Category: Europe

  • La guerre en Ukraine en 6 questions et réponses anticapitalistes et socialistes

    La guerre à un tournant crucial. Qu’en disent les marxistes ?

    Editorial du journal Offensiv, de Rattvisepartiet Socialisterna (section suédoise d’ASI)

    L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe a déjà fait des centaines de morts et contraint des centaines de milliers de personnes à fuir. Le gouvernement suédois, avec le soutien de la droite, réagit en envoyant des armes et en s’enfonçant encore plus dans l’étreinte de l’OTAN.

    Le week-end du 26-27 février a vu plusieurs tournants importants dans la guerre. De violents combats ont eu lieu et le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a averti que 5 à 7 millions de personnes pourraient être contraintes de fuir. Poutine a menacé que la Russie dispose d’armes nucléaires. Les puissances occidentales ont en principe expulsé la Russie du monde financier. Le chancelier social-démocrate allemand, Olaf Scholz, a déclaré que les dépenses militaires du pays devaient être portées à deux pour cent du PIB, soit plus de 80 milliards d’euros.

    L’UE donne au gouvernement ukrainien 450 millions d’euros pour acheter des armes. Un certain nombre d’autres gouvernements, dont la Suède, promettent des armes et des équipements militaires. Cela signifie que, pour la première fois depuis 1939, la Suède envoie des armes dans une guerre.

    Des débatteurs sociaux-démocrates de gauche, comme Daniel Suhonen, évoquent l’idée que la Suède, comme la Finlande, pourrait rejoindre l’OTAN. Les changements se produisent en un clin d’œil, comme une gigantesque “doctrine de choc” – c’est-à-dire un événement majeur qui est utilisé pour faire passer un changement de politique drastique dans l’intérêt du capital. La gauche, le mouvement ouvrier et tous ceux qui sont contre la guerre ont besoin d’une discussion démocratique sur ces questions.

    Qu’est-ce qui peut stopper les guerres ?

    L’invasion russe n’a pas été aussi facile que Poutine l’avait espéré. L’opposition en Ukraine est massive, y compris les groupes de défense locaux. En Russie, les manifestations contre la guerre se sont multipliées, surtout parmi les jeunes. À Berlin, jusqu’à un demi-million de personnes se sont rassemblées contre la guerre.

    La priorité pour le mouvement syndical et le mouvement anti-guerre au niveau international, ainsi que pour la gauche partout dans le monde, est d’apporter un soutien humanitaire au peuple ukrainien et un soutien maximal à la résistance en Russie. Le mécontentement à l’égard du régime de Poutine était largement répandu avant même la guerre. Historiquement, la guerre a été stoppée par des mouvements de masse, des révoltes et des révolutions, de la lutte syndicale de 1905 qui a stoppé la guerre avec la Norvège à la révolution russe de 1917 qui a conduit à la fin de la Première Guerre mondiale, en passant par la retraite des États-Unis du Vietnam où la résistance à la guerre aux États-Unis est devenue décisive.

    Qu’est-ce qui a conduit à la guerre ?

    Vladimir Poutine est un despote impitoyable, prêt à écraser toute opposition et à étendre sa sphère de pouvoir à l’Ukraine, au Belarus, à d’autres pays voisins et à des zones de guerre, comme en Syrie. Le régime de Poutine est le résultat de décennies pendant lesquelles le capital mondial s’est déchaîné librement. Le système stalinien s’est effondré et a été remplacé par des oligarques capitalistes. Pendant un temps, Poutine et l’Occident ont semblé coopérer. Pour les peuples de l’ancienne Union soviétique, cela s’est traduit par une réduction drastique du niveau de vie, notamment par une diminution de l’espérance de vie.

    Dans le même temps, de nouvelles contradictions impérialistes se sont construites. Il s’agit d’une lutte mondiale pour le pouvoir – des batailles pour les zones stratégiques, les ressources et l’économie, ce que l’on appelle aujourd’hui la géopolitique. Le monde actuel est de plus en plus dominé, politiquement et militairement, par la nouvelle guerre froide entre l’impérialisme américain et l’impérialisme chinois. Poutine pensait que l’affaiblissement relatif de l’impérialisme américain après l’Irak, l’Afghanistan, la crise financière et la nouvelle guerre froide lui donnerait de l’espace, comme ce fut le cas en Syrie. Mais la guerre n’a pas évolué comme il le pensait et l’Occident a réagi plus durement. Sa campagne va donc s’intensifier.

    La principale victime de la guerre est le peuple ukrainien, tandis que la responsabilité incombe au système capitaliste mondial qui a créé Poutine et le durcissement des contradictions impérialistes.

    L’OTAN a-t-elle changé de nature ?

    L’OTAN est l’alliance de guerre qui a bombardé la population de la capitale serbe Belgrade pendant plus de 70 jours en 1999, qui a également bombardé la Libye en 2011 et qui a mené la guerre en Afghanistan à partir de 2015. Ces efforts de guerre ont été cachés derrière des phrases sur la démocratie et la construction de la nation (même si le bombardement de Belgrade n’avait pas le soutien de l’ONU). Mais, tout comme en Irak, les bombardements n’ont pas réussi à ouvrir la voie aux droits démocratiques. Le résultat est le plus clair en Afghanistan, avec les talibans de retour au pouvoir et une population affamée. En Libye, les bombardements de l’OTAN, avec la participation de la Suède, ont abouti à l’écrasement de la révolte populaire.

    L’OTAN est à l’origine de la course mondiale aux armements militaires, avec une augmentation drastique des dépenses militaires partout dans le monde. L’OTAN est dirigée par l’impérialisme américain et agit dans son intérêt. L’opposition à l’OTAN a été formulée au cours d’un long débat factuel au sein du mouvement syndical et de la société suédoise. Les socialistes combattent la guerre de Poutine et continuent en même temps à s’opposer à l’OTAN.

    Les livraisons d’armes – suédoises ou d’autres États – garantiront-elles la paix et la liberté ?

    Au cours des 12 derniers mois, les États-Unis ont envoyé des armes d’une valeur d’un milliard de dollars à l’Ukraine. Il y a maintenant des drones de la Turquie d’Erdoğan, des missiles d’Allemagne et des gilets pare-balles de l’armée suédoise. L’armée suédoise a déjà formé des soldats ukrainiens. Le Parlement finlandais et le Parlement danois ont décidé à l’unanimité d’envoyer des armes.

    Le fait que les gouvernements envoient maintenant des armes à l’Ukraine ne se fait pas pour des raisons humanitaires. Nous en avons eu une démonstration éclatante en Afghanistan. Les opérations militaires ont été privilégiées pendant plus de 20 ans, avec des résultats dévastateurs.

    Les armes envoyées aujourd’hui peuvent éventuellement ralentir l’attaque russe, mais rares sont ceux qui croient que cela peut décider de la guerre ; c’est plutôt une révolte contre la guerre chez soi en Russie, des protestations de masse au niveau international et un blocus mondial des travailleurs contre la machine de guerre de Poutine qui peuvent avoir le plus grand effet.

    Il est peu probable que les puissances occidentales déploient des forces aériennes et des soldats, ce qui créerait une guerre majeure. Mais la pression s’accentuera pour une intensification des efforts.

    Le fait que l’opinion publique soit massivement favorable à la fin des horreurs de la guerre signifie que les gouvernements peuvent, dans un premier temps, obtenir un soutien pour les livraisons d’armes à l’Ukraine. Ce soutien sera également utilisé pour investir encore davantage dans la Défense dans tous les pays et pour que la Finlande et la Suède rejoignent l’OTAN.

    Les travailleurs et les pauvres ont-ils des intérêts communs avec les gouvernements, le capital et l’armée ?

    L’État n’est pas neutre, il est en fin de compte un outil au service des intérêts de la classe dirigeante (les capitalistes). Les socialistes préviennent que des militaires et des policiers armés seront utilisés contre les luttes des travailleurs et les manifestations de masse dans leur propre pays.

    La politique étrangère est la continuation de la politique intérieure. Malheureusement, plusieurs partis de gauche et de travailleurs au cours de l’histoire ont apporté leur soutien à la guerre et à l’intervention militaire, avec pour résultat qu’ils ont ainsi également légitimé la politique de droite et la dégradation sociale dans leur propre pays.

    Le mouvement ouvrier a émergé dans la lutte contre le militarisme et la guerre. Le mouvement ouvrier suédois a réussi à stopper les plans de guerre contre la Norvège en 1905, en utilisant le slogan “A bas les armes”. Lorsque les dirigeants sociaux-démocrates ont promis la paix sociale (le soutien au gouvernement) pendant la Première Guerre mondiale, la gauche et le syndicat des jeunes ont répondu par une campagne contre la guerre.

    Comment le peuple ukrainien doit-il se défendre ?

    Le président Zelensky est un politicien populiste de droite qui ne représente pas les intérêts du peuple ukrainien. Son gouvernement a réduit les impôts pour les grandes entreprises alors que le niveau de vie de la plupart des travailleurs a continué à baisser. De nombreux Ukrainiens souhaitent une défense populaire, et des milliers de personnes se sont mobilisées, même avec des armes artisanales. Plusieurs vidéos montrent comment les gens ont appelé les soldats russes à ne pas tirer et ont fait rebrousser chemin à certains chars.

    Dans la terrible épreuve à laquelle le peuple ukrainien est aujourd’hui confronté, malgré la nécessité, y a-t-il un moyen, par une lutte politique continue, de prendre les choses en main ? Les comités de défense qui sont maintenant nécessaires pour poursuivre la lutte afin de résister à ce qui apparaît comme une occupation russe exigent une organisation et une coordination démocratiques depuis la base. Une Ukraine dirigée par l’OTAN n’est pas une alternative démocratique ou équitable.

    Pour un mouvement anti-guerre et anti-impérialiste contre la guerre

    Pour les socialistes, même en temps de guerre, le point de départ est toujours ce qui profite aux travailleurs, aux pauvres et aux gens ordinaires. Les meilleures traditions du mouvement ouvrier sont de résister à la guerre et au militarisme, d’avoir une ligne indépendante – de ne pas s’allier avec la droite, le capital et l’État.

    Indépendamment de l’évolution de la guerre au cours de la semaine prochaine, tout et tout le monde sera affecté pour longtemps : la conscience, les relations de pouvoir et l’économie. Pour tous ceux qui sont contre la guerre, il est important d’analyser et de se mobiliser contre la guerre et le système capitaliste mondial.

  • France. Utiliser la candidature de Mélenchon comme levier pour stimuler la lutte pour un changement de société

    Cinq ans de présidence de Macron. 5 années qui semblent avoir été une éternité d’attaques antisociales, de brutalité policière, de division-pour-régner et de précarisation et de manque de perspectives pour de larges couches de la société, ouvrant la voie à une nouvelle augmentation des idées d’extrême droite. 5 années aussi de vagues de mobilisations massives contre les politiques au service de la classe dominante – la grève massive du personnel de l’éducation étant le dernier exemple. La campagne de Mélenchon et la France Insoumise peut servir à stimuler un mouvement de luttes d’ensemble portant des perspectives anticapitalistes ; une victoire de cette candidature serait un tremplin pour amener des changements immédiats et pour progresser vers un changement de société.

    Par Stéphane Delcros

    5 années Macron qui ont boosté l’extrême droite

    Après 5 ans de Macron, la colère qui a fait le score de Marine Le Pen en 2017 est plus forte et répandue aujourd’hui. Les années Macron ont accéléré les inégalités : les 5 familles les plus riches ont doublé leur fortune ; désormais, elles possèdent autant que 40% la plus pauvre de la population. Et cette tendance s’est accélérée durant la pandémie : selon Oxfam, de mars 2020 à octobre 2021, la fortune des milliardaires français a augmenté de 86% ; avec les 236 milliards d’euros supplémentaires engrangés en 19 mois par ces milliardaires, on pourrait quadrupler le budget de l’hôpital public ou distribuer un chèque de 3.500€ à chaque personne en France… Mais pas de cadeau pour la de la population, et même une misère grandissante : 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, 8 millions font appel à l’aide alimentaire, 12 millions sont en situation de précarité énergétique…

    Entré comme un kamikaze dans sa présidence, Macron a commencé une politique thatchérienne d’attaques contre des droits syndicaux et une multitude de mesures d’austérité, polarisant au maximum la société dans le but de diviser pour éviter une contestation unifiée ; une politique assortie d’un tournant sécuritaire et autoritaire, et une sérieuse accentuation du racisme d’État, avec une répression brutale, des violences policières contre les mouvements syndicaux et les nombreuses luttes sociales ainsi que contre la jeunesse, et particulièrement d’origine immigrée ; dans un contexte où l’opposition historique ‘de gauche’ venait de passer 5 années au pouvoir – soutenue par la plupart des directions syndicales – et n’était plus considérée comme une alternative crédible.

    Tout cela a laissé davantage de possibilités pour que les forces de droite populiste et d’extrême droite gagnent en confiance et que leurs idées gagnent en audience. La montée fulgurante d’Éric Zemmour est une nouvelle illustration de l’échec de la stratégie de 2017 « voter Macron pour faire barrage à l’extrême droite ».

    Rien d’étonnant à ce que l’extrême droite et la droite fasse course en tête dans les sondages, avec Macron (LREM) en 1ère position, devant Le Pen (Rassemblement National, ex-FN), Zemmour (Reconquête) et Pécresse (Les Républicains, ex-UMP), cette dernière utilisant aussi une rhétorique islamophobe et anti-immigration.

    Mi-février, Jean-Luc Mélenchon de la France Insoumise (FI) est en 5e position, pas loin du quatuor de tête et donc d’un éventuel 2ème tour, avec une longueur d’avance sur tou.te.s les autres candidat.e.s. Il est dans les sondages autour de 11-12%, c’est-à-dire au même niveau qu’il y a 5 ans fin février 2017. Aux élections deux mois plus tard, il était finalement arrivé à près de 20% des voix, aux portes du 2ème tour.

    Mélenchon et la France Insoumise

    Mélenchon et la FI sont cependant confrontés à une situation différente qu’aux dernières élections présidentielles. Pour la 1ère fois depuis 2007, le Parti Communiste (PCF) a décidé de présenter un candidat et non de soutenir Mélenchon. Mais surtout, la FI n’est plus une nouveauté, et il n’est pas simple de reproduire la dynamique de la campagne de 2017, après un mandat à l’Assemblée Nationale lors duquel la FI a alterné le très bon avec le bon mais aussi le moins bon.

    Les premiers mois des députés insoumis ont été exemplaires, utilisant leur position au parlement pour stimuler la lutte sociale contre les premières mesures antisociales et anti-travailleur.euse.s, quelque chose que les directions des principaux syndicats et la gauche traditionnelle refusaient de faire, eux qui n’avaient comme perspective qu’un retour du PS aux commandes, … Ces initiatives avaient même poussé certains syndicats à organiser des journées de grève et d’actions, mais hélas sans beaucoup de suites, malgré le gros potentiel existant pour une lutte généralisée massive. Par la suite, la FI s’est hélas davantage concentrée sur son travail d’opposition parlementaire, avec des propositions de rupture et en continuant à soutenir les luttes, mais en prenant moins d’initiative pour les stimuler et les organiser.

    Notre soutien à la démarche de la France Insoumise n’est pas dénué de critiques, loin de là. Mais, comme en 2017, les propositions formulées dans le programme « L’Avenir en commun » vont dans la bonne direction. Ensemble avec la dynamique de la campagne, elles participent à la nécessaire re-conscientisation politique des travailleur.euse.s et de la jeunesse après des années de dégoût, de désillusion et de désespoir. Avec le potentiel d’aller toucher des couches de la société qui se sont détournées de la politique depuis des années.

    Ce potentiel est toutefois handicapé par le manque de démocratie interne de la FI ou encore par certains positionnements douteux concernant la politique étrangère et son orientation souverainiste. À l’échelon local, elle apporte un soutien – voire participe – à des alliances avec les Verts, voire même avec le PS, comme dans les grandes villes de Grenoble et Montreuil. Ces organisations politiques ont trempé jusqu’au cou dans les politiques antisociales de ces dernières décennies. Elles font davantage partie du problème que de la solution.

    Le programme ‘L’Avenir en commun’

    Plusieurs bonnes voire très bonnes revendications figurent dans le programme « L’Avenir en commun », mais il est impossible de l’analyser ici entièrement. Voici certaines des mesures qui y sont proposées :

    • Une réduction collective du temps de travail, c’est-à-dire appliquer strictement les 35h et les 32h dans les métiers pénibles, et ouvrir les négociations pour généraliser les 32h ; l’instauration de la retraite à 60 ans ; le salaire minimum (SMIC) à 1400€ et aucune retraite sous le SMIC.
    • Une garantie d’emploi : toute personne au chômage de longue durée qui souhaite un emploi doit se voir proposer par l’Etat un job qui corresponde à ses qualifications, près de chez lui/elle et à des tâches que le marché refuse d’accomplir et dont nous avons besoin, comme dans les métiers du lien et du soin, liés à la planification écologique.
    • Une allocation mensuelle de 1063€/mois pour les étudiant.e.s, pour être indépendant financièrement de leur famille et se consacrer pleinement aux études, sans devoir travailler parfois dans des conditions misérables ;
    • Une garantie universelle des loyers ; l’interdiction des expulsions locatives sans relogement public ; l’encadrement des loyers et diminution dans les villes ; la construction sur 5 ans d’1 million de logements publics, aux normes écologiques ; arriver à un quota de 30% de logements sociaux dans les villes ; la réquisition des logements vides.
    • Des mesures pour revaloriser les salaires et les statuts et engager du personnel supplémentaire dans la santé et l’éducation, ainsi que la construction d’infrastructure et la mobilisation d’équipement et de matériel dans ces secteurs ; la création d’au moins 210.000 emplois pour les EHPAD ; le remboursement de 100% des frais de soins de santé prescrits ; la gratuité totale de l’école publique tant pour la cantine que pour le matériel.
    • Face au défi climatique, la FI reprend son intelligente idée de « planification écologique », avec notamment un plan de 200 milliards d’euros d’investissements écologiquement et socialement utiles, pour sortir des énergies carbonées et sortir du nucléaire, tout en assurant la reconversion des travailleur.se.s et en engageant massivement dans les secteurs concernés, avec pour objectif 100% d’énergies renouvelables pour 2050 maximum – un plan qui prévoit la renationalisation des entreprises énergétiques EDF et Engie et la création massive d’emplois.
    • La reconstruction du maillage de transports en commun et de services publics, notamment dans les départements ruraux et les quartiers populaires, afin de garantir un accès aux services publics de base à moins de 30 minutes de son lieu d’habitation.
    • Réunir une Assemblée constituante pour passer à la 6ème République ; instauration d’un Référendum d’initiative citoyenne (RIC) et le droit de vote à 16 ans.

    Ce ne sont que quelques éléments du programme, auxquels il faut ajouter des mesures spécifiques pour les territoires d’Outre-Mer, un plan concernant les personnes en situation de handicap, un plan de lutte contre les discriminations et les violences racistes, sexistes et LGBTI ; la nationalisation de la SNCF, des autoroutes et des aéroports stratégiques ; la sortie de l’OTAN ; etc., et des mesures de réponse immédiate à l’urgence sociale, avec un blocage des prix des produits de première nécessité, le 1er mètre cube d’eau gratuit, un plan zéro sans-abris, …

    Il s’agit d’un programme ambitieux, qui tente d’améliorer le quotidien et le futur des travailleur.euse.s et de la jeunesse, de correspondre aux besoins réels dans la société en restant dans le cadre du système capitaliste, certes, mais avec des éléments de rupture avec le fonctionnement du système. Le PSL/LSP veut y apporter son soutien constructif. Ce programme ne va selon nous pas suffisamment loin, mais la plupart des mesures qu’il contient et la campagne qui l’entoure permettent de tirer des conclusions anticapitalistes et de mener une discussion ouverte sur le type d’alternative sociétale nécessaire.

