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Category: Enseignement
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Comment continuer la lutte dans l’enseignement pour les élèves, les profs et tout le personnel ?
Depuis le mois de septembre, on assiste à un mouvement qui va crescendo dans l’enseignement francophone. La manifestation de 35 000 enseignant.e.s le 27 janvier à Bruxelles et la forte participation des enseignant.e.s à la grève et à la manifestation contre l’Arizona du 13 février ont montré que le mouvement était loin de s’essouffler. Et les attaques continuent avec les coupes budgétaires annoncées par l’Arizona dans tous les services publics et les attaques sur les pensions. Les élèves du qualifiant qui sont sortis dans les rues donnent le ton : « De cette société-là, on n’en veut pas ! ».
par Elise, enseignante à Soignies
Un mouvement inédit qui rappelle 1996
C’est du jamais vu depuis plus de 20 ans dans l’enseignement francophone. Le mouvement qui a pris place depuis septembre a mobilisé toute une nouvelle couche d’enseignant.e.s, dont certain.e.s qui ont fait grève pour la première fois. Lors de la journée de grève du 7 novembre, quasi toutes les écoles étaient bloquées par des piquets, et ce malgré la réaction très tardive des directions syndicales (rappelons que les attaques avaient été annoncées dès le mois de juin par le nouveau gouvernement MR-Engagés…).
La grève de 48h des 27 et 28 janvier était un pari risqué car il est toujours plus difficile de se mobiliser pendant deux jours, et pourtant pas moins de 35.000 enseignant.e.s se sont rendu.e.s à Bruxelles pour manifester. Outre le fait que beaucoup de profs ont fait grève pour la première fois, les travailleur.euse.s des secteurs périphériques se mobilisent également, comme le personnel des académies de musique et des écoles des arts qui se voit également menacé par les nouvelles mesures. Les élèves du qualifiant, directement attaqués et provenant souvent de famille moins aisées, n’ont pas hésité à descendre dans les rues : on a vu des manifestations spontanées devant les écoles, et même des élèves accompagner leurs profs lors des actions des 27 et 28 janvier.
C’est bien plus que des profs qui se battent pour leurs conditions de travail : c’est un véritable mouvement de société qui se préoccupe de l’avenir de nos élèves. La comparaison avec les luttes des années 1990 vient immédiatement à l’esprit lorsque l’on voit l’ampleur de la mobilisation et l’implication des élèves dans la lutte. Mais le spectre de 1996 est aussi un poids, beaucoup d’ancien.ne.s se rappelant avec déception comment leur salaire a été perdu sans avoir été entendus, les directions syndicales ayant mis fin au mouvement sans que les mesures d’économie ne soient retirées. Par exemple, des enseignantes qui sont aussi mères célibataires se demandent si elles pourront tenir sur la distance avec les multiples jours de grève et les pertes de salaire qui vont avec.
Jusqu’ici, les actions n’ont pas donné de résultat direct. Au contraire, les pensions des fonctionnaires sont maintenant attaquées, le régime des DPPR est mis à mal et la ministre Glatigny semble vouloir revenir sur le tronc commun, une mesure qui devait amener plus d’égalité sociale.
Une mobilisation par en bas pour répondre aux défis du mouvement
Pour éviter un découragement et une perte de repères, il est essentiel d’avoir des perspectives plus claires sur la suite du plan d’action. Les directions syndicales ont évoqué des actions en avril, sans toutefois préciser de quoi il s’agira. L’organisation d’assemblées générales régulières dans les écoles par les équipes syndicales sur le terrain peut être une bonne manière d’endiguer le sentiment de flou pour l’avenir du mouvement. On peut parler ensemble des projets d’actions qui sont sur la table, mais aussi de l’actualité et des réels besoins dans chaque école pour construire par en bas des revendications qui parlent à tout le personnel et aux élèves. C’est seulement en mettant la pression sur les directions syndicales et en montrant aux collègues que nous pouvons donner le ton dans les mobilisations que l’on pourra maintenir l’enthousiasme.
Un autre défi du mouvement est celui de construire des ponts avec les mobilisations des élèves qui sont sorti.e.s spontanément pour défendre leur avenir. Des obstacles très terre-à-terre compliquent la solidarité : les enseignant.e.s ont un devoir de « neutralité » qui peut se retourner contre eux s’ils essayent de mobiliser les élèves, et les éducateur.trice.s doivent parfois sanctionner les élèves qui sont partis en grève lorsque la direction de l’établissement ne soutient pas le mouvement. Utiliser les groupes jeunes des syndicats pour offrir un soutien à l’organisation des luttes des élèves pourrait être une piste.
Elargir la lutte pour un refinancement de l’enseignement et de tous les services publics
Le gouvernement MR-Engagés de la Fédération Wallonie-Bruxelles n’est pas prêt à entrer en négociation et à revenir sur les mesures d’économie : c’est un gouvernement de confrontation, tout comme le gouvernement fédéral. Les attaques contre l’enseignement ne sont pas isolées et font partie d’une vague de mesures d’économie dans les services publics qui touchent toute la classe des travailleur.se.s. Utilisons cette situation à notre avantage : ne nous limitons pas à une lutte sectorielle mais construisons l’unité avec toutes les luttes contre le gouvernement Arizona ! La manifestation du 13 février était une bonne première étape pour construire un rapport de force suffisant pour faire plier ces gouvernements de droite.
Pour quoi luttons-nous aujourd’hui? Est-ce uniquement une lutte défensive contre les attaques dans l’enseignement qualifiant, dans le spécialisé, sur nos pensions ? Ou bien voulons-nous autre chose pour nos élèves : des classes à taille humaine, des locaux rénovés, du personnel disponible (et donc en suffisance et pas surchargé) ? Nous ne nous battons pas pour supprimer les mesures, ou bien pour que les économies soient faites dans d’autres services publics à la place de l’enseignement : les besoins sont criants dans tous les secteurs, et l’argent existe dans la société (n’oublions pas qu’en Belgique, les multinationales ne payent quasiment pas d’impôts…). En clarifiant de la sorte pour quoi nous luttons, en mettant en avant les besoins de notre enseignement, nous pouvons également assurer la solidarité des élèves, des parents, et enfin de toutes les couches de la société !
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L’enseignement au bord de l’effondrement…
… le gouvernement donne un coup de pouce supplémentaire
Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles dirigé par le MR et Les Engagés met en oeuvre une attaque Trumpiste contre l’enseignement. Suppression de 24 millions d’euros dans l’enseignement qualifiant, abolition des nominations de personnel permanent, réduction des investissements dans les infrastructures. L’enseignement, comme beaucoup de classes dans lesquelles les cours sont données, est une structure délabrée à laquelle il ne manque pas grand-chose pour s’effondrer complètement. Le gouvernement ne se contente pas d’observer l’effondrement, il l’accélère. La grève de 48 heures des 27 et 28 janvier n’est pas seulement l’expression d’un mécontentement, c’est un véritable appel à l’aide.
La liste des mesures et des propositions est effroyable. Pour les élèves de l’enseignement qualifiant, le financement est réduit de 24 millions. Les 7èmes techniques de qualification et de certaines 7èmes professionnelles seront supprimée. Les élèves qui effectuent une 7e année n’obtiendront plus de diplôme leur permettant d’accéder à l’enseignement supérieur. Le fonds d’infrastructure devra se contenter de 2% de moins. Le minerval dans l’enseignement supérieur pour les étudiants étrangers va doubler. Nous savons tous que de telles augmentations sont généralement un tremplin vers des augmentations générales des minervals.
Le personnel se heurte à la suppression de la nomination, dont seuls les personnes déjà nommées peuvent encore bénéficier. Il sera remplacé par un contrat de travail à durée indéterminée, avec une augmentation du temps de travail de 2 heures par semaine. Beaucoup d’enseignants devront travailler 2 heures de plus par semaine pour ce gouvernement, alors que la charge de travail est déjà insoutenable. Le personnel enseignant serait autorisé à travailler au-delà de 65 ans dans tous les postes. Le gouvernement veut chercher du personnel dans d’autres secteurs, comme dans l’enseignement néerlandophone, sans imposer de conditions de formation. Enfin, les stagiaires seront davantage utilisés pour combler les pénuries. La main-d’œuvre gratuite est toujours la bienvenue, estiment les ministres.
