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Category: Europe
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Le danger Éric Zemmour : Chasser la haine et la division par la lutte et la solidarité !

Photo : Wikimedia Commons À moins de 6 mois des élections présidentielles françaises, le chroniqueur TV et auteur d’extrême droite Eric Zemmour cartonne dans les sondages, au point d’arriver même en 2ème position dans certains d’entre eux. Comment expliquer cette ascension d’un raciste, sexiste, homophobe et anti-ouvrier notoire ? Comment construire une campagne qui permette de lui répondre avec un message de solidarité et une réelle perspective ?
Par Stéphane Delcros
La France évolue depuis des années dans un climat pesant de divisions et de violences policières brutales à l’égard des mouvements syndicaux et sociaux en général ainsi qu’à l’égard de la jeunesse, tout particulièrement d’origine immigrée. Le racisme d’État et les stigmatisations permanentes se sont accrus, avec pour cibles les populations issues de l’immigration et les musulmans.
‘Loi sur le séparatisme’, Loi ‘sécurité globale’, Gérald Darmanin (le ministre de l’Intérieur) dépassant Marine Le Pen sur sa droite en débat télévisé, Jean-Michel Blanquer (ministre de l’Éducation) propageant l’expression ‘islamo-gauchisme’,… Macron et ses gouvernements n’ont eu de cesse d’alimenter la division. Mais lorsque l’on s’attire les foudres d’autant de couches de la société, il faut savoir manier l’arme de la division pour éviter que celles-ci ne forment plus qu’un seul poing levé à un moment donné.
L’ascension du chroniqueur TV
Zemmour déverse ses visions réactionnaires depuis des années déjà dans les médias dominants. Entre sa condamnation pour provocation à la discrimination raciale en 2011 et celle pour provocation à la haine envers les musulmans en 2018, son discours s’est encore radicalisé et continue sur cette voie. Sa confiance est gonflée par l’atmosphère de haine et de division encouragée par les autorités.
Son succès est une nouvelle illustration de l’échec cuisant de la stratégie « voter Macron pour faire barrage à l’extrême droite ». C’est aussi une expression de l’échec de la gauche et du mouvement syndical à réussir à imposer son projet à l’agenda. Sans riposte sociale à la hauteur des enjeux, les politiques d’austérité et anti-travailleurs et travailleuses menées par Macron ont créé un terreau de frustration et de désespoir encore plus favorable aux préjugés et à la division. En majeure partie, la popularité de Zemmour n’exprime pas un ferme soutien à ses idées nauséabondes. Elle provient de l’atmosphère savamment entretenue par le sommet de la société et de son image « anti-système » plus « fraîche » et qui n’est pas issue d’un parti et du sérail politique traditionnel.
La force de Zemmour, ce n’est pas Zemmour
Zemmour ne s’est pas fait lui-même, c’est une construction consciente de la part de l’establishment. L’utilisation de l’extrême-droite au service des intérêts immédiats du pouvoir en place est une vieille habitude en France. L’essor du Front National dans les années ‘80 avait été favorisé par Mitterrand pour affaiblir la droite dont il craignait le retour après avoir trahi le programme qui l’avait porté à la présidence.
Macron n’a jamais fait mystère de sa stratégie pour un second mandat : sécuriser un socle d’au moins 10% d’électeurs (soit 20% dans les urnes compte tenu de l’abstention qui va de record en record) et s’attirer le vote du « moindre mal » face à Marine Le Pen au second tour. Mais après un premier mandat qui a marqué un tournant majeur vers l’autoritarisme et une sérieuse accentuation du racisme d’État, la stratégie est plus dangereuse que jamais. En affaiblissant la dynamique autour du Rassemblement National de Marine Le Pen, Zemmour rend un précieux service à Macron. C’est ce qui explique en grande partie les largesses médiatiques à son égard. Mais c’est encore une fois une dangereuse fuite en avant.
Notre camp doit arracher le micro des mains de la droite et de l’extrême droite
Le leader de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon a eu raison de s’inviter à un débat télévisé avec Zemmour fin septembre. Ça fait des années que la droite et l’extrême droite ont micro ouvert dans tous les médias sans aucun réel contradicteur. Nous avons été nombreux à accueillir enfin un autre type de discours avec ce débat, où Mélenchon répondait au discours de haine raciste à l’aide du terme de « créolisation », exprimant une société où la mixité des cultures et origines permet de créer une plus grande richesse collective. Pour les larges couches qui résistent toujours au discours de division dominant, ce type de réponse à grande audience face à l’extrême droite est un soulagement bienvenu, bien que limité.
Lutter contre les racines de la division
Pour combattre le racisme et la haine, souligner l’intérêt et la richesse de la multiculturalité ne suffira pas. La réponse à Zemmour et Cie est aussi et surtout socio-économique, pour couper court au désespoir social qui l’alimente.
‘L’Avenir En Commun’, le programme de la France Insoumise dont la mise à jour sortira mi-novembre, regorge d’excellentes revendications capables de rassembler autour de la solidarité : l’augmentation du salaire minimum (souhaité par 9 Français sur 10) ; le rétablissement de l’impôt sur la fortune supprimé par Macron, l’instauration d’une taxe sur les profiteurs de crise, un grand plan d’investissements dans les services publics (souhaités par 8 Français sur 10) ; le retour de la retraite à 60 ans (souhaité par 7 Français sur 10) ; etc.
Mais ce programme ne pourra devenir réalité qu’à deux conditions : d’une part, créer un rapport de force dans les entreprises et dans la rue autour du mouvement organisé des travailleuses et des travailleurs. D’autre part, en finir avec la dictature des marchés, ce qui permettrait aussi d’obtenir le financement des mesures nécessaires. L’expropriation et la nationalisation des secteurs-clés de l’économie (dont la finance en premier lieu, notamment pour bloquer la fuite des grands capitaux) permettraient de donner naissance à une approche planifiée pour faire face aux nombreux problèmes sociaux et environnementaux. La « planification écologique » contenue dans le programme de la France insoumise est à ce titre un pas dans la bonne direction, bien qu’encore timide.
Se battre pour l’unité dans la lutte
Les dernières années n’ont pas manqué de mouvements de masse en France. Depuis l’énorme mobilisation syndicale et sociale contre la Loi travail sous Hollande en 2016, le pays a connu les luttes des travailleurs et travailleuses des soins et des transports en commun ; celles des Gilets Jaunes ; la lutte de masse contre la réforme des retraites (un des conflits sociaux les plus intenses depuis Mai 68) ; les mobilisations de la jeunesse contre les violences sexistes, contre le racisme et les violences policières, contre le dérèglement climatique, contre la loi ‘sécurité globale’ ; …
Inspirons-nous de ces récentes mobilisations de masse – qui nous rassemblent au lieu de nous diviser – et organisons cette fois-ci davantage notre lutte autour de revendications sociales audacieuses qui ne se limitent pas à ce que permet le cadre étroit du capitalisme et de sa logique de profits. C’est ainsi que l’on pourra construire la confiance dans l’espoir révolutionnaire face au désespoir contre-révolutionnaire. Un autre type de société s’offrirait alors à nous comme fruit de nos luttes : une société socialiste démocratique qui mobiliserait les capacités techniques et les richesses actuelles pour l’épanouissement de toutes et tous dans le respect de l’environnement
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Manifestation antifasciste suite à l’attaque contre le syndicat italien CGIL

La campagne antifasciste Blokbuster soutient l’appel syndical à manifester à Bruxelles contre la violence fasciste dont a été victime le syndicat italien CGIL. Celui qui touche à l’un d’entre nous s’en prend à nous tous. La meilleure riposte contre la violence fasciste est de se mobiliser et d’organiser notre solidarité.
Le week-end dernier, l’extrême droite a organisé une marche à Rome contre le pass Covid qui sera obligatoire en Italie à partir du 15 octobre. Des militants du groupe fasciste Forza Nuova en ont profité pour faire une descente contre les bureaux du syndicat CGIL. Plus tard dans la soirée, des violences ont également été commises à l’encontre du personnel soignant de l’hôpital Umberto I à Rome. L’extrême droite montre ainsi une fois de plus qu’elle est l’ennemi absolu des syndicats et de toutes les organisations qui défendent les intérêts de la classe ouvrière.
