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Category: Amérique Latine
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Brésil : Quand «Lula est là» signifiait autre chose.
En 1989, les premières élections directes pour la présidence de la république depuis le coup d’Etat de 1964 prenaient place au Brésil. A cette époque, la campagne présidentielle du Parti des Travailleurs (PT) et du «Front populaire brésilien», mis en place par Lula, fut le point le plus élevé d’une ascension des luttes sociales qui allaient marquer toute la décennie des années 80. Aujourd’hui, face au changement de cap du PT, d’importantes leçons peuvent être tirées de l’évolution à droite de ce parti pour la gauche désireuse de ne pas emprunter le même chemin dangereux.
Par André Ferrari, LSR (section brésilienne du Comité pour une Internationale Ouvrière et parti-frère du PSL)
Les élections de 1989 au Brésil se sont produites dans un contexte de profonde crise économique, sociale et culturelle. Le nouveau régime politique qui commençait à être construit à partir de la constitution de 1988 était marquée par la continuation d’une politique de droite. L’appareil répressif, la politique économique orientée par le FMI et les attaques contre les travailleurs qui avaient marquées un demi-siècle de dictature étaient toujours en vigueur.
Aux rênes du gouvernement, José Sarney battait tous les records d’impopularité. Le premier président civil depuis 1964 était arrivé au pouvoir suite au décès de Tancredo Neves, qui avait été reconduit dans ses fonction par le collège électoral. La politique de Tacredo Neves représentait le grand accord entre une opposition bourgeoise modérée, le régime militaire (PMBD) et la bureaucratie de ce même régime.
L’accord de tous les secteurs de la bourgeoisie encadrant l’école de Tancredo Neves au collège électoral représentait la recherche d’une transition sure, sans heurts et sans modifications radicales de politiques. Ces secteurs de la société réprimaient la création d’un mouvement venant du bas de l’échiquier politique, organisé par les travailleurs, contre un régime bourgeois-militaire.
Depuis la fin des années ’70, la crise du modèle économique de la dictature, en pleine crise généralisée du capitalisme, avait ouvert la voie à une période de stagnation et d’inflation dérégulée. A la fin de cette décennie, la crise des dettes a plongé le pays dans les griffes des économistes du Fond monétaire international (FMI). Concrètement, le gouvernement a réduit les salaires et coupé drastiquement dans les fonds publics. Le nombre de sans-emplois s’est envolé et une dure politique de répression a été mise en place. Cette époque fut celle du général Figuieredo, mais la même approche s’est poursuivie sous Sarney (élu démocratiquement).
Ceux qui devaient supporter cette politique d’austérité et de répression ont riposté par des grèves et des mobilisations. Une nouvelle génération de travailleurs nés dans le processus d’industrialisation et d’urbanisation des années antérieures s’est investie dans l’organisation syndicale.
A Sao Paulo, l’industrie métallurgique avait organisé une riposte syndicale. Une structure syndicale a été mise au service des plus touchés par cette crise et est entrée en lutte pour les droits des travailleurs. La capitale du département de Sao Paulo et d’autres régions furent le nid d’une opposition syndicale qui organisait des grèves générales et disposait de son journal d’opposition.
Dans la banlieue de Sao Paulo et d’autres grandes villes, avant même que les grèves ne se développent, ce furent les femmes de la classe ouvrière qui sont entrées en lutte contre le coût trop élevé de la vie et pour des services publics de santé, d’éducation et de transports publics de qualité. De la même manière, un mouvement estudiantin s’est érigé, reprenant les mobilisations déjà en 1977 contre la répression du gouvernement. De ces actes de résistance et de mobilisation naquirent ou renaquirent les principaux mouvements sociaux qui dirigèrent les luttes de la décennie des années ’80, comme par exemple la CUT (1973), ou bien le MST (1984/85) et la UNE (Reconstruite en 1979). De ces progrès naquit aussi le Parti des Travailleurs (le PT), fondé officiellement en 1980.
La lutte pour un meilleur salaire, de meilleures conditions de travail, une réduction des heures de travail, pour un meilleur système de soins de santé, des école, des lignes de bus, contre le clivage social,… allaient dans le sens de la lutte pour la démocratie et pour l’organisation d’élections au suffrage universel et direct pour une assemblée constituante, c’est-à-dire pour la fin du régime militaire. Après la vague de grèves initiée en 1978, qui s’est résolue par la convocation de la première grève générale pour la commission nationale pro-CUT en juillet 1983, le PT a réuni en novembre de la même année la première commission pour des élections directes pour la présidence dans l’état de Pacaembu (Sao Paulo).
L’année suivante, l’intervention de l’opposition bourgeoise au régime militaire, avec divers officiels de l’Etat et la campagne « des droits maintenant » a eu des conséquences multiples. Des millions de personnes se réunirent dans les rues à travers tout le pays.
Une veille « nouvelle république »
Avant même l’approbation au congrès national de l’amendement d’Oliveira instaurant des élections directes, l’opposition bourgeoise soutenue par le PMDB (la junte militaire) une alliance avec une faction dissidente du parti gouvernant, le « Frente liberal » (front libéral) (futur PFL, puis DEM), avait déjà négocié une sortie contrôlée du régime militaire au travers du collège électoral.
Dans ce contexte, le PT a refusé de participer au collège électoral, dénonçant une manœuvre de l’opposition bourgeoise, avec comme conséquence l’expulsion de trois députés fédéraux partisans de la collaboration.
Avec le décès de Tancredo avant même de la possible ascension de José Sarney, le gouvernement appelé « nouvelle république » s’est résolu à convoquer des élections pour une assemblée constituante exclusive afin de commencer à transformer le congrès élu en 1986 en congrès avec des pouvoirs constituant. Ainsi, la force des mouvements sociaux a réussi à faire approuver la nouvelle constitution promulguée en 1988 ainsi qu’une série de droits sociaux que les gouvernement suivants, jusqu’aujourd’hui, chercheraient inlassablement à révoquer ou à neutraliser.
Basé sur l’espoir et l’illusion d’un premier gouvernement civil depuis plus de 20 ans et les promesses d’une sortie de crise économique représentée par le « plano cruzado » (littéralement le « plan croisé »), le PMDB de Sarney et Ulysses Guimaraes a obtenu une victoire électorale majeure en 1986, avec 22 gouverneurs sur 23 états. Ce même parti avait réussi un excellent résultat aux élections municipales un an auparavant.
Cette réussite fut cependant éphémère. Le gouvernement fut incapable de vaincre l’inflation et l’économie s’est effondrée. Le gouvernement Sarney s’est enfoncé dans une crise profonde. Le moratoire de la division externe qui suivit ne fut pas un acte de souveraineté contre les banques internationales mais plutôt une attitude désespérée.
La crise au PMDB et la victoire de la gauche
Aux élections municipales de 1988, le PT a obtenu une victoire importante avec Luiza Erundina à Sao Paulo, une candidate élue par les électeurs les plus à gauche du parti qui, par ailleurs, fut causée par le décès de trois techniciens de la CSN dans la grève de la sidérurgie. Cette grève fut violemment réprimée par le régime en place. Avec la capitale de Sao Paulo, le PT a gagné entre autres deux capitales de départements : Porto Alegre et Victoria. Le PMDB, lui, perdit 15 des 19 capitales conquises aux élections de 1985.
Les élections de 1989 se produisirent dans ce contexte radicalisé. Le PT grandissait et canalisait chaque fois plus d’espoir et de changement.
Collor contre Lula
Contre la menace que représentait Lula, mais aussi contre la montée en puissance d’un autre parti de gauche (brizola), la classe dominante a mis en place une campagne avec les moyens de communication de masse de la classe bourgeoise.Fernand Collor de Melo se disait « anti-Lula » et, avec une image de « chasseurs de sorcières », il s’est acquis une base sociale parmi les secteurs les plus désorganisés des pauvres, chez les classes moyennes les plus conservatrices et chez la grande bourgeoisie nationale et étrangère.
Lula a vaincu Brizola au premier tour avec une petite marge de vote et a continué à gagner en intentions de vote pour disputer le second tour avec Collor. Ils furent 16,08% pour le candidat du PT et du FBP (« Front du Brésil populaire) et 15,45% pour le candidat du PDT (Collor). Une différence d’au moins 500 milles votes.