Comme si cela ne suffisait pas, les mêmes partis poussent à la formation d’un gouvernement d’austérité au niveau fédéral. L’Arizona signifie une attaque frontale contre les pensions dans l’enseignement. Les pensions statutaires ne seraient plus calculées sur la moyenne des dix dernières années de carrière. Cette durée serait prolongée d’un an chaque année à partir de 2027, jusqu’à ce qu’elle atteigne 45 ans en 2062. L’ajustement du tantième, la fraction utilisée pour calculer la pension des enseignants, de 1/55 à 1/60 signifie un montant de pension plus faible (-5,6 %) et une pression plus forte pour rester plus longtemps dans l’emploi. L’objectif est une carrière de 45 ans. Le syndicat néerlandophone de l’enseignement COC a calculé qu’un enseignant modal ayant une carrière complète de 40 ans perdrait environ 15 % de sa pension nette.
Il s’agit d’une attaque contre l’ensemble de l’enseignement. Il est nécessaire de construire la résistance dans l’éducation, en la liant à la lutte des collègues néerlandophones et aux actions syndicales générales. Cela nécessite de continuer et d’élargir la politique d’assemblées générales pour garder les collègues en l’action, leur permettre de discuter les propositions et le programme, ainsi que la stratégie pour gagner. Un enseignement de qualité signifie des classes plus petites (15 élèves maximum), un engagement massif de personnel, des infrastructures de qualité et salubres et la gratuité scolaire totale.
Après la manifestation du 27 janvier et la grève du 28 janvier, la grande manifestation contre Arizona aura lieu le 13 février. Le 13 janvier, le personnel néerlandophone de l’enseignement est descendu en masse dans la rue, le 13 février nous pourrons manifester ensemble et préparer les prochaines étapes de nos actions. Cette lutte est existentielle pour l’enseignement, nous devons donc la mener avec le plus de force possible.
Pour que ce combat soit victorieux, il faudra y lier des revendications offensives qui clarifient qu’il s’agit avant tout de l’avenir des jeunes générations et de l’enseignement émancipateur qu’elles méritent: avec des classes plus petites (dans lesquelles il ne pleut pas…) et suffisamment d’encadrement pédagogique avec des conditions de travail propices à accompagner l’épanouissement des élèves. Ne nous laissons pas prendre au piège : repoussons les attaques et arrachons plus de moyens, notamment pour plus de collègues!
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Enseignant: oui! En saignant: non!
La grève de ce mardi dans les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles est probablement “le début d’un combat qui va être long”, a estimé le secrétaire général de la CSC Enseignement, Roland Lahaye, sur La Première. “Il y a longtemps que je n’ai pas vu une telle mobilisation spontanée de la part des équipes et des écoles”, a-t-il affirmé le syndicaliste. Des écoles habituellement réfractaires à la grève sont pratiquement à l’arrêt, “parce que tous les profs se sentent concernés et prennent conscience de la casse qu’on annonce dans l’enseignement.”
“Une déclaration de guerre”, c’est comme ça que les syndicats de l’enseignement ont qualifié le décret-programme qui accompagne le projet de budget pour 2025. Déjà auparavant, les problèmes s’accumulaient sans être résolus. Et maintenant, la nouvelle coalition MR-Engagés à la Fédération Wallonie-Bruxelles s’apprête à tourner un couteau plus grand encore dans la plaie du personnel enseignant, administratif et technique des écoles. La journée de grève du 26 novembre est une première réponse sous cette nouvelle législature. Une grève de 48h est prévue pour fin janvier, ainsi qu’une semaine en mars. Nous sommes toustes d’accord là-dessus : arrêtons de juste aligner les journées de grèves et manifs ; il faut durcir la lutte ! C’est aussi la meilleure manière de convaincre les collègues démoralisé.e.s.

Le gouvernement MR-Engagés attaque l’ensemble des services publics, à la région comme à la FWB où les mêmes partis règnent, et ils s’apprêtent à faire de même au Fédéral. Le Budget 2025 préparé par la droite s’annonce violent tout azimut, et l’enseignement s’en prend plein la gueule, comme d’habitude. L’attaque prévoit notamment la fin de la staturisation au profit de contrats à durée indéterminée, et la réduction des budgets pour l’enseignement qualifiant, pour les organismes publics, pour les établissements supérieurs, et pour les bâtiments scolaires.
Le gouvernement s’apprête à procéder à un rationnement qui rendrait fier Elon Musk, le fraîchement nommé par Trump à la tête du “département de l’Efficacité gouvernementale”. Si ça passe, ça va être une sérieuse détérioration des conditions de travail et du statut du personnel, et donc une détérioration de la qualité et l’accessibilité de l’enseignement. À court terme, des centaines d’emplois seront supprimés ; à terme, des milliers, notamment sur base des fermetures d’options “peu peuplées” de l’enseignement qualifiant, des 3èmes techniques de qualification et des 3èmes professionnelles, des 7èmes techniques de qualification et de certaines 7ème professionnelles…
Pour eux, l’école doit être un produit rentable. La volonté est flagrante de faire correspondre l’école au monde de l’entreprise, comme en témoignent la co-création par les entreprises des épreuves qualifiantes ainsi qu’un stage en entreprises de 5 jours dans le tronc commun. Pour le primaire, le gouvernement a annoncé vouloir “réévaluer” la gratuité. Ce catalogue des horreurs doit nous obliger à être plus radicaux et plus organisés que jamais.
Ne nous laissons pas faire
La volonté d’aller un cran plus loin est bien là, c’est ce qui ressort des assemblées générales du personnel. Plus loin que les manifestations disparates sans réel plan ni perspective pour le mouvement. Un tel plan s’est déjà produit par le passé avec l’enchaînement de grèves et de manifestations dans plusieurs grandes villes et qui a terminé en apothéose à Liège avec plus de 15.000 personnes, soit plus de 12% de l’ensemble du personnel.
L’appel des syndicats “pour une plus grande collaboration entre les employeurs, les gouvernements et les travailleurs” n’est pas à la hauteur des enjeux pour la mobilisation aujourd’hui. Ce gouvernement ne nous épargnera rien, le seul élément qui pourra l’arrêter c’est une mobilisation massive et radicale des travailleur.se.s., de tous les secteurs.
1 – Continuons et élargissons la politique d’assemblées générales pour garder les collègues en action, leur permettre de discuter les propositions et le programme ainsi que la stratégie pour gagner. Dans une école du centre-ville de Liège, un sondage en fin d’assemblée générale sur la Déclaration de politique communautaire (DPC) donnait la grève illimitée en 1re position dans les modes d’action. L’enthousiasme ne manque pas face à ces attaques.
2 – Munissons-nous d’un programme politique : un programme de rupture avec la politique austéritaire. Défendons par exemple une taxation des plus riches à travers une taxe récurrente sur les fortunes. Une telle taxe pourrait rapporter jusqu’à 10 milliards d’euros par an. Ça permettrait de financer un enseignement et des services publics à la hauteur des besoins. Notamment à travers un plan de rénovation massive des bâtiments scolaires ainsi que l’engagement de personnel avec un statut qui permet une réelle indépendance face aux directions et à l’arbitraire politique : le statut de fonctionnaires.
Pour que ce combat soit victorieux, il faudra y lier des revendications offensives qui clarifient qu’il s’agit avant tout de l’avenir des jeunes générations et de l’enseignement émancipateur qu’elles méritent : avec des classes plus petites (dans lesquelles il ne pleut pas…) et suffisamment d’encadrement pédagogique avec des conditions de travail propices à accompagner l’épanouissement des élèves. Ne nous laissons pas prendre au piège : repoussons les attaques et arrachons plus de moyens, notamment pour plus de collègues !
De premières photos de Bruxelles et Liège









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L’enseignement, une entreprise comme une autre?
Qui pourrait reprocher aux divers métiers de l’enseignement francophone de ne pas avoir fait connaître les problèmes de leur secteur ? Depuis 2022, des manifestations réunissant à chaque coup aux alentours de 10.000 personnes se sont suivies dans les grandes villes francophones, plusieurs fois même dans certaines. C’était inédit depuis les grandes grèves de 1996. Le sujet des inquiétudes des grévistes était clair : combattre la pénurie de personnel grâce à la revalorisation des métiers et en finir avec le sous-financement chronique qui ronge le secteur. “On s’en fout”, répondent en cœur MR et Engagés dans leur Déclaration de politique communautaire (DPC).
Texte issu d’une réunion des enseignant.e.s francophones du PSL
Cette Déclaration n’est bien entendu qu’une déclaration d’intentions, mais elle fait froid dans le dos. Commençons par rendre hommage à l’une des rares mesures progressistes de ces dernières années : l’introduction progressive ces dernières années en maternelles, puis en 1re et 2e primaires, de mesures tendant à assurer une meilleure “gratuité scolaire”. Cette année, cela touche également la 3e primaire, via un forfait d’une septantaine d’euros par élève à consacrer au matériel et fournitures scolaires ou aux frais facultatifs (piscine, activités culturelles, etc.). C’est peu, largement insuffisant, et dorénavant à l’avenir incertain. La nouvelle majorité de la Fédération Wallonie-Bruxelles entend “évaluer” ces mesures et les “adapter”. Au vu de ce qui suit, on craint le pire.
