Category: Syndical

  • Combattre le harcèlement sexuel au travail. Interview de deux délégués syndicaux

    « Le patronat fait tout son possible pour nous monter les uns contre les autres, ne lui facilitons pas la tâche… »

    La parole se libère à propos du harcèlement et des violences. Avec quel impact au boulot ? Nous en avons discuté avec 2 délégués, Pierre et Julien, issus de différentes centrales professionnelles et régionales.

    Propos recueillis par Emily Burns

    Comment se présente le problème au quotidien sur vos lieux de travail ?

    Pierre : « Le sexisme revêt plusieurs formes. On pense bien entendu à des formes particulièrement graves comme les violences sexuelles ; souvent dans le cadre d’un lien de subordination, mais pas toujours. Mais il y a aussi les « blagues » qui s’attaquent à certaines catégories de personnes. Les oppressions sont quotidiennes et il peut en résulter un profond mal-être au travail. »

    Quand un.e collègue subit une situation de harcèlement ou une agression, que se passe-t-il ?

    Julien : « En général, la/les premières personnes informées sont les collègues. Mais ils sont un peu dépourvus sur la manière de réagir. Puis, il y a aussi la « personne de confiance » qui peut faire un travail informel auprès de toutes les parties. Ou le conseiller en prévention qui prend des mesures plus formelles. Mais les noms et la manière de les contacter ne sont pas toujours connus. Alors, si la victime souhaite entamer des démarches, souvent, le réflexe est d’aller voir sa hiérarchie ; enfin, quand le problème ne provient pas d’un.e chef.fe… »
    De plus en plus d’entreprises prennent ce problème au sérieux ?

    Julien : « Certaines entreprises, comme là où je travaille, ont adopté une politique de tolérance zéro. C’est une bonne chose. Mais la seule réponse, c’est plus de répression patronale. Résultat : pour ne pas être vu.e comme « une balance » et être la cause d’un licenciement, les victimes ne parlent plus des difficultés rencontrées. Une telle approche ne libère donc pas la parole, au contraire. Et puis, licencier quelqu’un sans accorder d’attention au travail de sensibilisation, cela revient à simplement déplacer le problème.

    « En termes de formation, il n’y a pratiquement rien, juste un PowerPoint où il suffit de faire clic clic clic et en 5 minutes c’est plié… Ce n’est pas sérieux ! Ce n’est pas cohérent avec une réelle volonté de lutter contre les oppressions au travail.

    « Et puis, il ne faut pas oublier qu’au niveau sociétal, les grandes entreprises rechignent à participer aux charges de la collectivité, ce qui permettrait par exemple d’ouvrir plus de crèches. Elles refusent de réduire le temps de travail (sans perte de salaire) et de revoir l’organisation du travail pour permettre de concilier travail et vie de famille. Cela crée des tensions entre collègues, en particulier pour les mères, pour obtenir un temps partiel le mercredi et éviter le shift du soir. »

    Et le syndicat là-dedans ?

    Pierre : « C’est important que la délégation syndicale puisse soutenir les victimes, être à leurs côtés, accueillir ce qu’elles expliquent avec une présomption de sincérité, en collectant toutes les informations utiles. C’est crucial que le syndicat se place du côté de la victime, qu’elle soit affiliée ou pas, et même si la personne accusée l’est ! Mais ça ne signifie pas pour autant que les droits de la personne accusée n’ont pas à être défendus. On ne va surtout pas laisser ça à l’arbitraire patronal ! »

    Julien : « Oui, mais avant toute défense d’une personne accusée de comportement transgressif, une discussion s’impose. Il est nécessaire que le/la travailleur.euse soit franc, puisse s’excuser pour avoir créé une situation de mal-être. Un comportement transgressif tend à diviser et donc à déforcer notre rapport de force face au patron. En plus d’être fortement dommageable à la victime, c’est dommageable à toutes et tous. »

    Pierre : « S’atteler à la problématique des oppressions passe en premier lieu par une formation en interne. Le sexisme, le racisme ou la LGBTQIA+phobie traversent toute la société et le syndicat n’y fait malheureusement pas exception. Alors il faut prendre ce problème à bras-le-corps. Certains syndicats à l’étranger – comme la CGT en France et Unite en Grande-Bretagne – ont développé du matériel intéressant sur la manière d’accueillir les plaintes et d’y réagir. Ils ont mis en avant des points d’attention pour lutter contre le sexisme en interne et ont développé des revendications syndicales pour lutter contre ce fléau.

    « Ici, on n’a pas encore ce genre d’outil, j’espère que ça viendra vite… Mais les choses évoluent ! J’espère que l’on pourra former un bloc syndical à la manif contre les violences faites aux femmes le 26 novembre et faire vivre cette date parmi les collègues sur le terrain. Ça peut commencer par des affiches aux valves pour aider à lancer la discussion, un tract et une table de sensibilisation dans la semaine qui précède la manif. »

    Julien : « Il faut aussi mettre cette question à l’ordre du jour du CPPT pour avoir une politique de prévention contre tout type de harcèlement et de violence au travail. On a besoin de campagnes de prévention suffisamment larges qui ne viennent pas simplement du patronat. »
    Depuis #MeToo, certain.e.s trouvent qu’on ne peut plus rien dire aujourd’hui, qu’en pensez-vous ?

    Pierre : « On ne veut surtout pas empêcher les collègues de rigoler ensemble, au contraire c’est bon pour l’atmosphère de travail et les journées passent plus vite. Par contre, il est possible d’avoir un humour qui ne se fasse pas sur le dos de celles et ceux qui, en général, ont plus d’embûches dans la vie. Les blagues ça doit participer à détendre l’atmosphère, et non pas à mettre mal à l’aise d’autres collègues.

    « Alors quand il y a des « blagues » ou des réflexions sexistes, LGBTQIA+phobes ou racistes, c’est important de réagir. Il ne faut pas s’emballer, mais prendre le temps calmement et patiemment d’expliquer l’impact que ça peut avoir. Ce type de blagues renforce l’idéologie dominante, l’objectification des femmes, les logiques de domination et de division au sein même de notre classe sociale. Le patronat fait déjà tout son possible pour nous monter les uns contre les autres, ne lui facilitons pas la tâche ! En tant que syndicaliste, on doit lutter contre le mal-être au travail. »

    Un mot pour conclure ?