    Pour un plan de nationalisation des secteurs-clés

    A la question du financement, la FI répond : « Financer n’est pas un problème. La question qu’il faut se poser d’abord, c’est de quoi nous avons besoin. » Cela dit, le projet de financement repose surtout sur des taxes, contre les plus riches bien sûr : sur les dividendes ; sur les héritages, avec une réquisition de l’héritage au-delà de 12 millions d’euros ; sur les plus hauts revenus, avec le rétablissement et le renforcement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), incluant un volet climatique visant à taxer les gros pollueurs ; rendre l’impôt sur le revenu plus progressif avec un barème à 14 tranches, contre 5 aujourd’hui. Taxer les riches est bien sûr important, mais on connait leur capacité à l’optimisation fiscale, légale ou non. Un tel projet reste insuffisant pour financer un programme qui réponde réellement aux besoins, d’autant que la classe dominante ripostera notamment par la fuite des capitaux.

    Le concept de nationalisation est souligné à plusieurs reprises dans le programme de Mélenchon, mais seulement partiellement et avec timidité: il ne s’agit jamais d’un secteur en entier, seulement d’entreprises-clés ou de création de ‘pôles publics’. Nous avons pourtant besoin de la gestion et du contrôle démocratiques des travailleur.euse.s et de la communauté sur la production dans tous les secteurs-clés de l’économie. La nationalisation du secteur financier dans sa totalité et la création d’un organisme public unique de crédit sont la seule solution pour assurer un contrôle des capitaux et empêcher les capitalistes de contrôler les investissements.

    Les secteurs-clés (banque, finance, énergie, télécoms, sidérurgie, pétrochimie,…) doivent être nationalisés dans leur entièreté, sans rachat ni indemnité sauf sur base de besoins prouvés, et doivent être placés sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleur.euse.s et de la collectivité. C’est la seule réponse efficace aux menaces de délocalisations qui viendront de la part de nombreux grands patrons.

    Pour un changement de système, pour une société socialiste démocratique

    Le projet de 6ème République visant à abolir le système actuel a le mérite de remettre en cause les institutions qui protègent la domination de la classe capitaliste. Une série de mesures qui y sont attachées dans ce programme s’orientent vers une rupture avec le système, sans toutefois clairement oser pointer du doigt cette nécessité.

    Il faut aller plus loin. Pourquoi ne pas appliquer cet excellent projet de planification écologique à l’échelle de l’économie elle-même ? Une planification économique démocratique permettrait d’orienter la production vers ce qui est nécessaire, vers les besoins réels de l’immense majorité de la population et ceux de notre planète.

    Il faut discuter et avancer vers un autre type de système économique, vers une société débarrassée de l’exploitation et de la loi du profit : une société socialiste démocratique. C’est la seule capable d’assurer qu’une poignée d’ultra-riches ne décide de tout en fonction de ses intérêts. C’est la seule capable d’assurer l’existence harmonieuse des êtres humains et de leur environnement. Ce manque d’audace concernant l’alternative à opposer, non seulement à ‘l’oligarchie financière’ mais au capitalisme lui-même permet de comprendre d’autres points faibles à nos yeux, tels que le repli sur la ‘nation souveraine’.

    Ce programme ne pourra devenir réalité qu’à la condition de créer un rapport de force dans les entreprises et dans la rue autour du mouvement organisé des travailleuses et des travailleurs, car la classe capitaliste ne laissera pas appliquer de telles mesures sans réagir.

    Dans cette lutte pour s’approprier les moyens, appliquer un tel programme, et aller vers un changement sociétal, c’est la classe travailleuse qui peut jouer le rôle moteur. Selon nous, cette approche de classe devrait être un socle de la campagne électorale, ensemble avec une approche internationaliste de la lutte.

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    La pression pour une union de la gauche

    Depuis le début de la campagne électorale, une pression permanente est mise sur les candidats de gauche (ou de droite mais vu comme de gauche) pour arriver à une forme d’union de la gauche derrière une seule candidature, stratégie vue comme la seule capable de gagner le scrutin. Première cible de cette campagne menée notamment par les médias dominants, Mélenchon est régulièrement appelé à laisser sa place au profit de quelqu’un de plus consensuel ou de mettre de l’eau dans son vin, alors même qu’il est largement en tête parmi ces différents candidats.

    La séquence la plus connue de cette campagne ‘pour l’unité’ est l’organisation d’une « Primaire populaire », qui a été organisée pour servir de tremplin pour la candidature de Christiane Taubira, ex-ministre sous François Hollande, une figure vue comme de gauche mais qui a toujours été de droite.

    Cette campagne est en réalité une tentative d’utiliser la tendance spontanée à l’unité qui existe parmi la classe travailleuse et la jeunesse, une idée dévoyée pour surtout tenter de décrédibiliser la candidature de Mélenchon, présenté comme non favorable à l’unité.

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    Pourquoi pas un vote PCF, ou pour un candidat plus à gauche de Mélenchon ?

    Fabien Roussel du PCF aligne une campagne et un programme comportant des points forts, similaires à certains de la FI, et même un point plus fort, comme la nationalisation des banques BNP Paribas, Axa et la Société Générale. Mais sa campagne est aussi marquée par des éléments à la droite de Mélenchon, lorsqu’il parle de contrôler l’immigration, ainsi que sur son programme en général, moquant même le projet d’emploi garanti de la FI (« c’est les kolkhozes »). Surtout, avec sa proposition de mix renouvelable/nucléaire, le PCF a un plan climat très éloigné de la ‘planification écologique’.

    À chaque élection il y a une figure de gauche qui est utilisée par les médias et divers ‘spécialistes’ pour mener des attaques de droite contre le/la plus à même de représenter une alternative de gauche en rupture avec le système – et cette fois-ci il s’agit de Roussel contre Mélenchon. Lors de chaque gouvernement dirigé par le PS, le PCF faisait partie de la coalition, menant de concert la politique antisociale. La situation est telle au niveau local qu’il est parfois difficile de distinguer l’un de l’autre si ce n’est par le nom.

    Le PSL/LSP a bien sûr davantage de proximité programmatique avec des candidat.e.s comme Anasse Kazib (Révolution Permanente), Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière) ou Philippe Poutou (Nouveau Parti Anticapitaliste). Mais tout comme en 2012 et 2017, il ne s’agit pas ici d’aborder ces élections sous l’angle d’une candidature ‘pour exister’. Une candidature ne servant qu’à promouvoir un programme et des idées peut avoir un intérêt à certains moments. Mais la question aujourd’hui est de savoir ce qui peut renforcer la lutte des classes et permet le mieux de profiler la nécessité d’un changement sociétal.

    Une candidature portant un programme de rupture, augmentant la conscience de classe, s’adressant à des couches très larges et tentant de les mobiliser, et qui est en plus capable d’atteindre le second tour de l’élection existe – c’est celle de Mélenchon. Ce programme de rupture à gauche et cette campagne sont un pas en avant, sur lequel nous pouvons nous appuyer pour faire des propositions constructives et mettre en avant notre alternative sociétale. L’enjeu est aussi de participer à la construction du rapport de force dans la société. Et, pour ce faire, on est mieux placé si on a un second tour Mélenchon vs Macron ou Le Pen ou Zemmour, que si on a droit à Macron vs Le Pen ou Zemmour.

    Imaginons si Arthaud et/ou Poutou avaient décidé, en 2017, de retirer leur candidature et d’apporter un soutien critique à celle de Mélenchon, en proclamant : « on va s’engager à 100% dans cette campagne avec notre propre programme, mais d’une manière constructive, pour essayer de mettre ‘l’Avenir en commun’ au second tour, et peut-être même à l’Elysée. Et préparons le 3ème tour révolutionnaire sur les lieux de travail et dans la rue ! » Où en serions-nous, 5 ans plus tard, en 2022 ? Bien mieux placés. La question se pose dans des termes similaires aujourd’hui.

  • Non à la guerre en Ukraine ! Construisons un mouvement de masse anti-guerre et anti-impérialiste

     

    Alternative Socialiste Internationale (ASI) exprime sa pleine et entière solidarité avec le peuple ukrainien qui souffre déjà de l’exploitation, de l’oppression, de la corruption et de conditions de pauvreté croissantes, et qui est maintenant confronté à l’horreur de la guerre et du bain de sang.

    Par Социалистическая Aльтернатива (CA, Socialist Alternative, section russe d’ASI)

    Alors que les troupes et les chars russes ont franchi la frontière de l’Ukraine, les premières personnes ont déjà été tuées. Des missiles ont frappé des bases militaires et des aérodromes, notamment à Kiev. Des tirs ont déjà été signalés dans des quartiers résidentiels de Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine, située dans le nord-est du pays.

    Les troupes russes doivent être immédiatement retirées d’Ukraine.

    La reconnaissance des républiques populaires de Louhansk et de Donetsk par la Douma russe et son approbation ultérieure par Poutine, suivie de leur appel à l’aide russe ont créé le prétexte immédiat pour l’invasion. Les hostilités ont atteint un nouveau et horrible sommet après des semaines d’escalade de la guerre des nerfs entre la Russie d’une part et l’OTAN et les États-Unis d’autre part.

    L’Europe est confrontée à un conflit armé majeur, qui est lié aux multiples contradictions géopolitiques de la nouvelle ère de désordre. Les socialistes internationaux doivent intensifier leur travail et se préparer à prendre position contre les guerres impérialistes et pour l’internationalisme de la classe ouvrière, en opposition de principe à toutes les formes d’impérialisme.

    Les intérêts impérialistes

    La Russie a prétendu que sa sécurité était menacée par l’expansion vers l’Est de l’OTAN avec des armes et des troupes le long de ses frontières. Mais maintenant, le président Poutine prétend que la tâche de l’attaque russe est de “démilitariser” et de “dénazifier” l’Ukraine. Mais ses attaques ne feront qu’accroître la colère du peuple ukrainien. Beaucoup prendront les armes pour s’opposer à ses troupes.

    Poutine a justifié son attaque en affirmant que l’indépendance de l’Ukraine n’était que le résultat de la révolution russe et de la politique bolchevique consistant à accorder le droit à l’autodétermination aux nations opprimées, une politique à laquelle s’opposaient Staline et le régime bureaucratique dont Poutine lui-même est issu. C’est une leçon importante. L’indépendance ne peut être atteinte en faisant appel à l’OTAN ou à l’Union européenne, mais seulement dans une lutte commune contre le nouveau tsar et sa guerre.

    La population qui souffrira le plus d’une guerre, ceux qui risqueront leur vie et leurs membres, la vie de leurs fils et de leurs filles, de leurs mères et de leurs pères, leurs maisons et leurs revenus – ces gens ordinaires de la classe ouvrière qui vivent en Ukraine – ont été réduits à de simples spectateurs dont le sort est décidé par des forces qui échappent à leur contrôle.

    Les dirigeants ukrainiens d’aujourd’hui, l’establishment capitaliste, dont la seule préoccupation a toujours été la défense des intérêts des oligarques et qui ont conduit le pays de crise en crise depuis son indépendance, se sont vendus à l’Ouest au cours de la décennie précédente. Ils espéraient ainsi bénéficier de la protection de l’OTAN, et gagner économiquement en se rapprochant de l’Europe. Ils ont échoué sur tous les plans : le revenu familial moyen est aujourd’hui inférieur de 20% à celui de 2013 et la protection de l’OTAN ne dépendra pas de l’intérêt du peuple ukrainien mais des intérêts économiques et géopolitiques des États-Unis et des alliés de l’OTAN.

    Les chocs économiques de la guerre seront également ressentis dans le monde entier – les marchés boursiers réagissent déjà – le marché russe a chuté de 40% avant d’être suspendu. Les prix de l’énergie et des denrées alimentaires vont grimper, ajoutant aux pressions inflationnistes déjà fortes dans l’économie mondiale. Et les générations futures en Ukraine et en Russie, qui vivent déjà avec de faibles revenus, avec des soins de santé médiocres, devront payer le coût de la guerre.

    Cette guerre porte les empreintes du conflit entre les États-Unis et la Chine pour la domination mondiale. L’administration Biden a déclaré ouvertement que la Chine est son “principal concurrent” et la Russie “le plus dangereux”. Au sein de l’OTAN, les États-Unis poussent depuis des années leurs alliés européens à augmenter leurs budgets de guerre. La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. Parmi les motivations actuelles des États-Unis, il y a le renforcement des liens entre l’impérialisme américain et européen, prétexte à de futurs conflits avec la Chine – le tout aux dépens du peuple ukrainien.

    L’OTAN a renforcé sa présence en Europe de l’Est avec des bases en Pologne, en Roumanie et dans les trois États baltes, qui sont tous limitrophes de l’ancienne Union soviétique. Les pays de l’OTAN ont armé l’Ukraine jusqu’aux dents. Après avoir crié au loup pendant des semaines, prédisant une opération sous faux drapeau de la part des Russes, Biden et ses alliés bellicistes ont créé une prophétie qui se réalise d’elle-même. Indépendamment du degré d’implication directe de l’OTAN dans la guerre en cours, l’impérialisme occidental partage la responsabilité d’attiser un conflit qui verra les familles ouvrières pleurer leurs proches tombés au combat et payer le prix le plus lourd pour l’effort de guerre et ses retombées économiques.

    L’impérialisme russe, faible, passe à l’offensive

    L’impérialisme russe a calculé que le moment était venu de faire un geste décisif pour servir ses intérêts. L’impérialisme américain est affaibli, l’Union européenne est aux prises avec des divisions internes et la Chine devient la principale préoccupation des États-Unis dans le remodelage de l’ordre mondial. Poutine viole le droit à l’autodétermination des Ukrainiens, il considère l’Ukraine comme une partie intégrante de la Russie, à l’instar des revendications de Xi Jinping sur Taïwan.

    L’importance de ce qui se passe en Ukraine va bien au-delà des frontières de ce pays. La crise économique, les vagues de nationalisme réactionnaire et les millions de réfugiés potentiels vont créer d’autres crises mondiales, au moment même où il semblait que la pandémie entrait dans une nouvelle phase, plus gérable.

    Bien qu’il s’agisse d’un régime autoritaire brutal, le Kremlin doit encore tenir compte du fait que les Russes accepteront ou non une guerre majeure pour l’Ukraine. 2022 n’est pas 2014, lorsqu’une vague patriotique massive a résulté de la prise de contrôle de la Crimée. La plupart des Russes, qui n’ont pas le cœur à la guerre contre l’Ukraine, sont déjà aux prises avec la baisse du niveau de vie, l’inflation galopante et, pendant la pandémie, plus d’un million de “morts en trop”. Un sondage d’opinion (23/02/2022) suggère que 40% de la population russe, principalement les jeunes et la population urbaine, sont contre la reconnaissance des républiques, qui a été utilisée comme prétexte pour lancer la guerre.

    La Russie est un géant militaire, mais son économie ne représente qu’environ 6 % des économies de l’OTAN prises ensemble. Son PIB est inférieur à celui de l’Italie. De lourdes sanctions et un effort de guerre pourraient nuire gravement à l’économie et, avec les victimes russes de la guerre, renforcer encore la méfiance croissante à l’égard de tout ce que dit le gouvernement. Poutine peut être heureux d’avoir le soutien de Pékin, mais si une guerre prolongée épuise les ressources économiques, il pourrait bien devoir demander à Xi de le renflouer.

    C’est la classe ouvrière et les pauvres qui paient. Lorsque les 500 premiers oligarques de Russie ont vu leur richesse augmenter de 45 % pendant la pandémie pour atteindre 640 milliards de dollars, la perte de quelques milliards provenant de comptes bancaires gelés ne va pas faire une grande différence.

    Cette guerre n’a rien ou presque à voir avec la protection des populations concernées. L’OTAN n’avait et n’a aucun problème avec les dictateurs quand cela l’arrange, et Poutine soutient les partis les plus à droite d’Europe – autant dire “l’antifascisme” ou “la défense des droits démocratiques”. La guerre entraînera de terribles souffrances humaines, se paiera en vies gâchées, en difficultés économiques, en davantage de réfugiés et ne résoudra aucun des problèmes existants et des tensions inter-impérialistes. Malgré les affirmations contraires, ce n’est pas dans l’intérêt de la classe ouvrière et des populations ordinaires des nations concernées.

    Nous ne pouvons compter sur aucune des institutions impérialistes ou des machines de guerre impliquées pour créer la paix, et encore moins la prospérité. En effet, depuis des années, l’Ukraine demande une aide réelle de la part de l’OTAN et de l’Occident, mais elle se heurte à un refus. Nous ne devrions avoir aucune confiance dans ces organes impérialistes. Toute “solution diplomatique” convenue entre eux, même si elle serait initialement bien accueillie par les populations du monde entier, se fera en fin de compte aux dépens des gens ordinaires et ne fera que préparer le terrain pour de nouvelles tensions et confrontations. Ces puissances se sont montrées incapables de s’attaquer à la crise sanitaire et climatique dont elles sont responsables, elles ne veulent pas lutter contre l’augmentation du coût de la vie pour les gens ordinaires et maintenant leur guerre va encore aggraver les choses.

    La seule force capable d’arrêter la guerre et la destruction est la classe ouvrière unie. ASI appelle le mouvement des travailleurs du monde entier à lancer une mobilisation internationale massive contre la guerre et l’impérialisme, comprenant le refus de la production et du transport d’armes ainsi que des grèves, tout en soulevant des revendications sociales capables d’offrir une véritable issue à la majorité sociale. Cela pourrait inclure une action unie des travailleurs des entreprises multinationales opérant dans les différents pays directement concernés.

    Ce ne sera pas une entreprise facile. Nous devrons faire face à des machines de propagande massive de toutes parts, et il faudra du temps et malheureusement de la souffrance, avant que les conditions ne mettent à nu la propagande et ne fassent ressortir les véritables problèmes. La guerre est cependant l’accoucheuse de la révolution, elle expose les contradictions de la manière la plus visible et la plus tangible possible. Des initiatives opportunes et audacieuses aux premiers stades des guerres sont cruciales pour déterminer la nature et le programme adoptés lorsqu’un mouvement gagne en force.

    Cette guerre n’est pas dans l’intérêt des travailleurs et des jeunes, où qu’ils vivent. Il s’agit d’ambitions géopolitiques et économiques impérialistes. ASI s’opposera à cette guerre partout où nous sommes présents, en Russie, aux États-Unis, en Ukraine et ailleurs. En particulier, nous soutenons les jeunes et les travailleurs en Russie dans leurs appels à combattre la guerre en construisant un mouvement anti-guerre sur les lieux de travail et dans les universités, pour la solidarité contre les fauteurs de guerre, et pour une guerre contre la pauvreté, et non contre les autres peuples.

    • Non à la guerre en Ukraine ! Pour le droit des Ukrainiens à décider de leur propre avenir, y compris le droit à l’autodétermination des minorités !
    • Pour le retour des troupes russes dans leurs casernes en Russie et le retrait de toutes les troupes de l’OTAN d’Europe de l’Est !
    • Aucune confiance dans les forces impérialistes de “maintien de la paix” impliquées !
    • N’entretenons aucune illusion dans la diplomatie des fauteurs de guerre : construisons un mouvement anti-guerre et anti-impérialiste massif unifiant les travailleurs et les jeunes par-delà des frontières !
    • Pour une alternative socialiste et internationaliste reposant sur la classe ouvrière contre les conflits capitalistes qui conduisent à la guerre et à la destruction !
  • Nouvelle guerre froide | Quelles perspectives pour le conflit ukrainien?

