé, en 1989, je venais d’avoir mon permis C. Je me souviens que c’était l’année de la chute du Mur de Berlin mais je ne me doutais pas que la chute de ce mur – et par la suite l’effondrement de presque tous les régimes de l’Est – allait avoir des conséquences sur mes conditions de travail. Mais à 22 ans, on ne se pose pas trop de questions et l’essentiel pour moi, à l’époque, était de parcourir avec fierté les routes d’Europe au volant d’un mastodonte de plusieurs tonnes.

    Aujourd’hui de nombreuses entreprises de transport ont créé des filiales dans les pays de l’est de l’Europe tout en conservant leurs activités principales en Belgique. Cela leur permet d’engager des travailleurs et des travailleuses sur base d’un régime social et salarial plus faible. Cela a créé un “dumping social”.

    Pénibilité

    Je commence souvent ma journée de travail à 6 heures du matin et je suis parti pour une longue journée de travail qui se termine le plus souvent dans la soirée. Comme je n’ai pas de convoyeur à bord, je dois utiliser moi-même un transpalette pour décharger la marchandise.

    Le plus contraignant est le flot de circulation et les embouteillages qui font perdre beaucoup de temps. Le temps de travail s’allonge et les clients ne sont pas contents. Beaucoup de chauffeurs souffrent de soucis cardiovasculaires en raison de la position assise durant de longues heures, du stress permanent, du travail de nuit et des horaires atypiques. On est parfois amené à faire 3.500 km par semaine.

    En Belgique on dénombre 9.000 entreprises de transport routier (un record). Les 3/4 des marchandises circulent par route, 15 % par voie fluviale et 10 % par chemin de fer. Ce serait un très grand progrès – à la fois pour des raisons de santé et de réduction de la pollution – d’augmenter la part de transport fluvial pour les marchandises.

    Après près de 40 ans passés derrière le volant, j’aimerais pouvoir raccrocher et prendre ma pension autour des 60 ans. Et je me vois mal continuer jusque 67 ans.

  • Attention aux voleurs! L’Arizona veut nous faire les poches !

    La propagande de droite dit que travailler devrait rapporter plus et qu’il devrait y avoir une différence d’au moins 500 $ par mois entre les allocations sociales et le travail. C’est déjà le cas.(1) L’objectif de cette propagande est de s’attaquer aux allocations sociales: avec la limitation des allocations de chômage à deux ans, la baisse du revenu d’intégration, la diminution des indemnités de maladie, l’accès plus difficile aux pensions minimales… et parallèlement, une préparation d’une offensive contre les salaires!

    Hold-up sur les salaires

    La super note ne propose pas de saut d’index, mais un bricolage du mécanisme qui en affaiblirait l’application. Par exemple, au nom des “objectifs climatiques”, elle propose de réduire le poids du prix des énergies fossiles comme le gaz dans le panier de référence de l’index. En 1994, l’index-santé a été mis en place comme mesure d’économie. Au nom de notre santé, le prix de certains produits nocifs pour la santé avait été retiré du calcul (y compris le tabac sur lequel des taxes de plus en plus élevées ont été introduites par la suite). Aujourd’hui, c’est l’argument du climat qui est utilisé dans le même objectif. Bien entendu, le document ne mentionne pas de mesures climatiques sérieuses en contrepartie. En outre, il négocie la possibilité d’éliminer partiellement l’indexation en cas d’inflation supérieure à 4%, en introduisant une augmentation plus aléatoire des salaires. Ce serait donc au moment où l’indexation serait la plus nécessaire qu’elle serait moins efficace.

    L’accroissement de la flexibilité des travailleur.euse.s exercera une pression supplémentaire sur les salaires. Il est question d’augmenter les emplois flexibles, de permettre davantage de travail étudiant, de limiter la définition du “travail de nuit”, d’ouvrir les possibilités de travailler le dimanche et les jours fériés, d’abolir le nombre minimum d’heures de travail par jour, de développer les possibilités d’effectuer des heures supplémentaires sans que celles-ci soient rémunérées comme tel…

    Pour faire passer tout cela, De Wever veut accroître les divisions sur le lieu de travail. Il est plus facile de briser les doigts un par un que de se retrouver face à un poing. Cette règle de base s’applique aussi à la lutte de classes. La note parle de négociation individuelle du salaire, de suppression progressive de la concertation sociale et d’introduction d’un actionnariat d’entreprise organisé entre quelques travailleur.euse.s. Dans ce dernier cas, un organe serait délibérément mis en place à côté de la représentation élue du personnel, et contre celle-ci.

