Category: Politique belge

  • Pourquoi tellement de Flamands votent-ils à droite ?

    Le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken. Photo : Wikimedia Commons

    Les Flamands ‘‘irrémédiablement marqués à droite’’ ? L’idée est bien pratique pour les politiciens de droite bien entendu, mais d’autres la partagent. Au vu des résultats électoraux, ce n’est pas faux. Les derniers sondages placent la N-VA et le Vlaams Belang à environ 50% des voix ensemble.

    Le manque de moyens fait craquer la société de toutes parts, y compris en Flandre. Une large majorité de la population y est favorable à l’augmentation des budgets pour les soins de santé, l’enseignement, les infrastructures et les transports publics. Cela se remarque notamment au soutien dont bénéficient des mobilisations sociales telles que les grèves et les manifestations.

    Ces préoccupations reçoivent une attention rachitique dans les médias établis et ne sont pas fortement présentes sur le terrain politique, notamment parce qu’il n’existe pratiquement plus de gauche politique conséquente. L’équivalent du PS en Flandre, le SP.a, est encore plus néolibéral. Son actuelle opération de renouvellement ne dépassera pas le stade de l’élection d’un nouveau manager pour la ‘‘marque’’ SP.a. Groen a tellement fait sienne la logique néolibérale qu’il n’inspire plus confiance. Heureusement, il y a le PVDA/PTB, un parti qui défend un message différent mais qui, en ce qui nous concerne, pourrait être bien plus audacieux. Les voix syndicales qui défendent le progrès social pourraient également se faire plus régulièrement entendre.

    Et quand la gauche est pratiquement absente du débat public, les gens votent pour d’autres partis. La N-VA s’est d’abord présentée comme une ‘‘force du changement’’. Et quand il a commencé à être clair qu’il s’agissait d’un mensonge, le Vlaams Belang a fait son retour en instrumentalisant le mécontentement suscité par la politique antisociale de la N-VA et l’orienter vers le racisme. C’est d’autant plus facile à faire puisque la N-VA a tout fait pour banaliser le rejet des migrants.

    Dans le quotidien De Standaard, un journaliste a fait remarquer que les électeurs du Vlaams Belang ‘‘se préoccupent moins de l’identité ou de la population que des arguments d’ordre financier : leur petite pension ou leurs impôts alors que ‘‘ces étrangers’’ reçoivent tout gratuitement (ce qui n’est pas vrai, comme on le leur répète).’’ Mais la droite ou l’extrême droite ne défendent pas de revendications telles que l’augmentation des pensions. Leurs inquiétudes sociales ne leur servent qu’à semer la discorde.

    Le mouvement des travailleurs peut reconquérir ces électeurs en allant à l’’offensive sur ces questions. Les nécessités collectives de la lutte imposent une évidence : ce qui nous divise (le racisme, le sexisme ou l’homophobie) nous affaiblit. C’est par la lutte que le mouvement des travailleurs peut donner le ton dans le débat public. Le potentiel est là : après tout, les préoccupations sociales sont tout aussi fortes que dans d’autres régions du pays.

  • Aucun gouvernement ne s’en prendra à la crise sociale sans lutte de masse

    Joachim Coens. Photo : Wikimedia

    Dans les jours qui ont suivi la désignation de Georges-Louis Bouchez (MR) et de Joachim Coens (CD&V) comme informateurs il a semblé un court instant qu’une piste se dessinait pour constituer un gouvernement quatre couleurs (Vivaldi : socialistes, verts, libéraux, CD&V). Puis Bart De Wever a fait quelques déclarations qui pouvaient être interprétées comme une ‘‘ouverture’’ vers une participation de la N-VA. Donc, retour à la case départ.

    Par Anja Deschoemacker

    Partir des besoins de la population laborieuse

    Le 28 janvier nous manifestons pour une sécurité sociale forte. Car cette ‘‘cathédrale de la classe ouvrière’’ est en difficulté : sans changement de politique le déficit s’élèvera à 6,4 milliards vers 2024. Alors qu’aujourd’hui vivre avec une indemnité sociale signifie vivre dans la pauvreté.

    Une bonne partie des pensionnés ne peut vivre de sa pension qu’en étant propriétaire de leur logement. La pension mensuelle moyenne est de 1.065 €/mois selon Axa (17/04/2018), alors qu’un séjour en maison de repos coûte en moyenne 1.800€/mois.

    La chasse aux chômeurs qui dure depuis des décennies a mené à ce que les chômeurs au statut de cohabitant (surtout les femmes et les jeunes) soient condamnés à la dépendance du partenaire ou des parents. En Wallonie 27% des chômeuses se trouvent dans une telle situation, et 12% des chômeurs masculins.

    Si pour l’une ou l’autre raison on se retrouve hors du système de sécurité sociale, la situation est encore pire. Le revenu mensuel d’intégration pour isolé n’est que de 940,11€/mois, pour les cohabitants c’est 626,74€/ mois. Avec un enfant à charge cette somme n’est de 1270,51€/mois. Alors que le loyer moyen d’un appartement en Flandre et à Bruxelles tourne autour de 700€/mois (500€/mois en Wallonie).

    Ce n’est donc pas étonnant que les CPAS soient débordés par des demandes d’aide sociale et que le nombre de familles dépendant de l’aide alimentaire ne cesse de croître. Selon les statistiques européennes 20% de la population de notre pays vit dans la pauvreté. Assez de raisons pour manifester pour un rétablissement de la sécurité sociale. Mais apparemment pas assez pour que les élus des partis traditionnels ne voient pas que le problème est urgent.

    Prolongation de la mission de Bouchez et Coens : encore un tour de manège pour faire illusion

    La préoccupation principale des informateurs n’est pas la situation sociale des chômeurs et des pensionnés. Pour le tandem Bouchez-Coens, il s’agit de tenter de résoudre la contradiction entre d’une part l’affaiblissement en sièges des partis concernés et d’autre part sa soif de participer au gouvernement.

    Dès le début nous avons écrit qu’une coalition gouvernementale entre le PS et la N-VA serait un suicide politique pour chacun de ces deux partis. Ils ont d’ailleurs donné assez de signaux qui montrent l’avoir compris. Le Soir (13 et 14 janvier) passait en revue leurs déclarations respectives depuis les élections.

    Pour Paul Magnette “Le PS ne gouvernera pas avec la N-VA” (13/6/2019). Le 3 octobre il déclarait: ‘‘Nous nous sommes beaucoup vus, nous ne sommes d’accord nulle part et sur rien avec les nationalistes.’’ (13/10/2019) Le 17 décembre Rudy Demotte : ‘‘On est en train de faire croire aux gens qu’une coalition avec la N-VA est possible. C’est un mensonge. Ce n’est pas une option.” (17/12/2019)

    Du côté de la N-VA on souffle un peu le chaud et le froid, mais les déclarations qui vont contre une telle alliance sont beaucoup plus nombreuses. ‘‘Les Flamands veulent une politique socio-économique de droite. Ils payent le plus d’impôts. Il ne faut pas les sanctionner.’’ (Ben Weyts, 8/11/2019). ‘‘Transférer la facture à un autre est facile. En Flandre il faudra alors expliquer aux électeurs – qui veulent une politique différente sur l’immigration, la sécurité et l’emploi – que ce n’est pas possible parce qu’il faut trouver des milliards pour entretenir les électeurs passifs du Sud du pays.’’ (9/12/2019)

    Dans leur rapport, les préformateurs Rudy Demotte et Geert Bourgeois avaient clairement écrit : ‘‘Les divergences de fond sont telles (entre la N-Va et le PS) qu’elles ne permettent pas de passer à une phase suivante bâtie autour ces deux partis.’’

    La raison fondamentale pour laquelle Bouchez et Coens refont un tour de piste s’explique par la crise historique du CD&V. Il ne reste plus grand-chose de ce parti, qui pendant plus d’un siècle a été le principal parti sur lequel se reposait la bourgeoisie : un parti organisé en ‘‘piliers’’ qui entretenaient des liens avec différentes couches sociales : la petite bourgeoisie, le monde agricole et le plus grand syndicat du pays.

