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Category: Privé divers
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Bain de sang social dans le secteur des carrières : les travailleurs paient pour la crise capitaliste !

Au milieu du mois de septembre, l’entreprise Lhoist a annoncé un plan de licenciement collectif. 117 emplois sont menacés et les différents sites industriels sur lesquels l’entreprise est implantée vont devoir se concentrer sur leur « coeur de métier ». Une fois de plus ce sont les travailleurs qui paient pour l’incapacité du système capitaliste à résoudre ces contradictions.
Par Alain (Namur)
Un choc pour les travailleurs et leurs famille
La direction du groupe a annoncé en septembre un plan de licenciement. Sur les 740 emplois que compte le groupe en Belgique, ce sont 117 personnes qui risquent de perdre leur emploi. Les 3 sites : Jemelle (14 personnes dans le secteur de la pierre calcaire), Hermalles-sous-Huy (64 personnes dans le secteur de la transformation) et de Marches-les-Dames (39 personnes dans le secteur de la dolomie) seront touchés. Le groupe invoque le ralentissement de son activité. Il invoque le fait que sur ces 10 dernières années les marchés dont dépendent le secteur carrier ont diminué de 35%.
Les travailleurs paient les contradictions du système et l’avidité des actionnaires
Dans son communiqué, l’entreprise invoque aussi une baisse de compétitivité et des coûts de production élevés. Elle annonce aussi un investissement de 90 millions sur 5 ans. Le coût du travail est pointé du doigt, mais le parasitisme des actionnaire est passé sous silence : 165 millions d’euros ont été distribués en dividendes à la famille Lhoist-Berghmans, qui est la 10e famille la plus riche de Belgique. Il semble que face à la crise, ce sont seulement les travailleurs et les travailleuses qui doivent faire des efforts.
Depuis 10 ans, nous subissons les impacts de la grande récession : pertes d’emplois, plans d’austérité, coupes dans la fonction publique,… L’économie n’est pas sortie de la crise et est entrée dans une phase de ralentissement au niveau mondial. La sidérurgie, le verre et la construction ont été touchés de plein fouet par la crise, en Belgique et à l’international. Ce sont les débouchés traditionnels du secteur des carrières. La réduction de l’emploi et donc du niveau de vie de la majorité sociale n’est pas une solution. En fait, c’est même la base pour accroître la contradiction principale du système capitaliste. L’exploitation de la force de travail de la majorité par une minorité sociale limite la possibilité de vendre l’ensemble des marchandises qui sont produites.
Lutter pour défendre l’emploi nécessite de lutter contre les contradictions de ce système
Ce n’est pas aux travailleuses et aux travailleurs de payer pour la crise des capitalistes. Nous pensons que la nationalisation pour sauver l’emploi est une nécessité. Nous devons aussi orienter la production vers les besoins sociaux pour pouvoir produire ce qui est nécessaire tout en tenant compte de l’énorme crise environnementale. Cela ne peut se faire que par la lutte des travailleuses et des travailleurs : ceux qui sont impliqués dans ce secteur mais aussi l’ensemble des travailleurs, afin d’installer un rapport de force favorable dans la société.
Les travailleurs des carrières ont toujours répondu présents lors des luttes sociales de ces dernières années. Organisons-nous pour construire une solidarité interprofessionnelle en défense de ce secteur. Dans un premier temps, des motions de solidarité pourraient être envoyées aux travailleurs par les régionales et sections syndicales, pour témoigner aux carriers qu’ils n sont pas seuls dans la bataille.
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[PETITION] Des soins de qualité pour tous !

Par La Santé en Lutte
Depuis plusieurs mois maintenant, le personnel de différentes institutions de soins est mobilisé pour réagir à la dégradation constante de leurs conditions de travail.
En effet, la Ministre de la santé et le Gouvernement ont appliqué des économies budgétaires de plusieurs centaines de millions d’euros dans les soins de santé ces dernières années. Ces mesures rentrent dans une nouvelle politique de gestion de la santé au niveau fédéral, celle de la rentabilité. Dans cette même perspective, les directions managériales ont changé, contribuant ainsi à l’application de ces nouvelles politiques de rendement. La gestion de nos hôpitaux s’apparente dès lors de plus en plus à celle d’une industrie où le profit est de rigueur. En lieu et place de l’humain, les gestionnaires politiques et managériaux ne voient plus que des chiffres et des tableaux comptables. Ainsi, pour eux, rentabilité et flexibilité sont devenues les valeurs centrales de la gestion de nos soins de santé.
Nous fonctionnons donc de plus en plus en sous-effectif, avec des cadences augmentées, nos contrats sont de plus en plus précaires et nos salaires stagnent. Les soins rendus se dégradent, l’attention portée aux patient·e·s diminue, les files s’allongent et les urgences se remplissent.
Cette situation est plus que préoccupante. Nous en arrivons même à nous demander comment nous avons fait pour tenir jusque-là ? Aujourd’hui, l’ensemble des services hospitaliers, des maisons de repos,… sont au mieux en surchauffe, au pire en crise. Nous sommes conscient·e·s qu’on ne tiendra pas à cette cadence et dans ces conditions longtemps.
Nous, travailleurs et travailleuses, sortons régulièrement de notre boulot épuisé·e·s physiquement et psychiquement. Nous n’avons même plus la satisfaction du travail bien fait. Nous sommes mis·e·s sous pression constamment, pour toujours devoir en faire plus avec toujours moins. Ainsi, trop souvent, nous avons le goût amer de ne pas avoir pu faire mieux pour nos patient·e·s. Nous sommes poussés par le corps managérial à devenir des robots ! Du personnel de la lingerie aux brancardièr·e·s en passant par les infirmièr·e·s, nous sommes toutes et tous sous cette pression constante de devoir faire plus vite et plus rentable ! Sauf que nous ne sommes pas dans une usine, et qu’en bout de course, il s’agit d’êtres humains !