La base sociale du PT était fondamentalement constituée des secteurs les plus conscients et organisés de la classe ouvrière, d’amples secteurs de la jeunesse et des factions plus radicalisées des classes moyennes.
Une campagne de gauche avec des contradictions
L’année 1989 a commencé avec une grande grève générale de 48 heures convoquée par le syndicat CUT pour les 14 et 15 mars. 35 millions de travailleurs furent mobilisés à travers tout le pays. La grève fut mise en place contre la politique de réductions salariale du gouvernement Sarney, l’absence d’emplois, la récession et les coupes budgétaires dans les secteurs publics.
La campagne du parti « Frente Brasil Popular » (littéralement « le front brésilien populaire » composé du PT, du PCdoB et du PSB) fut marquée par la dénonciation du gouvernement Sarney et des alternatives électorales de la bourgeoisie, appuyant les lutes des travailleurs et la défense d’un programme dénommé « démocratique et populaire ».
Le programme du parti comprenait d’importante réformes possibles au sein du capitalisme (abroger la dividende externe au FMI, instaurer une réforme agraire, lutter contre l’impérialisme et les monopoles) mais aussi la revendication, au moins dans les mots, de la construction d’une hégémonie des travailleurs qui permettrait d’avancer en direction du socialisme.
Dans le contexte des mobilisations contre la bureaucratie stalinienne dans les pays de l’Est et des réformes de Gorbatchev dans l’ancienne Union Soviétique, le PT était sans aucun doute identifié à gauche avec un « attrait social » au moment ou le monde se tournait dans l’autre direction (politique de droite plus marquée, mondialisation,…). Au lieu de réitérer sa défense d’un modèle social et démocratique, le PT n’avait pas une réponse catégorique et claire sur les processus à l’oeuvre en Europe de l’Est stalinienne. La conception du socialisme du PT était limitée et peu concluante en tant que politique claire et de lutte pour le socialisme. Les années antérieures, le PT avait dans ses rangs des dirigeants de partis staliniens et des liens avec de tels partis dans d’autres pays.
La stratégie du programme et du gouvernement « démocratique et populaire » aussi reflétait une vision essentiellement réformiste de la stratégie du PT. Les réformes défendues n’étaient pas liées de manière claire à la nécessité d’une rupture claire avec le capitalisme. L’annulation du payement de la dette souveraine présente dans le programme, par exemple, n’était pas liée à la nationalisation des banques et du système financier sous contrôle des travailleurs.
Une stratégie spécifiquement électorale
Au lieu de reconnaitre l’importance des luttes populaire dans la stratégie vers la prise de pouvoir, la ligne conductrice du PT était essentiellement électorale. Elle traitait de l’élection de Lula et du début de transformations graduelles des conditions de la classe ouvrière. Dans un contexte international qui commençait déjà à être plus difficile avec l’effondrement de l’Union Soviétique et l’offensive néolibérale, le PT a commencé à s’adapter à la logique d’administration des états les plus riches.
Des éléments de cette situation furent clairs dans les administrations du PT à un niveau municipal. Depuis la victoire à Diadema et Fortaleza en 1985, en passant par la capitale Sao Paulo, Porto Alegre et Vitoria en 1988, le PT a affronté diverses contradictions pour brider les administrations bourgeoises mais, en même temps, a remis en cause ses politiques. Même si des conquêtes importantes ont pu être obtenues en quelques cas, le temps de l’adaptation à un système bourgeois commençait.
La pression bureaucratique et parlementaire
A côté d’une couche bureaucratique syndicale radicalisée par la conjoncture existant depuis la fondation du parti, au moment où le PT conquis des mandats parlementaires et à l’exécutif du parti, grandissait aussi à l’intérieur du parti une classe bureaucratique véhiculée par les Etats riches du Brésil. À chaque fois la volonté des secteurs proches des mandats du parlement prévalaient, le poids des noyaux de base et des militants et mouvement sociaux décroissait.
Ce processus fut qualitativement aggravé quand se produisit une période de reflux des luttes sociales, principalement dans les années 90. Le reflux reflétait une rupture de la décade antérieure de luttes intestines et de peu de victoires mais aussi de l’offensive idéologique des classes bourgeoises mondiales avec l’effondrement du malheureusement appelé « vrai socialisme ».
Un facteur central fut la transformation de la base matérielle de la classe ouvrière. La désindustrialisation, l’adoption de nouvelles formes de gestion de la production et la précarisation des relations de travail, tous ces facteurs rendirent difficile l’action et la conscience de classe sociale.
Le PT fut incapable d’affronter cette situation plus complexe de classe et fini par abandonner une vision de classes sociales qui a marqué ses origines. Dans ce contexte, le poids des bureaucrates et des parlementaires devint absolument hégémonique. Ils voulaient juste conserver le pouvoir.
La déroute de Lula et le tournant vers une politique de droite
La fin des décomptes des voix dans le second tour de la présidentielle en 1989 s’est jouée sur une marge incroyablement petite. Au second tour, Lula a obtenu 31 millions de votes et Collor 35 millions (53%) La victoire de Collor fut fondamentale : ce fut la victoire du terrorisme médiatique qui se créait contre Lula et le PT.
En conclusion, le secteur majoritaire du PT a pris des leçons de 1989, dans un contexte d’une forte offensive idéologique néolibérale, et également que le parti devait « modérer » sa ligne politique. Pendant le congrès du PT réalisé en 1990, un important virage à droite dans cette ligne politique se mis en place.
L’aile gauche du parti résista et certains de ses secteurs parvinrent à gagner des positions internes, dirigeant partiellement la campagne électorale de 1994. Mais, dans la pratique du tournant à droite continuant jusqu’à ce que cette politique fut effacée de la direction en 2002. A ce moment, les aspirations populaires sont toutes autres, le PT s’est imposé comme un outil de maintenance de l’ordre capitaliste du pays.
Arriver au gouvernement fédéral représentait une victoire majeure, mais obtenue en dehors de tous les idéaux du PT des années 80. Un nouveau PT, ou bien plutôt ex-PT, naquit comme terreau pour toute la bourgeoisie brésilienne. Sa relation électorale avec la classe ouvrière n’a rien à voir avec celle des années 80.
Le PSOL et le vieux PT des origines
Il y a beaucoup à apprendre aujourd’hui de ce PT qui a failli remporter les présidentielles de 1989. De ce parti, du peu qui en reste, il est possible de dire que presque aucune des politiques ne vient de sa base ouvrière et de la lutte. Les parlementaires « radicaux » ont étés expulsés du parti en 2003 et ont souffert de cette persécution parce qu’ils insistaient sur le maintien des positions politique défendues par le congrès du parti de 1989.
C’est au PSOL qu’il est possible de rencontrer, en bien comme en mal, le plus de ce projet politique prédominant du PT des origines.
Le PT des années 1980 représentait un grand pas en avant pour la classe ouvrière. En comparaison du PT d’aujourd’hui, il parait tellement meilleur que l’on peut se dire satisfait de sa politique. Il est cependant impossible de se contenter de cela. Ceux qui veulent reconstruire la lutte des travailleurs ne peuvent pas simplement tenter de reconstruire le vieux PT des origines. Il faut apprendre des erreurs et des limites de ce PT. Il est important d’apprendre de ce parti et de tenter de ne pas répéter ses moments d’hésitation
Une nouvelle gauche qui domine le PT doit chercher ce que le parti avait de meilleur : l’enracinement dans les luttes populaires. Mais, cette gauche doit rejeter une stratégie électorale centriste, et en même temps reconnaître que le débat électoral et une partie important de la politique du parti.
Il se doit de rejeter la conception « réformiste » et « en étapes » du programme démocratique et populaire et reconstruire un programme et une stratégie anticapitaliste et socialiste. Son actualité doit se donner sur une base de l’internationalisme de la classe des travailleurs. Nous devons adopter un fonctionnement interne de caractère militant et radicalement démocratique. Le contrôle de la base sur la direction et l’unique mécanisme capable de contrer les pressions de droite.
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Brésil : Les indigènes en révolte contre la suppression de leurs droits fondamentaux.
En décembre dernier, les Indiens du Brésil ont remporté une victoire historique en empêchant le Congrès brésilien de prendre le contrôle de leurs terres et de leur avenir. Une proposition visant à modifier la Constitution afin de donner au Congrès le pouvoir de délimiter les territoires indigènes a été rejetée après des mois de protestations véhémentes de milliers d’Indiens représentant des dizaines de tribus.
