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  • Parlement Européen: Action de protestation contre le pillage de l’Amérique Latine

    Une action de protestation a eu lieu ce mercredi contre le pillage néo-libéral de l’Amérique Latine, victime de l’impérialisme. Les militants présents ont protesté contre les accords de libre-échange qui mettent sous pression les acquis sociaux et assurent le pillage des ressources naturelles. L’Union Européenne, pour sa part, n’a aucun problème avec les violations des Droits de l’Homme ou avec les relations qu’elle entretient avec des régimes dictatoriaux comme en Colombie ou au Honduras. Le PSL était présent, avec entre autres l’euro-parlementaire irlandais Joe Higgins, qui avait déjà abordé cette question au cours d’une prise de parole dans la commission parlementaire.

  • Pas de lutte contre l’interdiction du port du voile avec une interdiction de drapeaux!

    Comme cela a déjà été clarifié avec la courte déclaration précédemment publiée sur notre site web, le PSL/LSP a décidé de ne plus coopérer avec le groupe bruxellois-francophone du Mouvement pour les Droits Fondamentaux (MDF). Le MDF a été mis sur pied à l’initiative de la LCR, organisation qui a été notre partenaire de cartel pour les dernières élections européennes en Belgique francophone et qui a aussi participé à la liste PC-PSL-LCR-PH pour les élections régionales à Bruxelles. Son objectif est de mener campagne contre l’interdiction du port du voile qui risque d’être introduit après le précédent de l’interdiction décidée dans l’enseignement officiel flamand.

    Les participants de ce front que constitue le MDF considèrent, tout comme notre parti, que l’interdiction du port du voile est une attaque raciste contre la communauté musulmane (plus d’informations sur notre approche sont disponibles sur notre site, particulièrement dans la rubrique «femmes»). Ce présent article est surtout destiné à clarifier les raisons pour lesquelles nous ne participons plus au MDF. D’une part, nous restons insatisfaits de la plateforme du MDF qui, contrairement à son tract, ne parle pas de la liberté pour les femmes de choisir de porter le voile ou non (ce qui signifie d’être tout autant contre l’interdiction du voile que contre son imposition). Le nom adopté est également très vague (les défenseurs de l’interdiction du port du voile déclarent aussi défendre les «droits fondamentaux»). D’autre part, nous réagissons à la décision antidémocratique du MDF qui a interdit les drapeaux et banderoles politiques pour leur action du 11 novembre.

    Nous n’avons pas deux casquettes (ou plus)

    Le MDF nous demande de nous défaire de notre identité politique pour une manifestation – ce qui revient objectivement au même que la demande des directions d’école faite aux filles qui portent le voile et qui consiste à se défaire de leur identité religieuse ou de leur identité issue d’une communauté immigrée. L’argument utilisé est que le MDF ne veut pas être pris en otage ou récupéré par des mouvements comme le Hamas et le Hezbollah d’un côté, par l’un ou l’autre parti de la gauche radicale de l’autre.

    Décourager des groupes qui professent l’islam politique (et qui aspirent donc à une société où l’islam est imposé à la population) ne se fait pas en niant les droits démocratiques, mais au contraire en adoptant une approche réellement démocratique, en clarifiant par exemple dans la plateforme que nous défendons également les filles qui veulent se soustraire aux règles religieuses en vigueur dans leur famille ou leur communauté. La démocratie est un argument important contre ceux qui veulent imposer une religion avec le pouvoir d’État. C’est pourquoi, aux réunions du MDF, le PSL/LSP a dès le début, avec plusieurs interventions, défendu que la plateforme devait s’exprimer pour la liberté de choix et prendre position contre l’imposition du port du voile. Finalement, sur nos instances, cet élément pro-choix a été repris dans le tract, mais malheureusement pas de façon explicite dans la plateforme elle-même.

    Pour nous, la défense du droit des musulmanes de pouvoir s’exprimer comme musulmanes y compris à l’école et sur leur lieu de travail n’est pas en contradiction avec le travail que nous faisons, par exemple, en soutien de l’opposition de gauche en Iran. Nous coopérons depuis déjà des années avec des organisations de femmes et d’étudiants iraniens pour nous opposer à l’État réactionnaire iranien qui impose violemment son interprétation de l’islam à la population. Nous sommes d’accord avec ces opposants pour dire qu’il faut mettre fin aux lois qui condamnent les iraniennes à mener une vie de citoyen de second ordre devant obéissance aux hommes toute leur vie. Dans ce cadre, nous nous opposons donc spécifiquement à l’imposition par l’État de l’obligation du port du voile.

    Nous refusons la situation de devoir porter deux «casquettes»: l’une politique et l’autre, non-politique, consistant seulement à résister à l’interdiction du port du voile. Mais nous refusons également d’avoir deux approches dans notre attitude à adopter avec les travailleurs et les jeunes d’origine belge d’un côté et avec les travailleurs et les jeunes issus des communautés immigrées de l’autre. Nous n’avons rien à faire avec des partis ou des membres de partis qui promettent «leur soutien inconditionnel» à la campagne contre l’interdiction du port du voile (ou sur d’autres problèmes) dans la communauté immigrée mais qui, en même temps, se taisent le plus possible sur l’interdiction du port du voile dans la communauté belge parce qu’il n’y aurait soi-disant «pas de base» pour aborder de tels sujets.

    Dans les deux communautés, nous défendons la liberté pour les femmes de décider de porter ou non le voile et nous nous opposons tant à l’interdiction du port du voile qu’à son imposition. Dans les deux communautés, nous expliquons que l’interdiction du port du voile est utilisée comme manœuvre de diversion face à la crise ainsi qu’à la pauvreté et au chômage croissant qui en découlent. Pour tous les travailleurs et les jeunes – belges ou immigrés, flamands, wallons, bruxellois ou germanophones, hommes ou femmes, jeunes ou pensionnés, athée ou croyant,… – nous défendons que chacun puisse avoir un emploi ou une allocation sociale d’au moins 1.500 euros/mois pour ceux qui ne peuvent pas travailler, un logement abordable et confortable grâce à un programme massif de construction de logements sociaux, nous luttons pour un enseignement et des soins de santé gratuits et de bonne qualité,…

    En réalité, l’interdiction du port du voile n’aide que les organisations et partis (et individus de ces partis) qui portent activement deux (ou plusieurs) casquettes pour des raisons opportunistes et/ou électoralistes. C’est certainement le cas pour les partis traditionnels où, du côté francophone, le PS et Ecolo ont une attitude équivoque. Alors qu’ils se battent encore de temps en temps en parole contre le racisme, ils mènent une politique d’assainissements contre les plus faibles qui a pour conséquence de renforcer le racisme dans la société. Les membres de ces partis seront toutefois reconnus de loin à n’importe quelle action – ils n’ont qu’à envoyer un parlementaire et les journalistes le reconnaîtront de suite.

    Mais il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils luttent ouvertement et de toutes leurs forces contre les diverses discriminations présentes dans la société. Ecolo et le PS sont en fait divisés sur cette question. Une partie du parti défend la défense absolue de la laïcité et d’un État laïque (et donc l’interdiction plus ou moins élaborée de symboles religieux dans la sphère publique), pendant qu’une autre partie défend la tradition de liberté de religion et d’un État neutre sur cette question et acceptant le pluralisme, notamment dans l’enseignement, mais également dans les autres services publics.

    Le PSL/LSP a toujours défendu cette dernière approche, souvent même contre diverses organisations et individus de gauche qui ne tiennent pas compte de la sensibilité de cette question, qui pensent que l’enseignement doit imposer la laïcité et qui sont prêts à mettre en jeu l’unité de la classe ouvrière par des déclarations anticléricales. Un tel courant est également présent au sein de la LCR/SAP. Dans la commission enseignement du Comité pour une Autre Politique – Comité voor een Andere Politiek, des membres du LSP comme Jo Coulier (délégué principal CGSP-VUB) avaient lutté pour remplacer dans le programme la proposition initiale de d’un enseignement «laïque» par un «enseignement pluraliste». Bien qu’ils aient dû se battre seuls dans ce débat, ils l’ont néanmoins emporté. Penser que l’on peut éviter cette discussion en ne laissant pas hisser de drapeaux. Interdiction de drapeaux ou pas, quand des différences d’opinion existent, il faut en discuter.

    Dans le MDF aussi, la proposition initiale de la plateforme parlait d’un «réseau unique» pour l’enseignement, ce qui revient implicitement à dire que l’enseignement catholique doit disparaître. Après l’intervention du PSL/LSP, cela a toutefois été modifié en «un enseignement public, pluraliste et démocratique, ouvert à toutes et tous».

    Cette discussion n’est pas neuve

    Après que nos représentants aient déclaré lors d’une réunion du MDF que le PSL se retirerait si l’interdiction de drapeaux était maintenue, ces derniers ont reçu un mail de Céline Caudron, porte-parole de la LCR, qui demandait de tout de même venir «pour une fois» sans nos drapeaux et qui disait qu’il ne serait plus question d’interdiction dans de nouvelles actions. Ce n’est pas la première fois que PSL discute de ce genre de choses avec la LCR. Dans toutes les initiatives auxquelles nous avons participé, nous avons toujours défendu que la liberté d’expression politique dans ces fronts était pour nous un point fondamental et donc une condition pour notre participation.

    Quand le MDF interdit les drapeaux et les banderoles politiques, cela revient à dire que le front conteste le droit de se montrer comme membre d’un parti. C’est essentiellement la même discussion qui avait été menée en 2000 dans le cadre de la liste commune Leef pour les élections communales à Gand. Les représentants du SAP (l’équivalent néerlandophone de la LCR) avaient proposé qu’aucun candidat ne soit présenté comme membre d’un parti ou d’une organisation sur le tract commun de Leef. Les candidats politiquement organisés (c-à-d la majorité) devaient donc se ranger de façon méconnaissable parmi les autres. Il leur était encore demandé de ne pas distribuer leurs propres tracts à côté du tract commun. Nous avons résolument refusé cela et, après discussion avec toutes les personnes impliquées, la décision a été prise de laisser à chaque participant la liberté politique de mener campagne pour la liste comme il l’entendait.

    Cette même discussion est aussi systématiquement revenue dans le Comité pour une Autre Politique (CAP), dans lequel le PSL/LSP s’est engagé fortement, ou dans Une Autre Gauche (UAG), initiative à laquelle nous avons participé durant une brève période, mais que nous avons dû quitter à cause de son fonctionnement interne antidémocratique. Dans ce fonctionnement figurait entre autres que dans chaque organe d’UAG, la moitié des places au maximum pouvaient être occupées par des forces organisées. Nous comprenons bien les tentatives d’éviter qu’une organisation devienne dominante, mais si cela se fait en accordant plus de pouvoir de décision dans tout le front aux soi-disant «indépendants» qui ne représentent personne sauf eux-mêmes par rapport aux organisations, on sombre dans l’arbitraire le plus total. Dans ces deux fronts, les membres du PSL/LSP et de la LCR (dans le cas d’UAG) et du SAP (dans le cas du CAP du côté néerlandophone) se sont opposés sur cette question. Au CAP, la liberté de chaque participant de garder et de propager sa propre identité a dès le début constitué la règle, une majorité de participants actifs étant convaincue qu’on ne peut pas construire un front si celui-ci doit fonctionner comme une prison pour une partie des participants. Néanmoins, à mesure que le CAP commençait à décliner, cette liberté a systématiquement été remise en question.

    Par contre, cette année, dans le cadre de la présentation de listes communes aux européennes (LCR-PSL) et aux régionales à Bruxelles (PC-PSL-LCR-PH), chaque partenaire avait la liberté politique d’avoir son matériel propre à côté du matériel commun. Bien loin d’avoir constitué un problème, cette pratique a été un élément crucial pour pouvoir développer un climat de confiance entre les différentes organisations.

    Il ne s’agit pas que de «simplement» manifester sans nos drapeaux. Des fronts qui ne reconnaissent pas la libre expression de chaque participant ne sont simplement pas viables. Adopter une approche démocratique est le seul moyen capable de renforcer la coopération entre les différentes parties constitutives d’un front et de permettre le développement d’une confiance mutuelle. C’est également une condition nécessaire pour parvenir à des approches, des tactiques, des stratégies et des programmes corrects. Ce n’est donc pas un élément à mettre de côté à court terme, certainement pas au début dans l’espoir que cela soit retiré par la suite, cela doit au contraire être clarifié dès le départ pour chaque coopération. L’existence de cette interdiction de porter des drapeaux illustre une incompréhension de cette nécessité fondamentale qu’est la démocratie interne dans le mouvement ouvrier et dans les autres mouvements sociaux. Nous sommes maintenant 20 ans après la chute du stalinisme, un système qui a discrédité les véritables socialistes et les communistes aux yeux d’une majorité de travailleurs et de jeunes en occident, justement à cause du manque de démocratie et des procès-spectacles qui attendaient ceux qui critiquaient le régime.

