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Category: Politique belge
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L’Arizona, un projet brutal contre notre classe sociale. Se révolter & s’organiser pour gagner!
C’est une fuite dans la presse qui a permis à beaucoup d’entre-nous de découvrir le scénario préparé à huis clos contre tous les travailleur.euse.s, les jeunes, les chômeur.euse.s, les malades et les pensionné.e.s de notre pays. La coalition des droites, adoubée sans sourciller par les “socialistes” du Vooruit et les “humanistes” du CD&V – Engagés, a décidé de déclarer la guerre au monde du travail, à toutes celles et ceux qui triment au quotidien pour tenter d’avoir une vie décente. Surprise, les riches seront, eux, encore une fois préservés de toute contribution au bon fonctionnement de la société.
Par Karim, délégué syndical CGSP
Il est impossible avec les 600 mots que j’ai pour cet article de lister l’ensemble des mesures que la note De Wever prévoit. J’invite tout le monde à lire les analyses des organisations syndicales, le dossier central de ce journal ou la note elle-même parce que tout l’enjeu des semaines à venir sera de discuter et de conscientiser sur l’ampleur inédite des attaques qui se préparent. Prenons le temps de décortiquer et d’expliquer à tous nos collègues ce qui se trame. C’est le premier pas pour les impliquer dans la lutte.
Le futur gouvernement espérait certainement nous diviser en s’en prenant par étapes, tout au long de la législature, à chacune de ses cibles. L’avantage que nous avons avec cette fuite est que leur projet de frapper tout le monde est maintenant évident. Au menu des attaques: réduction des budgets des services publics (déjà en piteux état), nouvelles attaques sur les pensions (l’imposition du recul de l’âge de départ à 67 ans n’est donc pas suffisante), les enseignant.e.s, les chômeur.euse.s (allez expliquer aux travailleur.euse.s licencié.e.s de chez Audi que dans 2 ans, ils se retrouveront au CPAS), les soins de santé (ils les ont vite oubliées les promesses de la crise covid), la dérégulation brutale du travail de nuit, la suppression des sursalaires pour le personnel de nuit… bref, tout le monde va y passer.
On peut affirmer aujourd’hui que la société capitaliste tout entière présente aux travailleur.euse.s un front unique. Face à cette agression d’une ampleur historique, nous devons réfléchir activement à la construction d’un front unique de notre classe. Les enjeux pour préserver nos conditions de vie doivent nous pousser à nous retrouver sur le chemin de la lutte.
Les nombreuses fermetures d’entreprises s’ajoutent à ce tableau sombre et demandent que l’on discute urgemment dans toutes les organisations du mouvement social d’une stratégie pour lutter massivement contre ce futur gouvernement et pour préserver nos conquis sociaux. Nous sommes assez sceptiques de la stratégie actuelle de la lutte syndicale chez Audi qui nous fait craindre un enterrement du combat avant même qu’il ne commence véritablement.
Pourtant, ce lundi 16 septembre, nous étions des milliers – les sous-traitants d’Audi en tête – à exprimer notre colère et notre volonté de lutter. Les discours des dirigeants syndicaux nous ont semblé défaitistes pour ne pas dire à côté de la plaque. Aucune perspective, aucune revendication qui nous amènerait à nous unifier dans une lutte de long terme face à la machine à broyer que sera cette future coalition Arizona.
Camarades, nous sommes pourtant face à une classe dirigeante qui verra ses intérêts défendus durement par un profil qui mélange un peu du pire de Thatcher et de Trump. Camarades, nous devons nous activer, discuter, mettre pression sur nos dirigeants syndicaux, les déborder si nécessaire. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre, mettons-nous en branle et prenons confiance collectivement dans notre capacité à les pousser dans les cordes.
Un personnage dont je ne retrouve plus le nom écrivait il y a longtemps que “La timidité chez l’esclave induit l’audace chez le tyran.” Ne soyons pas timides, luttons !
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Gouvernement flamand : une impitoyable offensive de droite saupoudrée de vagues promesses sociales
Lors du congrès de participation de Vooruit, samedi soir, Conner Rousseau a dû s’en prendre violemment à la N-VA pour présenter l’accord de coalition flamand comme ayant évité le pire. Il a déclaré avoir bloqué de nombreuses “vilaines idées” de la N-VA tout en renforçant les fonds alloués à l’aide sociale et aux transports publics. Mais un examen plus approfondi de l’accord de gouvernement révèle que si quelques vagues promesses sociales sont bel et bien écrites, c’est le venin de la droite qui a servi d’encre pour un texte qui repose sur la haine de l’autre et la division.
Des sanctions pour les personnes démunies, de l’oxygène pour les profits du privé
La teneur en sanctions de l’accord de coalition flamand est frappante. Des règles sont imposées pour tout et n’importe quoi. Du moins concernant les personnes qui ne sont pas considérées comme tel à part entière : les personnes au chômage, réfugiées, allocataires sociaux, dont la langue maternelle n’est pas le néerlandais… L’accès aux droits sociaux devient plus conditionnel, plus individuel et surtout lié à des exigences linguistiques. Le nationalisme linguistique comme mécanisme d’exclusion, en d’autres termes !
L’accord de coalition prévoit une “médiation et un suivi accrus” des personnes au chômage, avec des contrôles et des sanctions plus rapides. Les formations seraient lancées plus rapidement. Le rôle du VDAB (service flamand de l’emploi et de la formation) se limiterait à “orienter” le parcours et ne se chargerait plus de formation qu’en l’absence d’offre de formation privée ou semi-publique. Le secteur privé de la formation a de beaux jours devant lui ! Le suivi des personnes au chômage pourrait également se faire davantage au niveau local, avec l’extension des travaux d’intérêt général obligatoires sous le nouveau nom “d’emplois sociaux”. Il s’agit d’un emploi obligatoire après un an de chômage dans des tâches concernant les autorités locales, les ASBL et les écoles, à 4,5 euros de l’heure en plus de l’allocation de chômage. Pourquoi les autorités locales devraient-elles encore recruter du personnel à de bonnes conditions de travail et à de bons salaires alors qu’elles pourront compter sur du personnel obligatoire bon marché ? Cela met sérieusement à mal l’idée que cette expérience professionnelle soit un tremplin vers un emploi régulier.
Compte tenu de la proposition discutée au niveau fédéral de limiter les allocations de chômage dans le temps, le nouveau gouvernement flamand souhaite consacrer plus d’efforts pour s’en prendre aux bénéficiaires du revenu d’intégration. Conformément à la proposition fédérale d’une chasse aux malades de longue durée, le VDAB est tenu de réaliser 12.000 parcours de retour à l’emploi par an, ce chiffre devant être porté à 20.000 d’ici à 2029. L’idée n’est pas pour autant qu’il y aurait moins de malades de longue durée. Ce serait d’ailleurs étrange avec une politique dominante qui n’apporte aucune réponse aux raisons fondamentales pour lesquelles les gens tombent malades, la charge de travail intenable n’étant pas la moindre de celles-ci.
Les personnes dont la langue maternelle n’est pas le néerlandais sont également dans le collimateur de ce gouvernement flamand. Les nouveaux.elles arrivant.e.s de langue étrangère ayant des enfants en âge scolaire devront démontrer leurs efforts pour apprendre le néerlandais. Sans pouvoir prouver la participation d’au moins un parent à un cours, l’allocation scolaire serait supprimée. Il s’agit même du premier point de l’accord gouvernemental relatif à l’enseignement. Ce n’est qu’ensuite que la situation du personnel de l’enseignement est abordée, en termes très vagues tels que “revaloriser le statut social de la profession”. C’est très bien, mais pour cela, il faut de l’argent. Et pas un mot dans l’accord de coalition sur un plan d’investissements publics dans la formation, l’infrastructure et le personnel, ne parlons même pas d’un plan à la hauteur des nécessités. Ainsi, en ce qui concerne les infrastructures, il est seulement dit que le “rythme d’investissement sera maintenu”. En d’autres termes, il n’y aura pas de fonds supplémentaires. Les investissements massifs que le personnel de l’enseignement a réclamés au début de l’année n’auront pas lieu. Au lieu de consacrer davantage de ressources à l’enseignement supérieur, le gouvernement flamand veut limiter le nombre d’étudiant.e.s avec des examens d’entrée.
Les sanctions sont concrètes, les promesses vagues. C’est le fil rouge de l’accord de coalition. Les écoles peuvent contacter la politique sociale locale par l’intermédiaire du CLB (Centrum voor Leerlingenbegeleiding, Centre d’encadrement pour élèves en français) si “les parents ont des difficultés à assumer leurs responsabilités”. Cela suggère à nouveau que l’accent sera mis sur les sanctions plutôt que sur l’aide. Avec une politique axée sur les sanctions, il faut des petits policiers à tous les niveaux.
L’imposition de règles est complétée par le relèvement du niveau de maitrise du néerlandais obligatoire pour accéder à un logement social ou par une nouvelle pression en faveur d’une interdiction plus large du port du voile au sein du gouvernement flamand, sous prétexte que tout contact doit être perçu comme “neutre”. L’imposition de règles ne touche pas tout le monde, bien entendu. Le gouvernement veut ainsi limiter les possibilités de s’opposer aux permis de construire. Le groupe d’action Climaxi note à juste titre que “la combinaison d’un faible investissement pour le climat et d’une législation moins démocratique est pernicieuse tant pour les dossiers locaux que pour le climat international”.
Les intérêts du privé sont au cœur de l’accord de coalition. Celui-ci appelle à des politiques favorables aux PME mais, parallèlement, le gouvernement flamand souhaite examiner de près les subventions accordées aux entreprises, car elles peuvent constituer un “frein à la destruction créatrice”. C’est tout à l’avantage des grands acteurs, pas des petites structures. Cela indique clairement que les investissements publics n’ont pas d’objectif social, mais qu’ils sont orientés vers les intérêts des grandes entreprises. Il en va de même, par exemple, pour les investissements supplémentaires dans les travaux publics.
Qu’en est-il des promesses sociales ?
Les investissements supplémentaires dans l’aide sociale sont un trophée du CD&V et de Vooruit. Dix mille places supplémentaires seront ajoutées (sous conditions) dans les services de garde d’enfants. C’est moins que nécessaire, mais c’est un pas en avant indispensable. Pour le gouvernement flamand, il ne s’agit pas seulement d’un service social, mais aussi d’un “instrument important pour rendre l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée praticable”. Par ailleurs, l’accord ne contient pratiquement rien de concret sur la question de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Sans surprise, puisque la politique liée à la Petite enfance est principalement axée sur ce point, priorité sera accordée aux travailleur.euse.s.
La réduction des droits d’enregistrement pour l’achat d’un premier logement de 3 à 2 % est présentée comme une mesure visant à rendre le logement plus abordable. Toutefois, Bart De Wever a immédiatement parlé d’un “ballon d’oxygène pour le marché”, car “on construit beaucoup trop peu en Flandre”. L’entretien de liens chaleureux avec les promoteurs immobiliers débordent de toute évidence largement le niveau anversois… L’accord de coalition stipule : “En tant que gouvernement, nous facilitons le bon fonctionnement du marché immobilier et procédons à des ajustements ciblés si nécessaire.” La nécessité d’augmenter considérablement l’offre de logements sociaux n’a pas mentionnée nulle part.
Ce n’est que lorsqu’elles s’inscrivent dans une logique de profit que les mesures sociales sont plus concrètes. D’autres propositions restent très vagues. La promesse de Vooruit d’offrir à tous les élèves un repas sain à l’école, par exemple, est sévèrement édulcorée : “Si les écoles primaires et la politique sociale locale concernée veulent apporter un soutien collectif à des repas sains à l’école, elles peuvent demander un cofinancement flamand.”