Plusieurs d’entre eux avaient pénétré dans le bâtiment du Congrès pour faire entendre leur voix. Cinq d’entre eux qui avaient été arrêtés de cette manifestation ont été libérés par la suite. La lutte pour une amazonie libre sans pression des lobby agroalimentaires continue !
Voici ci-dessous la lettre adressée à l’opinion nationale et internationale par les représentants du peuple et des organisations indigènes de toutes les régions du Brésil, disponible sur le site du PSOL (parti de gauche large dans lequel travaillent nos camarades brésiliens de Liberdade Socialismo e Revolução).
Environ 240 tribus vivent aujourd’hui au Brésil, soit environ 900.000 personnes (0,4% de la population). Le gouvernement a reconnu 690 territoires indigènes qui couvrent environ 13% de la superficie du Brésil. 98,5%, soit la presque totalité de ces territoires, se trouvent en Amazonie.
Cependant, si près de la moitié de la population indienne du Brésil vit en dehors de l’Amazonie, celle-ci n’occupe que 1,5% des territoires indigènes qui leur sont réservés.
Les Indiens qui vivent dans les savanes et les forêts atlantiques du sud, tels les Guaranis ou les Kaingangs et dans l’intérieur aride du nord-est, tels les Pataxo Hã Hã Hãe ou les Tupinambá, ont été parmi les premiers à entrer en contact avec les colonisateurs européens à leur arrivée au Brésil, en 1500. En dépit de centaines d’années de contact conflictuels avec les colonisateurs, de la spoliation et de l’empiétement constant de leurs terres, ils ont, dans la plupart des cas, farouchement conservé leurs langues et maintenu leurs coutumes et leur identité.
La tribu la plus nombreuse aujourd’hui au Brésil, les Guaranis, qui sont 51.000, est quasiment privée de terres. Au cours des cent dernières années, la presque totalité de leur territoire a été spoliée et transformée en vastes pâturages d’élevage, en plantations de soja et de de canne à sucre. De nombreuses communautés sont entassées dans des réserves surpeuplées, d’autres vivent sous des bâches au bord des routes. Le groupe qui occupe le plus vaste territoire est celui des Yanomami, une tribu relativement isolée forte de 19.000 membres qui occupe 9,4 millions d’hectares au nord de l’Amazonie, une superficie légèrement plus grande que celle de la Hongrie. La tribu amazonienne la plus nombreuse est celle des Tikuna, forte de 40.000 membres. La plus petite ne compte qu’un seul individu, un homme qui vit en Amazonie occidentale sur une toute petite parcelle de forêt cernée par des fermes d’élevage et de plantations de soja, et qui refuse toute tentative de contact.
La population de nombreux groupes amazoniens n’atteint pas un millier d’individus. Les Akuntsu, par exemple, ne sont que 5 et les Awá seulement 450.Protestation contre la suppression des droits et tentatives d’en finir avec les peuples indigènes du Brésil :
« Nous, dirigeants du peuple et des organisations indigènes de toutes les régions du Brésil, réunis à Brasilia (département national), pour manifester notre refus du processus de suppression de nos droits fondamentaux, collectif et d’organisation, refusons le vote de différentes organisations du Brésil notamment celle du Congrès républicain, avec la connivence et la conscience du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire, nous venons à Brasilia pour dénoncer devant l’opinion nationale publique et internationale :
1. L’oppression des forces de polices et des forces nationales qui veulent interdire notre accès au congrès national qui est normalement considérée comme le représentant du peuple, agissent contre un état de droit, un régime démocratique, avec abus d’autorité, réprimant, usant de l’intimidation, de la menace et de la détention arbitraire nos parents et camarades, comme cela s’est passé mercredi dernier (le 16 décembre, NDT), quand la police militaire a empêché l’accès principal au ministère de la justice à quatre de nos organisateurs et d’autres lorsque nous sommes retournés à l’espace ou nous résidons pendant la manifestation.
2. Les agriculteurs, en majorité érigés en envahisseurs de notre territoire aujourd’hui appelé Brésil et des autres de nos camarades en période de dictature, veulent supprimer notre droit constitutionnel fédéral de 1988 de manière ferme et définitive, légalisant l’usurpation, la destruction et l’exploitation qui vient envahir le peu de terre que nous gardons depuis 514 années d’invasion.
3. Les agriculteurs, beaucoup d’entre étant financés par des grandes entreprises agroalimentaires, de réfrigération et de l’industrie militaire, entre autres, veulent tout faire, depuis 2001, pour modifier, conformément à leurs intérêts, le texte constitutionnels qui garantit nos droits, au milieu d’initiatives de proposition d’amendements constitutionnels. L’amendement 215 de l’année 2000, la loi sans numéro arrogée par le sénateur Romero Jucà qui altère l’article 231, paragraphe 6, l’amendement 237 qui traite de la parcellisation des terres indigènes et le projet de loi complémentaire 227, qui fut proposée par un sénateur.
4. Le gouvernement de la présidente Dilma, s’est lui-même déclaré contre l’amendement 215, peu est fait pour contrer cette offensive terrifiante, qui à ce moment même se configure comme une planification d’un génocide, de l’extermination de nos peuples, de fait comme son singulier silence pour montrer que nos territoires seront parcellisés et supprimés, la sollicitude d’une « carte des peuples indigènes du Brésil », publiée par cette même candidate aux dernières élections, affirme « nos progrès, particulièrement à la démarcation des terres indigènes, en modifiant les textes de notre constitution ».
5. Des déclarations de cette nature sont multiples alors que le gouvernement omet d’orienter son droit de véto pour contrer les attaques systématiques des droits indigènes du congrès national et quand il prend la détermination de suspendre le processus de démarcation des terres indigènes, de fait, ainsi il parait concorder aux objectifs des agriculteurs d’envahir, d’exploiter et de mercantiliser nos territoires et ses richesses, pour en même temps interférer notre processus de démarcation des zones indigènes, rouvrir le processus et empêcher totalement notre processus de démarcation. À aucun moment la présidente Dilma ne dira à notre peuple indigène ce qu’elle a dit à la confédération nationale d’agriculture (CNA) à sa présidente du sénat Katia Abreu : « je veux la CNA de mon côté… Je propose plus que cela. Je veux que le producteur agricole prenne des décisions avec moi, participant au gouvernement et actualisant la définition de nouvelles politiques légales ». Tout ceci pour une entité qui considère nos peuples indigènes comme « désintéressé ».
6. Dans ce cadre de menaces et d’attaques, nous réaffirmons notre détermination à continuer de lutter pour défendre nos droits, pour lesquels nous espérons contre l’opposition d’autres mouvements et organisations sociales et de l’opinion publique nationale et internationale, nous exigeons de l’état brésilien qu’il arroge les revendications suivantes :
– La démarcation des terres indigènes avec la dotation d’une loi nécessaire. Il y a en effet un passif de 60% de zones qui ne sont pas démarquées et légiférées.
– La protection contre la fiscalisation et la destruction des terres indigènes, sécurisant les conditions d’autonomie de nos peuples.
– Empêcher les initiatives légales qui cherchent à supprimer les droits indigènes par la constitution fédérale, à la place d’un agenda positif.
– L’abrogation d’un projet de loi et de mise en œuvre au conseil national de politique indigène, une instance délibérative, normative et articulée autour de politiques et d’actions d’information aux différents districts et départements du gouvernement.
– L’application de la convention 169 sur les peuples indigènes et tribaux en pays indépendants de l’organisation internationale du travail, dans toutes les législations qui nous concernent.
– L’implémentation effective du sous-système de santé indigène, au travers du renforcement du secrétariat de la santé indigène pour superviser les cas d’abandon et de continuité du système de santé.
– La garantie à l’accès à une éducation de qualité spéciale et différenciée en terre indigène ou proche de celle-ci.
– Garantir à la participation des indigène au conseil national de la culture et la création d’une instance spéciale pour arroger les demande de nos cultures.
– Un compromis contre la fin de la criminalisation le meurtre et la prison arbitraire d’organisateur et représentants indigènes qui luttent pour la défense des droits territoriaux de ces dits peuples. De fait, nous exigeons la fin immédiate de la réclusion de nos représentants qui furent emprisonnés en luttant contre la législation numéro 215 de la constitution. -
[VIDEO] Brésil: Vers une exceptionnelle année de luttes!