    L’"unité" imposée est un mensonge

    Dans les mouvements de résistance, toute cette discussion sur la diversité contre l’unité imposée est tout sauf une nouvelle discussion. Si les conditions se modifient, cette discussion revient constamment sous différentes formes dans le développement du mouvement socialiste et progressiste. Postposer la lutte de classe au profit de réformes à court terme – pour lesquelles les socialistes sont censés soumettre leurs idées socialistes au programme à court terme – a toujours été refusé par des marxistes de différentes générations. Lénine et Trotsky rejetaient «l’unité nationale» imposée par les partis sociaux-démocrates pendant la Première Guerre Mondiale, qui comprenait même l’interdiction de grève durant la guerre. Cette même opinion est revenue, amplifiée, pendant la guerre civile espagnole qui a précédé la Deuxième Guerre Mondiale, quand les organisations staliniennes prêchaient l’unité nationale autour du gouvernement républicain et contraient activement chaque lutte de classe – la lutte ouvrière était quelque chose de postposé pour après la victoire des républicains. Au cours de la Deuxième Guerre Mondiale, les partis staliniens ont partout suivis cette ligne, malgré la leçon limpide qui devait être tirée contre cette ligne au vu des résultats obtenus en Espagne. Les trotskistes s’y sont toujours opposés, et le font encore aujourd’hui.

    Cet élément revient aujourd’hui sous une forme spécifique. Ainsi, dans la phase préparatoire à la dernière grande manifestation contre la guerre de Gaza, une proposition a été discutée, consistant à ne porter d’autres drapeaux que des palestiniens ou, selon quelques uns, seulement des drapeaux palestiniens et belges, mais en tout cas pas des drapeaux politiques. La façade « d’unité» devait être sauvegardée, les différences d’opinion sur la manière d’obtenir l’indépendance et dans quel but devaient être cachées. C’est le point de vue de l’OLP, dont la plus grande organisation politique, le Fatah, a donné tant l’ancien président de l’Autorité Palestinienne Yasser Arafat que l’actuel président Mahmoud Abbas. Ces idées et cette tradition d’une unité totale imposée artificiellement, où toute libre discussion est vue comme un affaiblissement, sont présents dans les milieux des militants progressistes dans la communauté immigrée arabe et trouvent leur reflet dans le MDF. Cette vision est basée sur le nationalisme bourgeois et la version spécifique de nationalisme bourgeois qui a été développé par le stalinisme. Lors de cette manifestation, le grand succès de notre stand politique, avec banderoles et drapeaux, a d’ailleurs illustré que cette idée ne vit pas parmi les couches larges de la population d’origine étrangère, mais seulement parmi des couches de militants organisés. La plupart des participant apprécient le soutien d’un parti.

    Le PSL/LSP n’est évidemment pas d’accord avec une telle vision, l’approche de l’OLP vis-à-vis de la lutte de libération nationale est un point de vue bourgeois-nationaliste (auquel se sont aussi convertis les staliniens). Selon cette manière de voir, la lutte de classe devrait être postposée à après la libération, la classe ouvrière devant subordonner ses propres intérêts à ceux de la lutte de libération nationale. La position du MDF en ce qui concerne le foulard et l’interdiction de drapeaux pour les organisations qui participent est basée sur la même pensée. Tout comme la libération nationale ne sera jamais obtenue avec une telle attitude, l’interdiction du port du voile ne sera jamais annulée avec une telle attitude. Les concessions d’Israël qui pourraient être obtenues sur cette base seraient petites, peu fondamentales et ne résoudraient aucun problème des masses palestiniennes. De la même manière, les concessions éventuelles des directions en ce qui concerne l’interdiction du foulard seraient nules et n’offraient certainement pas de solution pour les problèmes auxquels la population immigrée – et d’autres jeunes de milieux pauvres – sont confrontés dans nos écoles.

    Notre programme part du droit à l’auto-détermination des nations. Nous revendiquons une Palestine indépendante et socialiste, à côté d’un Israël indépendant et socialiste, dans une fédération socialiste du Moyen-Orient. Pour parvenir à une Palestine véritablement indépendante et vivable, c-à-d une Palestine qui n’est pas un ensemble de petits territoires invivables et séparés, il est toutefois nécessaire de trouver un soutien dans la classe ouvrière israélienne. Ce soutien peut être trouvé sur base d’un programme socialiste accordant une attention aux intérêts de la classe ouvrière des deux communautés. De la même façon, on peut organiser des manifestations avec les filles voilées, mais pour obtenir gain de cause, ces filles doivent créer des liens avec les travailleurs et les jeunes d’origine belge et élaborer avec eux un programme et une lutte qui tient compte de leurs intérêts communs.

    L’”unité” entre l’élite palestinienne et les travailleurs palestiniens et leurs familles est un mensonge, le même mensonge d’ailleurs que celui de l’unité entre le patronat flamand et les travailleurs et jeunes flamands qui est chaque jour servi dans la presse. Comme Lénine le répétait souvent, il n’est pas permis aux socialistes de mentir aux masses de travailleurs et de jeunes. Ce mensonge ne sert que les intérêts de l’élite palestinienne qui a abusé du peu de pouvoir et d’auto-détermination obtenus pour s’enrichir alors que la pauvreté parmi les masses palestiniennes a atteint des hauteurs jamais vues. Le PSL/LSP refuse de marcher dans ce mensonge: la lutte pour la libération nationale est importante et reçoit notre soutien, car l’oppression nationale est à peu près la pire et la plus complète oppression qui existe. Le socialisme n’est pas compatible avec une telle oppression, mais celle-ci est subordonnée à la lutte de classe, et non l’inverse. Chaque approche différente mène inévitablement au chauvinisme bourgeois-nationaliste.

  • INTERVIEW: Retour sur le mouvement des enseignants

    “Faire crever les profs parce qu’on a sauvé les banquiers, c’est NON!”

    Cette rentrée a été marquée par un mouvement des enseignants contre les mesures d’austérité de la ministre Simonet (CDH). Au cours de ces mobilisations, l’Athénée Royal Da Vinci, à Bruxelles, s’est distingué par sa combativité. A l’occasion de l’édition de novembre de l’Alternative Socialiste, nous avons interrogé Patrick Zéoli, un de nos camarades qui y est enseignant.

    Alternative Socialiste : La ministre a reculé sur les mesures qu’elle prévoyait. Victoire?

    Patrick Zéoli: "C’est une victoire par rapport à ce qu’elle voulait faire passer au début. Mais toute la question est de savoir si elle n’a justement pas lancé des pistes, en sachant qu’elles ne passeraient pas, juste pour voir comment les enseignants allaient réagir. En fin de compte, si les profs ne sont plus visés de manière directe pour l’instant, les subventions vont être gelées. Imaginons que l’on ait un hiver rigoureux comme l’an dernier, il faudra alors économiser sur le chauffage. De plus, le salaire du personnel ouvrier dépend des dotations des écoles. A cela s’ajoute qu’il sera impossible de faire les travaux nécessaires pour améliorer l’environnement scolaire. Je pense par exemple aux châssis en mauvais état, aux chaudières trop vétustes, etc."

    "Mais finalement, si on n’avait pas bougé, elle aurait probablement tout fait passer. Et ça, c’est bon pour le moral des profs. Cela efface un peu la déception de ‘96.» (Une grève longue et mouvementée contre les mesures de la ministre Onkelinx (PS), malgré laquelle des milliers d’enseignants avaient perdu leur emploi, NDLR)"

    AS: Déjà en 95-96, l’Athénée Da Vinci était partie en grève en premier, et l’avait cessée en dernier. Cette année, il était encore en pointe. A quoi attribues-tu cette combativité?

    PZ: "Notre école est une des premières à avoir osé dire qu’on avait des problèmes à gérer la violence scolaire. A cela s’est ajouté un gros incident, en ‘98, quand un professeur s’est fait agressé avec un tournevis. L’équipe pédagogique et le personnel ouvrier sont vraiment tous unis. Par exemple, à l’époque, quand on a reçu Laurette Onkelinx et son directeur de cabinet parce que nous n’avions pas assez d’outils pour répondre à la violence, on les a reçus tous ensemble dans une grande salle, en bloc, et nous avons obtenus plus de moyens."

    "En ‘96 déjà, on était très soudés et des collectes d’argent avaient été organisées pour les profs qui faisaient grève tous les jours (une tournante était organisée pour les autres). L’unité est une tradition dans l’école, quel que soit le statut, et la direction est issue des profs de l’école et ne vient pas de l’extérieur."

    AS: Cette année, la réaction des profs a été rapide. Quel bilan tires-tu de cette lutte?

    PZ: "Ce qui nous a frappé, c’est qu’on avait l’impression que les syndicats ne voulaient pas bouger. Il y a pourtant eu une rapide levée de boucliers, dans notre école comme dans d’autres. Mais le retour des directions syndicales était de ne pas bouger et de faire de petites actions. Par la suite, les mots d’ordre n’étaient pas clairs (qui était couvert, qui ne l’était pas, etc.). Dans notre école, nous avons de suite débrayé, la tradition de lutte était là. Mais ailleurs, là où les délégués syndicaux transmettaient ce manque de clarté, les profs ne savaient pas quoi faire. Mais il est intéressant de remarquer que sans vraie mobilisation, le 5 octobre, on était un peu plus de 1.000, avec une grande détermination. Le PSL était là d’ailleurs."

    "Quand le gouvernement doit faire des économies, il vise d’abord le secteur public. Avec la crise, les attaques vont être de plus en plus fortes, et on doit réagir. Même des profs qui n’étaient pas vraiment parmi les plus chauds mettaient en avant la solidarité avec les facteurs, mais aussi avec les agriculteurs. Le sentiment que j’ai ressenti autour de moi, c’est qu’on est prêts à bouger tous ensemble. Et si la mobilisation dans notre école a été exceptionnelle, les idées qui circulent dans la tête des profs sont communes, nous ne sommes pas une île coupée du reste du monde."

    AS: Selon toi, comment peut-on résoudre les nombreux problèmes de l’enseignement?

    PZ: "La réponse est simple: donner davantage de moyens pour l’enseignement et le réformer fondamentalement par la base. Les réformes de l’enseignement viennent toujours d’en haut et elles n’ont aucun sens. Des décrets nous tombent dessus sans que l’on sache d’où ça vient."

    "Un refinancement massif serait plus que nécessaire. A long terme, des écoles plus efficaces, cela rapporterait. Mais on a des gouvernements qui voient des budgets à court terme, en refilant à chaque fois la patate chaude aux suivants. Ils n’osent pas prendre leurs responsabilités par rapport aux entreprises privées qui, elles, sont largement subventionnées par l’Etat: intérêts notionnels et autres cadeaux fiscaux, injection de milliards pour les banques,…"

    "Ce que je voudrais dire aussi, c’est que je suis intervenu dans la lutte en tant que membre du PSL. Dans mon entourage, j’ai senti une grande volonté d’en savoir plus, de comprendre ce qui se passait. J’ai ainsi pu vendre beaucoup d’exemplaire de l’Alternative Socialiste à mes collègues, et des discussions approfondies se poursuivent encore. C’est vraiment intéressant, j’ai l’impression que, politiquement, un pas qualitatif a été franchi. Même si je ne veux pas généraliser l’expérience de mon école, j’encourage vraiment tous nos camarades à discuter autour d’eux. Nos idées passent mieux, la crise rend nos solutions beaucoup plus concrètes. On nous prend moins pour des utopistes."

  • Nos services publics hors des mains du privé !

    Ces dernières années, une flopée de services publics ont été vendus au secteur privé. Electrabel a généré des profits énormes pour Suez. Belgacom est réputé pour la distribution de salaires exorbitants à ses managers (Didier Bellens reçoit plus de deux millions d’euros par an) et ses profits juteux. Le personnel a payé la note : sur 26.500 travailleurs avant la privatisation, seuls 17.000 sont encore là aujourd’hui. Et un coup d’œil sur la facture énergétique suffit pour constater que ces privatisations n’ont pas fait baisser les prix pour les consommateurs.

    Par Bart Vandersteene

    Pour répondre à la crise, politiciens et patrons continuent à avancer les mêmes recettes néolibérales qu’avant celle-ci. Aujourd’hui, ce sont La Poste et la SNCB qui se trouvent en premier dans la ligne de mire. Mais les autres services publics doivent aussi réduire leurs dépenses : De Lijn, la RTBF et la VRT, les TEC, l’enseignement,… Même si la couleur des gouvernements n’est pas la même de part et d’autre de la frontière linguistique, la politique d’assainissements est, elle, la même partout. Petit tour d’horizon…

    La Poste : d’un service à la population à une vache à lait pour le privé

    A La Poste, des milliers de postiers ont fait grève contre l’augmentation du ryth-me de travail et le manque de personnel. En quelques années, des centaines de bureaux de poste ont fermé leurs portes, 8.000 emplois ont été supprimés et les tarifs ont explosé.