Le rétablissement partiel de l’indexation des allocations familiales intervient à un moment où l’inflation est à nouveau plus faible, de sorte que rien ne changera pour l’instant. L’allocation sociale pour les parents à faibles revenus ne sera pas indexée. Et bien sûr, rien n’est dit sur le rattrapage de la perte subie ces dernières années en raison d’une indexation incomplète, une perte estimée à un milliard d’euros. Le CD&V a eu droit à un trophée, mais il n’a pas eu le droit de coûter quoi que ce soit.
Concernant les transports en commun, il est vaguement question d’élargir l’offre. En ce qui concerne les ressources nécessaires, seuls les “engagements d’investissement du contrat de services publics avec De Lijn seront respectés”sont mentionnés. Des fonds supplémentaires pour l’entretien et le remplacement ne visent qu’à “maintenir notre infrastructure à niveau”. Cela ouvre la porte à des tarifs nettement plus élevés. Avec Annick De Ridder (N-VA) comme nouvelle ministre de la Mobilité, il est clair que le service aux usagers ne sera pas une priorité. De Ridder est une opposante notoire et acharnée des transports en commun. Il y a vingt ans, alors qu’elle était encore députée libérale, elle se plaignait amèrement des nombreux “bus vides” en circulation. Cela n’augure donc rien de bon.
La réduction des droits de succession peut sembler sociale, car de plus en plus de personnes dépendent des ressources héritées de leurs parents pour leurs vieux jours. Il est frustrant de constater qu’une grande partie de ces ressources disparaît par le biais des droits de succession. Toutefois, ce n’est pas dans la classe travailleuse que les héritages sont les plus importants. Les super-riches organisent leurs héritages de manière beaucoup plus efficace et disposent de nombreuses échappatoires leur permettant de payer moins sur les montants les plus élevés. Cela renforce et accroît les inégalités dans la société ; les héritages sont généralement la principale source de richesse pour les super-riches. Selon l’accord de coalition, la réduction de l’impôt sur les successions viserait dans un premier temps les héritages de petite et moyenne importance. Ce n’est pas encore concret et il n’y a aucune mention de la manière dont les échappatoires pour les très riches seront abordées. Toute réduction de nos droits de succession sert-elle à éviter d’avoir à parler de l’énorme machine à inégalités qu’est le droit de succession tout court ?
La suppression de la prime pour l’emploi sur les bas salaires concerne 1 million de bénéficiaires sur 2,5 millions de travailleurs. Pour l’Open VLD, c’était un point central. Cette prime complétait le salaire des travailleur.euse.s sans que le patronat ait à déverser le moindre centime. Le complément va disparaître, mais aucune pression ne sera exercée sur les employeur.euse.s en faveur de salaires décents.
En ce qui concerne les titre-services, outre l’accord de coalition, il y aurait un accord informel pour en augmenter le prix et supprimer la déduction fiscale. Cela rendra les titre-services plus chers. Seule une partie limitée de ce montant sera affectée aux salaires du personnel du secteur, qui fait pourtant campagne depuis longtemps pour de véritables augmentations de salaire.
Une opposition conséquente est nécessaire face à ce gouvernement faible
Les négociations ont été difficiles et De Wever a dû être appelé à la fin pour arrondir les derniers angles. Des fuites ont fait état de confrontations amères, y compris entre les membres de la N-VA eux-mêmes (Demir contre Weyts et Demir contre De Ridder, De Wever ayant dû intervenir). L’ancien ministre président Jan Jambon (N-VA) a été débarqué depuis longtemps, et pas seulement parce que Conner Rousseau a insisté sur ce point. Certains hommes forts de la N-VA du précédent gouvernement flamand n’ont pas obtenu de bons résultats aux élections de juin dernier. La perte de la N-VA aux élections flamandes (une nouvelle baisse de 4 sièges après avoir également perdu 8 sièges en 2019) implique que Vooruit et le CD&V ont relativement plus de poids. Pour obtenir l’adhésion de son congrès, Conner Rousseau s’en est pris violemment à la N-VA. Lors des négociations, Sammy Mahdi (CD&V) n’a pas hésité à s’adresser aux médias pour faire part de ses exigences. Même s’il parvenait à atterrir avant les élections municipales, il y a peu de chances que cela devienne un gouvernement stable et cohérent.
Le manque de moyens et les crises sont nombreux dans les domaines pour lesquels le gouvernement flamand est compétent. Dans De Standaard, Marc Reynebeau déclare : “Le sous-financement a déjà transformé de nombreux joyaux de la couronne flamande, de l’enseignement aux transports publics en passant par les soins et le logement social, en cas problématiques”Le PTB note à juste titre :“Nous traversons une crise du logement, les transports publics sont défaillants et les déficits en matière de soins et d’enseignement sont énormes. Mais malgré de longues négociations, la N-VA, le CD&V et le Vooruit ne mettent guère de solutions sur la table. En revanche, ils font de vagues promesses, sans expliquer où ils vont faire des économies”.
La FGTB se dit satisfaite des investissements annoncés dans les soins de santé, les allocations familiales, les transports publics et l’enseignement, mais “se pose encore beaucoup de questions”parce que “les budgets et l’élaboration concrète restent vagues”. La CSC réagit de la même manière et met en garde contre le fait que “la marchandisation des soins n’est pas clairement arrêtée”. Le SETCA-Non Marchand se déclare “prudemment optimiste”concernant les soins de santé et le bien-être. “Un investissement d’une ampleur sans précédent dans le non marchand flamand est annoncé”, a déclaré le SETCA, tout en reconnaissant que les chiffres exacts font encore défaut. Au sujet des attaques antisociales contenues dans l’accord de coalition, les réponses des sommets syndicaux restent bien trop discrètes, pour rester poli.
Le PTB déclare : “Nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir au cours des cinq prochaines années pour imposer les investissements nécessaires dans le logement, les soins de santé, les transports publics et l’enseignement”. Il s’agit d’une bonne approche, que nous ferions bien d’étoffer par des plans d’action et des perspectives de lutte.
Les défis sont énormes, les déficits continuent de se creuser et ce gouvernement va encore les augmenter. L’accord de coalition indique clairement que les partis participants partent du principe que le gouvernement Arizona sera en place au niveau fédéral. Cela signifie de nouvelles attaques contre la classe travailleuse et toutes celles et ceux qui luttent. L’opposition ne doit pas se limiter à des déclarations fortes, nous devons nous organiser sur chaque lieu de travail et dans chaque quartier pour formuler et populariser par la lutte des revendications autour des besoins à combler. C’est ainsi que nous pourrons construire un rapport de force qui nous permettra de gagner. Si nous ne le faisons pas, nous laissons la place à toutes sortes de discours et de recherche de boucs émissaires qui vont semer la discorde et la haine tout en affaiblissant la riposte de la classe travailleuse.
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Cordon sanitaire : stop ou encore ?
24 novembre 1991, le “dimanche noir”. Le Vlaams Blok, renommé depuis Vlaams Belang, s’impose dans le paysage politique. Le parti d’extrême droite existait déjà depuis 1978, mais n’avait jamais obtenu plus de deux députés à la Chambre. Ce jour-là, il en récolte six fois plus. Sous la pression de mobilisations antifascistes de masse qui ont suivi le choc du résultat, un “cordon sanitaire” a été mis en place contre l’extrême droite. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est devenu bien poreux.
Initialement prévu comme un “cordon sanitaire politique et médiatique”, il n’est plus que politique en Flandre. Les médias dominants traitent le parti d’extrême droite comme un partenaire normal de la vie politique. Et qu’en est-il des risques de le voir monter au pouvoir après les élections communales ? Le risque de voir la N-VA conclure un accord avec le Vlaams Belang semble provisoirement écarté après les élections du 9 juin. Dans le sprint final de la campagne, Bart De Wever avait été très catégorique quant à un refus de gouvernement avec le VB à la Région. La question était tactique plutôt que de principe : en accréditant de tout son poids l’idée qu’un vote pour le VB était inutile, il est parvenu à rafler la première place. Et la tactique, ça peut très vite évoluer, d’autant plus dans un parti qui comporte des figures d’extrême droite comme Theo Francken.
La question est toujours ouverte dans certaines communes flamandes où l’extrême droite pourrait disposer d’une majorité absolue. C’est Ninove qui est au centre de l’attention, le Vlaams Belang (sous le nom de Forza Ninove) y reste stable aux alentours de 40%, mais d’autres communes pourraient également connaître des scores similaires en périphérie des grandes villes.
Du côté francophone, le cordon sanitaire médiatique n’est plus ce qu’il était. Il a aujourd’hui un caractère très relatif au vu de la place accordée aux éditorialistes et aux figures d’extrême droite diverses dans le paysage médiatique français. Ils vomissent aussi sur la Belgique francophone. Et c’est surtout le MR qui n’épargne pas ses coups de butoir dans le cadre de sa stratégie populiste de droite qui reprend et banalise des thèmes d’extrême droite.
Face à l’échec du nouveau parti d’extrême droite wallon Chez Nous aux élections de juin, pas mal de figures du parti lorgnent maintenant vers le MR, ce qui n’a rien de neuf, le parti ayant déjà accueilli de tristes individus comme l’ancien membre du Front National Georges-Pierre Tonnelier (citation issue des réseaux sociaux “bavure : balle atteignant victorieusement un ressortissant étranger”). Bouchez peut se réjouir à court terme, mais partout où cette stratégie a été adoptée, elle a conduit plus tard à l’essor de forces ouvertement d’extrême droite.
La seule conclusion qui s’impose, c’est que le cordon sanitaire est né des puissantes mobilisations antifascistes des années ’90, et que la seule manière de le renforcer ou de le restaurer, c’est de reprendre ce chemin, en le renforçant par un programme antifasciste de classe qui vise à en finir avec le terreau socio-économique sur lequel peut proliférer la haine de l’autre.
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Marche ou crève ? On ne veut pas de cette société-là!
Que négocient les partis de droite pour le gouvernement fédéral ? La FGTB qualifie la note socio-économique de l’ex-formateur Bart De Wever (N-VA) de « plus grande régression sociale depuis 80 ans ». Ce n’est pas exagéré. Aujourd’hui, c’est Maxime Prévot (Engagés, ex-CDH) qui a repris le flambeau pour donner vie à ce catalogue des horreurs.
Les partis de la potentielle coalition Arizona discutent d’une opération totale de 39 milliards d’euros en termes d’effort budgétaire sur l’ensemble de la législature (jusqu’en 2029). Ce qui représente les 27,5 milliards d’euros d’assainissement demandés par l’Europe, avec neuf milliards en plus à dégager. C’est un montant historique en termes de casse sociale, qui vient en plus s’ajouter à tout ce qui a été économisé, tout particulièrement depuis 2008 (avec accélération durant le gouvernement Michel de 2014-2019). Dans beaucoup de services publics, on a déjà coupé jusqu’à l’os. Le personnel est sur les genoux et, que ce soit dans le public ou dans le privé, nous faisons face à une épidémie alarmante de burnouts et de malades de longue durée en raison d’une charge de travail trop intense. Réponse de la droite ? « Vous n’avez pas fini de souffrir ». Et si le MR a (temporairement) tiré la prise des négociations, c’est parce que cela n’allait pas encore assez loin.
Pour faire des restrictions, les partis de l’Arizona ont proposé de s’attaquer aux pensions (2 milliards d’euros), aux sans-emploi (1,7 milliard), au mécanisme d’indexation des salaires (600 millions), aux malades de longue durée (362 millions), aux fonctionnaires (1,8 milliard), aux réfugié.e.s (1,5 milliard), à l’enveloppe bien-être des allocations sociales (1,4 milliard), aux soins de santé (300 millions), à la SNCB (200 millions)… Le plus gros morceau (3,65 milliards) est constitué d’une large réforme du marché du travail (avec entre autres la suppression de l’interdiction de travail le dimanche et le travail de nuit compté à partir de minuit seulement) qui comporte aussi la limitation à deux ans des allocations de chômage.
