Category: Syndical

  • Ce n’est pas en chassant les malades qu’il y en aura moins

    Nous sommes beaucoup à ne pas pouvoir tenir le coup et à partir en maladie. Pour les partis de droite, la chasse est ouverte. Et toutes les personnes qui seraient susceptibles d’être complices des malades sont dans le collimateur, jusqu’aux médecins et aux compagnies d’assurance maladie.

    Bien peu de gens seront épargnés. De Wever veut réintroduire le jour de carence: le premier jour de carence lors d’une maladie courte durée ne serait plus payé. Selon la super note, cette mesure est nécessaire pour “contrecarrer l’utilisation abusive de courtes périodes d’incapacité sans certificat médical”. L’idée sous-jacente, c’est que chaque personne malade à la maison est un.e suspect.e qui s’absente «abusivement». Depuis quelque temps, il n’est plus obligatoire de fournir un certificat médical pour les absences d’une seule journée dans les grandes entreprises. Les absences d’un jour ont augmenté, mais il y a eu moins d’absences courtes dans l’ensemble. Les travailleur.euse.s restent plus facilement à la maison pendant une journée, mais retournent plus rapidement au travail par la suite. L’absentéisme de courte durée a diminué en 2023 par rapport à 2022.(1) Le point de départ de la super note est donc un fantasme qui ne repose pas sur des faits.

    L’attaque la plus grave concerne les malades de longue durée. Celles et ceux-ci doivent reprendre le travail le plus vite possible. Nous n’avons aucun doute quant au fait que de nombreuses malades de longue durée ne demanderaient pas mieux que de pouvoir contribuer à la société. Tout le problème, c’est de pouvoir leur fournir un travail adapté et réalisable. Quand des gens quittent le boulot, c’est généralement pour des problèmes de santé physique ou d’une surcharge nerveuse. Mais la droite ne dit rien à ce sujet. C’est la victime qui est fautive. Et faute de coopérer suffisamment à leur parcours de retour à l’emploi, on leur volera une partie de leurs allocations.

    Histoire que la pression soit encore plus forte, De Wever veut contrôler les médecins et analyser les statistiques pour voir qui “prescrit des périodes d’incapacité de travail nettement plus nombreuses et/ou plus longues”, afin d’imposer une sanction financière. Protection de la vie privée? Relation médecin-patient ? Avec la N-VA, ça dégage!

    Outre les médecins, les caisses d’assurance maladie sont également visées. En attendant que le contrôle de l’incapacité soit retiré aux caisses d’assurance maladie, la super note veut faire dépendre le financement de ce contrôle de “la mesure dans laquelle elles parviennent effectivement à réintégrer les malades de longue durée dans le marché du travail”. Ainsi, un médecin-conseil qui déclare un malade de longue durée inapte au travail ponctionnerait sur ses propres fonds de fonctionnement. Ce n’est pas une mince affaire en termes de conflit d’intérêts!

    Pour le document de travail de l’Arizona, il faudrait passer “d’une approche essentiellement médicale à une approche multidisciplinaire et davantage axée sur le marché du travail”. Une approche médicale des personnes malades, imaginez l’horreur!

    D’où vient donc cette hausse des maladies de longue durée ? Selon la Banque Nationale, l’évolution démographique des travailleur.euse.s est un facteur important: en 1999, un quart de la masse salariée avait plus de 45 ans. En 2019, il s’agissait de 42%. (2) Plus les salarié.e.s sont âgé.e.s, plus le risque de tomber malade est élevé. Plus des trois quarts des personnes malades de longue durée ont d’ailleurs 45 ans ou plus. La plus forte augmentation du nombre de malades de longue durée concerne les salarié.e.s âgé.e.s de 55 ans et plus. Ne tournons pas autour du pot: la droite veut nous faire bosser jusqu’à ce que nous tombions littéralement raides morts.

    L’augmentation constante de la productivité accroît la pression au travail, ce qui entraîne davantage de burn-out et de dépressions. Près d’un quart des personnes en invalidité de longue durée souffrent d’épuisement professionnel ou de dépression. Entre 2016 et 2021, il y a eu une augmentation de 46% des cas d’épuisement professionnel et de dépression à long terme.(3). Plusieurs propositions de l’Arizona augmenteront encore le nombre de burn-out. Dans le domaine des soins de santé, par exemple, De Wever veut économiser 300 millions d’euros. Combien de travailleur.euse.s de la santé supplémentaires veulent-ils plonger dans l’épuisement professionnel en allouant des fonds insuffisants à un secteur des soins qui craque ?

    La note de De Wever repose sur des préjugés à l’égard des personnes malades de longue durée: leur situation serait “de leur propre faute”, quand ce n’est pas purement et simplement leur paresse qui est épinglée. Rien d’étonnant, cela cadre parfaitement avec la vision dominante selon laquelle le burn-out ne serait qu’un problème purement individuel. Pour les patrons et les responsables politiques, cette vision ne manque pas d’intérêt, elle écarte toute responsabilité de leur part. Leur réponse peut d’autant mieux se limiter elle aussi au domaine individuel, par le biais de sanctions par exemple. De cette manière, la protection sociale passe d’une application générale à un « privilège » individuel.

    Ce système nous rend littéralement malades ! La protection de la santé des travailleur.euse.s a toujours été un combat essentiel du mouvement ouvrier. La défense d’un environnement de travail et de vie sain et de salaires décents faisait partie des racines de l’organisation de notre classe sociale. Il faut des revendications offensives pour de meilleures conditions de travail, telles qu’une réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire, une réduction de la pression au travail, un suivi médical des situations de travail problématiques, du personnel et des ressources en suffisance dans les secteurs où le taux d’abandon est élevé aujourd’hui.

    1. Ziekteverzuim klimt naar recordhoogtes: werknemers 10 procent van de werktijd afwezig, Vrt. be, 5 janvier 2024.

    2. Rising number of sick pay recipients in Belgium: causes and results of reintegration policies, NBB Economic Review 2024 No 3

    3. Langdurige arbeidsongeschiktheid: Hoeveel langdurige burn-outs en depressies? Hoeveel kost dat aan uitkeringen?, riziv.fgov.be

  • L’enseignement, une entreprise comme une autre?

    Qui pourrait reprocher aux divers métiers de l’enseignement francophone de ne pas avoir fait connaître les problèmes de leur secteur ? Depuis 2022, des manifestations réunissant à chaque coup aux alentours de 10.000 personnes se sont suivies dans les grandes villes francophones, plusieurs fois même dans certaines. C’était inédit depuis les grandes grèves de 1996. Le sujet des inquiétudes des grévistes était clair : combattre la pénurie de personnel grâce à la revalorisation des métiers et en finir avec le sous-financement chronique qui ronge le secteur. “On s’en fout”, répondent en cœur MR et Engagés dans leur Déclaration de politique communautaire (DPC).

    Texte issu d’une réunion des enseignant.e.s francophones du PSL

    Cette Déclaration n’est bien entendu qu’une déclaration d’intentions, mais elle fait froid dans le dos. Commençons par rendre hommage à l’une des rares mesures progressistes de ces dernières années : l’introduction progressive ces dernières années en maternelles, puis en 1re et 2e primaires, de mesures tendant à assurer une meilleure “gratuité scolaire”. Cette année, cela touche également la 3e primaire, via un forfait d’une septantaine d’euros par élève à consacrer au matériel et fournitures scolaires ou aux frais facultatifs (piscine, activités culturelles, etc.). C’est peu, largement insuffisant, et dorénavant à l’avenir incertain. La nouvelle majorité de la Fédération Wallonie-Bruxelles entend “évaluer” ces mesures et les “adapter”. Au vu de ce qui suit, on craint le pire.

    Il y a quelques années, un enseignant avait répondu à Olivier de Wasseige, aujourd’hui député wallon Les Engagés et à l’époque CEO de l’Union Wallonne des Entreprises : “nous formons les élèves pour la Société avec un grand S, alors que vous voulez que nous les formions pour les sociétés avec des petits s…” Le constat reste valide. Dans la droite ligne de la Déclaration de politique régionale qui regorge de références aux partenariats public-privé pour les maisons de repos, le logement ou encore les transports publics, l’enseignement est analysé comme une entreprise privée. La nouvelle majorité ne fait pas mystère de ses intentions de “renforcer les ponts entre l’école et les entreprises”. Elle envisage notamment d’obliger chaque jeune à effectuer un stage d’observation de 5 jours “dans le monde du travail ou associatif”, et ce “avant la fin du tronc commun”, comme un moyen d’orientation.

    Comme l’analyse l’Appel pour une école démocratique (APED), le duo MR-Engagés estime que “demain, votre directeur devra se considérer comme le patron d’une petite entreprise en concurrence avec d’autres, chargé de mener “ses” professeurs à la baguette”(1) par le biais d’une concurrence accrue entre réseaux et écoles via une plus grande autonomie pour “exercer un leadership éducatif et pédagogique affirmé”, selon la DPC. En résumé, cet accord, s’il est appliqué, va accroître davantage le marché scolaire.