    La direction veut faire un nouveau pas dans le démantèlement de La Poste en tant que service public, en faisant effectuer la distribution du courrier par de nouveaux « distributeurs » qui travailleraient à temps partiel pour un salaire de 8,43 euros brut par heure. Le projet pilote introduisant ces « McFacteurs » a été mis au frigo mais pas officiellement abandonné.

    Pour la direction, il s’agit ainsi de réaliser plus de profit en payant des salaires de misère à des étudiants, des mères au foyer ou des pensionnés, pour un travail qui était auparavant réalisé par des facteurs statutaires (même s’ils étaient trop peu payés eux aussi). Les partenaires privés de La Poste peuvent se réjouir: le rendement augmente chaque année. Que cela se fasse au détriment du personnel et du service à la population n’est pas important pour eux.

    SNCB : la préparation à la libéralisation mène à un massacre social

    Sous la pression de la vague de libéralisation européenne de ces dernières années, la SNCB a été scindée en différentes entités. La division de marchandises B-Cargo subit des pertes. En bonne logique libérale, une vague d’ « assainissement » est au programme : 900 des 5.700 postes de travail sont menacés et la division pourrait même être vendue à une firme étrangère. Assurer d’abord la rentabilité sur le dos de la collectivité, puis vendre les parties les plus appétissantes au secteur privé, voilà l’objectif de chaque libéralisation.

    Pour les usagers aussi, les réductions de dépenses se feront sentir. En 2009, le prix d’un titre de transport a augmenté de 6%. Dans les années à venir, avec les restrictions budgétaires, de fortes hausses des prix sont probables. Malgré les grandes déclarations, les transports en commun comme alternative aux transports en auto risquent de devenir moins attractifs.

    Fédéral : emplois, salaires et pensions dans le colimateur

    Sur un total de 80.000 fonctionnaires fédéraux, 15.000 ne seront pas remplacés quand ils partiront à la retraite dans les années à venir. On n’en restera pas là, une offensive sur les pensions des fonctionnaires étant planifiée.

    Les pensions des fonctionnaires sont en effet plus élevées que dans le secteur privé, en compensation de salaires plus bas. Cela est maintenant utilisé comme paratonnerre pour dévier l’attention des profits gigantesques des entreprises, des bonus des topmanagers et des cadeaux fiscaux faits aux entreprises et aux riches.

    Les pensions des fonctionnaires ne sont pas trop élevées, ce sont celles du secteur privé qui sont simplement trop basses. Au lieu d’investir les 900 millions d’euros qui, selon le professeur Jos Berghmans, sont requis pour mettre fin à la pauvreté parmi les pensionnés en Belgique, le gouvernement choisit d’aggraver le problème en attaquant les pensions des fonctionnaires.

    Gouvernement flamand: une apparence de virginité sociale

    Certains commentateurs ont présenté l’accord gouvernemental flamand comme particulièrement social, et cela malgré la représentation directe des organisations patronales UNIZO et VOKA au sein du gouvernement avec Kris Peeters (ministre-président, CD&V) et Philippe Muyters (N-VA).

    Bart de Wever, le président de la N-VA, s’en est plaint. Dans le magazine Knack du 9 septembre, il déclarait: «Je me suis énormément énervé à propos de quelques réactions sur l’accord gouvernemental flamand, notamment de la part des organisations patronales FEB et VOKA. Ils ont fait comme si tous les moyens flamands allaient être drainés vers une politique sociale. Rien n’est moins vrai. (…) La majorité de nos investissements sont orientés vers l’économie. »

    A la VRT, 40 millions d’euros d’économies doivent être faits, qui s’ajoutent aux plans d’assainissements déjà annoncés de 71 millions. Chez De Lijn, le chiffre est de 80 millions d’euros. Dans le quotidien De Morgen du 28 septembre dernier, des hauts responsables de la société de transport flamande ont déclaré que ces mesures d’austérité ne pourraient pas être mises en place « sans toucher à la qualité du service ».

    Wallonie-Bruxelles: PS-Ecolo-CDH fidèles à la logique néolibérale

    On pourrait naïvement imaginer que les gouvernements de l’Olivier tenteraient de mener une politique différente de celle des autres gouvernements à participation libérale. Les mesures d’austérité sont pourtant similaires. Ecolo donne une couche verte aux mesures mais le contenu ne change pas en profondeur.

    Le gouvernement veut réduire les coûts sur le personnel de tous les services et sur tous les budgets de fonctionnement. Dans les TEC, les prix pourront augmenter de 4,6% l’an prochain. La RTBF devra trouver 23,5 millions sur trois ans. Dans l’enseignement francophone, la ministre Simonet (CDH) a dû abandonner son intention d’augmenter la semaine de travail. Au lieu de cela, il y aura un éventail de petites mesures « à la flamande » qui, en fin de compte, arrivent au même résultat : 50 millions d’euros de mesures d’austérité.

    Il faut une lutte unifiée

    Chaque nouveau pas vers le démantèlement des services publics donne de nouvelles idées aux extrémistes libéraux. La baisse de qualité, conséquence des mesures d’austérité, est maintenant utilisée comme argument pour accentuer les privatisations ! Ainsi, Ruben Mooijman, journaliste des pages économiques du quotidien De Standaard a plaidé le 10 octobre pour la privatisation complète de La Poste, de B-Cargo, de Brussels Airport, de Belgacom, de Fortis, etc. Il affirme qu’avec l’argent ainsi gagné, le budget pourrait être sauvé pour quelques années. Mais faire remarquer que, de cette manière, des dizaines de milliers d’emplois disparaîtraient et que les services deviendraient plus chers, c’est, pour lui, « une attitude syndicale dogmatique ».

    Une lutte unifiée contre toutes ces attaques sur les services publics n’est pas seulement nécessaire, elle est aussi possible. Le personnel est touché à tous les niveaux, tout comme les usagers. Il est possible de préparer un mouvement où toutes les victimes se rejoindraient dans l’action contre le démantèlement continuel de nos services et des conditions de travail. Mais, pour en arriver là, il faut une direction politique et syndicale combative. On est malheureusement loin du compte. Les actions menées à La Poste en sont encore un exemple : c’est seulement parce que la base est passée à l’action que la direction syndicale a suivi. Et aucun mot d’ordre national n’est venu.

    Défendre nos services publics ne signifie pas que nous acceptions tout dans leur fonctionnement actuel. Trop souvent, ces services sont des jouets dans les mains des partis traditionnels qui offrent à leurs amis de beaux postes bien rémunérés et génèrent une gestion inefficace. Les services publics devraient au contraire être sous le contrôle des salariés et des usagers, ceux-là même qui ont intérêt à leur bon fonctionnement. Voilà pourquoi nous revendiquons des (re)nationalisations sous le contrôle et la gestion des travailleurs.

    Les services publics ont été développés grâce à l’argent de générations de travailleurs. Le patronat et ses politiciens veulent continuer le démantèlement de nos services publics afin de les vendre. Et d’autres secteurs suivront après, notamment dans les soins de santé. Nous avons tout intérêt à arrêter ce processus. C’est pourquoi nous soutenons la résistance des postiers, des enseignants, des chauffeurs de bus,… et nous appelons à une lutte unie. Tous ensemble, nous sommes plus forts pour défendre nos emplois et nos services publics.

  • Trois modèles pour le mouvement antifasciste: notre choix est clair

    La dernière manifestation du N-SA (Nieuw Solidaristisch Alternatief – Nouvelle Alternative Solidariste) et les contre-actions face à elle ont suscité beaucoup de discussions parmi les étudiants et les organisations de gauche. Depuis les événements de mardi dernier, le 10 novembre, les différences de positions et leurs conséquences pour la lutte ont été rendues plus concrètes. Blokbuster et les Étudiants de Gauche Actifs ont, ces 18 dernières années, systématiquement lié une politique de mobilisation conséquente à la nécessité d’une réponse politique pour s’opposer à la croissance de l’extrême-droite. On ne peut structurellement combattre l’extrême-droite qu’en s’en prenant aux causes de sa croissance. Dans la gauche, si beaucoup de gens sont en théorie d’accord avec cette position, la pratique démontre qu’il existe trois modèles différents de lutte antifasciste.

    Nous pensons que ceux-ci doivent être discutés. Nos analyses des erreurs commises doivent pouvoir être ouvertement débattues pour que les nombreux antifascistes qui veulent que leur engagement ne soit pas vain puissent tirer de correctes conclusions.

    L’absentéisme – aucune mobilisation, aucun programme, aucune alternative

    Quelques semaines avant la manifestation du N-SA, toutes les organisations étudiantes de «gauche» avaient ensemble débattu de la manière de réagir, sans qu’une position commune ne puisse être dégagée. L’AK (Anarchistisch Kollektief – Collectif Anarchiste) n’était pas d’accord de mener une action explicitement non-violente tandis que Comac (le mouvement de jeunes du PTB) a affirmé ne pas vouloir mobiliser le jour de la manifestation et vouloir organiser une action «alternative». Ces derniers craignaient que leur image ne soit endommagée parce qu’il y a toujours de la violence lors de ces actions et que la répression effraye les étudiants. A l’exception de Blokbuster et des Étudiants de gauche Actifs, toutes les autres organisations ont, dans une certaine mesure, adopté la position de Comac. Nous n’avions rien attendu d’autre de la part d’Animo (le mouvement de jeunes du SP.a), de Vonk Marxistische Studenten (l’organisation de jeunes d’un groupe se réclamant du marxisme au sein du SP.a) et de Gras (Herbe, mouvement de jeunes de Groen). En ce qui concerne Comac et Rood Ugent (mouvement de jeunes du SAP, équivalent néerlandophone de la LCR), il s’agissait d’un changement de politique.

    Nous ne pouvons pas ignorer que, ces dernières années, beaucoup de manifestations antifascistes ont souffert d’une petite minorité de manifestants qui allait chercher la confrontation avec la police. EGA et Blokbuster se sont toujours prononcés ouvertement et publiquement contre ces méthodes. Tout comme beaucoup d’étudiants, nous ne pensons pas qu’il s’agit du seul résultat possible d’une manifestation. A Gand, lors de la précédente manifestation anti-NSV (l’organisation étudiante officieuse du Vlaams belang), Comac avait mené une campagne de démobilisation en cherchant à effrayer les étudiants sur les émeutes qui allaient suivre. Malgré cette image négative également colportée par les médias, 1.500 étudiants étaient présents à cette manifestation. Environ 200 personnes se sont séparés de la manifestation dès le début et sont allés à «l’aventure» en direction du NSV. Il n’était pas difficile de prédire que cette «aventure» allait conduire à des troubles et à des arrestations. Les 1.300 autres jeunes ont manifesté de façon disciplinée dans les rues de Gand et ont diffusé un message antiraciste conséquent. Nous refusons de laisser le mouvement antifasciste se faire prendre en otage par une minorité qui recherche systématiquement la confrontation.

    Dans les années ’90 toutefois, Comac, qui s’appelait alors le MML, ne répugnait pas à laisser de jeunes radicaux faire connaissance avec les matraques de la police. Nous nous rappelons encore d’un porte-parole actuel du PTB (PVDA en Flandre) qui, le mégaphone à la main, livrait les manifestations anti-NSV, comme à Louvain, droit dans les bras de la police. Les «radicaux» d’hier sont souvent les «pragmatiques» d’aujourd’hui. Ils sont ainsi récemment passés d’une politique qui maniait la pratique et les discours radicaux sans tenir compte des conséquences, des relations de forces, de la conscience,… (le gauchisme) vers une politique qui évite chaque activité qui pourrait ternir leur image (l’opportunisme). Chaque thème social qui pourrait être sensible est évité, tout comme les discussions historiques importantes.

    Dans la lutte antifasciste, leur position consiste à considérer que chaque action qui comporte un risque doit être évitée et qu’il faut dès lors rechercher de nouveaux partenaires dans la sphère non-politique ou auprès des partis traditionnels, pour ainsi soi-disant créer un large soutien pour les actions.

    Nous sommes partisans d’une large mobilisation antifasciste qui réunisse toute la gauche sur base d’un programme clair qui lie le danger de l’extrême-droite à la crise de la société et à la politique néo-libérale. Mais ces 10 dernière années, nous avons dû constater que dans l’immense majorité des cas, Blokbuster et EGA étaient les seuls à être prêts à dépenser de l’énergie et des moyens pour mobiliser des jeunes contre l’extrême-droite. Et si l’extrême-droite arrive à un certain moment à rassembler plus de monde que ce que nous pouvons le faire sur nos seules forces? Ceux qui ont dû livrer seuls le combat durant plusieurs années seront alors critiqués des salons confortables de l’absentéisme.

