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Category: Amérique Latine
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Chili : mobilisation féministe inédite suite à un cas de harcèlement sexuel impuni

Photo : MediActivista Une vingtaine d’universités occupées depuis le mois d’avril – dont la très conservatrice Université Catholique de Santiago – des manifestations de 150.000 étudiants et travailleurs dans les rues de la capitale le 16 mai, plus de 100.000 personnes le 6 juin, des mouvements étudiants rejoints par une série d’organisations de gauches et féministes,… Le Chili ne vit pas seulement un mouvement étudiant : le pays est submergé par un nouvelle vague féministe depuis le mois d’avril.
Par Celia (Bruxelles)
En décembre 2017, Sebastian Piñera a été élu pour son second mandat. Il est l’un des hommes les plus riches du Chili, avec une fortune estimée à plus de 2 milliards d’euros. Fier de son gouvernement de droite dure, il a promis de revenir sur les quelques avancées sociales du gouvernement social-démocrate de Bachelet (la présidente sortante), notamment concernant la dépénalisation de l’avortement. L’avortement a été dépénalisé en août 2017 pour les femmes dont la vie est en danger, qui ont été violées ou dont le fœtus est jugé non viable. Les Chiliennes avaient gagné ce droit en 1931, sur lequel est revenu le dictateur Pinochet en 1989. Les Chiliennes sont très enthousiastes vis-à-vis de leurs voisines argentines qui vont remporter la dépénalisation et la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (acceptée à la Chambre, la loi doit encore passer au Sénat).
Le 17 avril, un professeur de l’Université de Valdivia, dans le Sud du pays, n’a pas été jugé, mais simplement muté, alors qu’il était accusé de harcèlement sexuel sur une employée. Spontanément, la faculté des sciences de Valdivia a été occupée pour donner naissance à un mouvement généralisé contre le sexisme sous toutes ses formes.
Le mouvement dénonce l’impunité vis-à-vis des agressions et des harcèlements sexuels. Depuis 2011, les étudiants entrent régulièrement en lutte pour exiger une éducation gratuite, publique et de qualité. À cela, s’ajoute aujourd’hui la revendication d’une éducation non sexiste et, donc, la fin de l’impunité pour les délits et crimes sexuels envers les femmes, la formation des enseignants et étudiants aux problématiques de genre, l’autorisation pour les personnes transgenres d’utiliser leur prénom d’usage et des mesures pour favoriser les carrières des enseignantes-chercheuses. Le mouvement féministe chilien réclame aussi la démission du ministre de l’Éducation, Gerardo Varela, qui a déclaré que les femmes du Chili ne subissent que de ‘‘petites humiliations et discriminations’’.
Piñera ne se souvient que trop bien des mouvements de masse de 2011 et des convergences des luttes de l’époque. Il a très vite tenté de calmer la situation en sortant un ‘‘Agenda femmes’’ en 12 points avec notamment l’intention d’inscrire l’égalité hommes-femmes dans la Constitution. Mais le président conservateur ne convainc pas les étudiantes et les syndicats universitaires qui n’ont été ni reçus ni consultés par les autorités. Cet agenda ne parle pas d’un projet pour une éducation non sexiste. Et bien que l’inscription de l’égalité hommes/femmes dans la loi soit un pas en avant symbolique important, cela n’attaquera pas pour autant les bases du sexisme existant.
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Mexique : AMLO remporte une victoire historique

Le texte ci-dessous est la déclaration initiale d’Izquierda Revolucionaria (section mexicaine du Comité pour une Internationale Ouvrière) relative aux élections présidentielles mexicaines. Plus de détails seront publiés sous peu sur socialistworld.net et socialisme.be.
La victoire écrasante d’Andrés Manuel López Obrador, connu sous le nom d’AMLO, aux élections présidentielles du 1er juillet représente un tournant. Après des décennies de tyrannie de la part du PRI (Parti révolutionnaire institutionnel, le parti au pouvoir), de violence militaire et policière, de privatisation des secteurs stratégiques de l’économie et de réformes réactionnaires de la législation du travail et de l’éducation, des millions de travailleurs, de jeunes, d’autochtones et de femmes ont remporté une victoire après des décennies de lutte. La victoire d’AMLO et du Morena (le Mouvement de régénération nationale, le parti d’Obrador) est avant tout le résultat de la lutte inlassable de tous les opprimés pour transformer la société et mettre fin au cauchemar du capitalisme mexicain.
Au moment d’écrire ces lignes, les chiffres officiels n’ont pas encore été publiés, mais les premiers résultats confirment la victoire écrasante d’AMLO avec 52-53% des voix, le vote le plus élevé pour un président dans l’histoire du Mexique. Ricardo Anaya du PAN néolibéral a remporté environ 22% des suffrages et José Antonio Meade du PRI au pouvoir n’a gagné que 16% des voix. Ces élections furent désastreuses pour les partis de l’establishment.
AMLO doit tenir ses promesses face aux travailleurs et aux pauvres
L’atmosphère d’euphorie parmi les masses est difficile à décrire. Il est d’autant plus important pour les forces de gauche, le mouvement ouvrier et les mouvements sociaux de comprendre la grande pression du capitalisme, de l’impérialisme et de l’appareil d’Etat sur le nouveau président.
Dans le but d’apaiser l’oligarchie et la classe dirigeante au Mexique et au niveau international, AMLO a insisté durant sa campagne sur le fait qu’ils n’avaient rien à craindre de lui car il n’envisageait ni nationalisations ni expropriations. Cette idée que l’on peut construire un capitalisme plus “humain” où les patrons et les spéculateurs accepteraient de partager leurs profits et de réduire l’exploitation ne peut toutefois qu’aboutir à une catastrophe. On peut affirmer la même chose de l’idée de mettre fin à la corruption sans remettre en cause les fondements du capitalisme. L’expérience d’autres pays d’Amérique latine – la Bolivie, le Brésil, le Venezuela, l’Argentine, etc. – et d’Europe – comme la Grèce avec SYRIZA – nous a appris beaucoup de choses à ce sujet.
Tous ces grands patrons auxquels AMLO “fait confiance” et qu’il invite à participer à son projet répondront de la même manière que leurs homologues capitalistes d’ailleurs. Ils diront : appliquez une politique économique qui respecte nos intérêts, votre seul choix est de le faire volontairement ou non.
La victoire d’AMLO est un développement majeur, mais elle ne signifie pas pour autant la fin de l’exploitation et de l’absence de démocratie. La classe dirigeante mexicaine n’est pas seulement corrompue et cruelle, elle a aussi derrière elle une longue expérience de répression sanglante lorsqu’elle est menacée. Cette victoire ne conduira à un véritable changement pour les masses que si elle est la rampe de lancement d’une lutte pour l’instauration d’un programme socialiste.
Nous devons assurer qu’AMLO s’en tienne à sa parole et lui montrer dans l’action que, pour en finir avec les privilèges de l’élite, nous devons nous battre pour un programme socialiste.
• Retrait des réformes néolibérales !
• Renationalisation des services publics privatisés !
• Instauration d’accords salariaux collectifs, pour un salaire minimum de 12.000 pesos par mois !
• Réintégration de tous les travailleurs licenciés suite à la réforme de l’enseignement et assurance de la stabilité de travail pour tous les enseignants !
• Pour des services sociaux gratuits et dignes !
• Non aux féminicides ! La communauté LGBTQI+ doit bénéficier de tous les droits démocratiques !
• Pour un programme d’emplois publics visant à assurer aux familles pauvres l’accès à es crèches et à des cantines !
• Nationalisation sous contrôle ouvrier des banques et des secteurs stratégiques de l’économie afin de garantir le bien-être de tous ! -
Le Venezuela après les élections présidentielles
Ni les capitalistes ni la bureaucratie ne peuvent résoudre la crise !
Construire une gauche révolutionnaire qui défend les intérêts des travailleurs et du peuple
Le 20 mai, des élections présidentielles ont eu lieu au Venezuela. D’après les résultats finaux rendus publics par le CNE (le Conseil National Électoral, NdT.), Nicolás Maduro a remporté ces élections avec 6.203.612 voix, suivi des 1.920.597 voix recueillies par Henri Falcón (ancien gouverneur de l’Etat de Lara pour le PSUV – le Parti socialiste unifié du Venezuela créé en 2007, NdT. -, il a rejoint l’opposition en 2010), et les 988.761 voix pour l’homme d’affaires et chef évangélique Javier Bertucci. Le taux de participation fut de 46,04%.Déclaration d’Izquierda Revolucionaria (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Venezuela)
Le cynisme des impérialistes
Immédiatement, les impérialistes américains et européens ainsi que les gouvernements latino-américains de droite ont lancé une campagne hystérique dénonçant ces résultats comme « non valables ». Quel cynisme ! Des éléments tels que Donald Trump, qui lui méprise les droits démocratiques des Noirs, des femmes, des immigrés, des jeunes et des travailleurs et qui préside les Etats-Unis en ayant obtenu 3 millions de voix de moins que son adversaire, se présentent comme des « champions de la démocratie » ! Ou à l’instar de Michel Temer, devenu président du Brésil grâce au coup d’Etat institutionnel de l’impeachment (procédure de destitution de Dilma Rousseff, NdT.). Que dire des bourgeoisies européennes qui, à travers les « gouvernements de l’ombre » que personne n’élit, comme la troïka, et des gouvernements nationaux de plus en plus corrompus et discrédités, attaquent les droits démocratiques et sociaux ? Un bon exemple de la démagogie de cette campagne se retrouve dans les déclarations du président espagnol et leader du PP, Mariano Rajoy, qui a dénoncé de but en blanc « le manque de normes démocratiques au Venezuela ». Venant du leader d’un parti déclaré par les tribunaux comme « organisation criminelle » ! L’homme qui emprisonne aujourd’hui des musiciens, des dirigeants politiques et des activistes sociaux pour leurs idées et qui, le 1er octobre 2017, a envoyé 10.000 policiers réprimer des millions de personnes en Catalogne, faisant plus de 1000 blessés, afin de les empêcher d’exercer leur droit de vote !
Cette campagne médiatique pathétique reflète les problèmes actuels auxquels font face les impérialistes américains et européens – ainsi que les bourgeoisies latino-américaines – pour réussir à ce que leurs marionnettes de la MUD (« Table de l’unité démocratique », NdT., coalition des partis de droite et d’extrême droite) accèdent au gouvernement au Venezuela. Elle montre aussi que, si ces derniers y arrivaient, ils appliqueraient la même répression et les mêmes attaques qu’au Brésil, en Argentine ou au Honduras.
La MUD est sorti très divisée et affaiblie de son échec à boycotter l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) et à prendre le pouvoir violemment en juillet 2017. Les gouvernements impérialistes et les médias à leur service traduisent l’abstention élevée dans les élections présidentielles vénézuéliennes (53,96%) comme un soutien à la MUD. Ceci est destiné à encourager leurs partisans puisque toutes les élections depuis lors ainsi que les mobilisations qu’ils ont organisées ont subi échec après échec, y compris leur manifestation du 17 mai contre la présidentielle du 20 mai. Ils espèrent que cette campagne médiatique, conjuguée à l’effondrement économique et au mécontentement croissant à l’égard de la politique du gouvernement Maduro, permettra de ramener leurs partisans dans la rue.
Bien que la manipulation et les mensonges des impérialistes et de la MUD soient évidents, la forte abstention du 20 mai démontre une chose : face au soutien massif que le gouvernement de Chávez a reçu (grâce aux mesures progressistes et aux réformes sociales qu’il a appliquées pour répondre aux besoins des masses), le gouvernement bureaucratique de Maduro, avec sa politique de gestion du capitalisme, s’alliant avec les factions de la bourgeoisie vénézuélienne, les impérialistes chinois et russes, et en attaquant la gauche révolutionnaire, provoque une grande déception et un profond malaise.
Sur le terrain idéologique, la crise brutale que vit le Venezuela (inflation galopante, pénurie, paralysie de la production) est utilisée par la bourgeoisie du monde entier pour parler « d’échec du socialisme » et ainsi discréditer tout mouvement de masse qui remet en question les ajustements et les privatisations capitalistes. Cependant, la réalité est telle qu’au Venezuela le socialisme n’a pas échoué, puisqu’il n’a tout simplement jamais existé. Les réformes et les mesures sociales appliquées par Chávez lui ont apporté un soutien massif. Cependant, Chávez n’est resté qu’à mi-chemin et n’a jamais pris les mesures nécessaires pour évoluer jusqu’au socialisme. En effet, l’expropriation des banques et des grandes entreprises sous la direction des travailleurs n’a jamais été entreprise. L’Etat bourgeois n’a pas non plus été démantelé et un Etat révolutionnaire dirigé par les travailleurs et le peuple n’a pas émergé.