Par la suite, 12 personnes ont été arrêtées. Parmi elles figurent des dirigeants nationaux de Forza Nuova tels que Roberto Fiore, qui s’est rendu en Grande-Bretagne pour échapper aux poursuites après un attentat à la bombe meurtrier à la gare de Bologne en 1980. Pour mettre fin à la violence, nous ne pouvons pas compter sur les dirigeants politiques qui, en Italie, n’hésitent pas à gouverner avec la Lega, le parti d’extrême droite de Salvini. Salvini a condamné la violence, mais il va sans dire que la participation de l’extrême droite au gouvernement renforce la confiance de groupes comme Forza Nuova.
Une mobilisation de masse est nécessaire pour pousser les fascistes sur la défensive. L’appel des syndicats italiens à une grande manifestation le 16 octobre est particulièrement important. Il est préférable d’y associer des revendications qui défendent les intérêts des travailleurs et de leurs familles contre la hausse continue des prix, pour une meilleure sécurité sociale et de meilleurs services publics, mais aussi en défense de l’environnement.
Le mécontentement entourant le pass Covid est renforcé par l’approche inadéquate de la crise sanitaire. La réponse est de lutter pour un investissement public massif dans les soins de santé et pour la nationalisation du secteur pharmaceutique afin que les mesures de protection et la vaccination se fassent sous la gestion et le contrôle démocratique du personnel et de la communauté. Ce n’est qu’alors qu’une approche planifiée sera possible pour une protection globale contre le Covid-19. Les vraies réponses à la crise ne peuvent venir que du mouvement ouvrier. Si nous ne le défendons pas de manière suffisamment offensive, il y a plus de place pour le désespoir de l’extrême droite et toutes sortes de divisions (racisme, sexisme, LGBTQI+phobie).
La violence fasciste à Rome est un avertissement que nous ne pouvons ignorer. Un antifascisme actif et combatif est nécessaire. Samedi, une action de solidarité de la FGTB aura lieu à 11 heures sur la place du Luxembourg à Bruxelles. Blokbuster appelle à y participer.
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France. Construire un rapport de force pour remettre la lutte et la solidarité à l’agenda

En juin, les élections départementales et régionales françaises ont été marquées par une abstention historique : 68% des électeurs ont boudé les urnes. Dans la catégorie des 18-24 ans, cette abstention grimpe même à 87% ! C’est bien entendu une illustration de la crise de légitimité qui frappe le monde politique français. Et un moment riche en leçons dans la perspective des élections présidentielles de 2022.
Les sondages ont systématiquement été interprétés comme les signes annonciateurs de l’inévitable duel Macron / Le Pen, cette dernière arrivant première au premier tour pour être battue au second. Les résultats des élections régionales viennent temporiser cette analyse. En tête dans 6 des 13 régions métropolitaines au premier tour de ces mêmes élections il y a six ans, le Rassemblement national ne l’a plus été que dans une cette fois-ci, passant de 28% à 19% à l’échelle nationale. Pourtant, ce sont ses thèmes favoris qui ont dominé la campagne : la sécurité et l’immigration.Le contexte de ces derniers mois en France a été celui du débat sur le « séparatisme » très franchement teinté d’islamophobie et de la campagne contre « l’islamo-gauchisme » qui a atteint des proportions ridicules. La droite et l’extrême droite ont monopolisé le temps de parole dans les médias. On se souvient du débat nauséabond entre Marine Le Pen et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin (qui n’a pas hésité à dire que Marine Le Pen faiblissait sur la question de l’Islam), mais les médias sont quotidiennement abreuvés de propos de ce type. Le chroniqueur d’extrême droite Eric Zemmour peut ainsi déverser toute sa haine plusieurs fois par semaine sur la chaine TV CNEWS et participer à la normalisation du discours raciste, sexiste et LGBTQI+phobe. Celui-ci laisse d’ailleurs planer le doute quant à une éventuelle candidature pour les présidentielles (il est actuellement crédité de 5,5% des intentions de vote).
Cet entretien d’un climat aussi ouvertement dégueulasse n’est pas dû au hasard ou au « racisme du Français moyen ». Macron n’a jamais fait mystère de sa stratégie pour être réélu : profiter du discrédit total du monde politique pour grimper au second tour aux côtés de Marine Le Pen et ainsi être élu au nom du « front républicain » contre l’extrême droite. C’est un jeu dangereux à la suite d’un quinquennat marqué par la répression brutale et sanglante des mouvements sociaux et l’accroissement des inégalités. Et la grande leçon qui s’impose à la suite de ces élections régionales et départementales, c’est que rien n’est écrit à l’avance dans une telle instabilité. Le second tour Macron-Le Pen n’est pas inéluctable.
Quel rôle peut jouer la France Insoumise ?
Entre 2009 et 2020, le patrimoine des milliardaires français a augmenté de… 439 % ! La France est ainsi le deuxième pays où cet essor a été le plus important, juste après la Chine et loin devant d’autres Etats comme les Etats-Unis (170 %) ou le Royaume-Uni (168 %). Si le SMIC (salaire minimum) avait augmenté aussi vite, il serait à 4.805 euros net aujourd’hui.
Sans surprise, 9 Français sur 10 sont favorables à l’augmentation du SMIC. 8 sur 10 sont favorables au rétablissement de l’impôt sur la fortune supprimé par Macron, à une taxe sur les profiteurs de crise, à un grand plan d’investissement dans les services publics (en particulier la santé), à la gratuité des premières quantités d’eau, à la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle. 7 Français sur 10 sont favorables à la retraite à 60 ans. 6 Français sur 10 sont favorables à la semaine de 4 jours. Ces mesures sont défendues par l’Avenir en commun, le programme de la France Insoumise.
Aujourd’hui, Mélenchon est à 12% dans les sondages, il devance largement le PS, Europe-Ecologie Les Verts et le PCF qui a décidé de présenter une candidature de son côté cette fois-ci. En 2012, Jean-Luc Mélenchon est passé de 3% à un an du scrutin, à 11% dans les urnes ; en 2017, de 11% à un an de l’échéance, à près de 20% et 600.000 voix du second tour. Ces percées ont été obtenues sur base d’une dynamique de campagne qui est parvenue à transformer de nombreux électeurs en militants. Ce n’est pas impossible ici non plus, même si le bashing médiatique intense anti-Mélenchon atteint des sommets, que Mélenchon lui-même a perdu du crédit parmi une partie de son électorat, notamment à cause de certaines mauvaises prises de position et que la France Insoumise est beaucoup plus considérée comme un groupe parlementaire que comme un véritable parti de lutte démocratique, après avoir pourtant mené un travail dynamique de stimulation de la lutte syndicale et sociale en début de mandat de Macron.
Le programme de la France Insoumise comporte plusieurs limites, notamment la volonté de rester dans le cadre d’un système capitaliste réformé grâce à la 6e République. Il représente toutefois un bon socle sur base duquel discuter de ce qui est nécessaire pour les travailleurs et leurs familles. Mais pour contrer l’abstention et mobiliser autour d’un projet de changement social, la France Insoumise devra absolument se lier aux mouvements sociaux, et s’y impliquer activement en tant qu’organisation. Selon nous, les élections de 2022 et les luttes qui à n’en pas douter jalonneront la prochaine période devraient être considérées comme un tremplin vers la constitution d’un parti large des travailleurs et des mobilisations sociales qui pourra s’impliquer de manière continue dans l’organisation de la lutte contre la classe capitaliste. Ce sera crucial pour tenter d’inverser le rapport de force, de restaurer la confiance dans la force collective de la majorité sociale et de donner la perspective pour un véritable changement sociétal, solidaire et inclusif, et qui réponde réellement aux besoins.
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Élection à Madrid : Un programme socialiste révolutionnaire est nécessaire pour s’unir contre l’extrême-droite

Pablo Iglesias. Photo issue de son compte Twitter. La nette victoire du Parti Populaire (PP, droite) aux élections régionales de Madrid sera une pilule amère à avaler pour les travailleurs, les jeunes et toutes celles et ceux qui ont souffert l’année dernière de la pandémie. Le personnel soignant, qui a vaillamment tenté de surmonter la gestion exécrable et parfois criminelle de la crise par le gouvernement régional du PP, aura tout particulièrement du mal à comprendre ce qui s’est passé. Au début de la crise, en mars, 2020 résidents de maisons de retraite privatisées ont été littéralement laissés à l’abandon par le gouvernement de Madrid.
Par John Hird, Socialismo Revolucionario – section d’Alternative Socialiste Internationale dans l’État espagnol
La participation à ces élections a augmenté de 11% par rapport à 2019 pour atteindre 75,9%, une participation élevée pour une élection régionale. Cela reflète l’atmosphère polarisée de cette campagne. Pablo Iglesias, le dirigeant d’Unidas Podemos qui avait démissionné de son poste de vice-président du gouvernement espagnol pour mener la campagne du parti, et d’autres leaders de gauche ont par exemple reçu des balles par la poste et des menaces de mort.