Ces êtres humains sont les patient·e·s, vous, nous, la population en Belgique. Cette dernière a le droit d’être soignée correctement, peu importe l’origine sociale ou culturelle, peu importe le niveau de revenu ! Aujourd’hui, nous savons que ce n’est pas le cas. Dans un système de santé qui se transforme en système marchand, c’est celui qui aura le plus de moyen qui sera le mieux soigné ! Entre le chirurgien qui n’opère que si nous sommes en chambre privée et l’hôpital qui surfacture, entre les entreprises pharmaceutiques qui font payer leurs médicaments une fortune et le gouvernement qui supprime les remboursements : nous avons un système qui exclut une partie de plus en plus importante de la population.
Ainsi, nos gouvernants, managériaux et politiques, font rentrer la dynamique marchande dans les soins de santé. Rentabilité, pression financière, taux d’occupation des lits, rationalisation des soins, différenciation de qualité en fonction du payement, conditionnement du financement à la quantification des actes, etc. etc. Le gouvernement calcule pour économiser le moindre centime sur notre santé.
Alors, à vous qui réalisez des économies sur notre dos, nous tenons à vous exprimer par cette pétition que votre politique est inhumaine et que les patient·e·s comme les soignant·e·s sont les premières victimes de vos décisions. Car, oui, aujourd’hui, nous sommes en danger et, surtout, les patient·e·s sont en danger !
Enfin, sachez que la santé nous tient à cœur et qu’il y a une vraie volonté chez nous toutes et tous de travailler dans ce secteur mais plus à n’importe quel prix. Il est urgent de remettre la valeur humaine au centre des préoccupations ! L’humain ce n’est pas des chiffres ! Et pour soigner l’humain nous avons besoin de temps ! La qualité des soins passe tout d’abord par du temps, un bon accueil et une bonne évaluation clinique. La prise en charge d’un patient doit rester un moment privilégié, un moment d’écoute. Nous voulons avoir le temps de prendre soin des patient·e·s humainement et de sortir de la logique d’actes à la chaîne. Nous pensons qu’il est temps de refinancer nos soins de santé et de rendre à nouveau nos métiers attractifs par des conditions de travail saines, des contrats stables et une revalorisation salariale.
Nous invitons donc l’ensemble de la population, ainsi que les organisations de patient·e·s, professionnelles, syndicales, associatives, etc. à signer cette pétition pour exiger :
- Un refinancement des soins de santé
- L’engagement de plus de personnel pour assurer des soins de qualité à toutes et tous
- Une revalorisation salariale de tous les métiers de la santé
- Une véritable politique de bien-être au travail et un arrêt du management inhumain
Nous proposons aussi à l’ensemble des signataires :
- De diffuser le plus largement cet appel et cette pétition via ce lien
- De nous rejoindre à notre deuxième Assemblée Générale du 8 novembre 2019 à 18h au 70B rue du Danemark à Saint Gilles.
Qui est à l’initiative de cette pétition ? Qu’est-ce que « la santé en lutte » ?
Nous sommes infirmièr·e·s, sages-femmes, médecins, brancardièr·e·s, aides soignant·e·s, personnel de la lingerie, de la restauration, de l’entretien ménager, technicien·ne·s, secrétaires, laborantin·e·s, ambulancièr·e·s, patient·e·s, etc. Nous sommes également citoyen·ne·s et désireux·ses d’un système de santé basé sur l’humain plutôt que la rentabilité financière. Notre structure fonctionne en assemblée, de manière démocratique et collective. Un·e membre, une voix. Elle est ouverte à toutes les personnes et organisations qui souhaitent se mobiliser.
Pour nous rejoindre c’est simple : suivez-nous sur facebook « La santé en lutte », envoyez-nous un email lasanteenlutte@gmail.com
·· Si vous souhaitez signer la pétition et soutenir le mouvement au nom de votre organisation veuillez nous le signaler via lasanteenlutte@gmail.com
ORGANISATIONS SIGNATAIRES
- Collectif Hopital en Résistance
- FdSS Fédération des Services Sociaux
- Médecine pour le Peuple/Geneeskunde voor het Volk
- Femmes et Santé
- Fédération des maisons médicales
- CGSP ALR Bruxelles
- CGSP Brugmann
- CGSP St Pierre
- CNE Non marchand Bruxelles
- JOC Jeunes Organisés et Combatifs
- Barricade asbl
- LLN Bouge
- L’USE Union Syndicale Etudiante
- Ecolo J
- Actrices et acteurs des temps présents
- Le poisson sans bicyclette
- Amazone ASBL
- CADTM Belgique
- ACiDe
- Agir pour la Paix
- ACN Association belge des praticiens de l’art infirmier
- Street Médic Brussels
- les Femmes Prévoyantes Socialistes (FPS)
- La Fédération de Centres de Planning familial des FPS
- Les Equipes Populaires de Bruxelles
- Le Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC) Bruxelles
- Campagne ROSA
- PSL – LSP
- Le réseau ADES
- IWW Belgium
- Attac Bruxelles
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La santé en lutte – Nous avons besoin de plus de personnel et de plus de moyens !

Assemblée générale La Santé en Lutte Depuis plusieurs mois maintenant, le personnel de différentes institutions de soins est mobilisé pour réagir à la dégradation constante de leurs conditions de travail. Dans ce cadre, une grande Assemblée Générale de rentrée de La Santé en Lutte était organisée vendredi dernier à Bruxelles. Le texte ci-dessous est tiré du tract Hypertension (1) qui y a été distribué. Nous vous invitons par ailleurs à lire l’interview que nous avons réalisée de Karim Brikci, délégué permanent CGSP de l’hôpital Brugmann-Horta ainsi qu’à vous rendre sur le groupe Facebook La Santé en Lutte.
On exige toujours plus avec moins de personnel. Les soins sont enchaînés les uns après les autres, à la chaîne, sans plus avoir de temps pour les patients. La pression et la dégradation des conditions de travail sont devenues insoutenables. La dimension humaine des soins a été détruite par la charge de travail et la transformation des hôpitaux en usines. Des tableaux Excel interprétés par des consultants externes, ou autres bureaucrates, ne permettront jamais de saisir la réalité de terrain.