Le maintien des entreprises entre les mains des capitalistes et le contrôle de l’État par la bureaucratie sont autant d’éléments qui ont amené à ce que même les mesures améliorant initialement les conditions de vie de la population ont disparu ou perdu de leur efficacité. Ces éléments avaient déjà commencé à provoquer une perte de soutien électoral lors des dernières années de Chávez. Après sa mort et le virage brutal à droite que représente le madurisme, nous assistons à un effondrement total de l’économie ainsi que du moral des masses.
Une campagne sans alternatives pour les travailleurs et le peuple
Après une campagne institutionnelle vide, pleine de promesses et de slogans clientélistes, dans laquelle aucun candidat n’a proposé une alternative répondant aux besoins et aux intérêts de la classe ouvrière et du peuple, ou encore des mesures concrètes pour sortir le pays de la crise économique et sociale que nous vivons, les candidats de l’opposition Henry Falcón (qui a soulevé l’idée de la dollarisation des salaires) et Javier Bertucci, qui lui se base sur une image religieuse avec des propositions peu claires, ont certes recueilli le vote d’une partie de la population insatisfaite mais ils ont surtout été reçus avec méfiance par la grande majorité de celle-ci.
Reflétant tout ce que nous avons évoqué ci-dessus à propos de son virage à droite, le gouvernement de Nicolás Maduro a organisé une fin de campagne sur l’Avenue Bolívar à Caracas qui fut le miroir de l’effondrement de son autorité politique devant les masses. Au menu de celle-ci, faible fréquentation et ambiance musicale de boîte de nuit qui ne s’est pas arrêtée un seul instant… même pas pour écouter la prise de parole du candidat. Cela illustre la façon dont la direction maduriste a abandonné non seulement toute référence concrète et sérieuse au socialisme, mais aussi l’héritage chaviste, notamment en clôturant l’événement sans l’hymne national habituel et la diffusion de la voix de Chávez. Maduro a terminé son discours en rappelant pour la énième fois la nécessité d’un « gouvernement de réconciliation et d’unité nationale ». Pour les dirigeants du PSUV, cela signifie maintenir et approfondir l’alliance qu’ils entretiennent déjà dans la pratique avec les branches patronales.
Les résultats des élections parlent d’eux-mêmes d’une manière très concrète. Les rues et les quartiers du pays se sont exprimés par un incomparable silence et une façon inhabituelle de transmettre leur protestation contre les politiques incohérentes que le gouvernement a promues.
Comme mentionné ci-dessus, cette abstention n’exprime pas une hausse du soutien du peuple à l’opposition la plus extrême sur la droite qui a donc décidé de ne pas se présenter à ces élections. De larges segments des bases sociales de l’opposition, formés par la classe moyenne et certaines branches populaires démoralisées, ont tiré des conclusions très critiques envers leurs dirigeants après les guarimbas (manifestations violentes organisées par des bandes fascistes qui sont venues lyncher et brûler les gens soupçonnés d’être chavistes, de gauche ou tout simplement en désaccord avec eux). Ils les voient comme des traîtres qui ont utilisé la lutte pour leurs intérêts économiques. Parmi les nombreuses personnes qui ont voté pour l’opposition dans les législatives de 2015 dans le but d’exprimer leur mécontentement envers le PSUV, ces méthodes ont également suscité le rejet et les craintes quant à la façon dont ils gouverneraient et vis-à-vis des méthodes utilisées par la MUD pour stabiliser le système capitaliste au Venezuela. En plus de tous ces facteurs, provoquent également un profond rejet la faiblesse dont souffre la bourgeoisie en conséquence de la crise du système capitaliste dans le monde entier, la mise en œuvre des politiques néolibérales, les coupes sociales ainsi que les privatisations et l’austérité imposées par l’impérialisme américain et du FMI.
Augmentation du mécontentement social
Sur 10 électeurs potentiels, seulement 3 ont voté pour Maduro. Comparer ces résultats avec les élections présidentielles précédentes comme en 2013, où le gouvernement a obtenu 7.587.579 voix, démontre une perte, en cinq ans, d’au moins deux millions de voix. Comme si nous comparons avec l’année 2012, lorsque Chávez a obtenu 8.191.131 voix. Ce 20 mai, Maduro a obtenu 2.367.404 votes de moins. De plus, l’écrasante majorité de ceux qui le soutenaient ne l’ont pas fait avec enthousiasme ou confiance mais plutôt avec l’idée d’opter pour le moindre mal (comme ce fut le cas lors des élections remportées en 2013 contre Capriles et, bien sûr, dans les victoires de Chávez).
Lors des élections à l’Assemblée Nationale Constituante, en juillet 2017, il y avait une participation de 8.089.320 personnes, seulement des militants chavistes. Si on la compare avec ces deux dernières élections des gouverneurs et présidentielles, cela montre que l’espoir du peuple a de nouveau chuté, avec un recul drastique, et renforce l’expression du rejet des politiques gouvernementales, comme on l’a clairement vu dans les élections l’Assemblée Nationale de l’année 2015.
Jusqu’ici, Maduro et son gouvernement ont manœuvré en s’appuyant sur l’incapacité des dirigeants de la MUD à capitaliser sur le mécontentement social et sur la gestion des politiques clientélistes dont le seul objectif est de pérenniser le contrôle de l’Etat par la bureaucratie, isoler la gauche critique et négocier leur continuité au pouvoir avec les factions de l’impérialisme et de la bourgeoisie.
Il est pathétique de voir les dirigeants du PSUV affichés victorieux avec 68% de soutien électoral, chiffre qui traduit simplement la différence obtenue dans les votes contre les candidats de l’opposition. Ce faisant, ils dissimulent la réalité en arrière-plan : la participation de 46,02% des électeurs. Cela montre que nous n’avons pas été en mesure d’atteindre les objectifs fixés de 10 millions de voix, une victoire décisive qui aurait démontré à l’impérialisme le soutien populaire. Ils n’ont même pas réussi à obtenir au moins 50%, ou que les militant votent majoritairement pour le nouveau parti qu’a formé la bureaucratie afin de laver son visage : « Somos Venezuela » (« Nous sommes le Venezuela », NdT.). Tout cela provoque un certain tracas dissimulé par la direction du gouvernement, qui a célébré la victoire dans une ambiance de soutien totalement pyrrhique.
Cette situation grave que connaît le Venezuela est un grand danger pour la classe ouvrière et le peuple, car les puissances économiques étrangères et la bourgeoisie nationale sont bien conscientes que les sanctions économiques imposées ont produit des effets néfastes et que les exacerber pourraient provoquer le chaos social.
Le programme du PSUV : faux discours socialiste pour stabiliser le capitalisme
Quelques heures avant l’annonce des résultats du CNE, Falcón et Bertucci ont refusé de reconnaître le résultat et ont déjà appelé, en tant que MUD, à augmenter les sanctions internationales et la pression dans la rue dans le cadre d’une nouvelle offensive. Ni la droite la plus extrême ni celle « conciliante » ne semblent vouloir accepter les résultats du 20 mai. Du moins pour le moment.
Pour sa part, Nicolás Maduro, dans son discours lors de la soirée électorale, réaffirmait les actions politiques de la campagne, manifestant pour laisser derrière lui l’image et les idées de Chávez, en maintenant l’appel permanent à une large réconciliation de tous les secteurs et surtout les chefs d’entreprise et la droite. Il a également continué à jurer de mettre fin à la guerre économique et a pratiquement appelé le peuple à être patient puisque les résultats ne seront pas visibles immédiatement.
Le gouvernement de Maduro montre de plus en plus clairement qu’il cherche la stabilisation d’un modèle capitaliste basé sur un secteur étatique fort contrôlé par la bureaucratie elle-même (et en particulier par les hauts gradés de l’armée, dont le poids dans le gouvernement et la prise de décision n’a fait qu’augmenter). Parallèlement, il tente de consolider un régime politique qui, face à l’érosion croissante de son soutien populaire, recourt de plus en plus à des mesures bonapartistes, y compris la persécution et l’attaque contre les factions critiques du chavisme, dont la gauche révolutionnaire.
Les résultats du gouvernement sont pour l’instant maintenus par des actions clientélistes manipulatrices (bonus d’aide, CLAP – sacs de nourriture vendus par l’Etat à des prix plus bas, etc.) et l’utilisation de produits importés, avec lesquels ils ont l’intention de maintenir une base sociale de soutien. Mais ces politiques clientélistes et bureaucratiques ne suffisent pas à contenir le désastre économique ni l’augmentation de la déception et du mécontentement parmi les masses.
Un autre facteur qui a aidé le gouvernement est l’absence d’alternative de masse de gauche clairement différenciée de la bureaucratie du PSUV et munie d’un programme, d’un discours et d’une action clairement anti-bureaucratique et anticapitaliste. Le malaise vis-à-vis de Maduro et de la bureaucratie du PSUV a été exprimé à travers l’émergence de voix et mouvements critiques au sein du chavisme. Lors des élections à l’ANC et aux municipales, de nombreuses candidatures critiques sont apparues. Certaines de ces factions (comme celles qui ont soutenu l’ancien ministre du Commerce et de l’Alimentation et candidat alternatif au PSUV pour le bureau du maire de Caracas, Eduardo Samán, ainsi que d’autres) essaient de se regrouper et s’expriment à travers des figures telles que celle de Patria Rebelde et d’autres. Mais l’expérience de l’année dernière montre qu’il est nécessaire de dénoncer de manière déterminée les politiques de la bureaucratie et aussi d’énoncer clairement la nécessité de construire une alternative révolutionnaire basée sur les secteurs les plus combatifs et conscients de la classe ouvrière et de la jeunesse, sous contrôle et direction des travailleurs eux-mêmes et doté d’un plan d’action qui permette de toucher l’ensemble du peuple.
L’extrême droite et l’impérialisme n’arrêteront pas l’offensive
La droite cherche à rééditer la mobilisation de sa base à travers l’organisation du soi-disant « Front large ». Ils attaquent dans certaines régions et font appel à la « société civile » comme force motrice des manifestations, diminuant le rôle joué par les partis politiques discrédités de la MUD et ajoutant toutes sortes de forces. Nous avons même vu l’appel lancé aux candidats perdants. Ce ne sera pas facile mais il ne sera pas non plus impossible pour l’opposition de retrouver sa capacité à mobiliser dans la rue. La politique néfaste du gouvernement crée des conditions en faveur d’une telle possibilité.
Le « Front large » est en train de mener un processus d’auto-réflexion en développant des congrès nationaux dans les secteurs de la jeunesse, des femmes et des travailleurs. Tout cela combiné avec l’activisme social pour que l’organisation s’identifie à la société. La vérité est qu’ils sont exhortés à répondre et à présenter une proposition qui sert à déguiser leurs véritables objectifs, à convaincre leurs bases sociales, et qui leur permette d’atteindre même les secteurs mécontents qui les regardent aujourd’hui avec le mépris.
Il est évident que les actions du « Front large » seront combinées avec une intervention étrangère qui se poursuivra par d’autres moyens, comme l’ignorance des élections en fut une illustration. Bien sûr, les agressions économiques, les pressions politiques et les attaques médiatiques vont croître. Il n’y aura pas de paix avec la misère. Nous pouvons voir cela dans les pressions et les actions que les multinationales ont entamées contre les ressources énergétiques et minières du pays ces dernières semaines. La compagnie pétrolière américaine ConocoPhillips entreprend la prise d’actifs de PDVSA (la compagnie pétrolière appartenant à l’État vénézuélien, NdT.) dans les Caraïbes. PDVSA est également la cible d’une nouvelle poursuite à New York se chiffrant à plus de 25 millions de dollars faisant suite au défaut présumé de dettes envers l’entrepreneur en énergie canadien SNC-Lavalin. Une autre entreprise canadienne, la minière Rusoro, a également intenté une poursuite devant les tribunaux de Calgary et Houston pour tenter de collecter 1.340 millions de dollars pour l’expropriation de ses mines d’or au Venezuela. Les détenteurs de la dette se sont également ajoutés aux pressions. Le gouvernement garde un profond silence, il semble négocier.