Il y a clairement des gagnants et des perdants. Le PP dispose de 35 sièges en plus et a obtenu plus de 864.000 voix supplémentaires. Le parti populiste de droite Ciudadanos a perdu ses 26 sièges et plus de 500.000 voix, probablement majoritairement récupérées par le PP. Le parti néofasciste VOX a gagné un siège supplémentaire, et en obtient dorénavant 13, et 35.000 voix de plus. Le PP est en mesure de constituer un gouvernement avec le soutien ou l’abstention de Vox.
Le PSOE, le parti social-démocrate qui dirige le gouvernement espagnol, est le grand perdant. Il est passé du plus grand parti disposant du plus de voix et du plus grand nombre de sièges en 2019 à la troisième place aujourd’hui, derrière Más Madrid, la scission modérée de Podemos. Malgré une campagne très médiatisée menée par Pablo Iglesias, Unidas Podemos (UP) n’a obtenu que trois sièges supplémentaires et une augmentation modérée du nombre de ses voix.
Les élections ne constituent jamais qu’un instantané de l’atmosphère de de la société. Ces élections régionales soulèvent toutefois des questions fondamentales que les marxistes doivent aborder sérieusement.
Un virage à droite à Madrid et dans l’État espagnol ?
Le PP et Vox ont présenté le résultat électoral comme un choix entre « la liberté ou le communisme », tandis qu’Iglesias a rétorqué qu’il s’agissait de choix entre « la démocratie ou le fascisme ». Comme mentionné précédemment, Pablo Iglesias a reçu quatre balles dans un courrier avec une menace de mort contre lui, sa compagne et ses parents. Lors d’un débat à la radio, il a mis au défi la candidate de Vox de condamner les menaces de mort, et quand elle a refusé, il a quitté le débat, suivi par les candidats du PSOE et de Más Madrid.
Pablo Iglesias a eu raison de démissionner de son poste de vice-président pour se présenter aux élections de Madrid et affronter directement le PP et Vox. Sa campagne a réveillé de nombreux travailleurs et surtout les jeunes face à la menace de l’extrême droite. Mais c’était malheureusement trop peu et trop tard. De plus, Iglesias était entaché par sa participation à la coalition gouvernementale.
Socialismo Revolucionario – section d’Alternative Socialiste Internationale dans l’État espagnol – a fait valoir au moment de la formation du gouvernement de coalition PSOE / Unidas Podemos qu’au lieu de s’y joindre, Unidas Podemos aurait dû soutenir la formation d’un gouvernement PSOE de l’extérieur pour faire barrage à la droite, tout en conservant son indépendance politique en restant dans l’opposition. En faisant partie du gouvernement du PSOE, Unidas Podemos s’est isolé des travailleurs et de la lutte de la rue. Nous disions alors : « Ce retrait de la rue et cette entrée à part entière dans le jeu institutionnel avaient déjà fait perdre à Unidas Podemos de nombreux votes et sièges lors des dernières élections, et sa base de soutien pourrait encore diminuer au profit d’autres forces perçues comme plus « anti-système ». De ce point de vue, l’extrême droite Vox pourrait se positionner comme une force anti-système et rallier encore plus de soutien. » Malheureusement, cette perspective a été confirmée par les événements. Iglesias a maintenant annoncé sa démission de la direction de Podemos, et de la politique tout court, en raison de l’échec de sa stratégie.
Isabel Díaz Ayuso (figure de proue du Parti populaire) est parvenue à surmonter le scandale des décès dans les maisons de retraite, celui des conséquences des années de sous-investissement dans les services de santé de Madrid responsables de la contamination plus élevée dans la région ou encore celui de leur mauvaise gestion générale de la crise. Ayuso s’est présentée comme une sorte de Trump espagnol en défendant la « liberté » de maintenir l’économie en marche contre les restrictions du gouvernement du PSOE. En invoquant la « liberté » des Madrilènes, elle a ignoré les recommandations du gouvernement de fermer la vie nocturne animée de la capitale en réponse à la pandémie. Elle a insisté pour que les bars et les restaurants restent ouverts, malgré des taux de contamination parmi les plus élevés du pays. Ayuso, avec l’aide de la presse, a réussi à mobiliser une couche de petits commerçants en sa faveur.
Ayuso et le leader national du PP, Pablo Casado, présentent leur victoire comme la première étape pour se débarrasser du gouvernement espagnol dirigé par Pedro Sánchez. “¡Madrid es España !” (Madrid est l’Espagne) ont-ils crié le soir des élections en recevant les félicitations de Vox. Vox appelle ouvertement à l’interdiction de tous les partis qui soutiennent la ” rupture de l’État espagnol “, y compris les partis indépendantistes de Catalogne et du Pays basque ! Le succès de la droite à Madrid ne fera qu’exacerber les questions nationales non résolues.
Ces élections étaient tout autant une opportunité qu’un test pour la gauche. Au début de la campagne, Iglesias a proposé de mener une campagne commune avec Más Madrid pour s’unir contre la droite. Son ancien camarade Iñigo Errejón, aujourd’hui dirigeant de Más Madrid, et son associé Mas Pais au parlement espagnol, ainsi que la candidate madrilène Mónica García ont refusé. La désunion de la gauche est un facteur de démoralisation pour de nombreux travailleurs et jeunes. Malgré l’augmentation du taux de participation aux élections, plus d’un million de personnes n’ont toujours pas voté.
Les élections de Madrid ont révélé une nouvelle polarisation de la société, entre les classes, les régions et les nations historiques. Elles ont également mis sur la table les politiques réelles du PP et de ses partenaires de Vox. Vox s’est engagé à respecter une série de revendications formulées par l’organisation catholique ultraconservatrice Hazte Oír (Faites-vous entendre) avant les élections. Cette liste en six points comprend un engagement à bloquer l’accès au droit à l’avortement et à l’euthanasie, et à abroger les lois régionales protégeant les personnes contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.
En 2019, Hazte Oír a financé un bus pour faire le tour du pays, afin de faire campagne contre les “féminazis” et la loi espagnole sur la violence sexiste. Le message principal du bus était le suivant : “Ce n’est pas de la violence de genre, c’est de la violence domestique”. Le bus comportait également une image d’Adolf Hitler maquillé et portant le symbole du féminisme sur sa casquette militaire, au-dessus du hashtag “#StopFeminazis”.
Mais il n’y a pas que Vox qui soutient ces idées ultra-réactionnaires. Avant d’être nommée présidente de Madrid la première fois, Ayuso a déclaré à EL PAÍS en janvier 2019 que “l’avortement n’est pas le droit de la femme.” Ses autres déclarations comprenaient : “Je m’inquiète du fait que le père n’est jamais considéré et que l’avortement est presque utilisé comme méthode de contraception” ou encore “Je ne criminalise personne, mais un pourcentage très élevé [des femmes qui avortent] sont des migrantes ou des femmes sans ressources qui le font pour la deuxième ou troisième fois.” Si Ayuso tente de faire de ces vues rétrogrades une réalité en tant que présidente de Madrid, imaginez la réponse qu’elle obtiendra dans les rues de la part des femmes !
Les tâches qui attendent la gauche
Les élections de Madrid montrent clairement les tâches qui attendent la gauche. La droite et l’ultra-droite sont organisées et ont une vision de ce qu’elles entendent réaliser. Leur discours réactionnaire s’est “normalisé” dans la presse et même dans les talk-shows en journée.
La gauche doit développer des activistes et des leaders qui ont le courage de faire face aux fascistes, mais qui vont aussi audacieusement au-delà d’une vague et belle défense de la “démocratie” et qui exposent un programme radical qui apportera un réel changement dans la vie des travailleurs. L’ultra-droite et les idées fascistes seront vaincues par l’unité de la classe ouvrière autour d’un programme de transformation de la société. Un appel à maintenir le statu quo n’inspire pas et ne fera qu’encourager la réaction. En particulier au milieu de la crise sanitaire, la gauche doit mobiliser autour d’un programme capable de fournir des soins de santé gratuits et de qualité pour tous, et de garantir que les revenus et le niveau de vie soient protégés.