“Sous le gouvernement Di Rupo, plus de 4 milliards d’euros ont été économisés dans l’assurance-maladie, dont 1 milliard d’euros ‘‘d’économies nettes’’. Sous celui de Michel, le compteur a été augmenté de 3,84 milliards d’euros, dont plus de la moitié sont des économies nettes’’(2). Nous sommes au début d’une véritable crise des soins de santé. Avec trop peu de moyens, un désinvestissement chronique et la commercialisation progressive de la santé, impossible que celle-ci fonctionne correctement !
Tout ceci n’est pas une fatalité. Nous partageons matin et soir ce constat sur nos lieux de travail. La Santé en Lutte est un espace de convergence pour toutes les travailleuses et les travailleurs de la santé, afin de sortir de notre isolement et prendre conscience de notre force collective. Avec la grève des hôpitaux publics bruxellois le 3 juin, les mardis des blouses blanches et le mouvement dans les maisons de repos, le mouvement des travailleurs de la santé s’étend. Cela offre l’opportunité d’élaborer tous ensemble, avec la participation des différents syndicats, un plan d’action crescendo vers une journée d’action nationale commune pour tous les secteurs confondus de la santé.
Dans une interview au Soir, Robert Verteneuil, le président de la FGTB a raison d’expliquer que le signal donné par les électeurs le 26 mai dernier, c’est celui des préoccupations sociales. Pour y répondre, il propose un plan national d’urgence socio-climatique : augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs via les salaires, relever la pension minimum à 1500€ net, le salaire minimum à 14€/heure brut, les minima sociaux au-dessus du seuil de pauvreté et des investissements dans le social et le climat. C’est un bon programme dans lequel La Santé en Lutte peut s’inscrire : les investissements publics nécessaires dans le secteur sont importants.
La formulation de nos revendications peut varier, qu’on soit dans le public ou le non-marchand, dans les hôpitaux, les
maison de repos, les soins à domicile, au SIAMU… Mais nous sommes tous confrontés aux mêmes problèmes.- Un refinancement public massif de la santé pour de l’engagement de personnel supplémentaire, de bonne conditions de travail et des soins de qualité pour tous.
- Une augmentation de l’ensemble des salaires et un minimum de 14€/heure soit 2300€ brut par mois.
- Un renforcement du système fédéral de sécurité sociale, pas de scission de celle-ci !
- Une réduction du temps de travail à 30h semaine pour permettre un travail à long terme dans le secteur, avec
embauches compensatoires, sans pertes de salaires et avec une interdiction formelle du travail à temps partiel
involontaire. - Mettons un terme à la privatisation et à la commercialisation de la santé. Pour un service public national de santé gratuit,
sous contrôle démocratique de la collectivité. Y compris la partie rentable du secteur, l’industrie pharmaceutique, duquel serait bannie l’avidité du privé.
- Hypertension (version néerlandophone : ‘Polsslag’) a vu le jour lors de la Colère Blanche (2004-2005) comme journal d’action pour des militants syndicaux combatifs et critiques, tant à la CSC qu’à la FGTB dans le secteur de la santé. Ce réseau s’est créé à l’initiative de délégués membres du Parti Socialiste de Lutte (PSL), mais est ouvert à tout activiste combatif dans le secteur. Contact : www.socialisme.be / info@socialisme.be
- Service national d’études des mutualités socialistes, décembre 2017.

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Econocom licencie son délégué principal. Entretien avec Laurent Vanhaelen

La période des soldes sociales : le moment idéal pour se débarrasser d’un délégué syndical jugé encombrant.
Econocom, une multinationale active dans les services informatiques, traîne derrière elle une belle liste de syndicalistes limogés. En 2015 le
délégué principal avait été prié de partir avec menace de faute grave. En 2016, 3 nouveaux délégués ont été licenciés. Cette année, un délégué syndical présent depuis 10 ans dans la société et qui avait reçu un mandat syndical en décembre 2018 a été licencié le 27 mai tandis qu’une procédure pour faute grave a été lancée à l’encontre d’une représentante du personnel le surlendemain, le 29 mai. Fin juillet, ce fut au tour du délégué principal (CNE) Laurent Vanhaelen, élu aux élections sociales à 5 reprises, d’être victime d’une mesure de licenciement après 19 années passées dans l’entreprise.Les 30 juillet et 23 août derniers, deux actions syndicales ont pris place aux portes des locaux d’Econocom à Zaventem afin d’exiger sa réintégration. Nous avons discuté avec Laurent de cette situation.
=> La prochaine action de solidarité contre le licenciement de Laurent se déroulera le vendredi 6 septembre à 7h rue des colonies à Bruxelles. (Événement Facebook).
Socialisme.be : Ça fait donc 6 délégués éjectés en 3 ans chez Econocom. Dans ses motifs de justification, la direction pointe explicitement ton travail syndical. Il y a une guerre contre les représentants du personnel ?Laurent VH : Oui. Dans la lettre de licenciement, une des raisons invoquées est que je ne fais que du syndicalisme. Je ne peux pas obliger le patron à me donner du travail. En fait, on leur a fait la demande explicite de me donner des missions, ce qu’ils ont toujours refusé, et ce depuis 2012. Bien que ce ne soit pas une raison valable pour me licencier, cela illustre que c’est le travail syndical qui est visé.
Et étant donné qu’il n’existe aucune raison valable pour ce licenciement – ils ne citent pas le motif d’une faute grave pour la bonne et simple raison qu’il n’y en a pas – ils sont prêts à payer mon licenciement. Ils achètent l’écartement d’un délégué syndical. Mais en plus, comme raison pour m’évincer, ils citent notamment ma présence à une action menée avec la délégation chez un client d’Econocom : le 6 juin à la STIB.
Socialisme.be : Quels étaient la cause et le but de cette action à la STIB ?