    Une offensive sur le statut

    Avec une hypocrisie et un cynisme incroyables, MR et Engagés déclarent vouloir protéger les jeunes enseignant.e.s… en supprimant la nomination automatique des enseignant.e.s pour la remplacer par un statut de contrat à durée indéterminée (CDI) identique à celui du privé. Avec plus d’honnêteté, ils défendent le principe de liberté de licenciement. L’ancien secrétaire général de la CSC Enseignement Régis Dohogne a réagi par une carte blanche où il rappelle la remarque de Lacordaire : “entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.”(2)

    Ce dernier souligne entre autres qu’il a fallu 33 ans de lutte et les grèves de 1990 pour imposer ce statut protecteur, notamment pour les enseignant.e.s du réseau libre victimes de l’arbitraire des pouvoirs organisateurs du libre. Il explique : “La caractéristique propre à l’enseignement à savoir les réseaux en tant que structures, en fait dans la réalité une forme d’employeur unique. Il en résulte qu’un enseignant licencié dans un établissement scolaire se voit victime d’un véritable interdit professionnel. Le téléphone fonctionne et les directions vont s’informer de la motivation de son licenciement sans que l’intéressé puisse faire valoir son point de vue. (…) On est là proche du carnet ouvrier du XIXème siècle.”

    De plus, il est question d’augmenter de 2 heures de travail pour les enseignant.e.s à venir ce qui, en plus d’augmenter la charge de travail, va diminuer le nombre d’heures disponibles et donc présenter un risque pour l’emploi. 

    Construire la solidarité et partir en action

    Dans une de ses dernières déclarations à la tête de la CGSP-Enseignement, Joseph Thonon, remplacé en août par le Liégeois Luc Toussaint, a mis en parallèle la situation actuelle et celle des années ’90 “Là, il y avait des pertes d’emploi, dans les années 90. Ici, on a la perte de la nomination. C’est quelque chose de terrible. Et donc, on peut s’attendre à des grèves de longue durée.”(3)

    Mais hors du secteur, pas mal de gens se demanderont pourquoi donc les syndicats s’opposent aux contrats à durée indéterminée alors qu’on se bat ailleurs pour en avoir et en finir avec la précarité des contrats à durée déterminée. MR et Engagés ne manqueront pas de laisser entendre que le corps enseignant n’est finalement qu’un ramassis de privilégié.e.s. Il n’a pas fallu longtemps pour que la ministre Valérie Glatigny (MR) parle de “contrer cette image de l’enseignant qui revient de vacances et se met en grève”.(4)

    Pour que ce combat soit victorieux, il faudra y lier des revendications offensives qui clarifient qu’il s’agit avant tout de l’avenir des jeunes générations et de l’enseignement émancipateur qu’elles méritent : avec des classes plus petites (dans lesquelles il ne pleut pas…) et suffisamment d’encadrement pédagogique avec des conditions de travail propices à accompagner l’épanouissement des élèves. Ne nous laissons pas prendre au piège : repoussons les attaques et arrachons plus de moyens, notamment pour plus de collègues !

    1. DPC 2024 : comme quoi il y a toujours moyen d’empirer les choses…, Nico Hirtt, www.skolo.org, publié le 21 juillet 2024.
    2. La fin des nominations dans l’enseignement ou le retour à la barbarie sociale (carte blanche), Régis Dohogne, Levif.be, publié le 16 juillet 2024.
    3. Valérie Glatigny (MR) sur les futures réformes dans l’Enseignement : “J’ai entendu les craintes, mais beaucoup de points peuvent faire l’objet d’un consensus”, rtbf.be, 19 juillet 2024.
    4. Café Sans Filtre : Joseph Thonon, ln24.be, 18 juillet 2024.
  • Marche ou crève ? On ne veut pas de cette société-là!

    Que négocient les partis de droite pour le gouvernement fédéral ? La FGTB qualifie la note socio-économique de l’ex-formateur Bart De Wever (N-VA) de « plus grande régression sociale depuis 80 ans ». Ce n’est pas exagéré. Aujourd’hui, c’est Maxime Prévot (Engagés, ex-CDH) qui a repris le flambeau pour donner vie à ce catalogue des horreurs.

    Les partis de la potentielle coalition Arizona discutent d’une opération totale de 39 milliards d’euros en termes d’effort budgétaire sur l’ensemble de la législature (jusqu’en 2029). Ce qui représente les 27,5 milliards d’euros d’assainissement demandés par l’Europe, avec neuf milliards en plus à dégager. C’est un montant historique en termes de casse sociale, qui vient en plus s’ajouter à tout ce qui a été économisé, tout particulièrement depuis 2008 (avec accélération durant le gouvernement Michel de 2014-2019). Dans beaucoup de services publics, on a déjà coupé jusqu’à l’os. Le personnel est sur les genoux et, que ce soit dans le public ou dans le privé, nous faisons face à une épidémie alarmante de burnouts et de malades de longue durée en raison d’une charge de travail trop intense. Réponse de la droite ? « Vous n’avez pas fini de souffrir ». Et si le MR a (temporairement) tiré la prise des négociations, c’est parce que cela n’allait pas encore assez loin.

    Pour faire des restrictions, les partis de l’Arizona ont proposé de s’attaquer aux pensions (2 milliards d’euros), aux sans-emploi (1,7 milliard), au mécanisme d’indexation des salaires (600 millions), aux malades de longue durée (362 millions), aux fonctionnaires (1,8 milliard), aux réfugié.e.s (1,5 milliard), à l’enveloppe bien-être des allocations sociales (1,4 milliard), aux soins de santé (300 millions), à la SNCB (200 millions)… Le plus gros morceau (3,65 milliards) est constitué d’une large réforme du marché du travail (avec entre autres la suppression de l’interdiction de travail le dimanche et le travail de nuit compté à partir de minuit seulement) qui comporte aussi la limitation à deux ans des allocations de chômage.

    Tout est imbuvable, là comme dans la Déclaration de politique communautaire en FWB (avec le personnel de l’enseignement en ligne de mire) et dans la Déclaration de politique régionale pour la Wallonie. Ce que la droite veut, c’est la loi de la jungle, avec des pauvres plus pauvres, des riches plus riches, et la haine de l’autre (tout particulièrement s’il est étranger) érigée en politique d’Etat.

    La lutte des classes n’a pas disparu

    Si les caisses de la collectivité sont vides et que nos services publics (« le patrimoine de ceux qui n’en ont pas », pour reprendre une expression célèbre) craquent de partout, c’est que durant des décennies, avec également la collaboration active du PS et d’ECOLO, les cadeaux fiscaux et autres n’ont pas arrêté de pleuvoir sur les plus riches et les grandes entreprises. Un gigantesque transfert de moyens a été opéré de la collectivité vers le privé.

    L’an dernier, une étude d’Oxfam a démontré que l’écart entre l’extrême richesse et l’extrême pauvreté se creuse de plus en plus en Belgique. Aujourd’hui, l’élite capitaliste qui compose le 1% des plus riches du pays possède plus que 70% de la population ! Allons chercher de ce côtélà les moyens qui nous manquent pour une société qui ne laisse personne de côté ! Toujours selon Oxfam, un impôt sur la fortune rapporterait 20 milliards d’euros en Belgique. Quant à la fraude fiscale, les diverses estimations (Fonds monétaire international, ministère des Finances, centres de recherches, etc.) parlent d’un manque à gagner pour la collectivité de 20 milliards d’euros.

    Les trois quarts des bénéfices des plus grandes entreprises belges vont aux actionnaires (“The Inequality Dividend”, Oxfam, 2024). Et tout cet argent, ce sont les travailleur.euses qui le produit, pas les actionnaires ! La valeur créée par les travailleurs des plus grandes entreprises actives en Belgique a augmenté de 45,5 % en 2022 par rapport à 2017. Mais au cours de cette période, les dépenses par employé dans ces entreprises n’ont augmenté que de 13 %, tandis que les dividendes ont augmenté de 23 %. C’est nous qui faisons tourner le monde ! C’est à nous de décider de la manière de le faire !

    Organisons la riposte !

    Ne perdons pas de temps et discutons sur tous les lieux de travail de cette note de malheur et de la manière de combattre la casse sociale. Des assemblées générales de tout le personnel peuvent assurer d’impliquer le plus possible de collègues autour des délégations syndicales. Nous connaissons déjà la prochaine date de mobilisation : une manifestation nationale est prévue le 16 septembre à Bruxelles en solidarité avec les camarades d’Audi menacés par la fermeture du site. Si l’on s’attaque à l’un.e d’entre nous, on s’attaque à nous tous.tes !