En effet, les techniques de propagande utilisées par Vox avaient déjà été testées et éprouvées en Allemagne par les nazis. Vox a attaqué le coût pour la région de Madrid des mineurs migrants non accompagnés sur des panneaux publicitaires géants, et les mots utilisés pour déshumaniser Pablo Iglesias, tels que “rat” et “bossu”, reflètent les stratégies utilisées par le parti nazi d’Hitler pour gagner des millions d’Allemands désespérés dans leur volonté de persécuter et d’anéantir non seulement les Juifs, mais aussi les handicapés et les malades.
La victoire de la droite à Madrid est un sérieux coup de semonce, et la gauche doit en discuter ouvertement et de toute urgence avec toutes les sections de la société qui veulent résister. Il est particulièrement urgent d’aborder le meilleur résultat obtenu par VOX dans certains quartiers ouvriers et de lancer des campagnes antiracistes et antifascistes, en particulier parmi les jeunes. VOX a même formé un “syndicat” réactionnaire, nommé Solidaridad.
Il est clair que le résultat était un vote de protestation contre les politiques de la coalition gouvernementale et leur gestion de la crise du COVID19. Au cours de l’année écoulée, les travailleurs ont mis leur vie en danger et ont assuré la survie de l’économie et de la société, mais il n’y a eu pratiquement aucune voix authentique au Parlement pour exprimer les besoins et les aspirations de la classe ouvrière. Aucune voix ne s’est élevée contre les banques, les multinationales et les grandes entreprises qui profitent de la pandémie et licencient les travailleurs. Malgré la coalition PSOE-UP, il n’y a pas eu de discussion sur un programme socialiste au Parlement pour nous sortir de ce pétrin. La défaite est aussi le lourd tribut payé par la gauche autour de l’UP, pour avoir participé au gouvernement du PSOE qui est basé sur une nébuleuse “unité nationale”. Cela signifie qu’il n’y a pas eu de véritable opposition politique à la gestion de la crise du COVID19 par le gouvernement régional d’Ayuso Madrid, malgré la colère brûlante des travailleurs, en particulier des travailleurs de la santé de première ligne.
Les socialistes et les travailleurs ne peuvent pas ” démissionner ” de la lutte des classes. Beaucoup seront déçus par ce qui s’est passé à Madrid, mais les conditions de la vie quotidienne nous obligent à poursuivre le combat. Une partie de ce combat consiste à comprendre.
Pablo Iglesias se retire de la politique, nous exhortons les militants à s’avancer et à rejoindre la lutte pour armer le mouvement d’idées socialistes claires.
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Actions paneuropéennes de collectifs de migrants grecs contre la répression

Paris Plus de 60 personnes, venant de plus de 16 villes européennes, se sont réunies en ligne, mobilisées par la vague croissante de violence et de répression policière qui se développe en Grèce ces derniers mois.
Depuis quelques semaines, des actions contre les violences policières ont déjà été organisées dans plusieurs villes européennes par les Grecs qui y vivent. À Édimbourg, au moins trois rassemblements ont été organisés pour informer et sensibiliser la population locale à la question, et des slogans et des images ont été projetés dans un endroit central de la ville. Des actions ont également eu lieu à Copenhague et à Göteborg, tandis que des collectifs grecs sont intervenus dans des mobilisations locales contre la répression à Paris, Berlin et Barcelone, mettant en lumière ce qui se passe en Grèce.
Suite à ces actions sporadiques et autonomes, des collectifs grecs de différents pays se sont rencontrés en ligne afin de se coordonner de manière plus organisée. Un groupe Facebook a été créé, et compte déjà plus de 1500 membres. Dans ce groupe une lettre de protestation a d’abord circulé et il y a un échange d’informations.
Des collectifs et des individus participent à ce groupe. Certains de ces collectifs existaient déjà pendant les années des mémorandums, tandis que d’autres ont été établis récemment. En effet, pendant les années de la crise profonde en Grèce, dans de nombreuses villes, comme Londres, Amsterdam, Paris, Lyon, Bruxelles, Barcelone, Berlin, Florence, etc., des collectifs de solidarité avec le mouvement grec avaient été créés, et conduisaient un travail d’information et des actions de protestation, en essayant également de servir de lien entre les mouvements de leurs pays et ceux de la Grèce. Les points culminants ont été les grandes mobilisations de 2011-12, mais aussi la période du référendum en 2015. On trouve dans ces collectifs des personnes qui vivaient à l’étranger avant la crise, mais des centaines d’émigrés grecs les ont rejoint pendant les années de crise.
Dans les années qui ont suivi le référendum et la capitulation de SYRIZA, ces mouvements se sont estompés, suivant le déclin des mobilisations en Grèce, mais ces dernières années, à l’occasion d’événements tels que le meurtre de Zac Kostopoulos ou le procès d’Aube dorée, ces collectifs se sont réactivés.
C’est ainsi que le groupe Facebook a été créé et que, grâce à lui, l’assemblée en ligne a été convoquée, avec la participation de plus de 60 personnes provenant de plus de 16 villes (même de Sydney, en Australie !). Dans cette assemblée, la colère face à l’extrême violence policière et à la répression en Grèce était évidente, mais aussi accompagnée d’une humeur combative significative. Tous les participants s’opposent au fait que des sommes considérables sont dépensées pour l’équipement de la police et de l’armée, alors que les dépenses pour la santé sont réduites, mais ont aussi exprimé une forte colère face à l’inertie des médias, à la désinformation et au climat de censure, ainsi qu’aux politiques et lois destructrices pour l’environnement qui sont mises en œuvre.
Ainsi, les Grecs de Londres, Edimbourg, Birmingham, Dublin, Amsterdam, Utrecht, Bruxelles, Paris, Berlin, Munich, Göteborg, Stockholm, Copenhague, Bologne et Barcelone, nous avons convenu un appel commun pour un week-end d’action à l’échelle européenne contre la violence policière et la répression en Grèce les 17 et 18 avril.
La coordination va se poursuivre et nous avons l’intention de donner suite à d’autres actions, visant à la fois à résister à la répression et à l’autoritarisme, à exiger des droits démocratiques et un financement substantiel pour la santé, à dénoncer la censure et à exprimer notre opposition aux nouvelles lois destructrices sur les conditions de travail, l’éducation, l’environnement et la culture. En même temps, nous essayerons de faire en sorte que cette coordination paneuropéenne contribue à la rencontre et à la coopération des mouvements des différents pays où nous vivons avec ceux de la Grèce.
A Bruxelles, une action est appelée le 17 avril à 14h au rond-point Schuman, en respectant bien sûr les mesures sanitaires. La Campagne Solidarity appelle à participer à cette action.

Birmingham 
Copenhague 
Edinbourgh 
Barcelone 
Berlin 
Göteborg -
Russie: Liberté pour tous les prisonniers politiques !
Soyez solidaires ! Envoyez une lettre de protestation aux consulats et ambassades de la Fédération RusseEnvoyez vos messages et photos de solidarité à Социалистическая Альтернатива, International Socialist Alternative dans la Fédération Russe.
Le régime de Poutine attaque les socialistes

La solidarité internationale a afflué vers Matvey. Des piquets de solidarité ont été tenus devant les ambassades de Russie à Bruxelles, Vienne, Londres, New York, Dublin, Le Cap et Berlin. Le député irlandais Mick Barry a soulevé la question au parlement irlandais. À Cracovie, nos camarades polonais ont organisé un piquet de solidarité et ont été eux-mêmes été déplacés par la police armée. Nous avons reçu de nombreuses lettres de soutien et des photos de solidarité de la part de syndicats, de jeunes militants et de féministes socialistes. Le 22 mars, le tribunal de Moscou a pris la décision de condamner notre camarade Matvey Aleksandrov à 15 jours de prison pour sa participation à une manifestation pacifique le 23 janvier. Cette décision est intervenue immédiatement après sa libération d’une peine antérieure de 25 jours de prison. Cette fois-là c’était pour avoir distribué des tracts devant l’université de Moscou pour appeler à soutenir la manifestation organisée à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes.
Le 5 avril, Matvey devrait être libéré, mais nous craignons qu’il ne soit à nouveau arrêté à la veille d’une nouvelle série de manifestations de masse. Ce carrousel d’arrestations pourrait durer longtemps ! Il existe un autre danger, celui que Matvey soit accusé d’avoir enfreint à plusieurs reprises les règles relatives à la participation à des actes publics – une accusation pénale qui pourrait entraîner une peine de prison de plusieurs années.