L’objectif est l’étouffement économique de l’État vénézuélien, qui affectera sans aucun doute la population, exacerbera les difficultés du gouvernement à obtenir des devises étrangères, générant plus de crises pour l’achat et l’importation de produits, de nourriture, de médicaments, les pièces de rechange pour soutenir les entreprises publiques, les services et les besoins de la population.
Pour la construction d’Izquierda Revolucionaria. Luttons contre les capitalistes et contre la bureaucratie : tout pouvoir politique et économique doit passer entre les mains des travailleurs et du peuple !
La classe ouvrière et le peuple vénézuélien subissent la pire agression capitaliste et bureaucratique qu’ils aient jamais connue. Le gouvernement est déjà incapable de contrôler le coût élevé de la nourriture, la pénurie, ou de garantir la livraison des sacs CLAP, des faillites bancaires dues à l’absence de tickets, ou des cas comme ce qui s’est passé à la Banque du Venezuela (appartenant à l’Etat), qui a gardé les employés de l’administration publique en gelant et paralysant leurs salaires. La banque électronique perd même son efficacité puisque l’internet et les lignes téléphoniques présentent constamment des pannes, soi-disant dues à des « vols de câbles ». A cela s’ajoutent les défauts du système électrique. Les travailleurs de CANTV (une des premières entreprises de service téléphonique au Venezuela, NdT.) et de Corpoelec (société vénézuélienne complètement intégrée au pouvoir d’État, NdT.) signalent tous deux des problèmes de maintien et de démissions du personnel, des pertes de transport dues à la détérioration et à d’autres calamités infinies qui nous font penser que nous avons fait un pas de 60 ans en arrière. Cet effondrement économique s’étend à la compagnie PDVSA elle-même qui, malgré l’augmentation des prix du pétrole, a de plus en plus de mal à augmenter sa production en raison de la détérioration des machines et des installations résultant du désinvestissement, du vol et de la mise à sac par la bureaucratie elle-même.
La situation est grave et l’augmentation des manifestations peut mener à une révolte populaire qui, si elle se déroulait sans une direction révolutionnaire consciente, pourrait faire tomber le pouvoir entre les mains de l’extrême-droite ou des officiers de l’armée qui, même s’ils utilisaient de prime abord un discours bolivarien, ne feraient qu’accélérer et intensifier ces tendances capitalistes, répressives et bureaucratiques qui ont déjà cours.
La tâche la plus importante et immédiate pour tous les révolutionnaires, ouvriers et militants populaires et activistes sociaux est de construire une alternative qui unifie les secteurs les plus à gauche de la jeunesse et de la classe ouvrière, du chavisme critique et de la gauche, pour débattre d’un programme et d’un plan d’urgence. Ce plan doit défendre les intérêts et les revendications de la classe ouvrière à la fois contre la politique capitaliste de la droite liée à l’impérialisme américain et contre la bureaucratie qui tente de consolider un modèle bonapartiste et capitaliste entre les régimes capitalistes et impérialistes à l’instar de la Chine et la Russie.
En travaillant au sein d’Izquierda Revolucionaria, nous estimons que nous devons nous battre pour réaliser la passation de l’entièreté du pouvoir politique et économique entre les mains des travailleurs et du peuple afin de mettre fin à cette crise, dans le cadre d’une proposition de programme comme suit :
1. Gestion directe par les travailleurs eux-mêmes de la production dans toutes les entreprises publiques et privées, afin de lutter pour parvenir au gel des prix, à la souveraineté alimentaire, et pour satisfaire tous les besoins du peuple contre le sabotage des capitalistes et la corruption de la bureaucratie ;
2. Augmentation des salaires au-dessus de l’inflation. Discussion et application des conventions collectives. Incorporation de tous les salariés externalisés à la masse salariale fixe, en commençant par exemple dans les institutions de l’Etat (enseignants, employés, travailleurs, etc.). Réintégration immédiate de tous les militants ouvriers révolutionnaires licenciés par les employeurs et les bureaucrates. L’assurance chômage pour les chômeurs ;
3. Confiscation et nationalisation des entreprises fermées et sous-utilisées, de domaines vacants, avec convocation de travailleurs, de paysans et d’étudiants pour leur prise et occupation immédiates, développant l’autogestion libre et démocratique de toutes les entreprises qui sabotent l’économie ou attaquent les travailleurs ainsi que le processus révolutionnaire ;
4. Création d’une entreprise publique nationale qui assume le monopole du commerce extérieur (achat direct de matières premières et besoins des entreprises). Administration sous le contrôle des travailleurs, des agriculteurs, des étudiants et des communautés pour lutter contre la spéculation, l’inflation, la corruption et garantir la pleine souveraineté alimentaire ;
5. Nationalisation sous le contrôle immédiat des travailleurs de la banque, de la terre et de l’industrie pour planifier démocratiquement l’ensemble de l’économie au profit du peuple pauvre et pour satisfaire les besoins sociaux ;
6. Création d’un système national de santé publique, universel et gratuit, garantissant des soins de qualité. Confiscation des cliniques privées, pour les mettre sous le contrôle des ouvriers, des étudiants et des communes organisées pour assurer le service à tous les travailleurs vénézuéliens et les pauvres sans aucune distinction ;
7. Création d’une Société Nationale pour la Construction d’Infrastructures, de Logements, d’Universités, etc., dirigée sous le contrôle des ouvriers, des étudiants et des communes, qui entreprenne un plan annuel de création de 500.000 logements qui permette de terminer en trois ans le déficit de logements ainsi que toutes les villes universitaires.
8. Plus de paiements de la dette extérieure ! Les impérialistes nous imposent, à travers leurs grandes banques et organisations financières, des sanctions qui soumettent le peuple à payer de sa misère leur accumulation de richesse ;
9. Création d’un État socialiste dirigé par les conseils ouvriers, les conseils paysans, les conseils étudiants, la structure locale, régionale et nationale avec des porte-parole à chaque niveau de la structure d’éligibilité et leur révocabilité à tout moment par des assemblées de travailleurs ou la communauté de leur secteur, qui doivent répondre aux populations de leur gestion administrative tous les six mois, et qui auront un salaire au plus égal à celui d’un ouvrier qualifié, pour en finir une fois pour toutes avec une bureaucratie corrompue.
Pour la construction d’une alternative authentique pour les travailleurs et le peuple qui se battent pour ce programme ! Rejoignez Izquierda Revolucionaria, section du Comité pour une Internationale des Travailleurs (CIO/CWI) au Venezuela !
Ni bureaucratie, ni bourgeoisie !
Tout le pouvoir à la classe ouvrière !
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Brésil : La conseillère du PSOL Marielle Franco assassinée à Rio de Janeiro

Le 14 mars, Marielle Franco, membre chevronnée du PSOL (Parti du Socialisme et de la Liberté) à Rio de Janeiro, a été exécutée de façon barbare en plein centre-ville. Anderson Pedro Gomes, le conducteur de la voiture, fut aussi tué dans l’attaque.
L’enquête policière a relevé la présence de neuf coups de feu dans la vitre arrière de la voiture, démontrant que les meurtriers visaient Marielle, et savaient précisément où elle se trouvait dans la voiture malgré les vitres teintées.
Marielle avait 39 ans et une fille de 18 ans. Femme noire et bisexuelle, elle vivait dans la Favela de Maré, à Rio, où elle travaillait à la défense des femmes noires et des droits humains. Elle était une militante de longue date pour toutes causes justes dans l’intérêt des pauvres de la ville.
En 2016, elle a été la cinquième candidate à recueillir le plus de votes pour accéder au conseil de Rio en tant que candidate du PSOL. En tant que conseillère, elle a joué un rôle de premier plan dans la lutte contre la violence policière barbare dans les favelas de Rio contre les populations pauvres et noires.
Au Brésil, un jeune noir est assassiné toutes les 21 minutes. Sur 100 personnes assassinées au Brésil, 71 sont noires. Les meurtres de femmes noires ont augmenté de 22% entre 2005 et 2015, alors que les décès de personnes non-noires ont diminué de 7,4% au cours de la même période.
Au début de février, le gouvernement Temer a décrété une intervention fédérale dans l’État de Rio de Janeiro dans des questions relatives à la sécurité publique. Il a alors mis un général de l’armée en charge de la sécurité et a promu l’intervention militaire dans les favelas et les communautés.
Cela a conduit aux mêmes pratiques répressives et abusives que les troupes brésiliennes ont exécutées en Haïti dans le cadre d’une mission des Nations Unies, cette fois mises en œuvre contre les habitants pauvres des favelas de Rio.
Marielle Franco était une cheffe de file de l’opposition à cette intervention. Deux semaines auparavant, elle était nommée à la tête de la commission mise en place par le conseil pour superviser l’intervention.
Trois jours avant son assassinat, Marielle a dénoncé les actions arbitraires et abusives de la police militaire dans la favela Acari, dans laquelle des résidents ont été assassinés et tués par le 41e bataillon de la police militaire, connu sous le nom de « bataillon de la mort ».
La corruption, la violence et le racisme de la police militaire de Rio et leurs liens avec les groupes d’extermination sont évidents. Il ne fait aucun doute que le meurtre de Marielle est lié à sa lutte contre cette situation.
Au cours des dernières années, principalement après le coup d’Etat parlementaire qui a porté Michel Temer au pouvoir, le Brésil a vu une augmentation qualitative de la répression étatique et extra-institutionnelle contre les mouvements sociaux.
Cette répression et la criminalisation des mouvements sociaux et de leurs dirigeants peuvent compter sur de nouvelles mesures institutionnelles introduites par le PT (Partido dos Trabalhadores, Parti des Travailleurs) au gouvernement, principalement pendant la Coupe du monde et les Jeux olympiques.
Nous avons vu des militants et des leaders systématiquement menacés, attaqués et tués. Deux jours avant l’assassinat de Marielle, un dirigeant du peuple amazonien, Paulo Sérgio Almeida Nascimento, 47 ans, a été assassiné suite à quatre balles reçues alors qu’il se trouvait devant sa maison à Barcarena (État de Para). Paulo menait une lutte contre la compagnie minière norvégienne, Hydro, qui voulait construire un bassin dans cette région malgré l’impact dramatique de celui-ci sur l’environnement et la vie de la population locale.
À la suite de la crise ainsi que des attaques contre les travailleurs et les pauvres, la résistance s’est manifestée à tous les niveaux, même si celle-ci n’a pas encore la coordination et la stratégie nécessaires pour décrocher la victoire. Il est fondamental que nous unissions les luttes pour la défense de nos vies et de nos droits. Il est crucial de construire une gauche, une alternative socialiste pour la classe ouvrière et toutes les personnes opprimées et exploitées.
Pour Marielle Franco, pour Paolo Sergio, et pour tous les noirs, les peuples indigènes, les syndicalistes et les activistes des mouvements sociaux, notre lutte doit continuer avec encore plus de force, d’unité et d’organisation.
LSR (section brésilienne du Comité pour une internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge) prend part à cette lutte. Nous ne garderons pas le silence et nous ne les laisserons nous empêcher de combattre pour nos vies.
Marielle presente! Hoje e sempre!
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Bruxelles. Rencontre avec Tomas Hirsch, député du Frente Amplio au Chili

Le Frente Amplio a réalisé une percée aux dernières élections de novembre au Chili en récoltant 20% des voix au premier tour de la présidentielle. Il dispose aujourd’hui de 20 parlementaires à l’Assemblée. Il s’agit d’une nouvelle experience de formation de gauche large et inclusive que l’on peut comparer aux succès remportés précédemment par les campagnes de Mélenchon en France et de Corbyn au Royaume Uni.
Le Frente Amplio offre une expression politique au mouvement étudiant chilien et à la lutte gigantesque contre la privatisation des fonds de pension des travailleurs. Socialismo Révolucionario (section chilienne du Comité pour une Internationale Ouvrière et organisation-soeur du PSL) et le Parti Humaniste participent au développement de cette nouvelle formation de gauche. Nous publions ci-dessous l’invitation pour une rencontre avec Thomas Hirsch membre du Parti Humaniste et député du Frente Amplio.
” Les citoyens attendent de nous une autre façon de faire de la politique, face au peuple et dos au parlement ” “Nous serons les deux pieds dans la rue”
Le Parti Humaniste a le plaisir de vous inviter ce :
Vendredi 02 février 2018 à 19h30
au Pianofabriek – Rue du Fort, 35 – 1060 Bruxelles
Salle Bujumbura au 1er étage
Pour une rencontre avec Tomas Hirsch
Député au Chili pour le FRENTE AMPLIO
Membre du Parti HumanisteUn échange sur l’expérience des campagnes électorales du Frente Amplio et sur les perspectives et actions pour le futur.
