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Category: Europe
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Émeutes en Suède. Racisme, inégalité et violence

Manifestation contre l’homme politique danois de droite Rasmus Paludan à Sonnenallee en 2020. Photo: C.Suthorn / cc-by-sa-4.0 / commons.wikimedia.org Les émeutes du week-end de Pâques ont fait l’objet d’une grande attention et sont préoccupantes. Les personnes vivant dans des “zones vulnérables” ont été soumises à la violence et à la destruction, déclenchées par l’autodafé du Coran par le raciste Rasmus Paludan.
Par Per-Åke Westerlund, Rättvisepartiet Socialisterna (RS, section suédoise d’ASI)
Les “solutions” des politiciens traditionnels et de la police sont toujours les mêmes, ce sont précisément elles qui ont conduit à la situation actuelle. Il y est question de la défense du “droit” de Paludan à s’engager dans des provocations racistes, sous une imposante et coûteuse protection policière. La véritable question qui préoccupe les nombreuses personnes concernées par Paludan est, bien entendu, de savoir comment mettre fin au racisme.
Après le week-end, les inquiétudes étaient grandes parmi les résidents des zones où les émeutes ont eu lieu. 14 civils et 26 policiers ont été blessés dans les banlieues pauvres de six villes (Linköping, Norrköping, Stockholm, Örebro, Malmö et Landskrona). 44 personnes ont été arrêtées par la police, dont trois ont été blessées par des tirs de sommation de la police. Des voitures de police et des véhicules civils ont été détruits et brûlés.
Police et répression
Des sanctions plus sévères et davantage de policiers avec des armes plus puissantes, telle est la réponse des politiciens et des médias, résumée par la Première ministre Magdalena Andersson en ces termes : “Les responsables doivent être arrêtés, condamnés et purger leur peine”. Le ministre de la police Morgan Johansson se défend en affirmant que la police a reçu un financement record ces dernières années.
Les racistes sur les médias sociaux applaudissent et intensifient leur campagne pour les expulsions de même que leur haine de toute personne qui défend une politique humaine en matière de réfugiés et de migration.
Détérioration du niveau de vie et de criminalité
Rien de tout cela n’est neuf. Ceux qui vivent dans les 61 zones désignées comme vulnérables par la police ont vu leur niveau de vie se détériorer régulièrement depuis de nombreuses années, parallèlement à la hausse de la criminalité. Les seules mesures positives sont les initiatives, les réseaux et l’organisation au niveau local.
Ceux qui vandalisent ou vendent de la drogue n’ont pas été limités par les policiers de Morgan Johansson. Les mesures les plus efficaces ont été prises par les organisations communautaires locales, par exemple dans le quartier de Husby à Stockholm, Jordbro à Haninge et Hammarkullen à Göteborg. Ce week-end, les médias locaux ont fait état d’initiatives à Örebro et à Jönköping. À Rosengård, les habitants ont éteint plusieurs incendies.
Les habitants des quartiers défavorisés n’ont pas choisi d’être plus pauvres, ils ont des emplois moins sûrs et un niveau d’éducation plus faible. L’augmentation spectaculaire des inégalités en Suède est le résultat de politiques délibérées. D’un côté, il y a le nombre record de milliardaires, et de l’autre, les jeunes sans avenir.
Les émeutes de ce week-end ont commencé à Skäggetorp, à Linköping. Là, la proportion de personnes ayant un “faible niveau économique” est de 47,4 %, contre 15,3 % dans le reste de la ville. La proportion de personnes ayant un niveau économique élevé est de 0,4 %, alors qu’elle est plus de dix fois supérieure dans l’ensemble de Linköping. Le taux de chômage à Skäggetorp est supérieur à 20 %. Sur une population d’un peu plus de 10.000 habitants, 1.778 sont des enfants vivant dans une relative pauvreté.
La classe ouvrière immigrée
Les zones vulnérables comptent une forte proportion de personnes nées à l’étranger ou dont les deux parents sont nés à l’étranger. Derrière cela, il n’y a pas d’”explication ethnique”, c’est simplement une question de classe – les travailleurs immigrés mal payés et les chômeurs vivent dans les banlieues.Sur les 556.000 personnes vivant dans les quartiers défavorisés, 411.000 sont d’origine étrangère. Plus de la moitié y vivent depuis 10 ans ou plus et 76 % sont des citoyens suédois (“origine étrangère” signifie être né à l’étranger ou avoir deux parents nés à l’étranger). Il y a 2.543.420 personnes d’origine étrangère dans l’ensemble du pays.
La police attaquée
En plusieurs endroits, c’est la police, et non Paludan, qui semble avoir été prise pour cible par des groupes masqués. Un témoin oculaire de l’un de ces endroits raconte à Offensiv : “Entre 25 et 50 hommes plus jeunes, habillés en noir avec des capuches, se tenaient en groupe. Ils ont rassemblé des pierres et des pavés en un tas, mais sont restés immobiles. Nous étions un groupe d’habitants qui se tenaient à l’écart, en espérant que rien ne se passerait. Au bout d’un moment, deux bus de police sont arrivés. Le groupe de personnes masquées a alors attaqué directement les policiers. Alors que la police se dispersait, le groupe a reculé jusqu’à sa “base”. La confrontation a continué pendant quelques heures”.
Le groupe violent ne semblait pas avoir de but politique ou religieux – aucune information n’a été diffusée ici, que ce soit verbalement ou par écrit. Ils n’ont pas cherché à s’enraciner localement.
Une société divisée
Magdalena Andersson met en garde contre une “cohésion réduite”, mais les divisions n’ont pas été créées ce week-end, mais depuis des décennies. Un rapport du Conseil de prévention de la criminalité résume : “Dans certains quartiers, la criminalité et l’insécurité sont plus élevées que dans le reste du pays. Il s’agit souvent de zones qui se caractérisent également par d’autres problèmes sociaux tels qu’un statut socio-économique faible, un taux de chômage élevé, un faible niveau d’éducation et des niveaux élevés de mauvaise santé.”
Leurs chercheurs ont tiré les conclusions suivantes sur l’action de la police :
– Les résultats sont meilleurs lorsque l’usage de la force par la police est combiné à des actions à caractère social.
– Les mesures purement dissuasives et punitives prises par le système judiciaire à l’encontre des jeunes peuvent avoir des effets plutôt négatifs.
– Une action policière basée sur le dialogue local, en coopération avec d’autres, peut augmenter la confiance des habitants dans la police.
Un provocateur raciste
Rasmus Paludan est un provocateur raciste, avec un programme de nettoyage ethnique par des expulsions forcées. Mais ceux qui, comme le leader du Parti de gauche Nooshi Dadgostar, décrivent le week-end comme lui ayant donné “exactement ce qu’il cherchait” n’offrent aucune alternative à ce qui aurait dû être fait. La responsabilité d’agir incombe à la police, la même police qui lui a donné la permission et l’a protégé.
Les racistes ont sans aucun doute été renforcés et vont maintenant plus loin qu’avant. Il y a une menace sérieuse d’augmentation de la violence raciste, y compris de la part de l’État, et de poursuite de la politique de droite avec des divisions encore plus grandes.
Contre le racisme et la violence
La gauche, les antiracistes et les syndicats ont la responsabilité d’agir à la fois contre le Paludan et contre la violence insensée. Brûler des véhicules et des bâtiments, et agir masqué et violemment est une plus grande menace pour les résidents locaux que pour “la démocratie du pays” comme l’insistent les politiciens. La lutte contre le racisme doit être organisée.
Il faut un changement de cap complet, organisé autour des revendications d’un enseignement de qualité et égalitaire, d’un investissement réel dans les quartiers, de la protection sociale et d’emplois sûrs pour tous. Il y a des ressources comme jamais auparavant : faisons payer les milliardaires et les banques.
Un mouvement pour un tel changement de cap doit avoir pour priorité la lutte contre le racisme et le sexisme. Toutes les tentatives de faire des migrants et des musulmans des boucs émissaires doivent être contrées. Le rôle des racistes est de nous diviser “ici-bas” au profit du 1% de la population qui détient le pouvoir économique. Des rassemblements et des manifestations avec un message clair contre le désarmement de la politique, contre le racisme et contre la violence sont la voie à suivre.
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Nouvelle victoire pour Viktor Orbán. Que se passe-t-il en Hongrie ?

Le parlement hongrois. Photo : Wikimedia Commons Viktor Orbán est le plus ancien chef de gouvernement de l’Union européenne. Le 3 avril, il a de nouveau remporté les élections et gouvernera avec une majorité des deux tiers. Il l’a remporté contre une coalition de tous les partis d’opposition établis. Que s’est-il passé ?
Par Till Ruster, Sozialistische LinksPartei (section autrichienne d’ASI)
Disons-le tout net : dans un pays dont le chef de gouvernement est notoirement autoritaire et au pouvoir depuis 2010, aucune campagne électorale ne pourrait être « équitable », même selon les normes bourgeoises.