    En panique totale à la suite de déroutes électorales en série, le CD&V a fait le contraire de ce qui aurait pu le sauver. Au lieu de tenter de rétablir ses liens avec sa base sociale la plus nombreuse il a foncé tête baissée dans la surenchère communautaire de droite, tentant de battre la N-VA sur son propre terrain. Mais chaque tournant à droite l’a éloigné de plus en plus du mouvement ouvrier chrétien. Ces derniers mois les mesures prises par le gouvernement flamand ont provoqué la première vague, dans l’histoire, de protestations de masse contre un gouvernement flamand. Il est peu probable que le CD&V puisse encore – comme le commandant du Titanic – tenter de redresser la barre au dernier moment en renouant avec sa base sociale historique. Cela ne va certainement pas se passer en poussant et tirant pour maintenir la même politique au niveau fédéral et en se battant de toutes ses forces contre un gouvernement fédéral avec un visage plus social.

    Après la casse sociale du gouvernement suédois, quelques concessions ne suffiront pas

    Dans le dossier de ce journal nous expliquons comment le déficit de la sécurité sociale a été créé consciemment en diminuant systématiquement les recettes. Dans De Standaard (15/1/2020) Marc Reynebeau écrivait “Il était déjà connu que les avantages accordés par la coalition ‘suédoise’, maintenant minoritaire, aux entreprises étaient insuffisamment ‘couverts’ – ils ont fait un trou dans le budget. Et fin décembre il apparut que c’était surtout à cause de cela qu’en 2019 il y avait 2 milliards de recettes fiscales en moins que les prévisions du ministre de Finances de l’époque, Johan Van Overtveldt (N-VA). A peu près au même temps la Banque Nationale confirmait ce que l’économiste gantois Gert Peersman avait calculé : les entreprises ont utilisé les revenus du tax-shift et du saut d’index pour augmenter leurs marges de profits plutôt que d’améliorer leur position concurrentielle.’’ Il écrit aussi que la Belgique, à l’exception du Luxembourg, la Suisse et la Slovénie est le seul pays d’Europe qui ne taxe pas ni le patrimoine, ni les plus-values sur actions.

    Le mouvement ouvrier ne sait compter que sur ses propres forces !

    La note Magnette pouvait donner l’illusion – et c’était certainement le but – que le PS reste quand même encore le parti ouvrier fidèle à ses origines. Robert Vertenueil (FGTB) considérait alors qu’on ne pouvait accepter que cette note soit par la suite détricotée par les libéraux. Cela montre la méfiance et le scepticisme de certains milieux syndicaux. Le PS est devenu un parti bourgeois, malgré son implantation dans le monde du travail. Depuis la deuxième moitié des années 1980 il a opéré un tournant néolibéral.

    Son masque social ne parvient à cacher qu’il se préoccupe davantage aujourd’hui des déséquilibres causés à l’économie capitaliste en général par la politique néolibérale que du sort des salariés et de leur famille. Un gouvernement dirigé par le PS mènera une politique néolibérale en prenant quelques mesures sociales destinées à apaiser la colère.

    La banqueroute de la gauche en Flandre est encore claire quand on voit les ouvertures des dirigeants du SP.a en direction des libéraux et de la N-VA. Même sur son lit de mort – parce qu’il vit sans doute ses derniers années – ce parti ne réussit même plus à se différentier du VLD ou du CD&V. On peut dire la même chose de Groen..

    Heureusement il y a la montée du PTB/PVDA. Mais pour changer le rapport de forces il faudra mobiliser sur un cahier de revendications sociales fondamentales. Le PTB pourra-t-il jouer un rôle dans la naissance d’une formation qui contribue, sur le plan démocratique et social, à changer le rapport de forces ? Peut-être. Mais cela ne se fera pas simplement par des glissements électoraux et sans luttes dans la rue.

  • Le projet NewB peut-il moraliser la finance en Belgique ?

    Le 26 novembre à minuit, il était annoncé que l’opération de souscription de 30 millions d’euros pour la nouvelle banque NewB était une réussite : plus de 30 millions ont été récoltés dont 27 déjà encaissés. C’est une pierre de plus posée pour l’édification de ce projet de banque à propriété coopérative. La naissance d’une banque dans le paysage économique belge, qui comporte 88 institutions financière, est toujours à relever. Mais cela nécessite une attention plus soutenue lorsque cette banque se veut coopérative et dit reposer sur un projet éthique et durable visant à transformer la finance de demain.

    Par Alain (Namur)

    Un produit de la grande récession

    La crise des subprimes a déclenché un krach boursier et une récession économique dont nous ne sommes à ce jour jamais vraiment sorti. La crise fut une catastrophe pour la majorité sociale qui y a perdu en condition de vie et de travail, en protection sociale et en services publics. La crise a aussi eu comme effet de miné l’autorité du système capitaliste.

    Toute l’idée selon laquelle la « main invisible du marché » permettrait de diluer le risque des crédits NINJA (1) a été pulvérisée par la pratique. Le risque s’était éparpillé partout. Le modèle et la théorie économiques dominants ont été remis en cause. Pour sauver le système de lui même, les gouvernements ont dû procéder à des nationalisations de banques pour épurer les Junk bonds (ou «obligations pourries»). C’est la collectivité qui a payé les frais de la fête des capitalistes.

    Différentes couches de la population ont donc commencé à chercher des alternatives et des solutions. Le projet d’une banque coopérative, à l’image de NewB, fait partie des idées qui ont émergé à la faveur de la crise, au côté des appels au retour des banques publiques. C’est ainsi qu’est née la Caisse d’Investissement de Wallonie (CIW) lancée en grande pompe par le gouvernement wallon en 2009 à travers une levée de fonds de 80 millions d’euros auprès de 12.500 investisseurs privés tandis que la Région wallonne en apportait 20 millions. L’aventure s’est terminée en 2019 avec une perte de 8,5 millions d’euros.

    Le projet de coopérative bancaire NewB a été lancé en 2011. Pour pouvoir se lancer avec l’accord des autorités de supervision financières, NewB devait collecter 30 millions d’euros et, en date du 26 novembre 2019, plus de 65.000 personnes avaient adhérer au projet. Cela revient donc à environ 450 euros par personne. Mais cette moyenne cache une distribution bien plus complexe. Il y a 3 types de coopérateurs : les coopérateurs ordinaires (part à 20 euros), les coopérateurs sociétaires (part à 2000 euros) et les coopérateurs investisseurs (part à 200.000 euros). Il est fort à parier que les objectifs ne sont pas identiques auprès de ces trois types de coopérateurs. Cela pourra à moyen terme entraîner des polémiques à l’assemblée générale. De plus, le projet commercial de la banque doit être affiné dans les années à venir car la banque ne devrait pas s’impliquer dans le crédit hypothécaire, cela étant considéré comme à risque.

    Les contraintes de rentabilité ne seront pas absentes du projet puisque la banque prévoit d’être en position de rentabilité dans les 4 à 5 ans. Il faudra voir au final si les ambitions communiquées au cours de la campagne de communication sauront être tenues. La part de type B (à 20 euros) a déjà été dégradée à un peu moins de 5 euros de valeur car il y a une mise de départ d’environ 11 millions à épurer.

    Le journal Le Soir dans un article très éclairant en disait : « En juin 2020, la coopérative, si elle devient banque, prévoit de commercialiser comptes à vue, carnets d’épargne et crédits à court terme (à visée durable uniquement) pour les particuliers. Mais attention à la confusion : si NewB se veut inclusive, elle n’a pas pour objectif d’être une banque bon marché, son objet social est de fournir « un service bancaire coopératif, simple, sûr et durable » à ses membres. Ce qui a un coût ». (2)

    Les tarifs des comptes pour les clients ne sont pas encore déterminés, mais au vu de l’absence de distributeurs de billet NewB, un retrait en cash coûtera 0,75€ pour payer les autres banques. La banque ne disposera que de compte d’épargne non réglementé avec un taux de 0% alors que la rémunération de l’épargne est généralement de 0,11 % (intérêts et prime de fidélité) dans la majorité des banques pour des comptes réglementés (avec absence d’imposition sur les premiers 980€ d’intérêts annuels).

    Un projet qui suscite un certain engouement

    Plus de 65.000 personnes (individus, associations, mouvements de jeunesse, syndicats, universités, pouvoirs publics, mais essentiellement du côté francophone), avec un pic d’âge à 29 ans, qui investissent plus de 30 millions dans une baque coopérative à vocation éthique et citoyenne, c’est un fait social. Cela illustre que, suite à la grande récession, une couche de la population a tiré la conclusion que l’économie ‘casino’ et le contrôle des boursicoteurs sur la politique économique menace la planète et l’humanité.