Le 9 mars, dans la ville d’Izhevsk, la féministe et éco-activiste Anastasia Ponkina, qui est membre du Mouvement socialiste russe (RSM), a été accusée d’avoir participé à la manifestation du 23 janvier. La police affirme qu’elle marchait le long de la route en appelant les autres manifestants à « suivre son exemple » lors de la manifestation à laquelle participaient plusieurs milliers d’habitants d’Izhevsk. Anastasia risque 5 ans de prison. Le 24 mars, la police a fouillé le bureau du RSM d’Izhevsk, saisissant des ordinateurs, des documents imprimés, des banderoles et des pancartes. Il est possible que l’organisation soit accusée d’être « une organisation extrémiste ».
Tout ceci démontre que le régime de Poutine attaque des socialistes en Russie qui participent activement aux manifestations de masse et appellent à la lutte organisée contre la dictature des oligarques et le système capitaliste. Nous avons besoin d’une solidarité active pour nous opposer à ces attaques.
- Liberté pour les socialiste démocratique Matvej Aleksandrov et Anastasia Ponkina.
- Liberté pour tous les prisonniers politiques en Russie !
Vous pouvez trouver ici une lettre de protestation à envoyer : A l’Ambassadeur de la Fédération de Russie, Alexander TOKOVININ, 66 Avenue De Fré, 1180 Uccle, amrusbel@skynet.be, https://www.facebook.com/amrusbel
ou
Consulat Général du Russie, M. Evgeny Egorov, Consul général, 20 Della Faillelaan, 2020 Antwerpen, ruscons@skynet.be
Lettre modèle :
Monsieur l’Ambassadeur,
Il a été porté à notre attention qu’une campagne est menée contre les socialistes démocratiques dans la Fédération de Russie.
Le 27 février, le tribunal régional Nikulinsky de Moscou a condamné Matvey Aleksandrov à 25 jours de prison, en vertu de l’article 20.2 alinéa 8 du Code Administratif. Cette mesure faisait suite à la distribution prévue de tracts par Matvey à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.
À sa libération, il a été immédiatement à nouveau arrêté et envoyé en prison pour 15 jours supplémentaires en vertu du même article. Cette mesure faisait suite à sa participation pacifique à une manifestation pacifique le 23 janvier.
Le 9 mars, à Izhevsk, la socialiste Anastasia Ponkina a été arrêtée et doit répondre de l’article 213(b) du Code pénal – la clause dite de hooliganisme politique. Elle risque jusqu’à 5 ans de prison pour avoir participé pacifiquement à une manifestation pacifique le 23 janvier.
Ces mesures répressives sont prises dans le cadre d’une campagne beaucoup plus large d’emprisonnement et de harcèlement des opposants politiques au gouvernement russe, ce que nous jugeons inacceptable.
Nous vous demandons instamment d’exercer toute la pression possible pour que les charges retenues contre Matvey Aleksandrov et Anastasia Ponkina soient abandonnées.
Liberté pour les socialistes Matvey Aleksandrov et Anastasia Ponkina.
La liberté pour tous les prisonniers politiques en Russie.
Je vous prie d’agréer, Monsieur l’Ambassadeur, l’expression de mes sentiments distingués,
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Manifestations en Turquie : « La Convention d’Istanbul est nôtre »

Dix ans après l’avoir signée, la Turquie s’est retirée de la « Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. »
Par Ecehan Balta, Sosyalist Alternatif ISA en Turquie
Cela a été fait par décret présidentiel, publié au Journal officiel, et appliqué après minuit le 20 mars. La Turquie était le premier pays à adhérer à cette convention qui vise à prévenir les violences sexistes et à punir leurs auteurs.
En 2020, il y a eu 330 officiellement féminicides en Turquie. Selon des sources officielles, 40 % des femmes vivant en Turquie ont subi des violences physiques ou sexuelles au moins une fois dans leur vie. Il ne fait aucun doute que le chiffre réel est bien plus élevé que cela. L’effet du retrait de la Convention est pire que de ne pas l’avoir signé en premier lieu. Cela indique que l’État autorise la violence contre les femmes.
Le retrait de la Turquie d’un accord international par décret présidentiel va même à l’encontre de la Constitution turque rédigée par le parti au pouvoir, le “Parti de la justice et du développement” (AKP), et le président Erdogan. Selon l’article 90 de cette Constitution, les conventions internationales ne peuvent être acceptées ou rejetées que par l’adoption d’une loi à l’Assemblée.
Alors que le retrait de la Convention a été largement débattu depuis le 20 mars, le mouvement des femmes a également réagi en entrant en action dans toute la Turquie. Les femmes sont descendues dans la rue dans au moins dix provinces. « La Convention d’Istanbul est nôtre », « Retirez votre décision, appliquez la Convention » figurent parmi les slogans les plus populaires. Des manifestations et des actions de protestations ont lieu presque tous les jours dans les grandes villes.
Il semble certain que la décision de se retirer de la Convention a été prise pour apaiser les milieux islamistes d’extrême droite en Turquie proches de l’AKP. Ce retrait visait également à apaiser le courant islamiste d’extrême droite au sein même de l’AKP. Depuis le 20 mars, ils célèbrent leur “victoire”. Cela reflète davantage la faiblesse que la force du régime d’Erdogan, qui perd son soutien en raison de la crise économique actuelle, de la crise sanitaire et de la corruption croissante. Il a donc besoin de garder ses alliés réactionnaires à bord, tout en essayant de diviser toute opposition.
Il ne fait aucun doute qu’une convention internationale ne peut mettre fin à la violence contre les femmes. Bien que la convention d’Istanbul constitue un pas en avant par rapport à la situation qui prévalait avant sa signature, elle est loin d’être suffisante. Seule la destruction du capitalisme patriarcal mettra fin à la violence contre les femmes. C’est l’ordre capitaliste – qui considère les êtres humains en général et les femmes en particulier comme une marchandise, comme un bien qu’il faut surveiller – qui produit la violence contre les femmes. Étant donné que ces conventions sont adoptées par des institutions et ratifiées par des États qui reposent précisément sur ce système capitaliste, elles ne peuvent – au mieux – que fournir une protection partielle aux femmes et pousser les États à mettre en œuvre certaines mesures, même à contrecœur.
La Convention d’Istanbul n’a de toute façon pas été suffisamment appliquée. Depuis quelques années, le mouvement des femmes réclame dans la rue l’application de la convention. Aujourd’hui, le slogan s’est transformé en « annuler cette décision, appliquer la convention d’Istanbul ». Ce retrait est le symbole d’une série d’attaques contre les grandes réalisations du mouvement pour l’émancipation des femmes. Mais au bout du compte, Erdogan devra se rendre compte que cela pourrait se retourner contre lui en renforçant encore la colère et la résistance des femmes en Turquie.
Le mouvement pour l’émancipation des femmes a la capacité de répondre en masse aux attaques du parti conservateur néolibéral AKP aujourd’hui. Le rassemblement de divers groupes et organisations féministes, de gauche et de la classe ouvrière dans cette lutte est une étape importante pour renforcer cette capacité.
En tant que féministes socialistes, nous estimons que nous sommes sur un terrain très favorable pour exprimer nos revendications contre la violence envers les femmes. Le mouvement en général a mis en avant plusieurs revendications importantes qui trouvent un écho dans les manifestations, notamment :
– la réalisation de l’égalité des genres, l’État prenant toutes les mesures nécessaires dans l’éducation et sur le lieu de travail pour assurer une représentation égale des femmes ;
– la fin des discriminations à l’encontre de toute personne, quelle qu’en soit la raison, y compris l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ;
– la mise en place d’une “ligne d’assistance téléphonique contre la violence” distincte, disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, destinée aux femmes et proposant des services dans différentes langues, ainsi que l’ouverture d’un nombre suffisant de centres de conseil et de refuges pour aider les femmes victimes de violences ;
– la fin de l’impunité pour les cas de violence contre les femmes ;
– la collecte et la publication régulière de données indépendantes sur la violence à l’égard des femmes et des enfants ;
– l’accès des femmes, en toute sécurité et sans risque, aux services de santé génésique de base tels que l’avortement ;
– le droit à une pension alimentaire, pour la simplification des procédures de divorce et la médiation obligatoire, contre l’amnistie pour les mariages d’enfants -la fin de toute discussion sur les droits acquis des femmes et des enfants ;
– la mise en place de dispositions claires pour toutes les femmes et tous les enfants réfugiés, demandeurs d’asile et immigrés afin qu’ils aient les mêmes droits à la protection contre la violence.En tant que socialistes, nous soutenons ces revendications et entendons aller au-delà. Pour prévenir la violence sexiste et la discrimination sur le lieu de travail et mettre en œuvre des politiques efficaces pour garantir l’égalité, il convient de supprimer tous les obstacles au droit d’organisation, de garantir l’égalité des genres dans tous les domaines par les syndicats et les organisations sur le lieu de travail ainsi que de garantir la mise en œuvre des droits des travailleuses.