    Julien : « C’est au travers des luttes que l’on comprend le plus clairement que l’ensemble de la classe travailleuse partage des intérêts communs et qu’on ne peut pas se laisser diviser. C’est dans ces moments-là que la conscience sur cette question peut faire d’impressionnants bonds en avant. On l’a vu dans le passé avec le racisme. Cet héritage reste présent dans les syndicats: « Au fond de la mine, on a tous la même couleur ». Mais nous n’échapperons pas aux oppressions et aux discriminations tant que nous n’aurons pas renversé le capitalisme… »

  • Forges de Clabecq. A bas l’esclavage !

    Le procès en appel qui devait se tenir ce 13 novembre 2023 à Bruxelles est reporté à 2025, à la suite d’une action en justice de l’État belge qui souhaite mettre la main sur le produit de la vente d’un terrain situé à Vilvorde et qui appartenait aux Forges de Clabecq. Cela paraît incroyable : voilà 26 ans que les anciens travailleurs (ouvriers, employés et cadres) attendent le paiement de leur salaire !

    Par Guy Van Sinoy, article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste

    Retour sur le passé et explication(1)

    En octobre 1992 Pierre Dessy, patron des Forges, veut imposer un plan de restructuration en trois volets : un volet social (pertes d’emplois et réductions de salaires), un volet financier (renégocier avec les banques de nouveaux crédits), un volet technique. La délégation syndicale estime que ce volet technique signifie la fermeture de la phase liquide (haut-fourneau, convertisseur), ce que conteste Pierre Dessy. Le 28 octobre un référendum patronal, organisé sans l’accord de la délégation syndicale, ne peut se tenir car un millier de travailleurs détruisent les urnes et brûlent les bulletins de vote. Le lendemain le patron menace d’envoyer les lettres de licenciement et de baisser les salaires de 10 %.

    La délégation obtient du Ministère de l’Emploi une dérogation pour étendre la prépension à 52 ans, de façon à éviter les licenciements. Le 4 novembre elle organise un référendum sur deux points : la baisse des salaires et la fermeture de la phase liquide. 75 % des ouvriers participent au vote et 89,51 % des votants rejettent les deux points. La direction refuse de reconnaître le résultat du vote et décide la baisse des salaires de 10 %. La grève commence tandis que le 10 novembre Dessy envoie une cassette vidéo au domicile de chaque travailleur pour réaffirmer sa position.

    Un compromis imposé

    Le lendemain Guy Spitaels (PS), Président de la Région wallonne, annonce qu’il propose au gouvernement wallon d’accorder un prêt de 500 millions de francs belges, avec l’accord de la Communauté européenne. Le 13 novembre 53,5 % des ouvriers se prononcent contre la reprise du travail malgré les pressions exercées par les cadres.

    Mais la direction et les permanents syndicaux s’accordent sur un compromis : les 10 % de retenue de salaire sont « un prêt » à rembourser au plus tard en juillet 1995. Fin 1996 la faillite des Forges est prononcée. Aujourd’hui les anciens travailleurs des Forges attendent toujours le remboursement de ce « prêt ».

    Salariat ou esclavage

    Les 10 % de salaire retenus par le patron des Forges sont une entorse au salariat. C’est un peu comme si vous travaillez 40 heures par semaine, du lundi au vendredi de 8h à 16h, mais que le vendredi à partir de midi votre patron cesse de vous payer alors que vous êtes toujours à la tâche jusque 16 heures. Faire travailler des gens sans les payer, cela s’appelle de l’esclavage.

    Quel enjeu pour l’État ?

    La vente du terrain de Vilvorde par la curatelle qui gère la faillite des Forges rapportera environ 20 millions d’euros. Comparé à votre fiche de paie cela semble être une fortune ! Mais pour les anciens de Clabecq c’est un montant qui permettrait d’apurer la dette qui leur est due depuis plus de 25 ans.(2)

    Pour l’État un tel montant fait partie des budgets habituels des dépenses. 20 millions d’euros représentent, par exemple, le prix d’achat d’un seul avion de chasse YF-16. La Belgique en a 54 ! Le remplacement prévu des YF-16 par des F-35 coûtera 30 % plus cher… par avion !

    L’acharnement mis par les fonctionnaires de l’État à persécuter les anciens travailleurs de Clabecq n’est pas seulement une affaire de gros sous. C’est aussi un choix politique. Punir ceux qui ont osé se dresser contre les restructurations industrielles qui jettent sur le pavé le personnel jugé inutile.

    (1) Source : Les Forges de Clabecq – Chronique d’une survie fragile (1992-1996), Michel Capron, CRISP/CH 1529-1530
    (2) Du moins la dette due aux descendants des anciens travailleurs dont beaucoup sont morts du cancer provoqué par l’amiante.

  • Non aux coupes budgétaires ! Luttons pour de meilleurs salaires et des services publics renforcés !

    Pendant la pandémie, les secteurs social et de la santé nous ont maintenus à flot. La crise de l’énergie a démontré l’impact de la rage spéculatrice sur les services de base ; la revendication d’un secteur de l’énergie totalement public en est sortie renforcée. À chaque fois, le gouvernement a dû intervenir là où le privé avait échoué en raison de sa soif de profits. La Commission européenne veut toutefois revenir au bon vieux temps et imposer l’austérité.

    Après les pertes de salaires et d’emplois subies liées à la pandémie, nous avons subi l’inflation galopante et l’explosion des prix de l’énergie. En 2022, 95,3 millions de personnes dans l’UE (soit 21,6 % de la population) étaient menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale, selon Eurostat. Les augmentations salariales nominales de ces dernières années étaient bien en deçà de celle des prix, et les aides fiscales aux familles pendant et après la pandémie touchent à leur fin presque partout.

    Au lieu d’une spirale salaires-prix, nous avons assisté à une spirale bénéfices-prix dans le monde entier. En 2021 et 2022, les entreprises belges ont réalisé des marges bénéficiaires de 45 % ! Au premier semestre 2023, les entreprises européennes versaient déjà plus de 170 milliards d’euros de dividendes. Alors que les profits records, limités seulement par des impôts minimes sur les suprofits, nous poussent vers une inflation galopante, on revient aux recettes monétaires classiques : augmenter les taux d’intérêt sur les emprunts. Ceci pour freiner la demande de biens et de services. Pour la classe travailleuse, cela signifie payer la crise une deuxième fois, car cette politique ne fonctionne qu’indirectement : la demande ne diminue qu’en cas de récession économique, avec son cortège de faillites et d’augmentation du chômage.