    La réduction du nombre de commissions paritaires, la diminution de la protection des délégués et de la personnalité juridique des syndicats complètent le tableau de cette offensive contre le pouvoir d’organisation de la classe travailleuse.

    Pouvoir d’achat et pensions

    Une augmentation de la TVA sur les produits de base de 6 à 9% est proposée pour remplacer les taux de 6 et 12%. Le taux de 12% s’applique aujourd’hui notamment aux repas préparés dans le secteur de l’hôtellerie et dans la restauration. Mais tout le monde ne s’y rend pas tous les jours. En revanche, le taux de 6% s’applique à la quasi-totalité des produits de base. Le taux de TVA ajusté devrait rapporter jusqu’à 2 milliards d’euros. Cet argent sort essentiellement des poches des moins nantis.

    Il n’y a qu’à se servir sur les allocations sociales! Les chômeur.euse.s se retrouveraient avec un revenu d’intégration du CPAS non indexé au bout de deux ans, les malades sont traqués, l’enveloppe bien-être destinée à augmenter les allocations sociales serait largement supprimée et l’accès à une pension minimale restreint. Les personnes qui prendraient leur retraite avant l’âge légal de 67 ans recevraient une pension réduite (un « malus » qui augmenterait dans les années à venir). Les pensions plus élevées de la fonction publique seraient réduites. Dans tous ces cas, les femmes seraient particulièrement touchées.

    Rien que sur les pensions, De Wever veut économiser 2 milliards d’euros! Au profit de qui ?

    Au cours des six dernières années, la richesse créée par les travailleurs des plus grandes entreprises opérant en Belgique a augmenté de 45%. Au cours de la même période, les “dépenses” par salarié.e dans ces entreprises n’ont augmenté que de 13%. Une part croissante de la valeur que nous produisons est aspirée dans les bénéfices et distribuée aux actionnaires sous forme de dividendes. (1) Les gouvernements successifs ont multiplié les cadeaux aux grandes entreprises sous forme de réductions d’impôts en tous genres qui ont fait chuter d’un tiers la contribution patronale réelle à la sécurité sociale, passée de 34% en 1996 à 22 %. (2) On ne prête qu’aux riches, comme le dit le dicton.

    Au cours des dix dernières années, la part des salaires dans le produit national brut est passée de plus de 51% à 48,5%. Cela signifie que sur l’ensemble de la valeur produite, une part plus faible est consacrée à nos salaires. Cela représente 16 milliards d’euros par an. De tels transferts de la classe travailleuse vers les capitalistes, voilà le projet des négociateurs de l’Arizona. A nous de les empêcher de nuire.

    1. Pour chaque tranche de 100 € de profits réalisés, les plus grandes entreprises actives en Belgique reversent 73 € à leurs actionnaires, oxfambelgique.be, 1er mai 2024.
    2. Chiffres du think tank Minerva sur X (Twitter), 11 septembre 2024


  • L’extrême droite au pouvoir ? Tous les regards se tournent vers Ninove… Comment répondre à la menace ?

    Pour marquer des point aux élections du 9 juin dernier, la N-VA a pris publiquement ses distances avec le Vlaams Belang. La stratégie étant reproduite vis-à-vis des élections communales, les chances de briser le cordon sanitaire à l’échelle locale sont plus réduites. Si l’on regarde les résultats du 9 juin par district électoral, on constate que la N-VA et le VB ont obtenu ensemble la majorité dans 151 communes flamandes. La ligne de Bart De Wever – consistant à n’entrer nulle part en coalition avec l’extrême droite – semble tenir pour l’instant, mais pour combien de temps ?

