Category: Politique belge

  • On ne peut pas mourir pour un contrôle d’identité ! Luttons ensemble pour changer de système !

    Anderlecht. Photo : Wikicommons

    Les faits qui ont amené à la mort d’Adil montrent encore une fois que la crise du covid19 exacerbe la violence de ce système contre les pauvres, les jeunes, les femmes, les migrants et tous les travailleurs. Ce sont eux qui payent avec la douleur et le deuil, l’incompétence de la classe dominante à tous les niveaux. Tout d’abord, nous voudrions exprimer nos sincères condoléances à la famille et aux amis d’Adil dans cette période de deuil. Nous voulons également mettre en exergue les causes politiques de cette tragédie et comment celles-ci sont liées à la nécessité d’un changement radical de système.

    Par Pietro (Bruxelles)

    Les faits

    Ce vendredi 10 avril 2020, en plein confinement, un jeune homme de 19 ans a perdu la vie après une course-poursuite avec la police. Alors qu’il tente de dépasser une camionnette, une autre voiture de police engagée dans la poursuite arrive à toute vitesse en sens inverse le percutant de plein fouet. Adil meurt sur le coup. La police affirme que c’est le scooter qui aurait percuté la voiture mais cela reste à prouver car plusieurs témoins défendent le contraire. Son tort ? Être sorti en période de confinement.

    La réponse populaire des habitants du quartier (Cureghem à Anderlecht) ne s’est pas fait attendre. Des émeutes ont éclaté dans la nuit de samedi à dimanche, suite à un rassemblement spontané de la population en solidarité à Adil, la réponse de la police a été toute suite la répression. Une centaine de personnes ont été arrêté après une intervention musclée de plusieurs centaines de policiers, de canons à eaux, de chiens, etc.

    Les bases matérielles de la violence dans les quartiers populaires : une analyse de classe

    La mort d’Adil est une tragédie qui démontre l’inhumanité de notre modèle de société capitaliste et encore plus sa totale incapacité à gérer cette situation de crise.

    Adil était en train de fuir un contrôle de police qui, à cause des mesures d’urgence, aurait pu lui coûter 250 euros d’amende. S’il a fui, c’est bien pour échapper aux amendes disproportionnées qui peuvent représenter de 20 à 40 % des revenus mensuels mais également pour échapper à l’intervention de la police qui jouit d’une totale impunité dans les quartiers populaires. Sortir en période de confinement ne peut pas être une raison valable pour mourir. Cela est inacceptable et est un signe trop clair de la répression qui prend place dans les mesures d’urgence contre la pandémie.

    Les quartiers de Cureghem à Anderlecht, comme d’autres à Bruxelles, n’offrent pas d’avenir à ces jeunes, avec des taux de chômage allant de 45 à 50% parmi la jeunesse suite à la désindustrialisation de la ville. Les enfants et les petits-enfants d’ouvriers immigrés -la moitié de la jeunesse bruxelloise- sont particulièrement touchés par cette situation. Depuis des années, les autorités communales gérées par les partis traditionnels ont négligé les populations en les stigmatisant. Ce sont les politiques néolibérales faites de coupes budgétaires en cascade de la région jusqu’aux communes qui représentent la base matérielle du racisme structurel. Celui-ci prend une forme spécifique dans la fréquence des contrôles et des discriminations dans les quartiers populaires.

    Ces politiques d’austérité sont à la base du démantèlement social, des inégalités scolaires, des discriminations, de l’exclusion sociale et de la marginalisation de certaines couches de la population surtout d’origine immigrée de la classe ouvrière.

    Comment les contrôles au faciès, les injures racistes et la violence gratuite de la police peuvent-il améliorer notre sécurité ? Cela n’engendre-t-il pas au contraire un climat d’insécurité et de dialogue impossible avec la police et les autorités ?

    Le débat dans la société et la réponse des partis traditionnels

    Plusieurs personnes ont commenté et ont posé la question suivante dans le débat public : « si ce jeune garçon n’avait rien à craindre, pourquoi a-t-il tenté d’échapper aux contrôles ? » La réponse de certains est qu’il avait certainement quelque chose à se reprocher. D’autres encore lancent des appels moraux à la réconciliation et à la paix sociale sans essayer de comprendre les vraies origines de cette violence. Pascal Smet (SP.A), secrétaire d’Etat bruxellois, a lui aussi posé des questions sur la course-poursuite : « Et quand des dizaines de jeunes se mettent à s’attaquer à la police, c’est qu’il y a quelque chose de grave. Une rupture de confiance. De la défiance. De l’incompréhension. Et carrément de la haine. Et ce des deux côtés. Parce que c’est bien ça la situation à Cureghem. »

    Nous ne pouvons pas analyser les faits de manière anecdotique, il nous faut une lecture sociale pour pouvoir comprendre cette réalité. La réaction d’Adil est le résultat d’années de répression, de racisme et d’abandon social qui se vit dans les quartiers populaires. De plus, les autorités et les discours dominants visent à mettre la responsabilité de la contagion sur les comportements individuels, comme si un jeune en scooter pouvait être un danger pour la population alors que le ministre de la santé n’a pas été capable de fournir les masques nécessaires pour protéger les travailleurs de la santé. Comme si le fait que des entreprises non-essentielles sont toujours en activité n’était pas criminel, alors que 85% des entreprises contrôlées ne respectent pas la distanciation sociale. Comme toujours ce sont les classes plus défavorisées qui payent le prix de ce manque d’organisation du système.

    Le ministre De Crem affirme également : “C’est totalement inadmissible, Ce sont des fauteurs de troubles qui ont utilisé un incident dramatique pour créer le chaos. Cette attitude n’a rien à voir avec le deuil ou le chagrin.” Selon lui, “Il s’agit de jeunes gens qui ne peuvent pas fonctionner selon nos normes et valeurs.” Il est extrêmement clair ici que le gouvernement utilise le racisme comme arme de stigmatisation envers les quartiers populaires afin de masquer sa responsabilité dans la gestion de la crise.

    On voit bien que les politiques traditionnels sont incapables de comprendre ce qui est en train de se passer. La mauvaise gestion de la crise sanitaire, le manque d’investissement public depuis des décennies dans la santé et dans les services publics, le manque total de volonté de la classe dirigeante de mener une politique sérieuse de dépistage et de mises en sécurité de la population mènent les autorités à devoir confiner la population. Tout ceci mène à l’utilisation de mesures répressives contre ceux et celles qui ont plus de mal à vivre cette situation de confinement à cause des inégalités que le système a créé depuis trop longtemps.

    Les partis traditionnels mystifient complètement la réalité du confinement. Comme si on pouvait imaginer que le confinement soit pareil pour quelqu’un qui vit dans une villa de plusieurs centaines de mètres carré et pour quelqu’un qui vit dans 40 mètre carré et/ou sans revenu. L’énorme inégalité sociale que cette société nous impose devient de plus en plus évidente pour tout le monde.

    Gouvernement des pouvoirs spéciaux – de la violence de la police à la violence sociale

    Les violences policières restent pour la plupart impunies, comme l’a confirmé une condamnation prononcée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme envers la Belgique. Les plaintes déposées au comité P (Comité permanent de contrôle des services de police) sont d’ailleurs souvent classées sans suite, cet organisme a notamment été sujet de critiques sévères de l’ONU, qui remet en cause son indépendance et son impartialité.

    Toutes les mesures exceptionnelles prises pendant la période du confinement seront également utilisées contre le mouvement social et syndical, et contre nos droits démocratiques.

    Nous devons enlever le contrôle de la police des mains des politiciens à la rhétorique martiale et répressive. Il nous faut lutter contre les violences policières, l’impunité face aux abus de pouvoir et l’utilisation des forces de police contre nos piquets de grève, nos manifestations et nos actions. Ce qui est nécessaire, c’est un contrôle démocratique sur la police exercée par la collectivité et les organisations du mouvement des travailleurs afin que celle-ci soit réellement utile pour les travailleurs et les jeunes.

    Il nous faut lutter pour un plan massif d’investissements publics pour la santé, l’enseignement pour des logements sociaux. Ces investissements permettraient de résorber les pénuries et de créer des dizaines de milliers d’emplois de qualité et socialement utiles pour offrir à chacun une perspective d’avenir. Il nous faut également lutter pour un enseignement démocratique et de qualité et gratuit et des salaires qui permettent de vivre décemment, l’instauration d’un salaire minimum de 14€/h serait un bon premier pas dans ce sens. Mais pour accéder à ces revendications légitimes, nous allons devoir affronter la logique de profit des entreprises selon laquelle il faudrait se préparer à retourner au travail alors que la pandémie sévit toujours ! Pour bénéficier d’un avenir qui ne soit pas marqué par le désespoir, la misère et la répression, nous devons lutter contre ce système capitaliste et en faveur d’une transformation socialiste de la société.