Il y a quelques années, un enseignant avait répondu à Olivier de Wasseige, aujourd’hui député wallon Les Engagés et à l’époque CEO de l’Union Wallonne des Entreprises : “nous formons les élèves pour la Société avec un grand S, alors que vous voulez que nous les formions pour les sociétés avec des petits s…” Le constat reste valide. Dans la droite ligne de la Déclaration de politique régionale qui regorge de références aux partenariats public-privé pour les maisons de repos, le logement ou encore les transports publics, l’enseignement est analysé comme une entreprise privée. La nouvelle majorité ne fait pas mystère de ses intentions de “renforcer les ponts entre l’école et les entreprises”. Elle envisage notamment d’obliger chaque jeune à effectuer un stage d’observation de 5 jours “dans le monde du travail ou associatif”, et ce “avant la fin du tronc commun”, comme un moyen d’orientation.
Comme l’analyse l’Appel pour une école démocratique (APED), le duo MR-Engagés estime que “demain, votre directeur devra se considérer comme le patron d’une petite entreprise en concurrence avec d’autres, chargé de mener “ses” professeurs à la baguette”(1) par le biais d’une concurrence accrue entre réseaux et écoles via une plus grande autonomie pour “exercer un leadership éducatif et pédagogique affirmé”, selon la DPC. En résumé, cet accord, s’il est appliqué, va accroître davantage le marché scolaire.
Une offensive sur le statut
Avec une hypocrisie et un cynisme incroyables, MR et Engagés déclarent vouloir protéger les jeunes enseignant.e.s… en supprimant la nomination automatique des enseignant.e.s pour la remplacer par un statut de contrat à durée indéterminée (CDI) identique à celui du privé. Avec plus d’honnêteté, ils défendent le principe de liberté de licenciement. L’ancien secrétaire général de la CSC Enseignement Régis Dohogne a réagi par une carte blanche où il rappelle la remarque de Lacordaire : “entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.”(2)
Ce dernier souligne entre autres qu’il a fallu 33 ans de lutte et les grèves de 1990 pour imposer ce statut protecteur, notamment pour les enseignant.e.s du réseau libre victimes de l’arbitraire des pouvoirs organisateurs du libre. Il explique : “La caractéristique propre à l’enseignement à savoir les réseaux en tant que structures, en fait dans la réalité une forme d’employeur unique. Il en résulte qu’un enseignant licencié dans un établissement scolaire se voit victime d’un véritable interdit professionnel. Le téléphone fonctionne et les directions vont s’informer de la motivation de son licenciement sans que l’intéressé puisse faire valoir son point de vue. (…) On est là proche du carnet ouvrier du XIXème siècle.”
De plus, il est question d’augmenter de 2 heures de travail pour les enseignant.e.s à venir ce qui, en plus d’augmenter la charge de travail, va diminuer le nombre d’heures disponibles et donc présenter un risque pour l’emploi.
Construire la solidarité et partir en action
Dans une de ses dernières déclarations à la tête de la CGSP-Enseignement, Joseph Thonon, remplacé en août par le Liégeois Luc Toussaint, a mis en parallèle la situation actuelle et celle des années ’90 “Là, il y avait des pertes d’emploi, dans les années 90. Ici, on a la perte de la nomination. C’est quelque chose de terrible. Et donc, on peut s’attendre à des grèves de longue durée.”(3)
Mais hors du secteur, pas mal de gens se demanderont pourquoi donc les syndicats s’opposent aux contrats à durée indéterminée alors qu’on se bat ailleurs pour en avoir et en finir avec la précarité des contrats à durée déterminée. MR et Engagés ne manqueront pas de laisser entendre que le corps enseignant n’est finalement qu’un ramassis de privilégié.e.s. Il n’a pas fallu longtemps pour que la ministre Valérie Glatigny (MR) parle de “contrer cette image de l’enseignant qui revient de vacances et se met en grève”.(4)
Pour que ce combat soit victorieux, il faudra y lier des revendications offensives qui clarifient qu’il s’agit avant tout de l’avenir des jeunes générations et de l’enseignement émancipateur qu’elles méritent : avec des classes plus petites (dans lesquelles il ne pleut pas…) et suffisamment d’encadrement pédagogique avec des conditions de travail propices à accompagner l’épanouissement des élèves. Ne nous laissons pas prendre au piège : repoussons les attaques et arrachons plus de moyens, notamment pour plus de collègues !
- DPC 2024 : comme quoi il y a toujours moyen d’empirer les choses…, Nico Hirtt, www.skolo.org, publié le 21 juillet 2024.
- La fin des nominations dans l’enseignement ou le retour à la barbarie sociale (carte blanche), Régis Dohogne, Levif.be, publié le 16 juillet 2024.
- Valérie Glatigny (MR) sur les futures réformes dans l’Enseignement : “J’ai entendu les craintes, mais beaucoup de points peuvent faire l’objet d’un consensus”, rtbf.be, 19 juillet 2024.
- Café Sans Filtre : Joseph Thonon, ln24.be, 18 juillet 2024.
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Enseignement supérieur flamand : personnel et communauté étudiante exigent plus de moyens
Quelque 2.500 à 3.000 personnes ont manifesté ce mercredi 11 octobre à Bruxelles pour réclamer davantage d’investissements dans l’enseignement supérieur flamand. Outre tous les syndicats, un grand nombre d’étudiant.e.s et de membres du personnel ont également participé à la manifestation. Bien entendu, le Parti socialiste de lutte et son organisation de jeunesse Etudiant.e.s de Gauche en Action ne pouvaient pas être absents.
Par Nils (Gand)
La principale revendication de la manifestation était de réorganiser l’enseignement supérieur flamand en respectant le décret de financement. Actuellement, ce n’est pas le cas, ce qui fait perdre à l’enseignement supérieur quelque 667 millions d’euros chaque année ! Alors que le nombre d’étudiant.e.s a considérablement augmenté, les fonds alloués aux établissements d’enseignement supérieur n’augmentent pas en conséquence. Ce manque de financement entraîne des coupes budgétaires dans les établissements d’enseignement, ce qui se traduit par des frais de scolarité plus élevés et des licenciements de personnel. Ce dernier point rend la charge de travail déjà immense encore plus insupportable et, bien sûr, a un impact significatif sur la qualité du service.

On ne peut plus nier qu’il s’agit d’une question importante pour le personnel et les étudiant.e.s. Cela s’est notamment manifesté lors du débat d’ouverture politique de la semaine dernière à l’UGent, où l’un des étudiants a posé une question sur le financement de l’enseignement supérieur. Cette question a été suivie d’une réponse arrogante de la part de la N-VA et du Vlaams Belang, Tom Van Grieken déclarant même que l’enseignement devrait être encore moins financé, car l’argent ne sert de toute façon qu’à la « propagande woke ». L’extrême droite a ainsi démontré une fois de plus qu’elle ne défendait en aucun cas les intérêts des étudiant.e.s et de la classe travailleuse. Bien plus, elle les attaque et ne défend que les intérêts des grandes entreprises ! Le recteur de l’UGent, Rik Van de Walle, est également intervenu dans ce débat et a parlé de la nécessité de donner plus de moyens aux universités. Aujourd’hui, il s’est joint à la manifestation. Sa participation montre à quel point la demande de ressources supplémentaires est importante à l’université de Gand et, par extension, dans toutes les universités et écoles supérieures.
Avec cette manifestation, les étudiant.e.s, le personnel et les militant.e.s syndicaux ont donc réclamé des moyens suffisants pour l’enseignement supérieur, mais ils ont aussi montré la solidarité qui existe entre les étudiant.e.s et le personnel. Il est important qu’elle existe, car leurs intérêts sont les mêmes : sans ressources suffisantes, la charge de travail devient inacceptable et la qualité de l’enseignement diminue. C’est la raison pour laquelle le PSL revendique en premier lieu que l’on investisse davantage dans l’enseignement supérieur. Nous avons souligné la nécessité de poursuivre la lutte et d’élargir le mouvement pour un enseignement de qualité.
Nous avons également souligné que le manque de moyens pour l’éducation est un problème intrinsèque au système capitaliste. La logique de la concurrence et du profit assure que l’éducation, d’où provient la future main-d’œuvre, doit coûter le moins cher possible à l’État et aux entreprises, afin que la main-d’œuvre reste bon marché et que l’on puisse engranger toujours plus de profits. Nous avons soutenu que ce n’est que dans une société socialiste démocratique, où les besoins des gens sont placés au premier plan, qu’un enseignement adéquat peut être mise en place une fois pour toutes.