Les droits des femmes et la lutte contre la violence à l’égard des femmes devraient être des questions centrales pour le mouvement ouvrier, notamment au travers de la lutte pour assurer un salaire décent pour toutes les travailleuses et un accès plus facile aux emplois pour les femmes avec la mise en place de garderies publiques gratuites et d’autres mesures visant à aider les femmes à sortir du foyer et à entrer dans la vie active.
Cela doit comprendre des logements abordables et, si nécessaire, gratuits pour les femmes qui doivent fuir des partenaires violents – ces logements pourraient rapidement être fournis dans les hôtels vides.
Nous n’avons aucune confiance dans l’État turc et ses institutions, ni dans l’UE ou l’ONU pour mettre en œuvre de telles politiques. Elles doivent être arrachées par la lutte, mises en œuvre et contrôlées par les représentants des travailleurs et du mouvement des femmes.
En tant que mouvement pour une alternative socialiste, nous nous impliquons dans les discussions sur le programme et les perspectives du mouvement et nous souhaitons y ajouter nos idées féministes socialistes. Nous continuerons à contribuer à la fois à la construction du rassemblement des organisations féministes, de gauche et de la classe ouvrière et à la lutte dans la rue. Ce mouvement ne pourra être que plus fort s’il est combiné aux autres mouvements d’opposition contre le régime de l’AKP qui attaque les droits de toutes les minorités, des opprimés et de la classe ouvrière dans son ensemble.
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Royaume Uni. Après le meurtre de Sarah Everard : luttons contre les féminicides et la violence sexiste !

Le week-end dernier, une manifestation pacifique a eu lieu suite à la mort de Sarah Everard au Royaume Uni. Elle a été assassinée et il n’y a eu pratiquement aucune réaction de la part de la police. Cette manifestation pacifique a de manière parfaitement scandaleuse été la cible de la répression policière. Les organisateurs ont été arrêtés tout simplement pour avoir exercé leur droit de manifester. La colère contre ce féminicide et contre la violence policière va se poursuivre. Voici une première réaction de Sue Berry, membre de notre organisation-soeur en Angleterre, Pays de Galles et Ecosse, Socialist Alternative.
Le meurtre de Sarah Everard est une tragédie – pour sa famille et ses amis, la communauté locale, et pour toutes celles et ceux qui s’opposent à l’oppression et à la violence. Socialist Alternative envoie ses sympathies et sa solidarité à toutes celles et ceux qui connaissaient Sarah, et à toutes celles et ceux qui sont ébranlés par les révélations de ces derniers jours.
Le chagrin s’est accompagné, à juste titre, de la colère – contre l’auteur de l’agression, contre le victim-blaming de la police (qui a conseillé aux femmes vivant près de l’endroit où Sarah a disparu de ne pas sortir seules), et contre une société qui propage la violence contre les femmes.
Les réseaux sociaux ont été inondés de témoignages de femmes partageant leurs propres histoires d’agression sexuelle et dénonçant les mythes sur la violence de genre qui persistent contrairement à toutes les constatations que ces mythes sont bien évidemment non fondés. Un cri collectif se fait entendre : nous en avons assez ! Nous ne pouvons pas permettre que l’histoire de Sarah devienne une statistique de plus. Nous devons nous battre pour que justice soit rendue à Sarah et, en même temps, nous interroger sur le type de société qui peut offrir une sécurité et une liberté véritables aux femmes et aux personnes au genre non conforme.
On ne peut pas compter sur les partis politiques en place
Ce qui ressort des réponses des politiciens capitalistes de tous les partis, c’est que nous ne pouvons pas compter sur eux pour résoudre le problème de la violence sexiste. Malgré sa déclaration de sympathie, le Premier ministre Boris Johnson a un long passé de commentaires misogynes, et a été accusé d’agression sexuelle contre une journaliste. Au sein de son propre gouvernement, un ancien ministre accusé de viol, d’agression sexuelle et de contrôle coercitif en 2020 n’a jamais été suspendu.
La réponse de Keir Starmer (chef de l’opposition travailliste) a été de demander un plus grand nombre de policiers dans les rues, une déclaration particulièrement irréfléchie étant donné que l’homme accusé de ce crime est un policier en service. Starmer était à la tête du ‘Crown Prosecution Service’ (« Service des poursuites judiciaires de la Couronne ») lorsque la décision a été prise de ne pas poursuivre le prédateur sexuel Jimmy Savile au motif que les preuves étaient insuffisantes…
Le sexisme endémique au sein de la police
Nous ne pouvons pas non plus compter sur la police elle-même. Le sexisme systémique, ainsi que le racisme et l’homophobie, sont bien documentés dans la police. L’année dernière encore, deux officiers de la police métropolitaine ont été suspendus après avoir posé en faisant des selfies avec les cadavres des victimes Nicole Smallman et Bibaa Henry. Mina Smallman, mère de Nicole et Bibaa, a déclaré : « C’est un exemple de la toxicité de la situation au sein de la police : ces policiers se sentaient tellement en sécurité, tellement intouchables, qu’ils pensaient pouvoir prendre des photos de jeunes filles noires mortes et les envoyer à d’autres. Cela en dit long sur la mentalité qui règne au sein de la police métropolitaine (Met). »
Au sein de la Met, entre 2012 et 2018, 594 plaintes pour des infractions sexuelles ont été déposées contre le personnel de la police, dont 119 seulement ont été retenues. L’Office indépendant pour la conduite de la police enquête sur des plaintes selon lesquelles des accusations d’attentat à la pudeur contre le policier arrêté n’ont pas été traitées correctement. Cet environnement toxique ne protège non seulement pas le personnel féminin des forces de police, mais aussi les membres du public.
L’approche sécuritaire est insuffisante : il faut lutter contre ce système sexiste !
Nous soutenons toutes les mesures qui contribuent à ce que les femmes se sentent en sécurité. Par exemple, un éclairage abondant et bien entretenu des lieux publics. Les personnes en colère après le meurtre de Sarah (et les arrestations durant la veillée) doivent continuer à s’organiser et à discuter ensemble pour lutter en faveur de ces mesures urgentes.
Mais ce n’est pas suffisant. Nous savons que Sarah a “fait tout ce qu’il fallait” : elle a emprunté un itinéraire très fréquenté, elle a passé un coup de fil et a fait savoir aux gens où elle allait et quand elle rentrerait. Mais cela n’a pas empêché la violente attaque qui lui a coûté la vie. Près de 80 % des femmes tuées par des hommes au Royaume-Uni étaient victimes de leur partenaire et ont été tuées dans leur propre maison. Les mesures de sécurité ne les auraient pas protégées.
La violence de genre est intrinsèquement liée au capitalisme. Les idées misogynes qui justifient l’oppression des femmes sont normalisées et propagées dans toute la société, notamment par les médias, l’éducation, la publicité, la culture populaire et au sein des familles. Le capitalisme repose sur l’oppression des femmes – il ne peut exister sans elle. Pour mettre fin à l’oppression des femmes, nous avons besoin d’un changement de système fondamental. Nous devons construire un mouvement de masse contre l’oppression de genre et le système qui la perpétue.
La misogynie existe dans le monde entier, s’y opposer exige un mouvement international. Ces derniers mois, nous avons assisté à des manifestations pour le droit à l’avortement en Pologne, à une grève des femmes en Russie contre l’arrestation de militantes féministes et à d’immenses marches en Inde contre le viol et la violence envers les femmes. Les membres de Socialist Alternative et les diverses section d’Alternative Socialiste Internationale (qui est à la base du réseau international ROSA) ont participé activement à ces luttes et se battent pour un monde démocratique et socialiste débarrassé de la violence et de l’oppression.
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État espagnol. Mobilisation contre la répression : Liberté pour Pablo Hasel

Pablo Hasel est un rappeur de gauche emprisonné neuf mois pour des paroles anti-monarchistes et avoir parlé de terrorisme. Une campagne est en cours pour le libérer.Par Rob MacDonald, Socialisme revolucionari, ASI en Catalogne
À mesure que les crises du capitalisme s’aggravent, la répression d’État s’intensifie. L’emprisonnement de Pablo Hasel est la dernière attaque en date de l’ État espagnol contre les libertés fondamentales qu’il est censé protéger. Nous devons y faire face en nous mobilisant et en nous organisant, mais aussi en comprenant que nous devons lutter pour la fin du système capitaliste, seul moyen de garantir la liberté artistique, économique et sociale.