    Le 9 juin, le Vlaams Belang a réalisé des percées dans une série de communes où il ne dispose pourtant pas de section locale vivante. De tous les partis, c’est l’extrême droite qui a obtenu le moins de votes préférentiels par rapport au nombre total de voix. Mais il y a des exceptions. C’est le cas à Ninove où, lors des élections législatives, un quart de l’électorat a donné son vote préférentiel à Guy D’Haeseleer. Sa liste, Forza Ninove, a déjà obtenu 40 % des voix en 2018. S’il y a une commune où l’extrême droite peut bientôt arriver au pouvoir, c’est bien Ninove.

    Comment expliquer ce soutien ? Une série de facteurs sont combinés : la disparition de l’industrie et des sources locales d’emploi, la réduction de tous les services publics (et privés) et l’afflux de personnes fuyant Bruxelles parce que la capitale devient inabordable. A cela s’ajoute un réel ancrage de l’extrême droite. Dès la première percée du Vlaams Blok, des noyaux étaient actifs dans la région de la Dendre. Ces dernières années, D’Haeseleer a développé un réseau de soutien avec Forza Ninove. Il aide les gens à remplir leur déclaration d’impôt par exemple. D’Haeseleer signe de son nom la notice nécrologique de chaque habitant de Ninove décédé. Là où d’autres partis se limitent de plus en plus aux opérations de communication, Forza Ninove est ancré localement.

    Les problèmes sociaux s’accumulent et nourrissent les tensions sociales, sans que les forces politiques nationales ou locales y répondent. Ce vide politique, dans un contexte où la gauche syndicale et politique n’est pas suffisamment présente, laisse un espace à l’extrême droite. Faute de solution collective aux problèmes individuels, les gens se laissent d’autant plus facilement tromper par ceux qui instrumentalisent leurs frustrations. La participation au pouvoir de l’extrême droite s’accompagnera d’ailleurs sans aucun doute de nouvelles attaques contre le mouvement ouvrier et tous ceux qui ne correspondent pas aux normes appréciées par l’extrême droite.

    Quelle réponse le mouvement de la classe travailleuse peut-il apporter ? Il n’y a pas de solution miracle. Il faut construire de manière cohérente un rapport de force capable d’imposer le changement social. Nier la colère ne sert à rien, il faut l’aiguiller vers les vrais responsables de la précarisation de l’existence sous toutes ses formes. Ce travail exige de la patience. Et aussi un programme axé non pas sur ce que permet l’establishment, mais sur ce qui est nécessaire pour répondre aux inquiétudes de la grande majorité de la population. Une approche de classe offensive et audacieuse est le meilleur moyen de lutter ensemble pour un meilleur avenir, et donc d’étouffer immédiatement le désespoir sur lequel prospère l’extrême droite.

  • Élections communales du 13 octobre. Nous voulons que le PTB obtienne le meilleur résultat possible!

    Les élections du 13 octobre arrivent à un moment important. Une vague de licenciements collectifs a déjà commencé, avec Audi en tête. Bart De Wever, Georges-Louis Bouchez et toute leur bande tentent d’installer un gouvernement fédéral qui déclenchera un tsunami d’attaques contre les conditions d’existence de la classe travailleuse. Leur recette, c’est une austérité digne de Thatcher avec une propagande populiste digne de Trump. Le 13 octobre ne portera pas seulement sur des questions locales. La résistance de la classe travailleuse sera stimulée par le résultat le plus fort possible pour le PTB.

    Par Geert Cool, article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    https://fr.socialisme.be/97805/elections-communales-les-succes-du-ptb-peuvent-servir-de-tremplin-aux-luttes-sociales
    https://fr.socialisme.be/97998/finances-des-communes-il-vaut-mieux-briser-la-loi-que-briser-les-pauvres

    La sombre perspective d’économiser 27 milliards d’euros au niveau fédéral plane sur tous les niveaux de pouvoir. Cela peut donner l’impression que les dés sont déjà jetés. Que peut-on donc bien changer à l’échelle communale si l’argent manque même pour l’enseignement et les transports publics? Et si les caisses communales sont déjà exsangues et qu’une masse de personnes exclues des allocations de chômage font appel aux CPAS? Plusieurs communes – y compris celles où le PTB espère participer au pouvoir – sont sous tutelle financière régionale. Un instrument de choix pour bloquer toute mesure sociale significative.