L.VH : De plus en plus dans les entreprises où Econocom s’installe, Econocom a recours à des travailleurs de plus en plus précaires. Nous revendiquons des conditions de travail identiques pour tous. Mais nous n’avons reçu que quelques réponses vagues suite à nos demandes. Du coup, pour montrer notre sérieux, nous sommes allés distribuer des tracts devant la STIB. Nous revendiquons la même assurance hospitalisation, les mêmes conditions de mobilité et de voiture de fonction, et le même minimum salarial pour tous. La direction a répondu que ce n’était pas possible car les employés en question étaient soit indépendants, soit d’une autre entreprise. Nous argumentons qu’il fallait alors les embaucher et les salarier.
Socialisme.be : Il y a déjà quelques années déjà, la lutte contre le recours au statut de faux indépendant était d’ailleurs au coeur du travail syndical à Econocom.
L.VH : Lors de l’action du 6 juin, nous avons distribué un tract déjà utilisé il y a trois ans ! A la suite de cette action, les participants ont tous reçu un recommandé avec une série de reproches vis-à-vis de cette action, une réaction particulièrement violente dans les mots. Mais ce n’est pas tout puisque le 27 mai, le lendemain des élections du 26 mai, la direction a licencié un délégué syndical, mandaté seulement 6 mois auparavant ! Généralement le patron qui veut garantir le maximum de paix sociale ne licencie pas un délégué, il n’agit de la sorte que’il veut en découdre avec la délégation.
Econocom brise les systèmes sociaux, les acquis, les contrats,… en ayant recours à de faux indépendants ou à des consultants en ”intérim déguisé”. Ils ont par exemple mis sur pieds ‘’Digitalent’’, une entité appartenant à 100% à Econocom mais qui échappe aux structures de concertations, sans conseil d’entreprise donc, mais aussi sans CPPT, etc. Petit à petit ils essayent de remplacer les employés par des nouveaux, cette fois-ci embauchés par Digitalent. Ces nouveaux statuts d’interim déguisé et de faux indépendants, viennent en concurrence avec les travailleurs chez le client, mais aussi au sein des autres entités d’Econocom. Notre délégué licencié en mai s’était positionné contre ces pratiques, notamment.
Socialisme.be : La situation économique s’assombrit. La faible reprise économique après la crise de 2008-2009 ne profite pas aux travailleurs et les ralentissements qui se dessinent en Chine et, plus proche de nous, en Allemagne, annoncent de nouvelles difficultés accompagnées de possibles nouvelles pertes d’emplois et restructurations. Cette chasse aux syndicalistes ne prépare-t-elle pas le terrain pour tenter d’affaiblir la résistance ?
L.VH : Je partage ton analyse. La direction d’Econocom tente d’effrayer constamment les syndicalistes par la menace mais aussi le dénigrement. Dès qu’on cherche à défendre nos conditions de travail, elle nous taxe de vivre à une époque révolue. Pourtant, c’est bien ce patronat qui cherche presqu’à “littéralement” embaucher des employés sous des statuts comparables aux serfs du moyen-âge. Avec de multiples sociétés différentes au sein de la même entreprise, telles que Digitalent par exemple, la direction impose une sévère compétition entre travailleurs au sein même du groupe, avec la complicité du management des différentes entités. Après, ce sont les employés qui en paient le coût avec la dégradation de leurs conditions de travail.
Chez Econocom, en 2015-2016, les effectifs ont ”fondu” de moitié passant de 800 travailleurs à 400 environ. Mais les difficultés ne sont pas derrière nous. Econocom délivre des services informatiques à des entreprises clientes. Beaucoup de travailleurs d’Econocom travaillent dans les entreprises clientes. C’est une épreuve pour le travail syndical, les collègues étant dispatchés dans diverses entreprises, il est excessivement difficile de les atteindre, de les rencontrer et même de les connaître! Econocom est également une société qui finance les projets informatiques de ses clients. Aujourd’hui, avec les taux d’intérêts bas, voire nuls, les entreprises ne sont pas en recherche de fonds pour financer leur propre secteur informatique. Une situation qui peut à terme poser des problèmes au modèle économique d’Econocom.
Maintenant, il est certain que s’attaquer ainsi à la délégation syndicale à la veille des élections sociales, cela vise aussi à décourager les futurs candidats de s’investir et à menacer les délégués qui restent pour qu’ils ne résistent pas aux attaques contre nos statuts, nos contrats, nos rémunérations.
Ci dessous, vous trouverez un modèle de motion de solidarité, pour les délégations syndicales qui veulent soutenir la lutte pour la réintégration de Laurent. Elle est notamment signée par la CGSP-ALR de Bruxelles.
Motion de solidarité avec Laurent Vanhaelen, délégué CNE d’Econocom.
Nous demandons que Laurent Vanhaelen, délégué depuis 19 ans et 5 mandats (secrétaire du comité d’entreprise et délégué auprès du comité d’entreprise européen), soit réintégré chez Econocom.
Le licenciement brutal de Laurent – dont la procédure n’a pas été respectée et où il est écrit que l’activité syndicale est la raison du licenciement – est une attaque anti-syndicale qui s’inscrit dans la guérilla menée depuis des années par Econocom contre ses représentants syndicaux : 4 autres délégués ont déjà été licenciés au cours des trois dernières années. La direction n’a aucun respect pour les organes syndicaux, elle inscrit littéralement le temps syndical sur le bulletin de salaire (ce qui rend difficile le passage à une banque ou à un propriétaire …), lance des attaques personnelles, envoie des lettres recommandées avec notifications aux délégués, …
Des entreprises telles que Econocom utilisent le fait que 2020 soit une année d’élections sociales et que les frais de protection sont actuellement les plus bas, pour se débarrasser des délégués militants tels que Laurent. Il s’agit d’une grave atteinte aux droits syndicaux : l’employeur met le syndicat complètement à l’écart et dissuade également les futurs candidats de se présenter aux prochaines élections. En conséquence, tout le travail syndical des dernières décennies est remis en question.