Nous sommes aux côtés de Pablo
Le combat de Pablo remonte à 2011. Depuis lors, il a constamment été harcelé et arrêté pour ses opinions. Cette dernière attaque, qui a abouti à son emprisonnement, fait suite à son arrestation en 2018, avec un autre rappeur, Valtonyc, pour des paroles et des commentaires sur les médias sociaux contre la monarchie et pour avoir parlé de terrorisme. Pablo est un rappeur provocateur, qui continue de dire ce qu’il pense et refuse d’être réduit au silence.
Cette répression de la liberté d’expression a fait de nombreuses victimes dans l’État espagnol (Valtonyc, Pablo Hasél, César Strawberry et plus récemment le renvoi de la chaîne publique TVE du scénariste Bernat Berrachina pour un signe humoristique contre la monarchie). Mais la répression va plus loin que cela, elle est orientée contre les luttes ouvrières.
Pendant la crise économique qui a commencé en 2008-2009, les procureurs ont soudainement demandé jusqu’à 8 ans de prison pour ceux qui ont participé aux piquets de grève. Puis, en octobre 2017, le monde entier a assisté à l’attaque brutale contre le vote pacifique en Catalogne et à la répression contre la lutte pour l’indépendance en général.
La “Ley Mordaza” – la “loi du bâillon” – approuvée en 2015 a servi à poursuivre les journalistes pour avoir informé sur la répression policière et à réprimer le droit de protester et de manifester. Elle a été utilisée pour poursuivre des militantes et militants qui ont participé à des piquets de grève pendant les grèves féministes de 2018-2019.
Toutes ces attaques, souvent au cours d’incidents relativement mineurs, démontrent la volonté de l’État capitaliste de freiner toute lutte politique considérée comme une menace pour l’ordre social qu’il défend. Les autorités veulent nous faire vivre dans la peur et elles rétablissent des méthodes de contrôle franquistes. Si nous ne résistons pas de toute notre énergie, elles continueront à accentuer la répression jusqu’à nous réduire au silence.
Il est absolument hypocrite qu’ils essaient de réprimer les voix contre la monarchie sans lever le petit doigt contre la corruption profonde de ce vestige féodal ou contre les représentants du régime coupables de violations brutales des droits humains. Les artistes critiques sont envoyés en prison pour leurs textes alors que l’ancien roi corrompu vit dans un exil luxueux. Cette hypocrisie se manifeste également dans le silence de l’UE face à des attaques aussi flagrantes contre la liberté d’expression, cette même UE qui s’empresse de réprimander les États membres pour ne pas avoir respecté ses réglementations néolibérales.
La liberté des arts et la lutte pour changer la société
La culture capitaliste est saturée de sexisme, de glorification de l’argent et de culte de l’individualisme. Chaque jour, la publicité utilise des méthodes créatives pour augmenter les profits, sans tenir compte des besoins des gens ou de l’environnement. La culture du capitalisme est essentiellement un véhicule pour augmenter les profits des super-riches.
Nous devons nous opposer à ce courant culturel négatif et nous concentrer sur la construction d’une culture alternative. Nous devons renforcer la culture de la classe ouvrière qui parle d’unité, de lutte collective et de diversité. Nous ne devons pas compter sur l’État capitaliste pour choisir ce qui est bon et mauvais, beau et laid. En fin de compte, cet État existe pour défendre le système social et économique qui est la cause profonde des problèmes et des enjeux auxquels nous sommes confrontés.
L’art et la culture sont détruits par la crise économique qui a accompagné la pandémie. Même avant cette crise, les artistes connaissaient très bien la nature précaire du travail, sans contrats, sans opportunités ni espaces de travail. On attend souvent des artistes qu’ils travaillent gratuitement, simplement parce que leur travail découle de leur passion. Cette exploitation était déjà extrême, mais après cette dernière crise économique, ils se battent pour le droit même de créer. Se battre pour les arts et la culture, c’est se battre pour être un être humain libéré des contraintes du système de profit.
Non seulement nous devons défendre la liberté d’expression, mais nous devons aller plus loin et défendre le droit d’être créatif, d’avoir un travail décent et des conditions de travail qui donnent à chaque personne la dignité nécessaire pour mener une vie épanouissante. Pour y parvenir, nous avons besoin d’une redistribution complète et démocratique des richesses de la société. Nous devons inscrire clairement à notre agenda la lutte pour une société socialiste.
Lors de la manifestation à Lleida le 10 février, Pablo Hasel a soulevé à juste titre la complaisance du gouvernement PSOE/Unidas Podemos concernant cette dernière attaque et la nécessité d’un mouvement populaire pour changer la société. Le gouvernement dit de gauche s’est limité à quelques vagues promesses de réforme de la législation qui punit actuellement les artistes pour leurs paroles. Si nous ne devrions pas être surpris de la passivité du PSOE sur cette question, puisque ses dirigeants ont pris le parti du statu quo il y a longtemps, cela soulève la question de savoir comment nous devons nous organiser pour changer la société.
Comme l’a dit Pablo :
« Ils répriment. Et la répression n’est pas une question individuelle, elle est collective. S’ils s’en prennent à une personne comme moi, c’est pour effrayer les autres. Nous devons faire passer le message, sur Internet mais aussi dans la rue, sensibiliser les gens pour développer un mouvement qui mène au rejet de masse, à l’action révolutionnaire. Nous devons organiser la solidarité pour développer la liberté d’expression. Toutes les conquêtes précédentes ont été gagnées par l’action révolutionnaire (…) nous n’avons pas seulement besoin d’organiser la solidarité, mais d’une organisation qui unit les luttes pour tous les droits et libertés, ce qui va de pair avec le fait de s’attaquer à la racine du problème…
En nous organisant et en menant la lutte dans la rue, nous pouvons obtenir des améliorations, beaucoup d’ailleurs, mais pas de solution profonde. Nous ne pouvons pas réformer cet État. Nous avons besoin de changements profonds, en annihilant cet État et en conquérant une république populaire où la classe ouvrière aura le pouvoir et pourra garantir les droits et libertés qu’on nous refuse par la violence, et nous pourrons alors obtenir ce que nous voulons tous, c’est-à-dire gagner une vie décente… »
Nous sommes d’accord : il faut développer un mouvement à caractère ouvertement révolutionnaire forgé dans la lutte de masse dans les rues, sur les lieux de travail et dans les écoles. Il y a de nombreuses questions sur lesquelles nous pouvons travailler ensemble sur des bases communes, l’une des plus critiques étant l’unité contre la répression d’État. La tâche urgente est d’unir les travailleurs et les jeunes de différents secteurs dans un mouvement non sectaire et démocratique afin de développer un programme et une action anticapitaliste et socialiste révolutionnaire qui répondent aux besoins de la lutte.
- Mobilisation, agitation et organisation pour libérer Pablo Hasel et toutes les autres victimes de la censure d’État !
- Défendons la liberté d’expression artistique en construisant une unité dans le mouvement de lutte contre le système capitaliste !
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Pays-Bas : d’où viennent les émeutes anti couvre-feux ?

Les émeutes de ces derniers jours aux Pays-Bas ont principalement touché les quartiers les plus pauvres et leurs habitants. Les commerçants ont vu leurs petits commerces partir en flammes ou leurs stocks finir aux mains de pillards. Certains d’entre eux vont probablement décider de quitter ces zones, ce qui ne fera qu’aggraver la situation de ces régions déjà à peine habitables. On peut comprendre que la majorité de la population soit dégoûtée par ces émeutes. Mais il ne suffit pas de les condamner, il faut aussi comprendre leur cause.Par des correspondants de Socialistisch Alternatief, section d’Alternative Socialiste Internationale aux Pays-Bas
Bien que les Pays-Bas soient un pays qui n’est pas souvent associé à la révolte, ces émeutes ne sont pas une surprise. L’introduction du couvre-feu de trois semaines par le gouvernement intérimaire néerlandais a joué le rôle de la goutte faisant déborder le vase. Ce gouvernement a été mis en place que Mark Rutte, du Parti populaire, ait été contraint de démissionner à la suite d’un scandale. La mesure elle-même bénéficie d’un large soutien dans la population qui repose sur la compréhension de la nécessité de faire baisser le taux de contamination, d’autant plus que la variante britannique devrait frapper les Pays-Bas vers la mi-février. Si cela devait arriver, à la mi-mars, l’épidémie pourrait devenir incontrôlable et, en avril, les hôpitaux seraient débordés, selon l’Institut national pour la santé et l’environnement.