    Retour au “business as usual” ?

    En attendant, les taux d’intérêt élevés combinés à un endettement public et privé très important entraînent déjà des problèmes de paiement qui pourraient bien devenir contagieux. Pour « préserver la stabilité financière », la Commission européenne estime qu’il faut remettre la main sur les cordons de la bourse. En effet, pour elle, un budget équilibré équivaut à des économies sur les services publics et la sécurité sociale, à hauteur de 45 milliards pour l’ensemble des gouvernements européens. Les dépenses de guerre et d’armement des États membres – qui représenteront un total de 320 milliards d’euros en 2022 et continueront d’augmenter – ne sont certainement pas remises en question. Ces priorités montrent immédiatement quels intérêts elles servent, mais peut-on vraiment attendre autre chose de ces représentants des grandes entreprises ?

    La récession se profile à l’horizon. Les commandes dans l’industrie sont déjà en baisse. Une nouvelle vague d’austérité fait payer les travailleurs une troisième fois et ne fera qu’aggraver la crise économique. Alors que 750 milliards d’euros d’argent européen sont saupoudrés pour garantir de nouveaux profits dans les secteurs dits stratégiques, les gouvernements des États membres se retrancheront derrière les normes de Maastricht pour laisser les profits (en grande partie) intacts et en répercuter le coût sur nos services publics et notre sécurité sociale. Le rôle principal de l’UE est également de faciliter la circulation des capitaux, au-delà des frontières des États membres, afin d’exploiter plus efficacement notre main-d’œuvre pour des profits plus élevés.

    Il nous faut un syndicalisme de combat à partir de la base

    L’Eurobaromètre de début décembre a montré une fois de plus que la lutte contre la pauvreté et la qualité des soins de santé sont au premier rang des préoccupations des travailleurs européens. Cependant, pour maintenir des taux de profit élevés et préserver les investissements dans les secteurs stratégiques, les patrons et leurs représentants feront résolument payer la facture à la classe travailleuse. Parallèlement, la répression à l’encontre des militants syndicaux s’intensifie dans toute l’Europe. Le syndicalisme de concertation n’a que très peu réussi à ralentir la détérioration de nos conditions de travail et de vie au cours des dernières décennies.

    Une manifestation européenne peut être un premier pas important dans la construction de la résistance et dans le développement d’un syndicalisme de lutte à partir de la base ! Un pas vers une véritable campagne européenne du mouvement ouvrier, coordonnant des journées de grève européennes, par exemple, pour un réinvestissement dans les services publics mais aussi en défense de notre pouvoir d’achat. La politisation des discussions sur le lieu de travail par le biais de campagnes d’information et d’assemblées du personnel serait un prélude important à cette démarche. Ce faisant, nous devons discuter du programme politique dont le mouvement ouvrier a besoin pour réellement mettre un terme aux coupes budgétaires. Comment construire une solidarité internationale dans la lutte ?

    • Contre l’inflation et la concurrence entre travailleurs en Europe : pour l’implantation de l’indexation des salaires, ou sa restauration, dans toute l’Europe !
    • Pour le refinancement des services publics : allons prendre l’argent dans la poche des riches. Utilisons les profits pour une transition écologique socialement juste et un réinvestissement massif dans les services publics !
    • Stop au remboursement de la dette publique ! Pour un impôt progressif sur les bénéfices et les richesses allant jusqu’à la nationalisation du secteur financier pour stopper la fuite des capitaux.
    • Il n’y a pas de solutions monétaires et fiscales à la crise du capitalisme : nationalisation des secteurs clés de l’économie sous le contrôle du mouvement ouvrier !

    Alternative Socialiste Internationale (ASI) et le Parti Socialiste de Lutte (sa section belge) veulent s’engager dans les discussions concernant ces revendications et les méthodes nécessaires pour les arracher sur les lieux de travail, avec tous les syndicalistes combatifs. Nous sommes impliqués dans les luttes sociales de 15 pays européens et sur tous les continents. Nous lions ces combats à la nécessité d’une transformation socialiste de la société et nous construisons des partis révolutionnaires de travailleurs et de jeunes pour défendre ces idées dans le mouvement ouvrier. Contactez-nous, demandez plus d’informations et rejoignez-nous !

    Le fait de ne pas se battre pour la plus-value de notre travail permet aux forces d’extrême-droite de désigner les migrants et les réfugiés comme étant ceux qui sapent le pouvoir d’achat et les conditions de vie des travailleurs. Avec leurs campagnes contre le « wokisme », le féminisme et « l’idéologie du genre », elles visent la lutte contre toute forme d’oppression. Il en résulte une augmentation de la violence sexiste, raciste et anti-LGBTQIA+. Le mouvement ouvrier doit mener une lutte inflexible pour l’unité de l’ensemble de la classe travailleuse. Tout ce qui nous divise nous affaiblit !

    Personne ne sera libre tant que tout le monde ne le sera pas ! Les mots manquent pour décrire la souffrance et l’inhumanité dont nous sommes témoins à Gaza. La pression sur nos gouvernements contre leur implication et leur soutien à ce gouvernement israélien criminel doit être encore accrue. La guerre n’a jamais été menée dans l’intérêt des travailleurs. Le mouvement ouvrier lui-même a tout intérêt à transformer la grande solidarité en un mouvement de grèves, d’occupations et de boycotts,… pour arrêter la machine de guerre israélienne et la nouvelle course aux armements.

  • Activistes du climat et cheminot.e.s : même combat! Sauvons le climat!

    Des investissements massifs dans les transports publics !

    L’an dernier, le RMT (le plus grand syndicat des transports au Royaume-Uni) s’est mis en grève pour obtenir de meilleures conditions de travail, des salaires plus élevés et la sécurité d’emploi. Des militant.e.s pour le climat comme Just Stop Oil et Extinction Rebellion se sont joints aux piquets de grève. Cette année, les militant.e.s allemand.e.s ont fait de même. Les syndicats des transports se sont mis en grève et ont soutenu la marche pour le climat du 3 mars. Ils ont obtenu des hausses de salaire ainsi que le “Deutschland ticket”, un billet mensuel moins cher (49 euros) qui permet de voyager dans tout le pays.