Nous réclamons la réintégration de Laurent et continuerons à nous opposer à son renvoi. En outre, nous continuerons à lutter pour nos libertés syndicales, la liberté d’exercer notre mandat et le droit à la négociation collective. S’attaquer à l’un d’entre nous, c’est s’attaquer à tout le mouvement syndical !
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Réintégration de Laurent Vanhaelen, délégué syndical chez ECONOCOM!

Ce matin, une septantaine de syndicalistes ont mené une action en front commun syndical sur le site d’Econocom à Zaventem, une multinationale active dans les services informatiques. Le délégué principal CNE Laurent Vanhaelen a été licencié le 25 juillet dernier, sans respect de la procédure.
Les raisons invoquées pour ce licenciement sont toutes liées à son mandat syndical, qui déplaît à la direction. Laurent est délégué depuis 19 ans à Econocom et a obtenu le plus de voix aux dernières élections sociales. Depuis plusieurs années, la direction d’Econocom cherche à casser les traditions syndicales dans l’entreprise pour affaiblir l’ensemble du personnel. La période de fin de mandat, juste avant la tenue des élections sociales, est souvent utilisée par des patrons puisque l’indemnité de licenciement d’un délégué est moindre à ce moment-là. Il s’agit toutefois d’une grave atteinte aux droits syndicaux. Les syndicats revendiquent la réintégration de Laurent. La solidarité dans ce conflit est importante. Vous pouvez envoyer vos messages et motions de solidarité ici.



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Grève réussie chez Deliveroo en Belgique

Pas de pseudo statut d’indépendant, mais au moins 12 euros de l’heure et des concertations sérieuses !
Samedi 15 juin, les livreurs de Deliveroo se sont mis en grève à Gand pour protester contre la réduction de leur rémunération et réclamer un salaire garanti. Les coursiers essaient sans succès de consulter leur direction depuis des mois. Depuis plus d’un an, les syndicats s’organisent avec les coursiers pour défendre des salaires et des conditions de travail décents.
Depuis l’été dernier, Deliveroo contraint ses employés à être sous un faux statut d’indépendant, avec l’introduction d’une rémunération à la course. La compensation pour les livraisons a diminué de 35% depuis lors. Les temps d’attente dans les restaurants ne sont pas remboursés et peuvent parfois être très long. Conjuguée au refus de Deliveroo d’entamer un dialogue avec son personnel, cette situation a donné lieu à une première action.
L’action a été organisée par le biais de groupes de discussion sur application et en ligne, mais aussi par la distribution de tracts aux endroits desservis par Deliveroo. La grève a remporté le succès : une trentaine de grévistes sur la cinquantaine de coursiers habituellement en route un samedi soir. Certains délégués syndicaux étaient également présents, tout comme des représentants de partis de gauche (PTB et PSL). Certains coursiers d’Uber Eat et de Take Away sont également passés saluer leurs collègues. Le piquet de grève a également mis pression sur certains restaurants afin qu’ils éteignent leur application pour le reste de la soirée.
Les coursiers de Deliveroo exigent un salaire minimum de 12€/h. De plus, une structure de consultation adéquate est nécessaire pour disposer d’une ligne de communication avec la direction à l’avenir et ne pas avoir à systématiquement faire grève avant d’avoir quelqu’un à qui parler. Les syndicats et les coursiers vont à nouveau se réunir et planifier l’organisation de nouvelles actions s’ils ne reçoivent aucune réponse positive.
Il est important que les travailleurs commencent à s’organiser pour défendre leurs droits dans ces nouveaux secteurs. Dans la lutte pour un meilleur salaire minimum, nous ne devons pas oublier les travailleurs victimes de ces faux statuts d’indépendant que les patrons essayent d’utiliser de plus en plus.




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Silvio Marra, ancien délégué aux Forges de Clabecq. “Élever le niveau de conscience…”

Dans nos précédentes éditions, nous avons publié les deux premières parties d’une interview de Silvio Marra, ancien délégué des Forges De Clabecq. Silvio y a parlé de la situation actuelle à NLMK, mais aussi de la patience avec laquelle une délégation syndicale combative s’y est constituée. Ces syndicalistes de combat ont remporté les élections sociales de 1987 et ont joué un rôle central dans la lutte des années 1990.
Entretien réalisé par Guy Van Sinoy
Agir Autrement et les élections sociales de 1987
Les élections sociales de 1987 aux Forges ont marqué une rupture avec le passé. Jusqu’alors, une fois les listes de candidats établies par le secrétaire régional Métallos FGTB et le président de la délégation Jean-Claude Albert, chaque candidat faisait sa propre campagne personnelle.
Or en 1986 Dessy, le patron, a annoncé son intention de licencier une centaine de ‘‘carottiers’’ : des travailleurs plus souvent malades que d’autres. La direction a commencé par licencier 2 ouvriers chaque mois. Mais au bout de quelques temps elle a cessé, redoutant un mouvement de colère des travailleurs. Agir autrement s’est élevé contre la faiblesse de la délégation FGTB qui tolérait de tels licenciements. Dans la plate-forme Agir autrement la revendication de ‘‘zéro licenciement’’ répondait donc à un enjeu concret.
Agir Autrement regroupait un noyau de sept militants FGTB ayant appartenu à un moment ou l’autre à une organisation communiste: De Backer, D’Orazio, Cantella, Borzykowski, Dessily, Marra et Gotto. Nous avions aussi dans notre programme : un plan industriel pour sauver les Forges, une amélioration des salaires de catégories d’ouvriers qualifiés car les compétences techniques devenaient de plus en plus exigeantes, la récupération de l’index (bloqué par le gouvernement). On a réalisé une affiche avec notre programme et le nom de nos candidats collée partout dans l’usine. Dans une assemblée ouverte, j’ai demandé de changer le staff qui dirigeait la délégation pour mener une politique plus ferme. Cela été une rude bataille car des centaines d’ouvriers FGTB soutenaient un camp contre l’autre. D’autant plus que nous avions lancé la campagne 6 mois avant l’élection au lieu de 2 semaines avant comme cela se faisait habituellement.