    A certains égards, cette conscience a des aspects anticapitalistes. Mais ceux-ci sont essentiellement dirigés contre le monde de la finance. La manière dont la crise s’est déclenchée après la chute de Lehman Brother et la recapitalisation par l’Etat américain de Freddie Mac et Fanny Mae, la contagion de la crise financière sur l’économie dite ‘réelle’ et l’explication superficielle qui en a été donnée par les commentateurs traditionnels ont forgé cette conscience.

    Malgré tout, nous estimons au PSL que cette conscience retarde par rapport aux développements auxquels nous faisons face actuellement. Nous sommes à un moment charnière dans la situation mondiale. L’économie est à l’orée d’une nouvelle récession, dont le déclencheur immédiat le plus probable est la guerre commerciale entre les deux plus grandes puissantes mondiales, les USA et la Chine. Si l’instabilité et la volatilité caractérisent les relations entre les différentes puissances, c’est également le cas au sein même des divers pays. La politique néolibérale est largement contestée par la majorité sociale, mais celle-ci ne dispose pas encore des outils politiques qui lui sont nécessaires pour défier les possédants. Quant à ces derniers, ils n’ont pas encore trouvé de politique économique qui leur permette de retrouver une certaine stabilité soutenue par des profits juteux. (Lire par ailleurs à ce sujet : 2019 : Un tournant décisif dans un processus de révolution et de contre-révolution)

    La finance dans le système capitaliste

    La majorité des personnes qui voient en NewB une solution face au pouvoir de la finance n’ont pas encore tiré la conclusion que c’est l’ensemble du système qui est à rejeter. Elles n’ont pas encore analysé le lien entre la finance et l’économie dite ‘réelle’. La manière dont la finance a pu prendre un tel poids par rapport à la production, la circulation et l’échange de marchandises est une question qui mérite d’être examinée en profondeur. Beaucoup de choses ont été écrites à ce sujet par les marxistes. Par Marx tout d’abord, mais aussi par Rudolf Hilferding, Rosa Luxembourg et Lénine lors du débat sur l’impérialisme au début du 20e siècle. Ces échanges nous livrent des éléments d’explications sur les conséquences pratiques de l’impérialisme pour la situation mondiale.

    Dans l’ouvrage de Lénine « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme », on peut notamment lire : « La fonction essentielle et initiale des banques est de servir d’intermédiaire dans les paiements. Ce faisant, elles transforment le capital-argent inactif en capital actif, c’est-à-dire générateur de profit, et réunissant les divers revenus en espèces, elles les mettent à la disposition de la classe des capitalistes. Au fur et à mesure que les banques se développent et se concentrent dans un petit nombre d’établissements, elles cessent d’être de modestes intermédiaires pour devenir de tout-puissants monopoles disposant de la presque totalité du capital-argent de l’ensemble des capitalistes et des petits patrons, ainsi que de la plupart des moyens de production et de sources de matières premières d’un pays donné, ou de toute une série de pays. Cette transformation d’une masse d’intermédiaires modestes en une poignée de monopolistes constitue un des processus essentiels de la transformation du capitalisme en impérialisme capitaliste. »

    En envisageant la finance isolément du reste du système capitaliste, on oublie que c’est l’ensemble du système qui est à rejeter et donc en premier lieu ce qui en est le fondement. Et le fondement du rapport social capitaliste se situe dans le salariat. Si l’on écarte cet élément de l’équation, on évacue aussi les méthodes de lutte qui y sont liées : les luttes à caractère collectif qui ont pour but de faire une incursion dans la propriété capitaliste des moyens de productions. Il reste alors différentes méthodes de luttes qui ne se basent pas sur le monde salarié, mais sur l’action individuelle et la tentative de moraliser le système ou de s’écarter de ses lois via des coopératives de production et de coopération.

    Les méthodes de lutte à utiliser pour parvenir à un monde meilleur constituent un débat déjà ancien dans le mouvement ouvrier. Depuis les socialistes ricardiens (3), les utopistes et les anarchistes, entre autres, une une myriade d’expériences ont été collectée par le mouvement, résumée par la théorie socialiste. Tout en étant convaincus de l’intérêt de la théorie pour nous orienter dans l’action, nous savons que l’on ne convainc pas la majorité des gens avec des développements théoriques

    La vérité est toujours concrète

    Le mouvement ouvrier a toujours testé dans la pratique les différentes théories qui se sont présentées à lui. En ce sens, le mouvement coopératif n’est pas un nouveau débat. Les équitables pionniers de Rochdale, des tisserands anglais, ont lancé en 1848 la première société coopérative. L’ensemble du mouvement ouvrier s’est emparé de cette idée et a donné naissance au mouvement coopératif. Celui-ci tient une place importante dans l’histoire sociale de Belgique. Mais il a toujours été limité dans son potentiel par les lois du capitalisme.

    Rosa Luxembourg en disait justement ceci dans son ouvrage « Réforme sociale ou révolution »: « Les coopératives, et d’abord les coopératives de production sont des institutions de nature hybride au sein de l’économie capitaliste : elles constituent une production socialisée en miniature, qui s’accompagne d’un échange capitaliste. Mais dans l’économie capitaliste l’échange domine la production ; à cause de la concurrence il exige, pour que puisse vivre l’entreprise, une exploitation impitoyable de la force de travail, c’est-à-dire la domination complète du processus de production par les intérêts capitalistes. Pratiquement, cela se traduit par la nécessité d’intensifier le travail, d’en raccourcir ou d’en prolonger la durée selon la conjoncture, d’embaucher ou de licencier la force de travail selon les besoins du marché, en un mot de pratiquer toutes méthodes bien connues qui permettent à une entreprise capitaliste de soutenir la concurrence des autres entreprises. D’où, pour la coopérative de production, la nécessité, contradictoire pour les ouvriers, de se gouverner eux-mêmes avec toute l’autorité absolue nécessaire et de jouer vis-à-vis d’eux-mêmes le rôle d’entrepreneurs capitalistes. De cette contradiction la coopérative de production meurt, en ce sens qu’elle redevient une entreprise capitaliste ou bien, au cas où les intérêts des ouvriers sont les plus forts, qu’elle se dissout »

    La Belgique compte actuellement 88 banques dont : 56 de droit étranger, 18 de droit belge mais majoritairement contrôlé par l’étranger et 14 de droit belge à majorité belge. Il y a 272,6 milliards d’euros sur les comptes épargnes belges et 332,4 milliards en fond de placement (4). Cela signifie que NewB ne sera qu’une portion infime (0,000826% si on compte 50 millions) du capital présent dans notre pays. Ce sera trop juste pour influencer la manière dont fonctionne la finance en Belgique.

    Mais la présence de NewB ne pourrait-elle pas servir d’exemple ? Pourrait-il s’agir d’une sorte « d’échantillon de perfection éthique » qui pourrait aiguiller le reste du marché ? Nous ne le pensons pas, mais il s’agit d’une question qui sera avant tout tranchée par la pratique. L’exemple de la Caisse Wallonne d’Investissement est toutefois assez édifiant.

    Cette caisse lancé en 2009 en pleine crise par le gouvernement wallon pour répondre à la volonté grandissante de réglementation du secteur financier et à l’aspiration au retour d’une CGER a donc été lancée avec 20 millions de fond public et 80 millions récoltés via des obligations. Elle a dû attendre 2018 pour commencer à dégager du bénéfice. Elle a commencé son histoire en perdant 5 millions sur les obligations grecques. Ensuite, certaines entreprises ont fait faillites et ont augmenté la sinistralité dans les prêts à hauteur de 3 millions. On en arrive à une perte de 8,5 millions sur 10 ans. Malgré cela, les initiateurs s’estiment heureux car, en comparaison, le modèle Archimède en Flandre à perdu 54 millions sur une levée de fonds de 110 millions.(5)

    Coopérative, banque publique ou nationalisation du secteur ?