  • Un programme socialiste d’urgence contre la crise du coronavirus

    Nous avons publié une version élaborée de notre programme socialiste face à la crise du coronavirus (accéder à ce document), mais nous avons également préparé une version plus courte avec le plan d’urgence proposé ci-dessous.

    Pour un plan d’investissements publics massif dans le secteur de la santé.

    – Suffisamment d’équipements de protection, des infrastructures adéquates et plus de personnel.
    – Rendre l’emploi dans le secteur de la santé plus attractif : augmentation des salaires, réduction collective du temps de travail avec embauches compensatoires
    – Des ressources et investissements suffisants dans le secteur social, des moyens supplémentaires pour l’assistance psychologique pendant et après cette crise, des refuges supplémentaires pour les victimes de violence domestiques, les LGBTQI+, les sans-abris ou les sans-papiers.
    – L’arrêt immédiat de toutes les restrictions budgétaires, un plan d’investissements publics dans les soins et le social, élaboré démocratiquement.

    Extension massive du dépistage, collaboration dans le développement de vaccins

    – Si les équipements et le matériel sont insuffisants : réquisitions et nationalisation des sites de production pour y pourvoir.
    – Afin d’augmenter considérablement le nombre de tests, il faut un plan basé sur les connaissances et les possibilités scientifiques, et non sur les limites de la propriété privée des moyens de production.
    – Plaçons le secteur pharmaceutique entre les mains du public, abolition des brevets : coopération dans le développement de vaccins au lieu de la cupidité qui domine le secteur actuellement.

    Protégeons les travailleurs !

    – Arrêt de la production non essentielle afin de ne pas exposer les travailleurs au risque d’infection.
    – A travail essentiel, salaire essentiel : augmentation des salaires, en commençant par un salaire minimum de 14 euros de l’heure.
    – En cas de chômage temporaire : versement du salaire dans sa totalité par le patron (sauf si ce dernier peut démontrer que cela menace de provoquer la faillite de l’entreprise).
    – Soutien aux indépendants et petites entreprises en difficulté, sur base d’un besoin avéré.
    – Renforcement de la sécurité sociale et arrêt des cadeaux au patronat. La sécurité sociale est un droit : accès gratuit aux soins et à la protection.

    Des comités de crise sur tous les lieux de travail

    – Les travailleurs savent mieux que quiconque quelle protection est nécessaire sur leur lieu de travail ou quelle production n’est pas essentielle. Laissons-les décider des mesures nécessaires !
    – Instauration d’un comité de crise dans chaque lieu de travail comptant 20 travailleurs. Dans les entreprises où il existe un Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT), celui-ci peut servir de base au comité de crise, dans les entreprises de 20 à 50 salariés sans CPPT, le comité de crise peut être un tremplin vers des élections sociales obligatoires pour un CPPT. Ce comité de crise peut discuter et imposer des mesures. Nationalisation des entreprises qui refusent de mettre en place un tel comité de crise.
    – Les syndicats doivent lancer une campagne nationale avec des revendications et des propositions claires pour ne pas faire payer cette crise aux travailleurs ! Profitons du large soutien dont bénéficie, entre autres, le personnel de santé pour préparer la bataille pour obtenir plus de moyens !

    Pour une approche planifiée de la crise !

    – Des secteurs tels que l’agro-alimentaire ou le pharmaceutique ne peuvent être laissés à la cupidité privée.
    – L’énergie et les grandes entreprises agroalimentaires doivent être placées dans les mains du public dans le cadre d’une transition écologique vers une production durable.
    – Pour l’adaptation rapide de la production aux besoins et aux exigences de cette crise. Les sites de production doivent être mis en mains publiques afin de fournir, par exemple, suffisamment d’équipements médicaux, de biens de protection ou de tests.
    – Les décisions sur les éléments cruciaux de l’organisation de la société ne devraient pas être laissées à la discrétion des patrons : la majorité de la population devrait décider démocratiquement de la manière dont et de ce qui est produit.
    – Nationalisation des secteurs clés de l’économie sous contrôle et gestion des travailleurs et de la collectivité.

    Changeons de système maintenant ! Pour une alternative socialiste internationale !

    – Prenons l’argent là où il est : dans les paradis fiscaux et dans les poches des milliardaires!

    – En prenant les secteurs clés en main, la production inutile (par exemple les dépenses de défense) et le gaspillage peuvent faire place à une économie planifiée.

    – Ce sont les travailleurs qui font tout fonctionner, ils doivent pouvoir décider démocratiquement de ce qui est produit et comment !

    – Pour une société socialiste où la cupidité des ultra-riches est remplacée comme axe central de la société par une coopération et une solidarité internationales visant à satisfaire les besoins et les revendications de la majorité de la population.

  • DANGER : Virus des POUVOIRS SPÉCIAUX !

    Dans le cadre de la crise du Coronavirus et sous prétexte de l’urgence, le Parlement fédéral vient d’octroyer les pouvoirs spéciaux au gouvernement Wilmès II. Sauf si l’on pense que, sous l’effet magique du Coronavirus, le gouvernement fédéral n’a plus de couleur politique, il faut bien constater que le parlement vient majoritairement (PRL, Open VLD, CD&V, Cdh, PS, sp.a, Groen, Ecolo, Défi) de voter les pouvoirs spéciaux à un gouvernement de droite. Dans sa composition politique, ce gouvernement Wilmès II avec pleins pouvoirs est identique au gouvernement Michel II (le gouvernement Michel I moins la NV-A). N’oublions pas que le gouvernement Michel I a imposé le recul de l’âge de la pension, les coupes budgétaires en matière de soins de santé, l’achat de nouveau avions de combat, etc.

    Par Guy Van Sinoy

    Dès les années 1980 les travailleurs du privé et du public ont eu l’occasion de faire l’expérience amère de gouvernements de droite dotés de pouvoirs spéciaux. Il est important de s’en rappeler et d’essayer d’en tirer quelques leçons.

    Rappel des années 1980

    Du début de l’année 1982 à décembre 1987, les gouvernements de droite (Martens V, Martens VI, Martens VII) regroupant les partis chrétiens (CVP (aujourd’hui CD&V.), PSC (aujourd’hui CDH)), et libéraux (PVV (aujourd’hui Open VLD), PRL (aujourd’hui MR)) eurent abondamment recours aux pouvoirs spéciaux pour imposer de sévères mesures de recul social. De février 1982 à décembre 1982, le gouvernement Martens VI prit un paquet de 200 arrêtés : réduction des coûts des entreprises, dévaluation du franc belge de 8,5 %, suspension de la liaison des salaires à l’index, coupes budgétaires dans les dépenses publiques et dans la sécurité sociale, baisse globale de 3 % de la masse salariale, Cela correspondait aux vœux du patronat et au mémorandum remis fin 1981par la Fédération des Entreprises de Belgique.

    Bien sûr cela ne passa pas comme une lettre à la Poste. En septembre 1983 les travailleurs des services publics firent plusieurs semaines de grève générale (sans la CSC). En juin 1986, après plusieurs arrêts de travail spontanés, les affiliés de la FGTB manifestèrent en masse à Bruxelles (+ de 100.000 manifestants) contre un nouveau plan d’austérité : le Plan Van Duchesse (Sint-Anna Plan en néerlandais). Ces mobilisations de masse eurent lieu à l’époque malgré la collaboration active du président de la CSC Jef Houthuys (1) à la politique du gouvernement. Cela contribua fortement à diviser le front commun syndical. La profondeur du mouvement de protestations contre le Plan Val Duchesse aboutira in fine à la chute du gouvernement Martens VII même si de prétendus motifs communautaires seront officiellement évoqués.

    Le gouvernement Dehaene I (CVP, PSC, PS, SP) de 1992 à 1995 ne recourut pas aux pouvoirs spéciaux pour imposer son Plan global. Dans un premier temps il mena la concertation avec les sommets syndicaux, puis ensuite passer en force et imposer son plan.

    2020 : un possible remake des années ‘80 ?

    Pour un gouvernement bourgeois, il ne suffit pas de vouloir les pouvoirs spéciaux pour être capable de pouvoir les appliquer sur le plan économique et social. En cette fin mars 2020, nul ne sait encore combien durera la crise du Coronavirus sur le plan mondial. Nul ne peut deviner la durée du confinement de la population à domicile ni les conséquences économiques de cette crise humanitaire.