    La Russie reconnaîtra l’indépendance des deux régions contestées d’Ukraine – Donetsk et Louhansk. Les troupes russes agiront en tant que «gardiens de la paix». C’est une nouvelle étape extrêmement dangereuse de ce qui pourrait devenir la pire guerre que l’Europe ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale.

    Par Sotsialisticheskaya Alternativa (section russe d’ASI)

    Les bellicistes attisent la folie guerrière depuis plus de trois mois maintenant. Les puissances occidentales ont annoncé que l’occupation russe de l’Ukraine commencerait le 16 février à 3 heures du matin, heure locale. À mesure que l’échéance approchait, les cris des bellicistes se faisaient de plus en plus forts et un certain degré de panique s’est installé en Ukraine. Le gouvernement a annoncé la mobilisation des troupes et des réservistes. Les compagnies aériennes ont cessé de voler, tandis que les places sur les vols encore actifs ont été multipliées par cinq – après tout, la guerre est toujours rentable pour certains ! 40 pays ont annoncé qu’ils évacuaient les familles des diplomates de Kiev – certains vers la ville de Lviv, en Ukraine occidentale. Vingt vols affrétés ont été organisés pour permettre aux VIP, aux oligarques et à leurs familles de fuir, tandis que l’aide et les équipements militaires affluaient en Ukraine.

    Pendant ce temps, la population était invitée à «ne pas paniquer» !

    À l’approche de l’échéance, un journal russe a commenté avec cynisme que «la guerre a été reportée». Plusieurs Ukrainien·nes ont sans doute soupiré de soulagement à leur réveil mercredi. La porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, Maria Zakharova, a qualifié de «honteuses» les affirmations américaines concernant une attaque imminente. Elle a demandé aux médias de l’informer des futures dates d’une attaque russe contre l’Ukraine afin qu’elle puisse planifier ses vacances. Le 16 février, le Kremlin a déclaré avoir vaincu «l’hystérie suscitée dans le monde entier, qui n’est rien d’autre qu’une campagne d’information absolument sans précédent visant à provoquer et à alimenter les tensions en Europe».

    Pourtant, les tensions continuent de s’intensifier. La Maison Blanche affirme que l’invasion de l’Ukraine est imminente. Boris Johnson déclare que le Kremlin va s’emparer de tout le pays, et la ministre britannique des affaires étrangères, Liz Truss, parle d’une prise de contrôle de l’Europe de l’Est par la Russie.

    Le Kremlin a contredit ces affirmations, niant tout projet d’invasion. Le ministère russe de la défense a diffusé des vidéos montrant des troupes et des équipements rentrant dans les casernes. Mais au lieu de renvoyer les troupes russes en Biélorussie «pour des exercices conjoints», il a été annoncé qu’elles resteraient pour de bon. La Russie a poursuivi ses manœuvres en organisant de nouveaux exercices de guerre au cours du week-end pour tester des missiles balistiques hypersoniques.

    Les combats s’intensifient dans l’est de l’Ukraine

    Le week-end a été marqué par de nouveaux signes inquiétants. La matinée de vendredi a commencé par des échanges d’artillerie le long de la frontière entre le territoire contrôlé par Kiev et les républiques contestées de l’est de l’Ukraine – les républiques populaires de Donetsk et Louhansk (RPD/RNL). Comme le soulignent les résidents locaux, il ne s’agit pas d’une nouveauté puisque la guerre se poursuit depuis 8 ans et que plus de 14 000 personnes ont perdu la vie, mais cette augmentation est spectaculaire. Les observateurs de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) rapportent qu’ils ont eu lieu dans plus de 30 endroits. Plus tard dans la journée, la jeep du chef de la police de Donetsk a explosé devant son bureau, bien qu’un résident local ait fait remarquer qu’il n’avait jamais vu des officiers aussi haut placés conduire une voiture aussi bon marché.

    Lundi, une réunion télévisée du Conseil de sécurité russe, clairement mise en scène, a eu lieu. L’un après l’autre, les hauts responsables ont appelé à la reconnaissance des deux républiques contestées, la RPD et la RPL. Lorsque le Procureur général a dépassé les bornes en déclarant qu’il soutenait l’appel à l’adhésion de la RPD et de la RPL à la Fédération de Russie, il a été corrigé par Poutine, qui a déclaré qu’il n’en était pas question : nous discutons simplement de la reconnaissance de l’indépendance des deux républiques.

    Plus tard dans la soirée, Poutine est apparu à la télévision pour «s’adresser à la nation». Au cours d’une excursion historique d’une demi-heure remontant au 9e siècle, il a expliqué comment l’Ukraine faisait partie de la Russie. Dans une partie importante de son discours, il a attaqué Lénine et les bolcheviks qui, a-t-il dit, «ont créé l’Ukraine moderne en utilisant des méthodes très brutales par rapport à la Russie elle-même en la séparant, en lui arrachant une partie de son territoire historique.» Staline, cependant, selon Poutine, «à la veille et après la “Grande guerre patriotique” [Seconde Guerre mondiale], l’a ramenée dans l’URSS…». Il a ensuite soutenu l’approche stalinienne de la question nationale après la révolution, lorsque Staline a tenté de mettre en place la Fédération socialiste de Russie avec une Ukraine subordonnée à la Russie, en opposition à la formation de l’URSS par Lénine avec l’Ukraine comme partenaire égal.

    Il a ensuite décrit la vague de corruption qui s’est emparée de l’Ukraine, l’absence de démocratie, et ce qu’il a appelé le coup d’État d’inspiration occidentale qui a pris le pouvoir en 2014. Il s’est plaint que les personnes au pouvoir organisent un harcèlement, une véritable terreur contre ceux qui s’opposent à ces «actions anticonstitutionnelles». Les politiciens, les journalistes, les militants sociaux sont moqués et humiliés publiquement. Les villes ukrainiennes sont frappées par une vague de pogroms et de violence, une série de meurtres ouverts et impunis. Beaucoup de gens, en regardant ce discours, se demanderont s’il ne parlait pas plutôt de la Russie elle-même !

    Il termine en annonçant que la Russie reconnaît désormais officiellement l’indépendance et la souveraineté de la RPD et de la RPL. Les troupes russes ont reçu l’ordre de se rendre dans les deux républiques en tant que «gardiens de la paix». En quelques heures, il a été signalé que des chars russes étaient déjà à Donetsk.

    Il s’agit d’un développement extrêmement dangereux. Un haut diplomate américain a suggéré hier que «l’arrivée de troupes russes dans la région du Donbass ne serait pas nouvelle». Mais c’est remarquablement naïf. Il est déjà clair qu’il y aura un conflit sur les frontières des «républiques indépendantes».

    Ni la RPD ni la RPL n’occupent l’ensemble des anciennes régions de Donetsk et de Louhansk, des parties importantes de la région, dans le cas de Donetsk, plus de 40 % des 4 millions d’habitants et deux tiers de la zone restent sous le contrôle de Kiev. Leonid Kalashnikov, haut responsable de la Douma russe et membre du parti communiste, a appelé les troupes à prendre le contrôle de l’ensemble des deux régions. Si le rôle des «gardiens de la paix» est de confronter les troupes ukrainiennes à la ligne de front actuelle pour qu’elles s’emparent de ces régions au complet, le risque d’une escalade dramatique de la guerre est bien réel.

    Reste-t-il un espoir pour la diplomatie ?

    Après la conférence de Munich sur la sécurité qui s’est tenue en fin de semaine, les négociations diplomatiques peuvent se poursuivre, mais il est presque certain qu’il est maintenant trop tard pour faire une différence. La première réaction de Macron et Scholz à l’annonce de Poutine a été d’exprimer leur déception, tout en espérant que les négociations pourraient se poursuivre.

    Pendant la conférence de Munich, le président ukrainien Zelensky a exprimé un réel mécontentement face à l’inaction occidentale. Depuis le début, les États-Unis ont essayé de présenter un front uni avec l’UE contre la Russie. Ils ont dû surmonter la résistance allemande à la menace de sanctions contre le gazoduc Nord Stream 2. Lors de la rencontre, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a félicité la ministre allemande des affaires étrangères et membre du parti vert Annalena Baerbock pour avoir agi de manière coordonnée et complémentaire, tandis que le chancelier Scholz a promis que l’Allemagne avait besoin
    d’avions qui volent, de navires qui peuvent prendre la mer, de soldats qui sont équipés de manière optimale pour leurs tâches dangereuses – ce sont des choses qu’un pays de notre taille, qui porte une responsabilité très spéciale en Europe, doit pouvoir se permettre. Nous le devons aussi à nos alliés de l’OTAN.

    Mais derrière les discours sanguinaires de personnalités comme Johnston, les appels de Zelensky à lancer des «sanctions préventives» contre la Russie sont restés lettre morte.

    L’attention s’est ensuite portée sur le président français Emmanuel Macron. Pendant la conférence de Munich, il a annoncé qu’il avait reçu des «assurances personnelles» du président Poutine. Ce n’est pas la première fois, bien sûr, qu’un dirigeant mondial revient d’une conférence à Munich en revendiquant de telles assurances, comme l’a fait l’ancien Premier ministre britannique Neville Chamberlain en 1938 après avoir rencontré Hitler. Le ministre britannique de la défense a parlé de «l’odeur de Munich», laissant entendre que le résultat était une répétition de l’«apaisement» d’avant la Seconde Guerre mondiale. Au moins, Macron n’a pas brandi un morceau de papier. Néanmoins, la prochaine étape prévue devait être un retour au «format Normandie» – des négociations entre la France, l’Allemagne, l’Ukraine et la Russie sur la mise en œuvre de Minsk 2 et le statut de la RPD/RPL. S’il existe aujourd’hui la moindre possibilité d’un accord diplomatique, ce sera dans ce sens.

    Il sera loin d’être facile de parvenir à un accord. La Russie utilisera l’occupation effective des deux républiques pour exercer une pression énorme sur Kiev, même si elle n’empiète pas davantage sur le pays. Zelensky, quant à lui, subira d’énormes pressions pour ne pas céder. Mais l’existence même de la RPD et de la RPL empêchera l’Ukraine de rejoindre l’OTAN ou l’UE, les États qui ne peuvent garantir leurs propres frontières n’étant pas acceptés.

    Souffrances en Ukraine orientale

    Les personnes vivant en RPD et en RPL sont actuellement les plus touchées par la crise. Au cours du week-end, les chefs de guerre pro-russes ont annoncé la mobilisation de leurs forces de défense et l’évacuation des femmes, des enfants et des personnes âgées vers la Russie. Des dizaines de milliers de personnes ont fui pendant la nuit mais ont dû dormir dans des bus vétustes par des températures négatives. Plusieurs ont le sentiment d’avoir été poussé·es par la panique à partir inutilement – une mère de famille a raconté qu’on l’avait persuadée de partir avec ses enfants, sans même avoir le temps d’en parler à son mari.

    Pendant ce temps, les politiciens russes sont cyniquement déconnectés de la réalité. Alors que la télévision russe couvre l’arrivée de bus remplis d’enfants réfugiés et de grands-mères en larmes en provenance de l’Est de l’Ukraine, des députés suggèrent qu’ils soient logés dans les appartements de ceux qui sont morts de la covid. D’autres proposent que les employé·es de l’État perdent leur 13e salaire mensuel (une prime de fin d’année destinée à compenser les mauvais salaires) pour payer cette mesure. Les patients qui se remettent de maladies graves sont renvoyés des hôpitaux et les foyers d’étudiants sont repris pour accueillir les réfugié·es.

    De nombreux rapports émanant de la RPD/RPL suggèrent un grand scepticisme à l’égard des autorités. Des personnes s’adressant anonymement à la presse affirment que les attaques sont exagérées et se plaignent de ne pas pouvoir parler ouvertement par téléphone, sachant qu’elles sont écoutées. L’un d’entre eux a fait le commentaire suivant : «Les nantis, les hommes d’affaires, les banquiers et les bandits – ils ont tous fui en 2014». D’autres parlent d’une guerre attisée par les politiciens.

    Les intérêts des Ukrainiennes et des Ukrainiens ordinaires sacrifiés

    L’Ukraine risque d’en subir les conséquences pendant des mois, voire des années. Les entreprises étrangères ont fui et la fièvre de la guerre a entraîné une fuite de capitaux de 15 milliards de dollars, une somme qui fait oublier l’aide financière d’un peu plus de 2 milliards de dollars promise par les États-Unis et l’UE la semaine dernière.

    C’est ce qu’a reflété le discours de Volodymyr Zelensky lors de la Conférence sur la sécurité de Munich ce week-end. Il a parlé de l’Ukraine comme du «bouclier de l’Europe», mais s’est plaint que depuis 2014, l’OTAN et l’UE refusent de l’accepter comme membre. Il a averti que le «format Budapest» (l’accord de 1994 en vertu duquel l’Ukraine a renoncé aux armes nucléaires en échange de garanties de sécurité) avait laissé le pays sans armes et sans sécurité. Dans ce cas, a-t-il dit, «nous serons libérés de nos obligations». Il poursuit : « Si on nous dit tous les jours qu’il y aura une guerre demain, que se passera-t-il dans le pays à part la panique ? Qu’adviendra-t-il de notre économie ? Vous nous dites : réalisez des réformes, améliorez votre gestion, luttez contre la corruption – et alors nous vous aiderons. Mais à nos frontières, il y a 150 000 soldats. Peut-être devriez-vous faire quelque chose à ce sujet avant d’exiger que nous fassions quelque chose ? »

    Une nouvelle guerre froide

    La situation actuelle s’inscrit dans le cadre de la polarisation et du réalignement croissants du monde entre les intérêts impérialistes américains et chinois. L’OTAN a renforcé sa présence en Europe de l’Est, avec des bases en Pologne, en Roumanie et dans les trois États baltes, qui ont tous une frontière avec l’ancienne Union soviétique. 12 000 soldats de l’OTAN soutiennent le quart de million de personnel local dans ces pays. Depuis 2016, le ministère américain de la défense a envoyé une aide militaire d’une valeur de 1,65 milliard de dollars à l’Ukraine, tandis que le Royaume-Uni a envoyé 1,7 milliard de dollars depuis 2020. D’autres puissances de l’OTAN, comme le Canada, la France et la Turquie, ainsi que les pays baltes, ont également apporté leur aide, mais à une échelle bien moindre. Pendant les tensions actuelles, l’OTAN a rapidement envoyé davantage d’unités et d’équipements en Ukraine et chez ses voisins. Il s’agit d’une conséquence réelle de la politique intransigeante de l’administration Biden, qui désigne la Chine comme le «principal concurrent» et la Russie comme «le plus dangereux».

    Les efforts de Biden pour persuader l’Allemagne et la France de présenter un front uni se heurtent à leurs intérêts. En effet, si une guerre totale se développe, il y aura une crise économique et une vague massive de réfugié·es. L’Allemagne dépend de la Russie pour son approvisionnement en énergie, notamment en gaz. Des sanctions entraîneront des pénuries d’énergie et une hausse massive des prix pour les consommateurs européens. C’est en partie pour cette raison que les États-Unis ont poussé l’UE à diversifier ses fournisseurs d’énergie, afin qu’elle ne soit pas aussi dépendante de la Russie. L’Allemagne a subi des pressions pour qu’elle retire son soutien à Nord Stream 2, qui attend la certification finale pour commencer à fonctionner.

    Dans ce contexte, les États-Unis ont retiré de manière inattendue leur soutien au gazoduc de la Méditerranée orientale, qui aurait permis le transit direct de l’énergie d’Israël et du Moyen-Orient vers l’Europe. Il semble que cela ait été fait pour apaiser la Turquie, car Erdogan a exprimé son soutien ouvert à l’Ukraine dans cette crise, et offre une voie détournée pour transférer des armes à Kiev. Une usine de fabrication de drones turcs a déjà été construite à Kiev.

    Après avoir crié au loup pendant des semaines, la Maison Blanche a doublé la mise, prédisant des opérations sous faux drapeau par les Russes comme prétexte pour envahir. La stratégie militaire du Kremlin comprend la conduite d’une «guerre hybride» – l’utilisation combinée de la guerre électronique, de mercenaires (Moscou pourrait faire valoir l’ignorance et nier sa responsabilité de façon plausible), de l’ingérence politique et des provocations. Il n’est pas le seul à le faire. Les forces impérialistes américaines, britanniques, françaises et autres pratiquent depuis longtemps de telles méthodes. Leur utilisation, cependant, dans les coulisses, rend difficile l’analyse de qui a fait quoi, quand et où. Le dangereux mélange de bellicisme occidental et de cyberguerre russe a créé une situation qui sera bientôt impossible à contrôler.

    L’impérialisme russe

    Les politiques du Kremlin se sont également durcies au cours de la dernière décennie. Lorsqu’il se plaint aujourd’hui de l’expansion de l’OTAN en Europe de l’Est, il oublie que pendant la première décennie du mandat de Poutine, il a «coopéré» avec l’OTAN, l’autorisant même à utiliser une base aérienne en Russie comme point de passage vers l’Afghanistan. Lors de sa première élection, Poutine a même évoqué la possibilité que la Russie rejoigne l’OTAN ! En 2019, cependant, la Russie est entrée en concurrence directe avec l’OTAN. Après avoir renforcé sa position au niveau mondial en Syrie et en Afrique centrale, elle a accru son influence en Biélorussie et au Kazakhstan. Le plus inquiétant pour l’impérialisme américain est que la coopération sino-russe s’intensifie. Pendant les jeux d’hiver de Pékin, Xi et Poutine ont signé un nouvel accord pour que la Russie augmente ses exportations d’énergie à la Chine en échange d’une opposition commune à de nouvelles «révolutions de couleur».

    Les photos des longues discussions à la table de Poutine, d’abord avec Macron, puis avec le ministre des affaires étrangères Sergey Lavrov et le ministre de la défense Sergey Shoigu au bout d’une table encore plus longue, sont révélatrices de l’atmosphère dans laquelle le Kremlin prend désormais ses décisions ! Depuis le début de la pandémie, Poutine est isolé de la société et les conseils qu’il reçoit sont de plus en plus déséquilibrés. Lavrov, lors de sa rencontre, a rendu compte des discussions avec Macron et d’autres. Il a déclaré que, bien qu’aucun progrès n’ait été réalisé sur les principales demandes de la Russie, notamment le retrait de l’OTAN aux frontières de 1997, il y a eu des développements intéressants dans d’autres domaines. M. Lavrov a déclaré qu’il y avait encore de la place pour la diplomatie, mais que si Poutine le voulait, il devrait aller de l’avant avec la reconnaissance de la RPD et de la RPL.

    Une décision formelle de reconnaître les deux républiques a été adoptée par la Douma d’État, à l’initiative du parti communiste réactionnaire. Alors que de nombreux députés du parti au pouvoir ont voté en faveur de la résolution, la position du Kremlin a été de prendre note de la décision, de suggérer que les députés de la Douma reflètent l’opinion publique et de laisser à Poutine le soin de décider de la date de signature de la proposition.