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Venezuela: il faut un vrai programme socialiste pour stopper la contre révolution
Depuis la mort de Hugo Chavez en 2013, la révolution vénézuélienne vit ses pires moments de recul social : une inflation autour de 700 % (voire 3000 % pour les produits alimentaires), une claire érosion de nombreuses réformes et conquêtes sociales gagnées dans les années précédentes, ainsi que le licenciement de milliers de travailleurs. Depuis 2012, la valeur des exportations s’est réduite de façon spectaculaire, en raison de la chute des prix du pétrole. La pauvreté, qui s’était fortement réduite sous Chavez, est en train de croître de manière exponentielle, menant à un accroissement de violences urbaines, à l’insécurité…Par Diana et Pedro, Gacuhe Révolutionnaire (CIO-France)
La droite vénézuélienne (unie au sein de la MUD – Mesa de la Unidad « Democratica »), utilise cette situation de manière opportuniste et hypocrite. Les parasites bourgeois de la MUD ne peuvent offrir aucune alternative aux travailleurs et à la population, leur programme représente le même cauchemar que Temer au Brésil et Macri en Argentine.
Politique antisociale du régime
Pourtant, la victoire de la droite contre-révolutionnaire au Venezuela est aujourd’hui une réelle possibilité. La raison fondamentale est que le gouvernement Maduro n’applique pas de mesures socialistes, mais fait plutôt tout le contraire. Une partie de la politique du PSUV (parti au pouvoir) consiste à chercher des accords avec des secteurs de la bourgeoisie et les convaincre de sa capacité à bien gérer le capitalisme. Il fait une concession après l’autre aux capitalistes nationaux comme internationaux et met en place une austérité dure contre la base sociale qui a soutenu le processus révolutionnaire pendant des années. Le gouvernement de Maduro a donc priorisé le paiement de la dette publique, même si cela signifiait la réduction des importations de nourriture. Elles ont diminué de 76 %. Le revenu par habitant a baissé de 34 %.
Les entreprises mixtes public-privé existent, les privatisations s’accélèrent, et les bureaucrates des ministères agissent selon les désirs du patronat, provoquant une sérieuse vulnérabilité dans la classe ouvrière. Encore début septembre, l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) a annoncé des mesures d’approfondissement de l’économie mixte, en espérant attirer des capitalistes mais sous tutelle de la bureaucratie d’État. En même temps, en espérant garder un soutien social et maintenir la paix, l’ANC a aussi annoncé des augmentations de salaire et la constitution de conseils locaux pour le contrôle de la production et de la distribution.
Un programme pour dégager la bureaucratie
Pour empêcher l’étranglement de l’économie, il faut prendre des mesures socialistes comme la nationalisation de la banque et des grandes entreprises – qui continuent de faire des bénéfices spectaculaires dus à la spéculation – et décréter un monopole d’État sur les exportations et importations. Mais pour que cela marche, il faut le contrôle et la gestion directe et démocratique des travailleurs, pas de bureaucrates et d’entrepreneurs comme aujourd’hui.
Aux élections du 30 juillet pour l’ANC, des centaines de milliers de militants de gauche (principalement chavistes) se sont mobilisés contre la droite mais en exprimant en même temps des critiques envers gouvernement et la bureaucratie. Pendant la campagne, 54 000 pré-candidats se sont présentés comme alternative à ceux proposés par la direction du PSUV. Même si quelques uns ont réussi à se présenter, la plupart ont été exclus par des magouilles.
Les méthodes inacceptables de la bureaucratie, comme les menaces contre les travailleurs pour s’assurer leur vote, favorisent la droite. La seule façon d’éviter que celle-ci reprenne l’offensive c’est l’unité des courants de gauche, y compris chavistes, autour d’un programme socialiste anti-bureaucratique, pour mobiliser massivement les travailleurs et le peuple, pour en finir avec les capitalistes et la bureaucratie, mais aussi avec la pauvreté, les inégalités et la corruption. Cela renouvellerait la confiance des opprimés au Venezuela tout comme la solidarité internationale avec leur révolution face à l’impérialisme et la droite.
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Crise politique au Brésil : quelle issue pour les travailleurs ?
Entretien avec André Ferrari – membre du P-Sol (Parti socialisme et liberté, parti de gauche large et militant au Brésil) et du comité exécutif de Liberdade, Socialismo et Revolução (LSR), organisation sœur du PSL au Brésil.Par Mariana Campos, Gauche Révolutionnaire (section française du Comité pour une Internationale Ouvrière)
Cet entretien a été réalisé il y a quelques semaines. De nombreux faits se sont déroulés depuis. Le gouvernement Temer est très fragile et peut tomber dans quelques jours. Les manifestations gagnent en ampleur. La répression nous rappelle les conditions de l’AI5 (Acte Institutionnel n°5, qui suspendait complètement la Constitution) en pleine dictature militaire. Une nouvelle grève générale est en route. Cet entretien peut aider à mieux comprendre la crise politique actuellement en cours au Brésil.
Quel est la différence entre le gouvernement Dilma et Temer ?
Tout d’abord, il faut se rappeler que Temer était vice-président sous Dilma Rousself. Cette crise c’est le résultat de la politique du PT qui visait la conciliation des classes.
Après une croissance basée sur la consommation et la facilité de crédits pour les travailleurs, le système entre en crise en 2013 et la bourgeoisie exige des représentants politiques de faire des mesures structurelles d’austérité. Ils organisent un agenda des attaques contre les travailleurs, comme les reformes du code du travail et de la retraite commencées par le gouvernement de PT de Dilma mais qui a des difficultés politique pour appliquer ces mesures.
La réélection de Dilma a été basée sur un programmes progressiste et critiquant les mesures néolibérales du candidat Aécio Neves. Cependant, le lendemain de sa réélection, elle adopte des mesures néolibérales comme l’ajustement fiscal. Ainsi, elle jongle entre les intérêts de la classe dirigeante et les mesures progressistes socialement.
Malgré quelques pas progressifs vers la population plus pauvre, l’électricité, bolsa familia (bourse alimentation pour les plus pauvres), accès à l’université privée aux enfants de travailleurs, le Pt n’a jamais rompu avec le néolibéralisme. Il n’y a jamais eu de nationalisation ou étatisation. Au contraire, il y a eu la précarisation des services publics suivis des privatisations. La politique de conciliation a fait qu’elle perdît le soutien d’une grande partie de la population, et aussi des élites. Les bases sociales qui ont supporté ce gouvernement ne sont plus là.
La chute de Dilma permet que Temer entre dans le gouvernement avec une politique d’attaques qualitativement supérieures contre les travailleurs : les ajustements fiscaux, et de nouvelles reformes de la retraite et du code de travail, le gel des dettes externes et publiques, c’est-à-dire 20 ans sans investissement dans le secteur public. Il ne s’inquiète pas d’avoir un visage social, au contraire, il détruit chaque mesure progressiste du gouvernement Pt.
(La réforme du code du travail assure la précarisation des travailleurs par l’externalisation en contrats type CDD et la fin de droits, comme celui de la maternité, congés payés, indemnisation des chômeurs. La réforme de la retraite ne fait plus de différence entre les contributions des hommes et des femmes. Cette réforme exige 49 ans de cotisations et l’âge minimum de 65 pour avoir la retraite. C’est-à-dire, pour avoir accès à la retraite, il faudra commencer à travailler à l’âge de 16 ans en CDI, sans jamais avoir été en chômage. Aujourd’hui, même avec le système de retraite actuel, les travailleurs n’arrivent pas à vivre de leur retraite et sont obligés de continuer à travailler. A peine 1 travailleur sur 4 a accès à sa retraite.)
Une grande partie des travailleurs n’a pas participé au processus de destitution de Dilma, ni ne l’a empêché, car ils étaient insatisfaits avec ce gouvernement, et se sont éloignés du PT.
Cependant, les attaques en cours par le gouvernement Temer ont fait que le Pt arrive encore à convaincre une certaine partie de la population avec l’argument de la politique du moins pire. Si Lula ne va pas en prison à cause d’accusations de corruption, il pourra être candidat et se présenter comme une alternative aux élections présidentielles en 2018.
La droite et l’extrême droite :
La droite et l’extrême droite essayent de faire un amalgame entre les manifestations en cours contre les reformes et le soutien vers PT qui a pour objectif de récupérer le gouvernement.
Il y a 71% d’insatisfaction sociale, Au niveau politique, la droite est en crise et n’a aucun candidat à présenter dans les élections présidentielles l’année prochaine. La bourgeoise cherche une alternative en dehors des partis classiques, elle veut présenter des candidats dits « apolitiques – technocrates ».
Une partie minoritaire de l’extrême droite réactionnaire de São Paulo demande l’intervention militaire et montrent Bolsonario (membre du Parti social-chrétien et pro dictature militaire) comme alternative au système. Une autre partie de cette même droite est néanmoins en faveur d’une éducation et d’une santé publique.
La discussion est ouverte et la gauche doit s’approprier les discussions sur la corruption des politiciens. Car sinon, ces secteurs réactionnaires peuvent propager leurs idées, même si aujourd’hui, elles n’ont pas le rapport de force pour cela.
La gauche non luliste regarde le Psol :
Le Psol arrive à dialoguer avec les couches les plus dynamiques. Le parti gagne en adhésion et solidarité parmi la population. Marcelo Freixo candidat du P-Solà la mairie de Rio de Janeiro est arrivée au deuxième tour des élections. Sa candidature a mobilisé une grande partie de la population, des mouvements sociaux, des artistes, des jeunes et des travailleurs précaires. Erundina a São Paulo arrive à réunir les secteurs à gauche et progressistes de la ville.
Mouvement social et syndical : Le mouvement est dispersé, mais dynamique.
Les chaos sociaux, l’inflation et la répression comme jamais vue depuis la dictature militaire favorisent une explosion sociale. Des catégories paralysées depuis 20 ans reprennent les rues, les centrales syndicales comme la CUT et Força Sindical sont obligées de se mobiliser. Une nouvelle génération de jeunes dynamiques occupent les écoles et exigent l’éducation gratuite et de qualité.
L’unité des centrales syndicales est d’actualité, les principaux efforts sont de mobiliser les couches larges pour la politique générale au niveau national.
Le mouvement des sans toit, MTST, se construit comme un nouveau mouvement qui réunit les sans toit et les travailleurs précaires non syndicalisés, à cause de leur contrat temporaire précaire. Ce mouvement gagne en visibilité et joue un rôle clé dans l’organisation de la classe.
La grève générale a obtenu la participation active et passive de millions des brésiliens. Les métallurgiste du ABC (la zone industrielle près en banlieue de Sao Paulo) ont adhère à 90% la grève.
Le 24 mai, malgré les énormes difficultés pour accéder à la capitale, la manifestation à Brasilia a réuni cent cinquante mille personnes.
Une répression féroce
Le gouvernement s’est attaqué aux droits humains et à la démocratie dans le pays. Les mesures de répression rappellent les conditions pré 1964 (le début de la dictature militaire). Le 24 mai, Temer a convoqué l’armée pour réprimer les manifestants. La cavalerie utilisée en AI5, en pleine dictature militaire, est à nouveau dans la rue. Trois heures de massacres : des tire à balles réelles contre les manifestants, bombes à gaz jette par des hélicoptères, emprisonnements arbitraires.
Du côté de l’extrême droite, si l’élite est en crise, il existe un mouvement d’extrême droite organisé qui réprime les luttes et a le soutien du gouvernement.
Le mouvement MPL par exemple est allé jeter des bombes dans les écoles occupées par les mouvement social en faveur de l’éducation publique.
Malgré les attaques hebdomadaires contre les travailleurs et le silence des médias traditionnels, les mouvements sociaux et les travailleurs sont mobilisés avec de nouvelles dynamiques. De nouvelles manifestations, des concerts, des actions d’artistes seront organisés à Rio en faveur d’élections directes. La prochaine grève générale est en cours.
Les médias en France affirment que le Brésil a souffert d’un coup médiatique, quelle est votre avis ?
Nous n’avons jamais eu un moyen de communication démocratique. Le coup médiatique pour nous n’est pas une nouvelle. Les entreprise privé ont le monopole des informations et représentent les intérêts du capital. Globo est le fruit mûre de la dictature militaire, elle agit comme un parti de droite. Le PT aura pu en finir, mais il n’a rien fait pour changer la situation. Quand la Globo n’a plus eu besoin du PT, elle a organise sa chute. Et pourtant, ce n’est pas si difficile d’en finir, il faut juste que le gouvernement ne renouvelle pas les concessions de l’état pour diffuser les informations, il faut juste passer ces concession aux communautés sociales.