    Un chose est certaine cependant : la bourgeoisie fera tout ce qui est en son pouvoir pour tirer son épingle du jeu et faire payer par les classes populaires la note de cette crise mondiale. Les pouvoirs spéciaux accordés à l’équipe Wilmès II le permettront-ils ? Il ne suffit pas d’avoir sur papier le droit de légiférer sans passer par le parlement, il faut encore, comme parti politique, avoir les relais dans la société pour faire passer sa politique.

    Et sur ce plan, le gouvernement Wilmès II n’a pas la même assise que les gouvernements Martens. Même s’il dispose d’un soutien extérieur d’une majorité parlementaire, le gouvernement Wilmès II est composé de partis avec une base électorale relativement faible : MR, Open VLD et CD&V totalisent 38 sièges au parlement (sur 150!). Le CD&V, aujourd’hui troisième parti en Flandre, n’est plus que l’ombre du CVP des années 80. Quant au Cdh (ex-PSC) il n’est plus qu’un groupuscule parlementaire, aujourd’hui crédité dans les récents sondages de moins de 5 % à Bruxelles, c’est-à-dire en-dessous du seuil d’éligibilité.

    Rester sur ses gardes et se préparer à riposter

    Sur le plan des relations actuelles entre le CD&V et le mouvement ouvrier en Flandre, la situation s’est aussi fort dégradée depuis l’époque des gouvernements Martens et Dehaene. La participation active du CD&V à la politique de recul social du gouvernement Michel I (réforme des pensions, tax-shift, saut d’index, allocations de chômage, prépensions, crédits-temps, flexi-jobs dans le secteur Horeca, etc.) et depuis un an, l’acharnement des dirigeants du CD&V de lier leur sort à celui de la N-VA pour participer à un gouvernement de plein exercice ne peut que susciter la méfiance dans les rangs de l’ACV.

    Malgré ces modifications des relations entre parti et syndicat, du côté chrétien, rien n’exclut que le gouvernement bourgeois Wilmès II, mette à profit le profond émoi suscité par le caractère exceptionnel et profond de la crise sanitaire, économique et sociale du Coronavirus pour faire payer la note aux travailleurs et travailleuses du privé et du public. Les militants et militantes de la FGTB, de la CSC et de la CGSLB doivent absolument rester sur leurs gardes et se préparer à riposter.

    1) De 1982 à 1987, Wilfried Martens (Premier ministre) et Jef Houthuys (Président de la CSC) eurent plusieurs entretiens secrets à Poupehan, en compagnie de Fons Verplaetse (futur Gouverneur de la Banque nationale).

  • « Groupe d’experts en charge de l’exit stratégique » : c’est aux travailleurs de planifier le déconfinement !


    Pourquoi les héros du mouvement ouvrier ne sont-ils pas représentés dans le groupe d’experts nommés par le gouvernement ?

    Ça y est, la première ministre Sophie Wilmès a révélé la composition du « Groupe d’experts en charge de l’exit stratégique » (GEES) qui doit préparer les grandes lignes du déconfinement. Dans la droite ligne du gouvernement Michel, le gouvernement Wilmès n’a même pas cherché à prétendre à l’équilibre : ce groupe ne comprend pas un seul représentant des travailleurs. Le “statut de héros” des travailleurs qui nous font traverser la crise est apparemment de courte durée.

    Par Nicolas Croes

    On y trouve par contre le gouverneur de la Banque nationale, Pierre Wunsch, qui n’a cessé de répété que les Belges devaient continuent à travailler. ‘‘Je sais que c’est un peu en contradiction avec le message ‘Restez chez vous’’’, a-t-il admis, ‘‘Nous devons pourtant trouver un équilibre entre cette crise de santé publique et notre économie’’. Selon lui, cet équilibre se trouve donc très exactement à rebrousse-poil de l’avis du monde médical… A ses côtés se trouve Johnny Thijs, le tout récent président du conseil d’administration d’Electrabel. Les travailleurs de bpost se souviennent fort bien de lui et du massacre du personnel et des conditions de travail qu’il a opéré alors qu’il dirigeait l’entreprise publique. Quelles sont ses priorités ? On se souvient qu’il avait quitté la direction de bpost quand le gouvernement avait décidé de réduire son salaire de 1,1 million d’euros à… 650.000 euros.

    Ne laissons pas le confinement aux mains des responsables de la propagation de la pandémie !

    On trouve donc dans ce GEES des personnes qui incarnent parfaitement la logique capitaliste meurtrière qui justifie de sabrer dans les dépenses des soins de santé au point de les rendre exsangues. Aujourd’hui, si l’on tient compte du nombre de décès par habitant, la Belgique (avec 61 morts par million d’habitants) est au troisième rang mondial derrière l’Italie et l’Espagne. Pousser des travailleurs à se rendre au boulot dans des entreprises non-essentielles dans ces conditions est totalement criminel.

    Le gouvernement a lui-même donné le ton ce vendredi 3 avril en élargissant les secteurs qui peuvent rester en activité. « La liste des activités où le respect de distanciation n’est pas obligatoire est élargie. Elle n’a plus comme objectif de permettre à la population d’assouvir ses besoins mais de préparer un redémarrage des activités économiques; ce que je souhaite mais n’est-ce pas trop tôt ? On ne peut pas confondre précipitation et santé », a dénoncé Andrea Della Vecchia, permanent FGTB de l’industrie chimique : « Ce n’est pas un arrêté ministériel. C’est un arrêté patronal. » Le front commun syndical de la chimie avait la semaine dernière une lettre à la Première ministre afin de réduire l’activité de l’industrie chimique au nom de la préservation de la santé des travailleurs. « Nous avons émis des avis, des idées, des mises en garde et on n’en a pas tenu compte. Il n’y a plus de concertation sociale », a résumé la FGTB.

    L’intelligence collective ?

    On a pourtant pu lire dans Le Soir : « Une fois encore, c’est donc sur « l’intelligence collective » que parie la Première ministre ». Que Sophie Wilmès parie, c’est certain. Avec notre santé et nos vies. La gestion de l’épidémie par les autorités a été lamentable. A chaque fois, le gouvernement s’est retrouvé à la remorque des travailleurs, qui sont les premiers à avoir imposé des mesures et des fermetures sur leurs lieux de travail. C’est cela qui a poussé le gouvernement à annoncer des mesures de confinement.

    Dans un de ses communiqués en relation avec le GEES, Sophie Wilmès a déclaré : « Notre pays ne manque ni d’expertise, ni de savoir, ni de talent. » C’est un fait : il s’agit du monde du travail, de ces héros qui, dans la santé et ailleurs, font tourner le monde. Ce sont eux qui sont les plus à même de décider de ce qui doit être fait en assurant que la priorité soit la santé publique et non les bénéfices des entreprises. Le gouvernement veut par-dessus tout éviter que le mouvement des travailleurs ait son mot à dire. Au-delà de la crise sanitaire, il y a la crise économique, et tout sera fait pour tenter de limiter notre riposte dès lors qu’il sera question de payer la facture.

    Le mouvement des travailleurs doit faire entendre sa voix !

    Cette crise a démontré, s’il le fallait encore, que sans le travail et les efforts du personnel soignant, de la distribution, des transports, de la collecte de déchets,… rien ne fonctionne. Personne ne dispose d’une meilleure vue sur la manière dont les choses sont produites que les travailleuses et travailleurs eux-mêmes. Ce sont eux qui doivent assurer la planification du déconfinement, sur base de comités anti-crises construits autour des représentants élus des travailleurs et des Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT). Mais dans un premier temps, c’est l’arrêt des entreprises non-essentielles qui doit être planifié de toute urgence !

    L’activité économique doit bien entendu redémarrer à un moment donné, mais à quelles conditions, dans l’intérêt de qui et par quelles décisions ? Les représentants des travailleurs dans les secteurs clés, de l’industrie à l’enseignement, doivent avoir leur mot à dire dans ce processus et pouvoir y opposer leur veto ! Que les syndicats, FGTB et CSC, fassent ce que l’on attend d’eux et qu’ils exigent la participation directe des travailleurs ! Si la relance des secteurs ne dépend que des patrons et des partis politiques de l’establishment, la sécurité des travailleurs ne sera pas prise en compte. Organisons-nous, nous n’avons pas à risquer nos vies pour leurs profits !