Cette vidéo est consacrée à l'intervention des membres du LSR (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Brésil et parti-frère du PSL) dans les luttes de masse qui se sont succédées ces deux dernières années au Brésil. L'année 2015 commence par un virage à droite du gouvernement de Dilma (PT) qui cherhce à instaurer de nouvelles législations défavorables aux travailleurs, par la bataille menée par les ouvriers de Volkswagen et par l'occupation des rues par des milliers de personnes qui protestent contre le prix des transports en commun. Le LSR est bien positionné pour jouer un rôle de première importance dans ce qui promet d'être une année exceptionnelle pour les luttes sociales au Brésil.
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Mexique : contestation nationale suite à la disparition d’étudiants
Une conséquence de la « guerre contre les drogues » menée par les États-Unis
Lorsqu’on parle de manifestations étudiantes aujourd’hui, on pense avant tout au mouvement de Hong Kong, qui a récemment accaparé une grande attention médiatique. On parle moins de ce qui est en train de se passer en ce moment au Mexique, à la suite de la « disparition » de 43 étudiants dans l’État de Guerrero. Il s’agit pourtant d’un mouvement d’ampleur national qui est en train de se développer à l’échelle de tout le pays, et qui mérite d’être bien suivi par les révolutionnaires du monde entier.
Par Tim Heffernan, Socialist Alternative (CIO-Canada), Toronto
Au départ, c’est une histoire sordide de trafiquants de drogue, de politiciens corrompus et de policiers ripoux, tous impliqués dans l’attaque d’un groupe de jeunes militants qui fréquentaient les « normales rurales » – des centres de formation d’enseignants. Si les détails de ces évènements sont toujours très flous, il semblerait que la nuit du 26 septembre, une bagarre s’est produite entre des étudiants et la police locale dans la petite ville d’Iguala, dans le Guerrero.
Les étudiants « normalistas » s’étaient rendus à Iguala pour y « réquisitionner » des bus – avec l’autorisation des chauffeurs, disent les étudiants – afin de se rendre à Mexico pour la commémoration du (second) massacre de Tlatelolco de 1968 (lorsque 300 manifestants étudiants ont été abattus dix jours avant les Jeux olympiques de Mexico). La pratique de « réquisition » de transport est relativement courante de la part des normalistas.
Voici le récit qu’a fait un journaliste des horribles évènements du 26 septembre : « Le manque de fonds pour leur internat rend ce genre de « réquisition » et d’autres actions de ce genre (comme la « réquisition » de camions transportant du lait et autres produits alimentaires) souvent nécessaires pour les étudiants. Une fois que les étudiants rentrent à l’école, ils rendent normalement les bus ou camions à leur propriétaire. Mais cette fois, la police a bloqué les bus et ouvert le feu, tuant six personnes sur le coup (dont trois étudiants et trois passants qui n’avaient rien à voir dans l’affaire), tandis que 43 autres étudiants ont tout simplement… disparu.
La dernière fois que ces étudiants ont été vus, ils étaient en train de monter de force dans les fourgons de la police. On ne les a jamais revus depuis. Quelques jours plus tard, lors de fouilles, plusieurs fosses communes ont été découvertes dans les environs. Toujours aucune trace des étudiants, mais cela a permis de retrouver les restes de nombreuses personnes également disparues auparavant, qui ont visiblement été torturées et brulées vives (sans doute par des trafiquants de drogue) » (Leonidas Oikonomakis sur le site roarmag.org)
Depuis lors, le dirigeant du principal gang de narco-trafiquants de la région a été arrêté, ainsi que 36 policiers. Le conseil régional de l’État de Guerrero a destitué le maire de la ville d’Iguala, qui est également recherché ainsi que le chef de sa police locale dans le cadre d’une affaire de crime organisé. Le maire et sa femme ont pris la fuite.
Les plus grandes mobilisations étudiantes depuis des dizaines d’années
Cette affaire de « disparitions » a déclenché la colère de la population du Guerrero et de tout le Mexique, surtout parmi les étudiants des universités. On a vu mercredi 22 octobre la plus grande marche étudiante du Mexique depuis au moins vingt ans, estimée à 100 000 manifestants – un chiffre d’autant plus impressionnant que la marche a été organisée un jour en semaine. Beaucoup de gens font référence au mouvement de 1968. Un journal rapportait : « Il y avait des torches, des bougies, des trompettes, mais surtout, un silence retentissant, tandis que des dizaines de milliers de jeunes gens venus en délégation de toute la ville de Mexico défilaient tels un fleuve humain pendant plus de quatre heures, de l’Ange de l’Indépendance sur l’avenue de la Réforme jusqu’au Zócalo, avec un seul cri : « Ils les ont pris vivants, qu’ils nous les rendent vivants ! » (www.proceso.com.mx)
Les manifestants réclamaient la démission du chef de l’État, Peña Nieto, et dénonçaient les trois principaux partis politiques (PRI, PAN et PRD) pour leur proximité avec le « narcopoder » (le pouvoir de la drogue). Les manifestations se sont répandues à travers tout le Mexique pour former un des plus grands mouvements qu’ait connu la nation ces dernières années, mobilisant des milliers d’étudiants des universités et de lycéens, tout en recevant également le soutien des syndicats, des milices de gauche et d’une grande partie de la population de manière générale.
Le gouvernement de Peña Nieto est fortement critiqué de son incapacité à retrouver ces étudiants même quatre semaines après les évènements. La population mexicaine subit depuis des années les conséquences de la « guerre contre les drogues » menée par les États-Unis, qui a fait au moins 70 000 morts et des milliers de disparus. Mais c’est cette dernière horreur, où l’on voit la police corrompue s’associer aux trafiquants meurtriers pour assassiner des adolescents, qui a à présent mis le feu à tout le pays.
Sur la chaine NBC, on voyait un père déclarer à la foule massée à Mexico : « Il est incroyable que ce gouvernement qui ne cesse de vanter l’état avancé de sa technologie se retrouve maintenant inapte à utiliser cette technologie pour retrouver un groupe de 43 étudiants. Il n’a qu’à retrouver nos enfants, ou subir les conséquences ».
Toujours selon la NBC, des étudiants bloquaient jeudi les principaux axes de la capitale, empêchant le trafic de circuler. Si les manifestations dans la capitale sont jusqu’ici restées pacifiques, on ne peut en dire autant de la situation dans le Guerrero, où les manifestants ont dévasté et brulé plusieurs bâtiments, y compris la mairie de la ville d’Iguala, et occupent plusieurs mairies et stations radio. Deux groupes miliciens anti-trafiquants soutiennent le mouvement, tandis qu’un groupe local de guerrilleros de gauche a juré venger les étudiants disparus.
En plus de critiquer le président Peña Nieto et son Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), les manifestants sont furieux vis-à-vis du PRD (Parti de la révolution démocratique) qui dirige l’État de Guerrero et la ville d’Iguala. Les manifestants, ainsi que de nombreux sénateurs et députés, ont appelé à la démission du gouverneur du Guerrero, Angel Aguirre, qui a finalement décidé de jeter l’éponge mardi soir.
Les marches coïncident avec d’autres mouvements de contestation étudiante, ce qui renforce la pression sur le président. Les étudiants des collèges techniques de Mexico occupent leurs campus en guise de protestation contre la modification de leur cursus, par laquelle ils ne recevraient plus qu’un diplôme de technicien au lieu d’ingénieur. Ils considèrent cette réforme comme une tactique pour les payer moins une fois qu’ils auront obtenu leur diplôme, ce que le président voudrait utiliser pour attirer plus d’entreprises étrangères au Mexique. Pendant ce temps, les étudiants de l’État de Guanajuato marchaient mardi après qu’un de leurs camarades ait été assassiné – enlevé par la police selon plusieurs témoins, bien que le procureur d’État démente cette affirmation.