    L’unité dans la lutte, c’est aussi la meilleure façon de repousser les préjugés sexistes, racistes, islamophoes, LGBTQIA+phobes ou validistes qui sont distillés consciemment par la droite et l’extrême droite. Combattre chaque oppression, y compris dans nos rangs, fait partie intégrante de la construction d’une solidarité active. De sombres perspectives d’austérité s’annoncent à tous les niveaux de pouvoir, y compris dans les communes dont de nombreuses sont sous tutelle financière de la Région bruxelloise ou du Centre régional d’aide aux communes, le “FMI wallon”. Nous devrons nous battre, en tirant les leçons des faiblesses passées du combat anti-austérité, pour briser la camisole de force budgétaire, où qu’elle puisse se trouver, et pas seulement aux niveaux du fédéral et des régions.

    La crise du climat et de la biodiversité illustre particulièrement bien la nécessité de la propriété publique des moyens de production. Les crises du logement, de la santé ou de la précarité au travail l’illustrent tout autant. Il ne manque pas de richesses pour un programme d’urgence sociale, mais elles sont concentrées dans les mains d’une poignée d’ultra-riches. Appliquer un tel programme nécessite de se préparer à la riposte inévitable de la classe dominante dont les intérêts seront mis en danger.

    À chaque capitaliste qui essaie de s’échapper par la fuite de capitaux ou la délocalisation d’entreprises : opposons-lui l’expropriation ! Et dans ce titanesque bras-de-fer, notre classe sociale pourra brandir l’arme de la nationalisation des secteurs-clés de l’économie, sans rachat ni indemnité, et placés sous le contrôle et la gestion démocratique de la classe travailleuse et de la collectivité, afin d’élaborer une planification rationnelle et démocratique de l’économie – à commencer par le secteur bancaire et financier, mais aussi l’énergie, les télécoms, la sidérurgie, la pétrochimie,… Sur cette base les moyens seront dans nos mains pour planifier l’économie et la transition écologique.

    Nous ne sortirons véritablement victorieusement de ce combat que par le renversement du capitalisme. Un changement fondamental et révolutionnaire de la société s’impose, c’est-à-dire la fin de la propriété privée des grands moyens de production et d’échange. Rejoignez nous dans ce combat urgent en faveur du socialisme démocratique.

    Agenda :

    • 16 septembre : Manifestation de solidarité avec les travailleur.euses d’Audi à Bruxelles. 10h, Gare de Bruxelles-Nord.
    • 21 septembre : Manifestation antifasciste à Anvers contre une manifestation de Voorpost (le service d’ordre du Vlaams Belang), 14h, De Coninckplein.
    • 13 octobre : Elections communales. En dépit de nos divergences, nous appelons à voter pour les camarades du PTB, nous sommes convaincu.e.s que leur résultat sera de nature à construire la confiance du mouvement social pour aller en lutte contre la droite et son programme (lire notre appel de vote).
  • Face aux restructurations et aux pertes d’emploi, inspirons-nous de “l’esprit de Clabecq”

    Le spectre des restructurations et des fermetures d’entreprises est à nouveau revenu hanter les perspectives économiques du pays. Nous n’avons rien à inventer en termes de méthodes de lutte pour y faire face : construire un rapport de forces à l’avantage des travailleur.euse.s grâce à la solidarité active, les manifestations, la grève, l’occupation d’entreprise. En bref, la lutte de classe. C’est le seul langage que les patrons comprennent. Revenons-nous pour cela sur deux conflits emblématiques des années ’90, Clabecq et Renault, et deux stratégies syndicales.

    Le travail syndical est un travail politique

    Les Forges de Clabecq ont été déclarées en faillite en décembre 1996. Les délégations syndicales ont alors occupé l’entreprise et repris la sécurité du site en main. Le combat qui s’annonçait allait exiger l’implication maximale des 1.800 travailleurs, mais, avant même la faillite, la délégation FGTB discutait déjà chaque semaine de l’évolution mondiale du marché de l’acier, de la position des Forges, etc. Cette approche avait permis de politiquement préparer les militants pour ce qui allait survenir et, surtout, comment y faire face. Grâce à ces quelques dizaines de militants, toute l’usine était politiquement prête à se battre.

    Dans une série d’entretiens réalisée en 2019 pour Lutte Socialiste, l’une des figures centrale de ce combat, Silvio Marra, avait expliqué tout le travail préalable pour la construction d’une telle délégation syndicale de combat, qui ne limitait pas son action au “syndicalisme de beefsteak” comme il l’appelait (c’est-à-dire à ne considérer exclusivement que le volet économique), mais essayait de continuer à faire de la politique – lutte contre le racisme, solidarité avec les autres luttes, etc. – pour élever le niveau de conscience des ouvriers de Clabecq. ‘‘Nous avons participé à beaucoup d’actions, y compris en dehors de l’usine. Je pense notamment à la grande manifestation des sidérurgistes en 1982, aux grèves contre le gouvernement Martens-Gol, au soutien à la grève des mineurs anglais. Chaque événement était l’occasion de discuter pour élever le niveau de conscience politique des ouvriers : le rôle de l’Europe et des holdings lors des restructurations, Thatcher-Reagan et le danger de guerre, le rôle des médias, de la gendarmerie et des tribunaux dans les luttes sociales, etc.

    Un syndicalisme de combat démocratique

    À partir de la faillite, le personnel s’est réuni environ toutes les deux semaines dans l’un des halls vides de l’usine, en assemblée générale, pour dresser l’état de lieu de la lutte et lancer des propositions d’actions. Pour faire face à l’usure et au danger de l’isolement de collègues chez eux, les militants de la délégation syndicale veillaient à appeler chacun bien à l’avance et, si nécessaire, à leur rendre visite à la maison.

    Les sympathisants d’autres entreprises et les militants de gauche étaient accueillis à bras ouverts, la distribution des tracts et de journaux des divers courants de gauche était considérée comme une précieuse contribution au débat. La délégation recevait fréquemment des militants dans des réunions régulières spécifiques, pour discuter de la façon dont leur capacité organisationnelle et de mobilisation pouvait être mise à profit dans le combat.

    Très vite, une mobilisation intense a commencé pour une manifestation de solidarité. Des bus de grévistes se sont rendus aux quatre coins du pays pour populariser l’appel. Et c’est une foule de 70.000 manifestants qui s’est concentrée à Clabecq le 2 février 1997 dans une impressionnante Marche multicolore. À la fin du mois de mars, les travailleurs ont été attirés dans un piège de la gendarmerie sur une autoroute. Les ouvriers ne se sont pas laissés faire, à juste titre. L’occasion a été scandaleusement saisie par les dirigeants syndicaux pour démettre la délégation de ses fonctions. À partir de là, les dirigeants de la délégation ont été poursuivis en justice. Mais après cinq ans, les 13 accusés ont été acquittés sur toute la ligne. Entre-temps, ils avaient réussi à imposer une reprise, un petit miracle. Le redémarrage de l’usine est entièrement dû à la lutte acharnée des travailleurs ainsi qu’au soutien actif de milliers de travailleurs dans tout le pays.

    Silvio explique : ‘‘On ne retient souvent de la lutte des travailleurs des Forges que quelques images spectaculaires : la manifestation avec bulldozers à l’entrée de l’autoroute où quelques véhicules de gendarmerie ont été endommagés, ou la marche multicolore de février 1997 où nous avons rassemblé plus de 70.000 manifestants à Clabecq. Mais l’essentiel selon moi a été le combat obstiné pour rassembler un large noyau d’ouvriers politiquement éduqués et combatifs.

    Renault, le contre-exemple

    À la même époque, le 27 février 1997, le groupe automobile Renault a annoncé la fermeture du site de Vilvorde. Mais là, au lieu de développer la lutte autour de l’usine, la colère des ouvriers les plus combatifs a été canalisée vers des actions spectaculaires en France au lieu de mobiliser en Belgique, pour une grève nationale de tout le secteur automobile.

    Finalement, les secrétaires syndicaux, Karel Gacoms pour la FGTB et Jacquemyn pour la CSC ont fait voter par référendum – et sans donner la parole aux travailleurs en assemblée – la reprise du travail « pour continuer la lutte autrement ». Un tiers des travailleurs ont voté contre la reprise. Karel Gacoms avait alors expliqué : « Nous ne voulons pas d’une longue grève qui épuise les gens. Nous pensons qu’il est nécessaire de reprendre le travail, tout en maintenant l’occupation ». Résultat ? L’usine a complètement fermé, et 400 travailleurs (13% de l’effectif de départ), ont été repris dans des activités annexes. Il avait également défendu qu’il favorisait « de mobiliser tous les moyens pour maintenir Renault ouvert, pas la grève classique, mais des actions orientées vers les médias. Cela devrait obliger les politiciens à reprendre nos mots d’ordre ».