    Malgré son caractère autoritaire, le régime doit tout de même tenir compte du fait que les Russes accepteront ou non une guerre pour l’Ukraine. 2022 n’est pas 2014, lorsqu’une vague patriotique massive a résulté de la prise de contrôle de la Crimée. Aujourd’hui, la plupart des Russes n’a pas le cœur à une guerre contre l’Ukraine : ils sont aux prises avec une baisse du niveau de vie, une inflation galopante et, pendant la pandémie, plus d’un million de «morts en trop» en Europe de l’Est. La méfiance à l’égard de tout ce que dit le gouvernement s’accroît. Des rapports font état d’une opposition à une invasion totale, même dans les rangs de l’armée et des services spéciaux.

    Poutine peut être heureux d’avoir le soutien de Pékin, mais si une guerre prolongée épuise les ressources économiques, il pourrait bien devoir demander à Xi de le renflouer.

    La position des socialistes sur l’Ukraine

    Cette situation démontre ce que nous disions il y a 30 ans, à savoir que lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, ni les économies, ni les droits nationaux et démocratiques des habitants de la région ne seraient protégés par la restauration du capitalisme.

    Les socialistes ne doivent pas prendre parti entre les différentes puissances impérialistes. Il ne nous appartient pas de juger les affirmations des Russes selon lesquelles c’est l’armée ukrainienne qui a déclenché les tirs d’artillerie, ou encore celles de Kiev (reprises par la Maison Blanche) selon lesquelles les forces des républiques contestées sont responsables, que ce sont des opérations sous faux drapeau pour justifier une invasion russe. Il est également possible que les attaques n’aient pas été sanctionnées par le Kremlin, mais que les dirigeants réactionnaires des deux républiques les ont organisées pour pousser la Russie à intervenir.

    Ce qui est important, c’est le droit de l’Ukraine d’être un État indépendant. L’Alternative socialiste internationale défend ce droit de manière inconditionnelle. Toutes les troupes impérialistes, qu’elles viennent de Russie ou de l’OTAN, doivent être retirées immédiatement d’Ukraine et d’Europe de l’Est. Pour réduire la tension, les troupes russes qui se trouvent actuellement le long de la frontière devraient retourner dans leurs casernes.

    Depuis que l’Ukraine est devenue indépendante (soit depuis l’effondrement de l’Union soviétique), son élite dirigeante et les oligarques qui la soutiennent ont entraîné le pays dans le conflit entre les puissances économiques mondiales. Les ressources naturelles du pays, les banques et les grandes entreprises doivent être retirées des mains des oligarques et des multinationales et devenir propriété publique sous le contrôle démocratique des travailleuses et des travailleurs.

    Dans le même temps, l’Ukraine doit respecter les droits de ses propres minorités et régions. Il convient de rappeler que ce sont les tentatives du gouvernement de l’après-Euromaïdan (mouvement qui a mené à la chute du président pro-russe Ianoukovytch en 2014) de restreindre les droits de la langue russe ainsi que la crainte d’une partie de la population face à la croissance de l’influence de l’extrême droite qui ont créé le mécontentement initial que le régime russe a ensuite exploité. Les droits linguistiques doivent être respectés. Si une minorité ou une région souhaite l’autonomie, voire la sécession, elle doit avoir le droit de le faire. Mais toute décision doit être prise sans aucune présence militaire, et lors de votes démocratiques, contrôlés par la population locale.

    Nous ne pouvons faire confiance à aucune des puissances impérialistes. L’Occident a démontré à maintes reprises – en Irak, en Syrie, en Serbie, en Libye et ailleurs – qu’il n’est pas le garant de la démocratie ou de la souveraineté. Il défend les intérêts de la classe capitaliste qu’il représente. La Russie non plus n’est certainement pas un défenseur du peuple «slave» qu’elle prétend soutenir – ses propres actions contre le peuple russe lui-même le démontrent. L’État russe agit pour soutenir les intérêts de l’oligarchie russe, tout comme l’Occident. Ses «troupes de maintien de la paix» ne sont pas en Ukraine pour «maintenir la paix» mais pour défendre les intérêts économiques et politiques de l’élite dirigeante russe.

    Les socialistes doivent s’exprimer et appeler à un mouvement de masse anti-guerre et anti-impérialiste. Ce n’est peut-être pas la tâche la plus facile, car beaucoup de militant·es qui se seraient opposé·es aux attaques impérialistes contre des pays comme l’Irak sont maintenant divisé·es. Certains soutiennent la Russie et la Chine dans leur opposition à l’impérialisme américain, d’autres s’opposent à l’agression russe et soutiennent pleinement l’Ukraine et ses bailleurs de fonds impérialistes.

    Cependant, en tant que socialistes, nous ne pouvons pas soutenir l’une ou l’autre des puissances impérialistes qui se disputent le sort de l’Ukraine. Son destin en tant que pays indépendant, libre de toute intervention extérieure, ne peut être confié à l’élite dirigeante du capital occidental ou russe. Seule une lutte unie de la classe ouvrière contre les bellicistes dans chaque pays peut créer la situation dans laquelle l’Ukraine peut être véritablement indépendante.

    La classe ouvrière ukrainienne devrait jouer un rôle majeur à cet égard. Si elle s’organise pour défendre les foyers et les emplois contre les attaques militaires, si elle veille à ce que la lutte ne soit pas détournée vers des lignes nationalistes ou pro-capitalistes en menant une lutte unie de tous les travailleurs d’Ukraine, indépendamment de leur nationalité ou de leur langue, elle pourrait lancer un puissant appel à la solidarité aux travailleuses et aux travailleurs de Russie, d’Europe et des Etats-Unis. Ainsi unis, la classe ouvrière et la jeunesse peuvent mettre fin au cauchemar de la guerre, garantir le droit à l’autodétermination et ouvrir la voie à une société nouvelle, démocratique et socialiste.

  • Non à la guerre en Ukraine ! L’unité des travailleurs est la clé

    Les représentants politiques de la classe capitaliste sont incapables de trouver une issue à la crise sanitaire. Mais pour faire la guerre, pas de souci. Le gouvernement fédéral veut dégager 14 milliards d’euros pour la Défense… et quasiment rien pour nos factures d’énergie ou nos soins de santé. Entretemps, 100.000 soldats russes sont massés près de la frontière ukrainienne et le Pentagone prévoit d’envoyer jusqu’à 50.000 soldats en Europe de l’Est.

    Tout en expliquant ne pas vouloir de conflit, les deux systèmes impérialistes – les États-Unis à travers l’OTAN et la Russie – s’affrontent, attisant la folie guerrière à un niveau tel qu’un léger accident pourrait déclencher une guerre à l’ampleur inédite en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

    L’enjeu impérialiste

    Le régime de Poutine menace d’une réponse militaire non précisée à moins qu’il ne soit garanti que l’OTAN ne s’étende plus davantage à travers l’Europe de l’Est et retire ses armes aux frontières russes. Les États-Unis, pour leur part, insistent avec arrogance sur le fait que tout pays qui le souhaite peut adhérer à l’OTAN.

    Le monde est de plus en plus polarisé entre intérêts impérialistes divergents. Biden considère la Chine comme le principal concurrent des États-Unis, mais qualifie en même temps la Russie de « plus grande menace » en raison de la manière dont celle-ci utilise sa puissance militaire. Elle a perturbé les projets américains pour l’éviction de Bachar el-Assad en Syrie et est intervenue en Libye. Les intérêts occidentaux ont reculé en République centrafricaine et au Mali, où sont arrivés des mercenaires russes. En 2014, le Kremlin a exploité les événements autour de « l’Euromaïdan » pour prendre le contrôle de la Crimée et consolider sa position à l’Est de l’Ukraine. Depuis lors, malgré les cessez-le-feu négociés à Minsk, le conflit militaire s’est poursuivi et a fait 14.000 victimes.

    Le peuple ukrainien, lui, est traité comme un pion. Son destin est décidé par des forces qui échappent à son contrôle. Ce sont les travailleurs et les pauvres d’Ukraine et des pays impérialistes qui perdront leurs vies et leurs foyers en raison de cette guerre inutile, tandis qu’une nouvelle vague de réfugiés sera traitée de manière inhumaine. Les menaces de sanctions n’ont pour effet que d’augmenter les tensions et les factures d’énergie tout en faisant craindre des troubles de livraison de gaz.

    Stopper la guerre

    Le conflit entre puissances impérialistes aux intérêts divergents crée les conditions du développement des guerres. Aucune confiance ne doit donc leur être accordée pour négocier. Les Nations Unies, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ou encore l’OTAN n’ont jamais été capables de stopper une guerre sans en faire payer le prix aux travailleurs et aux pauvres. Les forces et le matériel militaire de toutes les puissances impérialistes – celles de la Russie et celles de l’OTAN – doivent être retirés d’Ukraine et d’Europe de l’Est.

    L’Ukraine a le droit de se défendre, mais dans quel intérêt et de quelle manière ? L’élite ukrainienne appelle à « l’unité nationale ». Concrètement, cela signifie la défense du règne des oligarques qui, depuis l’indépendance, ont laissé l’Ukraine sauter d’une crise à l’autre. Alors qu’ils n’ont cessé de s’enrichir, le revenu moyen des ménages est désormais inférieur de 20 % à ce qu’il était en 2013.

    Une attaque contre l’un d’entre nous est une attaque contre nous tous

    Un puissant mouvement anti-guerre reposant sur l’unité de la classe ouvrière dans la défense de ses foyers et de ses lieux de travail pourrait lancer un appel de classe retentissant aux travailleurs en Ukraine, en Russie, aux États-Unis et ailleurs pour favoriser leur entrée en action afin de stopper la guerre. Cela exige un mouvement international, des manifestations de masse et même des grèves aux États-Unis, en Russie et dans les pays de l’OTAN. Le mouvement ouvrier a un rôle crucial à jouer pour s’opposer à quiconque tenterait de déclencher une guerre entre les peuples, non pas par pacifisme abstrait, mais dans le cadre du combat pour le renversement du système qui cause la guerre : le capitalisme.

    • Non à la guerre en Ukraine !
    • Impérialismes russe et américain : bas les pattes de l’Ukraine !
    • Belgique hors de l’OTAN, l’OTAN hors de Belgique.
    • Pas de militarisation de l’énergie : nationalisation du secteur sous contrôle ouvrier, dans toute la chaîne d’approvisionnement.
    • Pour la construction d’un mouvement anti-guerre qui force les gouvernements impérialistes à :
      ◊ Stopper la course à l’armement et le transport de troupes et de matériel militaire vers l’Europe de l’Est.
      ◊ Stopper la surenchère de provocations et de menaces.
    • Pour un avenir débarrassé des guerres, du terrorisme, de l’oppression et de l’exploitation : un avenir socialiste démocratique.
  • Nouvelle guerre froide : Non à la guerre en Ukraine !

    L’unité des travailleurs est essentielle pour lutter contre la menace de guerre

    Des tremblements de terre politiques et économiques se préparent à l’échelle mondiale alors que les forces de l’impérialisme américain et chinois passent d’un état de coopération à une concurrence ouverte. Alors que ces forces entrent en collision, l’onde de choc se propage dans le monde entier et désorganise, perturbe et réorganise les relations entre différentes puissances impérialistes. L’épicentre de cette perturbation est actuellement l’Ukraine.

    Par Социалистическая Aльтернатива (Sotsialisticheskaya Alternativa, ASI-Russie)

    Bien que les deux parties affirment ne pas vouloir de conflit, les impérialismes américain et russe s’affrontent, attisant la folie guerrière à un tel point que la loi des conséquences involontaires pourrait déclencher une guerre chaude, dont l’ampleur potentielle n’aura pas été vue en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Au milieu de tout cela, le peuple ukrainien est traité comme un pion, son destin étant décidé par des forces indépendantes de sa volonté. Ce sont les travailleurs et les pauvres d’Ukraine, et des pays impérialistes qui perdront leurs vies, leurs maisons et leurs moyens de subsistance en conséquence de cette guerre inutile.

    Alternative Socialiste Internationale (ASI, dont le PSL/LSP est la section belge) s’oppose totalement aux plans des vautours impérialistes et appelle à la construction d’un mouvement anti-guerre de masse reposant sur la solidarité entre travailleurs d’Ukraine, des Etats-Unis et de Russie.

    En Ukraine, les bellicistes soulignent que l’invasion est imminente. L’ancien chef des forces spéciales ukrainiennes, Sergey Krivonos, a affirmé à la télévision centrale que des plans sont en cours d’élaboration pour faire venir des milliers de parachutistes russes dans les aéroports autour de Kiev afin de s’emparer de la ville. L’ancien président Porochenko estime que l’attaque consistera en des missiles balistiques “Iskander” tirés depuis la mer et au-delà de la frontière pour détruire les principaux actifs ukrainiens. Le président Zelensky voit les envahisseurs faire entrer les chars par Kharkov. Des témoins oculaires rapportent que les aéroports de fret ukrainiens connaissent une augmentation massive des vols, tandis que dans les parcs des villes, des forces volontaires sont entraînées au combat.

    Ces derniers jours, peut-être pour calmer la population, des voix plus sobres se sont élevées à Kiev. Après l’évacuation largement médiatisée des familles des diplomates américains, britanniques et australiens de Kiev, une réunion d’urgence du “Conseil pour la sécurité nationale et la défense” de l’Ukraine a été convoquée. Lors du point de presse, son secrétaire Aleksey Danilov a déclaré : « Nous ne voyons aujourd’hui aucune base pour confirmer une invasion à grande échelle. Il est impossible que cela se produise, même physiquement (…) Aujourd’hui, nous pouvons voir (aux frontières de l’Ukraine) environ 109.000 soldats. Nous voyons environ 10 à 11 000 “convois”, des forces d’escorte. Si nos partenaires pensent qu’il s’agit d’une forte augmentation du nombre de troupes, pour nous, ce n’est pas nouveau. Une augmentation de 2 à 3.000 hommes n’est pas critique. »

    Sur ICTV également, le ministre ukrainien de la Défense, Aleksey Reznikov, a déclaré : « Aujourd’hui, à l’heure actuelle, pas une seule force de frappe des forces armées de la Fédération de Russie n’a été formée, ce qui confirme qu’elles ne préparent pas une attaque imminente. » Il a comparé la situation à celle d’avril dernier, ajoutant qu’il n’accordait pas une grande importance à l’idée qu’une attaque aurait lieu le 20 février.

    Non à l’intervention impérialiste

    Les puissances étrangères continuent cependant à faire monter la température. À l’ouest, les États baltes, la Grande-Bretagne, le Canada et la Turquie envoient des armes et de petits contingents de troupes « pour s’entraîner ». Le Pentagone, selon le New York Times, a préparé des plans pour envoyer jusqu’à 50.000 soldats en Europe de l’Est, et on rapporte aujourd’hui que 8.500 d’entre eux ont été placés en « alerte renforcée ».

    En Russie, les informations sont plus difficiles à obtenir. Il est clair qu’il y a une augmentation significative des activités militaires. L’arsenal est déplacé, des exercices conjoints Russie-Biélorussie avec utilisation d’artillerie réelle sont menés à 40 kilomètres de la frontière ukrainienne. Des exercices navals impliquant 140 navires ont été annoncés dans toutes les mers entourant la Russie, du Pacifique à la mer Noire. Des navires des puissances occidentales et de la Russie se déplacent en Méditerranée et en mer Noire.

    Les pourparlers se poursuivent sous toutes sortes de formes, mais aucune avancée n’a encore été réalisée.

    Les scénarios possibles

    Une invasion complète de l’Ukraine par la Russie est l’option la moins probable dans cette situation. Cela n’empêche pas les bellicistes occidentaux de parler comme si elle était déjà imminente. L’Institute for the Study of War, qui se présente comme une « organisation de recherche sur les politiques publiques, non partisane et à but non lucratif », engagée à aider les États-Unis à atteindre leurs objectifs stratégiques, a largement diffusé sa carte des « plans potentiels pour une invasion complète de l’Ukraine ».

    Selon cette carte, la Russie attaquera à partir de la Crimée et des républiques non reconnues de Donetsk et de Lugansk (DNR/LNR) pour détourner les forces ukrainiennes. Des forces mécanisées descendront ensuite du nord-est pour encercler Kiev, Dnipro et Kharkiv – 3 villes dont la population combinée dépasse les 5 millions d’habitants. Ensuite, des forces navales ou des troupes envoyées par avion dans la république moldave sécessionniste de Transnistrie envahiront l’ouest pour s’emparer d’Odessa et de la côte de la mer Noire. D’autres troupes entreront par la Biélorussie au nord, traversant au passage les terrains radioactifs autour de Tchernobyl.

    Si la Russie devait envahir de cette manière, le coût humanitaire serait impensable. Avec une population deux fois plus nombreuse que celle de l’ex-Yougoslavie, qui a éclaté en guerres interethniques au début des années 1990, faisant 140.000 morts et 4 millions de réfugiés, une occupation de l’Ukraine pourrait faire des centaines de milliers de morts et plusieurs millions de réfugiés. Selon toute probabilité, un tel conflit entraînerait les États baltes voisins et la Pologne.

    S’agit-il d’un scénario probable ?

    Compte tenu de la volatilité de la région, avec les récents soulèvements populaires au Bélarus et au Kazakhstan, la guerre au Nagorny-Karabakh et les manifestations de masse en Russie, en Géorgie et en Arménie, la politique étrangère agressive de l’administration Biden et les politiques autoritaires et expansionnistes du Kremlin, rien ne peut être exclu. Mais comme le soulignait Clausewitz, « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». Ce qui déterminera les événements sera l’issue de la lutte politique entre les puissances impérialistes, ainsi qu’au sein des pays impliqués.

    Le conflit porte peut-être sur le sort de l’Ukraine, mais le fait qu’au cours de la première semaine de négociations, qui a débuté par un dîner entre diplomates américains et russes à Genève, l’Ukraine n’ait même pas été invitée témoigne du cynisme extrême des puissances impérialistes. Bien que nous soyons maintenant dans la troisième semaine, aucune solution n’a été trouvée jusqu’à présent au cours de ces pourparlers.

    La Fédération de Russie s’en tient à ce qu’elle appelle ses lignes rouges : L’OTAN ne doit pas s’étendre davantage en Europe de l’Est, l’Ukraine et la Géorgie ne doivent jamais être autorisées à y adhérer, et les armes de l’OTAN ne doivent pas se trouver aux frontières russes.

    Les États-Unis, pour leur part, insistent avec arrogance sur le fait que tout pays qui le souhaite peut adhérer. Depuis lors, plusieurs pays de l’OTAN ont envoyé des armes à l’Ukraine, tandis que l’OTAN elle-même envoie des navires et des avions de chasse supplémentaires en Europe orientale. L’Ukraine est sacrifiée pour être le théâtre d’une guerre par procuration entre les puissances impérialistes.

    L’ensemble du processus s’accompagne de dangereuses manœuvres. L’impérialisme occidental, fidèlement rapporté par les médias grand public, ne connaît aucune limite. Le secrétaire d’État américain Anthony Blinken, avant sa rencontre avec le ministre russe des affaires étrangères Sergei Lavrov, a déclaré que la Russie avait derrière elle une « longue histoire de comportement agressif ». « Cela inclut l’attaque de la Géorgie en 2008 et l’annexion de la Crimée en 2014, ainsi que « l’entraînement, l’armement et la direction » d’une rébellion séparatiste dans l’est de l’Ukraine. » Il a omis, bien sûr, de mentionner qu’au cours des deux dernières décennies, les États-Unis ont bombardé Belgrade, envahi l’Afghanistan et l’Irak, mené de nombreuses interventions en Syrie, en Libye, au Yémen et dans de nombreuses régions d’Afrique.