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Violences anti-Evras : pas touche à nos écoles!
Au total, depuis la nuit de mardi à mercredi, ce sont six écoles de la région de Charleroi qui ont été victimes d’incendies criminels, la plupart du temps accompagnés de graffitis opposés au projet d’Education à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras). La nuit dernière, les actes de vandalisme ont également touché la région liégeoise, une école étant incendiée et taguée et une autre taguée avec la menace : « Stop Evras sinon c’est vous les suivants ».
Si les dégâts sont jusqu’ici limités, des bâtiments déjà vétustes ont été encore plus fragilisés. Le plus grave, bien entendu, c’est avant tout le choc causé parmi les parents et le personnel, mais surtout parmi les enfants. Il est difficile d’expliquer à un tout-petit pourquoi quelqu’un a mis le feu à son école, difficile de trouver les mots pour rassurer. Les personnes s’opposant à l’Evras affirment prétendument « protéger les enfants », mais de ces incendies est né le sentiment que l’école n’est désormais plus un lieu sécurisé.
L’une ou l’autre personne a distribué des tracts farfelus aux abords de certaines écoles mais, parmi les parents, de vive voix ou dans les groupes sur les réseaux sociaux, le sujet ne vivait pas. L’impact des campagnes de diffamation menées sur les réseaux sociaux par l’extrême droite et les mouvements religieux radicaux n’a pas pris dans un public plus large. Mais elles ont donné l’assise et la confiance à un.e criminel.le ou à un groupe de criminel.le.s.
L’Evras : derrière les fantasmes
Depuis cette rentrée, les élèves de 4e secondaire, mais aussi de 6e primaire, devront recevoir deux heures d’animation relatives à l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle, autour de thèmes tels que les droits des femmes, la lutte contre les discriminations, le consentement, l’acceptation de soi, l’épanouissement sexuel, la connaissance de son corps, la déconstruction des stéréotypes de genre… Dans certaines familles, les parents sont aptes à donner les informations qui s’imposent, à répondre aux questions,… Mais dans beaucoup de cas, disposer d’un référent extérieur est primordial. Un autre changement majeur, outre le fait de passer de deux à quatre heures, c’est que les animations Evras seront désormais assumées par les plannings familiaux plutôt que par des ASBL choisies par l’école (qui aurait très bien pu choisir une ASBL anti-avortement pour assumer ces leçons par exemple).
Parmi les détracteur.trice.s de la démarche, beaucoup crient – sans fondement – à la « pédophilie ». Mais soyons clairs, dans les faits, s’opposer à ce genre d’initiative permet justement de protéger les criminels pédophiles. Ces ateliers, reposant sur l’écoute et le dialogue, peuvent grandement améliorer les possibilités de détecter une maltraitance, qu’elle soit sexuelle ou pas.
Finalement, au regard des besoins concrets sur le terrain, ce qui est proposé avec l’Evras, c’est bien peu. Dès le plus jeune âge, il faudrait commencer en abordant la gestion des émotions, la violence dans les écoles entre élèves et bien entendu garantir suffisamment d’espace et de temps pour accompagner les élèves à mesure qu’ils et elles grandissent. Les relations entre enfants sont insuffisamment prises en compte à l’école, et ça ne s’apprend pas avec un cours de math. Pourtant, dès le plus jeune âge, il est nécessaire de réagir, d’expliquer qu’on ne joue pas à soulever la jupe des filles, de familiariser à la notion de consentement… Prendre ces questions à la légère nourrit notamment la culture du viol.
Nous vivons hélas dans une société qui repose sur le conflit et la violence permanents, le reflet de cette situation dans le harcèlement scolaire et les agressions de toutes sortes est largement ignoré. Tout cela exige des classes plus petites, plus de collègues (y compris pour encadrer les récrés et la garderie), plus de formation, plus de liens avec les associations de terrains… et donc plus, beaucoup plus, de moyens.
Rajoutons encore que si l’éducation sexuelle, relationnelle et affective est si absente de l’enseignement aujourd’hui, c’est une réflexion de la fonction assignée au système d’éducation par la société de classe dans laquelle nous vivons. L’enseignement est avant tout conçu pour répondre aux nécessités économiques capitalistes et à la main d’œuvre que cela exige, non pas pour assurer l’épanouissement de chacun.e.
Construire une solidarité active
La haine et la lâcheté à la base de ces incendies ne tombent pas du ciel. Partout à travers le monde, les fondamentalistes religieux, la droite populiste et l’extrême droite cherchent à contrarier l’élan de lutte contre les discriminations sexistes et LGBTQIA+phobes que nous avons connu ces dernières années. Cela ne se passe pas sans réaction. Au Canada, le syndicat IATSE s’est mobilisé contre une manifestation d’extrême droite devant un camp d’été pour drag-queens et kings. En Irlande, les bibliothécaires et leur syndicat se sont eux aussi récemment organisés contre des actions d’intimidation où des militants d’extrême droite venaient arracher certains livres des étagères. Ce sont d’excellents exemples à suivre !
En Flandre, le Vlaams Belang présente les actes anti-Evras comme émanant de la « communauté musulmane » pour stimuler la xénophobie et le racisme, en oubliant opportunément les actions menées par Dries Van Langenhove à Bruges par exemple. Il y a quelques mois, il s’y était rendu pour intimider les participant.e.s à une lecture publique donnée par une drag queen avec pour pancarte « idéologie du genre = pédophilie ». Peu après, il avait posté une vidéo le montrant en train de harceler un commerçant qui avait accroché un drapeau Pride, qu’il qualifiait de « drapeau pédophile ». Dyab Abou Jahjah, fondateur de la défunte Ligue Arabe Européenne, a déclaré qu’en tant que parent, il est également préoccupé par « l’idéologie du genre » qui serait présente dans l’Evras.
La meilleure manière de réagir aux intimidations et violence réactionnaires, c’est par la mobilisation sociale. Si les cours d’Evras ont vu le jour, c’est en raison de la vague de luttes féministes de ces dernières années. Leurs limites, les réactions qu’ils suscitent ou encore le fait qu’en Flandre le ministre Ben Weyts a décidé que les cours d’éducation sexuelle ne seraient plus obligatoires dans les écoles flamandes à partir de ce premier septembre, tout cela nous montre que la lutte est encore loin d’être terminée.
Les organisations syndicales sont les outils par excellence pour lancer des initiatives pour regrouper dans la lutte parents, personnel enseignant et éducatif, des centres PMS (psycho-médicaux-sociaux) et services PSE (promotion de la santé à l’école), mais aussi plannings familiaux, associations féministes, LGBTQIA+… Construire une lutte de masse – en commençant, pourquoi pas, par une manifestation régionale en défense d’un enseignement réellement gratuit et de qualité, axé sur le bien-être des élèves et du personnel – est la meilleure façon qui soit d’isoler socialement les coupables, de couper court à leur confiance. No Pasaran !

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« Pour rompre avec l’austérité dans l’enseignement supérieur, il faudra passer à l’action… »
Jo Coulier est délégué principal ACOD (CGSP) à la VUB et Président de l’ACOD Onderwijs (CGSP-Enseignement). Nous l’avons rencontré pour évoquer la situation dans l’enseignement supérieur et le projet de manifestation nationale du 11 octobre prochain.
Interview réalisée par Kenzo (Gand)
Comment se manifestent les pénuries dans l’enseignement supérieur ?
« Un déficit de 500 millions d’euros a été créé dans l’enseignement supérieur parce que le gouvernement ne respecte pas le modèle de financement de 2008. Il n’a pas indexé les subventions et le système de cliquet (qui implique une augmentation des subventions avec l’augmentation du nombre d’étudiant.e.s) n’a pas non plus été appliqué correctement. Dans le cas de la VUB, par exemple, il manque 25 millions d’euros. Par conséquent, au cours des 15 dernières années, le ratio étudiant/professeur a grimpé de 14 à 22 par professeur. Une augmentation de 57 %! L’enseignement supérieur doit donc fonctionner avec moins de moyens par étudiant.
« Pour le personnel, cela représente une hausse considérable de la charge de travail. De nombreux emplois ont disparu, car les conseils d’administration ne remplacent pas les personnes qui partent à la retraite ou qui sont malades de longues périodes. En outre, on réduit les tâches « non essentielles». Par exemple, on veut faire disparaître un agent d’entretien sur six à la VUB. Cela signifie que la propreté des locaux va diminuer. Le nombre de burn-out augmente. Entre-temps, certaines études sont réduites ou annulées faute de moyens.