L’objectif d’Agir Autrement n’était pas de couper des têtes mais de renforcer la délégation syndicale, c’est-à-dire d’avoir une ligne politique plus solide. La Centrale des Métallos FGTB a pris cela comme une attaque personnelle contre une partie de la délégation et a diffusé un communiqué prédisant que la FGTB allait perdre sa culotte dans cette bataille.
Et pourtant, lors de l’élection, la FGTB a récolté un score jamais atteint auparavant. Les délégués élus sur la plate-forme Agir Autrement avaient fortement progressé. Roberto D’Orazio était élu au Conseil d’Entreprise (CE) et en Délégation syndicale (DS), Marra au Comité Sécurité et Hygiène (CSH) et en Délégation syndicale (DS). Le rapport de forces devenait plus favorable à la gauche au sein de la délégation syndicale FGTB.
Nous avons ensuite mobilisé les travailleurs pour imposer le cahier de revendication d’Agir Autrement. Début 1989 la délégation FGTB a exigé (et obtenu!) la transformation de tous les contrats temporaires en contrats à durée indéterminée et a revendiqué un rattrapage salarial. La lutte a été chaude (plusieurs semaines de grève). En fin de compte, Dessy le patron proposait 6 % d’augmentation. Agir Autrement a revendiqué 12 %! C’était culotté ! Mais finalement il y a eu accord sur 10 % échelonnés sur deux ans. Les salaires des ouvriers qualifiés ont en outre été revalorisés.
Revers électoral de la FGTB en 1991 après cette phase de ‘‘syndicalisme de beefsteak’’
Pour les élections sociales de 1991 nous n’avons pas fait de véritable campagne. Nous pensions, à tort, qu’il suffisait de rappeler tout ce que nous avions pu arracher. Surprise ! La FGTB a perdu 2 mandats au profit de la CSC ! En centrant tout sur le volet économique (le ‘‘syndicalisme de beefsteak’’), nous avions perdu de vue qu’il fallait continuer à faire de la politique (lutte contre le racisme, solidarité avec les autres luttes) pour élever le niveau de conscience des ouvriers.
A l’automne 1992 la direction a annoncé un plan d’austérité (plan Dessy) pour ‘‘sauver l’entreprise’’ : diminution des salaires de 10 %, suppression de la prime de fin d’année. La résistance a été solide : manifestation à Tubize, grève, référendum organisé par le front commun syndical (90% d’ouvriers refusaient la baisse de salaire). Guy Spitaels, alors président de la Région wallonne, a fait pression sur Jean-Claude Albert (président de la délégation et élu communal PS) et a annoncé que si on n’acceptait pas la baisse de salaire, la Région wallonne ne verserait par les 500 millions de FB promis pour sauver les Forges. Un compromis a été finalement élaboré (les 10 % devenaient un ‘‘prêt’’ remboursable à terme(1)). Les 4 délégués CSC, le délégué libéral et 2 délégués FGTB (sur 7), dont Jean-Claude Albert – qui déclarait : ‘‘On est au bout du rouleau !’’ – se sont prononcés en faveur du compromis. Une faible majorité des ouvriers (54,5 %) a finalement accepté, par lassitude.
La Centrale des métallos FGTB a ensuite voulu obliger la délégation FGTB des Forges à signer ce compromis pourri. La délégation a refusé et nos mandants ont alors été ‘‘gelés’’ par la Centrale.
Après les élections communales de 1994 Jean-Claude Albert deviendra échevin (PS) de Tubize et de fait sera de moins en moins présent à l’usine. Roberto D’Orazio a été élu président de la délégation syndicale.
Les élections de 1995 et la lutte contre la fermeture
Nous n’avions pas seulement perdu des mandats en 1991 mais aussi des affiliés au profit de la CSC qui racontait partout qu’avec le FGTB, on faisait grève pour un oui ou pour un non. Pendant des mois, j’ai fait campagne pour regagner à la FGTB des ouvriers qui étaient passés à la CSC car, pour lutter contre la fermeture, il fallait une FGTB forte. Nous sommes remontés à environ 80 % d’affiliés FGTB.
De nombreuses assemblées générales se sont tenues sur le danger de fermeture, sur l’enjeu crucial du soutien aux luttes d’autres secteurs (enseignants, étudiants, VW, Caterpillar) et sur l’importance de participer au Comité d’Usine qui rassemblait tous les militants. Nos assemblées étaient ouvertes à tous ceux qui voulaient nous soutenir (y compris les délégations extérieures et les groupes politiques) avec droit de parole à tous ceux qui voulaient intervenir de façon constructive. Nous sommes parvenus à unir derrière la FGTB la toute grande majorité des ouvriers de l’usine. Lors des grandes manifestations syndicales interprofessionnelles en front commun à Bruxelles, nous partions à 500 de la gare du Nord et nous arrivions à la gare du Midi à 1.500 derrière notre banderole qui attirait comme un aimant les manifestants les plus combatifs.
Nous avons gagné haut la main les élections sociales de 1995 (une vingtaine de délégués, effectifs et suppléants élus au CE et autant au CSH et en DS). La CSC est retombée à 3 mandats et les libéraux ont été rayés de la carte. Nous étions prêts pour mener une lutte solide contre la fermeture des Forges.
Épilogue
Cette lutte nous l’avons menée jusqu’au bout. Nous avons contraint les responsables politiques à trouver un repreneur (Duferco). Les ‘‘forces vives’’ du Brabant wallon – Louis Michel (MR), Raymond Langendries (Cdh), André Flahaut (PS), Michel Nollet (FGTB) et Raymond Coumont (CSC), pour ne citer que ceux-là – se sont liguées pour tenter de nous mettre à terre. Notre lutte a permis qu’une usine sidérurgique existe encore aujourd’hui à Tubize, même si nous n’avons pu nous opposer, lors de la reprise par Duferco, aux manœuvres qui ont abouti à exclure de l’embauche l’ensemble des militants des 3 syndicats.