« Cela fait longtemps que les Mexicains accumulent la colère par rapport à toute une série d’enjeux », disait Ricardo Rivas, un instituteur présent à la marche à Mexico. « Une fois que cette colère va exploser, c’est tout le pays qui va partir. Ce mouvement pourrait bien devenir encore plus grand. » (www.nbcnews.com)
Plus d’infos :
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Solidarité avec les luttes sociales au Brésil
Appel au rassemblement : Samedi 28 juin à 15h00, Place de l’Albertine (Gare centrale), Bruxelles
Le 13 juin dernier, une action avait déjà eu lieu à Bruxelles suite à un appel aux protestations internationales lancé par le Comité pour une Internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge. Une quarantaine de personnes étaient présentes, parmi lesquels des membres de la LCT.Beaucoup de Brésiliens n’acceptent pas que le gouvernement dépense plus de 11 milliards de dollars pour une Coupe du Monde alors qu’une grande partie de la population n’a pas accès aux services de base, comme la santé, l’éducation, le logement et le transport de qualité. Des milliers de familles ont été délogées de leur maison, 12 ouvriers sont morts dans la construction des stades, sans compter les innocents assassinés par la Police militaire dans la périphérie des grandes villes.
Tout ce qui concerne la FIFA n’est qu’un grand business capitaliste, au bénéfice des multinationales liées au sport, à l’alimentation (Jupiler, Coca-Cola), à la construction des stades,… La Coupe de la FIFA est pleine de corruption et de gaspillage, dans un pays où le fossé est énorme entre les 1 % de super-riches et les 99 % de plus pauvres.
Face aux mobilisations et aux grèves qui éclatent dans tout le pays, le gouvernement brésilien a décrété la tolérance zéro et a placé 20.000 policiers dans les rues. Avant l’ouverture de la Coupe, les travailleurs du métro de São Paulo se sont mis en grève pour réclamer une augmentation de salaire. Le gouverneur Alckmin a refusé toute négociation et a envoyé la troupe de choc sur les piquets, infligeant des astreintes de 160.000 € par jour de grève et licenciant 42 travailleurs parmi les plus combatifs. Le gouvernement tente d’utiliser la Coupe pour se donner du prestige et tuer la contestation sociale, mais les mobilisations continuent.
Nous appelons le monde syndical et associatif en Belgique à protester contre les injustices du mondial et à dénoncer les atteintes au droit de grève et la répression envers les travailleurs qui luttent au Brésil.
Stop à la répression !
- Réintégration des 42 licenciés du métro de São Paulo !
- Assez d’argent pour la FIFA et les multinationales ! Plus d’argent pour la santé, l’éducation, le logement et le transport public de qualité !
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Premiers signataires :
– CAL (Collectif Alternative Libertaire Bruxelles)
– JOC (Jeunes Organisés et Combatifs),
– LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire)
– LCT (Ligue Communiste des Travailleurs),
– PSL (Parti Socialiste de Lutte),
– USE (Union Syndicale Etudiante) -
Action de solidarité face à l’ambassade brésilienne (2)
Voici quelques photos de l’action tenue hier en solidarité avec les mouvements sociaux brésiliens actuellement en lutte, et notamment en solidarité avec les travailleurs du Métro de Sao Paolo, dont plusieurs dizaines sont aujourd’hui menacés de licenciement pour faits de grève. Cette action s’est produite dans le cadre d’un appel international du Comité pour une Internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge. Des actions similaires ont eu lieu dans divers pays.
Photos de PPICS.
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Action de solidarité face à l’ambassade brésilienne (1)
Voici quelques photos de l’action tenue hier en solidarité avec les mouvements sociaux brésiliens actuellement en lutte, et notamment en solidarité avec les travailleurs du Métro de Sao Paolo, dont plusieurs dizaines sont aujourd’hui menacés de licenciement pour faits de grève. Cette action s’est produite dans le cadre d’un appel international du Comité pour une Internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge. Des actions similaires ont eu lieu dans divers pays.
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Brésil : la Coupe pour qui ?
- La FIFA et les multinationales, dégagez !
- Pour des services publics gratuits et de qualité !
- Pour des compétitions sportives aux mains de la collectivité et des supporters !
“Faut absolument dire aux Brésiliens qu’ils ont la Coupe du monde, qu’ils sont là pour montrer la beauté de leur pays, leur passion pour le football et que, s’ils peuvent attendre un mois avant de faire des éclats un peu sociaux, ce serait bien pour le Brésil et pour la planète football, quoi.”
Michel Platini, président de l’UEFA.
“Faut absolument dire à Platini et ses amis qu’ils sont déconnectés de la réalité, qu’ils sont là pour leur soif de pouvoir, faire du fric sur notre dos et que, s’ils pouvaient dégager, lui et son système pourri, ce serait bien pour le Brésil et pour la planète football, quoi.”
Les 99%.
Pendant que la FIFA et ses cousins d’autres sports prennent en otage les compétitions sportives pour faire du profit, les travailleurs et les pauvres au Brésil crient leur colère contre ce système injuste qui donne des milliards pour satisfaire aux conditions de la FIFA tandis que les services sociaux, même basiques, sont, au pire, absents, au mieux, insuffisants. A cause du manque de sécurité et des cadences folles mises en place pour respecter les délais, une dizaine de travailleurs sont morts sur les chantiers. Et le cynisme est poussé jusqu’à organiser des journées de deuil tout en continuant la construction des stades, puisqu’il faut tenir les délais exigés par la FIFA.
Par Stéphane Delcros
On aurait pu titrer ‘‘La Coupe du Monde de la honte’’, mais ça a déjà été fait, et ça risque de continuer si rien ne change. La corruption, visible aux yeux de tous, qui entoure la désignation de la Russie et du Qatar comme pays hôtes des Coupes du Monde 2018 et 2022, a montré aux derniers sceptiques que la FIFA, l’institution suprême du football mondial, est pourrie jusqu’à la moelle et doit être démantelée. Elle ne représente en rien les aspirations des centaines de millions de pratiquants, d’employés, de bénévoles et de supporters à travers le monde.
Comment le petit business de la FIFA se présente-t-il en général ? Des autorités dociles, qui dépensent l’argent de la collectivité (plus de 4 milliards d’euros pour le Mondial sud-africain de 2010) dans la construction de stades de prestige et d’infrastructures, ce qui permet à des entrepreneurs d’empocher le magot (1,1 milliard) tandis que les supporters paient le prix fort, tout comme la population locale, confrontée à une augmentation du coût de la vie. Après quoi, la FIFA et ses fédérations continentales peuvent se partager les bénéfices des droits-télé, sponsorings et tickets de stade (1,8 milliard). Les top-managers de l’association ont bien mérité de s’octroyer un petit bonus (40 millions). Les stades inutiles sont abandonnés, ou détruits. Et les représentants politiques des capitalistes accentuent les politiques d’austérité pour essayer de rembourser la dette publique, qui a explosé.
Le système capitaliste pervertit la compétition sportive
La société capitaliste n’a rien d’autre à offrir que la perversion du sport et des compétitions sportives par l’ultra-marchandisation et la recherche effrénée de profits. La compétition sportive doit au contraire être un évènement populaire, contrôlé par les supporters et la collectivité.
Les luttes des masses au Brésil doivent réussir à s’unifier, pour revendiquer des services publics gratuits et de qualité et prendre en mains la gestion de cette Coupe du Monde et la manne de profits qu’elle pourrait réaliser. Ces luttes peuvent être les prémices de futures batailles entourant les prochains grands évènements sportifs, à commencer par les JO de Rio en 2016. Sous le contrôle et la gestion de la population, à côté des nécessités sociales, seuls les aménagements en infrastructure strictement nécessaires doivent être réalisés.
Lutter pour de telles revendications exige de se battre aussi pour un autre type de société, orientée vers les intérêts de l’ensemble de la collectivité et non plus vers les profits d’une poignée de capitalistes. Il ne suffit pas de s’attaquer au sommet de la tour d’ivoire de Blatter et Platini ; il faut en détruire les fondations.
Une vague de luttes et de manifestations déferle sur le Brésil dans la perspective de la tenue de la Coupe du Monde. Les travailleurs du métro de Sao Paolo ont ainsi entamé le 5 juin dernier une puissante grève. Cette grève a été suspendue ce lundi soir, mais une assemblée générale est prévue ce mercredi, veille du coup d’envoi de la Coupe afin de décider d’éventuelles nouvelles actions. Cette lutte dépasse largement le cadre strict des revendications salariales et représente le combat pour la défense des transports publics pour la population. Les grévistes ont bénéficié d’une attention nationale, mais ont été victimes d’une répression brutale de la part de l’Etat.