Le 25 janvier de 1984, par exemple, il y a eu uen grande manifestation pour les élections directes, contre la dictature, il avait deux cent cinquante mille personnes dans les rue de São Paulo. Globo a diffusé que ces manifestants étaient dans la rue pour commémorer l’anniversaire de la ville de São Paulo, une grande fête !
En 2013, cette chaîne a beaucoup parlé du mouvement pour la réduction du prix des transports mais a essayé de le diviser.
Même avec le soutien des médias, ce gouvernement est fragile et Temer ne pourra plus supporter les pressions populaires. La grève générale de 48 h est le prochain pas. Pour les élections directes et générales ! Contre les réformes ! Notre avenir est dans nos mains. Dégageons Temer et sa bande.
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Venezuela. L’assemblée constituante et les tâches des révolutionnaires.
Le 1 mai, le président Nicolas Maduro a annoncé la convocation d’une assemblée constituante, « pour atteindre la paix nécessaire à la république (…) pour défaire le coup d’état fasciste (…) afin que ce soit le peuple, avec sa souveraineté, qui impose la paix, l’harmonie et un réel dialogue national. »Par Izquierda Revolucionaria et Socialismo Revolucionario (CIO-Venezuela)
Cette déclaration arrive dans le contexte d’une très grave crise économique et sociale, avec une inflation autour de 700% (voire 3000% dans le cas des produits alimentaires) et une claire érosion de nombreuses réformes et conquêtes sociales gagnées dans les années précédentes, ainsi que le licenciement de milliers de travailleurs. La pauvreté, qui s’était fortement réduite sous Chavez, est en train de croître de manière spectaculaire, menant à un accroissement de violences urbaines, à l’insécurité, à la marginalisation, etc.
La droite Vénézuélienne (unie au sein de la MUD – Mesa de la Unidad « Democratica »), utilise cette situation de manière opportuniste et hypocrite, essayant de capitaliser sur celle-ci. Ces parasites bourgeois de la MUD ne peuvent offrir aucune alternative aux travailleurs et à la population, leur programme représente le même cauchemar que Temer au Brésil et Macri en Argentine.
Pourtant, le triomphe de la droite contre-révolutionnaire au Venezuela est aujourd’hui une réelle possibilité. La raison fondamentale pour cela est que le gouvernement Maduro n’applique pas de mesures socialistes, mais fait plutôt tout le contraire. Il fait une concession après l’autre aux capitalistes nationaux comme internationaux et met en place une austérité dure contre la propre base sociale qui a soutenu le processus révolutionnaire pendant des années.
La classe des travailleurs et des pauvres a fait tout ce qui était en son pouvoir pour faire une révolution socialiste basée sur une démocratie des travailleurs et défaire les contre-révolutionnaires. Mais le gouvernement – même s’il continue de parler de socialisme et de révolution – applique des politiques capitalistes qui ne servent qu’à démoraliser et démobiliser les masses.
La stratégie de la contre-révolution et les contradictions de l’état.
La bourgeoisie internationale et la MUD ont réagi à la convocation de l’assemblée constituante avec des cris d’horreurs. Avec leur cynisme habituel, les mêmes personnes qui ont organisé le coup d’état en 2002, emprisonné Chavez (démocratiquement élu par la population), dissous le parlement et suspendu la constitution (ratifiée par 87% de la population lors d’un référendum), parlent maintenant de « coup d’état » et de « dictature », pleurant des larmes de crocodile à propos de « la menace sur les libertés » au Venezuela.
La virulence de la MUD et des impérialistes dans leur rejet de l’assemblée constituante n’est pas innocent. Leur objectif est de faire tomber Maduro aussi vite que possible, arriver dans le palais présidentiel et appliquer des plans de privatisations sauvage et des attaques sur les travailleurs et les pauvres en démantelant toutes les mesures progressistes appliquée sous Chavez. Se conformant aux demandes de leurs suzerains, le FMI et les multinationales impérialistes.
Le parlement actuel (assemblée nationale), élue en décembre 2015 et dominée par la MUD est un des principaux instruments pour exécuter leurs plans. Accepter l’assemblée constituante signifie renoncer à cet instrument fondamental. Cela pourrait donner du temps et de l’espace au gouvernement Maduro pour manœuvrer, et cela pourrait aussi avoir comme conséquence de démoraliser la base sociale de la droite contre-révolutionnaire, comme cela s’était déjà produit avec la tactique qu’elle avait adoptée sous pression de la maison blanche après octobre 2016. L’impérialisme, après l’échec de la grève générale de 12h appelée par la MUD, avait alors conclu que la MUD manquait de la force nécessaire pour prendre d’assaut le palais présidentiel avec succès. Par conséquent, leurs leaders ont été forcé de reporter leurs plans et de tenter des négociations avec le gouvernement. Le résultat a été la démoralisation d’une partie des sympathisants de la MUD durant plusieurs mois.
La décision du tribunal suprême de justice (TSJ), le 30 mars passé, d’assumer les fonctions de l’assemblée nationale a provoqué un nouveau virage dans la situation. Cette mesure a ouvert des divisions au sein du gouvernement et au sommet de l’état, ce qui a conduit Maduro à rectifier les déclarations du TSJ. La droite, encouragée par ces divisions, s’est jetée à nouveau dans les rues et a organisé de nombreuses manifestations, particulièrement au début. Cependant, pour le moment, elle fait toujours face au même problème que 8 mois plus tôt. Malgré le déclin économique, et malgré le mécontentement grandissant à propos de beaucoup des mesures économiques et politiques que le gouvernement a passée durant l’année et qui ont miné son soutien, les dirigeant de la MUD ne sont toujours pas capable de construire une véritable connexion avec les masses (particulièrement avec les plus pauvres). Son origine sociale, les intérêts de classe de la MUD et ses liens étroit avec les capitalistes et les impérialistes lui rend la tâche difficile, jusqu’à présent, de construire un niveau de pression suffisant dans les rue pour entraîner une rupture complète au sein de la direction de l’état et de l’armée.
Les appels lancés par la MUD à mener des arrêts de travail ces derniers jours n’ont pas reçu de soutien, dans aucun des secteurs significatifs de la classe des travailleurs. D’ailleurs, l’attitude du patronat n’était, elle non plus, pas très enthousiaste. Beaucoup de patrons sont sceptique sur le fait que des arrêts de travail puissent réellement forcer un changement de gouvernement. Ils ont également peur que la participation à ces arrêts de travail puisse mettre en danger l’assistance et les dollars qu’ils reçoivent du gouvernement, en particulier depuis qu’il n’applique actuellement plus de mesures contre eux.
Beaucoup des mesures de Chavez que le patronat a attaquée – comme les expropriations, les appels au contrôle ouvrier et à la mobilisation – ont été abandonnée par le gouvernement et une part significative des mesures demandées par le patronat depuis des années commencent à être implémentée par Maduro. Ceci inclus l’augmentation des prix, la flexibilité des contrôles, des limites à la participation des travailleurs, un frein aux attentes des secteurs de la gauche qui veulent créer un syndicat révolutionnaire et lutter pour le contrôle ouvrier, le paiement régulier de la dette publique, et l’alliance avec le patronat national et étranger pour lancer des « entreprises mixtes » et des « zones économiques spéciales », etc.
Avec leurs possibilités limitées d’augmenter le niveau de manifestation de rue, ou de réussir à organiser des arrêts de travail, la majorité des dirigeants de la MUD et certains secteurs de l’impérialisme se sont lancé ces dernières semaines dans une tactique de renforcement des actions musclée des bandes fascistes, avec une presse internationale les présentant comme des jeunes indignés défendant la démocratie. Ces bandes organisent des attaques sur les bâtiments publics et des affrontements armés avec la garde nationale et ont jusqu’à présent déjà causé 45 morts. Ils veulent susciter l’idée dans l’opinion publique qu’il existe une situation de confrontation civile au Venezuela qui requiert une intervention forte de la part d’organismes impérialistes internationaux (comme l’ONU, l’OEA, etc.). Ils espèrent qu’une pression et des sanctions diplomatiques puissent provoquer un changement dans la relation de force interne au haut commandement militaire, ce à quoi ils ne sont toujours pas parvenus jusqu’à maintenant.
Pour l’instant, le soutien des dirigeants militaires en faveur de la constitution d’une assemblée constituante semble unanime, du moins si l’on se base sur leurs déclarations publiques. L’une des premières déclarations de soutien et la plus explicite fut celle du ministre de la défense et chef des armée, Vladimir Padrino. Cependant, la situation est très volatile et pourrait changer rapidement dans un sens comme dans l’autre, comme nous l’avons vu après la tentative avortée du tribunal suprême de justice d’assumer les fonctions de l’assemblée nationale. Il est clair qu’il existe des divisions et des scissions au sein de l’appareil d’état. Le procureur général, Luisa Ortega Diaz, qui s’était opposée à la décision du tribunal a déclaré que la « constitution de 1999 ne peut pas être améliorée », a critiqué la constitution d’une assemblée constituante et a même justifié les actions de certains secteurs de manifestant de l’opposition, rejetant parfois la responsabilité des violences sur le gouvernement.
Pour le moment, ces divisions au sein de l’appareil d’état n’ont pas empêché le décret convoquant une assemblée constituante d’être signé et publié. Mais il n’est pas exclu qu’a un moment donné, la pression de la MUD et des impérialistes puisse stimuler de nouvelles divisions ou provoque une crise ouverte dans le gouvernement et la direction de l’état.
Si le gouvernement appliquait des politiques véritablement socialistes, permettant à la classe des travailleurs et des pauvres d’être à l’initiative et de prendre le pouvoir dans leurs propres mains, mettant fin à la corruption et au sabotage des capitalistes et de la bureaucratie d’état, il serait assez facile de défaire les plans de la contre-révolution et de sauver la révolution bolivarienne de la défaite et de la dégénérescence bureaucratique. Mais malheureusement, les politiques appliquées jusqu’à présent vont dans le sens opposé.
Combattre la contre-révolution avec des mesures socialistes, pas capitalistes.
A la suite de la défaite électorale de décembre 2015, des milliers de militants chaviste, travailleurs et/ou issus des milieux populaire ont demandé, à travers des assemblées spontanées, un tournant vers la gauche et le développement du pouvoir ouvrier et populaire. Non seulement pour combattre l’assemblée nationale dirigée par la MUD, mais aussi pour mettre fin à la cinquième colonne bureaucratique qui parle de chavisme, socialisme et révolution mais démantèle les acquis de la révolution.
Le gouvernement a formé un “parlement communal” et un “congrès de la patrie”. Les deux ont été présenté comme des initiatives pour stimuler le pouvoir et la participation des militants de base. Le contraire s’est produit. Le parlement communal a été interrompu et n’a jamais été utilisé pour menacer la droite. Son développement dans le sens que les activistes espéraient et proposait n’a pas été autorisé. En ce qui concerne le « congrès de la patrie », il est devenu un grand rassemblement dans lequel le « pouvoir populaire » et la question de la « direction de la révolution par la classe des travailleurs » ont été abordé sans fin, mais pas une seule mesure concrète n’a été prises pour permettre l’un ou l’autre.
Quand des secteurs critique parmi les militants de base ont essayé de faire entendre leur voix, ou de faire des propositions, ils ont été qualifiés de « radicaux », « d’ultragauches », de « lanceur de pierre » ou pire, d’« escualidos » (les assimilant à la droite). Alors que la rhétorique officielle parle de la « direction des entreprises par la classe des travailleurs », des milliers de travailleurs révolutionnaires sont exclus du RABSA (le réseau d’approvisionnement Bicentenario), l’emploi se réduit dans de nombreuses entreprises publiques et les élections au syndicat SUTISS (représentant SIDOR, la deuxième plus grande entreprise du pays) ont été entravée de peur que les secteurs de gauche, critique vis-à-vis des politiques du gouvernement, puissent gagner. La même chose s’est produite avec les élections syndicale à la Fédération Unie des travailleurs du Pétrole (FUTPV).
Ces mesures s’ajoutent à des politiques économiques comme des hausses de prix et des réductions de salaires, y compris en cassant avec les normes salariales établies par Chavez. Le gouvernement s’est également montré tolérant avec les entreprises qui refusent de reconnaitre les syndicats.