    Bien que relativement discrets par rapport à la propagande extrême menée lors de la prise de contrôle de la Crimée il y a huit ans, les médias russes diffusent régulièrement des informations sur les provocations prévues par les forces ukrainiennes contre la République populaire de Donetsk et la République populaire de Lougansk (RPD/RPL). Fidèle à ses habitudes, c’est le parti communiste qui chante le plus fort dans le chœur des bellicistes. Il appelle la Douma d’État à reconnaître officiellement la RPD/RPL. Même le porte-parole du Kremlin prévient que cela serait perçu comme l’agression contre laquelle l’Occident met en garde. Joe Biden a affirmé que toute tentative des forces russes de franchir la frontière serait considérée comme « une invasion ». En retardant l’adoption de la proposition, les personnalités pro-Kremlin suggèrent que cela compromet leur « plan B ». Ils ne précisent pas en quoi consiste le « plan A », mais il est suggéré que cela signifie l’aboutissement des négociations.

    L’expansion de l’OTAN

    Poutine fait souvent référence à la promesse faite par l’impérialisme américain à l’ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev en février 1990 selon laquelle si l’armée soviétique se retirait d’Allemagne de l’Est, et qu’elle devenait de facto membre de l’OTAN dans la nouvelle Allemagne unifiée, l’OTAN ne s’étendrait pas davantage à l’Est. Depuis lors, l’OTAN s’est étendue de plus de 800 km jusqu’à la frontière entre la Russie et les États baltes. Partie intégrante de la Russie, l’enclave de Kaliningrad est entourée sur toutes ses frontières terrestres par des États de l’OTAN. En 2008, lors du sommet de Bucarest, l’OTAN a conclu une alliance avec la Géorgie et l’Ukraine, dans le but de les faire adhérer à terme. En cas d’adhésion, les forces de l’OTAN s’étendraient sur plus de 4.000 kilomètres de frontière russe.

    Désormais annuels, les exercices « Défendre l’Europe » ont impliqué 28.000 soldats en 2021. Ils ont été mobilisés, selon le chef de l’armée américaine en Europe et en Afrique, le général Chris Cavoli « vers des zones opérationnelles dans toute l’Europe, notamment en Allemagne, en Pologne, dans les États baltes, dans d’autres pays d’Europe de l’Est, dans les pays nordiques et en Géorgie. » Ces exercices ne sont qu’une partie des activités des puissances occidentales dans la région. 5.000 soldats, 32 navires et 40 avions ont participé aux exercices des manœuvres maritimes « Sea Breeze » de l’été dernier en mer Noire.

    Cela fait partie de la polarisation continue du monde entre les différents intérêts impérialistes. L’administration Biden considère certainement la Chine comme le principal concurrent des États-Unis, et elle a construit avec détermination des alliances pour la défier au niveau mondial. Dans le même temps, elle considère la Russie comme « la plus grande menace », en raison de la manière dont elle utilise sa puissance militaire pour interférer avec l’expansion des intérêts américains et pour contribuer à diviser les alliés des États-Unis. La Russie a perturbé les plans américains visant à évincer Assad en Syrie et est intervenue en Libye. Les intérêts occidentaux ont été réduits en République centrafricaine et au Mali, où sont arrivés des mercenaires russes.

    L’Union européenne mise sur la touche

    Ces événements ont marqué une nouvelle étape dans la minimisation par les États-Unis de leurs relations avec l’Europe. La mise en place de l’alliance AUKUS et le départ soudain de l’Afghanistan avaient, comme l’a observé un commentateur, confirmé que : « les Chinois de la Maison Blanche conduisent le bus. Et ils ne considèrent pas l’UE en tant que partenaire utile sur les sujets qui comptent pour les États-Unis ». L’UE n’a pas non plus été invitée aux discussions de la semaine dernière, sauf en tant que membre individuel de l’OTAN.

    Cette situation reflète en partie les divisions au sein même de l’UE. Le Kremlin cultive depuis plusieurs années le soutien des forces populistes de droite, notamment en Italie, en France et en Autriche, tandis qu’après la crise de 2014, lorsque la Russie s’est emparée de la Crimée et que le RPD/RPL a été créé, la France et l’Allemagne ont rompu les rangs, intervenant pour tenter de résoudre la question dans ce qui est devenu le Format Normandie, responsable des pourparlers de Minsk. La Pologne aussi, déjà en conflit avec Bruxelles sur la question de savoir si les lois de l’UE l’emportent sur la constitution polonaise, est mécontente que l’UE n’agisse pas fermement sur ce conflit.

    Les États-Unis souhaitent une approche unifiée avec l’UE pour appliquer les sanctions. Il semble que les sanctions contre des personnalités du régime russe, y compris, semble-t-il, contre Poutine lui-même, soient acceptées. Mais la France vient de prendre la présidence de l’UE pour six mois. Macron a explicitement déclaré que les sanctions contre la Russie ne fonctionnent pas, tandis que d’autres membres de l’UE ne sont pas d’accord sur ce qui devrait déclencher les sanctions. La sanction qui semble être largement acceptée consiste à couper l’économie russe du système d’information bancaire SWIFT.

    Le sort du gazoduc Nord Stream 2 est plus controversé. La production de gaz naturel en provenance de Grande-Bretagne, des Pays-Bas et de Norvège devrait diminuer dans les années à venir, au moment même où la demande devrait exploser, car le gaz naturel est considéré comme une source d’énergie plus propre. Pour remédier à cette situation, la Russie a construit le nouveau gazoduc Nord Stream 2 sous la mer Baltique, qui permettra d’acheminer le gaz directement vers l’Allemagne. Il présente l’avantage supplémentaire de priver l’Ukraine des revenus qu’elle tire du transit du gaz.

    Le gazoduc a été rempli à la fin du mois de décembre et attend maintenant que les autorités allemandes délivrent la certification finale pour pouvoir commencer à fonctionner. Un quart du pétrole et plus de 40 % du gaz de l’UE proviennent actuellement de Russie. On estime que Nord Stream 2 a la capacité de répondre à lui seul à un tiers des futurs besoins en gaz de l’UE. Des sanctions contre Nord Stream 2 signifieraient un sérieux affaiblissement de l’économie, en particulier lorsque les prix de l’énergie s’envolent.

    C’est pourquoi les États-Unis se sont heurtés à une résistance pour bloquer Nord Stream 2. La nouvelle coalition fédérale allemande a connu sa première crise majeure sur cette question. Le chancelier Olaf Scholz, du parti social-démocrate, s’oppose publiquement aux sanctions contre Nord Stream 2, ce qui reflète les intérêts de l’élite économique allemande. Merkel a soutenu le projet, et l’ancien chancelier Gerhard Schröder est président du comité des actionnaires de Nord Stream 2. La ministre des affaires étrangères Annalena Baerbock, membre des Verts, appelle toutefois à des sanctions. Elle explique qu’il s’agit d’une “politique étrangère féministe”, bien que si des sanctions et une guerre résultent de cette politique, ce serait un revers majeur pour les femmes en Ukraine et en Russie.

    La Turquie, également membre de l’OTAN, est un autre acteur de ce dangereux jeu de guerre. Erdogan a suggéré que le pays pourrait servir d’hôte aux négociations entre la Russie et l’Ukraine, manquant manifestement l’ironie lorsqu’il a critiqué la Russie en disant « Vous ne pouvez pas gérer ces choses en disant ‘je vais envahir quelque chose, je vais le prendre’. »

    La Turquie et la Russie ont une relation que l’on peut décrire comme une rivalité coopérative, parfois d’accord lorsqu’il s’agit de critiquer les États-Unis, d’autres fois en conflit comme en Syrie. À la suite de la récente guerre du Haut-Karabakh, où l’Azerbaïdjan a bénéficié d’un soutien important de la part de la Turquie, Erdogan a publiquement soutenu la revendication de Kiev sur la Crimée. Une usine proche de Kiev a commencé à produire des drones de conception turque, qui ont déjà été utilisés dans l’est de l’Ukraine.

    Les relations américano-turques sont au plus bas. L’achat par Erdogan de missiles à la Russie en 2019 a entraîné des sanctions de la part des États-Unis. Maintenant, le pays veut acheter des chasseurs américains pour moderniser son armée de l’air. Une partie de l’élite américaine considère toujours Ankara comme un allié potentiel contre la Russie, donc ferme les yeux sur le danger d’un effondrement de l’économie turque, la croissance de l’autoritarisme, et les désaccords précédents par peur de couper complètement les relations, et de laisser la Turquie beaucoup plus proche du pivot Chine-Russie en développement.

    Les plans du Kremlin

    Conscient que le développement de la guerre froide va, selon toute vraisemblance, pousser le Kremlin à se rapprocher du régime chinois, Biden a intérêt à affaiblir une force militaire aussi importante avant qu’une telle union ne gagne trop de terrain. Les affirmations de la Maison Blanche selon lesquelles cette démarche s’inscrit dans le cadre de sa politique de « promotion d’une action collective mondiale pour stimuler la démocratie » ont été balayées par la précipitation à soutenir la répression brutale du régime du Kazakhstan.

    Dans un essai extraordinaire publié par le Kremlin à la mi-2019, Poutine justifie sa conviction que l’Ukraine fait partie de la Russie en se référant, entre autres, à : « Le choix spirituel fait par saint Vladimir… le trône de Kiev [qui] occupait une position dominante dans la Rus antique… la coutume depuis la fin du IXe siècle… le conte des années révolues… les paroles d’Oleg le prophète à propos de Kiev : “Qu’elle soit la mère de toutes les villes russes”. »

    À l’approche des temps modernes, il s’en prend aux bolcheviks de Lénine pour avoir permis au peuple ukrainien de décider lui-même de son destin, en disant : « Le droit pour les républiques de faire librement sécession de l’Union a été inclus dans le texte de la Déclaration sur la création de l’Union des républiques socialistes soviétiques et, par la suite, dans la Constitution de l’URSS de 1924. Ce faisant, les auteurs ont planté dans les fondations de notre État la bombe à retardement la plus dangereuse, qui a explosé dès que le mécanisme de sécurité fourni par le rôle dirigeant du PCUS a disparu… »

    Ces citations à elles seules réfutent toute suggestion selon laquelle Poutine veut restaurer l’URSS ou, comme le font certaines personnalités de gauche, justifier le soutien à la Russie en tant que régime plus progressiste. Il s’inspire de l’ancien empire russe, évoquant systématiquement une union, selon l’ancienne terminologie tsariste, du Bélarus, de la Malorussie (Ukraine du Nord et de l’Ouest), de la Novorossiya (Ukraine du Sud jusqu’à la Moldavie) et de la Crimée.

    Ni dans cet article ni dans la “Stratégie de sécurité nationale” récemment publiée, le Kremlin ne propose une intervention directe pour prendre l’une de ces régions. Mais les commentateurs parlent de “cygnes noirs” – des événements inattendus qui offrent des opportunités d’action. En 2014, le Kremlin a profité des événements autour de l’”Euromaïdan” pour s’emparer de la Crimée et établir une position dans l’est de l’Ukraine. Depuis lors, le conflit militaire s’est poursuivi, faisant jusqu’à présent 14.000 victimes.

    Au cours des deux dernières années, d’autres “cygnes noirs” sont apparus. Le soulèvement en Biélorussie, dont la défaite a été provoquée par l’opposition libérale, a ramené le régime bélarusse dans l’orbite du Kremlin. La guerre du Haut-Karabakh a vu la Turquie renforcer son influence en Azerbaïdjan aux dépens de la Russie, mais a permis au Kremlin de renforcer son emprise sur l’Arménie. Le soulèvement au Kazakhstan a vu le régime de ce pays s’éloigner de la stratégie “multi-vecteurs” de Nazarbayev, qui consistait à trouver un équilibre entre la Russie, la Chine et les États-Unis, Tokayev étant devenu dépendant des forces russes pour soutenir son régime.

    Mais la nouvelle “stratégie de sécurité nationale” publiée l’année dernière est beaucoup plus affirmative. Selon le directeur du Carnegie Moscow Center, la précédente stratégie écrite en 2015 portait sur une autre époque : « À l’époque, les relations avec l’Occident s’étaient déjà fortement détériorées en raison de la crise ukrainienne, mais étaient encore considérées comme récupérables ; une grande partie de la phraséologie libérale héritée des années 1990 était encore utilisée ; et le monde semblait encore plus ou moins unifié. La version actuelle […] est un manifeste pour une ère différente : une ère définie par la confrontation de plus en plus intense avec les États-Unis et leurs alliés ; un retour aux valeurs russes traditionnelles. »

    Il est sans doute vrai que le ton et les ultimatums du Kremlin sont devenus beaucoup plus agressifs.

    Comment cela va-t-il se concrétiser dans la pratique ? Le “plan A” semble bien être la poursuite des négociations pour limiter l’expansion de l’OTAN vers l’est. Mais la Maison Blanche ne semble pas prête à accepter un compromis sur cette question. Plus le Kremlin fait monter les enchères avec ses mouvements de troupes et ses jeux de guerre pour faire pression sur l’Ouest, plus l’Ouest déplace des armes vers l’Ukraine et brandit la menace d’une guerre, plus le risque d’une escalade accidentelle est grand. Le “plan B” semble se rapprocher alors que les négociations sont au point mort. Une décision officielle du Parlement et du gouvernement russes de reconnaître les deux républiques confirmerait le processus, par lequel la Russie a commencé à délivrer en masse des passeports russes et à ouvrir les relations commerciales. Les troupes russes se déplaceraient alors dans les deux républiques.

    Une nouvelle escalade, si des missiles de l’OTAN sont placés en Ukraine, pourrait entraîner le déplacement des missiles russes vers d’autres pays. Cuba et le Venezuela ont été mentionnés. Une autre option serait une intervention rapide dans la partie principale du pays pour porter un coup à l’armée ukrainienne, avant de se retirer comme cela s’est produit lors de la guerre de 2008 contre la Géorgie, lorsque l’armée russe a attaqué la ville de Gori.

    Une escalade plus profonde en Ukraine semble problématique. En 2014, d’âpres combats ont empêché le camp pro-russe d’ouvrir le corridor dans le sud autour de la ville de Marioupol. Poutine a dû renoncer à son objectif initial de s’emparer de l’ensemble de la “Novorossiya”. Aujourd’hui, l’armée ukrainienne est mieux entraînée et équipée, mais surtout, la population ukrainienne considérera une telle attaque comme une invasion et y résistera avec acharnement.

    Contrairement à cette époque, où une frénésie patriotique après la prise de contrôle de la Crimée s’est installée, la population russe est aujourd’hui beaucoup plus méfiante à l’égard du Kremlin. L’Omicron a frappé la population largement non vaccinée, tandis que la situation économique et le renforcement spectaculaire de l’autoritarisme ont sapé le soutien au régime. Un sondage d’opinion publié cette semaine suggère que la majorité des Russes ne croit toujours pas qu’il y aura une guerre, bien qu’une majorité la craigne, considérant la situation non pas comme un conflit avec l’Ukraine mais avec l’Amérique, dans laquelle : « L’Ukraine – est un simple pion dans le jeu plus vaste joué par l’Amérique… c’est simplement le jeu des États-Unis, avec les pays occidentaux et l’OTAN, qui utilisent l’Ukraine pour faire pression sur la Russie. »

    De manière très significative, les grandes entreprises ont elles aussi peu d’enthousiasme pour une guerre. Le récent krach boursier a fait disparaître 150 milliards de dollars de la valeur des grandes entreprises et le rouble est en chute libre. Pour l’instant, les entreprises ne s’expriment pas. Comme le fait remarquer un banquier d’affaires anonyme : « Si personne ne veut la guerre, ne vous attendez pas à ce que les grandes entreprises se lèvent et expriment leur opposition. Nous sommes devenus des passagers. Les milieux d’affaires ne discuteront de la guerre que dans leurs cuisines. Tout le monde restera silencieux en public. »

    Ce commentaire expose cependant un réel danger. Depuis 2014, la base sociale de l’autocratie du Kremlin est devenue de plus en plus étroite. Poutine est de plus en plus isolé, ce qui est aggravé par sa peur du coronavirus. Les visiteurs de sa résidence doivent se mettre en quarantaine pendant deux semaines, avant de passer par un “tunnel de désinfection” spécialement fabriqué. La situation est donc très dangereuse, car il n’y a plus de contrôles, plus de mises en garde pour empêcher le Kremlin de prendre des décisions désastreuses.

    L’Ukraine en crise

    En apparence, et surtout si l’on écoute les discours du président Volodymyr Zelensky, 2021 a été une bonne année pour l’Ukraine. Le PIB a chuté en 2020 de 4 % pendant la pandémie, il a réussi à croître en 2021 de 3,1 %. Le ministère de l’économie, et Zelensky lui-même, se vantent que le PIB du pays a désormais atteint son plus haut niveau post-soviétique, soit 200 milliards de dollars. Pourtant, cette affirmation ne tient pas la route : selon le même ministère, le PIB en 2020 n’était que de 156 milliards de dollars. En 2008, il était de 180 $ et en 2013 de 183 $.

    D’autres statistiques démontrent la situation réelle. Les revenus des ménages sont inférieurs de 20% à ce qu’ils étaient en 2013, l’inflation est officiellement d’environ 10% et le chômage a atteint 9,7%. Lorsqu’il a été élu, Zelensky a promis que le PIB augmenterait de 40% en 5 ans, qu’il ferait pression pour que l’Ukraine rejoigne l’UE et qu’il résoudrait le conflit dans l’Est de l’Ukraine par des négociations avec la Russie. Il a échoué sur tous ces points.

    Compte tenu de ces échecs, la cote de Zelensky dans les sondages est en baisse. L’année dernière, dans un élan populiste, il a présenté une loi censée restreindre les droits des oligarques à posséder des entreprises et des médias, ainsi qu’une campagne contre la “corruption”. La première de ces mesures a été considérée comme une attaque contre les oligarques pro-russes, ce qui lui a valu les foudres du Kremlin. Quant aux mesures contre la corruption, comme l’a exprimé un commentateur : « Jusqu’à présent, aucun des principaux corrompus n’a souffert, et il y a une raison concrète à cela : la coopération avec le bureau du président ! »

    Alors que les critiques se multipliaient au sein de ses propres cercles, Zelensky a désormais pris des mesures contre certains de ses anciens partisans, limogeant par exemple le président de la Rada, le Parlement, Dmytro Razumkov.

    Ces mesures n’ont pas contribué à rétablir sa cote. De fortes augmentations des prix des services publics se profilent également à l’horizon. Selon un sondage d’opinion réalisé en décembre, 67 % de la population estime que le pays va dans la mauvaise direction, contre 36 % il y a deux ans. Seuls 5 % des personnes interrogées ont déclaré que leur situation matérielle s’était améliorée au cours des deux dernières années, tandis que le conflit militaire, la hausse des prix des services publics et les bas salaires ont tous été cités par plus de 60 % des personnes interrogées comme les « problèmes les plus graves ».