Ce vendredi 13 juin, nous appelons à la tenue d’une action de solidarité face à l’ambassade du Brésil, Ambassade du Brésil, 350 Avenue Louise 1050 Bruxelles, à 17h30. Des actions similaires se tiendront dans d’autres pays, à l’initiative de sections du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), dont le PSL est la section belge.
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Brésil : A l’approche de la Coupe du Monde, le climat social devient plus tendu
Protestations aux Brésil : Action de solidarité à Bruxelles ce vendredi 13 juin
Une vague de luttes et de manifestations déferle sur le Brésil dans la perspective de la tenue de la Coupe du Monde. Les travailleurs du métro de Sao Paolo ont ainsi entamé le 5 juin dernier une puissante grève. Cette grève a été suspendue ce lundi soir, mais une assemblée générale est prévue ce mercredi, veille du coup d’envoi de la Coupe afin de décider d’éventuelles nouvelles actions. Cette lutte dépasse largement le cadre strict des revendications salariales et représente le combat pour la défense des transports publics pour la population. Les grévistes ont bénéficié d’une attention nationale, mais ont été victimes d’une répression brutale de la part de l’Etat.
Ce vendredi 13 juin, nous appelons à la tenue d’une action de solidarité face à l’ambassade du Brésil, Ambassade du Brésil, 350 Avenue Louise 1050 Bruxelles, à 17h30. Des actions similaires se tiendront dans d’autres pays, à l’initiative de sections du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), dont le PSL est la section belge.
Une nouvelle étape franchie dans la lutte des classes
Par André Ferrari, LSR (CIO-Brésil)
La grève des travailleurs du métro a très précisément commencé à la date anniversaire du début des manifestations massives du mois de juin de l’an dernier. Des millions de personnes étaient alors descendues dans les rues de centaines de villes à travers le pays, révoltées contre une nouvelle augmentation des tarifs des transports en commun. À la suite de cette explosion sociale, les différentes autorités du pays ont été contraintes de revenir sur ces augmentations, mais elles n’ont en rien remis en cause le processus néolibéral de privatisation et de démolition des transports en commun publics. A partir de juin 2013 s’est ouvert un nouveau cycle ascendant des luttes de la classe des travailleurs dans un contexte de crise économique croissante et d’impasse du modèle économique et politique des gouvernements du PT (tant sous la présidence de Lula que sous celle de Dilma).
Si les luttes ont été plus fragmentées depuis lors, elles ont acquis un clair profil de classe. D’innombrables grèves ont eu lieu dans les secteurs public et privé. Ces batailles de classe ont touché non seulement les secteurs de travailleurs ayant de fortes traditions syndicales combattives (enseignement, banque, poste, métallurgie, etc.) mais aussi les secteurs plus précaires qui ont plus de difficultés à développer une organisation syndicale. Ce fut le cas des travailleurs publics du secteur du nettoyage à Rio de Janeiro, qui ont organisé une grève au beau milieu du «carnaval». Ils ont dû faire face à la brutalité et à la répression de la mairie de Rio de Janeiro, mais aussi à la pression de la bureaucratie syndicale pro-gouvernementale. Ils ont pu jouir d’un énorme soutien populaire et ont remporté une énorme victoire qui a stimulé des luttes similaires dans d’autres villes du pays. Ce fut encore le cas d’environ 28.000 du complexe pétrochimique de Rio de Janeiro. De même, les chauffeurs d’autobus de Rio de Janeiro et Sao Paulo ont organisé des grèves, en passant par-dessus la volonté de leurs dirigeants syndicaux. À l’heure actuelle, plusieurs secteurs sont en lutte et beaucoup en grève. Un des plus forts mouvements de grève se trouve dans les universités de l’Etat de São Paulo, notamment à l’USP (Université de São Paulo) avec des mobilisations intenses d’étudiants, d’enseignants et du reste du personnel.
Le rôle central du MTST
Au cours de ces dernières semaines, les manifestations dirigées par le Mouvement des Travailleurs Sans-Toit (MTST), principalement à São Paulo, ont eu une large attention. A l’aube du 3 mai, le MTST a mené une occupation massive de terres que leurs propriétaires destinaient simplement à la spéculation. Ce terrain est situé à quelques kilomètres du stade qui accueillera l’ouverture de la Coupe du Monde dans le quartier Itaquera, à l’est de la ville de São Paulo. Le stade a coûté près d’un milliard de Reals (400 millions de dollars), et l’occupation visait à illustrer le contraste entre d’une part les dépenses publiques destinées à stimuler les bénéfices de la FIFA, des grands constructeurs et des spéculateurs immobiliers et d’autre part la situation de vie précaire des travailleurs.
L’occupation d’Itaquera a été dénommée « la Coupe du Peuple », et elle implique aujourd’hui 4.000 familles environ. La Coupe du Monde a entrainé une forte augmentation des prix de l’immobilier (jusqu’à 200% dans certains quartiers de la ville) et de grandes augmentations de loyer. Des millions de travailleurs sont contraints de quitter leurs foyers et de vivre plus loin de leur lieu de travail, aggravant encore le problème de la mobilité urbaine dans une ville comme São Paulo. Les revendications consacrées au droit au logement et au transport font partie intégrante de la lutte pour le droit des travailleurs à disposer de leur ville, alors qu’elle est aux mains des entreprises.
Le MTST a pu organiser des marches de milliers de travailleurs sans-abri et de leurs alliés afin de défendre leurs revendications. La dernière a eu lieu le 4 juin, quand 25.000 personnes ont bloqué l’accès au nouveau stade tout juste une semaine avant l’ouverture de la Coupe du Monde. Cette manifestation a mis en évidence la force du mouvement, capable de menacer l’ouverture même de la Coupe du Monde.
Quelques jours avant, la menace d’une expulsion forcée du site Itaquera ouvrait la sombre perspective d’un bain de sang, puisque le mouvement avait opté pour la résistance. Mais peu après, le gouvernement fédéral de la présidente Dilma Rousseff (PT) a cherché à ouvrir des négociations et a indiqué que le gouvernement allait répondre aux revendications du mouvement. Le terrain occupé par la «Coupe du Peuple » doit être affecté à la construction de logements abordables avec des fonds publics sous l’administration du mouvement lui-même. Une fois confirmée une telle retraite de la part du gouvernement, cette victoire éclatante de la lutte du MTST ouvrirait la voie à de nouvelles luttes pour d’autres mouvements.
La grève du Métro
C’est dans ce contexte que la grève des travailleurs du métro a lieu. Dans ce cas, l’ennemi direct est le gouvernement de l’État de São Paulo dirigée par le néolibéral Alckmin (PSDB). L’approche des autorités a jusqu’ici été faite de brutalité extrême avec répression policière aux piquets de grève dans les stations de métro, menaces de licenciement et une grande intransigeance dans les négociations. Le syndicat des travailleurs du métro est dirigé par la gauche syndicale, généralement liée aux partis PSTU et PSoL, et bénéficie d’un large soutien dans le secteur. La plupart des dirigeants syndicaux sont liés à la fédération CSP-Conlutas, mais le syndicat du Métro n’est pas affilié à une fédération syndicale particulière. Les assemblées générales quotidiennes réunissent plus de 2000 travailleurs, sur environ 9500. Les piquets de grève sont organisés pour bloquer certains pans du réseau, puisque les patrons se sont mobilisés pour faire fonctionner certaines lignes de métro, en mettant par ailleurs en danger la population puisque le personnel n’est pas formé pour cela. Le gouvernement essaie à tout prix de tourner l’opinion publique contre les travailleurs du métro, sans beaucoup de succès. Mais la tâche est rude pour gouvernement Alckmin, puisque ce gouvernement et de précédents du PSDB sont impliqués dans un énorme scandale de corruption qui implique de grandes entreprises comme Siemens et Alstom, fournisseurs de matériel et de services pour le métro de São Paulo…
Dans le cadre de la préparation de la grève, le syndicat a dénoncé la politique du gouvernement Alckmin concernant les transports publics. Le syndicat a également proposé que, pour ne pas nuire à la population, les travailleurs annulent l’arrêt de travail en échange de l’ouverture des tourniquets de métro donnant ainsi gratuitement accès aux utilisateurs! La proposition a été bien accueillie par la population et a même servi à promouvoir le débat sur la revendication de la gratuité des transports publics, qui a gagné en popularité depuis juin 2013.