« Les conséquences sont également tangibles pour les plus de 300.000 étudiant.e.s flamand.e.s. Les professeur.e.s ont moins de temps pour donner des cours individuels, le prix des repas augmente alors que la qualité diminue et le nombre de kots publics diminue, ce qui entraîne une hausse des loyers. De nombreux recteurs souhaiteraient doubler les frais d’inscription, mais le gouvernement flamand préfère ne pas s’attaquer à cette question brûlante avant les élections. En outre, celui-ci estime que trop d’argent est consacré à des « études inutiles » (c’est-à-dire non rentables) telles que les études artistiques, l’histoire ou la philosophie. À long terme, il souhaiterait donc également réduire le nombre d’orientations afin de maintenir des cours « économiquement utiles » avec moins de subsides. »
Se dirige-t-on à nouveau vers une éducation élitiste ?
« Le capitalisme d’aujourd’hui continuera à avoir besoin d’une main-d’œuvre instruite. Nous aurons donc encore besoin d’un grand nombre d’étudiant.e.s. Cependant, il semble que notre système d’enseignement supérieur s’oriente davantage vers le modèle anglo-saxon, avec une différenciation entre universités. En Angleterre, par exemple, on trouve le Russel Group, composé d’universités prestigieuses telles qu’Oxford et Cambridge, qui accueillent principalement les étudiant.e.s riches et la future élite. En Flandre, la KUL Leuven a également un caractère plus élitiste. Les autres universités deviennent alors des universités de second rang pour les masses.
« Avec l’augmentation des frais d’études dans tous les domaines, la porte s’ouvre progressivement aux prêts étudiants, ce qui fait que les étudiant.e.s obtiennent leur diplôme avec des dettes importantes à rembourser, comme c’est le cas aux Pays-Bas, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Il y a bien une forme « d’élitisation » dans l’enseignement supérieur, mais pas nécessairement une diminution du nombre de personnes titulaires d’un diplôme supérieur, plutôt une différenciation de ces diplômes. »
En quoi les entreprises influencent-elles l’enseignement supérieur aujourd’hui ?
« Les entreprises influencent le fonctionnement de l’enseignement supérieur de diverses manières. Par exemple, elles codirigent et cofinancent la recherche. Le rôle des entreprises dans ce domaine est de plus en plus important, car les universités sont obligées d’attirer davantage de financements privés. Avant de lancer une recherche, il faut trouver des fonds. Pour les obtenir, il faut donc souvent faire appel à des entreprises, dont les intérêts ne sont pas toujours alignés sur ceux de l’humanité. Par exemple, l’industrie pharmaceutique est un investisseur important dans la recherche universitaire. Mais cette industrie n’a aucun intérêt à remplacer les médicaments sur lesquels elle gagne des millions par des médicaments moins chers et plus performants, car cela réduirait les profits. Officiellement, les professeur.e.s font de la recherche gratuite, mais la réalité est plus compliquée. En effet, les entreprises contribuent à déterminer où la recherche est effectuée et les contrats contiennent parfois des clauses qui restreignent les publications ouvertes.
« En outre, les entreprises influencent aussi le contenu de l’enseignement. Car elles financent les chaires. Ces chaires définissent une base sur laquelle les cours sont dispensés. Les professeurs peuvent être réprimandés s’ils donnent des cours qui vont à l’encontre d’une telle chaire. À la VUB, par exemple, la chaire sur le bien-être au travail et l’épuisement professionnel est financée par AG Insurance. À la KUL (Leuven), la chaire d’éthique et d’IA est cofinancée par Colruyt (dont le modèle de profit est basé sur la baisse des salaires et le l’achat au rabais des produits des agriculteurs) et Belfius (qui a déclaré il y a quelques mois qu’elle ne prêterait plus rien au gouvernement wallon si le PTB y entrait). Des phares de choix éthiques, en effet.
« En 1990, 80 % des revenus des universités provenaient du financement structurel du gouvernement. Aujourd’hui, ce n’est plus que de 50 %. Moins un établissement d’enseignement supérieur reçoit de subventions structurelles du gouvernement, plus il dépend des investissements privés. Cela a un impact direct sur la liberté de la recherche, car ces entreprises ne veulent payer que pour la recherche qui est dans l’intérêt de leurs profits. Une coupe budgétaire dans l’enseignement supérieur signifie donc aussi la commercialisation de l’enseignement supérieur et une vente de la connaissance et de la recherche aux grandes entreprises pour lesquelles une université n’est rien d’autre qu’un laboratoire de recherche bon marché. Les conditions de travail du personnel sont également directement affectées. Par exemple, alors qu’en 1990, 80% du personnel était nommé à titre permanent ou bénéficiait d’un contrat à durée indéterminée, ce n’est plus le cas que de 40 % d’entre eux. La majorité du personnel travaille donc sur la base de contrats temporaires. »
Vous avez choisi d’agir, d’où vient cette décision ?
« Depuis des années, des négociations structurelles ont lieu entre les syndicats et le conseil d’administration, ainsi qu’entre le conseil d’administration et le gouvernement flamand. Elles n’ont abouti qu’à des économies. Si nous voulons rompre avec cette politique d’austérité, il faudra agir. C’est pourquoi nous organisons des actions en août et en septembre, ainsi qu’une manifestation nationale le 11 octobre. Nous demandons en front commun syndical que le modèle de financement de 2008 soit correctement appliqué. Cela permettra de libérer 500 millions d’euros pour l’enseignement supérieur. Pour la VUB, par exemple, cela représente concrètement 25 millions d’euros. Le sous-financement signifie que 10 millions d’euros doivent être économisés à la VUB (150 emplois disparaissent). Avec les 25 millions, cela ne serait plus nécessaire et environ 200 personnes pourraient être engagées. Cela permettrait de réduire la charge de travail et de mettre en œuvre une réduction du temps de travail de 1/5e sans perte de salaire. Une nécessité évidente. En effet, les études montrent qu’un professeur travaille en moyenne 55 heures par semaine. Des chiffres similaires s’appliquent à d’autres universités. »
Comment comptez-vous faire de ces actions un succès ?
« Nous venons tout juste de commencer à nous organiser et la priorité sera donc de sensibiliser et d’informer le personnel. Nous voulons mener une campagne d’information globale en septembre, mais nous ne pouvons pas rester inactifs cet été. Parmi les membres du personnel qui ont déjà été contactés, il y a un certain enthousiasme pour l’action. Nous voulons mettre en place quelques actions en vue d’une manifestation de l’enseignement supérieur flamand réussie le 11 octobre. Par exemple, nous avons l’idée de mener une action avec les étudiants en formation d’enseignants à la fin du mois d’août contre la réforme de Ben Weyts, qui stipule essentiellement qu’il n’est plus nécessaire d’avoir un diplôme de formation d’enseignant pour enseigner. Ensuite, nous voulons organiser une action au Parlement flamand le 25 septembre, lors de la déclaration de septembre du gouvernement. Cette action sera suivie d’une manifestation le 11 octobre. C’est le jour où l’argent des universités sera officiellement épuisé en raison de la mauvaise conduite du modèle de financement. D’autres actions suivront en fonction de l’élan et du succès de cette action. »
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Portugal. Les travailleurs de l’enseignement se soulèvent contre la précarité
Cent-cinquante mille travailleurs de l’éducation sont descendus dans les rues de Lisbonne pour manifester contre la précarité qui touche leur profession. L’apparition de nouveaux syndicats et de nouvelles méthodes de lutte vient troubler les eaux devenues stagnantes des syndicats traditionnels.
Par Cristina, ASI-Portugal
Le déclin de l’enseignement public et les défis auxquels les travailleurs sont confrontés chaque jour
Au cours des cinq dernières décennies, le Portugal a connu une forte diminution de ses taux d’échec et d’abandon de scolarité : actuellement, la moitié des étudiants obtient un diplôme de l’enseignement supérieur. Il s’agit là d’un résultat louable, surtout si l’on songe aux taux d’analphabétisme ahurissants des années précédant la révolution de 1974-1975. Malheureusement, la part du budget allouée aux écoles publiques a également diminué au cours des trois dernières décennies, passant sous la barre des 5% du PIB en 2016, taux qui n’avait pas été aussi faible depuis 1995.
Pas plus tard que l’année passée, les subventions de l’Etat à l’enseignement spécialisé ont été réduites sans réflexion, sans qu’un effort ne soit fait pour donner la priorité aux enfants en ayant le plus besoin. Avec un financement moindre et moins de soutien, il n’est pas étonnant que la plupart des écoles se plaignent du manque de ressources pour entretenir les bâtiments (de plus en plus froids et anciens) ou pour obtenir du matériel pédagogique et engager le personnel adéquat.