Tout est imbuvable, là comme dans la Déclaration de politique communautaire en FWB (avec le personnel de l’enseignement en ligne de mire) et dans la Déclaration de politique régionale pour la Wallonie. Ce que la droite veut, c’est la loi de la jungle, avec des pauvres plus pauvres, des riches plus riches, et la haine de l’autre (tout particulièrement s’il est étranger) érigée en politique d’Etat.
La lutte des classes n’a pas disparu
Si les caisses de la collectivité sont vides et que nos services publics (« le patrimoine de ceux qui n’en ont pas », pour reprendre une expression célèbre) craquent de partout, c’est que durant des décennies, avec également la collaboration active du PS et d’ECOLO, les cadeaux fiscaux et autres n’ont pas arrêté de pleuvoir sur les plus riches et les grandes entreprises. Un gigantesque transfert de moyens a été opéré de la collectivité vers le privé.
L’an dernier, une étude d’Oxfam a démontré que l’écart entre l’extrême richesse et l’extrême pauvreté se creuse de plus en plus en Belgique. Aujourd’hui, l’élite capitaliste qui compose le 1% des plus riches du pays possède plus que 70% de la population ! Allons chercher de ce côtélà les moyens qui nous manquent pour une société qui ne laisse personne de côté ! Toujours selon Oxfam, un impôt sur la fortune rapporterait 20 milliards d’euros en Belgique. Quant à la fraude fiscale, les diverses estimations (Fonds monétaire international, ministère des Finances, centres de recherches, etc.) parlent d’un manque à gagner pour la collectivité de 20 milliards d’euros.
Les trois quarts des bénéfices des plus grandes entreprises belges vont aux actionnaires (“The Inequality Dividend”, Oxfam, 2024). Et tout cet argent, ce sont les travailleur.euses qui le produit, pas les actionnaires ! La valeur créée par les travailleurs des plus grandes entreprises actives en Belgique a augmenté de 45,5 % en 2022 par rapport à 2017. Mais au cours de cette période, les dépenses par employé dans ces entreprises n’ont augmenté que de 13 %, tandis que les dividendes ont augmenté de 23 %. C’est nous qui faisons tourner le monde ! C’est à nous de décider de la manière de le faire !
Organisons la riposte !

Ne perdons pas de temps et discutons sur tous les lieux de travail de cette note de malheur et de la manière de combattre la casse sociale. Des assemblées générales de tout le personnel peuvent assurer d’impliquer le plus possible de collègues autour des délégations syndicales. Nous connaissons déjà la prochaine date de mobilisation : une manifestation nationale est prévue le 16 septembre à Bruxelles en solidarité avec les camarades d’Audi menacés par la fermeture du site. Si l’on s’attaque à l’un.e d’entre nous, on s’attaque à nous tous.tes !
L’unité dans la lutte, c’est aussi la meilleure façon de repousser les préjugés sexistes, racistes, islamophoes, LGBTQIA+phobes ou validistes qui sont distillés consciemment par la droite et l’extrême droite. Combattre chaque oppression, y compris dans nos rangs, fait partie intégrante de la construction d’une solidarité active. De sombres perspectives d’austérité s’annoncent à tous les niveaux de pouvoir, y compris dans les communes dont de nombreuses sont sous tutelle financière de la Région bruxelloise ou du Centre régional d’aide aux communes, le “FMI wallon”. Nous devrons nous battre, en tirant les leçons des faiblesses passées du combat anti-austérité, pour briser la camisole de force budgétaire, où qu’elle puisse se trouver, et pas seulement aux niveaux du fédéral et des régions.
La crise du climat et de la biodiversité illustre particulièrement bien la nécessité de la propriété publique des moyens de production. Les crises du logement, de la santé ou de la précarité au travail l’illustrent tout autant. Il ne manque pas de richesses pour un programme d’urgence sociale, mais elles sont concentrées dans les mains d’une poignée d’ultra-riches. Appliquer un tel programme nécessite de se préparer à la riposte inévitable de la classe dominante dont les intérêts seront mis en danger.
À chaque capitaliste qui essaie de s’échapper par la fuite de capitaux ou la délocalisation d’entreprises : opposons-lui l’expropriation ! Et dans ce titanesque bras-de-fer, notre classe sociale pourra brandir l’arme de la nationalisation des secteurs-clés de l’économie, sans rachat ni indemnité, et placés sous le contrôle et la gestion démocratique de la classe travailleuse et de la collectivité, afin d’élaborer une planification rationnelle et démocratique de l’économie – à commencer par le secteur bancaire et financier, mais aussi l’énergie, les télécoms, la sidérurgie, la pétrochimie,… Sur cette base les moyens seront dans nos mains pour planifier l’économie et la transition écologique.
Nous ne sortirons véritablement victorieusement de ce combat que par le renversement du capitalisme. Un changement fondamental et révolutionnaire de la société s’impose, c’est-à-dire la fin de la propriété privée des grands moyens de production et d’échange. Rejoignez nous dans ce combat urgent en faveur du socialisme démocratique.
Agenda :
- 16 septembre : Manifestation de solidarité avec les travailleur.euses d’Audi à Bruxelles. 10h, Gare de Bruxelles-Nord.
- 21 septembre : Manifestation antifasciste à Anvers contre une manifestation de Voorpost (le service d’ordre du Vlaams Belang), 14h, De Coninckplein.
- 13 octobre : Elections communales. En dépit de nos divergences, nous appelons à voter pour les camarades du PTB, nous sommes convaincu.e.s que leur résultat sera de nature à construire la confiance du mouvement social pour aller en lutte contre la droite et son programme (lire notre appel de vote).
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Élections communales. Les succès du PTB peuvent servir de tremplin aux luttes sociales
La place qu’occupe aujourd’hui le PTB est assez inédite en Europe. Les résultats électoraux du 9 juin dernier ont placé ce parti en tant que 4e parti au Parlement avec 763.340 voix, soit 200.000 voix de plus qu’en 2019. Le PTB a doublé le nombre de ses élus en Flandre, a fortement progressé à Bruxelles et, tout en subissant un tassement en Wallonie, reste une force de poids en Wallonie. Comment cela se traduira-t-il aux communales ? En tout cas, le parti vise explicitement à rentrer dans diverses majorités communales, et non des moindres.
En analysant les résultats localement, ce qui saute aux yeux, ce sont les bons résultats obtenus dans les bassins industriels, là où vivent des populations ouvrières : autour de Charleroi et de Liège, comme c’est déjà le cas depuis longtemps, mais aussi dans la zone industrielle de Gand à Zelzate, dans les communes ouvrières du Limbourg autour de Genk et de Maasmechelen, etc. Le parti se réclame le représentant de la “large classe travailleuse”, l’ambition se remarque dans les votes mais aussi dans ses élu.e.s : parmi les 50 député.es du PTB envoyés dans les parlements le 9 juin il y a 18 ouvriers et ouvrières.
Notamment Francis Dagrin, député au Parlement bruxellois, un ouvrier de chez Audi Forest qui continue depuis le début de son mandat à venir à l’usine deux jours par semaine et qui est aujourd’hui en première ligne dans le conflit pour le maintien de l’activité de l’usine. Ça, et le salaire des élu.e.s équivalents à celui d’un.e ouvrier.ère, personne d’autre ne peut s’en vanter dans les Parlements.
Cela vient d’une part d’une décision ferme du parti, mais c’est aussi une expression du taux de syndicalisation remarquable en Belgique puisqu’il figure parmi les records mondiaux. Cela n’est pas non plus sans incidence sur la stabilité du parti ainsi que sur ses éléments d’approche de classe en comparaison d’autres formations de gauche large en Europe.
La bataille d’Anvers et le combat antifasciste
Un des éléments locaux les plus frappants des élections du 9 juin est très certainement le résultat obtenu à Anvers : 22,9 %, ce qui y fait du PTB le deuxième parti, juste derrière la N-VA (25,4 %) mais aussi bien devant le Vlaams Belang (15,8%) dans une ville qui est un bastion de l’extrême droite. Filip Dewinter, figure de proue et vétéran du Vlaams Belang, n’a obtenu qu’un score de 2.500 voix de préférence ! Il paie sans doute par-là notamment la divulgation en mars dernier de sa longue collaboration (grassement rémunérée) avec l’espion chinois Changchun Shao… Quand ce dernier avait été démasqué en 2017, Filip Dewinter avait d’ailleurs tenté en coulisses d’éviter son expulsion.
Ce ne sera toutefois pas une évidence de reproduire ce succès aux communales d’octobre, ni face à la N-VA du bourgmestre Bart De Wever, après des années sans mouvements sociaux d’envergure contre la politique du collège échevinal, ni face au Vlaams Belang qui a décidé d’injecter 100.000 euros de plus dans sa campagne anversoise et qui reçoit le soutien de la marche de la haine du Voorpost organisée le 21 septembre. Le PTB a raison de souligner que “les Anversois aspirent au changement” face à la crise sociale que connaît la ville, particulièrement en termes de logements et de transports publics. Mais la campagne aura tout d’une véritable bataille, pour laquelle il ne faudra négliger aucun front.
À ce titre, et bien au-delà d’Anvers, le PTB devrait sérieusement considérer d’engager plus conséquemment ses forces dans la dynamique de la Coordination Antifasciste de Belgique (CAB), qui prévoit notamment d’organiser une contre-manifestation le 21 septembre à Anvers. À côté de la bataille symbolique d’Anvers, l’extrême droite pourrait aussi nous réserver de vilaines surprises dans la ceinture verte autour de cette ville, dans la région de la Dendre, dans les communes rurales de Flandre occidentale et en Campine. Répétons-le une fois de plus : les succès électoraux de l’extrême droite renforcent sa confiance pour passer de la parole aux actes, à l’intimidation, au harcèlement et à la violence. À cela aussi, il faut se préparer.
Des majorités de changement, mais comment ?
Le rôle de la mobilisation sociale a d’ailleurs très certainement joué un rôle dans l’excellent résultat obtenu par le PTB à Bruxelles, en solidarité avec les masses palestiniennes dans le cas présent. Le PTB y a obtenu 20,9 %, ce qui en fait le troisième parti de la capitale et même le premier parti dans les communes d’Anderlecht, Molenbeek et Saint-Gilles. Dans ces trois communes, le PTB s’est clairement prononcé pour une participation au pouvoir local et a lancé sa campagne, comme par ailleurs à Herstal et Seraing, autour du slogan “Pour une majorité de changement!”.
Mais quel type de changement ? Les trois communes bruxelloises en question sont sous tutelle de la Région bruxelloise tandis que Herstal et Seraing connaissent un plan de gestion du CRAC, le Centre régional d’Aide aux Communes qui est une sorte de FMI wallon. Autant dire que la marge de manœuvre sera considérablement limitée pour peu que l’on décide de respecter les carcans budgétaires imposés aux communes.
Alors, oui, la participation à des majorités dans des communes importantes réduira l’impact du pseudo-argument favori du PS selon lequel le PTB refuse de prendre ses responsabilités. Mais si le “changement” se limite finalement à l’une ou l’autre mesure symbolique à côté de discours musclés, c’est le fatalisme qui sortira vainqueur. Dans son bilan des élections de juin, le PTB soulignait d’ailleurs avec justesse que le PS avait semé le fatalisme en présentant des “combats importants de la gauche – tels que le retour de l’âge de la pension à 65 ans et la révision de la loi sur le blocage des salaires – comme des objectifs irréalistes ou impossibles.”