D’autres expressions de ce tournant vers la droite ont été le paiement régulier de la dette aux banquiers tout en réduisant les fonds pour l’importation de nourriture pour les pauvres, l’ouverture de la ceinture pétrolière de l’Orénoque aux entreprises mixtes et la création d’un consortium (COMINPEG) sous le contrôle de l’état-major de l’armée qui a le pouvoir de conclure des accords avec des entreprises privée pour l’exploitation des ressources minérale. L’« acte minier », ouvre également 12% du territoire vénézuélien à l’exploitation des ressources minérale du pays par les multinationales, y compris des entreprises comme Gold Reserve, expulsée du Venezuela par Chavez. Et plus récemment, nous avons assisté à l’ « expo Potencia », où des millions de dollars ont été remis au patronat et où beaucoup de leurs exigences ont été satisfaites.
Cette recherche d’accords avec la bourgeoisie va même jusqu’à la tentative d’obtenir la reconnaissance de l’impérialisme US, ou au moins d’une partie de celui-ci. Récemment, le site d’Aporrea a publié des preuves que la chaîne de station-service CITGO (détenue par la compagnie pétrolière d’état Vénézuélienne PDVSA) a fait un don de 500 000 $ à la campagne électorale de Donald Trump – supposément dans le but d’améliorer le traitement du Venezuela par le nouveau président Américain. A ce jour, les dirigeants gouvernementaux interrogé n’ont pas contesté cette information.
Toutes ces politiques, contraire à ce que les militants révolutionnaires ont espéré, ne sont pas des déviations accidentelles. Dans la pratique, l’objectif de construire le socialisme sous la direction des travailleurs et de la population a été complètement abandonné et remplacé par une tentative de construire un modèle de capitalisme d’état, en association avec l’impérialisme russe et chinois (qui sont présenté comme des amis de la population vénézuélienne) ainsi qu’avec des sections de la classe dominante latino-américaine.
L’assemblée constituante représente-elle un tournant à gauche ?
La convocation d’une Assemblée constituante signifie-elle une modification de ces politiques ? Parmi certaines sections de base du PSUV et du mouvement Bolivarien, même chez une partie de ceux qui ont été critique du gouvernement, il y a un certain espoir que cela pourrait être le cas. D’autres couches d’activistes et de militants révolutionnaires restent très critique sur la mesure, voire déclarent ouvertement qu’ils n’ont aucune confiance dans celle-ci.
Maduro et d’autres dirigeants du PSUV ont parlé d’une assemblée constituante de la classe des travailleurs et du peuple. Maduro déclara qu’il « appelle à une assemblée de citoyens, pas des partis ou des élites, une assemblée de travailleurs, des communes, de paysans, de féministes, de jeunes, d’étudiants, d’indigènes, mais surtout d’une assemblée clairement issue de la classe des travailleurs… ».
Selon des déclarations qui ont suivi, au moins 250 membres de l’assemblée seront élus par secteur et corporation. Ils ont parlé de représentants des missions, des travailleurs, des pensionnés, des conseils communaux, etc. bien que les aspects concrets ne soit toujours pas clair concernant les secteurs et combien de délégué pour chacun. Paradoxalement, certaines critiques provenant de l’extrême droite de la révolution bolivarienne coïncident avec celles des plus fanatiques groupie du gouvernement, qui ont comparé l’assemblée constituante à de la démocratie directe soviétique. Mais, est-ce que cela a vraiment quelque chose à voir avec les soviets – les organes élus et révocable démocratiquement qui ont permis à la classe ouvrière et à la paysannerie de prendre le pouvoir en Russie et de construire un état socialiste révolutionnaire il y a 100 ans ?
Si tel était le cas, il s’agirait évidemment d’un énorme pas en avant. Cependant, malheureusement, la réponse est négative. L’assemblée constituante proposée n’a rien à voir avec des organes de pouvoir populaire en développement. La démocratie ouvrière sous la forme de soviet – c’est-à-dire des conseils d’ouvriers, de paysans et de soldat qui sont établis comme organes révolutionnaires du pouvoir en transition vers le socialisme et forment l’épine dorsale d’un état ouvrier – peux seulement être le produit d’une action forte et indépendante depuis la base de la société, par les travailleurs eux-mêmes. Cela ne peut jamais s’accomplir par des mesures imposées d’en haut, particulièrement par un gouvernement qui en même temps, cherche des accords avec la classe dominante.
Le développement du pouvoir de la classe des travailleurs implique la nécessaire destruction de l’état bourgeois et de ses privilèges, lois et instruments de répression (ministères, mairies, armée et police séparée de et non contrôlée par la population, etc) et son remplacement par le pouvoir de la classe des travailleurs, contrôlant démocratiquement le nouvel état socialiste en transition, à travers des conseils de délégués élus et révocable démocratiquement, sujet au contrôle permanent de ceux qui les ont élus. Aucun représentant élu ou fonctionnaire public ne devrait toucher plus que le salaire d’un travailleur qualifié. Cela doit aller de pair avec l’expropriation des principales sources de productions de richesse (usines, terres et banques) qui peuvent être gérée démocratiquement au sein d’une économie planifiée afin de résoudre les besoins de la population.
La convocation d’une assemblée constituante par le gouvernement n’est pas une mesure socialiste. Elle n’a rien de commun avec les objectifs ci-dessus. Elle n’est pas combinée avec un plan pour mettre les usines, la terre et les banques sous le contrôle et la gestion démocratique directe par les travailleurs et les pauvres. Au contraire, l’objectif de cette nouvelle assemblée constituante et des autres mesures du gouvernement est de renforcer l’appareil d’état, toujours bourgeois, et les accords mentionnés plus haut avec les différents secteurs de la classe capitaliste nationale et internationale. Ceci doit être rejeté par tous ceux qui se battent pour mettre fin au capitalisme et faire du socialisme une réalité.
Dans les 9 objectifs de l’assemblée constituante cité par Maduro, le socialisme n’est même pas mentionné, mais remplacé par la promesse d’un soi-disant « modèle économique post-pétrole ». Il en va de même pour le pouvoir populaire, le contrôle ouvrier et les appel à se mobiliser contre la bureaucratie. Ce qui est mentionné est l’appel à une alliance avec les patrons pour construire un « Venezuela pour tous ». En fait, jusqu’à présent, le gouvernement a eu plus de rencontres avec les représentants patronaux pour discuter la nouvelle proposition, qu’avec n’importe quel autre secteur.
Organiser les travailleurs et les pauvres pour faire une révolution dans la révolution et se débarrasser des capitalistes et des bureaucrates.
Un des arguments des défenseurs de l’assemblée constituante est que, étant donné l’offensive des contre-révolutionnaires et la pression internationale, « rien d’autre ne peut être fait ». Mais est-ce correct ? Non ! Nous pouvons et nous devons faire quelque chose d’autre. Nous pouvons et nous devons faire ce que les militants de base ont demandé depuis longtemps, ce que même Chavez a soutenu peu avant sa mort : donner un coup de barre à gauche et faire une révolution dans la révolution en prenant le pouvoir des mains de ceux qui l’exerce aujourd’hui et entrainent l’économie à la catastrophe, les capitalistes et les bureaucrates, et en le mettant dans les mains de la classe des travailleurs et des pauvres. Une chose que seul les travailleurs et les opprimés peuvent porter. Comment ? En établissant une assemblée révolutionnaire de délégués élus et révocables, dans les entreprises, dans les campagnes et les casernes, et adopter un programme socialiste afin de combattre les capitalistes et la bureaucratie « bolivarienne ». Ils se réclament du socialisme mais partagent des intérêt commerciaux de plusieurs millions de dollars avec les capitalistes, contribuent délibérément à la mise en danger des acquis de la révolution et contrôlent une part considérable de l’appareil d’état.
Si les élections pour l’assemblée constituante prennent place, ce qui semble le plus probable pour le moment, et qu’elles servent uniquement à peindre les dirigeants qui ont agi contre le pouvoir de la classe des travailleurs en « représentant du peuple », alors aucun des problèmes qui ont causé la situation actuelle de démoralisation parmi les masses et d’avancée de la contre-révolution ne seront résolu. Ceux qui utilisent la rhétorique socialiste et l’image de Chavez pour se propulser au pouvoir et accumuler des privilèges alors que la population subit l’inflation et les pénuries, ne peuvent pas continuer à diriger.
Il n’y a qu’un seul moyen d’éviter une victoire de la contre-révolution bourgeoise, représentant les plans de la MUD et de l’impérialisme, ainsi que la dégénérescence bureaucratique dans le gouvernement qui liquide les acquis révolutionnaires et renforce finalement le pouvoir du capitalisme. Les travailleurs et les pauvres, qui ont porté et fait avancer la révolution dans le passé et l’on défendue contre les attaques de l’impérialisme et de la contre-révolution, doivent se mobiliser et s’organiser de manière indépendante afin de lutter pour leurs propres droits et revendications et défendre les conquêtes révolutionnaires aujourd’hui menacée.
Le 1 mai, diverses organisations à la base du chavisme, mais critique des politiques gouvernementale, ont discuté de la formation d’un front unique et appelé les secteurs critiques du PSUV qui sont opposé aux alliances avec la bourgeoisie, à lutter ensemble pour une politique révolutionnaire. C’est le chemin à suivre. Les gens ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour se sauver. Seule une unité de la jeunesse, des paysans, des travailleurs et des soldats révolutionnaires dans le cadre d’une lutte pour un programme anticapitaliste, socialiste, internationaliste et antibureaucratique, afin de mettre tout le pouvoir politique et économique dans les mains de la classe des travailleurs, peut éviter une tragique défaite de la révolution vénézuélienne.
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9e école latino-américaine du Comité pour une internationale Ouvrière
Un grand succès partagé par 200 participants réunis à Sao Paolo
Le Comité pour une Internationale Ouvrière (dont le PSL est la section belge) a organisé une très réussie 9ème école latino-américaine à Sao Paulo du 24 au 29 janvier. Plus de 200 personnes ont participé à une semaine de discussions et de débats portant sur des questions allant de la situation mondiale après l’élection de Trump à celle des différents pays d’Amérique latine en passant par les leçons de la révolution russe de 1917 à l’occasion du centenaire de l’événement. Un meeting public a d’ailleurs eu lieu pour marquer cet anniversaire avec la participation de plus de 250 personnes.
Des camarades du Brésil, du Venezuela, du Chili, de l’Equateur, d’Espagne, des Etats-Unis et de Suède ont participé aux discussions, de même qu’un représentant du Secrétariat international du CIO. Des représentants d’Izquierda Revolucionaria, qui est en processus de fusion avec le CIO, sont aussi venus d’Espagne et du Venezuela.
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Décès de Fidel Castro, dirigeant de la révolution cubaine de 1959
La vie de Castro et la révolution cubaine, par Tony Saunois
La mort de Fidel Castro, à l’âge de 90 ans, a été annoncée ce vendredi 25 novembre au soir par son frère cadet, le président Raul, à la télévision d’Etat cubaine. Des millions de travailleurs à Cuba et dans le monde entier pleureront le décès de ce dirigeant depuis longtemps étroitement associé à la révolution cubaine de 1959 au côté de Che Guevara. Parallèlement, les forces de la réaction capitaliste et impérialisme verront le décès de Fidel Castro comme l’occasion rêvée de complètement restaurer le capitalisme sur l’île. Ces forces réactionnaires visent à détruire tous les acquis de la révolution et de l’économie planifiée, y compris les acquis historiques en matière de santé publique et d’éducation.
Dans le dossier ci-dessous (publié pour la première fois en 2008), Tony Saunois revient sur la vie et l’héritage politique de Fidel Castro et de la révolution cubaine. Cet article aborde également le débat de la voie à suivre pour défendre les conquêtes de la révolution et la question vitale de la démocratie ouvrière et de la lutte pour le socialisme à Cuba et à l’échelle internationale.
La publication de «Fidel Castro : Biographie à deux voix» (2006) a été extrêmement opportune, puisque Castro devait quitter la présidence quelques temps plus tard. Les réponses données par Castro à l’écrivain français Ignacio Ramonet, par ailleurs rédacteur en chef du Monde Diplomatique et fondateur d’ATTAC, illustrent la révolution cubaine et les événements mondiaux survenus depuis 1959. Elles en disent également beaucoup quant aux perspectives politiques pour Cuba et à la méthode de Fidel Castro.