    La seule chose possible, visiblement, ce ne serait qu’une politique à la faveur des riches. Pardon, de “l’économie”. Vous remettez ça en question? Extrémiste! Et hop: on se retrouve du coup jeté dans le même sac que l’extrême droite. Pourtant celle-ci défend exactement la même politique antisociale dès qu’elle en a l’occasion, avec une répression encore plus forte et une haine de l’autre encore plus écœurante.

    C’est la politique des partis dominants qui est à l’origine des tensions sociales, de la casse sociale, de l’aliénation qui frappe des couches grandissantes de la population et, finalement, de ce qu’ils qualifient de “polarisation”. Les services publics sont démantelés ou privatisés, y compris les soins de santé. Les promoteurs immobiliers ont les coudées franches pour faire grimper les prix du logement par la spéculation et les projets de prestige, alors que le logement social crie famine. Au lieu de développer des refuges et des services d’aide aux personnes sans-abri, on les chasse des centres-villes. Mais attention, ne cédez pas à la polarisation !

    Les politiques locales des partis dominants s’éloignent généralement de ce qui est nécessaire. La gratuité des transports en commun? Des investissements publics sérieux dans le service à la population et les infrastructures? La construction et la rénovation de logements sociaux? Le recrutement d’un personnel suffisant à des conditions correctes ? L’aménagement des villes et communes pour faire aux canicules et à la crise climatique ? “Impossible”, selon celles et ceux qui sont en place. Pour arracher ce qui est prétendument impossible, il faut développer un rapport de forces reposant sur la lutte des classes. Ce n’est pas autrement que le mouvement ouvrier a arraché le suffrage universel, la sécurité sociale ou encore la fin du travail des enfants. Tout cela était également auparavant “impossible” et menaçait la “compétitivité” des entreprises.

    A Bruxelles et Anvers, la possibilité pour le PTB d’obtenir de très bons scores sème la panique. La droite brandit à nouveau le spectre du communisme avec une rhétorique que l’on n’avait plus entendue depuis la guerre froide. La social-démocratie et les Verts accusent le PTB d’être “polarisant” et augmentent la pression en faveur de la modération. Le programme du PTB pour les communales est pourtant déjà extrêmement modéré. C’est hélas surtout lors du Congrès ou au Premier mai que l’on entend le PTB parler de changer de société. Son slogan en faveur de “coalitions du changement” place toutefois la social-démocratie et les Verts devant le choix de gouverner avec le MR ou la N-VA ou avec le PTB. Cela exprime une ambition de prendre les choses en main dans la gestion des communes, ce qui est logique avec des pourcentages supérieurs à 20%. Mais pourquoi ne pas étayer davantage le slogan en le concrétisant par des revendications claires qui partent des besoins, et en indiquant les prochaines étapes de la construction d’un rapport de force pas seulement dans les urnes, mais aussi dans la rue ?

    Une campagne en faveur d’un réseau de communes rebelles pourrait aider à mobiliser la population en faveur d’un programme basé sur les besoins sociaux et environnementaux. C’est nécessaire pour éviter qu’une “coalition du changement” ne représente en fin de compte qu’un changement de visages dans la gestion communale sans que cela ne soit sérieusement ressenti dans le quotidien de la classe travailleuse.

    Il y a un lien entre la lutte et les élections. Les manifestations de masse contre le génocide à Gaza ont joué un rôle important dans le score du PTB en juin, en particulier à Bruxelles et à Anvers. Un parti qui atteint plus de 20% dans certaines grandes villes et qui se décrit comme marxiste a également une plus grande responsabilité. Face à l’horreur de la coalition Arizona, il nous faut plus qu’une pétition telle que le propose le PTB (www.ptb.be/stop-arizona), même à un moment où l’attention est focalisée sur les élections locales. C’est en organisant les luttes et en reliant les différents mouvements sociaux les uns aux autres que l’on renforce le plus efficacement la solidarité.

    Nous sommes plus forts si nous avons également un objectif clairement défini: une société totalement différente, où la classe travailleuse exerce un contrôle démocratique sur les ressources disponibles. Cela exige le renversement de la barbarie capitaliste. Nous pourrions ainsi prendre le contrôle de notre avenir et faire passer en premier les besoins de la classe travailleuse et de la planète. Pour renforcer cette approche révolutionnaire, votre place vous attend à nos côtés.

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