    Les décideurs politiques en question ont élaboré la “loi Renault”, censée renforcer l’information et la consultation des travailleurs en cas de licenciement collectif, dont l’efficacité a souvent été remise en cause. Elle a fréquemment été utilisée comme une façon d’occuper les ouvriers en leur imposant de participer à des “consultations” et “séances d’information” qui déviaient l’attention de la construction du rapport de force.

  • Élections sociales 2024 : Votez pour des candidat.e.s de combat !

    C’est en mai que ça se passe ! Des élections sociales auront lieu dans plus de 7.000 entreprises pour un Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT) dans les entreprises de plus de 50 travailleur.euse.s mais également pour un conseil d’entreprise (CE) dans les entreprises de plus de 100 travailleur.euse.s. Vous y voterez en faveur de candidat.e.s proches de vous, qui bossent à votre côté et qui partagent les mêmes rapports que vous avec l’employeur.

    Ce sont aux élections sociales que l’on trouve le plus grand nombre de candidat.e.s : 132.750 en 2016. Environ le double des candidat.e.s aux élections communales ! Le mouvement ouvrier a imposé par la lutte de pouvoir élire ses représentant.e.s dans certains organes de contrôle et de surveillance, des syndicalistes qui bénéficient par ailleurs d’une protection contre l’arbitraire patronal en raison de leur rôle de représentant.e.s. Chaque travailleur a un besoin crucial de représentant.e.s pour défendre ses intérêts et relayer ses inquiétudes et ses revendications.

    Des élections en période de licenciements : stoppons la course vers le bas !

    Et ce ne sont pas les inquiétudes qui manquent cette année. Les annonces de licenciements collectifs se suivent. Une bonne partie de celles-ci concernent des entreprises qui foncent vers la faillite. Autant de symptômes d’un ralentissement économique et d’une récession.

    Par exemple, dans le scénario le plus favorable, 1.100 des 2.500 emplois de Van Hool seraient supprimés. L’entreprise met fin à la production d’autobus en Belgique. Elle menace même de faire faillite, ce qui met en péril l’avenir de tout le personnel et leurs proches. L’entreprise affirme que les caisses sont vides. Où sont donc passés les millions d’euros transférés de l’entreprise au holding familial Immoroc ? Ce holding utilise l’entreprise comme une vache à lait pour la famille Van Hool. La famille Van Hool figure parmi les plus riches du pays, notamment grâce à l’exploitation coloniale au siècle dernier. Son avidité est la principale cause du bain de sang social annoncé.

    Des scénarios similaires s’observent ailleurs. La récession en Allemagne et la crise de l’industrie automobile menacent l’emploi de 3.500 salarié.e.s chez Audi Brussels. Dans l’ensemble, on constate une augmentation des faillites : le nombre de février 2024 est supérieur à celui du même mois en 2023 (+20,0 %) et en 2022 (+35,1 %). Le gigantesque secteur allemand de la chimie a produit 8 % de moins l’année dernière, alors que la production était déjà inférieure de 11 % à celle de 2015. La même tendance se poursuit chez nous : chez BASF, les ventes ont reculé de 21 % l’année dernière, de 20 % chez Covestro et, chez Tessenderlo, elles ont été divisées par deux.

    Les rapports positifs concernant l’état de l’économie continuent pourtant d’affluer. Ce qui freine la récession, c’est principalement l’importance des fonds publics consacrés aux plans de crise depuis la pandémie. Le plan “NextGenerationEU” s’élève ainsi à plus de 2.000 milliards d’euros. Par conséquent, l’économie ne se porte pas aussi mal que prévu. À cela s’ajoute la dette actuelle des entreprises, qui bénéficie encore de bas taux d’intérêt pour son remboursement.

    Le capitalisme est sous perfusion depuis longtemps ! En Belgique, sans ces investissements et l’indexation des salaires et allocations sociales (pourtant insuffisante) la contraction de l’économie serait bien plus importante. Le capitalisme ne nous réserve ni progrès social ni garantie de bien-être. Les inégalités bouillonnent. Selon la Banque Nationale de Belgique, l’ensemble des Belges disposerait d’un patrimoine de 2.852 milliards d’euros. Mais les 10 % les plus riches détiennent à eux seul.e.s 55 % de la richesse ! Le fonctionnement du capitalisme est à l’origine de cette spirale infernale, renversons-le !

    Des taux de profit en berne ne justifient en rien l’austérité !

    Jusqu’il y a peu, les marges bénéficiaires brutes étaient supérieures à 40 %. L’argent existe donc pour augmenter les salaires, créer des emplois de qualité et investir. Dire qu’il manque aujourd’hui, c’est une entourloupe. Mais les capitalistes saisiront l’excuse de la contraction de l’économie pour défendre une prétendue fatalité austéritaire.

    Cherchons où se trouvent les profits et allons les prendre ! En même temps, se rendre dépendant des profits en tant que tels représente un écueil majeur. Cela nous laisse être le jouet des capitalistes dans le casino du marché. Si leurs profits diminuent, nous aurions alors à exiger moins. Accepter la logique du système, c’est accepter la casse sociale !

    Une part croissante des bénéfices est investie dans le capital fixe (machines, outils de production, bâtiment). Les capitalistes doivent donc utiliser plus de capital pour réaliser des profits équivalents. Afin de maintenir leurs marges bénéficiaires, ils augmentent le taux d’exploitation de celles et ceux qui travaillent. Il suffit de voir le nombre d’attaques contre nos conditions de travail !

    Plutôt que d’accepter la dépendance vis-à-vis des mécanismes pervers du marché, il vaut mieux se battre pour retirer des secteurs hors de là. Dès lors, la richesse produite pourra également revenir à la classe travailleuse, pour combattre les inégalités et investir dans le bien-être dans tous les domaines. Cela signifie d’affronter la logique budgétaire exigée par le FMI et l’UE, pour lesquels la Belgique devrait trouver 30 milliards d’euros à économiser.

    Se préparer à une nouvelle guerre de classe : qu’en disent les syndicats et la FEB ?  

    Les syndicats et la FEB se préparent aux élections politiques. Ils formulent leurs attentes dans leurs mémorandums sous forme de mesures concrètes, ce qui donne toujours une idée de la direction que les deux camps veulent prendre dans cet affrontement.

    La FEB met l’accent sur l’innovation, l’économie verte et, bien sûr, sur une Belgique compétitive. Elle exige que les charges pesant sur les entreprises soient aussi faibles que possible et attend des pouvoirs publics qu’ils soient plus forts et investissent en profondeur pour leur faciliter la tâche. Les pouvoirs publics devraient par ailleurs absorber le choc des « crises systémiques » dont le capitalisme est responsable. Parallèlement, la FEB émet une série de propositions pour rendre le gouvernement plus « efficace », en réduisant les coûts de fonctionnement de 8 points de pourcentage du PIB sur une période de 8 ans, sans sacrifier les services. D’ici 2030, la FEB prévoit un ratio de dépenses publiques inférieur à 45 % du PIB. Traduction : une avalanche d’austérité sur les services publics et la réorientation de ceux-ci pour soutenir les bénéfices des entreprises.

    Des investissements au service des profits, mais sans qu’ils ne soient financés par ces derniers. L’argent devra provenir d’une augmentation du taux d’exploitation, via de nouvelles attaques sur les conditions de travail, y compris une abolition de l’index d’ici 2030, via l’abolition de la loi de 1996.

    La FEB lance également une charge contre la représentation des travailleur.euse.s sur le lieu de travail. La FEB veut limiter les négociations collectives en fusionnant les CPPT et le conseil d’entreprise (avec une réduction des mandats et de la représentation bien entendu), en pouvant conclure des conventions collectives avec l’accord d’un seul syndicat, en concluant des accords directs avec les travailleur.euse.s sans convention collective, en réduisant la protection contre les licenciements, etc. Si l’on ajoute à cela la diminution du nombre de personnes employées dans le cadre de contrats à durée indéterminée, la représentation syndicale s’en trouvera sérieusement érodée!

    Pour la FEB, l’ensemble de ces attaques peut parfaitement répondre à l’exigence d’équilibre budgétaire de l’Europe. En plus des mesures susmentionnées, la FEB propose de supprimer progressivement la sécurité sociale, en utilisant l’augmentation des salaires nets (via la réduction des cotisations à sécurité sociale) pour la rendre « progressiste ». Toutes ces propositions reposent sur le transfert de moyens du travail vers le capital.

    Les grands syndicats FGTB et CSC réagissent essentiellement de manière défensive. Il n’est nulle part question de faire une véritable brèche dans le système ou d’accroître le contrôle des travailleur.euse.s sur la production. Mais d’importants points de programme peuvent être repris de manière combative. C’est là que les délégué.e.s et les délégations feront toute la différence !