    Dans un débat télévisé, Bernard Bayot, le président de NewB, a fait référence aux années ’80 pour défendre un retour à un secteur bancaire plus diversifié. (6) Il y expliquait qu’alors, les banques commerciales «  fonctionnent pour les dividendes aux actionnaires » au côtés de banques publiques « pour l’intérêt général » et de banques coopératives « pour servir leurs clients-actionnaires ».

    En formulant les choses ainsi, il a le mérite de reconnaître ainsi les limites de l’initiative de coopérative qui ne peut remplacer un secteur public qui permettrait à l’État de mobiliser l’épargne comme source de financement pour l’intérêt général. Par certains aspects, le PTB suit la même logique. Ainsi, Raoul Hedebouw écarte la nationalisation de l’ensemble du secteur bancaire dans une interview au journal Le Soir en répondant : « On remet sur pied une banque publique, comme on avait la CGER et le Crédit communal, ce qui suppose une mise de départ de 1 à 2 milliards, puis elle rapporterait. Donc une banque fédérale qui pourra récolter l’épargne des gens, garantir un rendement, investir dans l’économie réelle. Les banques privées restent par ailleurs, mais ce serait une banque plus sûre. » (7)

    Mais une banque publique ou une banque coopérative qui refuse les investissements spéculatifs peut-elle résister à la concurrence de banques privées qui, dans des périodes de hauts rendements spéculatifs, sont plus attractives ? C’est pour cela que la CGER (l’ex Caisse Générale d’Épargne et de Retraite) ou des coopératives (comme Arco, dépendant du mouvement ouvrier chrétien) ont été absorbées par le marché bancaire privé. Nous avons assez renfloué le secteur privé avec l’argent de la collectivité ! Réclamons notre dû et plaçons l’ensemble du secteur financier dans les mains de la collectivité ! C’est ainsi que nous pourrons en finir avec la spéculation tout en garantissant tout à la fois la sécurité de l’épargne ainsi que de très bas taux d’intérêts pour les petits commerçants et les particuliers. C’est aussi ainsi que nous serions en mesure de mobiliser l’épargne de la population pour des investissements sociaux et environnementaux qui répondent aux besoins de la population en termes infrastructure, d’énergie renouvelable, de crèches et d’écoles, de transports publics, d’institutions de soin de santé et de logements sociaux.

    Pour répondre à la crise du capitalisme, il est vain de vouloir domestiquer les marchés. Le mouvement des travailleurs doit s’appuyer sur un programme de lutte bien élaboré et sur un système de mesures socialistes telles que la nationalisation des banques et des secteurs clés de l’économie et le non-paiement de la dette publique afin d’assurer la transition du capitalisme au socialisme démocratique. Avec un outil politique qui permet d’organiser notre force collective, nous pouvons en finir avec ce régime d’exploitation. Construire cet outil c’est ce à quoi nous nous attelons.

    Note :

    1) Prêt NINJA : un prêt accordé à des ménages n’ayant ni revenus, ni travail, ni actifs (de l’anglais « No Income, No Jobs and No Assets »). Typiques de l’industrie des prêts hypothécaires aux Etats-Unis et apparus dans les années 2000, les Prêts NINJA ont attiré l’attention du public à partir de l’été 2007, lorsque la crise des subprimes a éclaté.
    2) https://plus.lesoir.be/263826/article/2019-11-29/voici-quoi-ressemblera-la-banque-newb
    3) Le socialisme ricardien est une branche de la pensée économique classique basée sur le travail de l’économiste David Ricardo (1772-1823). Le terme est utilisé pour décrire les économistes des années 1820 et 1830 qui ont développé une théorie de l’exploitation capitaliste à partir de la théorie développée par Ricardo selon laquelle le travail est la source de toutes les richesses et de la valeur d’échange.
    4) https://www.febelfin.be/sites/default/files/2019-06/facts_figures_2018_-_version_fr.pdf
    5) https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/wallonie/la-caisse-wallonne-d-investissement-beneficiaire-en-2018/10124306.html
    6) https://www.rtbf.be/info/societe/detail_cqfd-newb-un-investissement-a-risque?id=10371375
    7) https://plus.lesoir.be/245799/article/2019-09-05/la-rentree-de-raoul-hedebouw-ptb-elio-di-rupo-mene-une-politique-de-droite

  • Le gouvernement flamand défend le travail forcé pour les chômeurs

    Où en sommes-nous aujourd’hui en ce qui concerne le service communautaire obligatoire pour les chômeurs en Flandre ? Partout et nulle part. L’accord de coalition flamand le mentionne explicitement, mais reste vague. Il n’y a pas de date concrète pour son introduction. Il n’y a pas non plus d’indication claire de la durée de travail hebdomadaire. A l’époque du gouvernement Michel I, on parlait de ‘‘deux demi-journées par semaine’’. Mais à peu près à la même époque, De Wever lâchait : ‘‘À toutes fins utiles, cinq jours complets par semaine.’’ Nous avons donc été prévenus !

    Par Wilfried

    Nous ne devons pas nous laisser berner par cette description floue. Ce gouvernement flamand a déjà suffisamment prouvé qu’il dissimule la mise en œuvre concrète, le temps et (surtout) les chiffres concrets le plus longtemps possible et qu’il frappe soudainement pour faire taire toute opposition. Les économies réalisées dans le secteur culturel en constituent l’exemple typique. La résistance est invariablement ‘‘trop tard’’, alors que juste avant l’événement, ‘‘les actions n’ont aucun soutien parce qu’il n’y a rien de concret’’.
    La mise en œuvre du service communautaire obligatoire pour les chômeurs pose de nombreux problèmes juridiques. Un spécialiste du droit du travail de l’Université d’Anvers, Daniël Cuypers, a déclaré en septembre 2019 qu’il ne peut être mis en œuvre que par un accord fédéral. Il a ajouté qu’il s’agit d’un ‘‘champ de mines’’ juridique. Il n’y a toujours pas de gouvernement fédéral et la possibilité d’un gouvernement fédéral sans la N-VA entre progressivement en ligne de compte.

    En fait, lors de la dernière législature fédérale, tout aurait déjà dû être en place. Mais le ministre qui devait s’en occuper, Kris Peeters, n’était pas très enthousiaste. Cela a causé beaucoup de troubles parmi les partenaires de la coalition. Le 12 août 2015, on pouvait lire dans De Tijd : ‘‘Le retard de Peeters pour réformer le marché du travail est source de désagrément’’. Les syndicats ont alors déclaré à juste titre que le travail d’intérêt général obligatoire pour les chômeurs était inacceptable. Il s’agit de travailler pour obtenir une allocation plutôt qu’un salaire. Cela exerce une pression à la baisse sur l’ensemble des salaires et des conditions de travail. Pourquoi, par exemple, les communes embaucheraient-elles encore des jardiniers si des chômeurs peuvent être forcés à faire ce travail ? S’il y a tant de travail à effectuer, que cela soit avec de vrais emplois et de vrais salaires !

    Comment la question du service communautaire obligatoire va-t-elle se poser maintenant ? Peeters est parti, Charles Michel est parti. Ils ne se saliront plus les mains. Si la mesure est adoptée, la ministre flamande Hilde Crevits devra la mettre en œuvre. Elle ne s’en réjouit pas ça. Mais la mesure figure dans l’accord de coalition flamand, avec l’approbation du CD&V. C’est bien joué de la part de la N-VA et de Jan Jambon, qui essaient également par ailleurs de monter les acteurs du secteur culturel les uns contre les autres.

  • [PHOTOS] Marche latino-américaine contre le néolibéralisme à Bruxelles

    America Latina Desperto!

    Plus de 350 personnes se sont rassemblées ce dimanche à Bruxelles pour envoyer un message de solidarité à tous les peuples d’Amérique latine qui luttent contre la répression et les politiques néolibérales des gouvernements dominés par la droite avec le soutien de l’impérialisme américain. La banderole principale disait « L’Amérique latine insoumise et combative ».

    La communauté chilienne, à l’initiative de cette manifestation, était présente en grand nombre, avec de nombreuses pancartes politiques comme « Assemblée Constituante maintenant » ou « Dégage Piñera », des drapeaux chiliens et de nombreux drapeaux Mapuches (indigènes). Mais il y avait également des membres d’autres communautés en lutte. Des Colombiens en soutien aux grève nationales et en faveur de l’accord de paix mais aussi des Equatoriens, des Boliviens, des Brésiliens, des Mexicains. A leurs côtés de nombreux Belges, des Italiens de la formation de gauche Potere al Popolo (le pouvoir au peuple) et des Gilets jaunes, pour tous réunis pour envoyer un message de solidarité internationale à toutes ceux qui luttent contre l’extrême droite, le néolibéralisme, la violence et la répression. Les revendications féministes étaient fortement présentes, notamment pour dénoncer les abus et violences commis par les régimes autoritaires envers les manifestantes.