    Par Koerian (Gand), article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste

    Le trafic tue

    Activistes du climat et cheminot.e.s en grève : une combinaison logique. 25% des émissions de gaz à effet de serre en Europe proviennent des transports, dont 72% du transport routier. En outre, les routes, les voitures et les camions changent radicalement notre vie. Ils sont à l’origine de particules fines, responsables entre autres de cancers, de maladies pulmonaires, d’asthme et de maladies
    cardiovasculaires.

    On a dénombré 540 décès dus à la circulation en 2022. La circulation est la plus grande forme de pollution sonore et pèse sur notre santé mentale de manière quotidienne et continue. En outre, les infrastructures de circulation dominent notre espace public et prennent de l’espace qui pourrait être consacré aux parcs, aux places et à un environnement plus humain.

    Les transports publics sont mis en pièces

    Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et créer un cadre de vie plus attrayant pour toutes et tous, il faut des transports publics plus nombreux, plus performants et moins chers. Or, depuis des décennies, les transports publics sont réduits à peau de chagrin. Les gouvernements précédents ont découpé la SNCB en plusieurs morceaux (Infrabel, SNCB et HR-Rail) pour faciliter la privatisation du transport.

    Pour faire accepter que la SNCB ne fonctionne pas (et pour libérer de l’espace pour des cadeaux aux grandes entreprises), des gares ont été supprimées, les conditions de travail ont été attaquées et des emplois ont été supprimés. Les services se sont
    dégradés, le personnel peut à peine prendre des vacances ou des jours de compensation… Les 1,75 milliard d’argent frais reçus par Infrabel entre ’23 et ‘32 sont une goutte d’eau dans un océan d’économies. Dans le même temps, De Lijn supprime un sixième de ses arrêts à partir de janvier.

    Voiture=bénéfice

    Pour la bourgeoisie, c’est simple : les voitures et camions sont rentables, les bus et les trains ne le sont pas. En partie grâce à l’électrification du parc automobile, l’industrie peut doubler ses profits. Comme d’autres gouvernements, la Vivaldi, ECOLO et Groen y compris, ne jurent que par “les lois du marché”. Il s’agit de supprimer ce qui n’est pas rentable pour les actionnaires du BEL 20 (éducation, soins de santé, transports publics).

    Des mesures comme les zones à faibles émissions peuvent sembler vertes, mais elles punissent les personnes qui conduisent la même voiture depuis des années et qui n’ont pas les moyens de s’acheter un nouveau véhicule. Ceux qui en ont les moyens seront accueillis à bras ouverts par les constructeurs automobiles. Dans le cadre du capitalisme, les décideurs politiques au pouvoir défendront toujours les profits des grandes entreprises.

    Une solution simple

    La solution, elle aussi, est simple. Si nous voulons que les gens laissent leur voiture à la maison, si nous voulons que nos quartiers soient moins bruyants et plus verts, si nous voulons réduire les émissions, nous avons besoin d’une alternative réaliste à la voiture. Une telle alternative implique en premier lieu des investissements significatifs dans les transports publics. Plus de bus, de trams et de trains, plus de personnel dans les gares, un réseau nocturne étendu… Deuxièmement, il faut miser sur des systèmes de vélo et de covoiturage bon marché, publics et efficaces pour combler les lacunes.

    La solidarité

    C’est précisément là que les syndicalistes et les écologistes se retrouvent. Un transport ferroviaire de qualité signifie aussi plus de personnel et un équipement correct, des guichets au lieu de distributeurs automatiques et suffisamment de congés et de jours de compensation pour que le personnel ferroviaire puisse accomplir ses tâches en toute sérénité et sans stress.

    L’Allemagne et la Grande-Bretagne ont fourni des exemples importants de ce à quoi peut ressembler une lutte commune pour l’investissement. Pour remporter de grandes victoires, le mouvement pour le climat devra soutenir systématiquement toute action syndicale dans le secteur et vice versa.

    Une délégation du personnel des transports publics lors de la manifestation pour le climat du 3 décembre pourrait ouvrir la voie à un mouve-
    ment de longue durée. Les militant.e.s climat qui participeront aux piquets de grève des 6 et 7 décembre pourront renforcer la solidarité.

  • Contrer la casse des conditions de travail et de transport: nouvelle grève de 48h aux chemins de fer

    Dégradations des conditions de travail, nouvelles mesures de flexibilité, attaque du statut cheminot : cela fait des mois que la direction des chemins de fer joue la provocation et tente de passer en force. Le front commun syndical CGSP – CSC – SLFP (soutenu par le SIC) avait déposé un premier préavis de grève de 48 heures en novembre. Une deuxième grève de 48 heures aura lieu les 6 et 7 décembre.

    Par un cheminot

    Un accord social avait pourtant été signé entre les organisations du front commun et la direction au printemps dernier. Il prévoyait entre autres une accélération importante du recrutement pour faire face au manque de personnel, et au problème du nombre record de jours de récupération en retard. La direction brandit dans la presse les chiffres de recrutement en camouflant que malgré ça, le manque de personnel reste très critique sur certains lieux de travail. Les dirigeants syndicaux ont comparé les chemins de fer à une passoire : de janvier à octobre 2023, il y a eu à peine plus d’arrivées que de départs. Les mauvaises conditions de travail et l’absence de perspective positive font qu’un nombre croissant d’agents quittent la société. Avec pour conséquence, notamment, un record du nombre de trains supprimés par manque de personnel.

    Aux guichets, cela fait des années que la direction n’engage plus que des contractuels. Contrats précaires, hyper-flexibilité et arbitraire patronal sont monnaies courantes. Une sorte de laboratoire où la direction a testé jusqu’où elle pouvait aller dans les reculs des droits sociaux. Avec sa nouvelle structure adoptée avant l’été, la SNCB essaie maintenant d’étendre ces pratiques plus largement dans la société. Son plan « présence en gare », renommé à juste titre par les syndicats « absence en gare » met des centaines d’emplois en danger. La réorganisation sert de prétexte à une diminution radicale du nombre d’agents et une remise en cause du statut. Celles et ceux qui seront redéployés devront travailler en étant bien plus flexibles, sans lieu de travail fixe. Moins de personnel à disposition des voyageurs, des conditions de travail dégradées pour ceux qui restent : voilà ce que la direction de la SNCB considère comme « modernisation indispensable ».