    C’est dans ce contexte que l’atmosphère guerrière est attisée en Ukraine. En décembre, Zelensky a annoncé qu’un coup d’État pro-russe était sur le point d’avoir lieu. Ce complot semble avoir été régurgité par le Foreign Office de Boris Johnson, qui prétend cette semaine avoir découvert un complot visant à installer un gouvernement pro-russe à Kiev. Cette suggestion est accueillie avec dérision à Kiev. Un ancien porte-parole du ministère ukrainien des affaires étrangères a réagi en déclarant : « Ce scénario ne fonctionnerait que si une véritable invasion prenait le contrôle de Kiev. La ville serait décimée, ses terres brûlées, et un million de personnes fuiraient. Nous avons 100 000 personnes dans la capitale avec des armes, qui se battront… Il y a peut-être un plan, mais ce sont des conneries. »

    Cette dernière affirmation du gouvernement de Johnson donne une autre tournure aux divisions en Europe. Essayant sans doute de détourner l’attention de la crise existentielle à laquelle son gouvernement est confronté, Johnson a déclaré que le ministère britannique des Affaires étrangères intensifiait son activité pour faire respecter l’unité de l’OTAN derrière la direction des États-Unis, tout en critiquant la suggestion de Macron selon laquelle il est maintenant temps d’établir une structure de défense européenne, et le flottement du gouvernement allemand sur les sanctions de Nord Stream 2.

    En Ukraine, le nombre de personnes qui pensent désormais que la guerre peut être évitée par des négociations est en baisse. Une minorité pense que la Russie prépare une invasion à grande échelle. De l’avis de beaucoup, il est beaucoup plus probable que la Russie fasse une incursion et intensifie son activité militaire dans la zone de conflit entre les républiques non reconnues et le reste de l’Ukraine. Un sondage d’opinion réalisé à la mi-décembre a montré qu’une majorité de personnes vivant en Ukraine résisteraient à une invasion de la Russie, 33 % d’entre elles prenant les armes pour le faire.

    La situation est rendue plus complexe par le sentiment d’avoir été abandonnés par l’Occident. Il y a un sentiment croissant d’anti-OTAN avec des commentaires tels que : « C’est comme s’ils nous avaient abandonnés. Seuls la Grande-Bretagne, les pays baltes et la Pologne se portent bien. Et aux États-Unis, le président est mauvais, une loque, mais il y a aussi des gens bien là-bas, qui devraient se lever pour s’opposer au président. »

    La polarisation mondiale qui se développe modifie les relations entre la Russie et la Chine. Il n’y a pas si longtemps, elles se disputaient l’influence. Aujourd’hui, elles se rapprochent – toutes deux ont des régimes autoritaires de droite, ont peur de leurs propres peuples et utilisent l’agression américaine dans la guerre froide qui se développe actuellement pour présenter leurs pays comme étant confrontés à une attaque étrangère. Ils ont tous deux soutenu le coup d’État au Myanmar, Lukashenko au Belarus et le régime du Kazakhstan.

    La Chine considère la situation en Ukraine comme un autre exemple d’agression américaine. Il y a toutefois une nuance importante. Elle a demandé à Poutine de ne pas déclencher de guerre en Ukraine avant la fin des Jeux olympiques d’hiver. Poutine prévoit d’assister à l’ouverture des jeux et testera sans doute le soutien qu’il peut attendre de Pékin, tandis que si la situation s’envenime en Ukraine, cela créera un précédent pour les actions de la Chine en mer de Chine méridionale et à Taïwan.

    La guerre peut-elle être évitée ?

    Les différentes parties n’ont peut-être pas l’intention d’intensifier le conflit. Mais avec leur bellicisme et leurs ultimatums, leurs intérêts nationaux/impérialistes, la situation pourrait facilement devenir incontrôlable. Même si une guerre ne se développe pas, étant donné la polarisation croissante du monde entre les différents intérêts impérialistes, ce n’est qu’une question de temps avant que de nouveaux conflits “par procuration” ne se développent ici ou ailleurs. D’où la nécessité de construire un mouvement anti-guerre de masse. Sur quelle base ?

    Il ne peut y avoir aucune confiance dans les négociations de paix menées par les puissances impérialistes. C’est le conflit entre les intérêts des différentes puissances impérialistes qui crée les conditions du développement de telles guerres. Les forces et les équipements de toutes les forces impérialistes – Russie et OTAN – doivent être retirés d’Ukraine et d’Europe de l’Est.

    L’Ukraine a le droit de se défendre, la question est de savoir dans quel intérêt et de quelle manière. L’élite dirigeante appellera à l’unité nationale, ce qui signifie en réalité la défense du pouvoir des oligarques, qui, depuis l’indépendance, a laissé l’Ukraine sauter d’une crise à l’autre tandis que les riches deviennent tout simplement de plus en plus riches. L’extrême droite et les bellicistes attiseront les humeurs nationalistes réactionnaires, ce qui laissera les Ukrainiens se battre seuls, et plutôt que de mettre fin au conflit, ils augmenteront la haine et prolongeront le conflit.

    Mais la guerre n’est pas dans l’intérêt de la classe ouvrière. Une classe ouvrière organisée défendrait ses foyers et ses lieux de travail, et unie dans un mouvement anti-guerre puissant en Ukraine pourrait lancer un appel de classe aux travailleurs de Russie et d’ailleurs pour qu’ils agissent eux-mêmes pour arrêter la guerre.

    Pour arrêter réellement la guerre, il faut cependant un mouvement international, des manifestations de masse et même des grèves aux États-Unis, en Russie et dans les pays de l’OTAN. Mais comme l’ont montré les précédents mouvements anti-guerre, même les énormes protestations mondiales contre l’invasion de l’Irak, impliquant des millions de personnes, n’ont pas suffi à arrêter la guerre.

    ASI soutient l’appel lancé par nos camarades de Sotsialisticheskaya Alternativa en Russie et en Ukraine pour s’opposer à la guerre : « Les socialistes appellent tous les travailleurs et étudiants conscients à commencer à construire un mouvement anti-guerre fort et international, en le retournant contre quiconque tente d’allumer une guerre entre les peuples. Nous ne nous battons pas pour un pacifisme abstrait, mais pour une lutte unie contre le système qui cause la guerre, la pauvreté, la catastrophe climatique et écologique, les pandémies et l’autoritarisme. »

    Pour cela, il faut construire des mouvements politiques puissants pour s’opposer aux élites dirigeantes capitalistes qui profitent de la guerre, pour que les compagnies pétrolières et gazières et les autres ressources détenues par les oligarques deviennent des propriétés publiques démocratiques, et pour mettre fin à la domination des bellicistes impérialistes en garantissant les droits réels à l’autodétermination et la construction d’une fédération socialiste véritablement démocratique en Europe et dans le monde.

  • Une vague de colère déferle sur l’Irlande suite à un nouveau féminicide

    Une vague sans précédent de chagrin et de colère s’est emparée du pays après le meurtre d’Ashling Murphy, 23 ans, à Tullamore. Des dizaines de milliers de personnes ont participé à d’innombrables veillées dans toutes les villes et tous les villages d’Irlande, du Nord et du Sud, et les communautés irlandaises de Londres, de New York et d’Australie ont également participé à de grandes actions.

    Par Keishia Taylor, Militante du Socialist Party irlandais et de ROSA

    Le mercredi 12 janvier, Ashling est partie courir et a été assassinée en plein jour lors d’une attaque brutale par un inconnu. Il s’agit du premier féminicide de l’année 2022 dans l’État irlandais. Enseignante à l’école primaire, musicienne de trad et athlète de talent, Ashling était très aimée de sa communauté. Le message #Shewasgoingforarun a été massivement relayé sur les réseaux sociaux, soulignant que, comme Sarah Everard, elle avait fait tout ce qu’il fallait pour rester en sécurité, mais que cela n’a pas suffit.

    Le sentiment qui prévaut est un rejet catégorique de la culpabilisation des victimes. Quand la jeune ministre Josepha Madigan (Fine Gael) a proposé d’utiliser des sifflet d’alerte et des applications de sécurité, quand le député réactionnaire Michael Healy-Rae a proposé de légaliser le port de la bombe lacrymogène, ils n’ont fait que susciter dérision et indignation. Les femmes et les membres de la classe travailleuses s’accordent à dire que peu importe ce qu’elle fait ou pourrait faire, aucune femme ou personne au genre non conforme ne mérite de souffrir de la violence des hommes.

    Un moment décisif

    Vendredi, des dizaines de milliers de femmes et de jeunes, mais aussi d’hommes et de personnes âgées, ont envahi les rues pour assister à des veillées en l’honneur d’Ashling. Ces veillées ont été organisées par des groupes de femmes, des clubs sportifs, des groupes communautaires, des campagnes féministes et antiracistes, et tous les types de groupes imaginables à travers le pays pour exprimer leur solidarité avec les proches et la communauté d’Ashling Murphy, ainsi qu’avec toutes les victimes d’abus et de traumatismes liés au genre, y compris la forme la plus courante, celle de la violence entre partenaires intimes. Environ 5.000 personnes se sont rassemblées au Dáil (Parlement) vendredi et plusieurs milliers ont rempli le Tullamore Town Park en larmes, en s’embrassant, avec des bougies, des fleurs et des pancartes faites maison. Des musiciens traditionnels ont joué les morceaux préférés d’Ashling tandis que la foule se tenait en silence. Derrière la douleur et le chagrin se cachait un profond courant de colère et le désir d’agir pour mettre fin à la violence masculine qui a volé la vie de 244 femmes en Irlande depuis 1996 et causé une souffrance incommensurable à d’innombrables autres.

    Cette manifestation de solidarité sans précédent marque un tournant. Elle n’est pas sans rappeler la réaction à la mort de Savita Halappanavar en 2012 contre l’interdiction constitutionnelle de l’avortement, qui a été abrogée en 2018 après des années de lutte suscitées par sa mort. Les manifestations “Je la crois” et “ceci n’est pas un consentement” en 2018 ont été des moments importants dans la contestation de la violence sexiste et de la culpabilisation des victimes en Irlande, mais le meurtre d’Ashling a fait éclater un barrage. Le refus des femmes et des personnes non conformes au genre d’accepter de vivre dans la peur, de modifier leur comportement pour éviter la violence ou d’être obligées de rechercher désespérément l’aide de services sous-financés se reflète désormais plus largement dans toute la société.

    Aujourd’hui, comme en 2018, ROSA – Socialist Feminist Movement et Ruth Coppinger, ancienne députée du Socialist Party et syndicaliste enseignante, ont agi rapidement pour appeler des actions à Dublin, Belfast, Cork et Limerick afin de fournir une arène pour exprimer l’angoisse ressentie par tant de personnes, et pour canaliser cette colère en action. Des membres de ROSA, des syndicalistes, des femmes et des activistes non-binaires et bien d’autres ont parlé de leur tristesse, de leurs expériences de la violence masculine et de la nécessité d’un changement culturel et sociétal généralisé sur la question de la misogynie et de la violence de genre. Lorsque les personnes à la tribune ont déclaré que nous étions solidaires contre toutes les formes de sexisme, de racisme et de transphobie, elles ont été accueillies par des applaudissements unanimes. Les milliers de personnes présentes ont convenu que nous devons agir maintenant pour que le “plus jamais ça” devienne une réalité.

    Faire du “plus jamais ça” une réalité

    Qu’il s’agisse de violence entre partenaires ou d’agressions verbales lorsque nous nous promenons, courons ou faisons du vélo, de harcèlement en ligne et d’agressions basées sur l’image ou encore de violences sexuelles, nous devons faire sortir ce problème de l’ombre en descendant dans la rue. Nous devons manifester explicitement notre solidarité avec toutes les victimes de fémicides pour dire que plus aucune vie ne peut être prise, ainsi qu’avec toutes les survivantes d’abus et de violence machistes, toutes les victimes de l’État, pour demander que cela ne se reproduise plus jamais.

    Afin de remettre réellement en question la violence fondée sur le genre, nous devons exploiter l’incroyable élan dont nous sommes témoins dans toute l’Irlande et le canaliser dans un mouvement durable, organisé dans chaque communauté, école, collège et lieu de travail. C’est ce qu’il faut pour mettre en œuvre le type de changement systémique et culturel fondamental nécessaire pour remettre en question toutes les façons dont le sexisme, la misogynie et la LGBTQ-phobie se reproduisent.

    Il y a dix ans, après la mort de Savita, un vaste mouvement a dit “plus jamais ça” et a juré qu’une telle mort ne se reproduirait jamais. Nous voulons la même chose maintenant – le seul héritage qui convienne à Ashling.

    Prochaines étapes :
    – De nouvelles manifestations de solidarité, marquant une semaine après le meurtre d’Ashling, auront lieu dans tout le pays à 16 heures, le mercredi 19 janvier.

    – La Journée internationale de lutte pour les droits des femmes doit devenir un point central – des protestations, des manifestations et une grève collective des étudiants (du secondaire et du supérieur) et des travailleur.euse.s, voilà ce qui devrait être discuté et construit dès maintenant.

    – Le mouvement féministe socialiste ROSA organise une assemblée en ligne à 19 heures, le jeudi 20 janvier, pour lancer une campagne en faveur d’une grande conférence de syndicalistes, de syndicats, d’organisations de femmes et d’organisations LGBTQ, d’organisations de gens du voyage et d’organisations antiracistes, de campagnes communautaires et autres, afin de lancer un mouvement social massif pour mettre fin à la violence fondée sur le genre, avec des actions lors de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes.

    Les revendications qu’une telle conférence et un tel mouvement devraient discuter d’adopter :
    – Une action d’urgence est nécessaire maintenant contre la pandémie de violence sexiste – un triplement immédiat des fonds pour les organisations de première ligne contre la violence domestique et sexuelle. Un investissement majeur dans des services de santé mentale gratuits, accessibles et de qualité.

    – Une enquête publique sur l’annulation de milliers d’appels 999 par la Gardaí (police) et sur le sexisme, le racisme et les préjugés contre la classe ouvrière dans tout le système juridique.

    – La fin de la culpabilisation des victimes et des mythes sur le viol dans les tribunaux. Une éducation qui défie le sexisme et la violence basée sur le genre, qui traite du consentement et qui est inclusive envers les personnes LGBTQ+.

    – La fin de l’éducation sexiste et du contrôle religieux des écoles. Séparer l’Église et l’État – retirer l’influence de l’Église de tous les organismes et institutions publics, y compris tous les services d’éducation et de santé.

    – Un programme de construction de logements d’urgence pour construire des dizaines de milliers de logements publics sur des terrains publics afin de mettre fin à la crise du logement, qui piège les femmes dans des relations abusives.

    Le Socialist Party, ses membres et les membres de ROSA s’engagent à construire un mouvement féministe socialiste qui unit les exploités et les opprimés de ce monde. Grâce à cette vision du pouvoir qu’une lutte unie de la classe ouvrière, multigenre et au-delà de la couleur de peau, peut apporter en frappant au cœur du système d’oppression et d’exploitation, cela offre le potentiel d’un changement systématique pour l’humanité et la planète.

  • France. Harcèlements, agressions, féminicides,… Non pas « gérer le problème », mais totalement l’éradiquer!

    A quelques jours du 25 novembre, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le collectif français #NousToutes avait appelé à l’organisation de plusieurs manifestation dans le pays le samedi 20 novembre, par ailleurs également journée mondiale de protection de l’enfance et journée internationale du souvenir trans. A Paris, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont répondu à l’appel, parmi lesquelles une équipe de militant.e.s d’Alternative Socialiste Internationale (ASI) avec pour tract principal le texte suivant.

    En 2020, 67 viols par jour ont été déclarés en moyenne en France. Presque 3 par heure, et il ne s’agit que des victimes qui ont porté plainte, la réalité est encore bien plus horrible. Du harcèlement au féminicide, les violences sexistes sont omniprésentes. C’est un problème sociétal, ancré dans l’ADN du système capitaliste lui-même, avec des impacts personnels terrifiants.

    Le capitalisme pervertit chaque avancée sociale. La libération sexuelle a été dénaturée et le corps des femmes est devenu une marchandise, un objet marketing. Cette objectification alimente la culture du viol. Dans la récente enquête du collectif #NousToutes, neuf femmes sur dix “déclarent avoir fait l’expérience d’une pression pour avoir un rapport sexuel”.

    Le capitalisme déforme les relations humaines. Des gens peuvent être contraints de rester dans des relations pour des raisons financières ou parce qu’ils s’inquiètent des stigmates du divorce, du statut de parent isolé, etc. En détruisant les services publics et la sécurité sociale, les politiques d’austérité contribuent à rejeter toute la pression de la société sur les familles, avec tous les risques que cela comporte avec l’accumulation des difficultés quotidiennes, comme l’a illustrée l’augmentation des cas de violences domestiques lors des confinements.

    Le capitalisme utilise le sexisme pour garder la moitié de la population dans une position de second rang. Les préjugés sur le rôle soi-disant naturel des femmes servent par exemple d’excuse pour les bas salaires dans le secteur des soins aux personnes, où les femmes sont surreprésentées.

    Le capitalisme utilise le sexisme et la LGBTQIA+phobie, tout comme le racisme, pour diviser les travailleur.euse.s et continuer à mieux les exploiter. L’unité des exploité.e.s et des opprimé.e.s et leur entrée en action en défense d’une alternative est le plus grand danger pour la survie du capitalisme.

    ASSEZ DE BLABLA : DES ACTES ET DES MOYENS

    • Les violences sexistes et LGBTQIA+phobes doivent être condamnées sans équivoque. Stop à la culpabilisation des victimes !
    • Pour ne plus être traité.e.s comme des objets : stop à la marchandisation de nos corps. Pour l’utilisation des espaces publicitaires à des fins sociales (prévention, culture,…) et non commerciales.µ
    • Pour ne plus laisser quelqu’un en détresse sans soutien : un plan d’investissement public d’aide aux victimes établi sur base des besoins.
    • Pour ne plus laisser une victime de violence domestique sans possibilité de relogement : suffisamment de refuges d’urgence et de logements sociaux.
    • Pour ne plus être considéré.e.s comme des citoyen.ne.s de seconde zone et pour notre indépendance financière : des emplois décents, la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires ainsi qu’une augmentation généralisée des salaires.

    Pour un féminisme de lutte

    Le capitalisme est de plus en plus contesté à travers le monde : de la réémergence des grèves des jeunes pour le climat aux grèves des travailleur.euse.s pour de meilleurs salaires, en passant par les soulèvements révolutionnaires en Colombie et au Myanmar et par la lutte des peuples indigènes contre la destruction de la forêt amazonienne. Dans tous ces cas, les femmes se sont retrouvées en première ligne de la lutte.

    Plus spécifiquement concernant les droits des femmes, des millions de personnes ont manifesté, fait grève et participé à des occupations avec le mouvement NiUnaMenos en Amérique latine pour exiger de réels droit à l’avortement et la fin des féminicides. Le droit à l’avortement a ainsi été arraché en Argentine, puis au Mexique. Au Pays Basque, 3.500 travailleur.euse.s ont fait grève en octobre chez Mercedes contre les violences sexistes après le féminicide d’une collègue, Erika Tavares. En réponse aux projets de loi anti-avortement repris par la Cour suprême des États-Unis et à la scandaleuse interdiction de l’avortement au Texas, des dizaines de milliers de femmes ont manifesté le 2 octobre. À Brasilia, plus de 5.000 femmes autochtones ont manifesté contre la sécession de terres de leurs communautés à des compagnies minières. Ces luttes sont des sources d’inspiration pour notre combat.

    Nous devons accorder une attention particulière aux triples et aux quadruples oppressions subies, par exemple, par les femmes de la classe travailleuse qui sont également discriminées pour leur origine, leur identité de genre et/ou leur orientation sexuelle. Nous devons nous battre pour défendre un mouvement démocratique représentatif de tou.te.s, qui défende les droits de l’ensemble des groupes opprimés et dans lequel chacun.e peut participer. Mais nous devons considérer ce qui nous unit plutôt que ce qui nous rend différents : c’est-à-dire notre position en tant que membres d’une classe sociale qui est capable de mettre à plat l’économie capitaliste par la grève. Si la pandémie a bien démontré quelque chose, c’est que ce sont les travailleur.euse.s qui font tourner le monde, il est temps qu’iels le prennent en main !