“Seul un travail à long terme permet de faire bouger les choses”, a déclaré Peter Mertens. Mais la crise sociale, elle est là, maintenant, devant nous. Nous avons besoin d’une gauche politique et syndicale ambitieuse, capable de nourrir la perspective d’un changement fondamental de société, non pas pour un avenir lointain, mais pour un futur dont la proximité dépendra surtout de la préparation consciente au combat pour y parvenir.
Le PTB pourrait lancer une campagne pour un réseau de villes et de communes rebelles, en mobilisant les travailleur.euse.s tout particulièrement communaux et la population au sens large pour appliquer un programme qui démarre des besoins sociaux et de l’adaptation des villes et communes à la crise climatique. Le point de départ devrait nécessairement être de désobéir aux diktats budgétaires imposés aux communes et de refuser de rembourser les dettes de celles-ci, sauf sur base de besoins prouvés. Ces dettes proviennent avant tout de décisions politiques qui ont laissé les autorités locales être les proies de la rapacité du système bancaire et de l’effet boule de neige des intérêts.
Nous espérons que le PTB remportera à nouveau des dizaines de conseiller.ère.s communaux, mais aussi qu’il saisira sa position renforcée dans les enceintes parlementaires et les conseils communaux non pas pour s’enterrer dans la recherche de solutions institutionnelles, mais pour construire un véritable front large de la résistance sociale. C’est aussi nécessaire pour s’engager dans la bataille idéologique urgente qui s’impose pour repousser la division et la haine de l’autre, qu’il soit chômeur ou migrant, que N-VA, MR et Vlaams Belang distillent consciemment dans la population.
Votez PTB… et rejoignez le PSL !
Ça peut sembler bien étrange d’appeler à voter pour un parti tout en étant dans un autre… Mais c’est ce que fait le PSL depuis 2013, à chaque élection. Avant cela, nous avons participé à diverses initiatives qui visaient à remplir l’espace à la gauche par une démarche unitaire orientée vers la mise en action de la classe travailleuse dans toute sa diversité.
Vous l’aurez compris à la lecture de l’article ci-dessus, nous ne manquons pas de divergences avec les camarades du PTB, tout comme il en existe également au sein de ce parti. Nous estimons que la diversité d’opinion est de nature à renforcer la gauche, grâce à un débat qui peut permettre d’affiner les propositions d’actions et de programme. Il n’en va pas autrement avec les discussions sur un piquet de grève, un des endroits de prédilection où nous rencontrons des militant.e.s du PTB. Ces débats ont par ailleurs joué un rôle important dans les récentes occupations de campus contre le génocide à Gaza, où là encore nos jeunes camarades ont collaboré avec les membres de COMAC, l’organisation de jeunesse du PTB.
En ce qui nous concerne, cela devrait pareillement être possible lors des élections. Ce n’est pas une option que considère le PTB, ce que nous savons notamment de la réponse à une question concrète posée par un camarade du PSL qui dispose d’une position syndicale non négligeable à Gand. Nous respectons cette décision et elle ne nous empêchera pas de continuer à appeler à voter en faveur du PTB. Nous sommes convaincu.e.s qu’un nouveau succès du PTB aidera à renforcer la confiance de la gauche politique et syndicale au sens large pour partir à la contre-offensive contre la droite.
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La droite a son projet de société : marche ou crève
Durant la campagne électorale, la droite a lancé une offensive contre les allocations sociales en prétendant notamment vouloir combattre le “piège à l’emploi”, le hamac pour reprendre l’expression dénigrante de Bart De Wever,selon lequel des demandeur⸱euses d’emploi ne trouveraient pas financièrement assez rentable de reprendre le travail. On connait la logique de la droite : c’est la victime d’une situation qui en est elle-même responsable.
Un mille-feuille de mensonges
Le MR et la N-VA n’ont pas cessé de taper sur l’idée qu’il fallait au moins une différence de 500 euros nets entre “travail” et “inactivité”. Trois remarques. Premièrement, c’est déjà le cas. Le service d’études de la FGTB a fait le calcul : la différence entre une allocation de chômage nette et un salaire minimum net est de 545 € pour un isolé (624 € si l’on prend le pécule de vacances en considération). Deuxièmement, rappelons-le, le montant des allocations de chômage et du revenu d’intégration dépendant du CPAS sont en dessous du seuil de pauvreté. La seule conclusion qui s’impose, c’est qu’il faut augmenter les allocations et les bas salaires. Mais la droite, comme toujours, préfère monter les un⸱es contre les autres et organiser la course vers le bas. Troisièmement, entendre le MR et la N-VA oser parler du montant des salaires, c’est tout de même très particulier puisque que ce sont les artisans du dernier saut d’index! Sur toute une carrière, un saut d’index équivaut à une année de salaire.
Autre élément martelé durant la campagne : “activer” les demandeur⸱euses d’emploi de longue durée. Christine Mahy (Réseau wallon de lutte contre la pauvreté) réagit à juste titre en soulignant : “Comme 70% des 66.000 demandeur⸱euses d’emploi de longue durée (2 ans et plus) travaillent, ce n’est pas eux qu’il va falloir activer, mais les employeurs, afin qu’ils offrent des contrats d’emploi durables ! En effet, ces 70% de travailleur⸱euses, ont chaque fois un contrat d’une durée de moins de 3 mois… et donc sont toujours comptabilisés dans le statut de chômeur⸱euses.” Le vrai problème, c’est l’emploi précaire. Et la précarisation du “marché de l’emploi”, c’est justement le projet de la droite, que l’on parle de la N-VA, du MR ou des Engagés.
Pierre angulaire de ce projet d’ailleurs : imposer des travaux d’intérêt général après 2 ans de chômage. Comme le précise Marie-Hélène Ska (CSC) : “L’Organisation Internationale du Travail est claire : le travail forcé n’est pas à l’ordre du jour et ne peut pas l’être”. Et de quels travaux d’intérêt général parle-t-on ? De celui qui est traditionnellement effectué par des ouvrier⸱ères communaux ? Plus besoin d’en engager alors. L’administration pourra les licencier et éventuellement recourir aux mêmes personnes un peu plus tard pour effectuer le même travail. Gratuitement cette fois.
S’en prendre à l’un⸱e d’entre nous, c’est s’en prendre à nous tous⸱tes
Rendre les plus précaires corvéables à merci n’est pas seulement ignoble et inhumain, c’est aussi une manière d’instaurer une pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail de l’ensemble des salarié⸱es. Toutes les études confirment d’ailleurs que s’en prendre aux allocations de chômage n’aide pas les gens à trouver un emploi. Ça les enfonce juste dans la misère. La manoeuvre vise par ailleurs également à dévier la colère sociale vers le voisin afin de protéger les quartiers chics.
Le chômage représente à peine 3 % de l’ensemble des dépenses du gouvernement fédéral. Et soyons clair, ce n’est pas cet argent qui vole vers les paradis fiscaux. Par contre, de ce côté-là, le SPF Finances estime la fraude fiscale à 30 milliards d’euros par an. D’autre part, en 2020, 383 milliards d’euros ont été envoyé par 765 entreprises belges dans une trentaine de paradis fiscaux, en toute légalité, en profitant des largesses des ministres de droite qui se sont succédé au ministère des Finances.
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L’offensive de la droite est-elle une fatalité ? Tout dépendra de la résistance sociale, de son organisation et de son programme
“Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre”, disait Spinoza. Le lundi 10 juin avait des airs de rude gueule de bois. Si l’extrême droite n’était pas première formation en Flandre, elle finissait d’un cheveu en deuxième position derrière la N-VA et se retrouvait tout de même première à l’Europe. Du côté francophone, la percée de la droite fut une désagréable surprise. L’heure est au bilan, mais dans la perspective directe de la préparation d’une lutte de classe acharnée.
Interrompre la lutte sociale pendant la campagne électorale, une erreur dramatique
Au lendemain des élections, Syndicats Magazine (FGTB) s’était entretenu avec Jean Faniel, docteur en sciences politiques et directeur général du CRISP (le Centre de recherche et d’information socio-politiques). Au milieu d’une série de remarques pertinentes, Jean Faniel soulignait que “le travail et surtout la “valeur travail” ont été accaparés par le MR et Les Engagés. (…) Certes, la droite a attaqué les travailleurs inactifs, mais visiblement, ça a payé.”(1)Cette analyse conduit à une dangereuse pente glissante, qui veut que l’on s’adapte à la rhétorique de droite au nom d’une prétendue “droitisation” de la population.
C’est vrai, la limitation dans le temps des allocations de chômage a figuré parmi les thèmes centraux de la campagne, dans tout le pays. Mais soyons clairs : quand la lutte collective ne semble pas offrir d’issue ni de perspectives de taper vers en haut, le cul-de-sac débouche sur la recherche de solutions individuelles et le déversement de la colère vers en bas. Vers celles et ceux qui sont déjà les plus démuni⸱es au lieu de la classe dominante. Les sommets syndicaux ne doivent pas chercher à éluder leurs responsabiltiés : en refusant d’organiser la lutte sociale durant la campagne électorale afin de ménager les “parti-amis”, un boulevard a été ouvert à la droite.
Se préparer au combat sans attendre
Aujourd’hui, le président de la FGTB Thierry Bodson explique que “l’on ne va pas mobiliser sur des craintes, on ne va pas mobiliser maintenant parce qu’il faut respecter le résultat des élections. On va mobiliser au moment où les gens prendront conscience de ce qu’il y a dans les programmes, et s’il y a des reculs sociaux importants, alors nous mobiliserons.”(2) Nous savons déjà qu’il va y avoir des reculs importants. Les Engagés, le MR et la N-VA sont favorables aux travaux d’intérêt général imposés après 2 ans de chômage. Leurs programmes fourmillent d’attaques antisociales aussi dure que l’introduction d’un système de pension à points, accompagnées d’une offensive sur les libertés syndicales. En Wallonie, Bouchez et Prévot ont tenu à rencontrer en premier lieu les représentants des organisations patronales flamandes Unizo et Voka. On se rappelle que Bart De Wever avait déclaré en 2010 que“le Voka est mon patron”, ce qui donne tout de suite une indication inquiétante de la teneur des discussions. Le tableau aurait été déjà bien sombre, même sans y ajouter les injonctions austéritaires de la Commission européenne.
Nous rejoignons cependant Thierry Bodson sur l’estimation qu’une mobilisation lancée à la hâte n’est pas la meilleure option. Mais nous pensons qu’il faut la préparer de toute urgence, sans attendre que le choc des attaques fasse évoluer la conscience. La grande grève générale de l’hiver 60-61 avait été précédée d’une “opération vérité” avec meetings publics et assemblées syndicales pour percer à jour les mensonges de la droite et des grands patrons, tout en préparant la classe travailleuse à la lutte. Un boxeur n’attend pas le premier uppercut pour se mettre en mouvement, pas plus qu’il n’entre sur le ring sans s’être étiré au préalable. Il n’en va pas autrement ici.
Pour quel type de combat ? Une manifestation de masse ou une journée de grève nationale pour “faire pression” ne suffira pas. Dans le magasine Knack (11 juin), Theo Francken (N-VA), le grand ami de George Louis Bouchez, a tenu à mettre les points sur les “i” : “Bien entendu, nous nous attendons à ce que la FGTB et les autres syndicats préparent déjà une série de grèves – pourquoi pas une grève de 10 jours tout de suite ? Qu’ils le fassent.” Ce qu’il nous faut, c’est un plan d’action en escalade, réfléchi et discuté largement à la base, avec des dates connues suffisamment à l’avance, où chaque mobilisation (tournée de manifestations ou de grèves par province, manifestation nationale de masse,…) prépare déjà la suivante.