Les principaux partis d’opposition n’ont pratiquement pas eu accès aux médias, qu’ils soient publics ou privés. Orbàn a construit autour de lui une clique de capitalistes hongrois aussi dépendante de lui que lui l’est d’eux. Il les rend plus riches, ils le maintiennent au pouvoir. Ces « amis » ont racheté les médias indépendants après qu’Orbàn en ait fermé certaines. Ainsi, tout ce que l’on pouvait entendre sur l’opposition dans les médias n’était qu’accusations à son encontre de la part du gouvernement.
Après avoir adopté une nouvelle constitution et introduit d’autres règles électorales, Orbàn a aménagé le système de vote de manière à soutenir le parti le plus fort. La plupart des sièges parlementaires sont élus directement par circonscription et sont remportés par le candidat le plus fort, qu’il ait ou non une majorité de 50 %. De cette façon, comme cela se passe dans certains autres pays, des millions de voix ne comptent tout simplement pas.
Mais même avec ces avantages, le parti d’Orbàn, le Fidèsz, n’était toujours pas sûr de gagner. Il a donc dépensé environ dix fois plus dans la campagne électorale que tous les autres partis réunis.
Mais ce serait manquer de perspicacité que d’expliquer ce succès uniquement par la manipulation et le manque de fair-play. Le Fidèsz dispose encore d’un soutien important dans la population, notamment dans les zones plus rurales. Orbàn a pu conserver ce soutien même pendant la période récente, très difficile, où le Covid et l’inflation ont rendu insupportable une situation sociale déjà précaire pour de nombreux Hongrois. Avec un grand nombre de personnes travaillant dans les pays européens voisins, les confinements signifiaient souvent que des revenus pouvaient complètement disparaître.
Une neutralité pro-Poutine ?
On aurait pu s’attendre à ce que la guerre en cours en Ukraine complique la tâche de l’extrême droite européenne, qui a toujours été très proche de Poutine. Cela est particulièrement vrai pour Orbàn, dont la « démocratie illibérale » est considérée par beaucoup comme un modèle pour l’extrême droite en Europe. Cette proximité n’est pas seulement politique : la Russie et la Chine financent d’importants projets d’infrastructure, comme l’extension de la plus importante centrale nucléaire de Hongrie.
Le Fidèsz ne se lasse pas de se représenter comme le parti de la révolte de 1990 contre le stalinisme. Orbàn lui-même a fait sa première apparition politique publique en 1989, lorsqu’il a exigé le retrait de l’armée soviétique de Hongrie lors d’une manifestation de l’opposition à Budapest. Chaque année, en octobre, il prend la parole lors de la commémoration nationale du soulèvement de 1956, expliquant que la Hongrie est aujourd’hui assiégée par des puissances étrangères et qu’elle doit leur résister comme elle l’a fait en 1956. Même si la situation était très différente en 1956, lorsque le Kremlin a envoyé des troupes pour réprimer un soulèvement ouvrier contre le stalinisme en faveur du socialisme démocratique, et en 1990, il existe des similitudes avec l’agression russe en Ukraine aujourd’hui.
Mais Orbàn a réussi à présenter la situation différemment pendant sa campagne électorale. Parmi les puissances qui veulent contrôler la Hongrie, a-t-il expliqué, il n’y a pas que la Russie, mais aussi l’UE et l’OTAN. La seule solution, a-t-il dit, est la « neutralité » et le souci de la Hongrie avant tout. Tous ceux qui veulent entraîner la Hongrie plus profondément dans ce conflit sont des ennemis du peuple. Dans son discours de victoire, il a même qualifié Zelensky d’ennemi parce qu’il aurait tenté d’intervenir dans les élections au nom de l’opposition pro-UE.
Cela révèle un conflit permanent entre la Hongrie et l’Ukraine au sujet de la minorité hongroise de ce pays. Orbàn intervient régulièrement en leur nom, non seulement en Ukraine mais aussi dans les pays voisins qui se sont séparés de l’ancienne « Grande Hongrie » après la Première Guerre mondiale, et il est jusqu’à aujourd’hui un point de référence, en particulier, mais pas seulement, pour les forces nationalistes de droite. Dans la plupart de ces pays, y compris en Ukraine, ces minorités font l’objet d’une discrimination, même si elle n’est pas aussi forte qu’Orbàn le prétend, alors que des minorités telles que les Roms sont victimes de discrimination en Hongrie même. Ainsi, l’accueil de 500.000 réfugiés de guerre ukrainiens peut sembler être un acte de solidarité, mais le fait que certains d’entre eux appartiennent à la minorité hongroise fait que cet acte s’inscrit parfaitement dans son programme nationaliste.
Quelques jours après sa victoire électorale, Orbàn a exprimé un soutien plus fort à Poutine en acceptant de payer le gaz en roubles et en proposant de servir d’intermédiaire.
Pendant l’élection, cette position sur la guerre en Ukraine s’est avérée populaire. Elle correspondait à un état d’esprit du type « nous avons assez de problèmes comme ça, laissons les puissances mondiales se battre entre elles ». Et c’est là la principale caractéristique du phénomène Orbàn aujourd’hui. Il n’est pas un leader célèbre en qui les gens ont confiance pour améliorer les choses, il est plus souvent accueilli avec cynisme et considéré comme un moindre mal. Les gens remarquent la corruption qui caractérise le parti Fidèsz du sommet à la base, c’est bien trop évident pour être négligé. Mais au moins elle ne s’y aggrave pas aussi vite qu’ailleurs, semblent croire de nombreuses personnes.
C’est le résultat de l’expérience des années 1990 et des gouvernements sociaux-démocrates du début des années 2000. Après l’effondrement du stalinisme, le niveau de vie a chuté rapidement, contredisant toutes les promesses faites par les partis pro-UE de l’époque. Orbàn rappelle cette période aussi souvent que possible à la population.
C’est tout particulièrement efficace lorsqu’il mentionne son prédécesseur, le social-démocrate Ferenc Gyurcsány, qui a été filmé en 2006 sur un enregistrement en admettant avoir menti aux Hongrois sur la situation financière désastreuse du pays. Nombreux sont ceux qui lui imputent, ainsi qu’à son parti, les dures retombées de la crise financière de 2008, lorsque des centaines de milliers de Hongrois ont perdu leur maison ou leur petite entreprise parce qu’ils ne pouvaient plus rembourser les prêts Forex. Il s’agissait de prêts en euros contractés en francs suisses qui devaient être remboursés alors que le forint hongrois s’effondrait. Cette situation a préparé le terrain pour l’arrivée au pouvoir d’Orbàn en 2010.
La meilleure opposition qu’un gouvernement puisse espérer
Depuis plus de dix ans, l’opposition tente de trouver un moyen de faire face au phénomène Orbàn. Les sociaux-démocrates se sont divisés en deux partis, le parti « socialiste » (MSZP) et la coalition démocratique (DK), tandis que d’autres partis se sont transformés. Les Verts hongrois (LMP) ont adopté des positions nationalistes et souvent racistes, tandis que le parti Jobbik a tenté de se réinventer, après avoir été l’un des partis néofascistes les plus puissants d’Europe, pour présenter une alternative plus conservatrice au Fidèsz. Plutôt que de développer une alternative politique claire au Fidèsz, ils se sont tous rapprochés de lui et l’ont imité.
Ce faisant, ils ont tourné le dos aux énormes et importants mouvements sociaux qui ont eu lieu contre Orbàn et ses attaques contre les droits des travailleurs, les droits démocratiques et sociaux et la jeunesse. Il y a notamment eu une série de grèves bien suivies des enseignants concernant les salaires et les effectifs, qui, malgré les tentatives d’interdiction de la grève, ont mobilisé des dizaines de milliers de personnes dans plusieurs manifestations depuis leur début en janvier. Non seulement aucun de ces partis n’a joué un rôle majeur dans ces protestations, mais ils n’en ont même tiré aucun élan.
Après des années de luttes intestines au sein des différents partis et entre ceux-ci, ils se sont donc orientés vers la construction d’une alliance électorale contre Orbàn et son gouvernement. Baptisée « Hongrie unie », elle comprenait les partis sociaux-démocrates déjà discrédités, les verts et le Jobbik d’extrême droite. Cette tactique a été qualifiée « d’arme ultime ». Ils ont organisé des élections primaires dans chaque circonscription pour décider qui serait le candidat le mieux placé contre le Fidèsz. Mais c’est à peu près tout. Après une lutte douloureuse, ils ont réussi à élaborer un programme de compromis auquel personne ne croyait vraiment et après une primaire nationale, Péter Márki-Zay a été désigné comme le meilleur candidat pour affronter Orbàn. La « Hongrie unie » n’a finalement obtenu que 37% des voix.