  • Prendre l’argent là où il est


    Sur fond de crise boursière, liée à une récession de l’économie réelle, les capitalistes et leur personnel politique crieront que l’argent manque. Ils défendront que la collectivité continue de soutenir les grandes entreprises pour qu’elles puissent investir, car de cette richesse dépend celle de la population. C’est totalement faux. Nous l’avons constaté après la crise de 2008. Une fois encore les pertes ont été socialisées et les profits privatisés. Les dividendes versés aux actionnaires ont atteint des records tandis que la majorité de la population a été obligée de se serrer la ceinture. En Belgique, nous avons subi un saut d’index qui a réduit nos salaires réels, une augmentation de l’âge de la pension, des économies sur la sécurité sociale, etc. Pendant ce temps, de vastes richesses s’envolaient vers les paradis fiscaux. Résultat : pas moins de 172 milliards d’euros sont ainsi partis de Belgique pour les paradis fiscaux en 2019. Le budget des soins de santé représentait quant à lui 26 milliards d’euros la même année.

    • Ceci est une partie du programme plus global du PSL face à la crise du coronavirus auquel vous pouvez accéder en cliquant ici.

    Dès le début de la crise du coronavirus, les autorités ont assuré que les banques seraient soutenues. Les entreprises ont notamment obtenu un report du paiement de leurs cotisations à la sécurité sociale. C’est à peine s’il est question de fonds supplémentaires pour nos salaires et nos soins de santé. Si cela ne dépendait que des patrons et de leurs pantins politiques, le coût de la crise serait répercuté sur les travailleurs et leur famille.

    Les études d’Oxfam ont clairement illustré qu’un petit groupe richissi me dispose d’une fortune sans précédent : 2153 milliardaires détiennent plus d’argent que 60% de l’humanité ! Des milliards d’euros sont planqués dans les paradis fiscaux et des capitaux sont investis massivement dans des productions socialement inutiles, comme les dépenses militaires, tandis que la spéculation va bon train pour profiter de la crise, tout comme ce fut le cas avec la spéculation contre les Etats après la crise de 2008.

    Nous devons nous protéger en retirant des mains de cette élite richissime tous les leviers économique, au premier rang desquels le secteur financier. Cela permettrait d’assurer la fin de la spéculation et que ces sommes monumentales puissent servir à faire face aux crises sanitaires, écologiques et économique tout en améliorant le sort des travailleurs et de leurs familles.

    Nous exigeons :

    • Le non-paiement de la dette publique, sauf sur base de besoin prouvé.
    • L’expropriation et la nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité des secteurs clés de l’économie (dont la finance), afin de disposer de tous les leviers pour répondre aux crises multiples du capitalisme.
    • La planification démocratique de de l’économie pour satisfaire les besoins de la population dans le respect de la planète.
  • Assurer la sécurité sociale la plus forte possible

    Au travers de la sécurité sociale, la collectivité garantit un revenu à ceux qui se retrouvent en incapacité de travailler pour quelque raison que ce soit. Les allocations sociales doivent nous permettre de continuer à bénéficier d’un certain niveau de vie à certaines périodes d’inactivité non désirées (pour cause de maladie, de pension ou de chômage). Pour le néolibéralisme, le filet de sécurité que représente la sécurité sociale doit être réduite au minimum. L’approche a été adoptée par tous les partis classiques et, après plus de 30 ans, c’est à peine si notre sécurité sociale tient encore debout.

    • Ceci est une partie du programme plus global du PSL face à la crise du coronavirus auquel vous pouvez accéder en cliquant ici.

    L’allocation de chômage ne représente que 64 % du salaire net au départ. Après six mois, les allocations de chômage sont inférieures au seuil de pauvreté pour tous les types de ménage. Le fait qu’en cette période de crise, l’allocatio¬n de chômage technique ait été portée de 65 % à 70 % a été accueilli avec un peu de soulagement par les nombreuses personnes concernées, mais nos factures seront-elles réduites à 70% ?

    C’est tout le système du chômage technique qui doit être remis en question. Ce système repose sur la logique de socialisation des pertes et de privatisation des profits : quand tout va bien, les grandes entreprises empochent profits et dividendes mais, en temps de crise, c’est la collectivité qui paye.

    Tous les ménages les familles doivent disposer d’une garantie de revenu. Les entreprises qui ont réalisé de superbes bénéfices peuvent parfaitement assure la continuité des salaires. Quant aux petites entreprises, si elles peuvent démontrer qu’elles ne sont pas en mesure de le faire, elles doivent pouvoir bénéficier de l’assistance des autorités.

    Notre sécurité sociale serait parfaitement capable de supporter cette crise si elle n’avait pas été littéralement pillées. Le tax-shift du gouvernement Michel comprenait la diminution progressive des cotisations patronales de 32,4 % à 25 %. Pour les patrons, cela signifie une réduction du coût de la main-d’œuvre de 5,8 milliards d’euros par an. La multitude de stratagèmes pro-patronaux de cette sorte ont fait passer la sécurité sociale de 20 % du PIB en 1983 à 15,3 % aujourd’hui. Si les règles de financement de la sécu de 1983 étaient restaurées, cela signifierait 22 milliards d’euros supplémentaires par an. De quoi largement dépasser le déficit de 6 milliards d’euros prévu d’ici 2024. Dans la sécurité sociale comme dans les services publics, la réduction de moyen est organisée par les autorités pour ensuite justifier encore plus de mesures d’austérité.

    D’autre part, les prestations en nature sont très populaires auprès des patrons, car cela leur évite de verser des cotisations de sécurité sociale. En 2019, cela représentait pas moins de 6,8 milliards d’euros de masse salariale, soit 2,6 milliards d’euros de revenus en moins pour les caisses de sécurité sociale. Mais puisque certains avantages extra-légaux n’ont pas été inclus dans cette étude, la perte réelle pourrait être de l’ordre de 4 milliards d’euros. Il faut revenir sur ces avantages, en assurant que cela n’implique aucune perte pour les travailleuses et travailleurs. Ils doivent donc être reversés sous forme de salaire.

    Tout démantèlement de la sécurité sociale signifie de revenir vers l’individualisation des risques sociaux. Il y a eu une prolifération de pensions complémentaires et de fonds de pension, d’hospitalisation et d’assurances complémentaires. Ces systèmes ne sont pas neutres. Ils constituent l’interprétation néolibérale de la couverture individuelle des risques sociaux et sapent notre sécurité sociale collective.

    C’est grâce au combat acharné de la classe des travailleurs que la sécurité sociale a été instaurée pour faire face à des crises comme celles d’aujourd’hui. Pour arracher le remboursement de ce qui a été pillé et imposer des contributions sociales qui nous permettent de faire face aux besoins, il faudra un même type de lutte.

    Nous exigeons :

    • Le rétablissement de la sécurité sociale et l’abolition de tous les cadeaux au patronat.
    • Déconstruction des prestations en nature pour qu’elles soient remplacées par des salaires, sans perte de revenus pour les travailleurs.
    • La garantie d’un revenu en cas de maladie et de chômage temporaire équivalente à 100 % du salaire net.
    • L’imposition de plus fortes contributions sociales au patronat.
  • Il y a deux mois, nous avons manifesté pour une sécurité sociale renforcée… et nous avions raison !


    Le 28 janvier dernier, la FGTB avait organisé une manifestation contre les économies sur la sécurité sociale. L’évènement n’était pas sans importance : les gouvernements sapent le financement de la sécurité sociale depuis des années. Si cette dernière dispose de moins en moins de moyens, c’est parce que les patrons reçoivent en cadeau une partie des cotisations de sécurité sociale. Cela a des conséquences désastreuses. Ces dernières années, une large partie de notre protection sociale nous a été retirée nous (l’âge du départ en pension a été relevé, les soins de santé se sont détériorés,…). Mais aujourd’hui, en ces temps de crise du coronavirus, l’importance de la sécurité sociale est évidente : à la fois en termes de soins que de protection contre le chômage.

    Leur politique : moins de ressources pour les soins de santé

    A l’opposé des syndicalistes qui sont descendus dans la rue pour obtenir une meilleure protection sociale, la droite n’a pas cessé de défendre sa politique de démantèlement. En 2016, Bart De Wever déclarait : “Il est clair que si nous ne faisons pas d’économies supplémentaires sur la sécurité sociale, nous n’économiserons rien. Ce n’est que là qu’il y a encore beaucoup d’argent à trouver”. Il pensait alors plus spécifiquement aux sanctions contre les malades de longue durée. Les partis de droite ont donc lancé leur offensive : les malades doivent retourner au travail le plus rapidement possible. Les travailleurs sont donc moins susceptibles de rester chez eux lorsqu’ils sont malades. La pression a augmenté sur tous les malades, à court et à long terme. Quel en est l’effet sur les travailleurs en période de pandémie ?