“Ne perdez pas de temps dans le deuil. Organisez-vous!”
C’est ce que disait le pionnier du syndicalisme américain Joe Hill. Une des grandes différences par rapport à 2014 et la coalition de droite dure du gouvernement Michel, c’est que le PTB est aujourd’hui devenu un parti de plus de 25.000 membres, le quatrième plus grand parti au niveau fédéral, avec une progression remarquable à Bruxelles, moins marquée en Flandre et un tassement en Wallonie. Nous nous réjouissons bien entendu de ces résultats, tut en soulignant que le résultat en Wallonie est un avertissement à analyser sérieusement.
La campagne, du PTB comme celle des autres partis, s’est beaucoup jouée sur les réseaux sociaux, notamment en raison de l’impressionnante masse de primo-votants (entre 600 et 800.000 jeunes de 16 à 23 ans). Le grand inconvénient d’un tel type de campagne est qu’il entretient la passivité. La force des campagnes passées de Bernie Sanders aux Etats-Unis, de Jeremy Corbyn au Royaume-Uni ou encore de Mélenchon en France, c’était particulièrement cette dynamique de meetings de masse qui cherchaient à transformer le soutien passif en activisme et pas seulement en recrutement.
Le PTB a obtenu des résultats plus appréciables dans les villes, où résident des couches populaires, mais aussi où des luttes sociales existent. Comme à Anvers, le bastion du Vlaams Belang, où le PTB est parvenu à dépasser Tom Van Grieken et ses sbires pour atteindre la deuxième place avec 22%. La dynamique de lutte autour de Gaza et la place qu’y occupe le PTB n’y est pas étrangère.
Pour optimiser au maximum le résultat des élections de juin dans celles d’octobre, se plonger sans équivoque dans le débat sur la stratégie à adopter contre la droite sera crucial. Mais il faut plus. Il faut l’essentiel. Il faut un programme de transformation de toute la société. Si nous ne rejoignons pas Thierry Bodson sur l’ensemble de son analyse précitée, il a raison sur un point fondamental : “La gauche n’avait pas de projet de société, juste une compilation de mesures.” A force de vouloir se montrer respectable, le PTB a pu passer pour un parti à la gauche du PS sans en être fondamentalement différent.
Le programme de la gauche radicale doit partir des nécessités sociales, pas de ce qui serait permis par les institutions du capital. Nous ne devons pas faire de concession à leur discours : tout pointe vers l’urgent besoin d’un autre système de production. Ça, c’est le véritable “choix de la rupture”. Le chemin est encore long, mais la meilleure manière de convaincre du sérieux de la gauche radicale, c’est d’être clair quant à la destination, celle du socialisme démocratique, celle d’une véritable démocratie qui est aussi une démocratie économique, où les producteur⸱trices de richesses décident ensemble de leur utilisation. A ce titre, les actions de la campagne d’activistes et de syndicalistes de Bruxelles “Commune colère”(3), qui défendait la “socialisation des biens communs” tels que l’énergie, est une excellente source d’inspiration.
Nous avons besoin d’une campagne de combat vers les élections d’octobre – de la part de la gauche politique et syndicale – qui développe notamment comment des “communes rebelles” dirigées par coalitions de gauche pourraient constituer des avant-postes de la résistance sociale face à l’austérité décidée aux autres niveaux de pouvoir.
1) Jean Faniel: “Une gauche qui n’a pas fait rêver”, syndicatsmagazine.be, 18 juin.
2) Thierry Bodson (FGTB) : “Certains citoyens vont vite comprendre qu’on leur a vendu du rêve, et qu’ils ont été trompés sur la marchandise”, interview de Thomas Gadisseux sur La Première, rtbf.be, 17 juin.
3) commune-colere.be
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L’extrême droite à l’offensive… contre des enfants et des familles
La progression de l’extrême droite aux dernières élections a donné de l’assurance à des groupes et des individus en marge du Vlaams Belang ou du Rassemblement national français. Cela n’est pas sans conséquences : les incidents violents se multiplient. Comme on pouvait s’y attendre, l’extrême droite ne s’attaque pas aux responsables des inégalités. Elle refuse de s’en prendre aux ultra-riches et à la machine à profits. L’extrême droite est bien trop occupée à traquer les sans-abri, les personnes issues de l’immigration ou même les familles avec enfants.
Le groupe Voorpost à l’offensive contre des familles avec enfants
Le groupe Voorpost fait régulièrement office de service d’ordre officiel du Vlaams Belang et des organisations apparentées, ce qu’il aime faire en uniforme avec une chemise bleue. Le 30 juin, il a fait campagne dans un refuge pour demandeur.euses d’asile à Zutendaal, dans le Limbourg. Les membres de Voorpost ont envahi le bâtiment alors que cinq familles avec enfants s’y trouvaient. Ils ont pris position sur le toit et ont intimidé les résident.es avec fusées éclairantes et fumigènes. La Croix-Rouge, qui gère le centre d’asile en question, a annoncé qu’elle porterait plainte pour intrusion et dégradation de biens.
Des témoignages de personnes séjournant dans le centre d’asile au moment de l’attaque ont été diffusés dans les médias. Une mère accompagnée d’un bébé de sept mois a déclaré qu’elle était « terrifiée » à l’idée qu’ils « reviennent et mettent vraiment le feu au bâtiment ». Ces craintes ne sont pas sans fondement. En 2019, un incendie s’est déclaré dans un futur centre d’asile à Bilzen. L’incendie s’est déclaré, non sans coïncidence, après une réunion du Voorpost, qui avait déjà fait campagne contre ce centre d’asile, avec le soutien public du Vlaams Belang. L’homme arrêté, accusé d’incendie criminel, est un dirigeant local de Voorpost et était actif au sein de la section du Vlaams Belang à Zutendaal au moins jusqu’en 2006. C’est cette même haine que l’on voit à nouveau à l’œuvre aujourd’hui.
Voilà donc « l’offensive » que Voorpost représente : lancer des fusées éclairantes et des bombes fumigènes sur des familles avec de jeunes enfants.
Le groupe d’extrême droite défend que ce nouveau centre d’asile serait source de nuisances diverses. Les voisins, quant à eux, pensent surtout à l’ancien bâtiment en termes de nuisances, un hôtel qui accueillait des fêtes bruyantes et appartenait à un membre du Vlaams Belang. Quelles nuisances peuvent donc bien accompagner l’arrivée de quelques familles avec enfants ? La véritable nuisance, elle provient des incendiaires du Voorpost.
Le 21 septembre, Voorpost prévoit de manifester à Anvers en faveur de la « remigration » et contre le « grand remplacement ». Il affirme clairement son soutien aux plans de déportation sauvages de néo-nazis tels que Martin Sellner. Ses projets de déportation avaient fait l’objet de manifestations de masse en Allemagne au début de l’année, pays où l’idée de déportations de masse a naturellement de très sombres résonances.
Paris : un sans-abri abattu
La France a également connu une augmentation des incidents et des violences racistes au cours de ces dernières semaines. Des militants d’extrême droite ont attaqué un groupe de jeunes homosexuels. À Bobigny, un policier hors service a abattu un sans-abri. Ce dernier avait cherché refuge dans un garage près de la maison de la grand-mère du policier. Celui-ci lui a tiré sept balles dessus, dont une en pleine tête. L’agent a d’abord pris des photos du cadavre avant d’alerter ses collègues. Le fait que le sans-abri soit d’origine nord-africaine a évidemment joué un rôle. Il s’agit sans aucun doute d’un crime raciste.
La montée de l’extrême droite et la normalisation de la haine de l’autre qu’elle représente entraînent inévitablement une augmentation des violences. Ses victimes sont avant tout des personnes en difficulté, des demandeurs d’asile aux sans-abri. Les personnes qui subissent les différentes formes d’oppression, telles que les personnes LGBTQIA+, sont également délibérément visées. Voilà le véritable visage de l’extrême droite. C’est aussi la raison pour laquelle une résistance antifasciste combative est nécessaire !
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La droite va de l’avant : la classe travailleuse doit se préparer à la bataille !
Le résultat des élections permet à la droite de gouverner en Flandre, en Wallonie, au niveau fédéral et à Bruxelles, même si la question y est là pour l’instant plus complexe La victoire du MR est historique et porte une véritable claque au PS. Mais les libéraux flamands de l’Open VLD ont parallèlement reçu un uppercut. Les Verts ont été éliminés, même si Petra De Sutter – ministre chargée de la fonction publique et des entreprises publiques et première femme trans ministre en Europe – a réussi à elle seule à maintenir Groen au-dessus du seuil électoral grâce à son profil concernant les droits LGBTQIA+ face aux attaques de l’extrême-droite. Le fait que le Vlaams Belang soit resté en deçà de ce que laissaient entendre les sondages procure chez beaucoup un sentiment de soulagement. Mais le sentiment est mitigé : un résultat de 22 % est particulièrement élevé tandis que les politiques de droite à venir renforceront inévitablement la haine de l’autre, un tremplin pour l’extrême droite dans toutes les régions du pays. Heureusement, il y a les résultats du PTB/PVDA, qui dispose dorénavant d’élu·es dans toutes les provinces flamandes et a enregistré d’excellents résultats à Anvers et à Bruxelles. Ailleurs, il est toutefois resté en deçà des attentes après une campagne dont l’accent était mis sur le fait de constituer un gouvernement et qu’en réponse le PTB/PVDA s’est dit prêt à entrer en coalition. Mais la classe travailleuse dans toute sa diversité n’a pas, par son entrée en action, suffisamment imprimé son empreinte sur ces élections.
Un système en faillite qui ne laisse d’autre issue que la lutte
Nous qualifions l’époque actuelle « d’Ere du désordre ». Les crises s’accumulent, se renforcent les unes les autres et semblent insurmontables, de la crise climatique aux inégalités sans précédent, en passant par l’instabilité croissante accompagnée de conflits et de guerres. Ces questions sont loin d’être abstraites. Elles pèsent sur les poches et les perspectives immédiates de la classe travailleuse, d’autant plus à la suite d’une période d’augmentation rapide des prix et alors que les services à la population craquent de toutes parts.
Pendant longtemps, la classe dominante belge a délaissé ses outils de représentation, au point de ne plus pouvoir compter que sur le PS comme parti stable et fiable, mais imposant un plus lent rythme de contre-réformes antisociales. Du côté francophone, ces élections ont marqué un changement avec l’engagement physique dans la campagne de quelques poids lourds de la classe dominante, comme Olivier de Wasseige (ex-patron de l’Union wallonne des entreprises) et Yvan Verougstraete (fondateur de Medi-Market, chaîne de pharmacies et de magasins parapharmaceutiques) chez Les Engagés ou encore Olivier Willocx (ex-patron de BECI, Brussels Entreprises Commerce and Industry) au MR. Par ailleurs, pas moins de quatre anciens recteurs d’universités se sont portés candidats : Yvon Englert (ULB) pour le PS, Vincent Blondel (UCLouvain) pour Les Engagés, Naji Habra (UNamur) pour Écolo et Pierre Jadoul (Université Saint-Louis) pour le MR. La classe dominante peut se réjouir d’avoir repoussé certains éléments conjoncturels de cette crise de la représentation, mais les fondamentaux de celle-ci – la faillite de la politique dominante à répondre aux contradictions du système de production – vont à nouveau se traduire au niveau politique dans la période à venir.