    Cette manifestation combative a traversé le centre de Bruxelles, en revendiquant la démission des gouvernements néolibéraux, la libération des prisonniers politiques et la solidarité internationale des communautés en lutte. La manifestation s’est clôturé sur la place du Luxembourg avec une performance de la chanson féministe contre les violences faites aux femmes “Un violador en tu camino” (Un violeur sur ton chemin) en face du parlement européen. Il s’agit d’un premier pas vers le construction d’un front des solidarités entre les luttes latino-américaines en Belgique.

    Vive la lutte de classe en Amérique Latine! Pour la constitution d’une fédération latino-américaine socialiste et démocratique!

  • Sexisme à l’Université de Gand : Lettre ouverte de la Campagne ROSA

    La Campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité) a distribué ce matin la lettre ouverte suivante au Conseil d’administration de l’UGent, l’Université de Gand, tandis que plus de 250 étudiantes, étudiants et membres du personnel manifestaient pour exiger de l’université l’exclusion du cercle d’extrême droite KVHV et l’adoption de mesures conséquentes contre le sexisme.

    Vidéos:

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    Lettre ouverte aux étudiantes et étudiants, au personnel de l’UGent et au conseil d’administration

    Le KVHV banalise le sexisme

    Le mercredi 4 décembre, un Jeff Hoeyberghs rugissant était l’invité de l’association étudiante réactionnaire KVHV. Jeff Hoeyberghs est venu confirmer ses déclarations sexistes et racistes antérieures. La Campagne ROSA avait organisé une action de protestation sur place et a ensuite décidé de partager en, ligne une sélection de ses déclarations les plus horribles pour souligner la nécessité d’entrer en action. Un tel sexisme ne devrait pas être autorisé, ni à l’université, ni dans la société.

    Ce n’est pas un débat

    Jeff Hoeyberghs et le KVHV prétendent qu’ils veulent simplement profiter d’un débat libre. Ce n’est pas vrai bien entendu. Ils tentent de banaliser un discours et une vision des choses où les femmes sont soumises quand elles ne sont pas simplement de vulgaires objets. Pour eux, les femmes ne sont que des personnes de deuxième ordre dans la société. Ce discours entraine des rapports de domination qui conduisent aux violences envers les femmes et qui alimentent la culture du viol. Selon une étude de l’UE datant de 2016, en Belgique, plus de 40% de la population considère le viol comme acceptable “dans certains cas”. Heureusement, sous la pression de #Metoo et des actions de masse en faveurs de l’émancipation des femmes à travers le monde, nous assistons à un changement d’opinion spectaculaire dans ce domaine. Ce qui était encore toléré il y a quelques décennies est aujourd’hui inacceptable.

    Exclusion du KVHV ! Aucun subside pour la discrimination !

    Le KVHV n’en est pas à son coup d’essais. Il n’y a pas si longtemps, ce cercle s’est fait connaître pour avoir été le berceau du groupe Schild & Vrienden à l’UGent. Depuis des années, le KVHV répand le racisme, le sexisme et l’homophobie à l’UGent. Des événements tels que ceux don til est question aujourd’hui ne constituent que la pointe de l’iceberg.

    Le fait que le KVHV puisse encore organiser de telles réunions en profitant des subsides et de l’infrastructure de l’UGent est inacceptable. L’université dispose d’une charte anti-discrimination dans laquelle elle condamne toute forme de discrimination. Nous voulons une université qui lutte activement contre toutes les formes de discrimination ! Un établissement comme l’UGent a un rôle d’exemple à jouer dans la lutte contre le sexisme ; l’université ne peut se limiter à prendre ses distances ou à imposer des sanctions administratives.

    Insécurité et incertitude pour les femmes

    La lutte contre le sexisme va bien au-delà de la dénonciation du harcèlement sexuel ou de cas concrets de discrimination. La précarité et l’insécurité sociale sont encore plus élevées pour les femmes que pour les hommes. Les secteurs et les emplois où prédominent les femmes sont les moins bien rémunérés. Plus de 70% des personnes employées dans le groupe des 10% des salaires les plus bas sont des femmes. Les femmes qui dépendent de leur mari (ou de leur père) sont beaucoup plus susceptibles de se retrouver coincées dans des situations de violence et/ou d’abus.

    Prendre soin de ses enfants, cela détruit rapidement la carrière académique de nombreuses femmes talentueuses, en particulier celles qui se trouvent dans des situations socio-économiques difficiles. Plus de cent employés de l’UGent et deux cents employés qui travaillent sur les sites de l’UGent par l’intermédiaire de sous-traitants gagnent encore moins de 14€ brut/heure.

    Lutter pour l’indépendance économique des femmes

    Trois années de suite, une grève féministe a eu lieu à l’UGent le 8 mars : un arrêt de travail pour précisément aborder ces problèmes. Pour la quatrième édition, en 2020, la grève féministe se concentrera sur la lutte pour les 14 € et exigera, avec le syndicat CGSP, un salaire minimum de 14 €/h pour tous les employés de l’UGent ! La CGSP défend, à juste titre, que chacun devrait pouvoir gagner sa vie indépendamment de son partenaire, avec ou sans enfants, dans un emploi à temps partiel ou à temps plein. Lutter contre le sexisme, c’est aussi se battre pour l’indépendance financière des femmes.

    Il faut lancer un vaste débat sur la lutte contre le sexisme

    La campagne ROSA veut profiter de cette occasion pour lancer une vaste discussion dans toutes les sections de l’université, une discussion sur les formes structurelles de sexisme et de discrimination présentes dans notre société et donc également dans l’enseignement supérieur.

    Les établissements d’enseignement ont un rôle d’exemple à jouer. Beaucoup peut être fait au niveau universitaire et de bonnes initiatives contre le sexisme peuvent aussi inspirer d’autres organisations et institutions à faire de même. Cela signifie que toutes les formes de discrimination doivent être combattues.

    Cette proposition peut servir de base à une déclaration d’engagement ou à une charte contre le sexisme.

    – Ne donnons aucune place à l’UGent aux groupes qui font la promotion de la haine (le sexisme, le racisme, etc.).
    – Créons un environnement qui s’oppose à l’objectivation du corps féminin et aux stéréotypes de genre.
    – Garantissons l’accès démocratique et social à l’enseignement supérieur aux étudiants de toutes origines et de toute situation familiale ou financière.
    – Veillons à éliminer la position économique et académique secondaire des femmes à l’université.
    – Mettons en place une politique proactive qui garantisse la santé sexuelle et reproductive des étudiants et de tout le personnel.
    – Développons une aide pour éliminer autant que possible la double tâche quotidienne des femmes.
    – Garantissons un fonctionnement ouvert et démocratique de l’université pour étouffer les abus de pouvoir dans l’œuf.

    La Campagne ROSA veut participer à ce défi avec des propositions et des mesures qui peuvent concrétiser une telle déclaration d’intention.

    – Lançons un débat sur le rôle des femmes dans l’histoire et aujourd’hui dans les programmes scolaires.
    – Garantissons aux doctorants et aux chercheurs un congé de maternité complet et une crèche à l’université. De cette façon, nous évitons que la double tâche quotidienne soit un obstacle aux études universitaires ou à la carrière académique. Il faut également revenir sur la récente suppression du remboursement de l’avortement et de la contraception de l’assurance hospitalisation de l’UGent.
    – Augmentons le salaire minimum à l’UGent à 14 €/h ou 2 300 €/mois pour l’ensemble du personnel. Une grande majorité des membres du personnel dont le salaire brut est inférieur à 14 €/h sont des femmes.
    – De plus en plus d’étudiants sont poussés vers la prostitution. Les établissements d’enseignement supérieur, de plus en plus chers, en sont les principaux responsables. Luttons pour plus de moyens publics pour l’enseignement : 7% du PIB pour l’enseignement !
    – Il faut fournir des logements sociaux étudiants de qualité en nombre suffisant pour mettre un terme aux logements de plus en plus chers.
    – Instaurons une politique de sensibilisation active sur les contraceptifs et les MST avec accès à des contraceptifs gratuits.
    – Assurons qu’il y ait un nombre suffisant de toilettes non sexistes. Des serviettes hygiéniques et des tampons hygiéniques doivent être fournis gratuitement afin de garantir le droit à l’hygiène.
    – Investissons dans le soutien psychosocial. Les étudiants en psychologie travaillent déjà avec des listes d’attente : dégageons du temps pour assister les victimes du sexisme et d’autres formes de discrimination.