    Outre le maintien de l’index, la FGTB demande la suppression des réductions de cotisations patronales et l’instauration d’un impôt sur la fortune. Le pouvoir d’achat devrait augmenter grâce à une augmentation des salaires à minimum 17 euros de l’heure (2800 euros par mois) et une révision de la loi de 1996 pour lier les augmentations salariales à la « réalité économique ». La FGTB s’oppose aussi à la volonté de la FEB de maximiser à nouveau la flexibilité du travail. La revendication d’une semaine de 32 heures sans perte de salaire et avec embauche compensatoire est lancée, de même qu’une semaine supplémentaire de congés payés et la fin du travail à temps partiel involontaire et des emplois flexibles.

    La revendication d’une entreprise publique d’énergie nous semble constituer un point de discussion important. Par le passé, de telles structures se sont noyées dans la concurrence sur le marché. À l’instar de plusieurs centrales syndicales durant la crise du pouvoir d’achat, nous défendons un secteur de l’énergie entièrement public par le biais d’une nationalisation et d’un contrôle démocratique des travailleur.euse.s. Nous sommes enthousiastes à l’idée de discuter largement de la forme que pourrait prendre cette solution !

    Un programme social pour repousser l’extrême droite

    Les semaines de campagne pour les élections sociales permettent de discuter avec les collègues des revendications qu’ils et elles estiment les plus importantes, de celles qui concernent le niveau de l’entreprise, de ce qui concernerait une campagne syndicale plus large,…

    Cette campagne est l’occasion d’impliquer tout le monde. 1) En votant, on renforce la délégation des travailleurs 2) En choisissant des candidat.e.s de combat 3) En rejoignant le groupe des syndicalistes actif.ve.s pour rester impliqué.e.s dans toutes les étapes et les défis à venir du travail syndical.

    Construire la résistance syndicale sur le lieu de travail nécessite également une perspective de changement. On peut défendre les revendications les plus cruciales par entreprise et par secteur, le mieux étant de préparer cela et les actions exigées par des assemblées démocratiques du personnel. C’est une tradition doit être restaurée partout. Une démocratie de combat pour un syndicalisme de combat !

    Les élections sociales ne sont pas séparées des élections politiques. La faillite des partis traditionnels qui défendent systématiquement les intérêts des capitalistes et la croissance de l’extrême droite qui en profite représentent des thèmes importants pour les élections sociales. Un programme social qui répond aux besoins réels des gens et qui rompt avec la logique du marché fait partie de la riposte antifasciste.

    No Pasaran ! Stop aux attaques contre notre sécurité sociale, notre enseignement et nos soins de santé ! Des investissements massifs dans des services publics de qualité et élargis pour ne laisser personne sur le bord du chemin ! Sauvons nos emplois en confiant les entreprises au secteur public et en les plaçant au service de la collectivité !

    L’extrême droite promet le progrès social pour son « propre peuple », mais divise les travailleur.euse.s. Une fois élue, elle vote toujours pour empirer l’exploitation que nous subissons. Les initiatives antifascistes sont renforcées par la présence de délégations syndicales et elles permettent aussi de combattre ces idées parmi les collègues.

    Lutter pour gagner ! Et s’y préparer dès maintenant.

    Cette période n’est pas exempte de protestations ou de mouvements sociaux. Une résistance se prépare contre les coupes budgétaires annoncées et, dans des secteurs comme les transports publics, les prisons, l’enseignement ou les soins de santé, des actions prennent place. A cela s’ajoutent les importantes mobilisations féministes et LGBTQIA+, contre la répression, en solidarité avec les masses palestiniennes…

    Une fois les élections passées, beaucoup de choses deviendront concrètes. Si l’austérité devient effective, un plan d’action en escalade sera nécessaire pour la bloquer et définir l’agenda socio-économique. Là où les licenciements (menacent) de se produire, nous devons pouvoir compter les uns sur les autres et construire une solidarité solide et massive. Nous pouvons tirer des leçons des mouvements précédents, comme celui de 2014 contre le gouvernement Michel : la lutte peut être payante, si la direction des syndicats est disposée à le faire. C’est une autre raison pour laquelle il est préférable de construire la solidarité la plus large possible et de lutter ensemble dès maintenant !

  • Gaza. La CGSP Brugmann mobilisée contre les attaques sur les hôpitaux et la population civile

    Les membres du personnel de l’hôpital, à l’appel de la CGSP, se sont rassemblés hier pour exprimer leur colère et solidarité avec celles et ceux victimes aujourd’hui de bombardements permanents et de manque de moyens pour soigner la population civile qui en a atrocement besoin.

    Nous reproduisons ici leur communiqué de presse ainsi que leurs photos de cette inspirante action de solidarité.

    Cette initiative vise à dénoncer les attaques dévastatrices dont font l’objet les hôpitaux de Gaza, et qui ont pour conséquences directes des souffrances inhumaines infligées à la population civile privée de tout soins.

    Les agressions sans relâche de ces dernières semaines sur les installations médicales de Gaza ont atteint un niveau de cruauté insoutenable. Plusieurs rapports officiels indiquent que des hôpitaux, lieux de refuge et de premiers soins pour les blessés et les malades, ont été sciemment ciblés, entraînant des pertes en vies humaines parmi la population civile et le personnel médical qui continue malgré tout à œuvrer sans relâche. Cette attaque inacceptable contre le droit à la santé est une atteinte à notre humanité commune et une violation flagrante du droit international.

    Nous estimons, en effet, qu’il est aujourd’hui impératif que la communauté internationale prenne des mesures immédiates et décisives pour mettre fin à ces atrocités. Pour nous, le silence équivaut à de la complicité avec ces actes de barbarie. Il est donc temps de travailler activement à un cessez le feu immédiat et la fin du siège de Gaza.

    En tant que syndicat engagé dans la lutte pour la justice, pour la souveraineté des peuples et pour le respect des droits humains, nous nous tenons aux côtés de la population palestinienne dans sa quête de liberté, de dignité et de paix.

    Notre organisation syndicale soutient et protège cet idéal de fraternité international, défendant la paix, l’unité et la solidarité entre les peuples. Et c’est dans cette solidarité universelle que réside notre force et notre espoir pour un avenir meilleur pour tout un chacun. Ensemble, nous sommes plus forts et nous disons non à l’oppression et à la guerre !

    Contact presse :

    Karim Brikci, permanent CGSP Brugmann – GSM 0485933756

  • Van Hool : préserver tous les emplois par une prise de contrôle publique pour construire des bus “verts”

    • Sauvons les véritables constructeurs de bus : pas un centime pour la famille Van Hool et les banques, exproprions l’entreprise !
    • Pour un plan d’investissement public massif dans des transports publics écologiques !
    • Pour une entreprise publique gérée par le personnel au côté des chauffeurs de bus et des usagers !
    • Pour des comités de soutien afin d’organiser la solidarité par des actions, des manifestations et des grèves !

    La société Van Hool met fin à la production de bus en Belgique. L’entreprise prévoit de supprimer 1.100 des quelque 2.500 emplois à son site de Koningshooikt. La construction de bus devrait être entièrement transférée en Macédoine du Nord, cela étant teoutefois encore loin d’être certain. Si, d’ici la fin du mois, l’entreprise ne reçoit pas de fonds supplémentaires de la part du gouvernement, des banques ou d’un investisseur privé, la société déposera son bilan.

    Derrière cette situation, on trouve l’avidité de la famille Van Hool, notamment assouvie jadis grâce à l’exploitation coloniale, qui lui a permi de se hisser sur la liste des Belges les plus riches. Aujourd’hui, les victimes sont les centaines de familles de travailleurs de la société de construction de bus. De son côté, le gouvernement flamand refuse de mettre en œuvre un plan ambitieux d’investissements massifs dans des transports publics plus écologiques. Il se résigne aux pertes d’emploi et à l’arrêt de la production.

    Le gouvernement flamand ne construit pas d’autobus, a déclaré le ministre flamand de l’Emploi Jo Brouns (CD&V). Sa collègue la ministre de la Mobilité Lydia Peeters (Open-VLD) aurait pu préciser que le gouvernement flamand fait de toute façon rouler de moins en moins d’autobus en raison de sa stratégie pourrie concernant les transports en commun. Récemment, une restructuration a été annoncée chez De Lijn, devant se traduire par la suppression de 16,5 % des arrêts ! Ce ne sont pourtant pas les besoins qui manquent ! Nous avons besoin besoins en transports publics plus nombreux, plus performants et plus écologiques, c’est l’évidence. Le gouvernement fédéral se cache pour sa part derrière le gouvernement flamand, en espérant tirer un avantage électoral de l’échec de ce dernier au détriment de la N-VA. Quel cynique calcul politique sur le dos de la misère sociale ! Pendant ce temps, la cupidité des super-riches, comme la famille Van Hool, est passée sous silence dans toutes les langues.