    Selon leur nouvelle position sur la lutte antifasciste, ils veulent mobiliser largement. La concrétisation de ce vœu ne consiste qu’à aller rechercher le soutien des fédérations étudiantes non-politiques, d’ONG, des partis traditionnels,… Ils essayent ce qui n’a jamais réussi. Car si ces organisations sont associées aux préparations de manifestations, celles-ci sont directement remise sen cause quand il est exigé qu’aucun lien ne soit fait entre l’antifascisme et la problématique sociale dont est responsable la politique actuelle. Difficile d’arriver dans ces conditions à autre chose qu’à une action symbolique moralisatrice et sans contenu… Pourquoi devons nous orienter le mouvement antifasciste vers des organisations qui n’ont pas comme pratique la mobilisation pour des luttes sociales? Par contre, toute organisation étant arrivée à la conclusion qu’il faut descendre en rue contre l’extrême-droite et contre le terreau sur lequel il se développe est plus que bienvenue.

    Une mobilisation large signifie pour nous de rassembler les étudiants dans la rue sur base d’un programme clair. Les chiffres des dernières mobilisations anti-NSV ne démentent pas nos propos: 1.500 personnes à Gand en 2008 et 1.000 à Louvain en 2009. Comac pense qu’avec une approche moins politique – en ne faisant donc pas le lien entre les problèmes sociaux, le mécontentement présent dans la société et la croissance de l’extrême-droite à défaut d’une autre alternative – on est en mesure de mobiliser plus encore. Il faut aussi, selon eux, rechercher des méthodes d’action qui devraient plus facilement attirer les étudiants. Il y a deux ans, Comac avait organisé avec d’innombrables autres organisations (jusqu’aux étudiants du CD&V, les CDS) un lâché de ballons au rectorat de l’université à la veille de la manifestation anti-NSV. Seuls 60 jeunes avaient participé à cette initiative malgré le grand nombre d’organisations signataires. Comac a de nouveau essayé quelque chose de similaire ces dernières semaines avec une action symbolique à l’hôtel de ville, avec la participation d’autres organisations de gauche, où 40 personnes étaient présentes. En comparaison des 400 jeunes présents à l’action du 10 novembre, il est facile de voir quel type d’action possède un potentiel de mobilisation.

    Le mercredi 11 novembre a été publiée une carte blanche de quelques organisations de gauche, signée notamment par Comac (le mouvement de jeunes du PVDA/PTB), Rood-Ugent (mouvement de jeunes du SAP/LCR), Vonk Marxistische Studenten, Animo (mouvement de jeunes du SP.a) et Gras (mouvement de jeunes de Groen). Celle-ci déclare: «ce que nous avons craint à l’avance est arrivé: cela a entièrement déraillé et 409 personnes ont été arrêtées. Deux policiers ont été conduits à l’hôpital. Nous plaidons donc pour une autre approche contre l’extrême-droite.»

    «Les organisations signataires soutiennent tous les jeunes qui veulent mener des actions contre l’extrême-droite. Nous sommes toutefois d’avis que la violence de rue contribue uniquement à marginaliser ce mouvement. Pour nous, la lutte contre l’extrême-droite, le racisme et le sexisme est une préoccupation et un défi pour la population étudiante au sens large. Nous sommes pour une mobilisation large et non-violente à Gand contre l’extrême-droite de tous les jeunes progressistes sur base d’une plate-forme commune signée par toutes organisations progressistes.»

    De façon frappante, ces organisations ont été très rapides, alors qu’elles n’étaient pas présentes lors des événements, pour dégager une approche commune contre les organisateurs des actions antifascistes. Nous n’avons jamais été contactés pour signer une déclaration commune. Ce qui a «entièrement déraillé» ce mardi 10, c’est en premier lieu la répression policière scandaleuse qui avait pour objectif de criminaliser le mouvement. Selon nous également, la violence de rue qui a pris place en marge de manifestations antifascistes passées conduit à la marginalisation du mouvement. L’immense majorité des manifestants est d’accord avec cela. Mais rester assis chez soi au chaud ne résoudra pas ce problème, bien au contraire. Si les partisans de la violence de rue sont proportionnellement plus importants à cause de ceux qui restent chez eux, il s’agit d’un laissez-passer donné aux forces de police pour faire tomber la répression sur tout le monde.

    Mais l’intervention de la police mardi dernier a été si exagérée que le sentiment parmi les étudiants et dans les médias se modifie, l’intervention de la police est maintenant remise en question. Si nous n’étions pas descendus en rue et avions laissé seuls les partisans de troubles, alors l’intervention policière aurait été acceptée par l’opinion publique. Félicitations, donc, à tous ceux qui se sont levés le mardi soir pour exiger de pouvoir protester.

    L’indignation intense de centaines de jeunes et de moins jeunes contre la violence de la police montre justement qu’un grand potentiel existe pour des mobilisations antifascistes quand celles-ci sont organisées sur une base conséquente et sur un programme clair.

    Le modèle de l’escalade – les «prouesses» antifascistes conduisent à la criminalisation et à la démobilisation

    Au sein des cercles anarchistes, l’idée est que la confrontation et l’escalade de violence sont les meilleures méthodes pour mener la lutte et donner de cette façon un coup de pied dans la conscience de la société. A toutes les mobilisations importantes, cela a conduit à une tactique dans laquelle une partie des manifestants est aller chercher l’aventure dans une action directe, ce qui a presque toujours conduit à une confrontation avec la police, à beaucoup d’arrestations – y compris de de personnes qui n’étaient pas impliquées dans ces actions – et à la criminalisation du mouvement entier.

    Cette fois, certains anarchistes pensaient aussi qu’une street-rave permettrait de mobiliser un plus grand nombre d’étudiants pour mettre en œuvre leur modèle de l’escalade de violence. Le fait que ces étudiants n’étaient pas au courant de leurs intentions a laissé de marbre ces anarchistes.

    Ce qui s’est produit mardi dernier n’est pas un cas isolé. Le 15 décembre 2007, quelques organisations de gauche avaient organisé une intervention dans le cadre du mouvement pour plus de pouvoir d’achat. Au cours de la manifestation, une centaine d’anarchistes ont, au début et à la fin de la manifestation, brisé des vitres et faits des graffitis. Le contenu de l’action a été complètement mis de côté dans une escalade de violence. Quelques mois plus tard, en mars 2008, 1.500 jeunes ont manifesté contre l’organisation étudiante d’extrême-droite NSV. 200 manifestants sont partis à l’aventure dans la ville, ont rapidement été bloqués par la police et ont été arrêtés. Cette fois-ci aussi, la street-rave était la dénomination officielle d’une méthode d’action qui consistait à aller chercher le N-SA, mais la présence gigantesque de la police assurait que la seule confrontation possible soit avec la police, ce qui est arrivé.

    Ce genre de méthode n’est pas utilisé que dans le cadre d’actions antifascistes. Début octobre, un groupe d’anarchistes masqués et armés de matraques ont ravagé les locaux d’une entreprise qui collabore à la construction d’un nouveau centre fermé pour réfugiés. Dans la même période, quelques endroits symboliques ont subi des dégradations, comme le Palais de Justice. Quelques dirigeants du NSV et du KVHV (extrême-droite catholique) ont aussi été attaqués la nuit. C’est cela que le NSA a utilisé pour se profiler comme opposants à la «violence gratuite». Maintenant encore, le N-SA va essayer d’accuser la gauche pour la violence qui a eu lieu et dire qu’il veut préserver la cette société des vandales et de la violence.

    Ces actions radicales, comme mardi quand les anarchistes ont voulu aller vers le secrétariat du Vlaams belang, donnent aux services de police l’excuse idéale pour recourir à la répression et arrêter au même titre tous ceux qui protestent. Les anarchistes répondent que la police agit de toute façon de la sorte. Nous pensons effectivement que les services de police ont en définitive comme tâche de protéger l’élite sociale existante contre ceux qui osent remettre le système en question. Mais on ne peut utiliser la police de la manière dont on l’a vu le 10/11 que si l’opinion publique est acquise. Mardi dernier, les bornes de ce qui est socialement accepté ont été dépassées. Et ceux qui n’avaient pas d’intentions violentes sont aujourd’hui les mieux placés pour accuser cette violence policière.

    Ce modèle de l’escalade signifie en pratique qu’un petit groupe de radicaux ne croit pas qu’une mobilisation large des jeunes et des travailleurs est possible, et donc que ce petit groupe doit mener la lutte à la place des masses. Vu leur petit nombre, ils recherchent des méthodes capables d’impliquer dans leurs actions des jeunes qui ne se doutent de rien pour pouvoir se protéger de la répression policière. La mobilisation des jeunes est en pratique un bouclier quand les choses deviennent trop chaudes.

    De façon consciente, le rendez-vous pour la street-rave était au même endroit et à la même heure que le rendez-vous non-violent de Blokbuster. Ils ont ainsi pu instrumentaliser la mobilisation de Blokbuster et des Étudiants de Gauche Actifs pour appliquer leur stratégie et profiter d’un groupe plus grand qui rendait plus difficile à la police de les attraper.

    Le résultat direct de cette stratégie est que les autorités ont réussi à criminaliser tout le mouvement. Parmi les jeunes aussi, certains se demandent à quoi cela peut bien servir de militer si cela se termine à chaque fois en troubles violents. Même quand l’immense majorité des participants ne viennent pas avec des intentions violentes, la couverture médiatique est unilatéralement consacrée aux destructions et au nombre d’arrêtés. Le modèle de l’escalade aide à stigmatiser le mouvement et conduit à l’affaiblissement de ses capacités de mobilisation.

    Blokbuster et EGA s’opposent à ces méthodes et veulent mener des actions conséquentes et disciplinées ainsi qu’engager le débat avec chaque antifasciste qui se pose des questions sur le caractère que doivent revêtir les actions antifascistes.

    Nous savons qu’au sein du mouvement anarchiste, tout le monde n’est pas d’accord avec ce modèle de confrontation. Nous les appelons donc à mener cette discussion dans leur mouvement, ce qui est beaucoup plus compliqué pour nous. Nous voulons volontiers collaborer à l’avenir avec des gens issus du mouvement anarchiste préparés à faire du travail en commun sur base de dispositions concrètes et claires.

    Nous proposons aussi aux partisans de la confrontation dans le mouvement anarchiste à choisir une prochaine fois un autre lieu et une autre heure de rendez-vous que les nôtres, pour donner ainsi à chaque organisation et à chaque jeune le loisir de choisir ouvertement avec quelle méthode il veut être associé ou pas. De cette façon, le modèle de confrontation ne serait pas imposé aux nombreux jeunes qui veulent mener des actions contre l’extrême-droite.

    Le modèle de mobilisation – notre choix. Une mobilisation conséquente et une réponse politique

    Les antifascistes ne peuvent pas laisser à l’extrême-droite l’espace de mettre en pratique leur politique. Les méthodes d’intimidation, de violence et de terreur qu’ils veulent appliquer à ceux qui ne pensent pas comme eux n’obtiennent aujourd’hui que très peu de soutien parmi la population. Mais si aucune résistance n’est organisée, l’extrême-droite obtient alors un laissez-passer pour occuper les rues.

    Nous avons déjà pu voir plusieurs fois ce que cela signifiait si la gauche laisse le jeu libre à l’extrême-droite. En 1997, à Bruges, le NJSV a réussi à créer une atmosphère de terreur et d’intimidation durant environ 6 mois dans les rues, les écoles et les cafés de jeunes. Les jeunes de gauche étaient menacés et personne n’osait encore ouvrir la bouche. La confiance en soi du NJSV n’a pas connu de limites et ils ont poursuivis les attaques physiques dans les cafés de gauche, contre les jeunes de gauche dans les écoles, contre les meetings et activités de gauche,… Une action à une station service Shell – où des jeunes voulaient protester contre le rôle de cette multinationale au Nigéria – avait ainsi été attaquée par un groupe de membre du NJSV. A l’occasion d’une réunion destinée à débattre de la façon de réagir contre cette terreur, une délégation du NJSV était même venue pour intimider les participants.

    Ce n’est que la campagne active de Blokbuster qui a permis de stopper ces méthodes fascistes en organisant un large public et de nombreux jeunes pour contre-attaquer (au sens figuré). Nous avons réussi à normaliser la situation et l’extrême-droite a de nouveau été isolée. Nous avons milité sur les marchés avec des tracts, des pétitions et des affiches, nous nous sommes rendus où dans les quartiers où ces néo-fascistes habitaient pour prévenir leurs voisins des pratiques de ce groupe, nous avons organisé les jeunes dans les écoles et les maisons de jeunes pour une résistance collective et nous avons organisé une manifestation contre la violence fasciste qui a rassemblé 600 personnes malgré la frayeur qui existait encore. Nous avons dévoilé cette violence fasciste auprès d’un large public et le NJSV a été socialement isolé, dans certains cas même leurs parents ont manifesté. Le Vlaams Belang (qui s’appelait encore le Vlaams Blok) a été forcé de se distancier de cette violence et un des coupables a été condamné à 5 ans de prisons. Plusieurs membres du NJSV de l’époque étaient présents à la manifestation du N-SA.