     

  • Flandre. Construire un mouvement pour gagner: Jambon doit dégager !

    “Ce sont les barbares qui économisent sur les plus démunis”, pancarte vue à une action des travailleurs sociaux.

    Le gouvernement flamand est très ancré à droite et la liste de ses victimes s’allonge de jour en jour. Mais l’opposition qui lui fait face s’intensifie également. Les partis au pouvoir (N-VA, CD&V et Open VLD) avaient déjà perdu des plumes aux dernières élections en raison de leur politique antisociale. Cela ne les a pas empêchés de s’en prendre à nouveau, et encore plus brutalement, aux dépenses sociales. L’impératif qui guide leur budget est simple : cajoler encore plus les riches. La note est salée : ce sont nos emplois et nos services publics qui trinquent.

    Tract du PSL distribué lors de la journée d’action du 5 décembre

    Les soins de santé, le secteur social, la culture, les transports publics, etc. exigent de nouveaux moyens. Mais les autorités flamandes ne veulent pas mettre un terme au sous-financement qui sévit depuis de trop nombreuses années et elles prévoient de nouvelles réductions de budgets. Lorsqu’il est devenu ministre-président flamand, Jan Jambon avait promis un « gouvernement d’investissement », mais c’est un gouvernement de destruction sociale, une casse sociale qui sert à payer les cadeaux fiscaux aux grandes entreprises. De ce transfert de richesses là, la N-VA et les partis au pouvoir n’en parlent pas !

    Ce gouvernement de droite ne sert que les intérêts de l’élite. Alors, pour tenter d’éviter les critiques, les partis de droite pointent des boucs émissaires, les migrants le plus souvent. Les nouveaux arrivants sont obligés de suivre un cours d’intégration qui leur coûte 360 euros. Un système d’apartheid est introduit pour obtenir un logement social ou accès à la protection sociale flamande. Les habitants sont ainsi divisés en différentes catégories aux droits différents. Ces mesures ont été présentées comme des nécessités visant à dégager des marges selon le principe “notre propre peuple d’abord”. Les mesures de harcèlement des migrants ont bien été mises en œuvre avec efficacité, mais les promesses sociales pour les autres sont restées lettre morte. Le gouvernement s’en prend non seulement aux nouveaux arrivants, mais aussi à tous les plus faibles de la société, aux travailleurs sociaux et aux services publics en général.

    La majorité de la population est touchée par les mesures d’austérité prises par le gouvernement Jambon. Il y a l’abolition de l’allocation logement, la réduction des allocations familiales à, partir du troisième enfant, une attaque contre les fonctionnaires flamands (1.500 emplois disparaîtront), le projet d’imposer un service communautaire aux chômeurs ou encore une réduction des subsides à la société de transport en commun De Lijn. Dans tout ça, il n’y a évidemment pas la moindre trace d’un plan pour le climat. Tous les niveaux de l’enseignement sont également touchés et l’université de Gand vient d’annoncer qu’elle devrait en conséquence procéder à des économies structurelles (c’est-à-dire s’en prendre au personnel). Tout cela à un moment où les gens se plaignent partout de la charge de travail insupportable et de la nécessité d’engager plus de personnel.

    De la colère à la révolte : arrêtons le travail !

    Les travailleurs des CAW (Centrum Algemeen Welzijnswerk, centres d’aide sociale) où 70 travailleurs sociaux sont menacés à cause des nouvelles mesures d’économie avaient mené une première journée de grève. Mardi, ce sont tous les CAW de Flandre qui ont débrayé tandis que des milliers de travailleurs sociaux manifestaient à Bruxelles. C’est un exemple à suivre, d’autant plus que nous pouvons compter sur une large sympathie.

    Le 19 décembre, les mesures d’économie annoncées seront votées au Parlement flamand. Nous avons donc deux semaines pour mobiliser davantage l’opinion publique avec les nombreuses actions en cours. Mais il faudra davantage pour mettre fin à cette politique d’austérité. Pourquoi ne pas organiser une grève générale le 18 décembre dans tous les secteurs touchés par ce gouvernement austéritaire ? Tout en prévenant déjà que de nouvelles grèves prendront place si le gouvernement persiste sur sa lancée. Si le secteur social, l’enseignement, le socioculturel, la VRT, De Lijn,… organisent une journée de grève, ce ne sera pas sans conséquences et cela permettra de construire la pression sociale nécessaire pour que ce gouvernement revienne sur ses plans.

    L’argent ne manque pas

    Ce gouvernement flamand a doublé les subventions aux entreprises pour qu’elles atteignent 400 millions d’euros. La pauvreté en Flandre est à son apogée alors qu’une richesse inédite est entre les mains d’une petite minorité. Si nous voulons une société qui prenne à coeur de répondre aux besoins sociaux, il nous faut aller chercher l’argent là où il est. Nous en avons bavé assez, il est grand temps de passer de la défense à l’attaque. Repousser les nouvelles mesures d’économie ne devrait pas être notre seul but, cela doit constituer la première étape d’une lutte sérieuse et offensive.

    La lutte paie ! C’est ce que l’Histoire nous enseigne. Ecrivons de nouvelles pages de cette Histoire avec toutes les victimes du gouvernement austéritaire flamand : c’est-à-dire la grande majorité de la population ! Mais stopper la politique d’austérité de manière permanente exigera de renverser ce système qui ne repose que sur la soif de profits. C’est pourquoi le PSL défend la construction d’une société socialiste démocratique.

  • Vers un gouvernement fédéral sans la N-VA ?

    Dans le cadre des négociations menées par l’informateur, Paul Magnette, il n’y a toujours pas de discussion officielle sur une éventuelle coalition. Dans les médias, la discussion est sortie du cadre stérile ‘‘PS et N-VA doivent se retrouver’’. Alors que le choix entre les deux options – violette-jaune ou arc-en-ciel – divise les deux candidats du second tour à la présidence du MR (Bouchez et Ducarme), Mathias De Clercq, Bourgmestre Open-VLD de Gand, défend ouvertement une coalition arc-en-ciel dans une carte blanche du Standaard (8 novembre).

    Par Anja Deschoemacker

    Magnette déclare avec optimisme : ‘‘Un véritable dialogue a commencé’’ (De Standaard, 19/11), faisant état d’un ‘‘consensus croissant’’ dans le domaine de la justice, sur l’augmentation des pensions les plus basses et du taux d’emploi et sur la nécessité de maîtriser le déficit budgétaire croissant.

    Le fait qu’il souligne l’importance de la société civile – encore une fois fortement attaquée par le gouvernement flamand – indique clairement qu’il va dans le sens d’un gouvernement sans la N-VA. Un gouvernement arc-en-ciel serait majoritaire au parlement, même si ce n’est qu’avec un seul siège.

    Querelles chez les Bleus

    Aucun des deux candidats à la présidence du MR n’est issu de l’aile sociale-libérale du parti. Leur duel semble pourtant se dérouler entre une ligne de droite dure (Georges-Louis Bouchez) proche d’une coalition violette-jaune, et une ligne de centre-droit (Denis Ducarme) plus proche de l’arc-en-ciel.

    Ainsi, dans une double interview dans Le Soir, Bouchez avançait que les pensions des fonctionnaires devaient être réduites pour augmenter celles des indépendants. Ce à quoi Ducarme répondait que Bouchez menaçait d’isoler le MR avec une telle proposition: ‘‘Sur un sujet aussi sensible (…) il est prématuré de donner des signaux qui seront considérés comme courageux par une série de catégories sociales’’.
    Ces discussions ressemblent à celles qui divisent l’Open-VLD entre d’une part ceux qui soutiennent l’appel de De Clercq en faveur de l’arc-en-ciel (le clan Verhofstadt, par exemple) et la droite dure incarnée par des personnalités telles qu’Alexander De Croo et le leader de la fraction parlementaire Egbert Lachaert.