    Les Belges les plus riches veulent faire payer le personnel et la collectivité

    Début janvier, Marc Zwaaneveld, célèbre gestionnaire de crise, a été nommé co-PDG pour mener à bien une restructuration. La famille Van Hool est fortement divisée, ce qui pèse sur le fonctionnement de l’entreprise, mais elle s’accorde toujours sans souci dès qu’il s’agit de faire payer aux travailleurs leur soif de profits. Cela s’est déjà manifesté lorsqu’une partie de la production a été transférée en Macédoine du Nord à partir de 2013.

    Entre 2013 et 2022, 1.400 emplois ont disparu, dont la moitié en raison de la délocalisation vers la Macédoine du Nord (Trends/Tendances, 8 mars). Le PDG Filip Van Hool a déclaré début 2015 que la production y était moins chère et de meilleure qualité. Les atouts ? Non seulement les faibles coûts salariaux, mais aussi la recherche effrénée d’emplois due à un taux de chômage de 40 % en l’absence de filet de sécurité sociale. (Trends/Tendance, 8 mars). Les commentateurs libéraux expliquent aujourd’hui avec cynisme que Van Hool aurait dû déménager plus tôt en Macédoine du Nord au lieu de conserver “trop de personnel” à Koningshooikt.

    La production de bus, la principale activité restée en Belgique, était sous pression. Alors qu’un millier de bus étaient encore construits en 2019, seuls 190 l’ont été en 2021, la pandémie n’y étant pas étrangère. D’autres facteurs ont continué à mettre Van Hool sous pression : la concurrence d’entreprises chinoises moins chères, la perturbation des chaînes d’approvisionnement, la concurrence d’entreprises plus grandes. Les querelles familiales internes à la famille Van Hool sont venues s’ajouter à ces facteurs, ce qui a par exemple poussé l’entreprise à ne s’intéresser aux bus électriques que très tardivement. Une montagne de dettes s’est accumulée auprès des grandes banques, mais aussi auprès des pouvoirs publics.

    L’argent est épuisé, dit aujourd’hui l’entreprise. Où sont donc partis les millions transférés de l’entreprise au holding familial Immoroc ? Ce holding considère l’entreprise comme la vache à lait de la famille Van Hool. Pour parvenir à une solution qui privilégie les intérêts du personnel, il faut exproprier cette famille. Le personnel et la collectivité doivent reprendre le contrôle et la gestion de l’entreprise pour permettre à la production locale de transports publics écologiques de passer à la vitesse supérieure. Que l’on mette un terme à la soif de profit des propriétaires privés de Van Hool !

    Même pour le paiement des indemnités de départ, les Belges les plus riches se tournent vers les autres, en particulier vers le gouvernement et les banques. Le gouvernement flamand refuse d’intervenir, tout comme il refuse de construire des bus, et souhaite trouver au moins un partenaire privé et l’accord des banques. Ces conditions ne vont pas à l’encontre de la position centrale de la famille Van Hool dans l’entreprise et n’offrent en réalité aucune réponse. Nous ne pouvons pas accepter que la collectivité soit abusée pour payer un drame social !

    Des investissements massifs dans des transports publics écologiques !

    Le fait que De Lijn commande 92 bus électriques au fabricant chinois BYD alors que Van Hool est en difficulté suscite l’indignation à juste titre. Il existe un contrat-cadre avec BYD qui permet de commander jusqu’à 500 bus. BYD assemble les bus en Hongrie et serait 100.000 à 150.000 euros moins cher que le second candidat. (Gazet van Antwerpen, 1er mars).

    En 2021, 36 autobus supplémentaires ont été commandés à Van Hool et 24 à VDL dans le cadre d’un contrat-cadre portant sur 350 autobus. Deux ans plus tard, tous ces autobus n’ont pas encore été livrés. La question se pose de savoir pourquoi De Lijn ne commande pas les 300 autobus restants du contrat-cadre à Van Hool. Il n’est pas certain que cela soit utile : selon Jo Brouns, le carnet de commandes est plein et les bus ne seraient pas fabriqués à Koningshooikt.

    De Lijn et ses sous-traitants doivent commander des milliers de bus électriques au cours des dix prochaines années. Dans le quotidien De Tijd, Ann Schoubs, directrice-générale de De Lijn, a déclaré qu’un bus sur trois parmi les 2.235 a plus de 15 ans et aurait déjà dû être mis hors service. Elle demande des investissements supplémentaires. Contrairement aux pays voisins, la Belgique est très en retard en ce qui concerne les bus zéro émission.

    Le climat et la crise de la mobilité exigent un plan de transports publics de grande ampleur. La politique dominante va dans la direction opposée avec une stratégie au mieux reposant sur la stagnation et le pourrissement. Un revirement majeur s’impose de toute urgence. La construction d’autobus verts jouera un rôle central à cet égard et exigera de mobiliser toutes les capacités de production disponibles. Ce faisant, nous ne pouvons accepter que les travailleurs du monde entier soient montés les uns contre les autres dans le cadre d’une compétition mortifère reposant sur une course vers le bas des salaires et conditions de travail.

    Ce ne sont pas les profits des banques et des familles les plus riches qui doivent être sauvés, mais les emplois et la production. L’entreprise doit être reprise en main par les pouvoirs publics, sous contrôle et gestion du personnel (qui est le véritable expert) et de la collectivité (qui a désespérément besoin de transports publics écologiques). Un conseil élu composé de techniciens, de constructeurs de bus, de conducteurs de bus et d’usagers pourrait gérer une telle entreprise publique en veillant aux intérêts du service, du climat et donc de l’ensemble de la collectivité.

    C’est nécessaire non seulement pour conserver tous les emplois, mais aussi pour développer le département de recherche et de développement afin qu’il puisse être un catalyseur pour le développement ultérieur de la mobilité verte. Laisser cette expertise inexploitée est criminel. Pour relever les défis climatiques sans laisser derrière soi un désert social, la nationalisation de Van Hool et de l’ensemble du secteur de la mobilité est crucial.

    Renforcer la solidarité

    Le choc provoqué par les suppressions d’emplois prévues chez Van Hool est très fort et ne se limite pas au personnel de Van Hool et à leurs familles. Pour la direction, il n’existe pas d’autre choix que ce plan de restructuration ou la faillite pure et simple. Refusons ce discours et luttons pour chaque emploi! L’indignation et le choc peuvent être transformés en solidarité active, par exemple avec des comités de soutien pour organiser des actions et visites de solidarité en vue d’une manifestation de masse à Koningshooikt. Une campagne active dans l’ensemble du secteur métallurgique peut déboucher sur des actions et des grèves. Outre Van Hool, des nuages sombres continuent de planer sur Audi à Bruxelles.

    Le gouvernement flamand et les patrons affirment que tout se passera mieux que prévu parce que le marché du travail est désormais tendu. Ne nous laissons prendre au dépourvu. Le remplacement d’emplois décents par des emplois plus flexibles et moins bien payés nous entraîne toutes et tous dans une spirale infernale. D’autre part, la question est de savoir combien de temps durera cette tension sur le marché du travail reste entière. Et si la récession industrielle déclenchait une vague de tragédies sociales ? Cette récession n’est pas due au fait que nous ne travaillons pas assez ou que nous gagnons trop. Elle provient en droite ligne de l’échec du marché libre, des tensions géopolitiques croissantes et de leur impact sur les chaînes d’approvisionnement, de la montée du protectionnisme et de la soif de profit dévorante d’une poignée de super-riches.

    Il est nécessaire de transformer toute la société change pour assurer que les intérêts des travailleurs et de leurs familles – ceux qui font réellement fonctionner l’économie – soient au centre des préoccupations.

  • Entretien. Victoire juridique contre Deliveroo après 7 ans de lutte

    Fin décembre, la Cour du travail de Bruxelles a tranché : les livreur.euse.s de Deliveroo doivent être considéré.e.s comme des salarié.e.s et non plus comme des indépendant.e.s. Le combat avait commencé en 2017, le “Collectif des coursier.e.s” avait entamé les premières actions contre la start-up de livraison de repas à domicile. Sept ans plus tard, la décision de la Cour du travail ouvre une porte dans la lutte contre l’ubérisation de l’emploi. Nous en avons discuté avec Martin Willems, permanent à la CSC et initiateur de la campagne United Freelancers.

    Propos recueillis par Julien (Bruxelles)

    Peux-tu nous détailler le bilan du jugement et sa signification pour l’ensemble des livreurs de Deliveroo ?

    « Le jugement dit deux choses très importantes : d’abord que le régime de l’économie collaborative n’est pas applicable. Il faut savoir que dans la livraison de repas, des plateformes comme Uber Eats ou Deliveroo utilisent en grande majorité des prestataires qui ne sont ni salariés ni indépendants, mais qui prestent dans le régime de l’économie collaborative. C’est quelque chose de tout à fait particulier à la Belgique et 90 % des livreurs sont dans ce régime-là. L’arrêt va plus loin et dit que les prestataires doivent être salariés, car la plate-forme exerce clairement une autorité sur ces travailleurs. »

    « Ce jugement a une valeur forte pour le futur de tous les livreurs de Deliveroo. La plateforme va sûrement dire le contraire. Le jugement ne s’impose pas à tous les autres livreurs par défaut. La justice est un moyen d’action, mais certainement pas le seul, ni le moyen d’action ultime. Elle est de fait lente, particulièrement en Belgique et les plateformes auront toujours une longueur d’avance. »

    Quels ont été les arguments pour justifier la relation de salariat entre Deliveroo et les travailleurs ?