Castro fait valoir à juste titre l’impressionnante conquête sociale acquise en termes de médecine, de santé et d’éducation à la suite de la révolution de 1959/60. ‘‘L’espérance de vie des citoyens cubains est maintenant presque dix-huit ans plus longue qu’en 1959, quand la révolution est arrivée au pouvoir. (…) Cuba a un taux de mortalité infantile de moins de 6 pour 1 000 naissances vivantes au cours de sa première année de vie, derrière le Canada d’une légère marge. Cela nous prendra la moitié du temps qu’il nous a fallu à la Suède et au Japon pour augmenter l’espérance de vie de soixante-dix à quatre-vingts ans. Aujourd’hui, nous sommes à 77.5.’’
À l’époque de la révolution, a-t-il souligné, l’espérance de vie était de 60 ans! A ce moment-là, 50% des médecins avaient fui à l’étranger suite à la révolution. Pour chaque médecin resté, il y en a 15 à l’heure actuelle!
L’enseignement est gratuit est ouvert à tous ceux qui n’ont pas un emploi. Plus de 90.000 étudiants étudient actuellement la médecine, les soins infirmiers ou un autre aspect de la santé. Tout cela en dépit d’un embargo économique imposé par l’impérialisme américain depuis 1960 et malgré un grave déclin économique qui a suivi l’effondrement de l’ex-Union soviétique et la perte conséquente d’importantes subventions économiques.
Tout ceci et d’autres réalisations impressionnantes mentionnées par Castro donnent un petit aperçu de ce qui serait possible avec une économie socialiste planifiée démocratiquement contrôlée et gérée par la classe ouvrière. Autre indication intéressante : certains aspects de la politique étrangère de Cuba. En plus de mobiliser plus de 30 000 médecins pour travailler dans plus de 40 pays, l’une des réalisations les plus impressionnantes a été l’envoi de dizaines de milliers de «volontaires internationalistes» en 1975 vers l’Angola et la Namibie.
En Angola, les 36.000 soldats ont pu combattre l’armée de l’apartheid sud-africaine et, pour la première fois, lui infliger une défaite militaire. Les forces cubaines ont joué un rôle crucial dans la libération de la Namibie du régime sud-africain. Sur 15 ans, plus de 300.000 combattants internationalistes ont rempli leur mission en Angola. Ces luttes ont joué un rôle important dans l’effondrement du régime de l’apartheid. Cuba était, comme le soutient Castro, «le seul pays non africain qui a combattu et répandu son sang pour l’Afrique et contre l’odieux régime de l’apartheid».
L’hostilité de l’impérialisme américain
Dès le début, la révolution cubaine a suscité la colère de l’impérialisme américain qui a cherché à la renverser à de nombreuses reprises. Aujourd’hui, à la suite de la démission de Castro, l’impérialisme américain et ses représentants espèrent vivement la disparition du régime cubain et l’effondrement de l’économie planifiée, qu’ils essaieront d’utiliser pour tenter de discréditer le «socialisme».
Le fiasco de la Baie des Cochons en 1962 est l’intervention la plus connue de l’impérialisme américain contre la révolution, à la suite de la décision de Castro de caractériser de socialiste la révolutionnaire cubaine.
Castro énumère dans cet entretien une série d’autres attaques tentées par les exilés cubains soutenus par les services de sécurité américains et d’autres contre-révolutionnaires. “En 1971, sous Nixon, la peste porcine a été introduite à Cuba dans un conteneur, selon une source de la CIA”. En 1981, le virus de la dengue de type II a été déclenché et a entraîné 158 décès, dont 101 enfants. Selon Castro, «en 1984, un dirigeant de l’organisation terroriste Omega 7, basée en Floride, a admis avoir introduit ce virus mortel à Cuba avec l’intention de faire le plus grand nombre possible de victimes». Il y a d’autre part eu plus de 600 projets visant à assassiner Castro.
Les gains sociaux de la révolution et l’hostilité brutale de l’impérialisme américain révélés dans ce livre illustrent pourquoi Cuba est considérée avec tant de sympathie par beaucoup de travailleurs et de jeunes à l’échelle internationale, tout particulièrement en Amérique latine. Il en va de même pour le Venezuela, mais peut-être dans une moindre mesure en raison de l’échec de la révolution à avancer et à renverser le capitalisme. Cuba et le Venezuela ont été perçus comme les seuls régimes prêts à résister à l’assaut du capitalisme néolibéral au cours des années 1990/2000. Cuba a gagné une sympathie générale en tant que seul régime à gauche prêt à affronter le colosse que Castro (et Hugo Chavez) qualifie à juste titre d ‘ «empire» – l’impérialisme américain.
L’effondrement de l’URSS
La réponse de Castro à une série de questions, en particulier en ce qui concerne les années 1990 et l’effondrement de l’ex-Union soviétique, révèlent un individu très bien informé qui suit attentivement la situation mondiale. Castro, à la suite des expériences désastreuses de restauration capitaliste dans l’ex-Union soviétique, s’est opposé à ce même processus qui se déroulait au même moment à Cuba. Le fait que Cuba ait pu survivre sans rompre complètement l’économie planifiée et totalement restaurer le capitalisme est une conséquence des racines sociales que la révolution avait établies. Plus récemment, le pétrole vénézuélien a représenté une aide sérieuse. Le régime cubain a également été en mesure de maintenir plus de soutien face à la politique agressive adoptée à son égard par l’impérialisme américain.
Castro révèle le rôle joué par Felipe González (l’ancien dirigeant du PSOE espagnol) pour persuader l’ancien chef soviétique Gorbatchev de soutenir une politique de restauration capitaliste. Cela s’est produit lorsque la bureaucratie dirigeante dans son ensemble est passée au capitalisme. González, avec d’autres, comme Manuel Fraga (ancien ministre du régime fasciste de Franco et président de la Galice) ont essayé de persuader Castro d’adopter le même chemin dans les années 1990. “Fraga est un de ces gens, avec González et d’autres (…) qui faisait partie du groupe qui a insisté pour me donner des conseils économiques quand l’URSS s’est effondrée. Il m’a emmené dans un restaurant très élégant une nuit et il a essayé de me donner des recettes économiques. “La formule pour Cuba est la formule au Nicaragua”, a-t-il dit textuellement (…)”
Castro a rejeté ce conseil. Il a dit que la formule proposée «… a mené le Nicaragua dans un abîme sans fond de corruption, de vol, de négligence (…) terrible. (…) ils voulaient que je suive la formule russe, celle que Felipe et ses conseillers d’élite ont pressé Gorbatchev de suivre (…) et il n’y a plus rien. Tous les hommes dont le conseil était de suivre les principes du néo-libéralisme jusqu’à la mort – privatisation, stricte conformité aux règles du FMI – ont poussé de nombreux pays et leurs habitants dans l’abîme.»
Mais alors, pourquoi Castro n’a t-il pas donné de conseils similaires à Tomás Borge et à d’autres dirigeants sandinistes au Nicaragua avant leur défaite?
L’effondrement de la mondialisation et le rôle de la classe ouvrière
Isolé et face à un raz-de-marée de politiques néo-libérales à l’échelle internationale dans les années 1990, Castro explique avoir adopté une politique consistant à acheter du temps avec en tête la perspective d’attende que la «mondialisation s’effondre». «Le capitalisme moderne, soutient-il, est devenu tellement monopoliste qu’il n’y a plus de capitalisme aujourd’hui, il n’y a pas de concurrence. Aujourd’hui, nous avons des monopoles dans tous les grands secteurs ».
A peine 500 sociétés contrôlent 80% de l’économie mondiale. En regardant la crise qui se déroule ces dernières années, Castro conclut: «Ce n’est plus seulement une crise en Asie du Sud-Est, comme en 1977, c’est une crise mondiale, plus la guerre en Irak, plus les conséquences d’une dette énorme, le gaspillage croissant et le coût de l’énergie qui en découle (…) plus le déficit de la part de la principale puissance économique et militaire de la planète.» Castro conclut: «Le monde est mis dans une impasse.»
Quelle est la classe sociale capable de combattre ce système et de construire une véritable alternative socialiste démocratique? Dans ce livre, Castro révèle son manque de compréhension de la classe qui sera en mesure de vaincre le capitalisme et de construire une alternative démocratique socialiste. Cela le conduit à adopter des idées et des méthodes contradictoires. Tout au long du livre, il n’y a aucune référence à la classe ouvrière ni à son rôle central dans la révolution socialiste. Même en se référant à la grande grève générale de dix millions de travailleurs en France en 1968, Castro ne mentionne qu’en passant que De Gaulle était allé en Allemagne pour obtenir le soutien des troupes stationnées là «pour prévenir toute tentative de rébellion populaire».
L’absence de référence à la classe ouvrière révèle l’attitude de Castro à l’égard de la révolution cubaine et, en général, du caractère de la révolution socialiste. Pour Castro, la classe ouvrière ne joue pas le rôle central. Comme le dit Castro, se référant à la révolution cubaine: “Mais pour nous, la guérilla était le détonateur d’un autre processus dont l’objectif était la prise de pouvoir révolutionnaire. Et avec un point culminant: une grève générale révolutionnaire et soulèvement général de la population.”
Autrement dit, une lutte de guérilla soutenue alors par la masse de la population où la classe ouvrière jouait un rôle auxiliaire plutôt que le rôle dirigeant. Comme le Comité pour une Internationale Ouvrière l’a expliqué dans d’autres articles et documents, c’est en raison d’une série de facteurs historiques et subjectifs que la lutte de guérilla s’est déroulée avec succès à Cuba et que ce n’est que lorsque l’armée de guérilla est entrée dans les villes que les masses urbaines sont descendues dans les rues.
Dans ce livre, il y a une certaine divergence entre la façon dont Castro et le Mouvement du 23 juillet considéraient la révolution comment elle a commencé. Castro donne l’impression qu’il avait dès le début un objectif «socialiste» clairement formulé. Toutefois, comme nous l’avons expliqué dans d’autres articles et documents du Comité pour une Internationale Ouvrière et de la Tendance Militant (ancêtre du Socialist party en Angleterre et au Pays de Galles) à l’époque et par la suite, nous ne croyions pas que c’était le cas. En réalité, les dirigeants du mouvement avaient pour objectif de renverser Batista et de créer un «Cuba démocratique moderne». Che Guevara adopta une attitude différente vis-à-vis des autres dirigeants du mouvement. Suite à l’embargo de l’impérialisme américain et à la pression exercée par les masses, les dirigeants furent rapidement poussés dans une direction plus radicale, qui a fini par étouffer le capitalisme.
Tandis que les processus de la révolution cubaine n’empêchaient pas de briser l’ancien régime de Batista, il formait la nature de l’État qui la remplaçait. Bien que la classe ouvrière ait soutenu la révolution, elle ne la dirigeait pas consciemment, comme l’a fait la classe ouvrière lors de la
révolution russe en 1917.Le régime cubain
À Cuba, le capitalisme a été renversé suite à une série de représailles entre le nouveau gouvernement cubain par l’impérialisme américain. Bien que cela ait représenté un grand pas en avant, cela n’a pas abouti à l’établissement d’une véritable démocratie ouvrière et paysanne, comme on l’a vu en Russie en 1917. Cela a engendré un régime bureaucratique (avec quelques éléments de contrôle ouvrier au début, qui sont maintenant largement érodé) qui a géré une économie nationalisée et planifiée.
Le caractère réel de l’Etat est peut-être révélé par inadvertance par Ignacio Ramonet dans son introduction au livre quand il remarque: «Alors qu’il [Fidel Castro] est là il n’est qu’une voix. Il prend toutes les décisions, petites et grandes. Bien qu’il consulte très respectueusement les autorités politiques en charge du Parti et du gouvernement, très «professionnel» au cours du processus décisionnel, c’est Fidel qui décide enfin ».
Castro révèle également comment les aspects de l’Etat fonctionnent pendant les périodes critiques. Il révèle que, face à une décision d’exécuter le chef de l’armée, Arnoldo Ochoa, pour trafic de drogue présumé, c’était «une décision unanime du Conseil d’Etat, qui compte 31 membres. Au fil du temps, le Conseil d’État est devenu un juge et la chose la plus importante est que vous devez lutter pour faire en sorte que chaque décision soit prise avec un consensus des membres.» Le fait que cette décision ait été prise sans dissidence en dit long sur le caractère de ce corps et sur l’influence de Castro, étant donné le caractère très controversé de l’affaire Arnoldo Ochoa.