Mais il n’y a pas que les moyens qui manquent : les écoles publiques sont clairement en sous-effectif ces dernières années. Il y a vingt ans, 6 000 jeunes motivés obtenaient chaque année leur diplôme d’enseignant. Aujourd’hui il ne sont plus que 1 500. Le vieillissement du corps enseignant est donc inéluctable : dans les écoles publiques, la moitié des enseignants ont plus de 50 ans. Une étude publiée par le Ministère de l’Education portant sur l’offre et la demande d’enseignants dans les écoles publiques à l’horizon 2030/2031 estime qu’il serait nécessaire d’embaucher 34 500 professionnels, particulièrement au sein des collèges (élèves de 10 à 15 ans) et ses lycées (élèves de 15 à 18 ans). Dans les circonstances actuelles, ces besoins ne risquent pas d’être satisfaits rapidement, ce qui signifie que des pénuries du personnel enseignant plus importantes sont à prévoir dans les prochaines années. À titre d’exemple, en 2021, seules trois personnes diplômées en physique et en chimie ont suivi une formation d’enseignants, alors que les besoins s’élèvent à 104 personnes. Des milliers d’élèves débutent donc chaque année scolaire sans enseignants, et donc sans cours. Pour faire face à cette situation chronique, le gouvernement du PS (Partido Socialista) a ouvert l’enseignement dans les écoles aux étudiants en éducation et à aux diplômés d’autres disciplines, ce qui induit directement une baisse de la qualité de l’enseignement public.
Mais pourquoi si peu de gens veulent-ils devenir enseignants ? Durant les 16 premières années de sa carrière (en moyenne), un jeune enseignant ne dispose d’aucune stabilité ou sécurité professionnelle. D’une année à l’autre, il se verra affecté à différentes écoles, dans différentes régions (parfois à 300 km de distance), sans jamais savoir s’il sera au chômage à la rentrée suivante ou s’il bénéficiera d’une charge horaire suffisante pour gagner sa vie. Ce n’est qu’au terme de cette longue période qu’il pourra monter l’échelle d’une carrière stable dans l’enseignement public. Au sommet de cette échelle, l’âge moyen est de 60,7 ans, avec 38,6 années de service, tandis qu’au premier échelon, les enseignants ont un âge moyen de 45,4 ans et 15,7 années de service. Si, dans les écoles primaires (élèves de 6 à 10 ans), plus de 85 % des enseignants sont nommés, il n’en va pas de même dans les collèges et les lycées, où les enseignants ayant un contrat d’un an (ou moins) représentent près d’un quart du personnel. Et lorsqu’ils sont enfin nommés dans une école et obtiennent la stabilité dont ils rêvent, un goulot d’étranglement sous forme de quotas rigides bloque leur progression. Et il en va malheureusement de même pour tous les autres travailleurs de l’éducation, puisque la plupart des travailleurs de l’administration publique auraient besoin de 120 ans de service pour atteindre le sommet de leur carrière !
Le peu d’engouement pour devenir enseignant pourrait également être dû aux classes surchargées et à l’extrême bureaucratie. Lorsque les cours sont terminés pour la journée, les enseignants sont contraints d’accomplir quotidiennement un flot ininterrompu de tâches bureaucratiques, à savoir remplir des formulaires et des documents, identifiés par des acronymes incompréhensibles enfilés les uns à la suite des autres, auxquels s’ajoutent entre autres des piles de plans, de listes, de dossiers, de justifications, de plans de redressement et de rapports. Sans parler des réunions des parents, des réunions de groupe et des réunions de département. Il est tout simplement impossible qu’un enseignant ne travaille que 35 heures par semaine, comme le prouve une enquête de la FENPROF, un syndicat enseignant, sur le temps de travail des enseignants de collège et de lycée, qui montre qu’ils travaillent en moyenne plus de 46 heures par semaine.
Le collège et le lycée sont les niveaux les plus touchés par l’état de plus en plus dégradé de l’enseignement public et, incidemment, ceux où les taux d’échec scolaire et d’abandon tendent à être les plus élevés. Compte tenu des défaillances successives des écoles publiques, il n’est pas surprenant que certaines familles dont les revenus le permettent préfèrent payer et inscrire leurs enfants dans des écoles privées, dont la fréquentation est en hausse : un cinquième des élèves les fréquentent, voire un quart au lycée. L’éducation différenciée en fonction des revenus et des biens est synonyme d’un accroissement des inégalités sociales.
Il est urgent d’investir fortement dans les écoles publiques et de revoir le système de progression de carrière des travailleurs de l’école ! La formation d’enseignant, et l’enseignement supérieur dans son ensemble, doivent être gratuits et subventionnés afin d’attirer de nouveaux enseignants et de les former selon les meilleures normes de qualité. L’État doit offrir des avantages attrayants et des contrats stables pour embaucher efficacement les enseignants en début de carrière, tout en réduisant le nombre d’élèves par classe et en améliorant l’éducation pour tous. Pour garantir cela, les travailleurs doivent prendre le contrôle de leurs écoles par le biais de commissions scolaires démocratiques, avec la participation des élèves, des familles et des communautés.
La lutte des travailleurs de l’école s’emballe
Au cours des derniers mois, le Portugal a assisté à l’une des plus grandes mobilisations de la dernière décennie, menée par les travailleurs de l’éducation, y compris les enseignants, les travailleurs sociaux, les techniciens spécialisés et d’autres membres du personnel scolaire. Elle a commencé en septembre dernier (2022), lorsque le Ministère de l’Éducation a proposé de modifier le modèle de recrutement des enseignants lors d’une phase de négociations avec les syndicats, en plaidant en faveur d’une gestion municipale et de contrats gérés directement par les directions d’école. La proposition a été mal accueillie et immédiatement contestée en septembre, puis en novembre, lors d’une seconde phase de négociations. La FENPROF (l’une des plus grandes fédérations syndicales d’enseignants, membre de la confédération syndicale CGTP dirigée par le parti communiste) a ainsi déclaré : “Nous défendons la primauté de l’affectation des enseignants par le biais du concours national de recrutement et de leur diplôme professionnel (calculé sur la base de l’ancienneté)”. Selon eux, la municipalisation des écoles conduirait à une éducation à deux vitesses dans le pays. Rendre chaque municipalité responsable des budgets alloués aux établissements et de leur éventuelle privatisation ouvrirait la voie à un système éducatif plus inégalitaire, et à une précarisation des conditions de travail de tous les professionnels de l’éducation.
La réforme proposée a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, déjà bien rempli par des années de conditions de travail misérables. Alors que grandissait la colère des travailleurs, leurs réclamations s’affirmaient : suppression des quotas et de progression de carrière, régularisation des horaires de travail à 35 heures par semaine, réduction de la distance entre le domicile des travailleurs et l’école où ils sont placés, augmentation des salaires en fonction de l’inflation et départ à la retraite anticipé. Sur la base de cette colère et de ces revendications, il devenait possible de mobiliser les travailleurs dans les rues, et ainsi montrer au gouvernement l’indignation du corps enseignant tout entier face à l’exploitation et au manque de respect dont il est victime. Et cela aurait également renforcé la position des syndicats d’enseignants à la table des négociations, car le gouvernement, lui, ne cédait pas.
Le mouvement
Le 5 décembre, huit syndicats enseignants traditionnels, menés par la FENPROF, ont finalement appelé à une manifestation pour le 4 mars, un samedi. La grève n’était pas à l’ordre du jour pour ces syndicats puisque les négociations étaient toujours en cours, la direction de la FENPROF arguant que “le moment n’est pas propice”, une attitude conforme à la posture de “négociateur” qu’adopte habituellement la direction de la CGTP. Cette stratégie est une erreur, car ce qui est obtenu à la table des négociations est directement lié à l’équilibre des forces dans les rues et sur les lieux de travail. Les travailleurs doivent compter sur leur propre force et leur organisation, sans se contenter d’attendre des accords avec l’État capitaliste.
Pendant ce temps, un ensemble de travailleurs de l’éducation cherchait un moyen plus combatif de lutter pour les intérêts de l’éducation publique. Un syndicat indépendant de travailleurs de l’éducation moins connu (ne faisant pas partie des confédérations syndicales, ni de la CGTP ni de l’UGT), “STOP” (Sindicato de Todos Os Profissionais da educação, syndicat de tous les travailleurs de l’éducation), a pris cette initiative en charge.