    CD&V : Quels liens avec le mouvement ouvrier chrétien ?

    En novembre, plusieurs personnalités du mouvement ouvrier chrétien flamand (ACW) se sont ouvertement prononcées contre la violette-jaune et contre l’actuel accord de la coalition de droite en Flandre. Ces derniers mois, Luc Van Gorp, Président national de la mutualité chrétienne, et Marc Leemans, Président national de la CSC, ont tous deux fait des déclarations soulignant la distance entre leurs mouvements respectifs et le CD&V.

    Dans De Gids (magazine de Beweging.net, l’ACW), Peter Wouters (Président) et Sandra Rosvelds (Cheffe du bureau d’études) déclarent qu’il est ‘‘troublant’’ de voir ‘‘comment dans chaque domaine politique la société civile est mise sous pression’’. Et aussi ‘‘Ceux qui sont critiques, paient la note dans la société civile. Qui plus est, nous craignons que ce ne soit aussi l’intention sous-jacente.’’ Une carte blanche au nom personnel de Renaat Hanssens (Bureau d’études de la CSC) dans De Standaard du 18/11 répond à l’opinion exprimée par Eric Van Rompuy qu’une coalition arc-en-ciel/orange serait ‘‘trop à gauche’’ : ‘‘Lors de la coalition précédente le CD&V a choisi une coalition très à droite (…). Cela a mené à un affrontement quasi permanent avec le syndicat chrétien, à l’aliénation d’une partie importante de la base et à une défaite électorale historique. Et maintenant, le parti opte pour… remettre le couvert’’.

    Le 21 novembre, l’hebdomadaire Knack rapportait que des sources au sein du CD&V indiquent que le parti est prêt à abandonner sa résistance à ‘‘l’arc-en-ciel’’. L’extension de l’arc-en-ciel au CD&V ajouterait 12 sièges; le CDH en apporterait 5 autres.

    L’avertissement de la Commission européenne est clair : ‘‘l’arc-en-ciel’’ sera aussi un gouvernement d’austérité

    L’avertissement que la Belgique a reçu de la Commission européenne dissipe les illusions de tous les gouvernements régionaux – flamand, bruxellois et wallon – qui voudraient considérer certaines dépenses comme ‘‘hors du budget’’. La Belgique ne serait pas éligible à la ‘‘flexibilité des investissements’’ (Le Soir, 21/11), ce qui ‘‘n’encourage pas’’ les efforts de Magnette pour aboutir à un gouvernement de centre-gauche progressiste.

    Lutte Socialiste ne s’est jamais fait d’illusions : la description que fait Geert Bourgeois du PS comme un parti avec des ‘‘recettes d’extrême gauche’’ vient d’une autre planète. Le PS n’a pas été le défenseur des revendications de la classe ouvrière depuis des décennies. Plutôt que d’être fondamentalement différent des autres partis traditionnels, il tente de limer les contours les plus tranchants de la politique d’austérité pour planter à travers la gorge du mouvement ouvrier l’exigence de la bourgeoisie belge de démantèlement de l’État-providence.

    Au sein des syndicats, les délégués combatifs n’ont pas à déposer les armes, bien au contraire. Si un gouvernement arc-en-ciel/orange est formé, les miettes que le mouvement ouvrier ramasserait d’une part ne serviront qu’à voler des morceaux entiers du gâteau d’autre part. Seules des luttes de masse dans la rue et dans les entreprises peuvent arracher de véritables réformes progressistes et empêcher une nouvelle destruction de l’État-providence – dont il ne reste que peu de choses. Le message est le suivant : Pas d’illusions ! Et préparons-nous à la bataille !

  • Attendre le gouvernement ? Entrons en action ! Pour nos soins de santé, pensions, salaires, notre enseignement,…


    ‘‘Je ne me sens pas Première ministre d’un pays en crise’’ affirmait la Première ministre par intérim Sophie Wilmes (MR) dans la presse 13 novembre. Après 11 mois de gouvernement en affaires courantes, des élections désastreuses pour la coalition suédoise et un déficit budgétaire parmi les plus élevés d’Europe, il faut vraiment ne pas avoir peur du ridicule ! Pendant ce temps, 16,4% de la population est officiellement pauvre et les conditions de vie et de travail se dégradent. Devons-nous vraiment attendre qu’un nouveau gouvernement austéritaire soit sur pied pour nous mettre en ordre de bataille ?

    Les résultats élections de juin sont l’expression d’une crise sociale qui s’approfondit : l’ensemble des partis dominants ont été sanctionnés pour leur politique antisociale, quel que soit le niveau de pouvoir où ils gouvernaient. Toutes les possibilités pour un nouveau gouvernement semblent compliquées et comportent des risques pour tous les partis qui y participeront.

    Une chose est certaine : se contenter d’attendre signifie de se retrouver démunis quand le prochain gouvernement lancera son offensive antisociale. Car, quelle que soit sa composition, c’est très précisément cela qui nous attend. Voilà le sens de l’avertissement lancé par la Commission européenne à l’État belge le 20 novembre : ‘‘Dépêchez-vous de former un gouvernement, de réduire le déficit budgétaire (1,7% en 2019, 2,3% pour 2020) et d’accélérer le remboursement de la dette publique (100% du PIB)’’. En parallèle à cela, selon le Bureau du plan, le budget de la sécurité sociale aura un déficit de 7 milliards cette année. Où iront-ils chercher cet argent ? Pas dans la poches des milliardaires et du grand patronat.

    La lutte paie… mais il faut lutter

    L’automne a été marqué par la lutte tenace et combative des ‘‘blouses blanches’’, qui a su arracher un accord représentant 400 millions d’euros sur base annuelle en profitant d’un gouvernement affaibli et en affaires courantes. C’est un exemple à suivre qui, avec l’actuelle atmosphère de révolte globale, peut pousser à passer à l’action dans les autres services publics sous-financés et laissés à l’abandon.
    Le secteur culturel flamand peut lui aussi jouer un rôle déclencheur. La culture est étranglée de longue date par l’austérité et le gouvernement Jambon entend réduire de 60% le budget des aides aux projets culturels, soit 6 millions d’économies. La résistance du secteur fut immédiate. Après de premières actions, une ‘‘Semaine de feu d’artifice’’ (‘‘Week van het vuurwerk’’ en néerlandais) a été lancée. Le 5 décembre, une manifestation organisée par le personnel de la VRT sur la place des Martyrs à Bruxelles, devrait servir de point de ralliement à tout le secteur. Il n’y a pas si longtemps, le secteur culturel francophone s’était mobilisé avec succès aux côtés du secteur non-marchand pour rejeter la réforme des points APE du gouvernement MR-CDH.

    Chez De Lijn, une grève de 10 jours contre l’austérité a été lancée depuis le Brabant flamand pour ensuite s’étendre au reste de la Flandre, avec jusque 80% des travailleurs en grève à certains endroits. L’impact de l’austérité s’approfondit dans de nombreux secteurs comme le rail (avec 3 milliards d’austérité en 5 ans), l’enseignement (14% de coupes en Flandre depuis 2008), la fonction publique, etc. A tous les niveaux, le besoin d’investissements publics, et donc de luttes pour les arracher, est de plus en plus criant.

    La coupe est pleine, nous sommes nombreux à le dire. Transformons cette indignation en action concrète ! L’idéal serait de disposer d’un plan d’action coordonné qui défende un budget d’urgence sociale et climatique autour d’investissements publics massifs dans les services publics, le logement social et le climat, avec un salaire minimum à 14 euros de l’heure et une pension minimum de 1.500 euros par mois. Il faut en débattre dès maintenant sur les lieux de travail et dans les délégations syndicales. Cela permettrait de concrétiser la solidarité à apporter aux secteurs déjà en lutte, avec l’envoi de motions de solidarité et la présence de délégations de solidarité aux actions, mais aussi de se tenir prêts à partir au quart de tour dès que les menaces seront plus claires ailleurs.