    Aujourd’hui, il n’existe pas de soutien dans la société pour les méthodes fascistes de violence et de terreur. Seule la mobilisation contre ces méthodes peut arrêter la terreur. Si le mouvement antifasciste n’intervient pas activement quand l’extrême-droite essaye d’occuper la rue, l’extrême-droite peut créer une ambiance de peur qui rend impossible chaque opposition de gauche contre la politique actuelle. À différents moments, le NSV, le NJSV et des groupuscules comme Odal, Vlaamse Jongeren Mechelen, Vlaamse Jongeren Gent, le N-SA et les Camarades Autonomes ont déjà essayé de mettre en pratique leur politique.

    Nous ne pouvons pas compter sur l’Etat bourgeois et son appareil pour combattre cela. La Belgique est encore aujourd’hui le paradis de la scène néonazie pour l’organisation d’actions, parce que le gouvernement n’intervient pas. Le bourgmestre Termont n’a ainsi pas ressenti le besoin d’interdire la manifestation du NSA malgré les preuves que ce groupe est anti-démocratique, haineux, négationniste et néofasciste. Ce n’est que lorsque des individus comme les membres de Blood & Honour menacent d’aller trop loin que les autorités interviennent pour sauver la face. Tomas Boutsen, qui était présent à la manifestation du N-SA, a été arrêté en 2006 avec d’autres parce qu’ils avaient organisé une cellule néonazie dans l’armée, à la caserne de Leopoldsburg. Lors d’une perquisition, on a découvert un stock d’arme gigantesque qu’il comptait utiliser pour des actions terroristes. Ces gens-là sont aujourd’hui à nouveau libres et rien n’est mis en place pour les arrêter.

    Nous pensons que le mouvement antifasciste doit partir de sa propre force et du soutien de la population contre les méthodes fascistes de violence et de terreur. Ce n’est que de cette façon que l’on peut mobiliser l’opinion publique et faire pression sur les autorité pour qu’elles bougent. Ce n’est encore que de cette façon que l’on peut faire avancer la conscience de la population qu’elle doit s’organiser dans la lutte contre l’extrême-droite, mais aussi de façon générale pour défendre leurs droits et en arracher de nouveaux.

    Ni la couverture médiatique, ni l’intervention brutale de la police ou les intimidations des fascistes ne sont pour nous des raisons suffisantes pour ne pas manifester. Mais cette lutte ne peut pas être menée sur base d’aventurisme. Le mouvement doit utiliser des méthodes qui aident à mieux mener la lutte.

    Mais des mobilisation antifascistes conséquentes ne seront pas suffisantes. C’est au terreau sur lequel peut se développer l’extrême-droite qu’il faut s’en prendre. L’extrême-droite utilise le mécontentement existant alors que leur idée est d’instaurer un système avec encore plus d’exploitation, de discrimination et moins de droits. Le racisme, le nationalisme, le sexisme sont des phénomènes qui émergent quand prolifèrent des problèmes tels que le chômage, le manque de logements abordables, la pauvreté,… Quand sans cesse plus de personnes doivent rechercher individuellement des solutions face à leur situation personnelle, il est plus facile de donner des coups de pieds vers le bas que vers le haut. Tous les partis présents au sein du parlement sont responsables de cette société. Ils sont tous partisans de la logique néo-libérale qui préconise une politique au service des grandes entreprises et des riches.

    Pour cette raison, les antiracistes et les antifascistes ne sont pas crédibles s’ils collaborent avec les partis responsables de la politique néo-libérale, et donc des raisons de la croissance de l’extrême-droite.

    Si des autorités prenaient en charge une politique de création d’emplois et de logement décents et abordables pour tous, une politique qui créerait un enseignement réellement gratuit et de qualité,… alors le racisme et les autres formes de discrimination fonderaient comme neige au soleil. Mais une telle politique doit briser la logique néo-libérale et mettre les besoins de la population au centre de ses préoccupations dans le système économique et social. Seule une opposition de gauche socialiste conséquente peut offrir une solution dans le cadre de la lutte contre l’extrême-droite. C’est pour cela que le programme du mouvement antifasciste doit être orienté dans cette direction. Ce n’est qu’alors que le mouvement peut être crédible en demandant aux jeunes et aux travailleurs de se mobiliser.

    Le déclin électoral du Vlaams Belang ne signifie pas la fin du potentiel de ce parti ou de ses prises de position. La crise économique conduit à une progression du chômage et des problèmes sociaux. Si aucune réponse de gauche n’arrive, les possibilités restent grandes pour la rhétorique de l’extrême-droite.

    Blokbuster et les Etudiants de Gauche Actifs invitent chaque antifasciste à entrer en débat avec nous sur base de ce texte. Cette discussion est essentielle pour l’avenir du mouvement antifasciste. Notre programme pour la lutte antifasciste est évident: on ne peut vaincre le racisme et le fascisme sans combattre en même temps la guerre, l’exploitation, la pauvreté,… bref, le capitalisme. Comme Malcolm X le disait: «You can’t have capitalism, without racism.»

  • Derrière le sensationnalisme des médias et la violence policière

    Comment une action antifasciste réussie a été étouffée. Leçons pour la lutte antifasciste

    Mardi soir dernier, le 10 novembre, vers 19h30, environ 400 jeunes s’étaient rassemblés à Gand, au Blandijn, afin de protester contre une marche fasciste du N-SA. Une immense majorité de ces manifestants antifascistes avaient l’intention de mener une action combative, mais non-violente. De l’autre côté de la ville, environ 80 néofascistes ont pu scander leurs slogans haineux au même moment. Mais cette soirée a toutefois surtout été marquée par la couverture médiatique avide de sensationnel et par l’intervention répressive et violente de la police gantoise.

    Photo de Indymedia.be

    Cette soirée comprend beaucoup de leçons pour ceux qui se posent la question de savoir comment fonctionne cette société et comment nous devons mener la lutte antifasciste. L’État, de façon brutale, a voulu criminaliser les actions. De leur côté, les médias n’étaient intéressés que par les images spectaculaires et par le nombre de personnes arrêtées. Pour les antifascistes, 3 visions s’opposaient concernant la stratégie à appliquer dans la lutte antifasciste: le modèle de l’escalade, celui de la mobilisation et l’absentéisme. Un autre article est spécifiquement consacré à ce sujet.

    409 étudiants, dont une bonne part se trouvait par hasard au mauvais endroit et au mauvais moment, ont été arrêtés 6 heures, de 22h à 4h. Beaucoup d’entre eux ont été blessés lors de leur arrestation brutale et/ou ont été humiliés par les policiers. Les droits de ces personnes ont été bafoués: sans possibilité d’aller aux toilettes, sans recevoir d’eau, en étant obligatoirement photographié (ce qui n’est pas légal) et en étant numérotés comme des bêtes et détenus dans des cellules beaucoup trop petites.

    Que s’est-il exactement passé?

    Vers 19h45, quelques 400 antifascistes sont partis pour une manifestation symbolique du Blandijn vers Overpoort afin de prévenir les étudiants du danger représenté par les petits groupes de néofascistes menaçant de rendre dangereux les quartiers étudiants le soir et la nuit. La grande majorité de ces jeunes a été mobilisée par la campagne Blokbuster et par les Étudiants de Gauche Actifs, même si environ la moitié d’entre eux a marché derrière chars de sono de la street-rave.

    A 20h15, l’action s’est terminée avec quelques prises de paroles et slogans tandis que les organisateurs de la street-rave ont tenu une fête dans la rue de l’Overpoort. Quand, à 21h, Blokbuster et les Étudiants de Gauche Actifs ont clôturé leur action, les organisateurs de la street-rave ont pensé qu’il valait mieux partir pour la place Sint Pieters avec leurs chars de sono. Environ 150 jeunes ont accompagné ces voitures et tout semblait tranquille et bon enfant.

    Un petit groupe d’anarchistes et de jeunes s’est séparé et s’est dirigé vers le ring. Ils ont toutefois été bloqués et impliqués dans une confrontation avec la police en civil, dont beaucoup ne se distinguaient pas vraiment des groupes de fascistes. Un certain nombre de jeunes était donc persuadé d’être attaqué par les fascistes. C’est lors de cet accrochage que deux blessés sont tombés du côté de la police. Ce groupe d’anarchistes et de jeunes est ensuite retourné en direction de la place Sint Pieters, où ils se sont mêlés à ceux qui étaient restés près des chars-sono. Entre-temps, la police avait encerclé les deux groupes et avait fermé la place Sint Pieters. A ce moment, tout ceux qui étaient là pour jeter un œil ou passaient simplement par la place par hasard ont eu beaucoup de chance s’ils ont pu éviter l’encerclement. Le nombre de personnes arrêtées est donc très élevé, avec des étudiants en route vers leur kot ou vers des amis, un groupe de scouts, un habitant du quartier de 50 ans et beaucoup d’autres étudiants qui ont brutalement été arrêtés sans aucune raison, sans même avoir participé à la street-rave. Au total, il y a eu 409 arrestations! Sans raison, ils ont été retenus la nuit au poste de police et enfermés dans des cellules trop petites pour leur nombre dans la moindre explication.

    L’encadrement policier était en dehors de toutes proportions. Le conseil communal n’a rien mis en travers de la route du NSA pour qu’il manifeste dans la ville, malgré son caractère ouvertement fasciste et violent, ce qui a déjà été démontré à plusieurs reprises. Le bourgmestre Termont et son collège portent une lourde responsabilité en ayant autorisé cette marche fasciste et Termont, en tant que chef de la police, est responsable de la violence policière.

    Criminalisation de la protestation

    L’immense répression policière a réussi à criminaliser la protestation non-violente de quelques centaines de jeunes. L’opinion publique, en suivant les médias classiques, a été consciemment manipulée. Il ne s’agit pas d’un cas isolé. Partout dans la société, quand des gens protestent ou se lèvent pour leurs droits, ils sont confrontés à l’élite économique et politique. Chaque syndicat ou organisation sociale doit faire face à un climat qui cherche à criminaliser la protestation. Les grévistes sont ainsi arrêtés aux piquets de grève et reçoivent des huissiers avec des requêtes unilatérales. Les médias et l’opinion publique sont gangrénés par une propagande mensongère pour affaiblir la protestation.

    Et maintenant?

    Les événements du 10 novembre ont suscité une grande colère parmi les étudiants et les jeunes. Les 409 personnes arrêtées vont peut-être recevoir une «Combitax», un impôt pour le «voyage» en combi de 100 euros par personne, et cela dans le cadre d’une arrestation inutilement brutale. L’administration communale pourrait donc encaisser 40.900 euros de cette façon. Ces dernières années, cette taxe a rapporté au moins 100.000 euros par an. Qui ose encore protester en risquant une amende de 100 euros? Voilà le but pervers de cette taxe.

    Parmi les Étudiants de gauche Actifs et Blokbuster, personne n’a été arrêté, parce que nous nous sommes préparés à l’éventualité d’un scénario de criminalisation. Ce n’est pas la première fois que nous avons à faire face à une tentative consciente de criminalisation politique. Dans la mesure du possible, nous essayons ainsi de ne pas offrir d’occasion. Mais même ainsi il n’est pas possible de faire quelque chose contre une intervention arbitraire de la police. Nous témoignons notre solidarité avec le nombreux manifestants qui, majoritairement plutôt que minoritairement, n’avaient rien fait sont victimes de la politique de l’administration communale et de la police.

    Blokbuster et les Étudiants de Gauche Actifs lancent un appel pour lancer une campagne contre la brutalité policière du 10 novembre et proposent les revendications suivantes pour cette campagne:

    • la suppression de toute «combitax» pour les personnes arrêtées
    • la suppression immédiate de la «combitax»
    • une enquête publique sur les agissements de la police ce 10 novembre avec la participation des organisateurs des manifestations antifascistes, des syndicats et des organisations de défense des Droits de l’Homme
    • l’indemnisation de tous les dommages, physique ou moraux, pour tous les arrêtés
    • l’interdiction de marches fascistes à Gand
    • un débat ouvert parmi les organisations antifascistes consacré au programme et à la stratégie à mettre en avant lors d’actions et de manifestations futures

    Nous organisons ce lundi 23 novembre à 19h une action de protestation non-violente au conseil communal de Gand pour porter ces revendications au collège communal.

    Blokbuster et les Etudiants de gauche Actifs appellent tous les étudiants, les témoins, les personnes arrêtées,… à venir participer à cette campagne et à venir au meeting organisé pour le jeudi 19 novembre à 19h au Blandijn. Là, un comité d’action pourra être mis sur pied, les revendications pourront être débattues et l’action au conseil communal préparée.