Mais le gouvernement, avec le soutien de la Cour du travail, s’est réuni ce dimanche pour juger la grève illégale, au motif que le syndicat ne garantit pas le bon fonctionnement du métro pendant les «heures de pointe», car il s’agit d’un service « essentiel ». Que reste-t-il du droit de grève si une catégorie des travailleurs est censée travailler à 100% durant une grève ? Les tribunaux ont imposé une amende de cent mille Reals au syndicat (40.000 $) par jour de grève et ont déclaré légitime le licenciement des grévistes. Les travailleurs se sont réunis à nouveau réunis en assemblée le dimanche 8 juin et ont décidé d’affronter le gouvernement, les médias et les tribunaux.
À l’heure actuelle, de nombreux secteurs du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux, y compris le MTST et les organisations de jeunesse, se mobilisent pour construire une action de masse en soutien des travailleurs du métro. La force et la volonté de se battre des travailleurs du métro, avec le soutien populaire organisé en une grève, sont des facteurs qui peuvent être en mesure de pousser le gouvernement à la défaite.
Unifier les luttes et construire une grève générale de 24 heures
LSR (section du CIO au Brésil) a lutté de toutes ses forces pour construire l’unité des luttes qui se développent aujourd’hui dans le pays. LSR est notamment intervenu dans les luttes du MTST et de la CSP-Conlutas, le groupe le plus dynamique de la gauche syndicale, en défendant que ces deux pôles de lutte devaient agir de manière coordonnée, ce qui est maintenant en train de se produire. LSR a également préconisé la nécessité d’une conférence nationale des mouvements en lutte pour élaborer une plate-forme commune et un plan d’action commun. Nous avons également fait valoir qu’il est nécessaire de construire par la base une grève générale de 24 heures dans le pays.
Parvenir à une lutte unifiée des travailleurs du métro, des enseignants, des travailleurs sans-toit et des jeunes est une condition préalable à la réorganisation et à la reconfiguration d’un mouvement des travailleurs combattif et d’une gauche socialiste.
Des messages de solidarité avec les travailleurs du Métro peuvent être envoyés au Sindicato dos Metroviarios de Sao Paolo, sindicato@metroviarios-sp.org.br, avec copies à andre.ferrari@uol.com.br .
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Coupe du monde de foot 2014 : les travailleurs font leur entrée sur le terrain !
Depuis juin 2013 les luttes « anti-coupe du monde » s’intensifient au Brésil devant la masse pharaonique des investissements. Partout, le slogan « Pendant la coupe il y aura la lutte » est scandé dans chaque état. Dans l’affolement, le gouvernement, coincé entre des intérêts privés gigantesques et la colère des classes populaires, utilise les médias et la voix des anciens joueurs comme Pélé pour appeler le peuple « au calme et à l’amour du foot. »
Mariana Campos (militante de la Gauche Révolutionnaire –CIO- France) Alexandre Arnaud.
Mais alors, la passion du football aurait-elle quitté le Brésil ? Au moment où la coupe du monde arrive chez eux, 64 ans après avoir laissé filer « leur » coupe à l’Uruguay, et toujours en 2014 sur la liste des favoris, les Brésiliens tourneraient-ils le dos à leur sport national ?
En 2000, le football au Brésil comptait trente millions de pratiquants (soit 16 % de la population), 800 clubs professionnels et onze milles équipes amateurs. On évaluait alors à un millier le nombre de footballeurs brésiliens à quitter le pays chaque année pour vivre du football à travers le monde. En 2014, ces données ne sont pas remises en cause, bien au contraire. Avec ses 5 éditions remportées, le Brésil est toujours le « pays du football ».
Dilma, la présidente, comptait d’ailleurs encore récemment sur cet engouement footballistique pour que la crise se résolve d’elle-même dès le premier coup de pied donné au ballon. A quelques jours du coup d’envoi, tous les manifestants sont là pour lui rappeler qu’il n’en sera rien.
Mais le paradoxe n’en est certainement pas un. Si le football est bien dans le cœur de tous les Brésiliens et dans toutes les conversations, ceux-ci n’ont pas tardé à se rendre compte que quelque chose n’allait pas, quand les sommes d’argent public ont commencé à défiler sous leurs yeux, alors que les moyens alloués à l’éducation et à la santé sont toujours aussi inadaptés à la réalité sociale. La goutte d’eau qui a fait déborder la coupe a été, on s’en souvient, une augmentation de 20 centavos du prix des transports publics en juin 2013, déjà trop chers et insuffisants.
Depuis 2007 et l’attribution de l’organisation de la coupe du monde au Brésil, le coût de la vie augmente fortement, tant au niveau des produits de base que du logement (qui explose littéralement à Rio).
Les principales revendications portent sur les bases-mêmes de la construction de la société brésilienne : santé, éducation, meilleures conditions de travail, transport, logement et corruption. Aux yeux du gouvernement, ils sont des enfants gâtés, et la seule réponse apportée par l’Etat est la force : chars, hélicoptères, matraques, cavalerie, balles réelles. Au total, 2000 personnes en prison depuis juin 2013, et de nombreux morts (dont les autorités refusent généralement la responsabilité).
Dans la réalité, selon le programme des Nations Unies pour le développement, la 8ème puissance économique mondiale se situe à la 85ème place dans le classement des pays par leur Indice de Développement Humain (IDH). Celui-ci est calculé d’après trois critères : l’espérance de vie à la naissance, la durée de scolarisation et le niveau de vie.
Par ailleurs, d’après l’indice de perception de la corruption (CPI) créé par l’ONG Transparency International, le Brésil se situe à la 69ème place des pays les moins corrompus.
Les chiffres tellement enthousiasmants du chômage et de la croissance ne sont donc pas les seules données à prendre en compte pour comprendre la situation de la société brésilienne. Sa souffrance n’est donc pas « psychologique » mais s’appuie bien sur une réalité, et aujourd’hui, la coupe du monde se présente comme le moment pour la population de poser les cartes sur la table, de prendre son destin en main tout en prenant à témoin l’opinion internationale.
« La coupe pour qui ? »
On se souvient de la déclaration de Lula suite aux catastrophiques inondations suivies de glissements de terrain dans les favelas de Rio en janvier 2011 : « Ne vous inquiétez pas, tout sera prêt pour la coupe du monde ». Depuis, les expulsions se sont succédées, les hôtels de luxe ont fleuri, c’est ce que l’on a appelé la « pacification » des favelas.
Concernant les stades, les choix du gouvernement PT sont pour le moins curieux, dont celui de démolir des stades existants pour reconstruire des stades de luxe à prix exorbitant, celle d’organiser la coupe sur 12 stades dont 4 dans des villes où le foot est insignifiant. A Manaus, en pleine Amazonie, que va faire le club de 4ème division avec un stade de 40000 places ? En tout, le budget de la coupe du monde représente 17 milliards de dollars, soit plus que la coupe en Allemagne et en Afrique du sud réunies, dont 70% payés par l’Etat. Même la Fifa a déclaré en décembre 2013 qu’il n’a jamais dépensé autant pour la construction de stades.
Les constructions de stades dans les villes de Manaus, Cuiabá, Natal et Brasilia, inutiles à moyen terme, ont été financées par les programmes destinés au départ à l’adolescence, la scolarisation, la santé et le logement sans aucun projet réaliste pour la suite. Ce qui est sûr, c’est que c’est bien l’Etat qui assurera les dépenses d’entretien annuel.
Ainsi à Brasilia, le stade Mané Garrincha était prêt, mais a été démoli et reconstruit en dépassant même les exigences environnementales imposées par la FIFA. Il pourrait même être le premier stade au monde certifié LEED Platine ! Plus de 600 millions d’euros ont été dépensés et payés intégralement par le gouvernement fédéral. Les solutions imaginées pour l’après-coupe du monde seraient de louer le stade aux grandes équipes de Rio et São Paulo, alors qu’elles ont déjà leurs propres stades. Par ailleurs, quels supporters feront 5 heures d’avion pour aller voir leur propre équipe jouer à Brasilia ?
Dans le même ordre d’idées, le gouvernement d’Amazonie envisage de louer le stade de Manaus pour les équipes européennes pendant la saison d’hiver en Europe ! A moins de se moquer des supporters et d’en finir avec l’idée d’un sport populaire, cela paraît bien fantaisiste, les intéressés n’ayant d’ailleurs rien demandé.