    « En Belgique, les grands critères, qu’on appelle critères généraux, qui font que tu es soit indépendant, soit salarié, c’est d’abord le contrat que tu signes, puis l’intitulé de la relation de travail. Ensuite, plus important, c’est l’organisation du temps de travail et enfin l’organisation du travail et le contrôle hiérarchique. »

    « Uber et Deliveroo font signer aux livreurs des contrats qu’ils ne lisent même pas, dans lesquels il est marqué qu’ils travaillent comme indépendants. Mais il faut regarder si la réalité suit le contrat. »

    « Sur les trois autres critères, le tribunal a jugé que c’était assez évident. Le contrôle hiérarchique est clair : Deliveroo applique la surveillance par GPS. Il y a aussi le fait qu’on te demande constamment des documents. Quand tu demandes à un indépendant de réparer ton toit, tu ne vas pas aller vérifier s’il a bien assuré sa camionnette. Cela montre bien que la relation entre Deliveroo et ses livreurs n’est pas la même qu’entre un particulier et un prestataire indépendant. »

    « Autre facteur important : pour le client, le livreur est-il un indépendant ou un agent de Deliveroo ? Évidemment, c’est un agent de Deliveroo. Tu vas toujours dire ‘Ah, voilà le livreur Deliveroo ou Uber Eats qui m’apporte ma soupe ou ma pizza !’ Tu ne vas jamais dire ‘Tiens, c’est Serge avec qui j’ai conclu un contrat pour qu’il m’apporte mon repas’. »

    « Concernant l’organisation du temps de travail, les plateformes disent toujours : « Oui, mais le livreur travaille quand il a envie, il se connecte quand il a envie. » C’est vrai, comme tout travailleur. Mais une fois que tu travailles, qui choisit quand tu travailles ? C’est la plateforme. Une fois que tu as une commande à livrer, tu ne peux pas faire autre chose. Si la commande est livrée en retard, tu es sanctionné. Le tribunal a considéré que tu n’as aucune liberté. »

    Les conséquences du procès vont s’étendre sur les années à venir pour les travailleurs.

    « Dans de plus en plus d’endroits, les plateformes doivent payer au temps de travail. Elles ne peuvent plus payer à la course. Même à Londres, les chauffeurs Uber sont payés à l’heure. À New-York, tant les chauffeurs Uber que les livreurs sont aussi payés à l’heure. Ces villes ne sont pourtant pas réputées pour être communistes. La Belgique est donc très en retard. »

    « Dans ces endroits-là, les plateformes disent ‘ok, on va les payer à l’heure, mais uniquement du moment où le livreur prend la commande à celui où il l’apporte chez le client’. Le temps d’attente n’est donc pas payé alors que nous, on dit que ce temps doit aussi être payé. La personne est là, à attendre, à disposition. Il y aura donc débat sur la définition du temps de travail. »

    « Ce dont il est question dans ce combat, c’est l’ubérisation, faire travailler des gens sans les reconnaître comme tes travailleurs. C’est le vieux schéma du faux indépendant qu’on connaît déjà dans des secteurs traditionnels depuis 20 ans. Ici, c’est un faux indépendant industrialisé à une échelle gigantesque par des multinationales. »

    « Si on tolère que ces formes de travail soient acceptées, alors il ne faut pas se leurrer. Tout le travail peut passer sous le système de plateforme. Si on peut contourner complètement tout le droit social et le droit du travail, faire travailler des gens sans leur accorder le moindre avantage social, alors tout le patronat va généraliser cette forme de travail. »

    « Si tu veux, moi, je te transforme Audi-Bruxelles en une plateforme. Finalement, que fait Uber ? Quand un client a besoin de quelque chose, il contacte un travailleur pour lui demander ‘Est-ce que tu ne veux pas faire ça pour ce client-là ?’ Si demain un client commande une Audi, j’envoie un message à cinq travailleurs et je leur dis ‘demain, rendez-vous sur la chaine pour monter l’Audi de Mr Machin’ et j’appelle ça plateforme et je les paye en économie collaborative. »

    « Ce qui est important à combattre, c’est la volonté des patrons de s’affranchir complètement du droit du travail et de toutes ses obligations. Si on le permet à Uber et Deliveroo, demain, ça sera partout. Il faudra peut-être 5ans, 10 ans, 20 ans, mais ça sera le cas. Ça leur coute la moitié du prix. Et s’il n’y a plus de contrat de travail, alors les barèmes salariaux, les conventions collectives et tout ça, ça n’existe plus. »

  • Combattre le sexisme au boulot, une lutte de chaque instant, pour chaque syndicat et chaque syndicaliste

    Trop c’est trop ! C’est le mot d’ordre de plus en plus de personnes qui trouvent le courage de témoigner d’abus. L’impact de #metoo est retentissant. Pourtant, force est de constater que lorsque cela se passe au boulot, seule 1 victime sur 100 le signale au Comité de Prévention et de Protection au Travail (CPPT).

    Par une déléguée syndicale, membre de la Campagne ROSA et de Sociaal Werkers in Actie (Travailleur.euse.s sociaux en action)

    Sur le lieu de travail, chaque travailleur.euse se trouve dans une situation de dépendance. Nous dépendons d’un salaire qui doit assurer nos conditions de vie. Plus les salaires sont bas, plus la dépendance à son égard est grande. En Belgique, environ un tiers des travailleur.euse.s sont confrontés à une ou plusieurs formes de comportement abusif au travail. 5 % sont victimes d’agression sexuelle, 1 % en fait l’expérience chaque semaine.

    Des données récentes indiquent que 16% des travailleur.euse.s des Pays-Bas ont été victimes de harcèlement sexuel au cours des dix dernières années, les femmes étant deux fois plus touchées que les hommes. Une autre enquête soulève que 30% des femmes ont déjà été victimes d’une forme d’agression sexuelle sur leur lieu de travail. 61% d’entre elles ont déjà été victimes de mots obscènes ou d’autres propos désagréables à connotation sexuelle. Les femmes et les personnes LGBTQI+ subissent une forte oppression.

    Le PSL s’oppose à toutes formes d’oppression à l’encontre de tou.te.s les travailleur.euse.s. En janvier, nous avons organisé une rencontre de délégué.e.s et de syndicalistes des industries et de la chimie, des transports publics, de l’enseignement et du secteur social, entre autres, avec également la participation de militantes de la Campagne ROSA afin d’analyser la manière dont le sexisme et les oppressions se présentent au travail et de la stratégie à développer pour s’y opposer.

    Premièrement, nous avons analysé le problème. Les femmes et les personnes LGBTQI+ sont opprimées au sein du capitalisme par la division de la classe ouvrière en fonction de ses caractéristiques. Cette oppression est inévitable dans un système où la cupidité privée est protégée à tout prix. La position économique détermine si vous pouvez atteindre une certaine forme d’indépendance financière. Historiquement, les hommes ont été placés dans une position économiquement plus forte, tandis que les femmes ont été utilisées pour pallier la pénurie de main-d’œuvre, en plus d’une plus grande part de travail non rémunéré.

    Dans le cadre du capitalisme, de nombreuses idées fausses ont été imposées pour légitimer ces divisions, qui ont donc été intériorisées par de nombreux.ses travailleur.euse.s. En France, un homme sur cinq (âgé de 25 à 34 ans) estime qu’il est en droit de gagner plus qu’une femme pour un travail identique. Tout simplement parce qu’ils sont des hommes ! Dans un système dans lequel règnent les carences sont importantes, de plus en plus de travailleurs sont sensibles à ces idées. L’extrême droite ne fait que renforcer ce phénomène. De même, on assiste à une tempête de messages discriminatoires à l’égard des personnes LGBTQI+, ce qui les pousse encore plus dans la précarité.

    C’est pourquoi la réunion a également abordé la question suivante : que peuvent faire les syndicats et les délégations syndicales ?

    Il existe des initiatives intéressantes. Par exemple, en France, la CGT appelle à :

    • Informer et sensibiliser les travailleur.euse.s par des réunions du personnel, des campagnes de prévention et l’élaboration de revendications.
    • Mettre en place une ligne d’écoute pour les victimes et à former les militant.e.s syndicaux à les accompagner correctement.
    • Former les militant.e.s et les délégué.e.s à l’égalité femmes-hommes et à l’action syndicale contre les violences de genre au travail.
    • Construire un rapport de force pour obtenir des mesures collectives de prévention qui modifient aussi les inégalités économiques.