  • Il y a quarante ans : La séparation des Beatles

    Il y a maintenant quarante ans que les Beatles se sont séparés, après sept ans, trente albums studio, 21 singles au top du classement américain et en ayant atteint une renommée mondiale jamais encore obtenue par un groupe de musiciens issus du milieu ouvrier. Alors que le dernier sursaut de la Beatlemania s’apaise, Greg Maughan se penche sur l’intérêt durable porté à John Lennon, le membre le plus emblématique des «Fab Four».

    Greg Maughan

    La popularité des Beatles est encore très forte – la version remasterisée de leur œuvre complète est entrée récemment dans les charts en masse, avec le record de vingt albums différents dans le Top 75 au même moment. La couverture médiatique de l’anniversaire de la séparation a été énorme.

    Bien que tous les Beatles étaient des personnes de grand talent, le membre le plus emblématique était certainement John Lennon. Son travail avec les Beatles et son travail en solo (jusqu’à l’album «Double Fantasy» qui est sorti à peine un mois avant son assassinat en 1980) affiche un assaut verbal, une verve musicale et de l’expérimentation, mais surtout une empathie et une capacité à absorber et à illustrer les événements aussi bien personnel qu’internationaux.

    C’est cette tendance qu’avait Lennon à être interpellé par les événements mondiaux, combinée avec sa sympathie instinctive pour les «moins que rien», qui l’a conduit vers des questions politiques et qui le vit, pendant une période au moins, se décrire comme un socialiste. C’est un aspect des Beatles qui n’a jamais été abordé dans aucun des grands médias lors de la couverture de leur 40e anniversaire. La contradiction principale est qu’en même temps d’être un groupe commercial, dont l’image a orné d’innombrables marchandises et a été commercialisée agressivement, les expériences personnelles des Beatles et les évènements mondiaux les ont poussé, et plus particulièrement Lennon, hors de cette réalité.

    Né en 1940, Lennon est élevé par sa tante Mimi dans un cadre confortable. Loin d’être riche, Lennon est tout de même certainement le «plus chic» des Beatles. Il est, lors de son enfance et de son adolescence, un crâneur et recherche sans cesse l’attention, ce qui peut s’expliquer dans une certaine mesure par l’abandon de ses parents.

    Dans un certain sens, la montée fulgurante de la popularité des Beatles nourrit son ego, mais Lennon se sent de plus en plus étouffé par sa renommée. L’énorme controverse aux États-Unis, en particulier autour de sa déclaration selon laquelle les Beatles sont «plus célèbres que Jésus» est un bon exemple de cela. L’image de marque que le manager des Beatles, Brian Epstein, tient à entretenir signifie qu’une pression énorme est mise sur Lennon pour éviter les controverses, et la réaction brutale contre ces commentaires semble renforcer cela.

    Mais à cette époque, le mouvement contre la guerre du Vietnam se développe et Lennon, de plus en plus influencé par la «scène Hippy» et les idéaux pacifistes, sent qu’il doit utiliser sa position. Ray Coleman en parle dans sa biographie «Lennon»: «Lennon voulait condamner publiquement l’agression américaine au Vietnam à l’apogée de la gloire des Beatles. Epstein l’a averti de ne pas le faire, et John, qui à ce moment là ne voulait pas voir dégringoler la Beatlemania, s’est rétracté et s’est rangé derrière la ligne d’Epstein. Ça a été une pilule amère à avaler».

    Mais Lennon ne peut se contenir qu’un moment comme il l’explique dans un entretien ultérieur avec le journal de gauche Red Mole: «Il est arrivé un moment où George et moi nous disions «quand ils demandent la prochaine fois, on va dire que nous n’aimons pas la guerre et nous pensons qu’ils doivent en sortir». C’est ce que nous avons fait. À l’époque, c’était une chose assez radicale, surtout pour les «Fab Four». C’était la première occasion que j’ai eu d’agiter un peu le drapeau».

    Bien que Lennon continue à avoir des convictions anti-guerre et pacifistes, l’effet de la scène psychédélique alimentée par la drogue dont il prend part le pousse vers des réponses individualistes, idéalistes et même religieuses aux questions qu’il se pose. Elles sont à la fois de nature politique, sur la souffrance des masses dans le monde néo-colonial en particulier, mais aussi personnelles, sur la nature éphémère de sa gloire extrême notamment.

    En 1968, les Beatles participent à une retraite spirituelle en Inde organisée par le Maharishi Yogi. A cette époque, ils écrivent beaucoup de chansons qui vont composer l’album Blanc. L’expérience que Lennon a vécu la-bas l’amène à perdre confiance en un grand nombre des idées spirituelles qu’il entretient. Cela est résumé dans la chanson «Sexy Sadi », qui est un dénigrement sarcastique du Maharishi. Cette retraite coïncide également avec les événements historiques de Mai 1968 en France, durant lesquels la plus grande grève générale de l’histoire se déroule. Étant un avide lecteur de journaux, Lennon suit ces événements de loin et est poussé à se poser des questions pertinentes sur la manière dont la société peut être modifiée et quel type de société nous pourrions avoir à la place.

    Sa réponse ambigüe à ces questions se retrouve dans la chanson «Revolution», dont deux versions différentes existent. Les idéaux pacifistes de John Lennon suscite sa crainte que les appels à la révolution puissent alimenter une oppression violente de l’Etat et dans la première version parue de la chanson figure «You can count me out.» (« Tu ne peux pas compter sur moi »). Toutefois, dans la version figurant sur l’album blanc, les paroles disent « You can count me out… in» (« Tu ne peux pas compter sur moi… Tu peux ! »). C’est un grand pas pour Lennon, qui passe d’un désir de changer le monde centré sur l’idéalisme et le changement individuel – «faire la révolution dans l’esprit» – à regarder vers des mouvements de masse et de lutte collective.

    A partir de là, Lennon et sa compagne Yoko Ono deviennent plus impliqués dans le mouvement de protestation, conscients de la manière dont leur situation et leur profil peuvent être utilisés pour inspirer la lutte. Le «bed-in» de protestation, par exemple, bien que excentrique et un peu naïf, est sincèrement motivé.

    L’éclatement des Beatles en 1969 coïncide avec une désillusion croissante envers les idéaux hippies et un désir de changement réel. Lennon résume cela lui-même: «Bien sûr, il y a beaucoup de gens qui se promènent avec les cheveux longs maintenant et quelques enfants de la classe moyenne qui portent des jolis vêtements. Mais rien n’a changé sauf que nous sommes déguisés en laissant les même salauds diriger tout».

    La période de 1970-1973 est probablement la période musicale de Lennon la plus ouvertement politique. Lyriquement et rythmiquement, il est influencé par les chants et les slogans entendus lors de manifestations. Il compose certaines chansons dans le but explicite de les voir utilisées par les travailleurs et les jeunes en lutte. «Power To The People» en est un excellent exemple: «Dites que nous voulons une révolution / Nous devrions la faire tout de suite / Et bien nous défilerons dans la rue en chantant / Le pouvoir au peuple».

    Il est certain que d’autres musiciens ont résumé plus efficacement la vie de la classe ouvrière dans leurs chansons et ont exprimé le besoin de changement de manière plus subtile. Mais l’aspiration de John Lennon d’aider à pousser en avant les mouvements de masse et les slogans de certaines de ses chansons de cette période provenait d’un engagement envers l’idée de lutte et d’un questionnement personnel sur la façon dont il pouvait s’y engager, ce qui devrait être respecté.

    Il exprime également ce soutien financièrement, comme Roy Coleman l’explique: «Les troubles civils en Irlande du Nord ont dégénéré en guerre civile. L’administration Nixon a nié sa responsabilité quant au meurtre de quatre étudiants de la Kent State University lors d’une manifestation en 1970. Les Lennon devenaient de plus en plus actifs dans la politique radicale. Ils ont donné de l’argent à la «Black house» de Malcolm X («Armée de libération noire»), ont enregistré un single, «Do the Oz», pour les accusés du procès infâme «Schoolkids Oz»».

    La société alternative à laquelle il aspire, et qu’à l’époque il voit comme le socialisme, est résumée dans la chanson «Imagine». La popularité persistante de ce titre témoigne de l’écho que ces idées ont parmi les gens.

    Par la suite, John Lennon déménage aux États-Unis. Il poursuit son implication en politique, en chantant à des concerts de bienfaisance organisés par le mouvement syndical américain, en enregistrement des chansons, et en recueillant des fonds pour les mouvements de droits civils irlandais et en continuant son implication dans la politique anti-guerre .

    Lennon prévoit une tournée américaine de 33 dates dans la perspective de l’élection de 1972, dans le cadre d’une campagne visant à chasser Nixon de la Maison Blanche. Toutefois, craignant l’effet que cela peut avoir, l’administration Nixon met sur écoute le téléphone de John Lennon, le place sous la surveillance du FBI et enclenche des procédures d’expulsion.

    Épuisé de la lutte contre son expulsion, les plans pour la tournée sont abandonnés et Lennon est désillusionné après la réelection de Nixon. A cause de la combinaison de la fatigue due à la lutte contre l’expulsion et l’éloignement de la classe ouvrière organisée du mouvement radical américain, Lennon devient de moins en moins actif politiquement.

    Mais les idéaux que Lennon chérit lors de cette période restent ancrés en lui jusqu’à sa mort. La question centrale qui lui fait face est de savoir comment concilier sa position dans la société et sa renommée avec l’idée de lutte de masse. Près de trente ans après sa mort et quarante ans après la séparation du groupe qui a provoqué sa gloire, nous pouvons encore profiter d’un corpus d’œuvres musicales, sans pareil, qui sont inspirées par les mêmes luttes qui l’ont inspiré, et qui ont aidé à bâtir un mouvement qui peut effectivement amener le changement dans la société vers lequel il se tourna.

  • Afghanistan: Un bourbier incontournable – la nomination de Karzaï ne fera qu’accroître la crise

    La crise politique afghane est entrée dans une nouvelle phase avec la nomination directe du complètement discrédité Hamid Karzai comme président du pays, après le retrait de son principal rival Abdullah Abdullah. Le niveau de violence qui ravage le pays a également atteint de nouveaux sommets. Le 28 octobre, six employés des Nations Unies ont été tués et neuf blessés dans un attentat à Kaboul, la plus meurtrière attaque contre l’ONU en Afghanistan depuis la chute des talibans. Cet évènement est symptomatique de la dégradation de la situation générale dans le pays. Pour l’impérialisme américain et britannique, la possibilité d’une sortie facile d’Afghanistan est de plus en plus douteuse, ce qui suscite une inquiétude croissante et la division parmi les establishments politiques et militaires dans ces pays.

    Par Cédric Gérôme

    La position de plus en plus impossible de l’impérialisme en Afghanistan, avec une exacerbation des conflits au Pakistan et la nouvelle vague de violences frappant l’Irak, ont émergé comme de grosses épines dans les pieds de l’impérialisme américain, conduisant à de grands dilemmes pour Obama et les stratèges américains. Ces développements mettent toute la région au bord de d’avantage d’instabilité, de nouvelles explosions de violence, de la multiplication des conflits ethniques et des souffrances sans fin pour les masses. Seule la classe ouvrière et les pauvres, armés d’un programme socialiste, pourraient mettre un terme à l’enlisement actuel.

    Abdullah Abdullah, le principal adversaire d’Hamid Karzai pour l’élection présidentielle afghane, a annoncé qu’il se retirait du second tour de l’élection, qui était prévu pour le 7 Novembre, soi-disant parce que toutes les conditions qu’il avait fixées pour la réforme de la dite Commission électorale «indépendante» (CEI) d’Afghanistan avait été rejetées. Cette décision a été suivie lundi par l’annonce, par cette même commission, de la nomination directe de Karzaï à la présidence de l’Afghanistan. Une des raisons officielles donnée par la CEI au sujet de cette décision était que "la présence d’un candidat unique pour le vote aurait posé de sérieuses questions quant à la légitimité de la présidence". Comment la nomination directe d’un candidat, sans être titulaire d’un nouveau vote, sera plus «légitime», c’est loin d’être clair. Ce processus électoral, en termes de «légitimité», a été un échec flagrant pour l’impérialisme, du début à la fin. 

    L’impasse à laquelle fait face l’impérialisme en Afghanistan va de pair avec un rejet croissant de cette guerre parmi les travailleurs et la jeunesse internationale. D’autre part, l’administration Obama se prépare à une éventuelle nouvelle escalade militaire sur le terrain. Par conséquent, le gouvernement américain et ses homologues impérialistes voulaient se servir de ces élections afin de donner l’idée que la démocratie progresse dans le pays, et de légitimer leur régime fantoche. Toutefois, il se peut que donner un masque démocratique à un régime très corrompu et discrédité – et à un soi-disant «État» s’appuyant sur les seigneurs de guerre, les fondamentalistes et les barons du commerce de l’opium – soit une tâche un peu trop ambitieuse. La manière dont le processus électoral s’est déroulé, ainsi que son résultat, ajouté à de nouveaux scandales, comme la récente découverte au sujet du paiement régulier de la CIA au le frère du président afghan Ahmed Wali Karzai, est un coup grave à l’autorité de l’impérialisme.