    Le statut a sa propre histoire aux chemins de fer : il maintient un lien essentiel entre les travailleur-euses des différentes corporations malgré que la SNCB historique ait été scindée de façon absurde en différentes sociétés (SNCB, Infrabel et HR Rail). Il permet d’accéder à la mutuelle propre aux cheminots et à sa caisse de solidarité sociale. Financée par l’ensemble du personnel statutaire, elle fournit des avantages non négligeables. Le statut est aussi une assurance – bien qu’imparfaite – que femmes, hommes et minorités de genre soient rémunérés de la même manière. Enfin, la protection relative qu’offre le statut permet aux agents de traiter les usagers de manière égalitaire et avec l’intérêt collectif comme priorité, et non la logique de profit.

    Formés dans les multinationales du secteur privé et issus de « cabinets de conseils » comme McKinsey, les haut-managers gèrent notre service public avec cynisme et autoritarisme. Ils sont aidés par un bataillon de consultants dont le nombre et le coût a explosé ces dernières années.

    Formés dans les multinationales du secteur privé et issus de « cabinets de conseils » comme McKinsey, les haut-managers gèrent notre service public avec cynisme et autoritarisme. Ils sont aidés par un bataillon de consultants dont le nombre et le coût a explosé ces dernières années. La logique de coupe budgétaire s’applique à tout le monde sauf à eux-mêmes. Le montant de la facture totale de la consultance, bien que tenu secret, avoisinerait les 100 millions d’euros par an. Entre 2018 et 2020, un consultant de la filiale informatique de la SNCB a été payé 2 200 € par jour !

    Comment cheminots et usagers peuvent gagner

    La première grève de 48 heures des 8 et 9 novembre a été largement suivie. Malgré ce succès, il ne fait aucun doute que la direction ne lâchera pas facilement. Mais la détermination se trouve des deux côtés. Avec sa gestion agressive et le manque de marge sérieuse laissée à la négociation, la direction du rail a mis en danger la position propre des dirigeants syndicaux. Les travailleurs des différentes corporations ont massivement suivi le mot d’ordre de grève, parce que les revendications les concernaient directement ou par solidarité.

    Mais nous manquons d’un plan et d’une stratégie claire à long terme. L’appel à « un dialogue social de qualité » est trop vague : nous ne voulons pas négocier la dégradation de nos droits ! Nous avons besoin d’une liste de revendications précises à obtenir, débattues démocratiquement pour chaque fonction, par exemple au moyen d’assemblées générales sur chaque lieu de travail.

    L’hypocrisie n’a plus de limites : les patrons de la SNCB et d’Infrabel ont dénoncé la grève de novembre en se positionnant comme les défenseurs du service public. Ceux-là mêmes qui externalisent des services, reproduisent la logique du secteur privé et transforment ces sociétés sur base d’une logique purement commerciale. C’est en gérant les services publics comme des sociétés privées que l’élite politique et économique brouille les pistes et sape la confiance dans ces services publics. Alors que les revendications des cheminots, de leurs syndicats et des usagers sont souvent communes.

    C’est pourquoi nous pensons que les syndicats devraient lancer une campagne avec des revendications offensives pour de bonnes conditions de travail et de transport, en expliquant comment ces objectifs sont intimement liés. Des rencontres avec les navetteurs, distribution de tracts en gare et campagne de communication sur les réseaux sociaux pour populariser ces revendications seraient un pas en avant.

    Libre Parcours a appelé à la formation d’un bloc des délégations syndicales des transports publics (SNCB, STIB, De Lijn, TEC) à la marche pour le climat du 3 décembre. Des investissements massifs dans ce secteur sont plus que jamais nécessaires pour éviter la catastrophe climatique. Car même les investissements limités prévus par les contrats de gestion de la SNCB et d’Infrabel ne sont pas encore assurés. Nous proposons aussi aux activistes climatiques de venir soutenir et échanger avec les travailleurs du rail sur les piquets de grève.

    En impliquant le plus largement possible les travailleurs et les usagers dans un plan d’action pour nos intérêts communs et ceux des générations futures, nous pouvons balayer la politique antisociale du patronat et de ses sbires.

    L’une des raisons de la grève est la décision de la direction de la SNCB de diminuer par deux le temps de préparation du service des accompagnateurs de train. Ces précieuses minutes – considérées par la direction comme improductives – permettent d’organiser sa journée, de préparer ses outils et de prendre connaissance de toutes les informations nécessaires pour la suite. Mais c’est aussi un délai utile pour organiser le remplacement imprévu d’un collègue bloqué sur la route ou absent.

    Plus que jamais, la direction de la SNCB veut supprimer tout ce qu’elle considère comme des « temps morts » afin d’augmenter le niveau de productivité et de tendre vers une organisation du service en « flux tendu ». Le moindre pépin se transforme alors en suppression ou retard de train faute de personnel. Il en va de même dans la gestion du « matériel roulant » : les voitures doivent rouler autant que possible et rester moins longtemps garées en maintenance ou en réserve. Résultat : à la moindre panne, il n’est pas possible de les remplacer, et le train est supprimé.

    C’est ainsi que la course à la productivité met à mal la ponctualité. Celle-ci est déjà à un niveau jugé « catastrophique » par les associations de navetteurs : seulement 85,49 % des trains sont arrivés avec moins de 6 minutes de retard en octobre 2023 (82,6 % en tenant des comptes des trains supprimés).

    Cette gestion en flux tendu qui handicape tant la fiabilité du service n’est absolument pas remise en cause dans le contrat de service public 2023 – 2032 mis en avant par la direction du rail et le ministre de la Mobilité. C’est sans doute pour cette raison qu’en termes de ponctualité, l’objectif affiché est particulièrement modeste : 91% de trains avec un retard en-dessous de 6 minutes en 2032. Un objectif « ambitieux » en comparaison à ce qui se fait actuellement, mais aussi plus faible que les intentions du contrat de gestion précédent… qui visait les 92% pour 2012 (objectif non atteint).

    Pour obtenir un service de qualité il est indispensable de sortir de cette logique de course à la productivité et de réduction des coûts. Mais lorsque la patronne de la SNCB, Sophie Dutordoir, doit la justifier, elle fait référence aux « (potentiels) concurrents de la SNCB ». L’abandon du modèle de libéralisation du transport ferroviaire est nécessaire, aussi pour mettre nos trains à l’heure.

  • L’armée israélienne alimentée depuis la Belgique? Résistance!

    Le 16 octobre 2023, les syndicats palestiniens ont appelé leurs “homologues internationaux et toutes les personnes de conscience” à mettre fin à toutes formes de complicité avec les crimes du gouvernement d’Israël, en cessant de toute urgence le commerce d’armes avec cet État, ainsi que le financement de toute recherche militaire.