STOP a vu le jour en 2018, sous la direction d’André Pestana, actif dans les luttes pour l’éducation depuis 2013 et critique à l’égard des dirigeants du FENPROF. Deux cent enseignants ont rédigé et signé un manifeste réclamant la création d’un un nouveau syndicat qui aurait “une manière différente de faire du syndicalisme et chez lequel le processus de prise de décision serait complètement démocratique et non partisan”.
Bien qu’il soit relativement petit (représentant environ 1 300 travailleurs), STOP a appelé à des “actions de grève illimitées” à partir du 9 décembre, une nouvelle forme de lutte dans le paysage syndical portugais. En novembre, environ 2 000 enseignants ont déclaré soutenir ce modèle dans un sondage réalisé sur un blog consacré à l’éducation. Les travailleurs de l’éducation ont rejoint cette grève lors d’un mouvement massif et inattendu, entraînant la création de comités de grève démocratiques, la fermeture d’écoles et l’organisation de manifestations devant les écoles pendant plusieurs jours d’affilée. Ces mouvements ont touché l’entièreté du pays, mais plus particulièrement les régions métropolitaines de Porto et de Lisbonne, ainsi que l’ Algarve. Concrétisant la solidarité par la lutte commune, STOP a lancé un appel à tous les travailleurs de l’école, et pas seulement aux enseignants.
Cette grande mobilisation des travailleurs scolaires, ainsi que le peu d’ouverture du ministère à de nouveaux processus de négociation sur d’autres questions (liées notamment à la carrière des enseignants) ont mis sous pression les huit syndicats enseignants traditionnels. Ils ont eux aussi fini par appeler à une grève de 18 jours, c’est-à-dire un jour par région (distrito) du pays, à partir du 16 janvier, ainsi qu’à une manifestation en février. Le 17 décembre, une manifestation convoquée par STOP a rassemblé 20 000 travailleurs de l’éducation dans les rues. “Les enseignants qui se battent enseignent toujours” a été l’un des slogans les plus entendus tout au long de la manifestation qui les a menés jusqu’au parlement portugais. Si 20 000 personnes ont un temps semblé beaucoup, ce n’est rien comparé à la deuxième manifestation organisée par STOP le 14 janvier, qui a rassemblé 100 000 personnes Des dizaines de milliers de travailleurs non syndiqués l’ont rejointe, inspirés par la manifestation précédente. Le désespoir du gouvernement était tel qu’il a eu recours à la police pour tenter d’empêcher les bus destinés à la manifestation d’atteindre Lisbonne en les arrêtant pour les fouiller, dans une tentative évidente de saboter la manifestation.
Le gouvernement PS utilise la carotte des concessions et le bâton des services minimums
En février, face à la force écrasante du mouvement des travailleurs, le Premier Ministre (PS) Antònio Costa a finalement été contraint de céder et de faire quelques concessions.
Ont par exemple été obtenus : 1. le maintien du diplôme professionnel comme critère principal lors du concours national de recrutement qui fait office de processus de désignation dans les écoles (faisant ainsi reculer le gouvernement sur sa proposition d’embauche directe) ; 2. l’organisation plus fréquente (annuelle) du concours national de recrutement, tant pour le personnel nommé que temporaire, ce qui permettra de combler immédiatement les lacunes dues au départ à la retraite des enseignants plus âgés ; 3. la réduction de la distance entre le domicile de l’enseignant et l’école à laquelle ce dernier peut postuler ; 4. L’assouplissement des quotas qui restreignent l’évolution de carrière. Il est toutefois à noter qu’en dépit de ces concessions, le gouvernement n’a rien proposé quant aux problèmes à long terme de l’enseignement public, et n’a pas non plus accédé aux principales demandes du mouvement.
Le gouvernement a également demandé à la Cour d’imposer aux enseignants grévistes un “service minimum” à partir du 1er février, et ainsi forcer les travailleurs en grève à prester un certain nombre d’heures pendant l’action de grève. Mais en pratique, seules les actions de grève illimitées menées par STOP ont été visées, ce qui constitue une attaque directe à l’encontre d’un syndicat. Dans une déclaration, le Ministre de l’Éducation s’est justifié en invoquant “la durée et l’imprévisibilité des grèves menées par STOP ainsi que l’ensemble des conséquences pour les élèves, concernant leur protection, leur alimentation et leur soutien dans des contextes de vulnérabilité”. Dans une tentative évidente de monter les parents contre le mouvement enseignant, le monde médiatique dans son ensemble s’est exprimé dans les même termes, évoquant à chaque fois des « parents risquant de perdre leur emploi » et de « dommages irréparables pour les élèves ».
Le service minimum dans les écoles, censé garantir les repas des élèves et la prise en charge des enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux, A en réalité enchaîné tout le personnel scolaire à des horaires obligatoires, empêchant les écoles de fermer à nouveau et niant ainsi le droit de grève des travailleurs.
Le gouvernement a également mis en doute la “légalité” des fonds de grève et a demandé au bureau du procureur général d’émettre un avis sur la question et à l’inspection générale de l’éducation et de la science d’enquêter sur le sujet . Ces méthodes avaient été utilisées pour arrêter la grève des infirmières de 2018 et 2019, qui avaient été déclarées “illégales” pour avoir collecté des fonds par le biais du crowdfunding. La solidarité entre travailleurs de différents secteurs fait donc manifestement trembler l’ordre établi. Cette fois encore, le bureau du procureur général a qualifié d’illégale la grève de STOP.
Le besoin d’unité
En réponse à cette attaque contre le droit de grève, STOP a appelé à une nouvelle manifestation le 28 janvier, qui a elle aussi atteint près de 100.000 manifestants. La FENPROF et les autres syndicats traditionnels ont appelé à une manifestation le 11 février, rassemblant environ 150 000 personnes, ce qui montre la volonté de leurs membres de se battre et leur capacité de mobilisation. STOP n’a pas participé à l’organisation de cette manifestation, mais a appelé à la participation de ses membres. Le 25 février, STOP a organisé une autre très grande manifestation pour l’éducation publique. Enfin, le 4 mars, FENPROF a organisé une autre manifestation, divisée en deux villes, rassemblant 40 000 personnes à Lisbonne et 40 000 autres à Porto.
Malgré les appels de STOP à s’unir en front commun, la lutte a continué d’avancer avec d’un côté une coalition de huit syndicats dirigée par la FENPROF et de l’autre côté STOP, en concurrence. Le fossé entre les deux syndicats est devenu particulièrement visible lors de la manifestation du 11 février, lorsque le dirigeant de STOP, André Pestana, a organisé un rassemblement parallèle qui, pendant le discours de Mário Nogueira, pointait du doigt le dirigeant du FENPROF, l’accusant d’avoir empêché STOP de monter sur scène pour prendre la parole.
Un front uni de tous les syndicats appelant à des grèves aux mêmes dates pourrait avoir un impact plus fort que l’approche disjointe actuelle. L’expansion des comités de grève démocratiques promues par STOP mènerait à la coordination des travailleurs de l’éducation et le front commun permettrait une implication démocratique maximale.
Prochaines étapes
Malgré la volonté toujours inébranlable de lutte des travailleurs de l’éducation, le mouvement est aujourd’hui plus dispersé qu’il ne l’était à son apogée. L’appel continu de STOP à des “actions de grève illimitées”, bien que motivant au départ, est devenu fatigant et dispersant, les travailleurs menant des actions de grève à des dates différentes dans des écoles différentes, le plus souvent de manière non coordonnée.
Alors que la réaction du gouvernement commence à peser sur la lutte, les syndicats envisagent de nouvelles stratégies et approches. FENPROF a appelé à une nouvelle grève le 20 mars, visant particulièrement les heures supplémentaires, la charge de travail, la composante non enseignante et le dernier cours de la journée, mais aucune donnée ne permet de savoir combien d’enseignants ont rejoint le mouvement jusqu’à présent. De nouvelles grèves par région (distrito) sont également prévues entre le 17 avril et le 12 mai, ainsi qu’une grève nationale le 6 juin et une grève pour les examens finaux de l’année scolaire.
Le 18 mars, une réunion nationale des commissions syndicales et de grève de STOP s’est tenue et a pris la décision de limiter la grève indéfinie dès le 16 avril et d’appeler dès lors à des action ponctuelles, locales et nationales, en fonction des besoins particuliers de chaque école, des régions et de l’ensemble des travailleurs de l’enseignement. Les problèmes les plus fréquemment rencontrés sont liés aux conditions de travail, à la violence et l’indiscipline rencontrées par le corps enseignant, à l’encadrement de l’enseignement spécialisé, à la pénurie de personnel, aux infrastructures amiantées et malsaines. Parmi les actions envisagées, STOP mentionne vouloir tester des actions locales d’une journée ou d’une matinée. En outre le syndicat a encouragé, parmi d’autres propositions, à poursuivre les formes locales de lutte, telles que les camps, les veillées, les manifestations devant les écoles ou sur les ponts. Il a également suggéré d’accueillir les touristes avec des affiches gênantes pour le Portugal rédigées en plusieurs langues.