Après des années successives de privatisation des services publics, parmi lesquels les soins de santé, dues aux conservateurs, aux libéraux et aux sociaux-démocrates, la confiance dans l’élite au pouvoir est au plus bas. Depuis des décennies, les syndicats orientent leur action vers la conclusion d’accords avec les patrons, le fameux « modèle des polders » basé sur la collaboration de classe. La social-démocratie (le PVDA) a joué un rôle terrible dans l’application de l’austérité. Même le parti de gauche Socialistische Partij a, au cours de ces deux dernières décennies, abandonné son interprétation du « marxisme » et même réprimé ceux qui, au sein du parti, se sont opposés à cette évolution. Le parti a lui aussi adopté une position de collaboration de classe. Parallèlement, les scandales se succèdent, révélant comment les riches s’entraident tout en attaquant les pauvres.
Tout cela a permis à la propagande de droite de faire son entrée dans les manifestations. Les multinationales agricoles ont ainsi instrumentalisé la colère des agriculteurs les plus pauvres concernant les restrictions sur l’utilisation des engrais imposées par le gouvernement et ont même organisé des manifestations.
Il existe deux partis populistes de droite : le PVV de Wilders, enclin à soutenir les mesures sanitaires, et le Forum pour la démocratie, qui s’y oppose. Deux formations qui n’ont rien à envier à Trump. Le Forum pour la démocratie a réalisé une percée lors des élections provinciales de 2019, mais il a depuis lors perdu du terrain en faveur du PVV. Alors que de petits groupes de droite ont joué un rôle dans l’organisation des manifestations précédentes, les émeutes actuelles, principalement organisées via les réseaux sociaux, impliquent un mélange d’extrémistes de droite, de « combattants de la liberté » et de jeunes frustrés qui se enfermés dans des écoles, des emplois précaires et leur logement et qui se sont retrouvés pour affronter un ennemi commun, l’État.
Le terreau de ces émeutes est la sinistre situation à laquelle les jeunes sont confrontés dans de nombreuses régions et dans les quartiers les plus pauvres. 30 % de la population active néerlandaise occupe des emplois précaires, soit le niveau le plus élevé de l’Union européenne. Dans la situation actuelle, ils ne peuvent trouver que des emplois mal payés et peu sûrs, voire pas sûrs du tout. L’enseignement aux Pays-Bas est coûteux et de mauvaise qualité, même dans les universités. La pénurie de logements est grave et les loyers sont inabordables. Seuls les jeunes les plus instruits sont en mesure d’acheter une maison, et ils doivent souvent combiner les revenus du couple pour y parvenir.
Les jeunes ont dû accepter le fait qu’ils ne recevront aucune aide du gouvernement pour résoudre leurs problèmes. Et il existe une discrimination flagrante à l’encontre des personnes d’origines différentes. C’est dans ce contexte que le gouvernement a été contraint de démissionner le 17 janvier en raison d’un scandale concernant les allocations pour la garde des enfants.
Les personnes qui ont besoin de services de garderie ont droit à des avantages fiscaux versées sous la forme d’une avance, les frais étant à justifier par la suite. Les autorités fiscales néerlandaises ont mené une véritable chasse aux sorcières des parents, sur base de la double nationalité, de la résidence dans certaines régions spécifiques, etc. Le système fonctionnait de telle manière que si vous soumettiez des données comportant des erreurs mineures, vous deviez rembourser la totalité du montant, soit des dizaines de milliers d’euros dans de nombreux cas.
De nombreuses personnes ont été ruinées. Des familles se sont séparées sous la pression. Des gens ont été forcés de déménager et ont été expulsés de leur logement. L’administration fiscale, les ministères, les juges et le Parlement ont été impliqués dans cette affaire tandis que les médias ont fermé les yeux sur ce qui s’est passé pendant plus de dix ans. Le scandale a été révélé au grand jour grâce aux efforts individuels de deux parlementaires, l’un du parti démocrate-chrétien et l’autre du parti socialiste.
L’État n’aide pas les travailleurs et la jeunesse, tandis que le scandale des allocations familiales a clairement démontré que les gens sont chassés comme des animaux de proie sans aucune justification. Le Covid-19 est venu s’ajouter à cela et a exposé les résultats désastreux d’années d’austérité néo-libérale. Le gouvernement n’a par exemple pas fourni suffisamment de matériel de protection car il était plus soucieux de respecter la volonté des entreprises privées.
Cela se répète maintenant avec les vaccins. Aucun plan sérieux de vaccination de masse n’a été élaboré. Cela est dû, d’une part, au fait que les entreprises privées ne sont pas disposées à garantir la livraison à un moment raisonnable et, dans une moindre mesure, à la méfiance des jeunes, en particulier, à l’égard des vaccins développés par le secteur privé. Dans ce contexte, les jeunes ont de plus en plus le sentiment que ce sont toujours les mêmes qui sont poussés à faire des sacrifices.
Et maintenant, même certaines des libertés limitées dont disposent encore les jeunes pour au moins se divertir leur ont été retirées. Lorsque les cafés et les concerts étaient fermés, les jeunes travailleurs cherchaient un exutoire dans les fêtes sous les viaducs, les rassemblements dans les parcs, les usines abandonnées, etc. sous le refuge de l’obscurité hivernale. Le couvre-feu leur a enlevé tout ça.
Les émeutes ne sont pas une surprise. Elles ont lieu dans les campagnes, les villages de pêcheurs et les villes depuis des années. Malheureusement, les émeutes n’offrent aucune perspective. C’est une révolte, mais une révolte aveugle.
Les émeutes ont maintenant duré trois jours, ce qui a augmenté le soutien au gouvernement et à la police. Les ministres du gouvernement se bousculent les uns les autres pour condamner les émeutes. Parmi les actes particulièrement stupides qui ont eu lieu, on peut citer la lapidation d’un hôpital à Enschede et l’incendie d’un centre de test COVID dans le village de pêcheurs d’Urk. Des travailleurs de la santé désemparés n’ont pas pu quitter l’hôpital à la fin de leur service…
Si les dirigeants syndicaux et les partis de gauche devaient rejeter la faute sur les véritables responsables – à savoir les grandes sociétés pharmaceutiques, le marché « libre » et le système de profit – cette énergie pourrait servir à construire une lutte positive pour promouvoir les intérêts des familles ouvrières. Malheureusement, les dirigeants syndicaux et les partis de gauche sont complètement invisibles ; les seuls dirigeants syndicaux qui se sont manifestés sont ceux du syndicat de la police. La plupart des partis soutiennent le gouvernement et le maintien du couvre-feu, la seule exception étant certains partis marginaux de droite.
Le parti libéral au pouvoir est maintenant prêt à augmenter sa majorité lors des élections de mars. Toute cette situation renforce le soutien du public à des mesures plus répressives, bien qu’il y ait évidemment une grande différence entre la manifestation pacifique de l’après-midi à Amsterdam, qui a été illégalement réprimée, et les appels à des « émeutes contre le gouvernement » après le couvre-feu dans plusieurs villes, qui ont rapidement dégénéré et se sont soldés par des pillages, des incendies criminels et des pillages.
Il faut contrer ce dangereux mélange de jeunes frustrés et d’extrême droite. Seules la lutte et l’organisation portent leurs fruits. Les syndicats et les partis de gauche sont incapables de se connecter à de nouvelles couches en raison de leur politique de collaboration de classe.
Ce qu’il faut, c’est organiser ces couches, les allocataires sociaux, les travailleurs, les syndicalistes, autour de revendications combatives comme l’augmentation du salaire minimum horaire à 14 euros, la défense de vrais emplois avec de vrais salaires, un salaire décent pour les indépendants, l’abolition de tous les contrats précaires, des logements abordables et la renationalisation de tous les services publics, à commencer par les soins de santé et les grandes entreprises pharmaceutiques, les transports publics, l’immobilier et les institutions financières pour pouvoir utiliser toutes ces ressources afin d’offrir une véritable solution aux problèmes quotidiens.
Nous avons besoin de la propriété publique des secteurs clés de l’économie et d’une planification démocratique sous contrôle et gestion de la collectivité. Nous avons besoin d’un véritable parti socialiste et de syndicats de combat. Il est temps de construire une alternative socialiste.