    Par Baptiste (Liège)

    Ce vendredi 1er décembre – rassemblement à 19h face à l’entreprise Challenge à Liège – Rue de l’Aéroport 76, 4460 Grâce-Hollogne, Belgique, à l’initiative du Collectif Liège Palestine Solidarité

    Cet appel n’est pas resté sans réponse. En Europe, les travailleur.se.s elles.eux mêmes ont pris spontanément l’initiative de tirer la sonnette d’alarme et de dénoncer l’envoi d’armes depuis leur lieu de travail. On a ainsi vu le front commun des syndicats belges du transport (CNE, UBT, Setca et CSC Transcom) appeler ses affilié.e.s à refuser de manipuler des armes destinées à l’État israélien. A Barcelone et à Gênes, des dockers ont refusé de charger les bateaux d’armes à destination d’Israël. Partout dans le monde, aux Etats-Unis, en Australie, au Canada, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud des initiatives de syndicats et de la société civile sont prises pour freiner l’approvisionnement de matériel meurtrier destiné au massacre de la population palestinienne. Malgré le climat de haine dominant et la lâcheté des gouvernements, les travailleur.se.s lancent des actions courageuses sans attendre l’action des partis traditionnels.

    Pour assurer un cessez-le feu qui ne soit pas une caricature ainsi qu’un véritable embargo militaire contre la machine de guerre israélienne, ces actions doivent être renforcées et développées par l’organisation des travailleur.se.s sur leurs lieux de travail.

    La Belgique complice des massacres et de l’oppression

    Rien qu’en 2022, on estime que les entreprises wallonnes ont participé à armer les forces impérialistes dans le monde (dont Israël) à hauteur de 830 millions d’euros. La FN d’Herstal contribue par exemple à armer l’Arabie Saoudite, responsable du massacre de la population yéménite, une des plus grandes catastrophes humanitaires du monde.

    A partir de Liège, l’entreprise israélienne Challenge, anciennement CAL-LACHS, envoie explosifs et drones militaires à Tsahal, l’armée israélienne. Bien que le CEO de Challenge, Yossi Choukroune, déclarait le 8 novembre à La Libre que « Nous amenons des ambulances et de la nourriture vers Israël, pas des armes », un article du Soir du 21 novembre révélait que du matériel destiné à la confection d’explosifs provenant des États-Unis avait encore transité par Liège ce même 8 novembre! De plus, le 11 octobre, le ministère israélien de la Défense lui-même tweetait avoir reçu une livraison d’armes en provenance d’un avion-cargo immatriculé 4X-ICA appartenant à l’entreprise Challenge… qui avait décollé de Bierzet le 8 octobre à 17h06 !

    Cette entreprise fleurissante peut compter sur le soutien des autorités belges qui lui octroient régulièrement des permis de livrer du matériel électrique servant à la confection d’explosifs ou encore de balles en plastiques destinées à la police israélienne qui réprime aujourd’hui l’opposition au gouvernement d’extrême-droite de Netanyahou. L’entreprise livre par ailleurs en Europe des marchandises extorquées aux populations palestiniennes des colonies, comme par exemple des tonnes de fleurs ayant bénéficié de l’appropriation des ressources aquifères des territoires palestiniens.

    Selon l’Association Belgique-Palestine, Challenge a pu développer sa filiale ACE à Liège sous l’œil bienveillant d’une délégation du gouvernement belge envoyée en 2017 en Israël, et menée par le premier ministre de l’époque, Charles Michel (MR). L’entreprise fait aussi partie d’un consortium (avec Instro, de nombreuses filiales d’Elbit, Motorola et d’autres entreprises) financé via le 7ème programme cadre européen (projet Idetct4All). Challenge bénéficie également de règles très flexibles, comme par exemple l’absence de contrôle en cas de non-transbordement des avions en transit se posant à Liège. Que transportent ces avions ? Des fleurs exotiques ou des drones ? Nous pouvons dès lors questionner la responsabilité du gouvernement actuel, qui se montre si partisan d’un cessez-le-feu, et qui se rend pourtant complice du développement d’une telle entreprise de mort.

    Le devoir de la classe travailleuse dans le conflit

    Force est de constater que ce sont les travailleur.se.s, directement au contact de ce matériel militaire, qui sont les mieux placé.e.s pour empêcher son envoi. La tradition anti-guerre du mouvement ouvrier est riche, pensons notamment à la révolution allemande de 1918 ou encore à la grève de 1949 organisée par la CGT à Marseille contre la guerre d’Indochine. Il a un rôle décisif à jouer dans la lutte contre l’impérialisme israélien.

    Le blocage du transport de l’armement ne peut pas être simplement laissé à l’initiative des travailleur.euse.s à titre individuel. Le mieux est de discuter de la meilleure manière de concrétiser l’appel des syndicats palestiniens en assemblées générales du personnel, autour des délégations syndicales. De multiples initiatives peuvent être prises, avec le soutien d’autres délégations syndicales et celui de comités de solidarité locaux, à l’image du Collectif Liège-Palestine Solidarité nouvellement créé.

    Dans les secteurs qui ne sont pas directement concernés, des motions de solidarité peuvent être votées pour assister l’établissement de la confiance vers de telles actions de blocage. Les délégations syndicales devraient aussi discuter de participer aux comités de solidarité locaux ainsi qu’aux manifestations et actions avec leurs banderoles syndicales, en tant que délégations d’entreprises.

    C’est une étape nécessaire dans la construction d’un mouvement de masse international en faveur de l’émancipation nationale et sociale du peuple palestinien ainsi que contre la militarisation grandissante de nos États et leurs politiques impérialistes. L’expropriation et la nationalisation du secteur militaro-industriel sous contrôle et gestion des travailleur.euse.s est l’unique solution pour abattre les prétentions des profiteurs de guerre et reconvertir les entreprises d’armement pour une production socialement utile. Les technologies actuelles permettent de le faire aisément. Les travailleur.se.s de Belgique ont aujourd’hui une occasion importante de se montrer solidaires du peuple palestinien dans le cadre d’un combat qui vise à mettre un terme au règne du capitalisme qui s’épanouit sur la haine, l’exploitation et l’oppression.