Contrairement à la délégation CSC qui voulait un jour déverser un tas de fumier devant la maison de Dessy, nous avons expliqué en assemblée que notre ennemi n’était pas le patron individuel, mais le système capitaliste qui, par la concurrence exacerbée, incite les patrons à exploiter le plus possible les travailleurs avant de le jeter dehors comme des citrons pressés. Les trois décennies passées au Forges, je les consacrées à élever le plus possible le niveau de conscience politique de mes camarades de travail. Et ce qui me semble encore aujourd’hui le plus important.
1. Il était prévu que ce ‘‘prêt’’ forcé serait remboursé lorsque l’entreprise irait mieux. Bien entendu les travailleurs n’ont jamais revu la couleur de cet argent qu’ils ont été contraints de ‘‘prêter’’.
Silvio sera présent à notre camp d’été et prendra la parole dans un atelier le dimanche matin : “Pour un syndicalisme de combat ! Retour sur la lutte des Forges de Clabecq” – Programme et infos pratiques de ce camp (il est également possible de ne participer qu’une journée)
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“Chaque événement était l’occasion de discuter pour élever le niveau de conscience politique des ouvriers’’

Photo : wikicommons Entretien avec Silvio Marra – Deuxième partie
Voici la suite de l’entretien réalisé avec Silvio Marra, ex-délégué aux Forges de Clabecq, que nous avons commencé à publier dans le précédent numéro de Lutte Socialiste. Nous avions rencontré Silvio le 13 février dernier, à l’occasion de la grève générale de 24 heures, alors que nous étions allés rendre visite au piquet des ouvriers de NLMK-Clabecq qui se battent contre la liquidation de l’entreprise.
Propos recueillis par Guy Van Sinoy
‘‘Qui n’a jamais mis le pied en sidérurgie n’imagine pas les dangers que chaque ouvrier doit affronter quotidiennement s’il veut encore être en vie – ou entier – à la fin de sa journée de travail. Fonte et acier en fusion, tôles et blocs d’acier – chauffés au rouge – qui vous frôlent à grande vitesse, produits chimiques hautement inflammables, engins gigantesques sans cesse en mouvement (ponts roulants, wagons, locomotives, bulldozers), électricité à haute tension, matériaux toxiques, etc. Et le tout dans un vacarme assourdissant. En 1998, à l’ouverture du procès des travailleurs de Clabecq, Giovanni Capelli, un des inculpés, a expliqué au Président du Tribunal : ‘‘Mon premier jour de travail j’ai cru que je pénétrais dans L’Enfer de Dante’’.
‘‘Des milliers d’ouvriers sidérurgistes dans le monde ont été brûlés, écrasés, électrocutés, estropiés ou tout simplement tués dans un environnement de travail dangereux où les méthodes sont plus guidées par la soif de profit capitaliste que par le souci de sauvegarder la vie et la santé des travailleurs. Sans compter les milliers de cancers provoqués par l’amiante et quantité d’autres produits toxiques rejetés dans l’atmosphère et qui empoisonnent les habitants de la région. Aussi j’ai considéré dès le départ que le travail de délégué syndical en sécurité et hygiène s’affronterait inévitablement à la logique capitaliste, même si en 1979, la première fois que j’ai été élu délégué sécurité, aucune conscience collective anticapitaliste n’existait encore aux Forges.’’
Lutte contre le racisme, crise de la sidérurgie
‘‘Quand j’ai été embauché comme mécanicien, il régnait aux Forges un grossier climat de racisme, en particulier chez certains ingénieurs et contremaîtres. Ces derniers étaient souvent choisis en raison de leur force physique et ils n’hésitaient pas à y recourir contre les ouvriers. Giovanni Capelli, le premier ouvrier italien élu délégué, n’avait pas une vision marxiste de la société mais il refusait le racisme. Grand sportif, il pratiquait les arts martiaux et un jour, au marché, il n’a pas hésité à poursuivre à coups de pieds au cul un contremaître raciste. Capelli jouissait d’une grande popularité parmi les ouvriers ce qui lui valait chaque fois beaucoup de voix de préférence aux élections sociales. L’élection de plusieurs délégués d’origine immigrée a freiné le racisme ambiant.
‘‘A l’époque, je suis allé discuter avec un jeune électricien qui travaillait dans le secteur horeca pour le persuader de venir travailler aux Forges. C’était un ouvrier très qualifié mais aussi un révolté qui avait fréquenté un peu la Jeune Garde Socialiste (JGS) quand il était adolescent. Il s’appelait Roberto D’Orazio et était impatient de tout changer. Plus d’une fois, Capelli et Jean-Claude Albert, président de la délégation, l’ont jeté hors du bureau syndical.’’
Crise de la sidérurgie et naissance du syndicalisme de lutte
‘‘Les années ‘80 ont vu le début de la crise de la sidérurgie européenne qui va engloutir des centaines de milliers d’emplois. Aux Forges, le patron a imposé des restructurations internes (fermeture de la fonderie, de la tréfilerie et des fours à coke). Entre 1973 et 1987, le nombre de travailleurs est passé de 6.250 à 2.575.
‘‘C’est au cours de ces années qu’au sein de la FGTB un noyau de militants communistes (même s’ils n’avaient pas tous été dans la même organisation !) a commencé à regrouper quelques dizaines de travailleurs combatifs qui ne voulaient plus limiter la lutte syndicale à un ‘‘bon’’ plan social d’accompagnement des licenciements.
‘‘En sidérurgie on travaille le plus souvent en régime de feu continu (7 jours le matin, 7 jours l’après-midi, 7 jours la nuit, puis une semaine de congé) et on a l’habitude de travailler à horaire décalé. Ce noyau de travailleurs combatifs se réunissait le dimanche à 6 heures du matin dans une salle hors de l’usine. A 8h30 la réunion était finie et chacun avait le temps d’aller acheter des pistolets ou des croissants avant de rentrer à la maison pour déjeuner en famille.’’