    Cet exemple présente des points forts tels que l’implication de tous les travailleur.euse.s, la formation des affilié.e.s, un soutien approprié et la construction de luttes communes et d’un rapport de force permettant de gagner. Cela nécessite en effet de développer un programme qui motive les travailleur.euse.s à rejoindre les luttes. Les revendications suivantes ont été discutées lors de notre réunion : des vestiaires appropriés, des salles d’allaitement, des crèches et autres infrastructures pour tou.te.s, un congé menstruel et la prolongation du crédit-temps, l’augmentation des salaires, des pensions et des allocations sociales au-dessus du seuil de pauvreté, la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire, des investissements publics massifs dans les services publics…

    Sur notre lieu de travail, trois organes différents existent : le Conseil d’Entreprise, le CPPT et la délégation syndicale. Là aussi, une stratégie peut être développée pour renforcer cette lutte. Le Conseil d’Entreprise permet de recueillir les informations nécessaires sur les chiffres économiques et la discrimination. Au sein du CPPT, bon nombre de revendications, par exemple en matière d’infrastructure, peuvent être concrétisées. Enfin, la délégation syndicale peut faire le lien entre l’ensemble des revendications et l’organisation des luttes dans ce domaine, au sein de l’entreprise, du secteur et au niveau intersectoriel.

    Les chefs d’entreprise tentent principalement d’utiliser de petites mesures comme excuse pour ne pas toucher aux choses fondamentales. Les formations proposées sont elles-mêmes déjà devenues une activité rentable et se limitent souvent à une approche individuelle qui ne remet pas en question l’inégalité économique. Seules les luttes sont capables de le faire. Elles doivent donc être renforcées et élargies. Par exemple, aux États-Unis, nous avons récemment assisté à des grèves chez Blizzard et Riot Games contre le harcèlement sexuel, le sexisme et l’environnement de travail hostile aux femmes. Ces grèves se sont également déroulées sans syndicats.

    Il s’agit de construire un mouvement contre l’inégalité et les abus de pouvoir omniprésents. Le féminisme anticapitaliste et socialiste est un élément indispensable de ce mouvement, car il combat les abus en s’attaquant à leurs racines. Tant que nous dépendrons des patrons, des actionnaires et de leur personnel politique, il y aura des abus. Rompons avec ce système !

  • Sombres nuages sur Audi Brussels

    Début février, la presse a relayé les premières rumeurs d’une délocalisation vers le Mexique de la production de l’Audi Q8, pour l’instant assemblée à l’usine Audi Brussels à Forest. C’est l’ensemble de la chaîne de production du groupe Audi qui serait ainsi réorganisée. En octobre dernier, les travailleurs s’étaient déjà mobilisés face aux annonces d’arrêt de la production de la Q4 électrique (qui aurait dû commencer en novembre 2023). La récession en Allemagne et la crise de l’industrie rendent l’avenir des 3500 travailleurs d’Audi Brussels très incertain.

    Par Julien (Bruxelles)

    Le 7 février, lors d’un Conseil d’entreprise extraordinaire, la direction n’a pu ni confirmer ni infirmer les rumeurs, se contentant de dire qu’elle devait d’abord s’entretenir avec la direction allemande. Volkswagen a tardé à investir dans les voitures électriques, contrairement à d’autres constructeurs. Les mauvais chiffres ont alors poussé le groupe à arrêter ses usines allemandes de production de voitures électriques et à revoir son modèle. Pas de nouveau projet, baisse des volumes, révision de la chaine de production… l’avenir s’annonce sombre pour les travailleurs.

    La crise industrielle

    Déjà en 2020, l’industrie automobile a connu une récession. La période covid et les confinements ont exacerbé la crise. Le PDG de PSA déclarait fin 2020 : « Nous sommes entre 2020 et 2030 dans une période darwinienne de l’industrie automobile », en référence aux bouleversements du secteur dus au coronavirus et aux investissements imposés par les réglementations climatiques.

    Nous assistons ainsi à une offensive anti-écologique. Dans les secteurs de l’industrie chimique et automobile ainsi que dans le secteur agricole, le patronat tente de détourner l’attention en pointant du doigt les normes environnementales. L’orientation de la production automobile vers le véhicule électrique n’est pas une demande du mouvement écologiste, mais, au contraire, la riposte du secteur automobile face à la crainte de revendications en faveur d’un transport public collectif. Voilà ce qui serait le pire scénario pour les constructeurs de véhicules individuels.

    Le PSL défend l’expropriation et la nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité des industries polluantes et non socialement utiles en vue de les reconvertir tout en garantissant l’emploi ainsi que l’amélioration des conditions de travail. Les besoins sociaux à combler sont gigantesques. Utilisons les connaissances et l’expérience des travailleurs de l’automobile ainsi que les infrastructures industrielles du secteur pour répondre aux nécessités sociales, à commencer par les transports en commun !

    Les profits

    L’économie allemande va mal et cela se ressent dans le secteur automobile. En impactant la chaîne d’approvisionnement, la guerre en Ukraine avait déjà perturbé le secteur. En cas de conflit militaire à Taïwan, l’impact serait plus catastrophique encore via le rôle central de l’État insulaire dans le marché des semi-conducteurs. Les travailleurs payent les différents aspects de la crise du capitalisme. Les actionnaires, eux, vont plutôt bien. Après des profits records pour les constructeurs automobiles en 2022, c’est une véritable pluie de dividendes qui a pris place en 2023. Selon un communiqué du gestionnaire d’actifs Janus Henderson : « Ford et Volkswagen ont représenté près d’un tiers des dividendes extraordinaires » entre janvier et mars 2023 et « les dividendes versés par le secteur automobile ont été dix fois plus importants » par rapport à 2022.

    Le secteur européen de l’automobile n’a pas fait les investissements nécessaires à la fin des moteurs thermiques. Avec des aides massives de l’Europe et de plusieurs gouvernements européens, la transition vers le véhicule électrique se précipite, entraînant avec elle des pertes d’emplois et aucune véritable solution à la crise climatique. Seule une planification de l’économie via la nationalisation des secteurs clés de l’économie, dont les secteurs automobile et métallurgique, permettrait de réorienter la production vers les besoins sociaux, en plaçant l’environnement et les conditions de travail comme une priorité.

    Organiser la résistance à la base

    Le 8 février, le Premier ministre Alexander De Croo (Open-VLD) annonçait la mise en place d’une Task Force concernant l’avenir de l’usine. Cette dernière impliquerait la direction belge. Cette Task Force étudiera « différents scénarios » et De Croo aurait même convenu avec le CEO d’Audi, Gernor Dollner, de le rencontrer à Forest pour lui « montrer par lui-même les atouts du site belge ». De Croo ne se préoccupe pas des travailleurs. Il craint les réactions ouvrières et tente de les éviter en montrant qu’il serait prêt à « monter au front ». Si la restructuration se confirme, le gouvernement fera tout pour éviter une réponse collective en proposant des cellules de reconversion ou des primes de départs. En absence de solutions collectives et de discussions à la base, de plus en plus de travailleurs chercheront une solution individuelle. Les travailleurs d’Audi doivent organiser propre task force en impliquant tous les travailleurs de l’usine, du secteur et les syndicats !

    Il ne faut pas attendre que la direction du groupe décide du futur de l’usine et ne laissons pas le monopole de l’action à De Croo ! Mobilisons l’ensemble du personnel : travailleurs d’Audi, intérimaires et sous-traitants. Élargissons la discussion aux travailleurs solidaires. La première étape pourrait être d’organiser un piquet de grève devant l’usine et un appel à des visites de solidarité. Un appel à des grèves ou des actions de solidarité dans l’industrie métallurgique trouverait aussi un écho positif. Suites aux restructurations en rafales dans la métallurgie, de nombreux travailleurs du secteur se trouvent aujourd’hui dans l’industrie chimique ou pharmaceutique. Mobilisons tous ceux que nous pouvons pour défendre non seulement l’emploi, mais aussi un emploi de qualité.

    Refusons qu’on touche à un seul emploi, ni chez Audi ni chez les sous-traitants, ni en Belgique, ni en Allemagne, ni ailleurs. N’opposons pas les travailleurs et le climat.  Défendons la reconversion de l’usine vers les transports publics. Enfin, menons aussi le débat sur les cadences de travail. L’industrie automobile constitue le centre de recherche patronal sur l’intensification de la charge de travail via l’organisation scientifique du travail avec le Fordisme et le Toyotisme. La nationalisation sous gestion de la collectivité permettrait de discuter de la manière de diminuer la pression au travail. Pour renforcer ce combat, il faudra veiller à assurer l’implication et l’engagement du maximum de travailleurs et de sympathisants au travers d’un plan d’action en escalade élaboré à la base.

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