  • Il y a 30 ans: la lutte contre le Plan global

    Le vendredi 26 novembre 1993, la plus grande journée de grève générale en Belgique depuis 1936 a paralysée le pays. Plan Global ?  C’était quoi? Un retour aux années 90 s’impose, en plein Traité de Maastricht.

    Par Maximilien (Bruxelles)

    Dans l’optique de rentrer dans la zone Euro, l’équipe du gouvernement du chrétien-démocrate Jean-Luc Dehaene (CVP, ancêtre du CD&V) veut réduire la dette belge pour se conformer aux exigences européennes. Les efforts pour le budget de 1993 représentent 146 milliards de francs belges (3,65 milliards d’euros).

    Le gouvernement Dehaene (1992-1995), constitué et soutenu par une coalition entre partis chrétiens et socialistes, a dégainé son plan global en 1993 : un plan d’assainissement de 500 milliards de francs (12,5 milliards d’euros) avec des coupes sombres dans les budgets, hausse de la TVA, flexibilité accrue, et baisses des cotisations patronales.

    De juillet à décembre, des négociations entre les syndicats et le patronat ont eu lieu en vue d’un « pacte social » sur l’emploi, la compétitivité des entreprises et la sécurité sociale. Constat du 24 octobre : échec total. Selon Dehaene : « Malgré de multiples essais, il a fallu constater qu’il est actuellement impossible de poursuivre la concertation…».  Le gouvernement décide alors d’imposer sa volonté.

    La FGTB, sous pression de la CGSP, de la Centrale Générale et de la Centrale des Métallurgistes, annonce une manifestation nationale pour le 29 octobre. 75.000 travailleurs sont dans les rues de Bruxelles. La CSC, de son côté, appelle à poursuivre les négociations.

    Grand succès : dans tous les secteurs, débrayages et grèves ont été suivis depuis le 15 novembre. Le secteur privé avait donné le ton depuis dix jours. Les secteurs publics ont pris le relais à ses côtés : du lundi 22 au mercredi 24 novembre lors des grèves provinciales, paralysent les transports et affectent les secteurs industriels, les banques, les grands magasins, la radio et la télévision, la Poste… Pour aboutir à la grève générale du vendredi 26 novembre.

    La grève fut particulièrement efficace dans les transports publics : trains internationaux déviés, hôpitaux fermés, routes coupées, vols perturbés et port d’Anvers bloqué. Des piquets de grève ont été organisés devant les grandes usines, ainsi que des manifestations massives dans les principales villes comme Charleroi, Liège et Anvers.

    Cependant, au plus fort du mouvement des travailleurs, tout fut stoppé par les directions syndicales, déclarant par la suite à la presse : « Nous ne faisons pas grève pour que le gouvernement soit remplacé par un autre, plus conservateur. » Les liens encore tenaces à l’époque entre les directions syndicales et les partis-frères (sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates) ont eu raison de la lutte en dépit de la motivation de la base. Au parlement, tous les députés chrétiens et socialistes ont voté en faveur du Plan Global, le mouvement contre celui-ci s’est éteint dans une mort silencieuse.

    Cette expérience souligne que nous avons besoin de syndicats démocratiques et combatifs qui opposent un front uni aux attaques. D’autre part, il est clair que l’absence d’une représentation politique affaiblit la résistance des travailleurs. C’est en s’attelant à répondre à ces faiblesses que des victoires seront possibles à l’avenir.

  • Hôpital Brugmann. Licenciements à la chaîne après une assemblée du personnel

    A la fin octobre, six employés des ressources humaines des CHU Brugmann et Saint-Pierre, à Bruxelles, ont été licenciés. Des licenciements opérés à la chaîne, sans audition préalable des intéressés et sans leur permettre de préparer leur défense. Depuis lors, des actions syndicales se sont tenus chaque semaine. Nous avons pu discuter avec Laouaji Karima, déléguée permanente CGSP section Brugmann.

    “Cette vague de 6 licenciements a eu lieu la même semaine, 5 durant la même journée, le 20 octobre. Les travailleurs ont été convoqués la veille à 19h, sans en connaître la raison. Ils sont arrivés dans le bureau du directeur des ressources humaines, où on leur licenciement leur a été signifié, sans les auditionner, sans leur permettre de se défendre et sans pouvoir vérifier si ce qui était mis dans leur dossier était correct.

    “On ne leur a laissé que leurs yeux pour pleurer, sans respecter leur droit de préparer leur défense, leur droit d’être assisté par une personne de leur choix, en l’occurrence par un ou une délégué.e. Nous avons un processus de sanctions, on ne va normalement pas passer de rien au licenciement du jour au lendemain. Au sein du règlement de travail, c’est la sanction la plus importante. Tout ça a été bâclé et on ne leur a permis finalement qu’une seule possibilité : aller en recours.

    “Nous avons organisé la défense de ces 6 dossiers au niveau de la CGSP, avec avocats, en commençant par contester la forme, puis le fond. Les premières décisions sont tombées cette semaine (entretien réalisé le 17 novembre, NDLR). J’ai été informée du maintien du licenciement d’une personne ; la deuxième personne a été réintégrée. La direction a expliqué avoir changé d’avis, mais sans présenter d’excuses. La personne doit retourner travailler comme si de rien n’était. Autant vous dire que le traumatisme est quand même majeur, que la rupture de confiance est consommée. Mais les gens n’ont pas nécessairement d’autre choix que de dire “Je vais retourner travailler”, à quelques rares exceptions, personne ne peut se retrouver sans salaire du jour au lendemain.

    “Ces licenciements ont eu lieu 10 jours après une assemblée générale des travailleurs des ressources humaines. Donc le signal fort transmis aux travailleurs est le suivant: “Si vous faites une assemblée générale, on vous casse !”. C’est abject. C’est mettre la trouille au ventre de tous les travailleurs pour les empêcher de faire respecter leurs droits fondamentaux. 

    On mène la lutte depuis 3 semaines déjà et, dans cette lutte, on inclut une action d’arrêt de travail tous les jeudis. A travers nos actions, on dénonce ce qui se passe dans l’institution et on crie surtout haut et fort qu’on organise la défense des travailleurs et qu’on sera toujours là pour mener la lutte et en finir avec de telles bavures.” 

  • Réunions publiques : investir dans les transports publics, sauver le climat

    Le 3 décembre aura lieu une marche nationale climat. Les mercredi 6 et jeudi 7 décembre, une nouvelle grève des chemins de fer est prévue. Elle sera suivie par des actions “Code rouge” autour du secteur de l’aviation, entre autres concernant les jets privés extrêmement pollueurs qui non seulement pèsent sur l’environnement, mais sont aussi largement subventionnés par les fonds publics injectés dans le secteur.