‘‘Nous avons participé à beaucoup d’actions, y compris en dehors de l’usine. Je pense notamment à la grande manifestation des sidérurgistes en 1982, aux grèves contre le gouvernement Martens-Gol, au soutien à la grève des mineurs anglais. Chaque événement était l’occasion de discuter pour élever le niveau de conscience politique des ouvriers : le rôle de l’Europe et des holdings lors des restructurations, Thatcher-Reagan et le danger de guerre, le rôle des médias, de la gendarmerie et des tribunaux dans les luttes sociales, etc. Cette ligne syndicale combative s’est cristallisée autour de la plate-forme Agir autrement lors des élections sociales de 1987. Les principaux axes étaient : hausse du salaire de base, garantie d’emploi, zéro licenciement, limitation de la sous-traitance. La FGTB a gagné les élections sociales avec un tel programme et nous avons entamé immédiatement la lutte pour son application. Roberto D’Orazio était élu délégué et Jean-Claude Albert restait président de la délégation. Malgré cette orientation de syndicalisme de combat, Agir autrement avait le souci de rassembler dans la délégation tous les délégués expérimentés.’’
La troisième partie de cet entretien sera publiée demain sur ce site.
=> Lire la première partieSilvio sera présent à notre camp d’été et prendra la parole dans un atelier le dimanche matin : “Pour un syndicalisme de combat ! Retour sur la lutte des Forges de Clabecq” – Programme et infos pratiques de ce camp (il est également possible de ne participer qu’une journée)
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Grève à Aviapartner : la lutte paie
L’aéroport de Zaventem a connu la plus longue grève de son histoire à la fin du mois d’octobre avec la grève courageuse des travailleurs d’Aviapartner qui a duré 6 jours. A l’image du personnel de Lidl, Ryanair ou Bpost, les travailleurs se sont mobilisés pour défendre leurs conditions de travail. La tendance se confirme dans différents secteurs : trop c’est trop.Par Nicolas Menoux
Une grève courageuse car les grévistes se sont retrouvés sous un feu nourri de critiques à tout-va dans les médias. A côté des traditionnels références au ‘‘chaos’’ et autres ‘‘prises d’otage’’, les journalistes accusaient les syndicats de ne pas comprendre la catastrophe que leur grève constituait pour les entreprises aéroportuaires, ‘‘mais aussi pour l’aéroport national dont la réputation a fatalement souffert’’(1). Pas un mot pour les réelles causes de ce ras-le-bol. Sandra Langenus, secrétaire du syndicat socialiste, explique assez clairement : ‘‘la direction n’a réglé aucun problème,(…) manque d’effectifs sur le terrain ; salaires pas en ordre ; procédure de réintégration des travailleurs malades non respectée ; heures supplémentaires en forte augmentation ; les chefs d’équipe qui ne sont pas sûrs que la sécurité est respectée ne signent plus de plan de chargement, … Laisser partir un avion avec plus de 180 passagers à bord sans être sûr à 100% que la sécurité est garantie, voilà une responsabilité que beaucoup de travailleurs ne souhaitent plus prendre’’(2).
En fait, la direction a joué avec le feu. Déjà en janvier 2018, l’entreprise a connu une grève à propos des questions du manque de personnel et du manque de matériel notamment. Comme rien n’a fondamentalement avancé depuis, cette nouvelle grève était inévitable et c’est bien l’attitude de la direction qui l’a déclenché. Si on remonte un peu plus loin, en 2013, l’aéroport avait déjà connu une grève de 5 jours, cette fois-ci chez le bagagiste Swissport. Idem : les conditions désastreuses de travail étaient pointées. Avec la solidarité des travailleurs d’Aviapartner à l’époque, les grévistes de Swissport avaient arraché des concessions. Dans ces deux cas les travailleurs sur le tarmac payent la libéralisation du secteur et la politique de sous-traitance. La compétition entre compagnies, que ce soit chez le personnel de bord comme à Ryanair, ou chez les sous-traitants au sol, dans tous les cas ce sont les travailleurs qui la payent: augmentation de l’exploitation, de la flexibilité et de la productivité, salaires limités… et sécurité minée !
La réputation de l’aéroport a souffert de cette grève ? Remettons les choses en place : l’exploitant de l’aéroport, la Brussels Airport Company, a distribué plus de 837 millions d’euros de bénéfices à ses actionnaires entre 2007 et 2015. Cette recherche de profits pour une minorité est la source des mauvaises conditions de travail à l’autre bout de la chaîne. Qui souffre de cette situation ? Les corps, les dos des bagagistes : chaque jour les bagagistes trimballent chacun quelques 30 tonnes, chargent et déchargent des avions à 3 plutôt qu’à 5. Ceux qui attaquent la grève feraient bien de s’exprimer sur ce que devrait accepter les bagagistes : 50 tonnes, 60 tonnes ? Une direction capitaliste comme celle d’Aviapartner ne cède rien si elle n’est pas forcée de le faire. Un des points d’accord de janvier concernait le versement d’une prime. La direction a tardé à la verser mais, surtout, elle a changé le mode de calcul afin de la réduire par rapport à ce qui avait été négocié.
La grève n’est pas un moyen cosmétique, c’est le moyen que nous possédons pour forcer la minorité qui nous exploite à répondre à nos revendications légitimes. C’est la grève qui a forcé Ryanair à venir à la table de négociations, c’est elle encore qui a arraché des concessions à Lidl. Ces 6 jours auront arraché un plan de recrutement (notamment 47 temporaires reconvertis en fixes), les équipes seront composées de 4 ou 5 personnes, des primes ou encore 3,2 millions d’investissements pour remplacer le matériel défectueux. La lutte paye ! Mais il faut rester vigilant, jusqu’au moment où toutes les promesses seront concrètement réalisées de façon correcte.
(1) ‘‘Aviapartner: pourquoi la grève a duré aussi longtemps’’, Le Soir, 31 octobre 2018.
(2) https://www.btb-abvv.be/fr/nouvelles/66-nouvelles-transport-logistique/674-greve-chez-aviapartner-c-etait-ecrit-dans-les-etoiles