Péter Márki-Zay était un partisan de longue date du Fidèsz. Il soutient toujours les principaux principes de son programme. Il affirme simplement que, contrairement à Orbàn, il s’en tient au style de vie d’un patriote extrêmement conservateur, sans scandales et sans corruption (du moins jusqu’à présent), mais avec le même nationalisme sexiste, homophobe et raciste dont il est fier. Il était facile pour Orbàn de le dépeindre comme une mauvaise copie de lui-même.
Plus tôt dans l’année, alors que les questions clés débattues étaient la corruption, l’éducation et les soins de santé, Orbàn a été contraint de s’effacer, et à un moment donné, les sondages d’opinion ont suggéré que les deux groupes se disputaient la première place. Mais lorsque la guerre en Ukraine a éclaté, en opposition aux tendances pro-russes d’Orbàn, la « Hongrie unie » s’est retrouvée à défendre une position pro-UE en appelant à renforcer les sanctions et le soutien militaire à l’Ukraine.
Il y a beaucoup d’opposition à Orbàn, mais la « Hongrie unie » se contente simplement de ne pas être lui. C’est insuffisant pour mobiliser un enthousiasme. Une tactique similaire avait été utilisée lors des élections municipales de 2019 et, à Budapest, l’opposition a remporté le poste de maire, sans changement politique spectaculaire depuis lors.
Des tactiques similaires ont été utilisées ailleurs où il y a des dirigeants autoritaires de longue date. Le « vote intelligent » a été utilisé récemment en Russie, où les principaux groupes d’opposition, y compris certains groupes de gauche, ont appelé à voter pour le candidat le plus susceptible de gagner contre le parti de Poutine. Dans les quelques endroits où cela a réussi, cela a toutefois conduit à l’élection de députés qui comptent désormais parmi les plus farouches partisans de la guerre de Poutine.
Il est important de tirer les leçons de cette élection en Hongrie. Soutenir le « moindre mal » ne suffit pas à inspirer l’opposition, en particulier lorsque ce même « moindre mal » était lui-même responsable de la création des conditions économiques et sociales, y compris la corruption généralisée qui a conduit, en premier lieu, à la victoire initiale d’Orbàn. Non seulement les gens ont le droit d’être sceptiques face à une telle option, mais ils ont déjà démontré lors des élections précédentes qu’ils ne font pas confiance aux vieux partis établis pour offrir un meilleur avenir. Et comme les partis de la coalition « Hongrie unie » ont de toute façon rapproché leur politique de celle du Fidèsz, les électeurs ont raison de ne pas s’attendre à un changement de cap spectaculaire.
Un autre parti est entré au Parlement, « Notre Patrie », en obtenant 6% des voix et 6 sièges. Alors que le Jobbik cherchait la « respectabilité » en se rapprochant du conservatisme autoritaire du Fidèsz, les éléments les plus extrêmes, proches du fascisme, se sont séparés pour former ce nouveau parti. De manière significative, c’est le seul autre parti qui a bénéficié d’un temps d’antenne dans les médias publics et privés, ce qui n’a été possible qu’avec l’approbation du gouvernement. Cela suggère qu’il pourrait jouer un rôle, comme le font les partis d’extrême droite dans d’autres pays, en tant qu’outil que le parti au pouvoir peut utiliser pour se pousser plus à droite.
Quelle est la force du gouvernement ?
Le même jour que les élections, un référendum a également été organisé, proposé par le Fidèsz, visant à restreindre les droits de la communauté LGBT. Orbàn a tenté d’utiliser cette question pour se placer à l’avant-garde du conservatisme et des « valeurs familiales ». Il a fortement soutenu les questions homophobes du référendum, qui visaient à restreindre la représentation de l’homosexualité ou des questions transgenres dans les écoles, ainsi que l’éducation sexuelle en général. Mais alors que le taux de participation aux élections était de près de 70 %, moins de 50 % des électeurs ont voté au référendum et les propositions n’ont donc pas été adoptées, ce qui montre qu’Orbàn a du mal à mobiliser ses partisans sur des questions spécifiques.
Cela pourrait bien être plus important dans un avenir proche. L’inflation est déjà extrêmement élevée, atteignant 8,6 % en mars, et il est probable qu’elle atteigne bientôt les deux chiffres. Bien que le Fidèsz ait réussi à conclure un accord avec les banques étrangères pour un mémorandum visant à alléger la pression sur de nombreux prêts Forex, cela ne durera que jusqu’à l’été. Nombreux sont ceux qui risquent d’avoir plus de mal à les rembourser aujourd’hui qu’en 2008, ce qui pourrait les conduire à perdre leur logement, voire pire.
La Hongrie est également soumise à des pressions particulières en raison du développement des conflits mondiaux. Orbàn a réussi à monter la Chine, la Russie et l’Union européenne l’une contre l’autre, en prenant de l’argent de chacune de ces parties sans trop s’engager dans l’une d’elles. À l’heure actuelle, l’économie hongroise dépend des investissements chinois et russes, ainsi que de l’UE, notamment dans le secteur agraire sous-développé. Il ne semble pas possible que la Hongrie soit en mesure de maintenir longtemps sa position « d’ami de tous et de personne ». En effet, deux jours après les élections, l’UE a entamé un processus visant à priver la Hongrie d’une grande partie de son soutien en réponse aux politiques autoritaires du Fidèsz.
Depuis quelques années, l’alliance hongro-polonaise fait office d’alternative de droite aux puissances européennes que sont l’Allemagne et la France, notamment en ce qui concerne les politiques financières et la question des réfugiés. Mais la « neutralité » d’Orbàn à l’égard de Poutine met en péril l’importante relation entre le Fidèsz en Hongrie et le parti d’extrême droite au pouvoir, Prawo i Sprawiedliwość (Droit et Justice PiS) en Pologne. Le PiS est l’une des voix les plus fortes de l’UE pour donner à l’Ukraine le maximum de soutien, y compris militaire. Ce n’est pas seulement par soutien à l’Ukraine, mais parce que le PiS a besoin de jouer sur le nationalisme pour dévier l’attention des propres problèmes économiques et sociaux de la Pologne. Cette situation démontre que les alliances internationales entre forces nationalistes ont souvent leurs limites.
Une véritable alternative est-elle envisageable ?
Orbàn peut survivre grâce à la faiblesse des partis d’opposition. Pour les travailleurs et les jeunes, il est grand temps de rompre avec ces partis, de construire leurs propres organisations et de développer leur propre programme politique. L’adoption d’un point de vue de classe clair est cruciale à cet égard. Le racisme et le nationalisme sont utilisés en Hongrie pour masquer le fait que non seulement le Fidèsz, mais aussi tous les partis établis ne représentent pas les intérêts de tous les « Hongrois », comme ils le prétendent. Au contraire, en ignorant les intérêts de la classe ouvrière, des femmes, des LGBT, des jeunes et des minorités opprimées, les partis établis représentent simplement les différentes factions de la classe dirigeante.
Il y a clairement non seulement la nécessité, mais aussi un énorme potentiel pour une alternative de la classe ouvrière dans la politique hongroise. En 2019, le pays a été secoué par des mobilisations sociales concernant les lois sur le travail, les lois dites « esclavagistes », et les attaques contre les droits démocratiques. Plus tard, des manifestations ont eu lieu en faveur de la liberté artistique et universitaire. En 2021, ce fut au tour de la communauté LGBT de protester. Des manifestations contre la nouvelle loi sur le travail en 2018, aux grèves des ouvriers de l’automobile en 2019 jusqu’aux manifestations des enseignants d’aujourd’hui, nous constatons que le mouvement ouvrier hongrois est loin d’être en sommeil.
Une véritable alternative politique au régime actuel, corrompu et autoritaire, se baserait sur la classe ouvrière et les différentes luttes en cours. Seule une opposition claire, avec un programme qui fait face aux problèmes sociaux et qui mobilise réellement la résistance dans l’intérêt de la classe ouvrière – au lieu de se contenter de demander une voix aux élections avant de revenir aux « vieilles méthodes » telles qu’elles étaient avant l’arrivée au pouvoir d’Orbàn – peut délivrer un changement réel.
La pression exercée sur les organisations et les partis de gauche pour qu’ils soutiennent les blocs pro-capitalistes est énorme dans une situation comme celle de la campagne électorale en Hongrie ces derniers mois. La détermination est requise de la part d’une organisation fortement enracinée dans la classe ouvrière et les luttes qui s’y déroulent pour résister à la pression de rejoindre une alliance comme “La Hongrie unie”. Une organisation de travailleurs doit montrer qu’elle, son programme et ses politiques sont fondamentalement différents et indépendants non seulement de l’actuel riche au pouvoir, mais aussi de tous les partis des riches en général.
En particulier dans les mois à venir, la lutte ne devra pas seulement être menée contre le gouvernement avec ses mesures racistes et antidémocratiques, mais pour la défense des emplois, des salaires, et du secteur de la santé et de l’éducation, alors que leur soutien financier est sacrifié pour augmenter les dépenses militaires et la grave situation économique en général.