    Jusqu’à récemment, les moyens dont disposent les soins de santé étaient tabous pour les partis de droite. “Selon l’OCDE, la Belgique dépense plus pour les soins de santé que la moyenne européenne. Grâce à la limitation de la norme de croissance, les dépenses restent sous contrôle”, peut-on encore lire sur le site de la N-VA. Le même point de vue est partagé, entre autres, par l’Open VLD. Concrètement, cela signifie que les ressources destinées au secteur de la santé ne suivent pas le rythme de la demande croissante de soins. Les dépenses ne peuvent augmenter que de 1,5 % par an. Sous le gouvernement Di Rupo, cette norme de croissance a déjà été abaissée de 4,5 à 3 %, tandis que sous le gouvernement Michel, elle a été réduite de moitié. La crise du secteur de la santé y est bien sûr liée : la résilience du secteur à faire face à une catastrophe telle que COVID-19 est affectée par cette politique.

    S’il n’avait dépendu que de la N-VA, un nouveau gouvernement fédéral aurait été formé pour économiser 5 milliards d’euros supplémentaires sur les soins de santé. Cela figurait dans la liste des mesures que le parti a soumises au PS lors des négociations gouvernementales. De Wever pense-t-il vraiment que la majorité des Flamands veulent faire de telles économies sur les soins de santé ?

    Nos revendications : plus de moyens pour la sécurité sociale

    Les manifestants du 28 janvier exigeaient une meilleure protection sociale. Ils s’opposent à la politique de réduction des contributions des employeurs, politique responsable des déficits. Par exemple, sous le gouvernement Michel, les cotisations sociales dites “charges patronales” sont passées de 32,4 % à 25 % ce qui, selon le Bureau du plan, coûte 5,8 milliards d’euros à la sécurité sociale. De cette décision découlent des bénéfices supplémentaires pour les entreprises et une érosion des caisses de la sécurité sociale.

    En outre, il existe tout un arsenal de mesures visant à payer une partie de nos salaires sans verser la moindre cotisation de sécurité sociale. Une partie de notre salaire n’est pas considérée comme “salaire” mais une compensation ou un avantage extra-légal. Les patrons s’en servent pour rendre moins chères les augmentations de salaire. Et une partie de cela peut disparaitre en cas de chômage technique, comme c’est le cas des chèques-repas. Ces régimes sont également préjudiciables au financement de la sécurité sociale. L’une des prestations extra-légales les plus populaires est l’assurance hospitalisation : à mesure que les ressources de la sécurité sociale diminuent, une protection sociale supplémentaire sur une base privée est nécessaire. En tout cas : toutes sortes de prestations extra-légales font qu’il manque plus de 4 milliards d’euros à la sécurité sociale.

    Les cadeaux aux patrons sapent les revenus de la sécurité sociale. En outre, les dotations publiques risquent d’être réduites : la dotation d’équilibre (représentant 3 % du financement de la sécurité sociale) expire en 2020 à la suite d’une décision prise en 2017. Cela signifierait à nouveau quelques milliards de moins dans la sécurité sociale. Où ces économies seront-elles réalisées ? Sur les allocations de chômage technique ? Sur les soins ? Sur les pensions ?

    Si la crise actuelle illustre quelque chose, c’est précisément l’importance de la sécurité sociale. Dans le même temps, elle exerce une pression supplémentaire sur les caisses de la sécurité sociale. Pour que celle-ci puisse protéger efficacement la population, elle doit être dotée de ressources suffisantes. Pour cela, il faut mettre fin à la politique de cadeaux aux entreprises et au moins relever les cotisations patronales à la sécurité sociale à 32,4 % comme auparavant. Cela fait partie de notre salaire indirect, cette réduction revient à permettre au patronat de mettre de l’argent dans sa poche au lieu de contribuer à notre protection sociale. Tout ce que nous obtenons pour notre travail est un salaire et doit être considéré comme tel : sans toucher à ce que nous obtenons en net, la sécurité sociale doit recevoir plus.

    Mettre un terme à l’érosion et au démantèlement de la sécurité sociale serait une première étape importante pour assurer la protection sociale de tous les travailleurs et de leurs familles. Non seulement en cette période de grave crise des soins de santé, mais aussi à plus long terme.

    >> Lisez notre dossier sur la sécurité sociale

  • La crise du coronavirus a donné naissance à une (sorte de) gouvernement fédéral

    Au lendemain des élections, nous avions expliqué qu’il allait falloir une immense pression extérieure pour constituer un gouvernement fédéral : un Brexit sans accord, un début de crise économique alimenté par la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine,… En fin de compte, il aura fallu que la santé publique soit sérieusement menacée pour qu’un gouvernement soit formé. Mais même dans ce cas, les choses n’ont pas été plus loin qu’une procuration accordée au gouvernement minoritaire en affaires courantes déjà existant, avec le soutien d’une large majorité parlementaire, mais toujours sans majorité parmi les sièges flamands.

    Par Anja Deschoemacker

    Alors que les rues sont quasiment vides, même dans les endroits les plus habituellement fréquentés de la capitale, le gouvernement Wilmès va demander la confiance de l’Assemblée cet après-midi. Il est prévu que tous les partis lui accordent cette confiance à l’exception du Vlaams Belang, de la N-VA et du PTB/PVDA. La N-VA ne devrait soutenir que les pouvoirs spéciaux.

    Cette situation est le fruit du dernier épisode, pour l’instant, de ce théâtre politique purement belge. Le président de la N-VA, Bart De Wever déclarait encore le 8 mars dernier qu’aucune mesure drastique ne devait être prise car les conséquences économiques seraient pires que le coronavirus lui-même. En tant que bourgmestre d’Anvers, il a refusé d’appliquer les premières recommandations (trop) limitées du gouvernement fédéral. Mais il s’est soudainement présenté comme candidat au poste de Premier ministre pour un gouvernement d’urgence avant le week-end.

    La riposte à sa manoeuvre fut un regroupement des forces autour du PS et du MR avec le soutien de l’Open-VLD et des partis verts. Le ‘‘gouvernement d’urgence’’ se réduit au gouvernement minoritaire existant – seulement 38 des 150 sièges – avec le soutien de l’opposition. Afin de donner à ce véhicule un certain poids, ce gouvernement minoritaire se voit attribuer des pouvoirs spéciaux face à la crise du coronavirus, mais aussi face à ses conséquences économiques. Le gouvernement wallon et le gouvernement de la Communauté française (la fédération Wallonie/Bruxelles) se sont déjà octroyé des pouvoirs spéciaux ; il est prévu que les gouvernements de Bruxelles, de Flandre et de Communauté germanophone suivent dans les semaines à venir.

    Une unité nationale de façade

    Esprit de décision, unité nationale,… ce ne sont pas des termes qui viennent spontanément à l’esprit quand on pense aux gouvernements belges. Quant à la solidarité et à l’intérêt général, ces termes suscitent la méfiance lorsqu’ils sont prononcés par des hommes et femmes politiques de partis qui n’ont pas ménagé leurs efforts ces dernières décennies pour affaiblir tous les mécanismes de solidarité imposés par les luttes passées du mouvement ouvrier. Ces partis sont responsables du fait que la sécurité sociale doive faire face à cette crise avec un écart budgétaire déjà historiquement important et avec un secteur de la santé qui craque de partout faute de moyens, notamment en termes de personnel.

    En dépit des ravages du virus en Chine et plus tard en Italie, la préparation fut minimale : il n’y a pas assez de matériel de test, de masques buccaux,… Et même pas assez de ressources pour acquérir rapidement du nouveau matériel. Aujourd’hui, des hôpitaux font appel aux dons de la population pour acheter plus d’équipements respiratoires. Leurs budgets ne permettent pas de le faire ! Dentistes, kinésithérapeutes, pompiers, ambulanciers, médecins généralistes, infirmières à domicile,… luttent tous pour avoir suffisamment de matériel pour se protéger et protéger leur personnel.

    Combien de temps N-VA & Cie pourront-ils encore jouer la carte du communautaire ? Les grands partis des deux côtés de la frontière linguistique ont tous soutenu les mêmes politiques néo-libérales qui ont plumé les services publics et la politique sociale afin de transférer systématiquement plus de moyens aux actionnaires des grandes entreprises. Les ‘‘partis de gauche’’, comme les appelle constamment la NVA (la social-démocratie et les Verts), sont également responsables, même s’ils avaient adopté une rhétorique différente et qu’ils désiraient garder ce fait caché.

    Cette mascarade à laquelle nous mettons en garde ne concerne pas tant les affaires communautaires que les différences de classe. En dehors du PvdA/PTB, il n’y a pas un seul parti au Parlement qui ne serait pas prêt à laisser la crise sanitaire être payée par la grande majorité de la population au lieu des plus riches et des grandes entreprises qui assèchent l’économie pour faire croître leur capital.