    Pour un féminisme socialiste

    Nous défendons un féminisme dont l’objectif est une société libérée de toute oppression, inégalité et violence : une société socialiste démocratique reposant sur la satisfaction des besoins de tou.te.s dans le respect de l’environnement.

    En nationalisant les grandes entreprises et les banques sous contrôle et gestion démocratiques des travailleur.euse.s, nous pourrons utiliser les richesses monumentales qui existent aujourd’hui afin de répondre aux besoins de la majorité de la population. Il serait ainsi possible de massivement augmenter les salaires et de réduire collectivement le temps de travail afin de le répartir, sans perte de salaire, pour que chacun.e dispose de bonnes conditions de vie et de suffisamment de temps libre pour s’épanouir.

    Une telle libération économique permettrait de concilier harmonieusement travail et vie de famille. Il serait ainsi également possible de mettre un terme à une relation violente ou simplement malheureuse au moment de son choix. Le refinancement massif des services publics et leur extension permettrait la prise en charge collective d’un maximum de tâches domestiques (cantines de quartier, lavoirs, crèches,…) tout en ouvrant réellement l’accès à des soins de santé gratuits, y compris l’avortement et la contraception gratuits, pour tou.te.s. Mais ce n’est encore qu’un seul aspect de la question. En transformant le système économique, nous pourrons également modifier fondamentalement les attitudes envers les femmes qui sont ancrées dans la société de classes et les relations de pouvoir qui en découlent.

    Si un monde sans milliardaires est un monde que tu aimerais défendre, tu es sûrement féministe socialiste ! Découvre qui nous sommes et rejoins-nous aujourd’hui !

    Rejoins Alternative Socialiste Internationale !

    Alternative Socialiste Internationale (ASI) est une organisation socialiste révolutionnaire qui aide à construire les mouvements de lutte contre le système capitaliste dans plus de 30 pays à travers le monde. Nous développons également nos propres initiatives et actions, notamment au travers du réseau international féministe socialiste ROSA.

    Nous avons notamment mené une campagne internationale de solidarité contre les violences sexuelles systématiques perpétrées par l’armée au Myanmar dans le cadre de la répression du soulèvement contre le coup d’État militaire.

    ASI – France :

    ASI :

  • Frontière Bélarus / Pologne : Les réfugiés traités comme des animaux sur fond d’accroissement des tensions impérialistes

    Foto: Flickr/premierrp

    Déclaration commune de membres d’Alternative Socialiste Internationale (ASI) de Pologne, du Bélarus, de Syrie et de Russie concernant la crise à la frontière entre le Bélarus et la Pologne, alors que des milliers de réfugiés sont pris dans un no man’s land entre les deux pays, aux portes de l’Union européenne.

    Depuis des semaines, une crise se développe à la frontière entre le Belarus et la Pologne, où des milliers de réfugiés fuyant la guerre et les conflits en Syrie, en Irak, en Afghanistan, au Yémen et ailleurs sont pris dans un no man’s land entre les deux pays, à la frontière de l’Union européenne. Le 16 novembre, des affrontements ont éclaté lorsque la police polonaise a utilisé des gaz lacrymogènes, des canons à eau et peut-être même des grenades assourdissantes contre les réfugiés.

    Des milliers de gardes-frontières du Bélarus poussent les réfugiés à avancer. Deux avions à capacité nucléaire et des parachutistes russes ont été déplacés dans le pays. Du côté polonais, l’état d’urgence a été décrété dans les régions frontalières, où 15.000 soldats assurent le maintien de l’ordre avec le soutien technique de l’armée britannique. La présence britannique est perçue comme un camouflet pour l’UE, le gouvernement polonais ayant refusé l’aide de la force frontalière “Frontex” de cette dernière. La Lettonie et la Lituanie ont également envoyé respectivement 3.000 et 5.000 soldats à leurs frontières avec le Belarus et ont commencé à construire des centaines de kilomètres de clôtures en fil de fer barbelé de trois mètres de haut le long de celles-ci.

    Des conditions infernales

    Les conditions sont infernales. De nombreux réfugiés vivent dans la forêt par des températures inférieures à zéro. Ils disent ne pas avoir de nourriture et devoir boire l’eau des rivières. Les gardes-frontières bélarusses tentent de forcer des milliers de personnes à entrer dans une zone d’exclusion de 3 kilomètres de large, derrière une clôture en fil de fer barbelé établie par la police polonaise, les laissant dans les limbes du XXIe siècle. Un réfugié kurde a décrit comment les gardes biélorusses « nous frappaient avec des bâtons de bois, ils nous donnaient des coups de pied et des coups de poing, pas seulement moi mais aussi des femmes et des enfants » pour les empêcher de rentrer au Bélarus.

    Dans cette zone d’exclusion, la loi martiale est en vigueur. Les travailleurs humanitaires et le personnel de soin sont empêchés d’apporter de la nourriture, de l’eau, des vêtements, des couvertures, etc. aux réfugiés. Les journalistes ne peuvent pas non plus pénétrer dans la zone pour rendre compte de la situation, ce que le gouvernement justifie par la garantie de leur sécurité. Jaroslaw Kaczyński, chef du parti polonais “Droit et Justice”, affirme que cela est dû au fait qu’une grande partie des médias ne font que répéter la propagande de Loukachenko, alors qu’en réalité ils ne font que dénoncer la brutalité et l’illégalité des actions de l’État polonais. Bien que la zone constitue une grave violation des libertés civiles, avec des restrictions de mouvement imposées aux citoyens polonais, les autorités autorisent la chasse à l’arme à feu près de la frontière ! Cette mesure est interprétée du côté bélarusse comme un feu vert accordé à la chasse aux réfugiés.

    Un réfugié syrien qui buvait de l’eau sale et mangeait des restes d’arbres a tenté à trois reprises de repasser au Bélarus, mais il a été battu par les gardes-frontières. Il a fini par être tellement malade que la police polonaise a dû l’envoyer à l’hôpital, où il craint maintenant de revenir, car ils le renverraient dans la zone d’exclusion. D’autres rapports indiquent que les gardes-frontières polonais ont utilisé des électrochocs contre les réfugiés. Lorsque les premiers réfugiés sont morts dans les bois polonais, leurs corps ont été traînés par les gardes polonais de l’autre côté de la frontière, au Bélarus.

    Le nombre de réfugiés décédés a déjà atteint deux chiffres, et comme le temps se refroidit rapidement, il risque encore d’augmenter. Parmi eux, un nombre inconnu d’enfants. Ces enfants et leurs mères sont confrontés à des conditions particulièrement difficiles. Selon un secouriste : « La première fois que nous avons vu des enfants dans les bois, nous avons été choqués. Nous avons vu une femme accroupie en train d’allaiter un petit bébé au milieu de la nuit, et un autre enfant de trois ans debout à côté d’elle. Nous n’arrivions pas à nous sortir cette image de la tête : une femme perdue, abandonnée, allaitant son bébé avec deux enfants dans une forêt froide au milieu de nulle part. » Selon certains rapports, les femmes et les enfants sont poussés au front afin de servir de bouclier humain.

    Une crise causée par l’impérialisme

    Comme pour la crise de 2015, cette vague de réfugiés résulte de la dévastation et de la violence causées par les interventions impérialistes en Syrie, en Irak et au Yémen. Le récent retrait humiliant de l’impérialisme américain après ses vingt ans d’occupation de l’Afghanistan a laissé encore plus de personnes tentant d’échapper à l’aggravation des conditions de répression et à la menace de famine.

    La situation réelle en Syrie, par exemple, est mise en évidence par la conférence de deux jours soutenue par la Russie qui s’est tenue à Damas la semaine dernière dans le but de « faciliter le retour de millions de réfugiés syriens » dans le pays. De nombreux pays ont refusé d’y participer tandis que l’Union européenne a déclaré que « la situation en Syrie n’était pas encore sûre pour les retours ». L’intervention russe à Idlib a créé une crise des réfugiés dans cette ville, tandis que la Turquie a créé des problèmes dans d’autres régions du nord de la Syrie. L’impérialisme occidental et le gouvernement Assad ont réussi à créer des réfugiés dans tout le pays.

    Là où il y a la guerre, il y aura toujours des réfugiés, en particulier ceux qui tentent d’éviter les combats. Certaines oppositions syriennes qui se rangent aujourd’hui du côté de la contre-révolution affirment que les réfugiés actuellement bloqués à la frontière ne devraient pas être aidés car ils n’ont pas participé à la lutte contre Assad. Nous rejetons l’argument selon lequel les réfugiés ne méritent pas d’être aidés parce qu’ils n’ont pas rejoint l’opposition à Assad. Beaucoup de ceux qui ne l’ont pas fait étaient motivés par leur méfiance à l’égard des islamistes de droite et des autres forces réactionnaires de l’opposition. Il s’agit d’une crise humanitaire qui exige une solution reposant sur l’unité des travailleurs et des pauvres.

    L’impérialisme et l’UE en particulier n’ont pas cherché à résoudre la catastrophe humanitaire, mais à empêcher les réfugiés d’atteindre l’Union européenne. En essayant de s’échapper, les réfugiés ont été victimes de l’exploitation pure et simple du système capitaliste lui-même. Des profiteurs sans scrupule ont vu le jour et proposent des visas et des voyages à des prix exorbitants.

    Un groupe de Syriens a remis 5.000 dollars chacun à un “intermédiaire” de Damas pour un voyage organisé censé inclure un séjour de dix jours dans un hôtel de Minsk. Une fois au Bélarus, leur contact a coupé toute communication avec eux. “Ce salaud nous a menti”, a commenté l’un d’eux. “Il avait promis un hôtel pour dix jours, mais dix d’entre nous se sont retrouvés entassés dans une minuscule chambre à côté d’un bordel pour seulement trois nuits. Et maintenant, il ne répond plus au téléphone.” Les hôtels font payer des milliers de dollars pour rester – comme l’a commenté un administrateur d’hôtel : “C’était très calme pendant la pandémie. Les touristes ne venaient plus, mais maintenant c’est occupé tous les jours. C’est bon pour les affaires”. Les taxis facturent des centaines de dollars pour les trajets vers la frontière.

    Mais d’autres ne voient pas cette crise humanitaire comme une source de profit. Du côté polonais de la frontière, des familles sont prêtes à nourrir et à réchauffer des réfugiés désespérés. Ces derniers mois, des villes et des régions allemandes, comme Munich, ont déclaré qu’elles étaient prêtes à accueillir des réfugiés d’Afghanistan. Loukachenko en profite pour dire qu’il peut organiser un vol direct pour les réfugiés vers Munich. Ceux qui sont arrivés en Allemagne après la crise précédente n’ont cependant pas trouvé la vie facile. Seule la moitié d’entre eux ont obtenu un emploi, une situation aggravée par la pandémie, tandis que beaucoup ont été victimes d’attaques xénophobes.

    L’Europe forteresse

    Néanmoins, ces tentatives d’aide contrastent fortement avec l’approche des responsables européens, qui se concentrent sur le renforcement de la “forteresse Europe”. Lorsqu’en 2015, le Hongrois Viktor Orban a construit un mur pour empêcher les réfugiés d’entrer en Hongrie, la sympathie massive du public pour les réfugiés a obligé l’UE à le critiquer. Aujourd’hui, les gouvernements européens soutiennent ouvertement le financement commun des murs et clôtures extérieurs. La longueur des murs frontaliers prévus en Europe de l’Est a déjà atteint 1200 kilomètres, soit huit fois la longueur du célèbre mur de Berlin !

    Les réfugiés se retrouvent au milieu du conflit entre les puissances impérialistes. À un certain niveau, il s’agit d’une guerre des mots. Le président bélarusse Loukachenko accuse l’Occident de mener une “guerre hybride” contre son pays, une affirmation reprise par le gouvernement polonais à son encontre, tandis que les dirigeants européens l’accusent de “militariser” la crise. Voilà qui agace les réfugiés : ils nient être des “armes”, ils sont, disent-ils, des êtres humains “ici pour vivre, pas pour se battre.” Les régimes des deux côtés de la barrière traitent les réfugiés comme s’ils n’avaient aucun droit, comme un problème à résoudre. Mais les réfugiés eux-mêmes doivent avoir leur mot à dire sur leur propre avenir.

    Cette crise reflète les contradictions qui se développent au sein même de l’Union européenne. Le gouvernement polonais de droite populiste et anti-immigrés a récemment fait adopter par sa Cour constitutionnelle une décision déclarant que les lois polonaises l’emportent sur celles de l’Union européenne.

    Mais en ce qui concerne le différend frontalier, l’UE soutient pleinement la position anti-immigration du gouvernement polonais et les tentatives de la police polonaise de repousser les migrants vers le Belarus. Cette attitude est en contradiction directe avec le droit international et avec la politique d’asile récemment modifiée de l’UE, qui promet une décision rapide sur le statut de réfugié et un processus d’examen préalable à l’entrée. Cela ne devrait pas être une surprise car l’UE a déjà soutenu le refoulement des réfugiés qui tentent de traverser la Méditerranée ainsi que dans ses négociations avec le président turc Erdogan. L’UE n’est pas gouvernée, comme elle le prétend, par des “valeurs humanitaires”, mais utilise les réfugiés comme des pions dans sa lutte de pouvoir avec Lukashenko et Poutine. Elle est également tout à fait consciente de la nature antidémocratique et de plus en plus autoritaire du gouvernement polonais, mais est tout à fait heureuse de fermer les yeux sur ce fait, car le régime fait son “sale boulot”.

    Le chantage de Loukachenko

    Il ne fait cependant guère de doute que le président autoritaire du Belarus, Alexandre Loukachenko, a alimenté la crise. Les “agences touristiques” qui ont encouragé les réfugiés à se rendre au Bélarus bénéficient d’un soutien officiel et utilisent même une procédure de demande de visa simplifiée. Nombre d’entre eux se sont rendus à Minsk sur des vols de la compagnie aérienne publique Belavia, bien que celle-ci ait annoncé qu’elle ne transporterait pas de passagers en provenance d’Irak, de Syrie et du Yémen. Une fois à Minsk, les réfugiés ont été aidés à se rendre à la frontière et les troupes bélarusses auraient utilisé des lasers et des stroboscopes pour distraire les gardes polonais lorsque les réfugiés tentaient de passer.

    La crise sert en partie de diversion aux problèmes réels de la société bélarusse après le soulèvement de l’année dernière contre Loukachenko. Après l’échec du mouvement visant à le destituer, une répression massive s’est abattue sur le Belarus. Des milliers de militants de l’opposition ont été arrêtés, d’autres ont été licenciés et beaucoup ont fui à l’étranger, dans des pays comme la Pologne et la Lituanie. Le caractère de Loukachenko est tel qu’il voit clairement dans cette situation une occasion de se venger de la Pologne et de l’UE pour leur soutien à l’opposition bourgeoise libérale qui était à la tête des manifestations de l’année dernière. Mais il s’en sert également pour faire pression sur l’UE afin qu’elle lève les sanctions qu’elle a imposées, avec l’argument que si l’UE prend de nouvelles mesures, il déclenchera une vague de réfugiés. Ses actions actuelles ont l’avantage supplémentaire de rendre les frontières du Belarus plus difficiles à franchir pour les opposants qui tentent d’échapper à sa colère.

    Le soutien de la Russie

    Si derrière la Pologne se tient l’UE, derrière le Belarus se trouve la Russie. Les tensions entre les puissances impérialistes ont augmenté de façon spectaculaire ces derniers mois. En juillet, un avion russe a même largué quatre bombes pour faire dévier un navire britannique de sa route en mer Noire. Les disputes se poursuivent au sujet de l’approvisionnement de l’Europe en gaz russe, et l’Allemagne a de nouveau refusé de certifier le gazoduc NordStream 2. L’OTAN, le chef de la CIA et de hauts responsables britanniques, ainsi que le secrétaire d’État américain Antony Blinken, se livrent à des manœuvres au sujet de la menace que représente la Russie pour l’Ukraine, des déclarations que le Kremlin utilise pour attiser le sentiment anti-occidental dans le pays.

    Le Kremlin a démontré à plusieurs reprises qu’il était prêt à lancer des attaques militaires pour détourner l’attention des problèmes intérieurs. Ceux-ci sont actuellement nombreux. Le pays a connu une quatrième vague dévastatrice de la pandémie avec l’un des taux de mortalité les plus élevés au monde, tandis que l’économie et le niveau de vie stagnent. Toutefois, à l’heure actuelle, les coûts militaires, économiques et sociaux d’une attaque contre l’Ukraine seraient trop importants pour que le Kremlin prenne un risque inutile. Il préférerait plutôt utiliser son renforcement militaire actuel à la frontière ukrainienne et son soutien à Loukachenko pour faire pression sur l’Occident dans l’espoir de l’empêcher de prendre de nouvelles mesures.

    Dans le même temps, le processus visant à résoudre le conflit gelé dans l’est de l’Ukraine n’a pas progressé. Le président ukrainien populiste Volodymyr Zelinskiy a vu sa cote de popularité tomber à des niveaux records et son soutien au sein de l’élite dirigeante s’effriter. Il a promis de résoudre le conflit avec les deux républiques séparatistes de Donetsk et de Lougansk d’ici la prochaine élection présidentielle, en 2024, et les faucons ukrainiens le poussent à provoquer la Russie dans une confrontation militaire. L’instabilité de la région est démontrée une fois de plus par une nouvelle série de combats autour du Haut-Karabakh cette semaine.

    De la même manière, la Russie ne veut pas que Loukachenko aille trop loin dans son conflit avec l’Occident, surtout si cela affecte l’économie russe. Lorsque Loukachenko a menacé de couper l’approvisionnement en gaz de l’Europe, le Kremlin a rapidement dénoncé cette menace. La crainte du Kremlin est que Loukachenko se soit créé un problème, qu’il ne puisse faire marche arrière dans cette confrontation sans perdre la face. Comme l’a dit Lukashenko lors d’une réunion du gouvernement : “Ils nous font peur avec les sanctions. Bien, voyons voir. Ils pensent que je plaisante, que j’agite ma langue. Il n’en est rien. Nous allons nous défendre. C’est tout, nous n’avons nulle part où nous retirer”.

    Si Loukachenko perdait la confrontation et que l’opposition libérale se renforçait, la Russie pourrait même être contrainte d’intervenir au Belarus même.

    Nos revendications

    Comme la plupart des crises qui frappent actuellement le monde, celle-ci est complexe, intensément internationale et, à la base, causée par le capitalisme et les conflits impérialistes. Pour mettre fin à la crise actuelle, nous avons besoin de solidarité et d’organisation pour exiger

    • La fourniture immédiate de nourriture, de vêtements, d’abris et de services médicaux pour toutes les personnes actuellement piégées à la frontière ;
    • La liberté pour les journalistes de faire des reportages dans la région, y compris dans la zone frontalière et avec la réintégration de tous les journalistes licenciés par le régime bélarusse ;
    • Le retrait des gardes-frontières, des troupes et de la police des deux côtés de la frontière et la levée de la zone d’exclusion, afin de permettre aux organisations humanitaires d’aider les réfugiés et de gérer leur passage en toute sécurité vers un abri et un endroit chaud ;
    • Un soutien international organisé et contrôlé par les syndicats, les organisations de réfugiés et de défense des droits de l’homme, ainsi que par les réfugiés eux-mêmes et la population locale pour organiser et contrôler le processus de démilitarisation de la région frontalière et gérer l’aide aux réfugiés ;
    • L’acceptation immédiate de ces réfugiés dans l’Union européenne, avec l’examen rapide de toutes les demandes d’asile et l’octroi du statut de réfugié ou d’autres statuts légaux, permettant de voyager sans entrave vers le pays de leur choix ;
    • La fourniture de logements et d’emplois stables, l’accès à l’éducation et aux soins de santé pour tous.