    Avant même que les élections aient eu lieu, il était déjà clair que ce processus électoral serait loin d’être «impartial» et «démocratique», en particulier dans un contexte de violence généralisée, d’intimidation et d’occupation militaire étrangère. Le jour de l’élection-même était «l’une des journées les plus violentes à laquelle on ait assisté en Afghanistan au cours des huit dernières années", selon Human Rights Watch. Le climat général de violence et l’absence d’alternative politique sérieuse pour les principaux candidats (le principal adversaire de Karzai, Abdullah Abdullah, a été un ancien ministre dans le gouvernement Karzaï et est lié à ce régime pourri) a entraîné un extrêmement faible taux de participation (38 % selon les chiffres officiels). Dans certaines régions et villages, presque personne ne s’est rendu aux urnes. Les premiers résultats indiquaient une victoire solide pour Karzaï, avec 54,6% des voix, et 27,8% pour Abdullah. La campagne d’Hamid Karzai (de la communauté majoritaire pachtoune, forte au Sud et à l’Est de l’Afghanistan, où les talibans ont une présence importante) était basée sur des accords avec les différents seigneurs de guerre régionaux et les chefs tribaux de minorités non-pachtounes qui sont dominantes dans le Nord et l’Ouest du pays , comme chef de guerre ouzbek Rashid Dostum, le Tadjik Qasim Fahim ou le chiite Hazara, Karim Khalili, tous connus pour leur legs de massacres, de trafic de drogue, de criminalité et d’extorsion.

    En outre, la fraude massive s’est rapidement révélée être au centre de la victoire de M. Karzaï. Le 30 Septembre, Peter Galbraith, le haut responsable américain de la mission de l’ONU en Afghanistan, a été limogé, après avoir refusé de prendre part à une opération de dissimulation de la fraude. Cette affaire est symptomatique des divisions croissantes entre la classe dirigeante sur la façon de traiter ce que tout le monde savait: il s’agit une pure mascarade électorale. Jour après jour, l’évidence croissante des fraudes a été révélée (il y a eu de nombreux rapports de «sites de scrutin fantômes», qui n’ont jamais ouvert mais où des milliers de votes ont été enregistrés), exerçant une pression de plus en plus forte sur les épaules de la «communauté internationale» pour se distancier de leurs constats enthousiastes et de leurs félicitations antérieurs. L’impérialisme américain a commencé à exercer une pression intense sur Karzai pour aller vers un deuxième tour de scrutin, que le président afghan a finalement accepté. Le renoncement d’Abdullah Abdullah du fonctionnement prévu a alors changé la situation. Abdullah était sans doute prêt à fermer les yeux sur certaines «irrégularités» en échange d’un accord politique, en lui donnant une certaine influence au sein du cabinet. Mais dans l’incapacité de parvenir à un accord, on l’a vu jouer la carte de «l’intégrité», malgré le fait que près de 300.000 votes pour Abdallah avait été découvert «frauduleux» après le premier tour également.

    Même sans la démission d’Abdullah, si le second scrutin avait eu lieu, le taux de participation aurait été bien pire que le premier tour. Les talibans avaient annoncé qu’ils feraient tout leur possible pour saboter le scrutin. Un second tour aurait très probablement été de nouveau dominé par la violence, la fraude et l’abstention massive. Quelle que soit la solution retenue pour résoudre la crise, les rares vestiges de crédibilité concernant le processus ont déjà été brûlés. Dans ces conditions, les impérialismes américain et britannique ont finalement choisi la voie la plus rapide et la plus facile pour en finir avec cette farce en faisant pression pour la nomination de Karzaï en tant que nouveau président. Mais cela ne changera rien. Le récent communiqué publié par les talibans n’a certainement pas tort quand il affirme que, «il est surprenant de constater qu’il y a deux semaines, la marionnette-président Hamid Karzai a été découvert dans une fraude électorale", mais qu’«il est maintenant élus sur la base des mêmes élections frauduleuse avec les félicitations de Washington et de Londres."

    Ces élections, plutôt que de donner une quelconque crédibilité aux institutions politiques afghanes, ont uniquement réussi à déclencher la colère et la méfiance contre le régime afghan et la complicité flagrante de l’impérialisme et de l’ONU pour tenter de dissimuler ses manœuvres. Un président dont l’autorité en dehors de Kaboul n’est obtenue que grâce à une alliance instable avec les seigneurs de guerre, combinée à un rejet énorme de la guerre dans leur propre pays, est désormais le contexte politique que doivent affronter les gouvernements impérialistes, en plus d’une augmentation de la violence des talibans.

    Perdre la guerre à la maison

    La guerre en Afghanistan commence à être exposée comme impossible à gagner, un impopulaire tas d’atrocités de l’armée américaine et la coalition de l’OTAN. L’ONU a rapporté récemment que le nombre de morts civils afghans est de près de 1.500 pour cette seule année, tandis que septembre et octobre sont les mois les plus meurtriers pour les troupes de l’OTAN depuis l’invasion du pays en 2001. Le nombre croissant de morts au cours des derniers mois a contribué à rompre de façon décisive le soutien public à la guerre, en particulier en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Selon un nouveau sondage publié par Channel 4 News à la fin octobre, 48% des Britanniques interrogés pensaient troupes ne gagnaient pas la guerre et que la victoire en Afghanistan "est impossible", soit une énorme augmentation, comparativement à 36% en août 2007. Le même sondage révèle que 62% souhaitaient que les troupes se retirent d’Afghanistan "immédiatement ou dans un an». Aux États-Unis, à la fin du mois d’août, un sondage CNN a montré que seulement 41% du peuple américain justifie la guerre en Afghanistan. Au Canada, en France, en Italie, en Allemagne, et dans tous les pays ayant des troupes en Afghanistan, la majorité des gens sont aussi fortement favorable au retrait.

    Ce sentiment se répand de plus en plus dans l’armée elle-même. Joe Glenton, un soldat britannique menacé d’être emprisonné deux ans pour avoir refusé de retourner se battre en Afghanistan, participe à des manifestations et des rassemblements contre la guerre appelant à un retrait complet des troupes. Il a récemment expliqué que, lors du retour à la caserne près d’Oxford, il craignait une réaction hostile de ses collègues. Au lieu de cela, il a été applaudi par ses collègues. «Il y avait des poignées de main et beaucoup de petites tapes dans le dos. Quelqu’un a dit que je disais ce que chacun pense." De manière significative, le moral des troupes sur le terrain est à son point le plus bas depuis le début de la guerre, et la désillusion se propage rapidement dans les rang des simples soldats. Des informations font état de tentatives de suicide, d’anxiété et de dépression, avec des explosions de colère contre les agents, etc. La mission actuelle en Afghanistan est considérée comme l’une des principales causes de la forte augmentation du nombre de suicides dans l’armée américaine. L’an dernier, 128 soldats se sont suicidés, contre 115 en 2007. Toutefois, le taux de suicide de cette année est déjà sur le point de dépasser ce nombre. "Beaucoup de soldats ont un sentiment de futilité et sont en colère d’être ici. Ils sont vraiment dans un état de dépression et de désespoir, et veulent juste revenir à leurs familles», a été l’observation d’un capitaine d’artillerie britannique dans The Times. Dans le même article, un sergent de Détroit de 37 ans, auquel on a demandé si la mission en valait la peine, répondit: «Si je savais exactement ce que la mission était, sans doute, mais je ne le sais pas. Les seuls soldats qui pensaient que ça allait marcher sont dans un bureau et non sur le terrain. Le pays tout entier part en couille.»

    En effet, tant que les forces impérialistes étrangère, les chefs tribaux, les seigneurs de guerre et les forces réactionnaires comme les talibans contrôlent la région et luttent pour l’influence, ce sentiment est fondamentalement juste! Tous les arguments futiles utilisés pour justifier la guerre et l’occupation par les gouvernements américain et britannique ont été réduits en poussière. Cette guerre n’atteint absolument rien en termes de retour des droits démocratiques au peuple afghan. Ceci est illustré de manière dramatique par l’aggravation de la situation concernant les droits des femmes. Récemment, M. Karzaï a approuvé une loi dégoûtante et ultra-réactionnaire pour la communauté chiite d’Afghanistan, privant les femmes de la garde de leurs enfants, les obligeant à demander à leur mari le droit de travailler, et permettant à un homme de refuser de donner à manger à son épouse si elle refuse ses demandes sexuelles. La Mission d’Assistance des Nations Unies estime qu’en Afghanistan 87% des femmes sont analphabètes, que 30% seulement des filles ont accès à l’éducation, qu’une femme sur trois subit des violences physiques, psychologiques ou sexuelles, et que 70-80% des jeunes femmes afghanes sont forcées de se marier.

    Récemment, un officier d’infanterie pakistanais, commentant la guerre en Afghanistan, faisait remarquer: «L’origine de l’insurrection n’est pas la religion mais la pauvreté». Selon lui, une solution peut être trouvée sans <i<«identifier les moyens d’améliorer les conditions des Pakistanais, Afghans, et des peuples d’Asie centrale dont les dirigeants corrompus volent fréquemment tout ce qui se trouve à leur portée.»</i> En effet, la pauvreté abjecte à laquelle fait face la majorité du peuple afghan contraste avec le style de vie riche de l’élite économique et politique afghane corrompue. En outre, le nombre de réfugiés fuyant le pays a atteint des proportions gigantesques atteignant les quatre millions selon les dernières estimations. L’Afghanistan est devenu le plus grand producteur et distributeur d’opium sur la planète finançant, entre autres choses, l’insurrection des talibans.

    Gagner les cœurs et les esprits?

    L’hostilité croissante à la guerre en Afghanistan internationalement est accompagnée par une hostilité croissante du peuple afghan lui-même en direction des troupes d’occupation occidentales dans le pays. Le journal français "Le Monde" a déclaré récemment que «le contexte de l’évolution des troupes françaises dans l’Est de l’Afghanistan est un contexte d’hostilité franche de la population locale. La conclusion de ce rejet est établi depuis plusieurs mois par les autorités françaises, mais a tendance à être masqué par les hommes politiques à Paris, conscient des doutes croissants de l’opinion publique quant à l’implication militaire en Afghanistan.» Ce sentiment de haine contre l’occupation étrangère a été récemment illustré par des protestations contre les troupes américaines initiées par les étudiants de Kaboul. Des centaines de manifestants ont affronté pendant deux jours la police afghane dans la capitale, brûlant le drapeau américain et des effigies du président Obama.

    En l’absence d’une véritable alternative, cette opposition profonde à l’occupation a servi à alimenter la base de recrutement pour les talibans, à attirer une infinité de recrues. L’insurrection des talibans n’est pas un mouvement unifié et national avec un commandement centralisé, mais elle est divisée en différents groupes armés. Les recherches menées par le Conseil international sur la sécurité et le développement (CISO) donnent des indications intéressantes sur l’influence de ces groupes: il est dit que 80% de l’Afghanistan dispose maintenant d’une «présence permanente talibans» et que 97% du pays comporte «un activité substantielle des talibans.» Mais une nouvelle caractéristique se développant les derniers mois a été que leur influence, jusqu’à récemment essentiellement limitée au Sud et Est de l’Afghanistan, se répand vers le Nord du pays ainsi que, dans des domaines traditionnellement considérés comme plus «sûrs», comme la province de Kunduz. Ces faits suffisent à eux seuls à montrer l’échec total et la défaite militaire en cours des forces impérialistes.

    Le Financial Times a récemment souligné: «Depuis que les grandes opérations militaires de l’OTAN en Afghanistan ont commencées en 2006, le soutien à l’insurrection a connu une croissance.» Ce genre de déclaration venant d’un des porte-parole les plus influents du capitalisme reflète les divisions croissantes en développement dans la classe dirigeante sur les débats au sujet d’un éventuel déploiement de nouvelles forces militaires et sur comment sortir de ce bourbier sans porter atteinte au prestige et aux intérêts des impérialismes américain et britannique. Certains stratèges soulignent maintenant la nécessité de faire pression pour davantage de «dialogue» et pour des accords avec des parties des talibans, en les finançant ou en les intégrant dans l’appareil d’Etat. Mais cela ne pourrait jeter que les bases d’autres problèmes. La catastrophe croissante de l’impérialisme en Afghanistan a conduit la majorité des stratèges des grandes entreprises et les journalistes à atténuer les «buts» initiaux de l’occupation, et aller vers des objectifs minimaux. «La lutte pour la démocratie» est devenue «Nous n’avons pas à créer une démocratie à la Jefferson» (Los Angeles Times, 10/05/2009) ou "Oublier le nation-building (la construction d’une nation)" (The Guardian, 10/05/2009) tandis que la «lutte contre les Talibans et pour protéger la population afghane» a été transformé en «Les forces de l’OTAN ne peuvent espérer assurer l’ensemble de l’Afghanistan. L’objectif de l’International Security Assistance Force de protéger la population est irréalisable dans sa totalité » (Mehar Omar Khan, cité dans le Financial Times, 10/28/2009) 

    Tous ces débats ont également révélé des fractures dans la soi-disant «unité» de l’OTAN et de la coalition, chaque État ayant ses propres objectifs en termes d’intérêts stratégiques à l’étranger, ainsi qu’en termes de soutien public en baisse pour la guerre à la maison. S’exprimant au sujet des coûts britanniques de la guerre en Afghanistan, un haut fonctionnaire de Whitehall, a déclaré: «Les coûts de la guerre ont augmenté à plus de 3 milliards de £ (3,35 milliards d’euros) par an. Pourtant, un déploiement comme celui-ci intervient à un moment de véritable pression sur les dépenses publiques. La Grande-Bretagne a un déficit de 195 milliards d’€ cette année. L’idée qu’il existe une limite à ce que nous pouvons consacrer à cette campagne n’est pas quelque chose qui devrait choquer les gens.» Ce qui «choque les gens» n’est évidemment pas les limites du budget de la guerre, mais, au contraire, les sommes d’argent impensables utilisées pour cette guerre alors que les services publics et les emplois sont menacés, sous le couvert d’un soi-disant manque d’argent.