    Naomi Klein avait déjà fait remarquer que les cheminot.e.s en grève sont les activistes climatiques du 21e siècle. Comment renforcer les grèves des chemins de fer ? Comment créer des liens entre les cheminot.e.s et les activistes du climat ? Nous organisons deux réunions ouvertes avec un intervenant de Libre Parcours, le journal d’action pour et par le personnel des transports publics, et un.e activiste du climat. Ces réunions ouvertes auront lieu à Bruxelles (mardi 28 novembre) et à Anvers (mercredi 29 novembre). Lors de cette dernière réunion, un chauffeur de bus sera également auprès d’un membre du personnel de la SNCB et d’un activiste du climat.

    • Mardi 28 novembre. 19h30 Pianofabriek – salle Cadzand, rue du Fort à Bruxelles
    • Mercredi 29 novembre. 19h30 Café Multatuli, Lange Vlierstraat Anvers
  • Rail. Préparons la prochaine grève de 48 heures avec un plan de mobilisation et des revendications claires

    Quand on voit tout ce qui ne va pas dans les chemins de fer, on ne peut que constater que le personnel est économe dans l’usage de son droit de grève… En Flandre, l’association de navetteurs TreinTamBus s’est plainte que cette première grève de 48 heures s’est ajoutée aux retards, à la réduction du nombre de trains et à d’autres problèmes dont souffrent les voyageurs depuis longtemps. Déclaration bien peu perspicace. Le lien est évident entre ces nombreux problèmes et les raisons du mouvement de grève.

    En dépit d’une préparation chaotique, la participation à ces deux premiers jours de grève, ces 8 et 9 novembre, est appréciable. Le personnel fait preuve d’une grande volonté d’action, qui pourrait encore s’accroître à l’approche de la grève de décembre. Les choses sont allées très vite jusqu’à aujourd’hui et il n’y avait qu’un petit tract syndical pour mobiliser le soutien à la grève. Les critiques ne manquaient pas à ce sujet aux piquets de grève visités par les militant.e.s du PSL. Pas mal de questions portaient encore sur les réunions de consultation sociale, dont rien ne sort et qui se passent avec un management qui connaît sur le bout des doigts la rhétorique des écoles de commerce mais qui n’a pas acquis les connaissances de base sur le fonctionnement du chemin de fer.

    Les raisons de la colère sont nombreuses, tant auprès du personnel que des passagers. Les frustrations s’accumulent en raison du manque de ressources et de collègues. La volonté de la direction de réduire le temps de « prise de service » de l’accompagnateur(1) a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ce n’est qu’une des mesures qui accentuent la flexibilité à outrance. Les syndicats dénoncent aussi la contractualisation croissante, notamment concernant le personnel des guichets. Ces dernières années, de plus en plus de postes de cadres ont été créés (un doublement depuis 2016 pour atteindre 700) alors que le personnel qui fait effectivement rouler les trains est moins nombreux. « Jetez-les dehors », a déclaré un représentant syndical au piquet de grève de la gare d’Anvers Berchem, en parlant des cadres de cabinets de consultance.

    La tenue des piquets de grève est importante, même si le personnel doit dorénavant envoyer à l’avance une lettre d’intention indiquant s’il fera grève ou non. Les piquets de grève offrent la possibilité de discuter collectivement et, surtout, de préparer les prochains jours de grève. Un mois est prévu à cet effet, ce qui est plus que dans la plupart des autres cas. Cela signifie que l’on a le temps d’organiser une tournée sur chaque lieu de travail avec des membres du syndicat pour parler à un maximum de collègues et les convaincre de se joindre à la grève. Cela donne le temps d’élaborer des appels qui partent des nombreuses pénuries sur le lieu de travail, en formulant des revendications sur le nombre supplémentaire de collègues nécessaire ainsi que sur le financement qui s’impose. En 20 ans, les effectifs ont diminué de près d’un tiers alors que les services se sont développés.

    Trouver du soutien auprès des voyageurs peut de prime abord ne pas sembler évident. Le mécontentement y est pourtant également très fort. Cheminot.e.s et voyageur.euse.s partagent des intérêts communs. La manifestation pour le climat du 3 décembre à Bruxelles est une excellente occasion de le montrer.

    Des transports publics plus nombreux et de meilleure qualité : c’est une revendication essentielle en matière de climat. Pourquoi ne pas organiser dans cette manifestation un bloc conséquent de membres du personnel des transports publics, avec un tract qui appelle à constituer des délégations de solidarité de la part des activistes du climat lors de la prochaine grève de 48 heures des 6 et 7 décembre ? Lors de ces piquets de grève, des micros ouverts pourraient être organisés, au cours desquels des militant.e.s pour le climat et d’autres sympathisant.e.s pourraient prendre la parole. La solidarité peut également être renforcée avec la participation de collègues d’autres secteurs du transport public. Chez De Lijn, même la direction doit reconnaître que la stratégie à l’œuvre est pourrie. Ces derniers jours, des grèves spontanées ont eu lieu contre la fermeture de dépôts et contre la politique suivie plus généralement. Au piquet de Berchem à Anvers, quelques délégués de De Lijn étaient en visite de solidarité. Pourquoi ne pas s’acheminer vers une grève commune de tous les transports publics ?

    Ce pourrait être le point de départ d’une vaste campagne autour de la revendication d’un plan d’urgence avec une augmentation drastique du financement public pour les transports publics. Une telle campagne, à l’approche des élections, ferait de nos revendications un enjeu électoral. Cela irait à l’encontre des appels à l’économie lancés par les politiciens de droite et par des organismes comme le FMI, qui affirme déjà que les gouvernements belges doivent économiser 30 milliards d’euros au cours des six prochaines années. Les transports publics, comme beaucoup d’autres services (de l’enseignement aux soins de santé en passant par la petite enfance), ont été réduits à néant. Si nous ne voulons pas que les mêmes politiques pourries se poursuivent pendant des années, nous devons organiser notre combat.

    1. Temps de préparation entre son arrivée sur son lieu de travail et le début effectif de son service, durant lequel il s’informe de ses services du jour et vérifie une série de choses dans le train. Ce temps était de 20 minutes.

    Photos de Bruxelles

    Photos de Liège

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