On peut avoir le sentiment que la gauche échoue à relever ces défis. Cela ne provient pourtant pas de politiques trop à gauche, mais au contraire précisément de l’absence d’un programme et d’une approche qui se confronte au cœur du capitalisme : la propriété privée des moyens de production. « Mieux gérer » un capitalisme en déclin ? Peu de gens y croient. Cela permet à l’extrême droite d’être parfois perçue comme plus « évidente ». La droite et l’extrême droite n’ont fondamentalement aucune réponse. Elles vont dans le sens du courant d’une société qui repose sur les oppressions et l’exploitation. Mais elles adoptent une position ferme et intransigeante, tandis que la gauche radicale se limite trop souvent à de modestes ajustements de la situation actuelle ou à la simple préservation des conquêtes sociales arrachées dans le passé.
Cette approche est insuffisante, très certainement dans le domaine électoral dont le fonctionnement s’est construit au fil du temps pour être dominé par l’idéologie de la classe dominante. Nos conquêtes sociales n’ont jamais été obtenues par des discussions polies lors de la formation de coalitions ou durant des négociations nocturnes entre politicien·nes. Elles sont nées du combat de la classe travailleuse, dans la rue et les usines, quel que soit le gouvernement en place.
La force potentielle de la classe travailleuse organisée a une fois de plus été démontrée par sa participation massive aux élections sociales de mai, mais elle n’a été qu’à peine exploitée lors des élections politiques. Cela souligne toute l’importance de défendre sur les lieux de travail, particulièrement durant les élections sociales, un syndicalisme de combat qui dépasse le cadre strict de l’entreprise et qui n’hésite pas à défendre une vision de la société qui repose sur les intérêts de notre classe.
Ce n’est pas l’agenda de la classe travailleuse qui a dominé les débats politiques, mais la course à la popularité que se livrent les diverses figures des partis. Heureusement, le PTB/PVDA a fait entendre un différent son de cloche ces dernières années, ce qui explique notamment la place qu’a occupé le thème de la taxation des grandes fortunes durant une partie de la campagne. Des actions syndicales ont eu lieu, comme les manifestations et grèves de l’enseignement néerlandophone ou les actions et grèves du personnel des administrations locales et régionales bruxelloises. Ces actions n’ont hélas pas été suffisamment généralisées pour placer les intérêts de la classe travailleuse au centre de l’actualité politique tout en construisant un rapport de force permettant d’imposer de nouveaux acquis sociaux pour répondre aux besoins existants.
Maximiser l’espoir apporté par le PTB/PVDA
Le PTB/PVDA a obtenu de bons résultats dans les villes, en particulier à Anvers et à Bruxelles (mais aussi à Genk, Vilvorde et ailleurs). Pour la première fois, le PTB/PVDA a obtenu des élu·es dans toutes les provinces flamandes. Avec 22 %, le PTB/PVDA d’Anvers a fait un pied de nez au Vlaams Belang. Il démontre ainsi sa capacité à stopper l’extrême droite. A Bruxelles, le PTB/PVDA devient le troisième parti avec plus de 20%. A Liège et à Charleroi, le PTB/PVDA se maintient largement autour de 20%. Mais il est toutefois indéniable qu’il y a eu un léger recul en Wallonie et que les attentes étaient plus élevées en Flandre.
Parmi les points forts en Flandre, il y a eu la popularité de Jos D’Haese, numéro un incontesté de son parti, mais aussi la colère concernant Gaza. Les mobilisations nationales et locales successives contre l’horreur qui frappe Gaza continuent de rassembler des milliers de personnes et, à chaque fois, le PTB/PVDA y participe activement et de manière proéminente. C’est une indication précieuse quant à la façon dont la lutte sociale peut façonner l’agenda politique. C’est très clairement un élément décisif pour un parti de gauche.
Dans les débats sur les questions sociales, Raoul Hedebouw s’est toujours distingué et a popularisé des positions de gauche. Son impact est réel, mais cela peut rester trop limité sans être lié à l’action et à un mouvement social qui occupe les rues. Dans le débat sur les droits des personnes LGBTQIA+, ciblés par le Vlaams Belang ces dernières semaines, le PTB/PVDA n’a malheureusement pas été très présent. Ce domaine a été laissé à Petra De Sutter, celle-ci s’étant toutefois essentiellement limité à défendre les droits déjà acquis sans défendre de façon offensive l’obtention de nouvelles avancées.
Le PTB/PVDA a fortement insisté sur le fait qu’il était prêt à co-gouverner et qu’un vote en sa faveur était donc un vote utile. Le fait de lier l’utilité d’un vote à la participation au pouvoir répondait aux critiques formulées, tout particulièrement formulées par le PS, mais l’accent était insuffisamment mis sur l’importance de la lutte et la construction d’un rapport de force par l’entrée en action de la classe travailleuse. Tout au long de la campagne, le PTB/PVDA a été critiqué à plusieurs reprises sur la « faisabilité » de ses mesures. Mais d’autres partis ont été forcés de reprendre des revendications telles que l’impôt sur la fortune.
L’absence d’une campagne largement mobilisatrice à l’image de ce qu’ont pu faire dans le passé Mélenchon (France), Jeremy Corbyn (Royaume-Uni) et Bernie Sanders (Etats-Unis) – avec de grandes manifestations et des meetings de masse qui cherchaient à transformer chaque spectateur·trice en militant·e – a fait que le PTB/PVDA a été trop perçu comme un parti de gauche comme les autres, avec un côté plus tranchant, mais pas trop non plus, afin de ne pas rendre impossible la participation à un gouvernement. L’interaction entre la position électorale de la gauche et les mouvements sociaux est essentielle. Le rôle des manifestations de solidarité avec les masses palestiniennes dans le résultat du PTB/PVDA en est une expression. A ce titre encore, une occasion a été manquée lors de l’annonce des résultats ce dimanche d’appeler à la constitution d’un large front de résistance contre la droite et la grave menace qu’elle représente.
Dans la perspective des élections communales, l’important est de consolider les progrès du PTB/PVDA et d’aller au-delà au niveau local, avec une approche inclusive visant les activistes qui veulent y contribuer et une orientation sur les luttes et les mouvements sociaux. Le PSL/LSP appelle à voter pour le PTB/PVDA depuis 10 ans, y compris lors de cette campagne. Lors des élections locales, nous sommes prêt·es à jouer un rôle plus important, par exemple par le biais de moments de campagne communs et/ou en présentant des candidats sur les listes du PTB/PVDA . Le meilleur résultat possible du PTB/PVDA en octobre peut jeter les bases d’un front de communes rebelles qui joueront un rôle important dans la lutte contre les gouvernements de droite qui se préparent actuellement à différents niveaux de pouvoir.
Quand il ne s’agit pas d’idéologie, c’est un combat de coqs
Du côté néerlandophone, la campagne a été dominée par une poignée de têtes de liste. La défaite de l’Open VLD n’en est que plus frappante. Pour De Croo, c’est fini, c’est la fin d’une époque. Une remise en question interne est inévitable dans ce parti, Lachaert, entre autres, étant déjà prêt à revenir sur le devant de la scène grâce à ses bonnes relations avec Bouchez et le MR. La focalisation sur quelques figures de proue est en soi une expression de la méfiance à l’égard de la politique. Cette défiance se reflète également dans le nombre record d’électeur·trices resté·es à la maison : un peu plus d’un million de Belges n’ont pas voté, soit 100.000 personnes de plus que lors des dernières échéances électorales.
La plus grande surprise du côté néerlandophone a été la « défaite victorieuse » du Vlaams Belang, alors que la N-VA a tenu bon. Cela aussi est sans aucun doute fortement lié aux dirigeants. Bart De Wever n’a cessé d’affaiblir le président du Vlaams Belang Tom Van Grieken lors de débats et d’émissions télévisées, tout en se montrant très critique à l’égard de la coalition fédérale Vivaldi et de l’Open-VLD en particulier. Les dirigeants flamands de la N-VA n’ont pratiquement pas été mentionnés. Il y a une différence de 1,7% entre les résultats fédéraux et flamands de la N-VA, avec une progression au niveau fédéral à 25,6% mais un déclin à 23,9% au niveau flamand. Le nombre de votes préférentiels du Ministre-président flamand Jan Jambon dans la province d’Anvers a diminué de moitié. Le ministre flamand de l’enseignement Ben Weyts fait beaucoup moins bien dans le Brabant flamand que Theo Francken au niveau fédéral. Seule Zuhal Demir fait exception, mais elle n’est pas considérée comme responsable des politiques désastreuses en matière d’enseignement, de soins de santé et de transports publics à la région flamande. Le gouvernement flamand sortant dirigé par Jan Jambon et la N-VA a dans les faits perdu sa majorité le 9 juin.
Alors que presque tout le monde a suivi un chemin bien tracé, avec toujours les mêmes arguments et les mêmes fiches de débat, Bart De Wever a marqué des points en soulevant régulièrement de nouveaux arguments et de nouvelles thématiques tout en maintenant le cap des attaques contre le Vlaams Belang et la Vivaldi, afin de détourner l’attention du bilan désastreux du gouvernement flamand dirigé par la N-VA. Seule Petra De Sutter s’est distinguée dans les débats en défendant fermement les droits des LGBTQIA+, alors que l’extrême droite en a fait un thème, avec lequel celle-ci s’est d’ailleurs en partie tirée une balle dans le pied. Bart De Wever l’a compris plus vite que Tom Van Grieken, et il a soigneusement pris soin d’éviter de mentionner son livre « Woke », dirigé contre toutes les personnes qui se battent contre les oppressions.
En poussant le Vlaams Belang en deuxième position et en lui permettant de se maintenir, Bart De Wever a pu se présenter en vainqueur face à ses partisans le soir de l’élection. Entre-temps, le Vlaams Belang a réalisé un score énorme de 22% et est devenu le plus grand parti dans les provinces de Flandre occidentale, du Limbourg et de Flandre orientale. En outre, le VB a obtenu des scores élevés en Campine. Les sondages annonçaient un dimanche noir. Même si le résultat final est plus limité, cela reste un dimanche très sombre. Le VB a progressé et est plus présent, y compris parmi la jeunesse et dans les zones rurales. Aux élections européennes, où le vote tend à être moins « pragmatique » parce que le niveau européen est loin de nos esprits, il est devenu le premier parti. Avec le renforcement de l’extrême droite dans le reste de l’Europe, cela renforcera la haine de l’autre, notamment vis-à-vis des personnes LGBTQIA+. L’extrême droite représente un danger pour les personnes issues de l’immigration, pour les personnes LGBTQIA+, pour les féministes, pour les syndicalistes… La protestation antifasciste reste plus que nécessaire !
Par ailleurs, l’idée que la droite puisse ériger un barrage contre l’extrême droite est une illusion. Le résultat du Rassemblement National et de Jordan Bardella en France (plus de 30 %) est révélateur à cet égard. Macron a immédiatement convoqué de nouvelles élections législatives, en capitulant ainsi devant l’extrême droite, ce qu’il n’était pas prêt à faire lorsqu’une grande majorité de Français·es a mené ou soutenu des mois d’actions et de grèves contre sa réforme des retraites. L’establishment préfère expérimenter avec l’extrême droite plutôt que de céder face au mouvement des travailleur·euses. Mentionnons d’ailleurs à ce titre les diverses rencontres organisées durant la campagne des européennes entre le président du Rassemblement national et diverses organisations patronales (Medef, Confédération des PME, Union des entreprises de proximité (U2P), France Invest). La volonté d’au moins une partie des Républicains de former une alliance avec Marine Le Pen complète la faillite de l’espoir que la droite traditionnelle constitue un barrage contre l’extrême droite.