    Le Premier ministre britannique Gordon Brown a récemment accepté d’envoyer 500 soldats supplémentaires en Afghanistan, ajouté aux 9.000 soldats déjà présents sur le terrain. Le gouvernement espagnol a pris une décision analogue, l’envoi de 220 soldats supplémentaires, portant leur total à environ 1000. Aux États-Unis, un intense débat sur l’envoi de plusieurs milliers d’autres troupes, alors qu’un total de 68.000 sont déjà sur le terrain. Barack Obama a été mis sous une pression croissante, d’un côté, des responsables militaires et une section de l’establishment politique appelant à davantage de troupes – le Général Mc Chrystal a parlé d’un montant supplémentaire de 40.000 -, et de l’autre côté par l’impopularité de la guerre au niveau interne. En effet, la décision d’envoyer davantage de soldats pourrait alimenter le mécontentement contre l’administration Obama et jeter les bases d’un renouvellement du mouvement anti-guerre aux États-Unis. Le 5 octobre, un sondage a montré que seulement 26% des Américains pensent que plus de troupes américaines doivent être déployées. Une crise politique dans le Parti Démocrate pourrait également se développer, comme certains dirigeants démocrates se sont prononcés contre l’envoi de troupes supplémentaires, en disant qu’il n’y a pas de soutien public pour une telle initiative et que l’armée afghane doit prendre une plus grande part du fardeau. La stratégie proposée, d’une «afghanisation» des forces de sécurité, par le recrutement et la formation de policiers afghans et de l’armée, a subi un grand coup avec le récent meurtre de cinq soldats britanniques par un «voyous» policier afghan dans le sud de la province de Helmand, le mardi 3 novembre. Cela donne une nouvelle indication de la confusion totale face à l’impérialisme en Afghanistan. Dans ce contexte, nous allons voir une augmentation des postures opportunistes contre la guerre par des politiciens de l’establishment dans la prochaine période. Mercredi, l’ancien ministre travailliste britannique des Affaires étrangères, Kim Howells, a appelé à un retrait des troupes britanniques d’Afghanistan. Il ne s’agit en aucune sorte d’une constante opposition à la guerre, puisque Howells a été un fervent partisan de la guerre, pendant son temps en tant que ministre des Affaires étrangères, entre 2005 et 2008.

    La pression de l’opposition à la guerre contre Obama a été illustrée par sa première participation, le jeudi 29 Octobre dernier, lors d’une cérémonie de rapatriement des corps des soldats américains tués en Afghanistan. Mais les larmes de crocodiles des politiciens ne seront pas en mesure d’inverser le mécontentement croissant en ce qui concerne l’envoi de jeunes, pour la plupart pauvres et issus de la classe ouvrière, afin de mourir dans une guerre impossible à gagner pour le prestige et les profits de l’élite. Un colonel britannique responsable du recrutement de l’armée a reconnu dans le Guardian: «La récession a eu un grand impact sur le nombre de gens qui se présentent." Avec l’augmentation spectaculaire du chômage provoquée par la récession; pour les gouvernements américain et britannique, la «génération perdue» de jeunes de la récession sont considérés comme des candidats parfaits pour perdre leur vie sur le champ de bataille.

    Quelle voie suivre?

    L’intervention impérialiste en Afghanistan a créé un gâchis irrémédiable. L’occupation, soi-disant pour «la démocratie, la paix et la justice», a seulement réussi à apporter une misère croissante, les massacres de civils, en accroissant l’influence de l’extrémisme religieux et les attaques à l’explosif, et, last but not least, l’exportation du conflit au Pakistan, avec des résultats désastreux en conséquence pour le peuple de ce pays aussi. L’occupation ne fait qu’aggraver le chaos, et mènera à de nouveaux conflits, pour la puissance et l’influence, entre les seigneurs de guerre qui ont été considérablement renforcés.

    L’impérialisme américain est directement responsable de la dévastation du pays. En outre, le monstre qu’ils combattent à l’heure actuelle est leur propre création. De concert avec leurs partenaires pakistanais et l’Arabie, l’impérialisme américain a délibérément encouragé et financé les fondamentalistes talibans et religieux dans le passé. Cette stratégie a été particulièrement utile pour lutter contre les "communistes" dans les années ’80. Mais depuis lors, ils ont perdu le contrôle de leur propre monstre. L’idée selon laquelle ils peuvent désormais résoudre le problème qu’ils ont créé eux-mêmes est une illusion complète.

    Le coût de cette guerre a atteint une moyenne de 3,5 milliards de dollars par mois. Toutefois, une attention financière similaire n’a pas été portée à la lutte pour la survie qui caractérise la vie de tous les jours de la majorité des personnes vivant dans ce pays. Cet argent, investi dans la destruction, pourrait à la place être utilisé pour construire des milliers d’écoles et des hôpitaux, pour offrir une vie décente, avec des emplois et des logements pour tous. Cela serait un moyen beaucoup plus efficace pour lutter contre les talibans que de tonnes de bombes et des milliers d’hélicoptères, des avions et des soldats. Mais ce genre de plan ne correspond pas aux intérêts de l’impérialisme, cherchant uniquement un moyen de maintenir et d’étendre son influence dans la région pour des intérêts économiques.

    Une augmentation des troupes n’apportera aucune solution à la situation actuelle, mais que préparer le terrain pour de nouvelles catastrophes et d’explosions de violence. La frustration et le désespoir parmi les populations pauvres et ordinaires, causés par l’occupation et la pauvreté, à l’absence d’une alternative socialiste authentique, alimente les rangs de l’intégrisme religieux. En l’absence mouvement de masse organisé démocratique de la classe ouvrière et des pauvres, la propagation de la colère parmi la population pourrait être utilisé par les talibans, les chefs tribaux, les seigneurs de guerre et autres forces réactionnaires qui cherchent uniquement à servir leurs propres intérêts et n’ont absolument aucune alternative à offrir aux régimes actuels. Ce qu’il faut, c’est une lutte commune des masses ouvrières et pauvres pour assurer leur propre sécurité et pour améliorer leurs conditions de vie.

    Cela doit être lié à la transformation de la société selon des principes socialistes. En effet, plus que jamais, la situation en Afghanistan présente un choix entre le socialisme et la barbarie. L’unique façon du capitalisme pour résoudre les problèmes est d’en créer de nouveaux, au détriment de la vie des millions de personnes. La seule façon viable d’avancer est de construire un mouvement de masse dans la région afin de se débarrasser de l’élite corrompue et leurs bailleurs de fonds internationaux des grandes entreprises. Cette lutte doit être fondée sur un programme qui défend le droit à l’autodétermination pour les différentes minorités nationales et ethniques, et qui fait appel à la solidarité internationale du mouvement ouvrier. Ceci doit être pris en charge par la construction d’un puissant mouvement contre la guerre dans le monde entier et des partis ouvriers fort, défendant une alternative socialiste internationale contre la misère de la guerre et du capitalisme.

    Nous exigeons:

    • Les troupes hors d’Afghanistan dès maintenant! Halte au massacre des civils; laissez le peuple afghan décider de son avenir!
    • Aucun soutien pour le régime corrompu et antidémocratique de M. Karzaï; Pour une lutte de masse pour éliminer les régimes réactionnaires en Asie et au Moyen-Orient!
    • Pour de véritables droits démocratiques; arrêtez les attaques contre les droits des femmes!
    • Pour la construction d’organisations indépendantes et démocratiques des travailleurs et des pauvres; pour des forces de défense ouvrières démocratiquement organisées et multi-ethniques!
    • Pour un programme massif de reconstruction en Afghanistan, sous le contrôle démocratique des masses, pour la propriété publique du gaz, du pétrole, et d’autres industries clés et des ressources!
    • Pour la constitution d’un gouvernement ouvrier et paysan sur un programme socialiste et démocratique, dans le cadre d’une fédération socialiste de l’Asie du Sud incluant le Pakistan.
    • Construisons un mouvement de masse contre la guerre! Ne payons pas pour la crise du capitalisme! Dépensons de l’argent pour les emplois et les services publics, et non pour la guerre et des armes!
    • Pour un monde socialiste, exempt de terreur, d’exploitation et de guerre!
  • Manifestation antiraciste réussie à Gand

    Ce mardi soir, une manifestation antifasciste s’est déroulée à Gand pour protester contre une marche de l’extrême-droite. Les néonazis du N-SA avaient mobilisé 80 personnes de belgique, mais aussi d’ailleurs. Notre campagne antifasciste Blokbuster et les Étudiants de Gauche Actifs avaient amené 250 jeunes dans les rues. A la suite de cette manifestation, les anarchistes avaient organisé une street-rave. Notre manifestation s’est déroulée sans problème.

    >Reportage-photos

    Blokbuster avait décidé de ne pas laisser les rues de Gand aux néonazis du NSA et nous avons donc appelé à une manifestation antifasciste dans les quartiers qui a démarré du Blandijn pour se diriger vers l’Overpoort. Les slogans contre l’extrême-droite ont fusé de ce cortège très dynamique, essentiellement composé de jeunes gantois, mais avec également quelques délégations issues d’autres villes. Les quelques 250 personnes présentes ont assuré la tenue d’une manifestation politique et combative. Derrière cette manifestation suivait une street-rave des anarchistes.

    La manifestation a été relativement courte et dissoute à Overpoort. Là, la plupart des manifestants sont rentrés chez eux. Les anarchistes sont restés plus tard le soir avec un petit groupe qui a été stoppé par la police à la place Sint-Pieters et tous ont été arrêtés dont beaucoup de passants qui n’avaient rien à voir avec cela. Selon les sites d’information, 409 personnes ont été arrêtées, soit bien plus que le nombre de manifestants qui restait alors. Un rapport plus long abordera bientôt cette question.

    La manifestation de l’extrême-droite a eu une participation limitée: 80 personnes étaient présentes, de différents organisations. Le KVHV-Gand (extrême-droite catholique) était aux côtés des «camarades autonomes» d’Anvers ou de représentants du groupuscule francophone Nation. Mais ils n’ont ensemble réussi à mobilisé que 80 personnes. Parmi elles, une était particulièrement remarquable: Tomas Boutens, arrêté dans le cadre de l’enquête sur les néonazis de Blood&Honour (BBET). Une belle compagnie pour une manifestation soi-disant organisée contre la «violence gratuite». Les «camarades autonomes» ne devraient-ils pas manifester contre leurs propres actions? Un groupe de manifestants d’extrêmes-droite a plus tard traîné en ville pour créer des troubles.

    Blokbuster et les Étudiants de Gauche Actifs ont tenu une protestation non-violente avec un message politique sans équivoque. La lutte contre l’extrême-droite n’est pas terminée, le déclin électoral temporaire du VB ne signifie pas la fin du potentiel de ce parti ou de ses positions. La crise économique conduit à une progression du chômage et des problèmes sociaux. Si aucune réponse collective n’est apportée, les possibilités restent entières pour la rhétorique d’extrême-droite. Les antifascistes doivent aussi aborder ces questions et celle d’une alternative politique en plus de s’organiser contre les petits groupes radicaux qui n’hésitent pas à utiliser la violence.

    Nous continuerons à organiser de telles actions et à nous organiser. Nous pouvons déjà annoncer, en mars prochain, l’importante manifestation anti-NSV, contre la marche de l’organisation étudiante officieuse du Vlaams Belang.

  • Manifestation anti-NSA – Reportage photos

    Mardi soir, une manifestation non-violente s’est déroulée à Gand à l’initiative de notre campagne antifasciste flamande Blokbuster et par les Etudiants de Gauche Actifs. Voici un reportage photos de cette manifestation.

    Soo Ra

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