Il est important de lier ces luttes pour trouver une réponse politique aux partis des riches : un nouveau parti indépendant des travailleurs capable de s’opposer aux politiques capitalistes des partis actuels, en plaidant au contraire pour une économie planifiée véritablement démocratique, gérée au profit de tous, dans le cadre d’une Hongrie socialiste démocratique et d’une fédération socialiste plus large en Europe. Ce serait la véritable « arme ultime » dont Orbàn et ses amis capitalistes ont peur.
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France : Aucune voix pour Le Pen, mais Macron n’est pas la solution

Photo : Adrien Quatennens Pour défendre notre pouvoir d’achat, il faut une lutte de masse dans la rue
Dans un contexte de crise du capitalisme, amplifiée par la gestion désastreuse de la pandémie et la guerre impérialiste en Ukraine, le 2e tour de l’élection présidentielle opposera donc Emmanuel Macron à Marine Le Pen. Simple répétition des élections de 2017 ? En surface uniquement. Entre l’effondrement vertigineux des partis pivots de la 5e République (PS et LR), l’excellent résultat de la gauche de rupture passée à un cheveu du second tour et la manière dont les thématiques sociales se sont imposées contre la volonté des médias et partis dominants, ce 10 avril 2022 fut historique.
Par Nicolas Croes
Diviser pour mieux régner au service des riches
Ce résultat est l’expression de l’échec de la stratégie « Macron barrage contre l’extrême droite ». Le bilan des cinq ans de projet « Start Up Nation » est sans appel : la poursuite enthousiaste de la politique de transfert de richesses de la collectivité vers les ultra-riches par la précarisation des conditions de vie et de travail de la majorité de la population, la casse du service public par la privatisation et les restrictions budgétaires ou encore une politique fiscale symbolisée par la suppression de l’impôt sur la fortune.
Cette politique profondément antisociale a été accompagnée par une terreur policière accrue contre les gilets jaunes et les autres mouvements sociaux. On se souvient par exemple du visage ensanglanté de cette infirmière à la suite d’une journée de manifestation du personnel soignant après le premier confinement. Le cocktail n’aurait pas été complet sans éléments de division, par le biais notamment du racisme d’Etat par le biais notamment du « plan séparatisme » qui visait explicitement les musulmans. Il y eut encore ce débat télévisé consternant de février 2021 entre Gérald Darmanin et Marine Le Pen où le Ministre de l’Intérieur avait accusé la présidente du Rassemblement national de « mollesse » au sujet de l’islam… A cela est venue s’ajouter la gestion brutale et autoritaire de la pandémie. L’agressivité vis-à-vis des non-vaccinés a servi de paravent pour masquer les pénuries du secteur des soins. « J’ai très envie d’emmerder les non-vaccinés. C’est ça la stratégie » avait ainsi publiquement déclaré Macron.
Faute de riposte sociale conséquente, notamment de la part des organisations syndicales, cette division a pu s’installer et se nourrir du cynisme, de la frustration et du manque de perspectives pour de larges couches de la société. Et c’est là-dessus que Macron comptait : parvenir à une situation ou le chantage électoral face à l’extrême droite pouvait arriver au secours de son manque d’assise réelle dans la société. C’est grâce à Macron que Marine Le Pen apparaît plus forte aujourd’hui.
Une France qui s’extrême droitise ?
Parmi les éditorialistes, la question n’est quasiment même plus posée, elle est devenue une affirmation qui se passe d’argumentation. Pourtant, même dans une campagne qui a commencé autour des thèmes favoris de la droite, c’est le pouvoir d’achat qui s’est finalement imposé avec force comme LE sujet majeur. Tout le monde a été obligé de se prononcer sur le sujet.
Ensuite, le grand vainqueur, c’est avant tout l’abstention et le dégoût de toute la politique. Il s’agit du pire taux depuis les élections de 2002 qui avaient vu Jean-Marie Le Pen passer au second tour pour affronter Jacques Chirac (26%, soit 4% de plus qu’en 2017). Le phénomène est tout particulièrement présent parmi la jeunesse, dont les perspectives d’avenir s’assombrissent constamment, ainsi que dans les quartiers populaires, où la présence des autorités publiques n’existe quasiment plus que par la répression d’Etat.
De nombreux témoignages d’abstentionnistes expriment le sentiment que la campagne électorale était sans prise réelle sur la réalité. L’immigration et le sécuritaire ont dominé l’essentiel de la course au détriment des thèmes sociaux et notamment du pouvoir d’achat, malgré tout devenu omniprésent dans la dernière ligne droite. Le pouvoir d’achat était d’ailleurs le thème quasi exclusif de la campagne de Marine Le Pen (autour notamment d’une TVA à 0% sur les produits alimentaires). Celle-ci a laissé à Zemmour le soin de mener une campagne extrêmement raciste et c’est finalement beaucoup plus Valérie Pécresse, la candidate LR, qui a tenté de le suivre sur cette lancée, pour foncer droit dans le mur. Plusieurs figures de proue LR avaient rejoint Macron ou Zemmour durant la campagne, l’électorat a fini par faire de même.
Alors oui, l’extrême droite est en progression. Avec 23%, le Rassemblement National / FN réalise son meilleur score. Avec Zemmour et Dupont Aignan, 32% des votants se sont orientés vers l’extrême droite réactionnaire. Mais il y a également eu 25,5% pour une « gauche de rupture » non gouvernementale (France Insoumise, PCF, LO, NPA) : le meilleur score pour la gauche radicale depuis 1969.
Macron : une victoire en trompe l’œil
Le véritable enseignement de ce premier tour, c’est l’effondrement des partis de gouvernement et de gestion du capitalisme. Ensemble, LREM (le parti de Macron), LR (la droite historique), le PS et EELV (Europe Ecologie Les Verts) réalisent 39%. C’est la première fois que ce groupe de formation passe sous le seuil des 50%. Les 2 partis pivots de la Ve République, la droite officielle (Les Républicains aujourd’hui, 4,8%) et le PS (1,8%) se sont mangés de violentes claques électorales historiques et finissent à moins de 5% des votes exprimés (et donc sans remboursement intégral des frais de campagne).
2017 avait déjà représenté une cuisante défaite pour le PS à la suite du mandat de François Hollande ; mais le candidat de la droite officielle, François Fillon, avait tout de même recueilli 19% des voix. Aujourd’hui, Valérie Pécresse qui, hier encore, affirmait « Ma valeur c’est le travail, pas l’assistanat » s’est vue forcée de faire appel aux dons pour renflouer ses caisses de campagne pour éponger un déficit de 7 millions d’euros… Quant au PS, qui avait remporté toutes les élections de 2008 à 2012, des municipales aux présidentielles, il n’a même pas réussi à convaincre 2% des votants. Il ne reste à ces deux partis que leur ancrage local, mais pour combien de tempes ? Macron, de son côté, a toujours cherché à en avoir un sans jamais y parvenir.
Macron avait déjà bâti sa victoire de 2017 sur les cendres du PS et de LR, ce qui avait permis à la classe dominante de continuer sa politique, même sous un nouveau visage. Ce 10 avril, il a recueilli 4% de plus qu’au premier tour de 2017, un score finalement excessivement faible au vu de l’effondrement du PS et de LR. Le vote en faveur de Macron est un concentré de tout le vote pour l’idéologie dominante. Et c’est peu. La classe dominante s’est prise une claque monumentale.
La surprise Mélenchon
On donnait 8% au candidat insoumis au début de la campagne et encore seulement 14% fin mars. Finalement, Jean Luc Mélenchon n’a manqué le second tour que de peu en recueillant 22% des votes. Dans les derniers moments de campagne, il a su rallier des abstentionnistes (les sondages laissaient présager un taux d’abstention de 30%) et représenter un certain « vote utile » de la gauche. Mais il s’agit tout de même d’un vote en faveur d’une gauche de rupture, ce qui est très significatif. Mélenchon est le premier candidat des jeunes, au point où des commentateurs ont parlé d’une « génération abstention » qui côtoie une « génération Mélenchon ». Ses résultats ont quasiment augmenté partout dans les grandes villes, mais de petits reculs existent dans des petites villes et des régions rurales, précisément là où Marine Le Pen avait concentré sa campagne.
Avec une manifestation suivie d’un meeting qui a réuni 100.000 personnes à Paris ou encore 35.000 à Marseille, Mélenchon a mené une fois de plus une campagne qui n’a été égalée par personne (et de loin) en terme d’affluence et de mobilisation. Ces événements avaient rassemblé encore plus en 2017, mais c’était un reflet de la lutte des classes, cette campagne se situant alors dans le sillage de la puissante mobilisation sociale contre la Loi El Khomri en 2016 qui avait pesé sur la dynamique et le contenu de campagne de Mélenchon.