Chez Vooruit, la répartition des tâches a été soigneusement choisie entre Melissa Depraetere et Conner Rousseau, ce qui a permis d’obtenir un bon résultat et une avance par rapport au résultat désastreux de 2019. Les mesures sociales limitées sous la Vivaldi (maintien de l’index et de la pension minimum de 1.500 euros) ont été revendiquées, mais sans défendre trop durement le gouvernement en soi. Cependant, l’enthousiasme n’aura pas été le même partout ; dans les villes de Bruxelles et d’Anvers, il n’y avait guère de raisons de se réjouir avec Vooruit. A Bruxelles, le départ de Fouad Ahidar a provoqué un exode. La participation de De Wever à la coalition anversoise a donné lieu à des querelles internes et à une méfiance généralisée de la part des électeur·trices. La participation au gouvernement semble être l’objectif de Vooruit, mais il ne fait aucun doute que Vooruit et le CD&V (qui a pu éviter le résultat des sondages les plus désastreux) réfléchiront au sort qu’a connu De Croo.
Le populisme de droite trouve de la place en Wallonie
Le MR a de plus en plus cherché une trajectoire de populisme de droite avec pour seule certitude la recherche de controverse par Georges-Louis Bouchez. Bien que cela ait poussé une partie des électeur·trices vers Les Engagés, l’espace pour un tel type de vote s’est avéré très important en Wallonie. A cela s’ajoute la popularité des têtes de liste comme Sophie Wilmès (renforcée par la sympathie suscitée par la perte de son mari en 2022, après laquelle elle a démissionné de son poste de ministre des affaires étrangères), qui a attiré jusqu’à un demi-million de voix de préférence sur la liste à l’Europe. La progression du MR était annoncée, mais personne ne la voyait aller vers les 30 %. Durant la campagne, Bouchez n’a pas été le seul à faire des déclarations fracassantes calculées. Pierre-Yves Jeholet, ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, s’est distingué par une déclaration raciste à l’encontre de Nabil Boukili (PTB/PVDA). Au sujet du voile, Jeholet a déclaré que Nabil Boukili n’avait pas à rester en Belgique s’il ne s’y plaisait pas. Une fois de plus, l’extrême droite n’a pas réussi à percer en Wallonie, mais cela s’explique notamment par l’orientation de plus en plus populiste du MR. Cela peut créer une certaine image anti-establishment, qui a rapporté des voix au parti de Bouchez. Mais le MR a normalisé des thèmes chers à l’extrême droite, ce qui peut lui ouvrir la porte à un stade ultérieur.
Heureusement, ce n’est pas encore le cas. Le parti d’extrême droite wallon Chez Nous n’a pas pu répondre aux attentes initiales. Les liens avec le Rassemblement national de Le Pen ont été gravement perturbés et les activités publiques ont continué à se heurter aux manifestations antifascistes. Néanmoins, les scores sont de 6 % à Flemalle, 5,5 % à Seraing, 5,4 % à Charleroi, 5,2 % à Herstal et 4,6 % à La Louvière. Cela ne rapporte aucun siège, mais cela ne doit pas faire oublier l’avertissement.
Le deuxième gagnant en Wallonie est Les Engagés de Maxime Prévot. L’ancien CDH a dû faire des paris pour survivre et se remettre sur pied. Il est parvenu à s’imposer comme un parti centriste fiable à un moment où le MR devenait populiste. Avec l’effondrement d’Ecolo, cela a créé une dynamique dont Les Engagés ont tiré le meilleur parti lors de ces élections. Les négociations avec le MR pour les gouvernements régionaux ont commencé immédiatement. Prévot laisse la porte ouverte à une coalition fédérale avec la N-VA et renforce les liens avec le CD&V. La poursuite d’une politique d’austérité sévère pourrait cependant rapidement saper la popularité retrouvée des Engagés.
À gauche, la perte est la plus importante est pour Ecolo, qui diminue de moitié pour atteindre 7 %. Les Verts recyclent leurs précédentes défaites électorales, lorsqu’ils avaient également été durement sanctionnés après leur précédente participation au gouvernement, celle-ci surpassant même celles de 2003, 2004 et 2014. Quelles leçons pouvons-nous en tirer ? Le climat reste une question clé, car la crise climatique s’accélère et entraîne une augmentation des cas de conditions météorologiques extrêmes. Les tentatives de faire avancer les choses dans les limites de la politique dominante échouent manifestement. Attribuer la défaite au profilage autour de questions telles que les droits des LGBTQIA+ plutôt qu’à la question centrale du climat est superficiel et contredit les résultats de Petra De Sutter et de Groen en Flandre.
Les dégâts numériques pour le PS sont « limités » à 3%, mais en raison de la forte croissance du MR, ils sont beaucoup plus importants. Même à Bruxelles, où le PS s’est maintenu avec 22% et où le dirigeant Ahmed Laaouej est le plus populaire, la croissance du MR donne l’impression d’une défaite pour le PS, certainement avec le passage aux libéraux de l’électorat de trois communes du Nord ouest de Bruxelles, Berchem, Jette et Ganshoren.Il n’était plus possible pour le PS de se profiler en tant qu’opposition au sein du gouvernement, il a été dépassé par Bouchez dans ce domaine. Le PS a perdu non pas parce qu’il a mené des politiques trop à gauche, mais parce qu’il n’a pas apporté de réponses aux besoins sociaux après des années de pouvoir. Cela a incité de nombreuses personnes à voter pour « quelque chose d’autre », y compris dans les vieux bastions rouges de la dorsale wallonne.
Le PTB/PVDA a perdu 1,6 % en Wallonie. Le parti se maintient largement dans les grandes villes, avec 20 % à Liège et à Charleroi, mais il ne pourra pas tenir le reste de la progression en 2019. Au final, c’est beaucoup moins que les sondages qui plaçaient parfois le PTB/PVDA à 20%. La percée de 2019 est en partie le fruit de la popularité de Raoul Hedebouw, qui rayonne désormais sur l’ensemble du pays. En outre, cette avancée est intervenue dans le sillage d’importants mouvements sociaux contre le gouvernement de droite de Michel et contre les attaques sur les pensions. Il convient d’examiner les raisons du déclin du côté wallon. Une approche purement électoraliste autour d’un programme minimal est trop limitée. La campagne électorale serait plus forte avec un plan d’action combatif incluant la classe travailleuse dans toute sa diversité.
Une, deux ou trois démocraties ?
À première vue, le résultat semble faciliter les choses. Une majorité autour de la N-VA est possible en Flandre avec Vooruit et le CD&V. En Wallonie, le MR et Les Engagés obtiennent une majorité. Toutefois, les choses ne sont pas aussi simples en Belgique. Après tout, il y a aussi Bruxelles, où les résultats sont différents du reste du pays. Du côté francophone, le MR est le plus important, mais le PS se maintient et le PTB/PVDA marque des points. Les Engagés progressent dans la capitale, mais restent bloqués à 10%, ce qui empêche le MR et Les Engagés d’obtenir la majorité. Du côté néerlandophone, le court-circuit institutionnel avec une majorité du VB et de la N-VA a été évité. C’est Groen et l’équipe d’Ahidar qui l’emportent, ce qui ne correspond pas non plus au résultat flamand. La formation d’un gouvernement bruxellois sera de toute façon un défi.
Le résultat de Bruxelles met à mal la rhétorique des « deux démocraties » en Belgique. Les différences entre Bruxelles et le reste du pays se sont creusées. En outre, il n’est plus question d’une « Flandre de droite » contre une « Wallonie de gauche », puisque la droite a également gagné en Wallonie (et ce, sans que les listes wallonnes de la N-VA ne cassent la baraque). Cela met à mal le principal argument de la N-VA sur la nécessité d’une réforme de l’État. En outre, il existe de grandes différences entre les résultats obtenus dans toutes les grandes villes et ceux obtenus dans le reste du pays.
Cela n’est pas négligeable si un gouvernement est bientôt formé. Depuis des semaines, De Wever plaide en faveur d’un « mini-cabinet » pour remettre de l’ordre dans le budget, en fait un gouvernement d’austérité socio-économique qui met de côté le communautaire pendant un certain temps. De Wever considère ce « mini-cabinet » comme une coalition réfléchie des gouvernements régionaux. Avec les résultats divergents à Bruxelles, cela devient plus difficile. En outre, la forte progression du MR et des Engagés soulève la question d’un gouvernement de droite à part entière. S’il n’est pas présenté comme un « mini-cabinet », la question d’une réforme de l’Etat se pose inévitablement. Au niveau communautaire, cependant, la N-VA et les partenaires potentiels de la coalition sont très éloignés l’un de l’autre.
La droite est prête à attaquer
Les obstacles à la formation d’un gouvernement sont nombreux. La victoire de la N-VA et du MR peut jeter les bases de gouvernements flamands et wallons, mais Bruxelles reste une difficulté. Tant en raison de ses résultats qu’en raison des énormes défis que posent les politiques qui font dérailler les déficits sociaux. Un gouvernement fédéral reste également difficile, même si la droite est prête à lancer l’attaque contre notre niveau de vie et nos services publics.
Pour la N-VA, 30 milliards peuvent être économisés en s’intéressant entre autres aux soins de santé, à l’accueil des migrant·es, aux salarié·es, aux chômeur·euses et aux malades de longue durée, etc. Limiter les allocations de chômage dans le temps peut être la mesure la plus facile pour une future coalition, mais cela déplace principalement le problème vers les revenus d’intégration. « Activer » les malades de longue durée semble facile, mais comment remettre au travail une personne qui ne peut plus travailler ? Comment retirer 4,5 milliards aux soins de santé, comme le souhaite la N-VA, alors que ce secteur croule sous le manque de moyens ?
Pourtant, les coups durs se préparent et la droite bénéficie d’une position parlementaire pour les mener à bien. La classe travailleuse ne doit pas se réduire au rôle de spectateur passif. Il s’agit de nos salaires, de nos allocations, de nos services publics… Il s’agit d’attaques contre certains groupes de la classe travailleuse, comme les chômeur·euses ou les migrant·es, et nous savons que les attaques menées contre les plus faibles sont ensuite généralisées. Pour compléter la campagne d’austérité, la droite pourrait également préparer de nouvelles privatisations et bradages des ressources publiques. Il ne fait aucun doute que de nouvelles attaques sévères contre le droit à l’action collective et les libertés syndicales seront à l’ordre du jour, afin d’affaiblir la résistance sociale.
Résister à ces attaques commence aujourd’hui. Le dimanche 16 juin aura lieu une manifestation nationale contre l’extrême droite, une mobilisation antifasciste qui défendra explicitement des revendications sociales (13h, Mont des Arts à Bruxelles). L’initiative vient de la Coordination Antifasciste de Belgique (CAB) et est soutenue par la FGTB et la CNE, entre autres. Cette campagne a également montré l’importance d’une lutte active pour les droits des personnes LGBTQIA+ face à la menace de l’extrême droite. La manifestation « Pride is a protest » qui se déroule à Gand le 30 juin soulignera à nouveau cela. Sous le slogan « Pas de Pride pour certain·es sans libération pour tou·tes », cette mobilisation s’opposera à la droite ainsi qu’au génocide à Gaza et exigera plus de moyens publics pour l’enseignement et les soins de santé. De telles initiatives sont absolument nécessaires et ne sont qu’un précurseur de la protestation sociale nécessaire contre les gouvernements de droite qui risquent d’être formés.
Il est possible que certains soient découragés par les résultats. Cependant, rappelez-vous comment une agitation sociale massive a ébranlé le gouvernement de droite de Michel et De Wever en 2014 et a jeté les bases des percées ultérieures du PTB/PVDA. Un plan d’action en escalade a alors été mis en place pour aboutir à l’une des grèves générales les plus fortes de l’histoire du mouvement ouvrier belge. L’élan n’a toutefois pas été maintenu avec un deuxième plan d’action plus dur. Cela a permis au gouvernement de se remettre sur pied, même s’il a été sanctionné par la suite. Dans cette agitation sociale, nous avons vu le potentiel de la force du mouvement ouvrier organisé et l’importance d’une discussion collective au sein de notre classe sur les tactiques et les stratégies pour passer de la lutte collective à des victoires.