    Les entreprises soutenues, les plus pauvres laissés pour compte

    L’impact économique de la crise du coronavirus sera énorme. Le pays est de plus en plus au point mort, plus de 400.000 travailleurs se retrouvent déjà au chômage temporaire et ce n’est encore qu’un début. Après le secteur Horeca (Hôtels, restaurants, cafés), où une grande partie des 158.000 travailleurs n’ont pas de contrat permanent et se retrouvent donc simplement au chômage, tous les commerces extérieurs au secteur alimentaire doivent fermer leurs portes. Toute une série d’usines sont contraintes d’arrêter la production en raison d’une combinaison de pénuries de matériaux à produire et de la pression des travailleurs pour une protection qui ne peut être assurée dans les méthodes de production actuelles.

    En fait, il n’est pas question de décision de la part des autorités politiques : elles sont constamment à la traîne par rapport à ce que font les gens eux-mêmes. La fermeture des entreprises qui ne peuvent pas assurer la protection de leur personnel est initiée par les syndicats, au mieux en consultation avec les conseils d’administration. Decathlon, JBC,… ont décidé de fermer leurs portes elles-mêmes, tout comme Bombardier, sans attendre les décisions des autorités. Dans les supermarchés, les syndicats ont exigé des mesures de protection pour le personnel avant que le franc ne tombe dans les milieux gouvernementaux. ‘‘Les citoyens semblent prendre la chose plus au sérieux que les politiques’’, tel est le titre de l’édition du mardi 17 mars de De Standaard. L’euphémisme n’est pas des moindres !

    Mais si la vigueur politique est très limitée en Belgique, voire largement inexistante, pour empêcher la propagation du virus, elle sera bien plus grande lorsqu’il s’agira de nous en faire payer les conséquences économiques. Un secteur après l’autre exige déjà des aides d’État ; dans plusieurs pays européens, des nationalisations d’entreprises menacées de faillite sont à l’ordre du jour. Même les économistes néo-libéraux les plus endurcis affirment aujourd’hui que les préoccupations budgétaires devraient être écartées. Les grandes entreprises qui ont systématiquement réduit leurs contributions aux salaires, à la sécurité sociale et aux impôts au cours des dernières décennies pour donner des dividendes record à leurs actionnaires sont les premières à faire appel à leur État dépouillé afin qu’il les soutienne.

    La réponse de l’État sur ces questions contraste fortement avec celle qu’il réserve aux groupes les plus vulnérables de la société. La pénurie de refuges pour sans-abri est désormais très visible : les refuges délabrés ne peuvent pas assurer de protection et plusieurs centres ferment leurs portes. Les réfugiés ne peuvent plus demander l’asile et se retrouvent tout simplement à la rue. Les sans-papiers et autres groupes, qui ont pour seule option de devenir sans abris ou se livrer aux marchands de sommeil dans ce marché du logement dominé par le secteur privé, doivent se débrouiller seuls. Le fait que ces groupes vulnérables n’aient nulle part où aller est une tragédie, non seulement pour eux-mêmes, mais également concernant la propagation du virus. Comment l’arrêter par le confinement sans disposer de logement ou si ce logement est occupé par trop de personnes ?

    Préparons-nous à l’arrivée de la facture !

    L’impact économique est déjà tel qu’il est plus important que la crise de 2008. Et nous sommes toujours aujourd’hui en train de la payer par le biais de multiples mesures d’austérité sur le dos des travailleurs et des gens ordinaires alors que les profits continuent de croître et que les entreprises et les plus riches placent leur argent dans des paradis fiscaux.

    La facture nous sera présentée, plutôt tôt que tard. Elle le sera par un gouvernement qui dispose de pouvoirs spéciaux. Pour rappel, les pouvoirs spéciaux ont toujours été utilisés en Belgique pour présenter la facture de toutes sortes de crises à ‘‘la population’’, en épargnant les plus riches et les grandes entreprises. Nous ne pouvons pas nous permettre d’entretenir d’illusions à ce sujet.

    Mais ces illusions existent-elles ? De nombreux commentateurs soulignent que les choses sont ‘‘différentes’’ aujourd’hui de ce qu’elles étaient lors de la crise de 2008, lorsque le système financier s’est effondré en raison des risques irresponsables pris par les banques et autres institutions financières. Après tout, cette crise serait une fatalité. Personne n’en serait responsable. Ils supposent, ou espèrent nous faire croire, que le “sauvetage de l’économie” par l’appauvrissement de la grande majorité de la population pour maintenir l’économie capitaliste à flot suscitera moins de résistances. Mais des milliers de conversations démontrent qu’une grande partie de la population est très consciente que la facture finira chez eux et non chez les plus riches et les grandes entreprises.

    Aujourd’hui, toute l’attention des gens ordinaires se concentre à juste titre sur le risque sanitaire immédiat et sur la manière de s’organiser pour le contenir. Leurs actions ont forcé les gouvernements à prendre des mesures de plus grande envergure. Si le nombre de morts en Belgique restera limité, ce sera grâce à leurs actions et au sacrifice du personnel dans des secteurs tels que les soins de santé – un sacrifice qui existe dans cette crise malgré le fait que ce secteur se bat depuis des années pour obtenir plus de personnel, de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail et davantage de ressources pour faire son travail correctement. Nos applaudissements sont réservés aux héros de ce secteur, pas aux gouvernements de ce pays.

    Il n’y a pas d’unité nationale. Les différents gouvernements se préparent à nous, travailleurs ordinaires, chômeurs et retraités, faire payer la crise économique qui en résultera. Si la N-VA est tenue à l’écart du gouvernement fédéral, ce n’est pas parce que ce gouvernement ne veut pas faire le sale boulot des capitalistes, mais parce qu’il veut le faire sans un troublions qui lui permettra difficilement de mettre un masque social tout en nous prenant l’argent de nos poches. C’était déjà la raison pour laquelle le PS – non pas un parti de gauche comme la N-VA veut nous le faire croire, mais un parti qui a fidèlement mis en œuvre la politique bourgeoise depuis la deuxième moitié des années 1980 en lui donnant le plus de visage humain possible – a absolument refusé d’entrer au gouvernement avec la N-VA. Comment calmer la résistance des syndicats face à l’assainissement des budgets publics et de la sécurité sociale si vous devez gouvernement avec des personnages comme Francken, Jambon et De Wever ? Des gens qui sont fiers de s’attaquer de front à la grande majorité des travailleurs, organisés par millions dans les syndicats?

    N’entretenons pas d’illusions ! Le gouvernement fédéral mis en place aujourd’hui ne s’arrêtera probablement pas une fois que le pire de la première vague de contagion sera passé. Ses conséquences économiques seront utilisées comme une opportunité de continuer avec ce gouvernement – dans une urgence que personne ne niera. Par un détour, un processus vers une coalition Vivaldi a en réalité été lancé, une coalition “d’unité nationale” qui est là pour lancer une nouvelle grande vague d’austérité, notamment en matière de sécurité sociale.

    Le mouvement des travailleurs, les organisations sociales, les mutuelles, etc. doivent maintenant saisir toutes les possibilités techniques à leurs disposition pour discuter de ces questions cruciales, en plus de la lutte pour prévenir le risque de contagion et empêcher que les intérêts des entreprises priment sur les mesures de protection.

    Nous devons nous préparer à l’arrivée de la facture de la crise et assurer que cette crise sanitaire ne soit pas utilisée pour appauvrir davantage la majorité de la population, pour réduire encore les services publics, la sécurité sociale et les soins de santé. Après tout, si la crise du coronavirus nous montre quelque chose, c’est que nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de laisser la société être asséchée par la classe capitaliste !

  • Coronavirus. Retard, désaccords, et enfin mesures timides : qui fait encore confiance à ces gens ?

    L’Europe est devenue l’épicentre de l’épidémie de coronavirus. Les pays européens se comportent comme si les frontières arrêtaient le virus : en ordre de bataille dispersé. Leur efficacité est nulle. La même chose vaut pour la Belgique. Des mesures conséquentes font défaut, notamment parce que les politiciens flamands de droite, N-VA en tête, freinent des quatre fers.

    Par Anja Deschoemacker

    Le 8 mars, Bart De Wever a défendu sur VTM News de ne prendre ‘‘aucune mesure draconienne’’. Plutôt que de se préoccuper de la santé publique, De Wever a démontré qu’il se préoccupait avant tout des intérêts économiques : ‘‘On peut se demander si notre réaction au coronavirus ne sera pas, à terme, pire que le virus lui-même’’. En tant que bourgmestre d’Anvers, il a refusé d’appliquer les premières recommandations fédérales. A peine deux jours plus tard, il plaidait pour un plan d’urgence fédéral ! Ce tournant était également motivé par des questions d’argent : il lui était surtout important de savoir qui payerait pour les dommages économiques. Quelle hypocrisie !