    Il s’agit toutefois de revendications qui répondent aux problèmes immédiats de ceux qui souffrent à la frontière bélarusse/polonaise.

    Nous rejetons toute tentative de dresser les réfugiés contre la population locale. L’argent utilisé pour l’appareil militaire et policier afin de “sécuriser” les frontières devrait plutôt être utilisé pour assurer la sécurité des réfugiés. Les profits réalisés par les compagnies pétrolières et les fabricants d’armes grâce aux conflits au Moyen-Orient devraient être récupérés et utilisés pour reconstruire les économies de cette région.

    La richesse des riches en Europe et dans le monde, générée par l’exploitation des pays plus pauvres et de la classe ouvrière dans le monde, devrait être utilisée au profit de tous. Nous comprenons que ce n’est pas une solution “facile” – mais c’est la seule vraie solution car, sans une transformation économique et sociale radicale de ces pays, aucune frontière, aucune police, aucun fil barbelé ne suffira à empêcher les réfugiés désespérés de tenter de s’enfuir.

    Les sanctions actuellement utilisées par l’impérialisme américain et européen contre les régimes autoritaires du Bélarus, de Russie, de Syrie et d’Irak sont inefficaces, nuisent au niveau de vie des travailleurs et des jeunes, tout en affectant à peine l’élite dirigeante. Elles permettent aux régimes de dépeindre le pays comme étant politiquement “assiégé” par les gouvernements occidentaux, tout en rejetant les difficultés économiques sur les sanctions elles-mêmes. Des sanctions efficaces commenceraient par l’ouverture des comptes des riches et de l’élite dirigeante de ces pays pour révéler qui sont leurs amis et collaborateurs dans d’autres pays, avec l’expropriation de leurs richesses. Cela ne sera possible que par l’action indépendante du mouvement ouvrier mondial.

    En effet, une lutte plus large de la classe ouvrière basée sur la solidarité internationale est nécessaire contre les causes profondes de cette crise – contre le régime autoritaire d’Aleksander Lukashenko au Bélarus et le gouvernement réactionnaire “Droit et Justice” en Pologne, ainsi que contre les politiques impérialistes des États-Unis, de l’UE, de la Russie et d’autres pays qui ont provoqué la catastrophe dans des pays comme la Syrie, l’Irak, l’Afghanistan et le Yémen – en d’autres termes, une lutte contre le capitalisme mondial et pour une société socialiste internationale et démocratique.

  • Ecosse : la perspective d’une lutte de masse pour l’indépendance à la lumière des élections de mai

    Plusieurs dizaines de membres du PSL/LSP et de sympathisants sont actuellement en route vers Glasgow afin de participer aux mobilisations autour de la COP26. Le texte suivant, publié en mai dernier par des membres d’Alternative Socialiste Internationale en Écosse, leur a été distribué dans le cadre de leur préparation politique.

    En apparence, les résultats des élections locales en Angleterre suggèrent que les Tories ont échappé à un règlement de comptes pour la catastrophe de leur gestion de la crise sanitaire : un bilan de plus de 150.000 décès, la plus grande contraction économique depuis trois siècles et la vie d’innombrables travailleurs bouleversée. Mais en Écosse, la victoire écrasante du SNP (Parti national écossais) et la majorité indépendantiste qui a été reconduite au parlement écossais reflètent la crise qui se prépare et qui sape les fondements mêmes du Royaume-Uni. Il existe un mandat incontestable pour l’indyref2 (le second référendum sur l’indépendance de l’Écosse), qui représente une réelle menace pour Boris Johnson, les Tories (conservateurs) et le capitalisme britannique.

    Tout au long de l’année dernière, les sondages ont constamment montré qu’une majorité existait en Ecosse en faveur de la sortie du Royaume-Uni, le taux atteignant même plus de 70% parmi la jeunesse. La gestion criminelle de la pandémie par Boris Johnson et l’impact dévastateur que cela a eu sur la vie des travailleurs et des jeunes n’ont fait qu’accroître le mécontentement qui alimente le désir d’indépendance et de rupture avec le règne des Tories.

    Le taux de participation sans précédent de 63 % – en hausse de 10 % par rapport à 2016 – illustre l’importance de ces élections. Pour de nombreux partisans de l’indépendance, la prochaine phase de la lutte était considérée comme dépendant du retour d’une majorité de membres du parlement écossais engagés, sur le papier tout du moins, à obtenir l’indépendance. Bien que le SNP soit passé à un siège de la majorité absolue, le fait que les Verts aient remporté 8 sièges signifie que 72 des 129 députés du parlement écossais sont favorables à l’indépendance. Le récit des commentateurs de l’establishment selon lequel les partis “unionistes” auraient obtenu une courte majorité du vote populaire est démenti par le fait que les sondages montrent régulièrement que 30 à 40 % des électeurs travaillistes (et même une minorité significative de membres du parti travailliste) soutiennent l’indépendance.

    Bien que ces résultats constituent un tournant, qui ajoute encore à l’élan en faveur d’un second référendum, le chemin à parcourir est parsemé d’obstacles que seul un mouvement de masse de la classe ouvrière peut surmonter.

    Les Tories écossais renforcent l’unionisme

    Les Tories écossais resteront le deuxième plus grand parti de Holyrood (surnom du parlement écossais) après une campagne qui les a dépeints comme les combattants les plus capables opposés à l’indépendance. « Arrêtons ensemble le SNP et Indyref2 » était l’un des nombreux slogans qui reflétaient une polarisation renforcée concernant la question nationale. En dehors de leur base traditionnelle, ils ont également ciblé les électeurs travaillistes et libéraux démocrates favorables à l’Union. En dépit de la faible cote de popularité du nouveau leader conservateur écossais Douglas Ross, cette approche semble avoir porté ses fruits. Comme l’a révélé un sondage, la moitié des personnes qui prévoient de voter pour les conservateurs le font pour des raisons “tactiques”, c’est-à-dire pour que l’Écosse reste au sein de l’Union.

    Si le Parti conservateur et unioniste a été contraint de prendre ses distances avec ses homologues anglais (Boris Johnson a même annulé une visite préélectorale en Écosse), il ne fait aucun doute qu’ils sont taillés dans la même étoffe réactionnaire. Lors d’un débat télévisé, Ross a été critiqué pour son attitude méprisable envers les gens du voyage. Le fait que cela ait provoqué une telle indignation montre le glissement vers la gauche de nombreux travailleurs et jeunes mais c’est aussi une démonstration de la meilleure compréhension du fait que les Tories représentent un groupe raciste et complètement pourri. Cela illustre encore que le soutien croissant à l’indépendance ne repose pas sur un nationalisme chauvin.

    Les travaillistes

    L’opposition des Tories à un second référendum a été imitée par le Labour écossais (les travaillistes) qui a poursuivi son virage à droite. Après la démission de Richard Leonard, sympathisant de la gauche molle de Corbyn, Anas Sarwar (un millionnaire dont l’entreprise familiale refuse de reconnaître les syndicats) a été élu dirigeant du parti en Ecosse, ce qui a remis les partisans de la ligne droitière de Tony Blair au poste de commandement du parti. Mais tout espoir que Sarwar puisse redonner vie au parti travailliste écossais a été anéanti. Apparemment en phase terminale, le parti a perdu deux autres députés et a enregistré le pire résultat électoral de son histoire depuis la création du parlement écossais (en 1999).

    Dans les derniers jours de la campagne, l’ancien Premier ministre travailliste Gordon Brown s’en est pris au SNP avec des mots qui trahissent l’état d’esprit des travaillistes : « C’est là toute la différence : Nous voulons mettre fin à la pauvreté des enfants, le SNP veut mettre fin au Royaume-Uni. Ils se lèvent le matin en pensant à un référendum, nous nous levons le matin en voulant une reprise économique. Ils se couchent en rêvant de séparation, nous nous couchons en rêvant de justice sociale. »

    Bien que le SNP doive effectivement être critiqué pour son bilan lamentable en matière de lutte contre les inégalités, Gordon Brown, qui a lui-même infligé une austérité brutale aux communautés de la classe ouvrière à travers la Grande-Bretagne, est la dernière personne en mesure de pointer ce parti du doigt !

    Qui plus est, cette logique ne tient pas compte du fait que le soutien à l’indépendance a augmenté précisément parce que les travailleurs et les jeunes écossais considèrent qu’il est nécessaire de rompre avec la pauvreté et la précarité, ce que les travaillistes n’ont ni le programme ni la volonté de réaliser. Socialist Alternative (ASI en Angleterre, au Pays de Galles et en Ecosse) défend que pour que l’indépendance écossaise transforme réellement la vie des travailleurs et des pauvres, il est nécessaire d’adopter une approche socialiste qui dépasse de loin la direction pro-capitaliste du SNP.

    Le SNP et Alba

    Malgré la complicité du SNP dans la fabrication de la crise actuelle, ce parti a augmenté son soutien électoral par rapport à 2016 et a gagné un député supplémentaire au parlement écossais. Tout au long de la pandémie, la cheffe du SNP Nicola Sturgeon a bénéficié d’une hausse de son taux d’approbation car ses communiqués plus avisés en matière de relations publiques et son comportement “prudent” la faisaient fortement contraster avec un Boris Johnson pompeux, la personnification même de la poursuite inconsidérée de la recherche de profit à tout prix du capitalisme.
    Le triomphe électoral du SNP ne reflète pas la force des illusions envers ce parti qui s’est déplacé encore plus vers la droite et dont la réponse face à la crise sanitaire a subordonné la santé et la vie des membres de la classe ouvrière aux intérêts du capital. En l’absence d’une alternative de masse à gauche, un vote pour le SNP était considéré comme la seule voie viable vers un second référendum.

    Sturgeon n’a survécu que de justesse à la crise politique qui a secoué le SNP dans les mois précédant les élections. Bien qu’elle se soit manifestée sous la forme d’un différend personnel entre elle et l’ancien Premier ministre Alex Salmond, la scission survenue au sein du SNP et la formation du parti Alba reflètent les contradictions de classe croissantes au sein du mouvement. Salmond a tenté d’exploiter le mécontentement à l’égard de la direction de Sturgeon, en particulier son approche conciliante pour obtenir un second référendum. Un certain nombre de personnalités du SNP et du mouvement indépendantiste au sens large ont rejoint Alba, notamment l’ancien député socialiste Tommy Sheridan.

    Ne se présentant que sur des listes régionales et appelant à un second vote tactique, la campagne d’Alba reposait sur l’utilisation des particularités du système électoral écossais pour obtenir une “supermajorité” de députés écossais pro-indépendance. Ils n’ont néanmoins pas réussi à remporter un seul siège au parlement écossais.

    Toute illusion selon laquelle Alba représentait une alternative de gauche au SNP devrait maintenant être complètement détruite. Il est apparu clairement au cours de l’élection que Salmond est entouré d’un ramassis de réactionnaires, y compris de racistes ouvertement déclarés. La candidate du centre de l’Écosse, Margaret Lynch, a prétendu à tort et à travers que les groupes de campagne LGBT préconisaient de réduire l’âge du consentement sexuel à 10 ans. Le comportement prédateur et misogyne de Salmond ne lui a pas non plus fait de cadeau auprès des femmes et des jeunes radicalisés qui rejettent plus que jamais le sexisme sous toutes ses formes.

    Les Verts : Une alternative de gauche ?

    Le Green Party Scotland a réussi à augmenter le nombre de ses suffrages et à obtenir deux sièges supplémentaires au parlement écossais. Répondant à la pression de la base, leur campagne s’est orientée vers la gauche avec des promesses électorales en faveur d’emplois verts, du financement du logement et des services sociaux ainsi que d’une taxe sur les millionnaires. Le Parti travailliste étant de nouveau sous l’emprise des « Blairistes » et désespérément déconnecté de la question nationale, certains considèrent les Verts comme une force de gauche pro-indépendance.

    Pourtant, les Verts restent un parti incapable ou peu désireux de rompre avec le capitalisme. A Holyrood, cela signifie que, dans le meilleur des cas, leur “opposition” se limite à bricoler sur les bords de l’approche de Sturgeon, celle d’appliquer “à contrecœur” l’austérité de Westminster (où siège le parlement du Royaume-Uni). Plus important encore, ils n’ont pas réussi à organiser la moindre riposte sur les lieux de travail ou dans les communautés locales.

    Il ne fait aucun doute que de nombreux électeurs verts, ainsi que des membres du parti vert, cherchent véritablement une issue à l’impasse du capitalisme. Beaucoup comprennent que la crise écologique à laquelle la planète est confrontée trouve son origine dans ce système reposant sur la course aux profits. Cela place nécessairement en tête de l’ordre du jour une lutte mondiale pour mettre fin au système capitaliste et planifier une économie verte dans le monde entier, un argument qui attirera une audience croissante en Écosse à l’approche du sommet sur le “réchauffement climatique”, la COP26 de Glasgow cet automne. Mais ce n’est pas ce que propose le parti vert. Ils sont loin de proposer un programme qui défie le système capitaliste et pointe vers une alternative socialiste. Qui plus est, c’est précisément dans le domaine de l’internationalisme que le manifeste des Verts a révélé l’insuffisance de confiner leur stratégie dans les limites du capitalisme.

    A l’instar du SNP, ils ont affirmé que : « Les Verts écossais pensent que l’avenir de l’Écosse est mieux servi en tant que membre à part entière de l’Union européenne (…) Nous ferons donc campagne (…) pour réintégrer l’UE en tant que nation indépendante dès que possible. » L’adhésion à l’UE, cependant, enfermerait une Ecosse indépendante dans un bloc commercial capitaliste dédié à la défense des intérêts des monopoles qui détruisent la planète pour le profit. L’UE pourrait être utilisée par la classe capitaliste pour mettre des bâtons dans les roues d’un éventuel gouvernement de gauche en Écosse qui voudrait revenir sur des décennies d’austérité et adopter des mesures de type socialistes.

    Sur la question de l’indépendance, ils ne sont pas plus avancés, reprenant la même stratégie légaliste que Sturgeon et consorts. Leur manifeste souligne que tout effort du gouvernement britannique pour bloquer un référendum serait « sujet à un défi juridique ». C’est ignorer le fait que les tribunaux des patrons ont toujours agi comme un barrage sur le chemin des luttes économiques, sociales et démocratiques de notre classe sociale.

    La classe dirigeante s’oppose à l’indépendance

    Pour toutes ces raisons, il est loin d’être évident que la majorité actuelle en faveur de l’indépendance sera suffisante pour garantir l’indyref2. Alors que les résultats n’étaient pas encore connus, Johnson a été clair dans son rejet d’un second référendum, le qualifiant d’”imprudent” et d’”irresponsable”. De même, le ministre conservateur Michael Gove a déclaré que l’échec du SNP à obtenir une majorité globale, sapait les arguments en faveur de l’Indyref2.

    Bien que ces résultats mettent sans aucun doute les Tories sous une pression accrue, les commentaires de Johnson et Gove donnent un aperçu de l’opposition bien ancrée à laquelle le mouvement indépendantiste sera confronté. Tous deux comprennent que la situation est très différente de celle de 2014, lorsqu’une classe dirigeante arrogante a accordé un référendum sans se rendre compte de la révolte de la classe ouvrière qui était sur le point de prendre forme.

    En réponse à la victoire du SNP, Johnson a maintenant convoqué un sommet de redressement Covid des nations dévolues du Royaume-Uni sur la façon dont elles peuvent travailler ensemble pour surmonter la crise. Bien que jusqu’à présent, il se soit montré particulièrement dur, voire maladroit, dans son opposition à l’indépendance, nous pourrions assister à un changement d’approche de la part de certaines sections de la classe dirigeante, qui viseraient plutôt un règlement ou une “réinitialisation” constitutionnelle pour sauver le Royaume-Uni de la ruine. Cependant, cela ne différerait que par le style plutôt que par la substance, car il est toujours vrai qu’un mouvement de masse pour l’indépendance de l’Ecosse serait un cauchemar pour la classe dirigeante britannique. Ils feront donc tout ce qu’ils peuvent pour l’empêcher.

    Un mouvement de masse de la classe ouvrière est nécessaire

    Bien que de tels efforts pour “réinitialiser” le Royaume-Uni soient presque certainement trop peu et trop tard et qu’ils n’arrêteront pas les processus clés qui poussent à l’indépendance, il n’est pas totalement exclu qu’ils puissent être utilisés par Sturgeon et d’autres comme couverture pour une retraite.

    Alors que Sturgeon a déclaré avec confiance que le second référendum serait « une question de quand et non de si », le mouvement de la classe ouvrière ne doit pas reculer et laisser la lutte pour les droits démocratiques aux mains de partis pro-capitalistes. Ni le SNP, ni Alba, ni les Verts ne peuvent mener la bataille nécessaire pour vaincre les Tories. Se concentrer sur les manœuvres parlementaires et légalistes ne sert qu’à éloigner le mouvement de la rue et à détourner l’envie de changement vers des canaux plus sûrs.

    Nous devons construire une campagne organisée de la classe ouvrière, des jeunes et de tous les opprimés pour les droits démocratiques. Cette campagne doit reposer sur des méthodes militantes de lutte de classe, telles que les grèves, les occupations et les manifestations. Une mobilisation coordonnée sur nos lieux de travail, dans nos écoles et nos communautés est la seule garantie de gagner un second référendum. Les syndicats doivent adopter une position ferme à ce sujet. Bien que le congrès du STUC (le Congrès des syndicats écossais) ait adopté une résolution soutenant l’Indyref2, cela reste largement une politique sur le papier. Peu de syndicats ont pris des mesures décisives pour s’opposer à la trêve du Labour conclue avec les Tories concernant la question nationale.

    Socialist Alternative soutient la construction d’une telle campagne, une campagne qui lie la lutte pour l’indépendance à la lutte pour le socialisme en Ecosse et au niveau international.

    Une Ecosse capitaliste indépendante ne résoudra aucun des innombrables problèmes sociaux auxquels sont confrontés les travailleurs et les jeunes. Bien que le désir d’échapper à un Brexit conservateur en forme d’accident de voiture ait donné de l’élan aux arguments en faveur de l’indépendance, les travailleurs et les jeunes ne devraient pas se faire d’illusions sur l’UE pro-capitaliste et raciste que le SNP et les Verts sont si impatients de rejoindre.

    Seule une transformation socialiste de la société, dans laquelle les sommets de l’économie passent dans le giron de la propriété publique démocratique et où la production est planifiée en fonction des besoins et non du profit, peut poser les bases d’un avenir exempt de pauvreté, de pandémies, de catastrophes climatiques et de toutes les autres horreurs du capitalisme. En fin de compte, un tel mouvement pour une transformation socialiste de la société ne pourrait jamais réussir s’il était confiné à une seule nation. Il est donc essentiel, pour construire une Écosse socialiste, de développer la solidarité au-delà des frontières. Cela signifie d’établir des liens avec les travailleurs et les jeunes qui luttent contre le capitalisme et l’austérité à travers l’Angleterre, le Pays de Galles, l’Ecosse et l’Irlande, en construisant la lutte pour une fédération socialiste libre et volontaire de ces pays, dans le cadre d’une confédération socialiste d’Europe et d’un monde socialiste.

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