Comme nous l’avons développé dans notre appel, la candidature de Mélenchon avait le potentiel d’être saisie comme levier pour stimuler la lutte pour un changement de société. Mais plusieurs erreurs ont été commises selon nous. Le slogan principal de campagne – « un autre monde est possible » – était finalement très faible au vu des enjeux et de la colère qui existent aujourd’hui après 5 années de macronisme tout en faisant référence à un mouvement social (l’altermondialisme) dont la force date d’il y a plus de 20 ans. Chercher à souligner les liens avec le mouvement ouvrier organisé et ses revendications auraient été plus judicieux.
Pendant les premiers mois de campagne, alors que l’attention médiatique était tournée vers le racisme et la candidature de Zemmour, Mélenchon a opposé la rhétorique anti-migration à la notion de « créolisation » (exprimant une société où la mixité des cultures et origines permet de créer une plus grande richesse collective). Cette approche est la bienvenue mais elle reste insuffisante, surtout alors que des réponses socio-économiques ne manquaient pas dans le programme de campagne du candidat pour répondre aux inquiétudes sociales que cherche à instrumentaliser l’extrême droite (nous vous invitons à (re)lire notre appel de vote à ce sujet).
Ce programme, bien que ne manquant pas de points forts, reste réformiste, sans demande de nationalisation de secteurs-clés de l’économie, en se limitant à la création de pôles publics qui devraient être en concurrence avec le marché et soumis à ses diktats. L’aspiration à une 6e République synthétise cette recherche illusoire d’une république sociale en respectant les étroites limites du système capitaliste, tout particulièrement en période de crises multiples du capitalisme se renforçant les unes les autres.
D’autre part, un aspect essentiel a manqué durant toute la campagne et manque toujours aujourd’hui : celui de la préparation pour les combats à venir. En cas de victoire de Mélenchon, les marchés et la classe capitalistes n’auraient pas manqué de réagir en organisant la fuite des capitaux et des lockouts patronaux et en faisant tout pour faire plier Mélenchon comme jadis Mitterrand (voir notre article à ce sujet) et Syriza en Grèce plus récemment. Quelle riposte cela aurait-il exigé ? Et avec quelle préparation pour les travailleuses et travailleurs ? Ces éléments cruciaux sont restés sans réponse.
Ces faiblesses, liées au manque de démocratie et de structuration à la base au sein de La France Insoumise, aux positionnements internationaux parfois douteux de Mélenchon et à la participation à des coalitions locales menées par des maires EELV voire PS (ces organisations politiques étant à juste titre considérées comme faisant partie du problème et pas de la solution), ont certainement joué un rôle dans le fait que Mélenchon ne passe pas au 2e tour. Mais cette campagne allait indéniablement dans la bonne direction et a participé au processus de repolitisation de couches larges de la société en popularisant si pas un programme anticapitaliste et socialiste, au moins des éléments de ruptures qui peuvent permettre de faire le lien avec la nécessaire transformation socialiste de la société.
Préparons le 3e tour social
Au vu du peu qu’il a fallu pour que le second tour oppose Macron à un candidat d’une gauche de rupture, on peut comprendre la colère qui s’exprime contre les candidatures du PCF, de LO et du NPA. Au lieu de considérer ce qui était possible pour une campagne de gauche et ce qu’un passage au second tour aurait signifié – et cela aurait été une véritable bombe dans le paysage politique tout en gonflant considérablement la confiance des travailleuses et travailleurs – ces partis se sont laissés prendre au piège du pessimisme et ont mené des campagnes « pour exister ».
Il faut prendre garde à l’arithmétique post-électorale. Beaucoup d’électeurs du PCF (qui réalise le 2e pire score de son histoire) du NPA ou de LO (qui réalisent les pires scores de formations se réclamant du trotskisme depuis 1969) n’auraient pas voté pour Mélenchon. Mais même un appel de vote et un désistement dans la dernière ligne droite de la campagne aurait mobilisé non seulement une partie de leurs électeurs mais aussi davantage d’abstentionnistes. Une nouvelle occasion a été ratée – pourtant l’expérience de 2017 était là – il faut maintenant veiller à ne pas rater la suite.
Ces élections expriment surtout la faillite totale de la 5e république, dont les élections présidentielles avaient été imaginées pour être un facteur de stabilisation politique, mais dont le contrôle échappe à la classe dominante. Après la débâcle de Pécresse, LR entre en crise existentielle et va de plus en plus s’écarteler entre Macron et Le Pen. Pareil pour le PS, et certains vont maintenant ouvertement lorgner avec opportunisme vers Mélenchon, à l’exemple de Ségolène Royal. En Grèce aussi, quand Syriza avait supplanté le Pasok, nombre de carriéristes sociaux-démocrates avaient frappé aux portes de la formation de gauche et avaient accéléré le processus de transformation de ce Syriza en parti soumis aux marchés. La meilleure manière de repousser ces opportunistes, c’est d’accentuer l’implication de la France Insoumise dans les luttes de la rue et de renforcer considérablement l’organisation démocratique de la FI autour de ses groupes de base.
Dans la situation actuelle de crise, de militarisation et de tensions internationales, une chose est certaine : il y aura encore plus d’attaques antisociales et contre des boucs émissaires et plus de répression. Macron a déjà amplement démontré quelle était sa gestion des affaires d’Etat en temps normal et en temps de crise. C’est d’ailleurs pour cela que tant de gens considèrent voter malgré tout pour l’extrême droite de Marine Le Pen, parfois en estimant à tort que le parti s’est adouci concernant son racisme et que son vernis social n’est pas qu’un attrape-voix. Son projet politique reste clairement d’extrême droite et repose sur l’admiration des régimes « forts » dirigés par des autocrates et visant à appliquer une politique sévèrement raciste et antisociale, mais aussi anti-femmes et anti-LGBTQIA+. Macron et Le Pen partagent un même projet – la protection des intérêts capitalistes – mais avec des accents différents.
Sans diminuer l’importance des élections, nous devons nous rpapeler que la politique, c’est bien plus que cela. Toutes les avancées sociales qui ont été obtenues jusqu’ici ont été l’œuvre de la mobilisation de masse dans les entreprises, les écoles et la rue, pas du parlement. C’est là que se construit le véritable rapport de forces. Les deux candidats présents au second tour vont essayer de réduire l’impact de la rue sur la politique, et donc d’accroitre la répression tout en limitant les libertés démocratiques et les droits syndicaux. Non comprenons celles et ceux qui seraient tentés de voter Macron contre Le Pen, mais Macron est au cœur du problème et ne fait pas partie de la solution, même à la marge. C’est précisément la logique du « moindre mal » qui nous a conduits dans cette situation.
Il est notamment temps de faire des grandes assises de la lutte sociale – que nous entendons comme de grandes assemblées ouvertes et démocratiques liées à l’élaboration d’un plan d’action et de revendications – pour préparer le 3e tour social, pour barrer la route à Le Pen et à toutes les politiques réactionnaires dans la rue et préparer la résistance sociale contre la politique du nouveau quinquennat. Mélenchon et la France Insoumise peuvent et doivent jouer un rôle en réunissant toutes les organisations sociales, syndicales et politiques (y compris de la gauche radicale) pour préparer un plan de lutte offensif autour de revendications sociales. C’est aussi la meilleure manière de démasquer les mensonges du Rassemblement national.
Cette lutte permettrait en outre de poser les bases de la création d’un parti de masse des travailleurs et de la jeunesse, une gauche de combat capable d’accueillir et d’intégrer démocratiquement toutes celles et tous qui veulent lutter contre le capitalisme et ses conséquences. Il serait ainsi possible d’avancer vers un tout autre type de société et de système économique : une société débarrassée de l’exploitation et de la loi du profit, une société socialiste démocratique.
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Répression brutale des manifestations antiguerre en Russie

Le jour de l’invasion de l’Ukraine, des protestations immédiates ont éclaté en Russie. Le régime a tenté d’écarter le phénomène comme étant le fait d’une infime minorité. Vitaly Milonov, député du parti de Poutine, a décrit les premières manifestations sur Newshour (BBC, 26 février) comme l’œuvre de « plusieurs milliers de gays, de lesbiennes, de trotskistes et de racailles de gauche ». Oui, nous plaidons coupables : nous sommes nous aussi des opposants véhéments au régime du Tsar Poutine.
Rien qu’à Saint-Pétersbourg, 1.000 personnes ont été immédiatement arrêtées. En une vingtaine de jours, il y a eu au moins 14.000 arrestations dans 53 villes. La pression s’est faite de plus en plus forte pour ne plus s’opposer à la guerre. Une mère russe a témoigné dans De Standaard (12 mars) : « Mon fils de huit ans a reçu la visite du service fédéral de sécurité FSB à l’école. Les agents lui ont expliqué que « les vilains papas et mamans vont en prison et les enfants finissent à l’orphelinat ». L’école a également distribué des prospectus en langage enfantin expliquant pourquoi il est dangereux de manifester. Et ça marche, bon sang : mon fils me supplie maintenant avec des yeux de chien battu de rester à la maison. Ça me met tellement en colère. »
Le régime menace de punir sévèrement quiconque s’exprime contre la guerre, en particulier de manière organisée. Des peines de prison allant jusqu’à 15 ans sont prévues pour ceux qui diffusent de « fausses informations » sur la guerre et l’armée russe. Qu’est-ce qu’une fausse information ? Parler du nombre de victimes, prendre position contre la guerre ou simplement dire que Poutine ne fait pas du bon travail. Étant donné que du contenu antiguerre continue de circuler sur les médias sociaux ou via des connexions Internet sécurisées, on rapporte que des agents arrêtent des passants au hasard dans la rue pour fouiller leurs téléphones portables. Quiconque refuse de le faire est un suspect et peut être poursuivi en justice.