    Les frontières linguistiques ont beau ne pas stopper le virus, les désaccords communautaires n’ont pas manqué de retarder l’arrivée d’une riposte adéquate. Pour la N-VA, le Vlaams Belang et des figures de premier plan du CD&V, cette crise était l’opportunité de défendre leur programme de réformes de l’Etat et de confédéralisme.

    Des jeux politiques cyniques & les conséquences de 40 ans de réductions budgétaires

    Le Covid-19 est 1,7 fois plus contagieux qu’un virus de grippe ordinaire et est très dangereux pour les personnes âgées et les malades. Néanmoins, l’interdiction des visites dans les maisons de repos s’est déroulée en ordre dispersé : après la Wallonie et Bruxelles, la Flandre n’a suivi qu’à contrecœur. Et même maintenant, ce n’est pas général : les bénévoles et les aidants informels restent admis, même s’ils n’ont aucune formation médicale, et donc aucune connaissance approfondie des mesures d’hygiène. Mais des décennies d’économies et une commercialisation poussée du secteur – avec trop peu de personnel – ont rendu indispensable cette aide non professionnelle.

    La recommandation d’annuler les grands événements était très prudente. Alors que les experts préconisaient de les interdire à partir de 500 participants, le nombre a été arbitrairement porté à 1.000 personnes. Il a fallu un nombre croissant de contaminations et de premiers décès pour arriver à des mesures efficaces, alors qu’il aurait été possible de tirer des leçons de Chine et d’Italie en termes de mesures préventives.

    Et puis il y a les écoles : les cours sont suspendus, mais offrent un abri obligatoire. Les gens continuent donc de déposer leurs enfants à l’école, avec tout le trafic supplémentaire d’aller-retour. La raison est principalement économique : les gens doivent pouvoir aller travailler, que ce travail soit nécessaire ou non.

    Au lieu de diriger, les différents gouvernements ont couru après les écoles et le secteur culturel qui ont eux-mêmes décidé de fermer leurs portes, entre autres. Cela illustre une fois de plus comment les travailleurs peuvent prendre des décisions ensemble, alors que les dirigeants des partis traditionnels sont restés prisonniers de leurs jeux politiques et que les partis de droite, en particulier, ont laissé les intérêts économiques prendre le pas sur la vie des gens.

    Les hôpitaux seront-ils en mesure de faire face à l’afflux d’admissions ? En Italie, le secteur est à genoux et le personnel hospitalier doit choisir qui traiter ou pas ! Ces dernières années, des mouvements de lutte ont éclaté chez le personnel hospitalier, tant en France qu’en Belgique, pour exiger davantage de bras. Cela laisse envisager que les hôpitaux seront débordés dans ces pays également, en dépit des efforts du personnel.

    Les partis politiques qui, au cours de ces dernières décennies, ont favorisé les profits des grandes entreprises et du secteur financier et réduit les moyens des soins de santé, entre autres, portent une responsabilité écrasante ! Le gouvernement Michel a ainsi économisé un milliard d’euros sur le secteur à la suite de décennies de sous-financement !

    Continuer à travailler même avec la chair de poule est devenu la norme pendant cette période si l’on ne veut pas perdre son emploi en tant que travailleur temporaire. La politique a donné le ton avec la chasse aux congés de maladie, en assimilant la maladie à la paresse. L’augmentation du prix des soins de santé, combinée à la faiblesse des salaires et des prestations, a fait du report des soins de santé un phénomène ‘‘normal’’. Et qu’en est-il des sans-abri et des plus démunis parmi les pauvres, qui dépendent pour leur logement de refuges dans lesquels les gens s’empilent ? Ils ne seront pas en mesure de se protéger contre l’infection. Le tribut sera lourd en vies humaines.

    Personne n’est responsable du virus. Mais la capacité à faire face à la crise sanitaire permet de limiter les conséquences.

    Les partis flamands de droite ne parviennent même pas à donner l’impression que le bien-être prime sur les intérêts des entreprises. Mais les autres partis portent également une responsabilité écrasante. Il ne suffit pas d’un vernis de centre-gauche sur un plan d’austérité pour faire face à une telle crise ! Une fois de plus, les partis sociaux-démocrates et verts soutiennent le gouvernement minoritaire en affaires courantes dont la gestion de la crise repose essentiellement sur la limitation des dégâts économiques pour les entreprises.

    Certains voudront profiter de cette crise pour mettre en place un gouvernement fédéral. Koen Geens (CD&V) l’a déclaré explicitement : ‘‘ne jamais gaspiller une bonne crise’’ dans son plaidoyer pour, entre autres, la division du volet santé de la sécurité sociale. Mais nous n’avons pas besoin de n’importe quel gouvernement : seulement d’un gouvernement qui rejette la logique du néolibéralisme et qui fait passer le bien-être de la population en général avant les profits de ceux qui, l’année dernière, ont détourné – en toute légalité – 172 milliards d’euros (172 fois le montant économisé par le gouvernement Michel dans le domaine de la santé !) vers les paradis fiscaux.

  • Une réponse socialiste à la pandémie du Covid-19

    La protection et la santé au travail et dans la société en général sont des questions qui préoccupent le mouvement ouvrier en premier lieu. C’est au prix de durs combats que nous avons arraché la sécurité sociale, dont l’assurance maladie. Les travailleurs ont également défendu la prévention et la protection au travail et dans leur milieu de vie. Ces derniers mois, les jeunes et les travailleurs ont milité en faveur du climat, c’est-à-dire pour la protection de la santé des personnes et de la planète. Ci-dessous, cinq propositions pour faire face à la crise.

    Article de Geert Cool tiré de l’édition spéciale de Lutte Socialiste qui sera envoyé demain à nos abonnés.

    1/ Un plan d’investissements publics drastique dans les soins de santé

    Le taux de mortalité en raison du virus est de 2,6% en Italie, mais il atteint 3,9% dans les zones où les hôpitaux sont saturés. Un espace suffisant dans les hôpitaux est essentiel pour combattre le virus.

    Ces dernières années, le nombre de lits d’hôpitaux a fortement diminué en Belgique. Le progrès médical a permis de réduire le nombre de lits et de faire des économies. Alors qu’en 1990, il y avait encore 46.472 lits d’hôpitaux pour les admissions en soins intensifs, ce chiffre est tombé à 34.962 lits en 2019. Si les progrès de la médecine se traduisent en diminution des infrastructures, ils risquent de se transformer en pandémie.

    Après des années d’austérité, la pénurie de personnel se généralise dans le secteur des soins de santé. Un emploi dans ce secteur est peu attractif : bas salaires, pression au travail insoutenable, horaires décalés. La contestation récente dans plusieurs hôpitaux en réaction aux mauvaises conditions de travail n’est donc pas étonnante. Les patients souffrent de la politique de réduction des coûts imposée par Maggie De Block: les temps d’attente augmentent, le nombre de jours d’hospitalisation diminue, les soins et les médicaments sont de plus en plus chers.

    Les économies rendent la médecine préventive moins efficace. ‘‘Mieux vaut prévenir que guérir’’, dit le dicton, mais cela n’est possible qu’avec un système de soins de santé développé. Les économies réalisées sur la sécurité sociale doivent cesser, mais il faut aller au-delà et investir davantage.

    2/ Des travailleurs protégés à leur domicile avec un salaire complet et une prime de risque pour ceux qui doivent travailler

    Celles et ceux qui travaillent devraient avoir librement accès aux mesures de protection telles que les masques de protection. Si les entreprises qui produisent des masques prétendent qu’il n’y a plus de stock afin de faire grimper les prix, elles doivent être placées sous le contrôle des représentants élus de la population et du personnel de l’entreprise.

    Des mesures de protection sont indispensables en cas de danger sur le lieu de travail, mais il faut aussi prévoir des indemnisations. Par exemple une prime de risque pour le personnel de santé ou le personnel des transports publics, lorsqu’il y a contact avec le public et donc avec des personnes potentiellement infectées. Pour faire face à la fermeture des écoles, il faut réduire les heures de travail sans perte de salaire afin d’organiser la garde des enfants. Des recrutements supplémentaires doivent permettre d’y parvenir.

    Toute personne contrainte à ne pas travailler, en quarantaine ou malade, doit être protégée des soucis financiers. La maladie elle-même est déjà assez grave ! Ceux qui ne peuvent pas travailler en raison de la crise du coronavirus doivent être entièrement indemnisés. L’augmentation de l’allocation de chômage temporaire de 65 % à 70 % du salaire est une bonne chose, mais c’est insuffisant. Le salaire complet doit être versé ou remplacé par une allocation qui correspond à 100 % du salaire. Après tout, les loyers, les hypothèques ou le coût de la vie ne diminuent pas.