STOP appelle à une grève d’une semaine, du 24 au 28 avril, ainsi qu’à une manifestation le 25 avril (anniversaire de la Révolution des Oeillets de 1974 [qui a mené à la fin de la dictature de Salazar, NDTR]). Le slogan de cette action sera : “Ils trouvent toujours de l’argent, sauf pour les travailleurs”. (“Só não há dinheiro para quem trabalha !”)., et son but est d’unir ceux qui ressentent la dégradation des services publics et la perte du pouvoir d’achat. L’appel à une grève nationale de l’éducation concentrée sur une semaine entière est prometteur, mais l’économie capitaliste ne pourra être réellement ébranlée sans unité, une grande mobilisation et une coordination importante. La collaboration au sein des écoles et entre les écoles donnerait aux fermetures d’écoles un impact plus important et mettrait en évidence le pouvoir et la puissance de la classe ouvrière.
Les luttes scolaires sont une source d’inspiration. Construisons une lutte commune vers la grève générale
La révolte des travailleurs de l’éducation contre la précarité est commune à la majeure partie de la classe ouvrière, en particulier dans le contexte actuel de crise du coût de la vie et du logement. La lutte commune de l’ensemble de la classe ouvrière est et reste le moyen le plus efficace de battre le gouvernement et la classe capitaliste et de récupérer les services publics. Les luttes des travailleurs de l’éducation devraient servir de pilier à un mouvement plus large qui doit viser à unir les différentes luttes en cours pour des salaires et des conditions de vie dignes en menant des actions de grève coordonnées par tous les syndicats et en conduisant à une grève générale efficace. Inspirons-nous des comités de grève démocratiques et des fonds de grève solidaires constitués dans le cadre des luttes scolaires pour promouvoir davantage l’engagement de tous les travailleurs en lutte, syndiqués ou non, pour organiser et coordonner démocratiquement les grèves et pour que le mouvement gagne en force et résiste à l’usure naturelle qu’une longue lutte peut engendrer.
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A nouveau 7.500 manifestant.e.s pour exiger plus de moyens pour l’enseignement
Poursuivons la lutte avec un plan d’action crescendo !
L’actuel mouvement dans l’enseignement francophone est l’expression d’un mal-être profond, qui se traduit par la plus forte mobilisation du secteur depuis les années 90. Les problèmes ne sont d’ailleurs pas différents dans l’enseignement flamand, où l’on estime la pénurie d’enseignant.e.s à 10.000 temps pleins. Là aussi, le manque de moyens perturbe le programme d’études et met en péril la qualité de l’enseignement. Si tous les métiers du secteur entraient en lutte ensemble par-delà les frontières communautaires, nous n’en serions que plus renforcé.e.s !
De l’argent, il en faut… Rien que pour la rénovation ou la construction d’infrastructures décentes, la facture est estimée à 8 milliards d’euros et l’aide prévue ne sera qu’un à deux milliards. Et c’est sans parler de nos autres revendications, qui impliquent toutes un refinancement massif:
- Un refinancement public massif du secteur afin d’avoir un enseignement réellement gratuit et de qualité!
- L’abandon immédiat du dispositif d’évaluation des personnels qui vise à licencier plus facilement!
- Le retrait immédiat de toutes les réformes managériales qui mettent en concurrence les écoles entre elles et ajoutent des tâches de plus en plus importantes sur le dos des enseignants!
- Un enseignement de qualité dans un environnement sain: 15 élèves maximum par classe!
- L’engagement massif de personnel!
- Tout augmente, mais nos salaires ne suivent pas! Alignement des barèmes les plus faibles sur les barèmes les plus élevés et fin des contrats précaires!
- Des infrastructures de qualité et salubres: pour la construction de nouvelles écoles et la rénovation des écoles existantes!
De l’argent, il y en a !
La dette de la FWB est élevée? C’est une dette dont nous ne sommes pas responsables, remboursée aux spéculateurs. Financer l’enseignement à hauteur de ce qui est nécessaire est possible, pour autant que nous allions chercher les fonds là où ils sont: pour exemple, le bénéfice net de BNP Paribas a progressé de 7,5% en 2022 pour atteindre le niveau record 10,2 milliards d’euros! Les dividendes aux actionnaires devraient croître de plus de 12 % pendant quatre ans!
Nous comprenons l’importance d’une taxe sur les millionnaires, mais nous devons être conscients du risque de fuite des capitaux. Cette mesure n’est donc pas suffisante! Pour financer nos écoles structurellement, luttons pour la nationalisation de tout le secteur financier, ce qui permettra de mobiliser les moyens nécessaires au financement de nos services publics, sous gestion et contrôle du personnel, des syndicats et de la collectivité. Cela exige l’implication active de la classe travailleuse à chaque étape dans le cadre d’une planification rationnelle et écologique de l’économie. C’est pourquoi il faut absolument changer de système: luttons pour une société socialiste démocratique!























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Après plus de 1000 personnes à Charleroi le 7 février, les actions locales ont continué dans l’enseignement
Plusieurs arrêts de travail ont été organisés cette semaine notamment à Bruxelles et à Liège. De plus, à Bruxelles, certaines écoles ont décidé d’organiser des arrêts de travail ensemble et de se rassembler afin d’être plus nombreux. C’est donc à Schaerbeek, dans le centre-ville, à Saint-Josse, à Forest et à Saint-Gilles que des rassemblements ont été organisés.
150 personnes étaient présentes à Schaerbeek et 12 écoles ont été impliquées. Le rassemblement a permis aux enseignants de se rencontrer et de continuer la lutte ensemble.
La ministre de l’enseignement ment dans les médias, en faisant passer l’enseignement pour le seul métier où les travailleurs ne sont pas évalués. Les enseignants ont voulu montrer que cela n’est pas vrai et qu’ils ne sont pas d’accord avec cette réforme. En effet, ils sont constamment contrôlés et la direction a le droit de les observer quand elle veut et de faire des rapports défavorables si besoin il y a.
Tout cela permet également à la ministre d’éluder les autres revendications du mouvement qui dure depuis plus d’un an maintenant.Pour rappel, les enseignants doivent rendre : une planification annuelle par classe, des cahiers de la matière vue en classe, les évaluations et les devoirs des élèves, leur journal de classe et celui des élèves. De plus, il existe le Service Général de l’Inspection qui vient observer en classe et écrire un rapport d’observation.
La réforme de la ministre PS est une évaluation-sanction faite par la direction ou un collègue ; ce qui divisera l’équipe et installera une atmosphère délétère. Cette réforme donne plus de responsabilités et pouvoir aux directions, qui n’en demande généralement pas autant et qui sont déjà à bout.
Les enseignants demandent plus d’aide sur le terrain, moins d’administratifs, des formations de qualité, des bâtiments salubres et moins d’élèves par classe. Le gouvernement n’est pas près d’entendre leurs revendications, il veut économiser dans le budget de l’enseignement et mettre de la pression sur les derniers profs qui tiennent encore debout.
Les décideurs politiques sont coupables de la destruction d’un service public nécessaire à la société. Il est temps que l’enseignement devienne une priorité avec un budget à hauteur des besoins.
Les actions locales devraient continuer d’ici la manifestation communautaire de fin avril.
Le PSL se bat pour :
- L’abandon immédiat du dispositif d’évaluation des personnel qui vise à licencier plus facilement !
- Le retrait immédiat de toutes les réformes managériales qui mettent en concurrence les écoles entre elles et ajoutent des tâches de plus en plus importantes sur le dos des enseignants !
- Un enseignement de qualité dans un environnement sain : 15 élèves maximum par classe !
- L’engagement massif de personnel !
- Tout augmente, mais nos salaires ne suivent pas ! Alignement des barèmes les plus faibles sur les barèmes les plus élevés et fin des contrats précaires !
- Des infrastructures de qualité et salubres : pour la construction de nouvelles écoles et rénovations des écoles existante !
- Un refinancement public massif du secteur afin d’avoir un enseignement réellement gratuit et de qualité !
- Pour notre portefeuille et pour la transition énergétique : nationalisation du secteur de l’énergie sous contrôle et gestion démocratiques !
- Puisqu’une société malade basée sur le profit et non sur nos besoins ne peut qu’engendrer un enseignement défaillant, et inversement, il nous faut absolument changer de système : pour une société socialiste démocratique !