Il y a même des rumeurs selon lesquelles le régime envisage d’instaurer la loi martiale, ce qui équivaut en quelque sorte à une déclaration de guerre à sa propre population. Il reste cependant à voir si, et pour combien de temps, cette répression sera en mesure d’arrêter les énormes contradictions à l’œuvre dans les tréfonds de la société russe.
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Ukraine. Pour une autodéfense démocratiquement organisée !
L’autodéfense du peuple ukrainien contre l’invasion russe est particulièrement héroïque. Des milliers de personnes prennent les armes contre la prise en main de leur existence par un dictateur tel que Poutine. Cette autodéfense est juste et nécessaire.Un pays en crise
Malgré ses ressources naturelles, l’Ukraine est un pays en crise. Après la chute des dictatures staliniennes et l’indépendance du pays en 1991, ce pays n’a jamais connu la prospérité. La nature dictatoriale du régime, la corruption et la baisse du niveau de vie après la récession de 2008-09 (lorsque l’économie s’est contractée de 15 %) ont provoqué des mobilisations sociales en 2014. Mais ce mouvement, l’Euromaïdan, a été détourné en une discussion sur l’Ouest contre l’Est, l’Union européenne contre la Russie. La situation désespérée de la population a fait naître des illusions envers l’Union européenne (UE), alors que la Russie ne voulait pas relâcher son emprise sur l’économie ukrainienne. En l’absence d’un mouvement ouvrier fort, la protestation s’est transformée en une lutte entre intérêts impérialistes, cette lutte dans la région orientale du Donbass se poursuivant depuis lors par des moyens militaires.
Ce n’est qu’en 2016 qu’il y a eu une forte croissance économique, notamment grâce à l’argent envoyé par les émigrés. Ces fonds (12 milliards de dollars en 2019) ont dépassé les prêts du FMI. Toutefois, la croissance est restée très inégale et les salaires très bas. Le secteur des technologies de l’information, qui représente 7 % des exportations, offre des salaires élevés, allant jusqu’à 1.000 dollars par mois, alors que le salaire moyen en Ukraine n’est que de 500 dollars par mois.
La politique néolibérale du gouvernement pro-UE, avec le soutien de l’extrême droite, a raboté le niveau de vie des travailleurs et des jeunes. Cette tendance a été renforcée par le prix élevé du conflit militaire à l’Est. Les prix du gaz et du logement, entre autres, ont augmenté et les plus grandes entreprises publiques ont été privatisées.
Dans ce contexte, Zelenski a été élu en 2019 comme un outsider qui n’avait entretenu aucun lien avec les oligarques ou l’establishment politique corrompu. Il a promis une croissance économique de 40 % sur cinq ans, qu’il entendait atteindre en intensifiant encore les contre-réformes libérales et en créant un « climat d’investissement attractif ». Zelenski a rapidement dû remanier son gouvernement en raison de sa forte baisse de popularité due à l’absence de changement. Les luttes des travailleurs pour de meilleurs salaires se sont multipliées et les femmes ont aussi commencé à descendre dans les rues.
La crise du coronavirus a provoqué un tournant dans la politique : les privatisations ont été arrêtées et des investissements ont été réalisés dans les petites entreprises et les soins de santé. Cela n’a toutefois pas suffi à améliorer les conditions de vie, surtout lorsque les confinements dans d’autres parties de l’Europe ont fait pression sur les revenus des émigrés.
Avant la guerre, la popularité de Zelenski était au plus bas puisque ses promesses de changement et de rupture avec la politique au service des riches oligarques n’avaient pas été tenues.
De l’autodéfense militaire à l’autodétermination politique
La guerre a renforcé la popularité de Zelenski : il a choisi de rester sur le terrain plutôt que de s’exiler en toute sécurité. Il est considéré comme un combattant courageux qui ne se résigne pas face à l’invasion russe.
La question de savoir ce que le peuple ukrainien veut à la place de l’occupation russe reste toutefois entière. Un retour à une politique au service des oligarques ? Le nationalisme peut aider à garder le moral, mais permet-il également de mettre du pain sur la table ? Les bases de l’Ukraine d’après-guerre doivent être posées dans le cadre de l’autodéfense actuelle.Il faut défendre chaque pas vers une autodéfense organisée démocratiquement, impliquant le plus grand nombre de personnes possibles dans le respect de l’individualité de chacun, quelle que soit sa langue. Ceux et celles qui prennent les armes ne doivent pas laisser l’initiative de la gestion de la société aux oligarques, et encore moins à l’extrême droite qui, avant la pandémie, s’opposait invariablement aux travailleurs en lutte pour des hausses de salaire.
La classe ouvrière doit organiser elle-même la société. Pour y parvenir, la reconnaissance des droits des minorités nationales est essentielle. Cela renforcera la résistance collective à l’invasion russe et compromettra un scénario de guerre civile par la suite. La crise politique de ces dernières années est due au manque de perspectives de progrès pour la population. Une telle perspective ne viendra ni des oligarques, ni des politiciens libéraux, ni de l’Union européenne, qui organise une misère croissante dans ses propres pays.
La classe ouvrière doit prendre le contrôle de la richesse potentielle de l’Ukraine et l’utiliser pour rendre possible un avenir pacifique et prospère. C’est le changement socialiste pour lequel nous nous battons dans le monde entier.
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Stop à la guerre de Poutine ! Pour un mouvement de masse contre la guerre et l’impérialisme !

Rejoignez le bloc EGA-ROSA à la manifestation nationale “Europe for Peace”, à Bruxelles le 27/03 (13h, Bruxelles Nord)
Le 24 février, l’Europe s’est réveillée avec une guerre au cœur de l’Europe de l’Est, qui risque de plonger toute la région et le monde dans une confrontation militaire ouverte. L’invasion criminelle de l’Ukraine par le régime russe a constitué un choc dont les répercussions se font sentir dans le monde entier. Elle est synonyme d’abominables souffrances pour les populations d’Ukraine, de Russie et de toute la région. Les travailleurs et les pauvres du monde entier en font les au travers de leurs factures d’énergie et des prix de leur alimentation, tandis que les gouvernements détournent l’argent public vers des augmentations de budgets militaires. Des mobilisations de masse comme celles que nous avons vues en Allemagne sont nécessaires pour exprimer notre opposition à ces politiques et défendre une véritable alternative.
Des dizaines de milliers de personnes ont déjà été tuées. Plus de 1,5 million de personnes ont fui le pays pour se réfugier en Pologne ou encore en Roumanie, et près de 2 millions d’autres ont été déplacées à l’intérieur du pays. Une énorme vague de solidarité a accueilli ces réfugiés, presque exclusivement des femmes et des enfants, tandis que les décideurs politiques sont restés à la traîne. Des décennies de politiques néolibérales dans l’UE ont rendu les autorités publiques incapables de fournir des logements et des revenus adéquats aux réfugiés fuyant l’Ukraine et d’autres conflits. Cette situation est exacerbée par les politiques migratoires antisociales de l’Europe forteresse, qui favorisent une discrimination manifeste aux frontières.
Les femmes ont été particulièrement touchées par la guerre. Nombre de celles qui fuient ou qui restent sont exposées à toutes sortes d’abus physiques et psychologiques. Pendant ce temps, les fabricants d’armes se remplissent les poches avec les énormes profits générés par l’augmentation des dépenses militaires. L’équilibre des pouvoirs en Europe et dans le monde est profondément ébranlé et ce sont les pauvres et les opprimés qui en paient le prix. Les travailleurs et les jeunes n’ont rien à gagner de cette guerre et doivent s’organiser collectivement pour proposer une véritable alternative basée sur la solidarité internationale.
Cette guerre est principalement menée dans l’intérêt de l’impérialisme russe, mais elle implique toutes les puissances impérialistes. Les États-Unis et l’OTAN ont joué un rôle clé dans l’augmentation des tensions en Europe de l’Est et ont agi uniquement dans leur propre intérêt géopolitique, sans se soucier du bien-être des populations en Ukraine. La concurrence entre les États-Unis et la Chine pour un nouveau partage du marché mondial entraînera une escalade des confrontations militaires. La menace d’une guerre totale entre les superpuissances nucléaires du monde est plus réelle que jamais et ni les traités vides ni la « diplomatie de la canonnière » ne pourra résoudre ce problème. Nous avons besoin d’un mouvement de masse international capable de remettre en question les racines de cette compétition et les souffrances qu’elles entraînent.