    Lorsque les écoles ferment, les parents doivent avoir la possibilité de s’occuper de leurs enfants à la maison, à moins qu’ils ne travaillent dans des secteurs essentiels tels que les soins ou la distribution de nourriture. Cela devrait être possible tout en conservant la totalité du salaire. Un plan doit être établi pour déterminer quels sont les secteurs essentiels et quels travailleurs peuvent être déployés à cette fin. Cela doit être fait par des comités d’experts en soins, organisés et gérés démocratiquement, par la collectivité locale et par les travailleurs du secteur concerné. Un soutien immédiat dans le secteur des soins avec un vaste programme de recrutement est nécessaire. Les personnes qui travaillent dans un secteur non essentiel et qui restent à la maison devraient également pouvoir temporairement aider le secteur des soins.

    Le personnel des secteurs essentiels devrait bénéficier d’une protection suffisante offerte gratuitement. Le contrôle de cette situation ne doit pas être laissé aux politiciens, aux patrons ou aux conseils d’administration. Ce sont les travailleurs eux-mêmes qui savent le mieux ce qu’il faut faire.

    Les petites entreprises ou les indépendants qui se retrouvent en difficulté à cause de cette crise doivent être indemnisés sur la base de besoins prouvés. Les travailleurs qui subissent des pertes en raison de l’annulation de vacances, de concerts ou d’autres activités doivent être indemnisés. Ce n’est pas aux travailleurs de payer pour cette crise.

    3/ Le secteur pharmaceutique et d’autres secteurs clés doivent devenir propriété publique

    Les entreprises pharmaceutiques cherchent chacune séparément un vaccin contre le coronavirus. Le développement d’un tel vaccin est important pour l’avenir, même s’il est peu probable qu’il y ait encore un vaccin utilisable cette année. Les différentes entreprises travaillent séparément car elles entendent transformer la percée en chiffre d’affaires pour elles-mêmes. C’est ainsi que fonctionne le secteur pharmaceutique, l’un des plus rentables au monde. Entre 2000 et 2018, 35 géants pharmaceutiques ont réalisé ensemble un bénéfice net de 1.900 milliards de dollars dans le monde ! Les marges bénéficiaires des entreprises pharmaceutiques sont bien supérieures à la moyenne, voire plus élevées que celles du secteur technologique. Des laboratoires privés proposent des tests de coronavirus à des prix exorbitants dans l’espoir de bénéficier de la crise.

    Il est scandaleux que l’une des plus grandes entreprises pharmaceutiques du pays, GSK, ait annoncé au début de l’année une restructuration qui pourrait coûter des centaines d’emplois. À un moment où le développement d’un vaccin est crucial, il est tout aussi important d’utiliser au maximum les connaissances disponibles. Cela montre également qu’il est problématique de laisser ce secteur vital à la soif de profits des grands actionnaires. Notre santé compte moins que leurs dividendes.

    L’ensemble du secteur doit être aux mains du public afin que les travailleurs et la population dans son ensemble puissent décider démocratiquement de de ce qui est produit et de quelle manière. Cela permettra de réduire les prix, d’éliminer les pénuries de médicaments et de rassembler les efforts pour développer de nouveaux vaccins.

    4/ Transparence démocratique et planification rationnelle

    Le manque de clarté, la méfiance justifiée envers les institutions établies et le sensationnalisme des médias dominants créent une certaine panique au sein de la population. Et la méfiance conduit à faire des réserves démesurées. Il est important que chacun ait accès à des informations fiables et scientifiquement fondées. Tout le contraire du fonctionnement actuel des médias. De plus, l’information ne sera considérée comme fiable que s’il y a une transparence démocratique.

    Les décisions sur les mesures nécessaires doivent être prises par des structures démocratiques de travailleurs, avec des représentants du mouvement ouvrier et de la population locale en consultation avec des experts médicaux. Dans les entreprises, les Comités pour la prévention et la protection au travail (CPPT) ont un rôle à jouer : la lutte contre la propagation du coronavirus fait partie de leur domaine.

    Mais il faut plus : l’ampleur de la crise rend nécessaire une approche planifiée. Dans le mouvement pour le climat, nous avons préconisé une planification rationnelle afin de permettre une réorientation de la production. Cela est nécessaire pour éviter le gaspillage, mais aussi pour réaliser une transition vers les énergies renouvelables. Il en va de même pour l’organisation de la production et de la distribution de produits vitaux tels que l’alimentation, les médicaments, les équipements de protection,… en temps de crise.

    Le principe du juste-in-time utilisé sous le capitalisme pour économiser sur les stocks rend la chaîne d’approvisionnement vulnérable. Les intérêts commerciaux et économiques placent la santé au second plan. Pieter Timmermans, de l’organisation patronale FEB, a commenté dans La Libre (13 mars) : “A mon avis, l’essentiel a été sauvegardé : la préservation de l’appareil de production et surtout de ceux qui travaillent dans les entreprises”. Lire : les bénéfices des actionnaires. Nous ne pouvons pas laisser l’organisation de l’économie à cette cupidité !

    Afin de permettre un contrôle et une gestion démocratiques de la production et de la distribution, nous devons assurer que les leviers économiques deviennent propriétés publiques. La nationalisation de secteurs clés de l’économie sous le contrôle démocratique de la collectivité doit poser les bases d’une planification rationnelle où les ressources disponibles seront adaptées aux besoins et aux exigences de la population.

    5/ Prendre l’argent là où il est

    C’est LA question qui se posera au lendemain de la crise du coronavirus : qui en paiera les conséquences ? Sur fond de crise boursière, liée à une récession de l’économie réelle, les capitalistes et leur personnel politique diront que l’argent manque. Ils diront que la collectivité doit continuer à soutenir les grandes entreprises pour qu’elles puissent investir, après quoi cela se répercutera sur la population. C’est faux. Nous l’avons constaté après la crise de 2008. Les cadeaux aux capitalistes ont été augmentés, tandis que la majorité de la population a été obligée de se serrer la ceinture. En Belgique, nous avons subi un saut d’index qui a réduit nos salaires réels, une augmentation de l’âge de la pension, des économies sur la sécurité sociale, etc.

    Immédiatement au début de la crise du coronavirus, les autorités ont annoncé qu’il y avait de l’argent pour les banques. Les entreprises ont obtenu, entre autres, un report du paiement de leurs cotisations à la sécurité sociale. Mais il n’est pas question de fonds supplémentaires pour nos salaires et nos soins de santé.

    Si cela ne dépendait que des patrons et de leurs pantins politiques, le coût de la crise serait répercuté sur les travailleurs et leur famille. Ils nous diront qu’augmenter les salaires est impossible et qu’il faudra nous serrer la ceinture, notamment en sabrant dans la sécurité sociale. Ils vont essayer de faire passer cela pour de la solidarité. La vérité est que le tax-shift à lui seul a créé un trou de 5,8 milliards d’euros dans la sécurité sociale. Toutes sortes de systèmes de prestations extra-légales, encouragés par le gouvernement par le biais, entre autres, d’un plafond obligatoire de normes salariales, ont également créé un trou de plusieurs milliards dans la sécurité sociale. Au lieu d’investir dans une meilleure protection sociale, qui ne s’avère pas être un luxe superflu dans cette crise, des milliards ont été donnés en cadeau aux grandes entreprises. Toutes les réductions de cotisations patronales à la sécurité sociale doivent cesser immédiatement. Nous exigeons le remboursement de ce qui a été pillé et l’imposition de contributions sociales pour faire face aux besoins. C’est grâce au combat acharné de la classe ouvrière que la sécurité sociale a été instaurée pour faire face à des crises comme celles d’aujourd’hui.

    Aller chercher l’argent là où il est exigera le même type de combat ! Les études d’Oxfam ont clairement illustré qu’un petit groupe richissime dispose d’une fortune sans précédent. Des milliards d’euros sont planqués dans les paradis fiscaux et des capitaux sont investis massivement dans des productions socialement inutiles, comme les dépenses militaires. Allons y chercher ce dont nous avons besoin ! Et pas en le demandant gentiment ! Nous devrons nous battre pour retirer les secteurs clés des mains des grands actionnaires et les placer sous propriété publique.

    En fin de compte, pour orienter les richesses et les moyens disponibles sur la satisfaction des besoins de la majorité de la population, il faut un changement de système. Le capitalisme est un système malade, nous avons besoin d’une société différente. Nous défendons un système de contrôle et de propriété publique démocratique des moyens de production afin qu’ils puissent être utilisés dans l’intérêt de la majorité de la population, une société socialiste démocratique.

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