    Ces discussions peuvent aussi porter sur la manière de défendre de manière durable nos conquêtes sociales face à ce système en crise et prédateur, c’est-à-dire sur la nécessité de le renverser. Alors que partout à travers le monde éclate la colère contre les inégalités, la pauvreté des masses et la voracité des riches, préparons-nous à combattre avec audace pour une transformation socialiste démocratique de la société.

  • Flandre – La culture mise au pain sec et à l’eau

    Un soir de grève/le drapeau rouge (1893) d’Eugène Laermans fait référence aux grèves entre 1886 et 1893 pour le suffrage universel. (Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles) – Image de Wikipédia

    Le ministre-président flamand Jan Jambon (N-VA) et sa bande sabrent à la hache dans le secteur culturel. Les subventions de projets passent de 8,47 millions d’euros à 3,39 millions d’euros. Cela ne représente qu’une fraction du budget flamand, mais c’est une vraie claque pour beaucoup d’artistes. Ce n’est que le plus récent épisode d’une longue suite d’années de coupes budgétaires qui avaient déjà fait baisser le rideau sur une bonne partie d’un milieu culturel autrefois florissant. L’opération est une économie assez symbolique qui repose sur les préjugés populistes des ‘‘artistes paresseux et inutiles’’. Mais elle vise également à imposer le silence à la société civile.

    Par Koerian

    Sortir les artistes de la précarité

    Les artistes font partie de la classe des travailleurs. Il n’y a aucune raison de séparer le travail artistique du travail ‘‘ordinaire’’. Pourtant, il est presque normal que les artistes connaissent des conditions de travail plus précaires. Se produire gratuitement sur scène ou réaliser des affiches ‘‘pour se faire connaître’’, ne pas être payé ou avec un retard abusif, passer d’un contrat mal payé à l’autre: c’est le quotidien de nombreuses acteurs du domaine culturel. La passion pour la profession sert d’alibi à l’exploitation la plus brutale. La précarisation du travail des coursiers de Delivroo et des chauffeurs d’Über s’applique au secteur culturel depuis déjà des décennies.

    Depuis la fin des années 1970 et le début de la politique néolibérale, les emplois permanents et bien rémunérés dans le secteur sont devenus un bien rare et convoité. La nouvelle série d’économies ne fera que renforcer cette réalité. C’est précisément cette précarité qui place des directeurs artistiques comme Jan Fabre dans une position de pouvoir incroyable (en 2018, vingt danseuses qui ont travaillé avec ce chorégraphe l’on accusé de ‘‘gestes déplacés, brimades, harcèlement et chantage sexuel’’, NdT). Ils disposent entre leurs mains de la carrière de dizaines d’artistes, qu’il brise ou favorise aux grès de ses envies. Cette réalité conduit aux abus de pouvoir généralisé dans le secteur mis en lumière par #metoo. Chaque artiste mérite des contrats de travail et des salaires dignes de ce nom.

    Une offensive idéologique

    Pour la N-VA, les économies réalisées sur le journalisme d’investigation, la culture ainsi que la radio et la télévision publiques font partie d’une offensive idéologique. Dans leur discours populiste, les ‘‘culturos paresseux’’ s’opposent fatalement aux ‘‘travailleurs flamands qui bossent dur’’. Comme si le travail culturel n’était pas du travail. Les artistes passent des milliers d’heures à apprendre leur métier. Mais la droite veut l’extinction de tout ce qui n’a pas de valeur commerciale directe. Ce n’est pas un hasard si les secteurs actuellement visés sont précisément ceux qui ont critiqué la politique néolibérale du gouvernement flamand ces dernières années. La N-VA espère que ces coupes budgétaires porteront un nouveau coup à la résistance sociale.

    L’art aux mains du public

    Une autre raison de l’austérité est qu’elle pousse le domaine culturel plus loin dans les mains des investisseurs privés. Les grandes entreprises considèrent l’art comme une donnée de marketing et l’art devient de plus en plus une marchandise spéculative. Fernand Huts, le patron de l’opérateur portuaire anversois Katoen Natie et grand ami de Bart De Wever, a acheté le Couvent des Carmes de Gand pour y organiser l’Exposition sur l’art en Flandre, une entreprise de propagande qui défendait que les entrepreneurs ont été le moteur dynamique de la Flandre depuis le Moyen Age, une aberration historique et une dégradation de notre patrimoine artistique. Nous voulons un libre accès aux musées, intégrés dans le secteur public et gérés par des artistes et le public plutôt que par des galeries privées ! Nous voulons investir dans des centres de musique accessibles ! De tels investissements peuvent redonner aux centres culturels un rôle social et éducatif.

    Investir dans l’éducation (notamment artistique)

    Ces économies culturelles s’ajoutent à une série d’économies déjà opérées dans l’éducation. L’ancienne Ministre de l’Enseignement flamand Hilde Crevits (CD&V) a fait en sorte que les écoles de musique ne puissent consacrer que 15 minutes par élève et par semaine. L’obstacle financier au développement artistique est déjà élevé : les instruments et le matériel de dessin, de peinture et de sculpture reviennent chers. Des coûts qui ne font qu’augmenter dans l’enseignement artistique.

    Il faut investir davantage dans les moyens humains et matériels pour l’enseignement artistique à temps partiel et à temps plein afin de garantir une formation gratuite et accessible pour permettre à chacun de développer son talent.

    Nous devons nous battre

    Les artistes ont à leur disposition moins de possibilités de frapper au portefeuille ceux qui sont au pouvoir et les entreprises, contrairement aux syndicats des secteurs de la chimie ou de l’acier, par exemple. Pourtant, dans le passé, des artistes se sont souvent retrouvés à l’avant-garde de la lutte. Les artistes à l’origine des célèbres séries d’animation Rick &Morty et Bojack Horseman ont récemment réussi à créer un syndicat et à imposer de meilleurs salaires et conditions de travail ainsi qu’une réduction des semaines de travail souvent inhumaines (plus de 60 heures ne faisait pas figure d’exception). Les artistes ont joué un rôle clé dans la Commune de Paris en 1871 (le peintre Gustave Courbet a par exemple appelé à la nationalisation des trésors d’art parisiens) ou encore dans le soulèvement hongrois de 1919. En 1968, pendant la vague révolutionnaire en France, les écoles d’art et les musées ont été occupés par des artistes qui s’opposaient au gaullisme et au capitalisme.

    L’histoire nous enseigne que la façon la plus efficace de lutter dans les arts est de recourir à l’action collective et au mouvement des travailleurs. En Pologne, en 2014, le Forum citoyen pour l’art contemporain, a fait grève en collaboration avec la coupole syndicale Initiative des travailleurs en faveur de meilleures conditions de travail dans les grands musées du pays.

    En Belgique également, nous avons pu constater l’importante solidarité du milieu culturel avec la vague de grèves en 2014 contre l’austérité des gouvernements de droite au fédéral et en Flandre. Hart boven Hard, le pendant flamand de Tout Autre Chose, a participé aux manifestations de masse et des écoles d’art ont organisé des piquets de grève où les étudiants étaient au côté du personnel.

    Travailleurs et artistes : des intérêts communs opposés à l’austérité

    Faisons vivre ces traditions avec des grèves d’artistes soutenues par les syndicats et des actions syndicales soutenues par les artistes. Après tout, ils ont des intérêts communs. La revendication de la FGTB d’un salaire minimum de 14 euros de l’heure est également importante dans le secteur culturel, tout comme la résistance à toute mesure d’austérité doit être reprise par le mouvement syndical.

    L’argent pour des investissements de grande envergure dans la culture existe bel et bien. Les entreprises belges planquent 221 milliards d’euros dans des paradis fiscaux. Et le gouvernement flamand veut leur donner de l’argent supplémentaire en doublant les aides aux entreprises. Si nous voulons un secteur culturel accessible et mieux développé, nous devons nous battre pour arracher ces moyens et qu’une partie soit consacrée à la culture.

    • Un salaire minimum de 14 euros de l’heure pour tous
    • Des contrats solides et permanents pour chaque artiste
    • Un enseignement artistique gratuit à temps plein et à temps partiel
    • Des musées gratuits aux mains du public et sous le contrôle des artistes et des usagers
    • Des investissements dans du matériel public, des salles de répétition et des ateliers
    • 30 heures de travail par semaine, avec maintien du salaire et embauches compensatoire : laissons à chacun le temps nécessaire à l’épanouissement personnel

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