Partout en Ukraine, en Russie et au Belarus, des jeunes et des travailleurs ont organisé des actions pour s’opposer à l’invasion criminelle de Poutine et exiger la fin des combats. Et ce, malgré une répression croissante, puisque plus de 14.000 manifestants ont été arrêtés en Russie au cours des deux dernières semaines. Nous devons soutenir le mouvement anti-guerre en Russie, car il a un rôle crucial à jouer pour arrêter Poutine sans causer de souffrances supplémentaires aux travailleurs et aux opprimés. Grâce à une action de masse coordonnée au niveau international contre la guerre et tous les impérialistes qui en profitent, nous pouvons nous attaquer aux racines systémiques de cette tragédie et poser les bases d’une société sans exploitation, sans guerre et sans oppression. Si vous êtes d’accord, rejoignez le bloc EGA-ROSA contre la guerre et l’impérialisme lors de la manifestation nationale “Europe for Peace” ce 27 mars à Bruxelles et luttons ensemble pour que nos besoins passent avant les profits des capitalistes.
Vous voulez nous aider à construire ce mouvement ? Aidez-nous à organiser des actions dans votre école, université ou lieu de travail !
– Stop à la guerre en Ukraine ! Retrait immédiat des troupes russes !
– Pour le droit des Ukrainiens à décider de leur propre avenir, y compris le droit à l’autodétermination des minorités !
– Aucune confiance dans l’impérialisme et la course aux armements des États-Unis et de l’OTAN.
– Non à la politique raciste de l’UE en matière de réfugiés ! Ouverture de voies sûres et légales pour tous les réfugiés. Accès à un logement décent, aux soins de santé et au travail ou aux allocations pour tous !
– Aucune illusion envers la diplomatie des fauteurs de guerre ! Pour un mouvement de masse international contre la guerre et l’impérialisme !
– Soutien aux mobilisations russes contre la guerre et le régime de Poutine !
– Pour une alternative socialiste et internationaliste aux conflits capitalistes qui conduisent à la guerre et à la destruction ! -
Des millions de personnes fuient l’Ukraine. Face à la solidarité populaire, un monde politique à la traîne

Les images ont choqué: des enfants et leur mère dormant à proximité de l’Institut Jules Bordet à Bruxelles, transformé en centre d’accueil et d’enregistrement des exilés ukrainiens. Si la solidarité manifestée par la population belge est impressionnante, l’inorganisation officielle de l’accueil est abominable.
Par Nicolas Croes
Plusieurs observateurs se sont interrogés : la récente campagne de vaccination n’avait-elle pas fait sortir de terre des infrastructures capables d’accueillir des centaines de personnes dans des conditions correctes ? Dans le cas présent, toutes les structures étaient débordées plus de dix jours avant le début du conflit. Enfin, il a été annoncé que le Palais 8 du Heysel allait prendre le relais. Cette absence de prévoyance malgré l’urgence traduit un problème plus profond : les conditions d’accueil sont depuis longtemps déplorables en Belgique. D’ailleurs, en octobre dernier, le personnel du centre du Petit Château (Centre d’accueil pour demandeurs d’asile à Bruxelles) était entré en grève pour dénoncer les conditions de travail difficiles et leurs répercussions humaines.
Les moyens des structures étaient déjà faméliques avant que n’arrive cette nouvelle crise des réfugiés. Près de 200.000 personnes provenant d’Ukraine devraient arriver en Belgique, selon les estimations du secrétaire d’État à l’Asile et la Migration Sammy Mahdi (CD&V). Plus de 4 millions d’Ukrainiens devraient fuir leur pays. Pour la Belgique, cela représente dix fois plus que la vague de demandeurs d’asile de 2015 qui fuyaient l’Afghanistan, l’Irak et la Syrie. Pour l’instant, il est difficile pour l’extrême droite ou la droite populiste de simplement ressortir leurs vieilles rengaines anti-migrants. Le Ministre-Président flamand Jan Jambon (N-VA) a annoncé un subside spécial par place d’accueil que les villes et communes flamandes libéreraient pour des réfugiés ukrainiens. Théo Francken (N-VA) a précisé quant à lui « il faut penser à l’accompagnement psychologique des personnes traumatisées par la guerre ».
Mais une fois l’émotion passée, la vague de réfugiés ukrainiens servira de prétexte pour toutes les carences budgétaires des CPAS, de l’enseignement, etc. Mais ces budgets vont réellement avoir besoin d’aide. Comme l’explique Sotieta Ngo, directrice de Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers (CIRE) : « En principe, c’est le Fédéral qui compensera les dépenses induites par l’accueil auprès des communes. Le logement social dont la temporalité se décline en années ne bénéficiera pas, dans un premier temps, aux Ukrainiens. Quelle proportion va rester sur le carreau et émarger au Revenu d’Insertion Social (RIS) ? Il n’y a pas de monitoring du profil socio-professionnel des arrivants. Combien de personnes âgées, combien en état de travailler, combien sont des femmes avec des jeunes enfants qui ne seront pas tout de suite disponibles pour le marché du travail ? On en sait rien. Mais il y aura du RIS: 10 ou 15% de cette population ? Cela va, en tous les cas, coûter au Fédéral, aux Régions, aux communes… ».
La solidarité contre la division et l’exploitation
En un temps record, 24.000 familles se sont déclarées auprès de leur commune comme disposées à vouloir accueillir des réfugiés ukrainiens. Cela fait écho au développement de la Plateforme citoyenne de Soutien aux Réfugiés, une coordination de bénévoles qui, depuis 2015, a géré la rencontre de dizaines de milliers d’hébergés avec plus de 7.000 familles hébergeuses. Cet élan de solidarité ne peut qu’être renforcé par une lutte en commun visant à arracher les moyens nécessaires pour que toute personne présente sur le sol du pays puisse mener une vie digne.
Les bâtiments inoccupés pour raisons spéculatives doivent être saisis pour être aménagés de manière à accueillir toute personne en difficulté de logement. Parallèlement à cela, un plan massif de construction de logements sociaux doit être mis en œuvre de toute urgence pour que plus personne ne se retrouve sur liste d’attente pendant des années. Cela ferait d’ailleurs pression à la baisse sur les loyers de chacun tout en offrant des perspectives d’emploi à des milliers de personnes.
Si ce type d’approche n’est pas adoptée (pour l’enseignement, les soins de santé,…) en allant chercher l’argent là où il est – sur les comptes en banques des grandes entreprises et de leurs actionnaires – les réfugiés ukrainiens, essentiellement des femmes avec enfants, seront les proies de toutes sortes de réseaux d’exploitation d’êtres humains. Les conséquences en seraient terribles.
Le mouvement ouvrier a son rôle à jouer à cet égard. Les organisations syndicales devraient de toute urgence lancer une vaste campagne de syndicalisation des réfugiés et demandeurs d’asile, d’où qu’ils viennent, notamment en envoyant des militants à tous les centres d’accueil avec tracts et brochures. De cette manière, les demandeurs et demandeuses d’asile pourraient directement savoir vers qui se tourner en cas d’abus de la part de leur patron ou du propriétaire de leur logement.
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Pour un mouvement de masse contre la guerre et l’impérialisme

Le 24 février, l’Europe s’est réveillée avec une guerre au cœur de l’Europe de l’Est qui risque de plonger toute la région et le monde dans une déflagration militaire ouverte. L’invasion criminelle de l’Ukraine par le régime russe est un choc dont l’onde se répercute à travers le globe tandis que d’énormes souffrances sont infligées aux travailleurs d’Ukraine et de Russie.Par Eugenio (Bruxelles)
Poutine espérait que l’affaire soit rapide, mais l’armée d’invasion s’est heurtée à une résistance farouche de la part des militaires ukrainiens et des populations civiles. Des comités de défense locaux ont été créés et les gens se sont équipés d’armes de fortune pour saper l’avancée russe. Les vidéos et les photos de civils non armés affrontant des véhicules blindés russes et demandant aux soldats russes de battre en retraite, parfois avec succès, sont peut-être les plus frappantes.
De nombreux jeunes soldats russes ont été confrontés à la réalité de cette guerre, qui se présente de manière très différente de ce que leur gouvernement leur avait fait croire. La situation est exacerbée par les difficultés logistiques auxquelles l’armée russe est confrontée, les pénuries de gaz et de nourriture signalées ayant un impact profond sur sa capacité à mener efficacement des opérations militaires.
La guerre de Poutine sous pression
Le mécontentement couve à tous les niveaux de la société russe, y compris parmi des membres de l’élite proches de Poutine qui exigent une escalade du conflit, comme le brutal dictateur tchétchène Kadyrov. Parallèlement, l’opposition à la guerre se fait de plus en plus entendre. Des manifestations ont eu lieu dans presque toutes les grandes villes du pays en dépit d’une féroce répression. La riposte occidentale a également eu un impact significatif sur l’économie russe, bien qu’elle ait touché de manière disproportionnée la population ordinaire plutôt que l’élite.