Castro défend aussi l’idée d’un Etat à parti unique: «Comment notre pays aurait-il pu rester ferme s’il avait été divisé en dix morceaux?” Il esquive cette question en attaquant la corruption et la manipulation des médias dans l’occident capitaliste en défendant qu’il ne s’agit pas d’une véritable démocratie. Cette question est toutefois totalement différente du droit des travailleurs, des jeunes et des intellectuels de former leurs propres partis politiques, y compris les partis trotskystes, et de contester les élections dans une démocratie ouvrière et paysanne.
Un véritable régime de démocratie ouvrière assurerait l’élection démocratique de tous les fonctionnaires, soumis à un processus de révocation par leur base. Les fonctionnaires de l’Etat et du parti ne recevraient pas plus que le salaire moyen des travailleurs qualifiés et la pleine liberté d’expression des opinions et des critiques serait assurée. Un tel régime, surtout après près de cinquante ans au pouvoir, ne devrait avoir rien à craindre du fait que des travailleurs, des jeunes et des intellectuels construisent leurs propres partis et organisations politiques pour défendre l’économie planifiée.
Cela ne signifie pas que le Cuba de Castro a adopté les mêmes traits grotesques que ceux de la Russie de Staline, avec des procès spectacle et des purges de masse, un culte déchaîné de la personnalité autour de Staline, etc. Il n’y a toujours pas de portraits ni de rues nommées d’après Castro. Il n’y a aucune preuve que la torture ait été utilisée par l’Etat. Cependant, cela ne signifie pas que la bureaucratie et qu’un élément de corruption et de privileges n’existent pas à Cuba. Cela a récemment été démontré dans le fait que le gouvernement cubain ait admis que 15% de la population possède 90% des pesos détenus dans les comptes bancaires.
Cuba isolé
Le problème qui s’est posé à Castro dans les années 90, après l’effondrement de l’ex-URSS, a été celui de l’isolement, combiné aux limitations imposées par l’existence d’une bureaucratie et par l’absence d’une véritable démocratie ouvrière.
Des mesures, telles qu’une ouverture partielle de l’économie et une dollarisation partielle ont été introduites par le régime pour tenter d’acheter du temps. Mais cela a accru les contradictions internes au régime, en particulier la dollarisation partielle, phénomène qui a considérablement augmenté les disparités entre ceux qui ont accès au dollar américain et ceux dont ce n’est pas le cas. Cela a fait croître le marché noir et la corruption.
La question de l’isolement de Cuba est liée à la défaite des mouvements révolutionnaires qui ont balayé l’Amérique latine dans les années 70 et 80. Castro ne tire aucune conclusion complète des raisons de ces défaites. Les sandinistes au Nicaragua n’ont pas réussi à vaincre les Contras, affirme-t-il, à cause du service militaire obligatoire. Castro dit: “Le Nicaragua a remporté sa victoire douze ans après la mort du Che en Bolivie. Cela signifie que les conditions objectives dans beaucoup de pays du reste de l’Amérique latine étaient meilleures que celles de Cuba.” Mais la question centrale est de savoir pourquoi les sandinistes ont alors finalement perdu à nouveau contre la contre-révolution? Castro ne donne aucune explication réelle. Il ne fait pas de commentaire quant à l’échec des sandinistes à renverser le capitalisme. Ils ont été empêché de prendre des mesures décisives pour renverser le système, surtout en 1984, en grande partie à cause de la pression exercée par la bureaucratie stalinienne à Moscou qui s’y opposait. Cuba et Castro, ont appuyé la pression de Moscou et, à un moment donné, ont assujetti à l’embargo les avions de combat MIG russes à La Havane qui étaient destinés à Managua, la capitale du Nicaragua.
Commentant la défaite d’Allende, en 1973 au Chili, Castro dénonce correctement le rôle de l’impérialisme américain, mais il ne tire aucune conclusion sur les erreurs des dirigeants des partis socialistes et communistes au Chili. Pourtant, ces défaites, et d’autres, ont été cruciales en Amérique latine pendant cette période. Cela a renforcé l’isolement et la dépendance de Cuba à l’égard de la bureaucratie soviétique.
Castro a poursuivi en un certain sens les erreurs commises par les dirigeants de ces mouvements dans les conseils qu’il a récemment donnés à Hugo Chávez au Venezuela. Castro raconte qu’à l’époque de la tentative de coup d’état de la part de la droite au Venezuela en 2002, il a exhorté Chávez à «entrer en contact avec un officier avec une autorité réelle parmi les rangs des membres du putsch, les assurer de sa volonté de quitter le pays, mais pas de démissionner.”
L’ancien président Allende, argumente Castro, n’a pas d’autre choix que de donner sa vie durant le coup d’Etat de Pinochet en 1973. Il déclare qu’Allende n’avait pas «le soutien d’un seul soldat». Ce n’est pas vrai. De vastes sections de l’armée et de la marine au Chili soutenaient le processus révolutionnaire. Il est estimé qu’Allende a eu le soutien de jusqu’à 30% de l’armée au moment du coup d’Etat. La tragédie est qu’Allende a refusé d’armer et de mobiliser la classe ouvrière.
Castro déclare qu’à l’époque de la tentative du coup d’Etat de 2002 au Venezuela, il avait déclaré à Chavez que rencontrer le peuple pour déclencher une résistance nationale n’avait pratiquement aucune chance de succès. Pourtant, la ‘résistance nationale’ a éclaté spontanément par la base et Chavez a été ramené au pouvoir par les masses elles-mêmes. Ce conseil est un autre exemple qui démontre que Castro ne considère pas les masses et la classe ouvrière comme la force dirigeante d’une révolution, mais comme un auxiliaire pour des organisations de guérilla ou des sections de l’armée.
Tout en entrant en collision avec la bureaucratie stalinienne soviétique, que Castro critique à plusieurs reprises, il ne lui fournit pas d’alternative. Cela résulte encore une fois du manque de compréhension et de confiance de Castro dans la classe ouvrière. En conséquence, les critiques de Castro ont finalement conduit au soutien aux staliniens. Castro a également gardé le silence, parfois, lors de grandes luttes entre l’Etat et les travailleurs et les jeunes de plusieurs pays.
En ce qui concerne le «Printemps de Prague» en 1968, tout en appuyant initialement certaines des revendications pour une plus grande démocratie, la liberté d’expression, Castro a conclu: «Mais à partir de slogans justes, il y a eu une évolution vers une politique ouvertement réactionnaire. Et nous avons du – malheureusement – approuver cette intervention militaire.” Pourtant, en 1968, l’appui à la restauration capitaliste n’était pas l’idée dominante dans l’ex-Tchécoslovaquie. La conscience des masses, à l’époque, était pour la “démocratisation du socialisme” et non pour le capitalisme.
Incontestablement motivé par les intérêts diplomatiques et commerciaux, le régime cubain se tut quand des centaines d’étudiants furent massacrés par le gouvernement mexicain en 1968. Castro ne dit rien de ces événements dans son livre.
En soulevant le spectre de la restauration capitaliste en Tchécoslovaquie, Castro confond cette période avec celle des années 1990 où cette confusion existait dans la population. Castro reprend en fait la justification stalinienne de l’intervention russe en 1968. Castro est clairement opposé à une restauration capitaliste à Cuba, surtout en ayant vu les conséquences que cela a eu en ex-URSS et en Europe de l’Est. Il conclut vraisemblablement que l’ancien chef soviétique Gorbatchev, que Castro décrit à un moment comme un «vrai socialiste révolutionnaire», a fini par être une figure centrale du processus de restauration capitaliste sans en avoir eu l’intention initialement. Comme le dit Castro: “Mais il [Gorbahev] n’a pas réussi à trouver des solutions aux grands problèmes de son pays”.
Boris Eltsine, qui était également un élément central du processus de restauration capitaliste, est décrit par Castro comme un «secrétaire du parti exceptionnel à Moscou, avec beaucoup de bonnes idées».
Castro identifie certains des problèmes cruciaux auxquels l’ex-Union soviétique a été confrontée; les déchets, la corruption, la mauvaise gestion et son incapacité à développer et à utiliser les ordinateurs modernes. Mais il ne parvient pas à offrir de solution claire contre le règne bureaucratique et le gaspillage. Il ne voit pas la nécessité de supprimer la bureaucratie stalinienne et d’établir un véritable système de démocratie ouvrière. Sans cela, aucun des problèmes énormes qu’il identifie ne pourrait être résolus.
Cependant, beaucoup de ces caractéristiques existent de la même manière à Cuba. Castro révèle aussi quelques-uns des conflits qui ont eu lieu entre la bureaucratie soviétique et le régime cubain. Lorsqu’on lui demande si les Cubains ont été consultés au sujet du retrait final des troupes soviétiques de Cuba en septembre 1991, Castro répond: “Consulter. Ils n’ont jamais consulter. À ce moment-là, ils s’écroulaient. Tout ce qu’ils ont fait, c’était sans consultation.”
Castro révèle aussi, dans des lettres publiées en anglais, pour la première fois, l’attitude erratique que son régime a parfois adoptée. La crise des missiles s’intensifiant, Castro explique qu’il a exhorté l’URSS à lancer une attaque nucléaire en premier lieu pour contrer une action offensive directe contre Cuba par les Etats-Unis. «Je suis d’avis qu’une fois que l’agression a eu lieu, les agresseurs ne doivent pas avoir le privilège de décider quand les armes nucléaires seront utilisées (…) à partir du moment où l’impérialisme a déclenché une attaque contre Cuba et à Cuba même et donc contre les forces de l’armée soviétique stationnée ici (…) une réponse soit être donnée aux agresseurs de Cuba et de l’URSS sous forme d’une attaque d’anéantissement.” Khrouchtchev et la bureaucratie soviétique n’ont pas accepté cette proposition.
Aujourd’hui, Castro contredit sa position et ses commentaires antérieurs, lorsqu’on lui demande si Cuba veut fabriquer une bombe nucléaire: «Vous vous ruinerez – une arme nucléaire est un bon moyen de se suicider. »
Staline et Trotsky
Elément significatif, Castro critique ouvertement Staline et conclut: «Le plus intellectuel des deux était, sans aucun doute, Trotsky.» Cela ne veut pas dire que Castro a soutenu les idées et les méthodes expliquées dans les écrits de Trotsky. Castro écarte à tort toute suggestion selon laquelle Che Guevara commençait à chercher une alternative et avait commencé à lire les œuvres de Trotsky ou était en quelque sorte affecté par ses idées. Ce faisant, Castro écarte les preuves du contraire, telles que présentées par Celia Hart, Jon Lee Anderson et l’écrivain mexicain Paco Ignacio Taibo.
Une caractéristique frappante de ce livre est l’attitude de Castro à l’égard des dirigeants mondiaux et des dirigeants pro-capitalistes des anciens partis ouvriers de masse. Pour les marxistes, s’opposer au système que défendent ces dirigeants n’est pas une question personnelle. Pourtant, Castro fait tout son possible pour faire l’éloge de certains de ces dirigeants, en dépit d’avoir ouvertement critiqué leur action. L’ancien président américain Jimmy Carter est décrit comme un «homme d’intégrité». Charles De Gaulle est accrédité d’avoir sauver la France : «ses traditions, sa fierté nationale, le défi français». Un ministre du gouvernement fasciste de Franco en Espagne est, selon Castro, «un Galicien intelligent et rusé». Le président Lula, au Brésil, est salué comme «un combattant tenace et fraternel pour les droits du travail et de la gauche, et un ami de notre peuple» et Castro considère «les réformes que Lula met en œuvre très positivement» en dépit du fait que la grande majorité des «réformes» de Lula ont été des attaques néolibérales contre les droits de la classe ouvrière.
En ce qui concerne l’avenir de Cuba, Castro affirme catégoriquement que la révolution sera maintenue, sans aucune menace de restauration capitaliste. Cependant, en dépit de l’héritage solide qui subsiste et du soutien aux acquis de la révolution, la menace de restauration augmente. Depuis la publication de ce livre, Castro a démissionné en tant que leader du pays. Raul, son frère et d’autres sections puissantes de la bureaucratie cubaine ont l’intention de s’acheminer vers l’ouverture de l’économie de marché à Cuba. Si Castro voit cette menace, il n’est évidemment pas prêt à jouer le rôle de Gorbatchev ou d’Eltsine pour aider ce processus.
La publication de ce livre fournit une vision éclairante de Fidel Castro; de son rôle et de ses méthodes. Surtout, il faut apprendre des expériences que Castro rapporte. Il montre la nécessité vitale de développer la véritable démocratie ouvrière et le socialisme.
Voir aussi :