Par ailleurs, pour honorer ses engagements envers la FIFA, la pression sur les travailleurs est telle que ce sont eux qui au final risquent leur vie : pas moins de 8 ouvriers ont trouvé la mort dans les chantiers par manque de sécurité. Leurs salaires ne sont pas seulement en retard, mais ils risquent aussi de ne pas recevoir la totalité.
Il suffit de considérer l’exemple sud-africain de la dernière coupe du monde pour s’imaginer ce qu’il adviendra des stades. Depuis 2010, les stades de Newspreut, Port Elisabeth, Polokwane sont très peu utilisés. Lee Cape Town stadium dans la ville du Cap est un emblème de l’inutilité de ces constructions. Le plus grand stade du Cap est abandonné car trop cher, même pour le rugby, le sport sud-africain le plus populaire, faute de moyens. C’est donc une dépense publique nette de plus de 3 milliards d’euros par an, la FIFA ayant refusé de détruire le stade afin de ne pas donner de mauvaise image pour les prochains événements de la Coupe du Monde.
Au Brésil, on calcule qu’il ne faudrait pas moins d’un millier d’années à l’Etat brésilien pour rembourser ces dettes, soit des générations d’emblée sacrifiées. C’est donc bien une vraie question que pose le mouvement contestataire aujourd’hui.
Le problème est-il circonscrit au football, ou au sport en général ?
La compétition sportive en soi n’est pas le débat. La plupart des compétitions sportives n’entraîne pas de telles interrogations, tant qu’elle ne saigne pas l’économie d’un pays. Mais la taille des enjeux financiers de la coupe du monde et les appétits qu’elle suscite pose et met en évidence des choix politiques et des priorités.
En 2013, lorsque les premières manifestations pour plus de moyens pour la santé et l’éducation, l’ancien champion du monde désormais retraité Ronaldo a voulu faire de la pédagogie : « Là, c’est la coupe du monde, et on ne fait pas une coupe du monde avec des hôpitaux ». Il s’agit bien d’un problème de choix politique.
De très gros marchés publicsLes trois plus grosses sociétés de BTP brésiliennes, dont Andrade Gutierrez et surtout Odebrecht avec un contrat à 3 milliards de dollars, qui détient de plus les marchés de l’aéroport international et de la rénovation du port de Rio, sont les grands gagnants. Quel que soit ce qu’il advient, ils toucheront l’argent de l’Etat, qui quant à lui devra compter sur une imagination débordante pour rentabiliser ses stades.
La FIFA, quant à elle, vit à 98% sur les recettes de la coupe du monde, principalement en droits TV et en marketing (soit 3,9 milliards de dollars en 2010). Sa dépendance à l’évènement est totale. Les très grosses entreprises du tourisme, des transports, des medias ont également en jeu de très gros intérêts financiers dans cet évènement.
La coupe est aussi le moment où les projecteurs sont braqués sur le pays. L’enjeu est aussi médiatique. Si les images qui nous viendront de la télévision seront sans aucun doute très séduisantes, ce que verront les touristes étrangers comptera également évidemment beaucoup. Et on a vraiment le sentiment que le gouvernement s’attache en premier lieu à cacher la misère et la balayer sous le tapis.
Depuis quelques années, des campagnes publicitaires gigantesques recouvrent les façades des immeubles du centre de Rio. Leur but : inciter la population à jeter leurs déchets dans les poubelles, ce qui est intéressant à comparer avec la situation sanitaire des favelas où les touristes ne mettront pas les pieds : gestion des déchets, des eaux usées, rien ne semble prévu face à cette situation sanitaire qui constitue le quotidien de ces habitants. En revanche, l’Etat a mis en place en vue de la coupe du monde les UPP, Unités de Police Pacificatrices.
Le massacre des Noirs dans les favelas et les quartiers populaires
Entre Rio de Janeiro et Sao Paulo, la situation dans les favelas est un état de guerre comparable à celle de l’Irak dans ses moments critiques. Les recherches montrent que 140 personnes meurent sous les coups et les balles de la police tous les jours. La « guerre contre le trafic de drogue » est une extermination de la jeunesse noire et pauvre des favelas.
Outre l’expropriation des habitants des favelas pour des spéculations immobilières ; la politique de « pacification » cache en réalité des milliers de morts, une répression très forte et une censure culturelle. Le gouvernement de Dilma pousse en effet des familles entières à la rue, car l’aide du gouvernement (250 euros pour 6 mois) ne leur garantit même pas un loyer de misère.
Dans cette guerre nommée « pacification », à aucun moment les habitants et les travailleurs présents sont pris en compte. Seule importe la survalorisation des zones hôtelières pour la spéculation immobilière en vue des futurs évènements sportifs. Tandis que certaines zones se retrouvent en effet sans conflits, des fusillades vont éclater dans d’autres quartiers pour aller tuer les trafiquants. Entre 1997 et 2012, dans l’Etat de Rio de Janeiro, on compte 12.560 morts par les actions de la police dans les favelas. Les circonstances des morts enregistrées sont nommées « Résistance suivie de mort » et non homicides, et les morts sont systématiquement coupables.
Une fois « pacifiée », la population n’a plus aucune possibilité de participation dans la vie du quartier. N’importe quel évènement culturel nécessite une autorisation policière, que l’on ait affaire à un « baile funk » ou à une simple fête familiale. Dans les écoles, l’Education a délégué à la police militaire la fonction de sécurité. Ainsi, les élèves qui se trouvent dans un conflit scolaire sont considéré d’emblée comme des criminels potentiels et sont soumis à des systèmes de vigilance de façon permanente. Jamais ce type d’opération ne pourrait se produire en dehors des favelas.
La population sous contrôle policier et la criminalisation du mouvement social reflète les séquelles d’une dictature militaire.
Le gouvernement ne s’attendait pas à une mobilisation de massive de travailleurs ces dernières années. Il se prépare maintenant à de nouvelles confrontations. Dilma a déjà affirmé que les forces armées était prêtes à intervenir en cas de besoin pour maintenir l’ordre pendant la coupe du monde, et le Ministère de la Défense a bien publié une autorisation de l’utilisation des forces armées contre d’éventuelles émeutes, le blocage des autoroutes, l’arrêt des activités productives, dégradation du patrimoine public et « invasion » de propriété, qu’il s’agisse en face de mouvement social, institution, association ou organisation non gouvernementale. Cela a déjà été mis en pratique lors des manifestations de juin, en utilisant tout l’arsenal répressif : cavalerie, hélicoptères larguant des bombes de gaz, tirs de balles en caoutchouc, etc. Cela montre bien à quoi la population doit se préparer pour les prochaines semaines.
Les travailleurs entrent sur le terrain
La coupe du monde ne fait finalement qu’exacerber une réalité sociale déjà existante en cristallisant les enjeux dans cette période. La lutte des classes au Brésil a seulement commencé. Les mobilisations pour la réduction du prix des transports en juin 2013 ont ouvert la boite de Pandore pour les autres revendications des travailleurs. Depuis, l’hostilité vers le gâchis publique a augmenté. Les grèves s’intensifient chaque jour dans différents secteurs : le pétrole, les éboueurs, les conducteurs de bus et de métros, la police fédérale, les enseignants, les étudiants, les sans-abri, ainsi que les habitants des favelas qui ont vu leur maison démolie pour la spéculation immobilière.
Les luttes de ces derniers mois a permis aux travailleurs de tester leurs forces, dès lors qu’ils s’organisent, même face à la bureaucratie syndicale. Même la police fédérale prévoit une grève de 24 heures deux jours avant le début de la coupe, ce qui pourrait interrompre tout service de contrôle à l’aéroport.
La coordination des mouvements permettrait de donner une base pour une grève générale de 24 heures. Ensemble, les travailleurs, les jeunes et le mouvement populaire disputeront le terrain de l’utilisation de l’argent public et de la coupe du monde.
Un calendrier commun de luttes pour les revendications : gratuité des transports collectifs, contre les expulsions des habitants des favelas, investissement dans le logement populaire, stop à la peine de mort dans les favelas et les quartiers populaires, 10% du PIB pour l’éducation et la santé, fin de la criminalisation des mouvements sociaux … serait un premier pas vers l’éradication du système de privilèges des parasites capitalistes.