Face à toutes ces pressions, Poutine a dû régulièrement intensifier la brutalité de ses attaques. Le bombardement aveugle des grandes villes ukrainiennes, dont Kiyv, Odessa, Lviv, Mariupol et d’autres, a laissé des quartiers entiers en ruine. Plus de 1,5 million de réfugiés, presque exclusivement des femmes et des enfants, ont fui le pays et quelque 1,8 million d’autres ont été déplacés à l’intérieur du pays. Poutine s’est par ailleurs engagé dans une campagne de terrorisme psychologique pour briser le moral des masses en Ukraine. La menace d’une catastrophe nucléaire, utilisée à la fois en augmentant le niveau d’alerte des défenses nucléaires russes et en bombardant la plus grande centrale nucléaire d’Europe à Zaporizhzhya, en est un exemple.
Répondre à la peur par la résistance
Mais la résistance à l’invasion de la Russie n’a cessé de croître. Alors que les négociations et les contre-mesures occidentales continuent d’échouer, les jeunes et les travailleurs se sont organisés pour exprimer leur opposition à ce massacre insensé. En plus des grandes manifestations en Russie et au Belarus, nous avons vu se développer un mouvement antiguerre en Allemagne et des manifestations ont eu lieu dans la plupart des pays européens.
Alors que les impérialismes occidental et russe ne parviennent pas à mettre fin à la guerre, c’est à nous, travailleurs et jeunes, de proposer une alternative. Seul un mouvement antiguerre international venant d’en bas peut imposer la fin des combats et défier les élites qui profitent de la guerre. Nous sommes les seuls à pouvoir proposer des solutions capables de protéger des vies et de jeter les bases d’un monde sans guerre, sans impérialisme et sans exploitation. Rejoignez-nous et luttons ensemble pour notre avenir !
Nos revendications
– Stop à la guerre en Ukraine ! Retrait immédiat des troupes russes !
– Pour le droit des Ukrainiens à décider de leur propre avenir, y compris le droit à l’autodétermination des minorités !
– Aucune confiance dans l’impérialisme et la course aux armements des États-Unis et de l’OTAN.
– Non à la politique raciste de l’UE en matière de réfugiés ! Ouverture de voies sûres et légales pour tous les réfugiés. Accès à un logement décent, aux soins de santé et au travail ou aux allocations pour tous !
– Aucune illusion envers la diplomatie des fauteurs de guerre ! Pour un mouvement de masse international contre la guerre et l’impérialisme !
– Soutien aux mobilisations russes contre la guerre et le régime de Poutine !
– Pour une alternative socialiste et internationaliste aux conflits capitalistes qui conduisent à la guerre et à la destruction !Journal antiguerre : L’édition d’avril de Lutte Socialiste sort plus tôt et est presque entièrement consacrée à l’opposition à la guerre en Ukraine. Nous y présentons des arguments et des propositions visant à construire un puissant mouvement antiguerre, car c’est la clé du changement. Vous trouvez ce que vous lisez ici digne d’intérêt ? Alors, abonnez-vous à ce journal et ne manquez pas nos prochaines éditions ! Les abonnés qui souhaitent recevoir ces suppléments par courrier peuvent nous envoyer leur adresse postale à redaction@socialisme.be.
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Stoppons la guerre de Poutine !
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Solidarité avec la population ukrainienne !
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Pour le retrait des troupes russes !
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Soutenons les mobilisations anti-guerres en Russie !
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Construisons un mouvement de masse international contre la guerre et l’impérialisme !
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« Non à la guerre en Ukraine ! Les troupes doivent rentrer chez elles. Construisons un mouvement anti-guerre sur les lieux de travail et dans les universités ! » C’est l’appel lancé par des activistes anti-guerre lors des protestations contre la guerre en Russie. Le syndicat libre des métallurgistes du Belarus a déclaré : « Nous nous opposons à cette confrontation entre régimes capitalistes, qui ne fait qu’entraîner la souffrance des travailleurs ordinaires. » L’Union indépendante des journalistes et des travailleurs des médias de Russie a déclaré : « Cette mesure incroyable ne peut que conduire à la mort de nombreuses personnes dans nos pays et à une destruction massive. Pour la majorité des gens, la guerre entraînera une hausse des prix, un effondrement économique et un appauvrissement dans l’isolement international. » Les autorités russes tentent de stopper les mobilisations anti-guerre par la répression. Nos actions et notre solidarité doivent les renforcer.
L’invasion de l’Ukraine est une catastrophe pour la population, qui souffre depuis des années d’une politique de précarisation des conditions de vie et de corruption. À présent s’y ajoutent la mort, la destruction et la nécessité de quitter son foyer et son pays. Les jeunes russes sont envoyés à la mort dans une guerre qu’ils n’ont pas demandé. Ni à l’Est ni à l’Ouest, on ne soutient l’escalade de la guerre et la menace de destruction. Alors pourquoi ce conflit ? Parce que l’élite dirigeante autour de Poutine a fait un calcul stratégique selon lequel il lui serait désormais possible de gagner du terrain par la guerre. Tout cela dans le contexte d’une nouvelle guerre froide entre la Chine et les Etats-Unis et d’un désordre international croissant. Les calculs géopolitiques des forces impérialistes signifient la mort et la misère pour nous, la classe travailleuse.
Le gouvernement belge s’est empressé de promettre des armes. Pour l’accueil des réfugiés, en revanche, il compte sur la solidarité de la population ordinaire. Cette solidarité ne fait jamais défaut ; il suffit de voir comment des travailleurs en Pologne se mobilisent clairement pour assister les réfugiés. Alors que la politique d’asile répressive aime à présenter les réfugiés comme des « profiteurs », la guerre en Ukraine démontre de toute évidence que personne ne fuit par plaisir. Le gouvernement belge doit immédiatement organiser l’accueil et l’assistance collective de tous les réfugiés.
Que pouvons-nous faire ? Espérer une solution diplomatique ? De la part des fauteurs de guerre qui dirigent le monde ? La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. C’est le fruit de la lutte pour l’influence et la suprématie politique et économique inhérente au capitalisme. La guerre ne sera pas non plus stoppée par une nouvelle escalade et la confrontation entre machines de guerre avec armes nucléaires. N’accordons aucune confiance dans l’impérialisme américain, l’UE ou l’OTAN, dont le rôle est ailleurs aussi dévastateur que celui de l’impérialisme russe aujourd’hui en Ukraine.
Non, nous ne pouvons pas compter sur les pyromanes qui allument des incendies partout à travers le monde. Nous devons construire nos propres mouvements de masse contre la guerre et contre le système qui la produit. Le maillon faible des calculs de Poutine, c’est la résistance des masses ukrainiennes et celle des masses en Russie. Les mobilisations en Russie peuvent faire tomber Poutine et son régime. Le peuple ukrainien doit pouvoir décider de son propre avenir, y compris le droit à l’autodétermination des minorités.
Est-il impossible de mettre fin à la guerre ? C’est la révolution russe de 1917 qui a rendu la Première Guerre mondiale intenable et la révolution allemande de 1918 qui lui a porté le coup de grâce. L’impérialisme américain a dû se retirer du Vietnam après des pertes militaires, mais surtout après le développement d’un mouvement anti-guerre de masse dans le pays. La mobilisation de masse est nécessaire, mais elle reste insuffisante. C’est ce que nous avons vu en 2003 lorsque des millions de manifestants ne sont pas parvenus à stopper la guerre en Irak. Mais l’entrée en action des masses combinée à l’arme de la grève et du blocage de l’économie, peut remettre en question non seulement la guerre, mais aussi l’ensemble du système capitaliste.
Vous souhaitez entrer en lutte contre la guerre ? Rejoignez-nous dans la construction des mobilisations anti-guerre ici et à l’échelle internationale. Le PSL/LSP est la section belge d’Alternative Socialiste Internationale (ASI) qui – dans plus de 30 pays et sur tous les continents – lutte pour une société socialiste sans guerre ni exploitation ni oppression.
- Stoppons la guerre en Ukraine ! Pour le retour immédiat de toutes les troupes russes dans leurs casernes en Russie ;
- Pour le droit des Ukrainiens à décider de leur propre avenir, y compris le droit à l’autodétermination des minorités ;
- Pour que les pays de l’UE prennent des mesures d’urgence afin de fournir des ressources, des logements et un soutien financier à la vague de réfugiés ;
- Aucune confiance envers « l’humanisme » des puissances impérialistes ni envers la diplomatie des fauteurs de guerre ;
- Construisons un mouvement de masse anti-guerre et anti-impérialiste unissant les travailleurs et les jeunes de tous les pays concernés ;
- Pour une alternative internationaliste des travailleurs aux conflits capitalistes conduisent à la guerre et à la destruction.

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