Le PSL continuera à jouer un rôle actif dans ce processus. Nous participons aux initiatives de la manifestation antifasciste du 16 juin et de la manifestation Pride Protest de la Campagne ROSA à Gand. Nous organiserons également un week-end antifasciste national à Gand les 6 et 7 juillet. Lors des ateliers de discussion, nous présenterons des activistes qui représentent des organisateur·trices de leur classe, renforcé·es par des idées et des perspectives sur la manière la plus efficace de mener notre lutte contre les gouvernements de droite qui se profilent à l’horizon.
Nous lions ce combat à la nécessité d’une transformation socialiste de la société. Le système capitaliste s’enlise, l’ère du désordre crée une instabilité qui peut renforcer la droite. La gauche est plus forte pour y faire face si elle dispose d’une vision globale de l’échec du capitalisme et de la nécessité d’une société socialiste qui ne laisse personne sur le bord du chemin et s’attèle au défi climatique, une société reposant sur la collectivisation démocratique des secteurs clés de l’économie, dans le cadre d’une planification rationnelle et démocratique de celle-ci pour répondre aux besoins sociaux et non à l’avidité des actionnaires.
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Faisons payer les capitalistes ! Récupérons notre argent !
“Taxez les riches !” Ce slogan orne les t-shirts, les casquettes et les pancartes de protestation du monde entier. Et pour cause. Alors que la classe capitaliste tente de nous faire croire que nous “vivons au-dessus de nos moyens”, elles accumulent des richesses sans précédent. Les données les plus récentes sont à couper le souffle. À travers le monde, sur l’ensemble des richesses créées depuis 2020, les deux tiers ont été accaparés par le pour cent le plus riche. Au même moment, notre société craque de partout faute de moyens.
Un véritable impôt sur la fortune, sans échappatoire et avec une matraque à portée de main !
La classe capitaliste amasse son argent de l’exploitation de la classe travailleuse et planque des sommes monumentales dans des paradis fiscaux. Comment changer cela? Voter pour le PTB, qui défend avec constance de taxer les millionnaires, est un premier pas. Un premier pas sur lequel prendre de l’élan pour construire la lutte de masse pour transformer l’idée en réalité.
La taxe des millionnaires défendue par le PTB rapporterait 8 milliards d’euros à la collectivité. Il s’agit d’une taxe sur les plus riches, à raison de 2% sur les patrimoines supérieurs à 5 millions et de 3% sur les patrimoines supérieurs à 10 millions. La proposition est modeste, mais incontestablement un pas dans la bonne direction.
Pour réellement constituer un budget d’urgence sociale, avec des services publics qui ne laissent personne sur le bord du chemin, il faudra un impôt plus important sur la fortune, accompagné d’autres mesures plus radicales qui touchent les capitalistes. Nous revendiquons un impôt de 5% sur l’ensemble de la richesse des 1% de familles les plus riches. Celles-ci ont un patrimoine moyen de 11,83 millions d’euros. Un tel impôt nous rapporterait déjà 30 milliards d’euros par an.
Les capitalistes sont passés maîtres dans l’art de trouver des failles et d’échapper à l’impôt. C’est pourquoi nous avons besoin d’un cadastre des fortunes, d’un service de contrôle des finances capable de faire son devoir et de quelques leviers contraignants.
1er levier – Augmenter radicalement la taxe de sortie
Une taxe de sortie pour les capitaux fuyant le pays existe déjà en Belgique. Elle s’élève à 16,5% sur le rendement théorique de ces capitaux à l’étranger. Mais cette taxe de sortie devrait être prélevée sur le capital lui-même et elle devrait être suffisamment élevée pour avoir un réel effet dissuasif. Une taxe de 40% sur les capitaux quittant le pays, comme l’a par exemple proposé Bernie Sanders aux États-Unis, pourrait avoir un tel impact.
2ième levier – L’expropriation
Que faire si un capitaliste essaie malgré tout de déplacer son capital en douce ? Une fois la manoeuvre décelée, le capital devrait être saisi dans sa totalité et mis au service de la collectivité. Toute institution financière qui facilite un tel comportement devrait également être expropriée par les pouvoirs publics.
Un système fiscal complètement déséquilibré
En Belgique, on paie beaucoup d’impôts. Mais pas tout le monde ! Pour les grandes fortunes, la Belgique est un paradis fiscal.
Pour 100 euros d’impôts payés à l’État, 42 euros proviennent des taxes à la consommation (TVA et accises) et 38 euros des impôts sur les salaires et les avantages sociaux. 80% de tous les impôts proviennent principalement de la classe travailleuse. Les bénéfices des entreprises représentent 13% et 6,8% proviennent des taxes sur les véhicules, les logements et les terrains, la majorité du reste est payé par la classe travailleuse. Seul les 0,25 % restant proviennent des impôts sur les grandes fortunes. Or, ces grandes fortunes génèrent beaucoup de revenus pour leurs propriétaires.
En ce qui concerne les bénéfices des entreprises, les impôts baissent depuis longtemps!
C’est en 1956 qu’un impôt sur les sociétés a été introduit. À partir de cette date, les bénéfices des sociétés ont été imposés à un taux de 45 %. Ces revenus étaient essentiels pour notre enseignement et nos autres services publics. Dans les années 1970, cette source de revenus représentait encore jusqu’à 30 % des recettes fiscales totales de l’État. Aujourd’hui, cela ne représente plus que 13 %.
Le taux officiel a systématiquement chuté pour atteindre aujourd’hui 25 %. En raison d’une multitude de déductions, le taux d’imposition réel moyen est bien inférieur à 20 % et, pour certaines entreprises, pratiquement nul.
Le flux constant d’argent vers les 1% les plus riches doit être endigué. Dans un premier temps, l’impôt sur les sociétés devrait revenir à son niveau le plus élevé, à savoir 50 %, comme dans les années 1970. Ce faisant, nous augmenterions les recettes publiques d’au moins 20 milliards d’euros annuellement.
À quoi servent les recettes fiscales ?
La Belgique compte parmi les pays d’Europe occidentale aux les pensions sont les plus basses, jusqu’à 49% de moins que dans nos pays voisins. Et certains prétendent toujours que, même ça, nous ne pouvons pas nous le permettre. Nous travaillons pourtant dur, trop dur, jusqu’à battre tous les records européens en matière de maladie de longue durée, avec 7,2 % de la population active. Nous payons des impôts extrêmement élevés. C’est cela qui permet à certains piliers de notre État-providence d’encore tenir debout, mais ils chancellent. Nous disposons d’un système de soins de santé décent, mais gémissant ; d’une indexation automatique de nos salaires et pensions qui est sous pression ; d’un système éducatif potentiellement fort et émancipateur, mais qui a cruellement besoin d’investissements pour révéler ce potentiel ; du réseau de transports publics le plus finement maillé au monde, mais qui connaît un déclin tragique. Ces piliers de notre État-providence vacillent sous le poids de l’avidité des super-riches.
Pas de cadeaux aux capitalistes. Nous voulons récupérer notre argent !
La Belgique est la championne d’Europe des subventions aux entreprises: 18 milliards d’euros par an. C’est presque le même montant qui est payé annuellement par l’impôt sur les sociétés. Pour chaque euro d’impôt payé sur les bénéfices des entreprises, un euro revient à la classe capitaliste via le tour de magie des subventions aux entreprises. Cette opération de camouflage doit cesser.
Les “contre” arguments démystifiés
On entend toujours la même rengaine : “cela ne marchera pas, ce n’est pas réaliste.” Mais toutes les informations concernant le patrimoine des familles sont déjà potentiellement disponibles. Il suffit de les rassembler. “La classe moyenne devra à nouveau payer” : tel est l’argument typique des libéraux qui prétendent que la taxe des millionnaires s’en prendra à l’épargne durement gagnée. Le pour cent le plus riche, soit 50.000 familles, disposent d’un patrimoine moyen d’un peu moins de 12 millions d’euros. Ce n’est pas de l’épargne ! Pour épargner 12 millions d’euros, il faudrait économiser 1.000 euros par mois pendant 1.000 ans. Au cours d’une vie, il faudrait mettre de côté 40.000 euros par mois durant 25 ans. Qui peut faire ça ? Une personne qui possède une fortune de 12 millions d’euros a nécessairement dû s’approprier le fruit du travail des autres.
“Si vous osez toucher à notre argent, nous nous enfuirons avec!” La fuite des capitaux peut être contrée, avec une taxe de sortie et l’expropriation des capitaux qui tentent d’y échapper. Les fonds des institutions financières qui facilitent cette fuite devraient également être confisqués.
Il n’y a pas de majorité politique pour tout ça, mais il y a très clairement une majorité dans l’opinion publique. Huit personnes sur dix sont acquises à l’idée d’un impôt sur la fortune. Ce chiffre pourrait encore augmenter s’il ne s’appliquait explicitement qu’au pour cent le plus riche. Comme c’est souvent le cas, l’opinion publique ne s’exprimera pas en sièges parlementaires. Il n’y a qu’un seul parti avec des élu.e.s résolument en faveur d’une taxe des fortunes, c’est le PTB. Attendre qu’il y ait une majorité au parlement est une mauvaise stratégie. L’histoire montre que seule une lutte de masse acharnée représente une solution.
L’impôt sur le patrimoine s’est imposé dans cette campagne électorale, au point que même Bart De Wever (NVA) a déclaré qu’il serait difficile d’y échapper. La peur a commencé à saisir des centaines de patrons d’entreprises qui ont signé une carte blanche pour s’y opposer (des entreprises dites “familiales”, regroupées derrière Bernard Marchant, le grand patron du groupe média Rossel, auquel appartient Le Soir). Mais sans nous organiser et sans lutter, nous n’aurons que des cacahuètes. Et parions qu’en plus, on nous fera le coup d’échanger une mesure toute symbolique contre une offensive antisociale douloureuse au nom de “l’équilibre de l’effort”.
Forcer le changement par la lutte !
L’application d’un véritable impôt sur la fortune, et non d’une décoction complètement diluée, nécessitera des années de lutte soutenue. Nous appelons le PTB et les syndicats à inviter toutes les organisations, grandes et petites, à se joindre à eux. Une telle collaboration, pourrait commencer par une vaste campagne d’information lors de meetings, de prises de parole lors de réunions du personnel sur les lieux de travail, d’actions dans les lieux publics, et de grandes manifestations pour mobiliser le soutien de l’opinion publique. C’est ainsi que nous imposerons cette revendication populaire au centre du débat politique. Une telle campagne de lutte pourrait fonctionner sur la base de comités locaux actifs avec un comité de coordination démocratiquement élu lors d’une conférence nationale.
Si la taxe des riches reste un slogan de marketing politique, la revendication restera lettre morte. Se battre pour un impôt sur la fortune est un acte de résistance contre un système qui tourne autour des profits de quelques-un.e.s au détriment de l’immense majorité. Pour nous attaquer à la racine du problème, nous avons besoin d’une économie dans l’intérêt de cette dernière. Ce n’est que lorsque la collectivité possède et gère démocratiquement les secteurs clés de l’économie que les rêves d’un avenir d’égalité et de solidarité, de paix et de bien-être pour tout le monde peuvent devenir réalité. Les puissant.e.s ne renonceront jamais d’eux-mêmes à leur pouvoir et à leurs richesses décadentes. Pour cela, nous avons besoin d’une révolution d’en bas. Une alternative socialiste est nécessaire et possible !