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Category: Europe
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France. Métro, boulot, caveau?
Cette fois-ci on peut gagner, et construire une toute autre société !
Construisons la grève générale reconductible !On comptait plus de 2 millions de manifestant.e.s le premier jour de mobilisation contre la nouvelle réforme des retraites. Quel début historique et prometteur ! Et puis sont arrivées les actions « Robin des bois » : des hôpitaux, des centres sportifs publics, des bibliothèques, des collèges, des lycées, des crèches, des chauffages collectifs d’université ou de HLM, des logements sociaux, etc. ont été placés en “gratuité d’électricité ou de gaz”. Quelle puissante illustration de ce que peut être une société dirigée par les travailleurs.euses !
Tract d’Alternative Socialiste Internationale
Le front commun des principales organisations syndicales du pays tient bon, et c’est une première depuis 2010, quand l’âge de la retraite est passé de 60 à 62 ans. Mais à l’époque, la mobilisation de la jeunesse avait été plus difficile. Aujourd’hui, elle s’est engagée dans la lutte dès le 21 janvier avec une mobilisation de 150.000 personnes à Paris. Des intersyndicales étudiantes ont réussi à obtenir une dispense d’assiduité pour les étudiant.e.s qui veulent manifester, des cortèges étudiants se sont élancés des campus rejoindre les manifestations syndicales,… et depuis ce 7 février, des lycées et universités sont bloqués.
Le gouvernement et Macron espéraient une répétition du mouvement 2019 / début 2020, quand la lutte, bien que titanesque, avait souffert du manque de plan d’action audacieux vers une grève générale reconductible. Le mouvement s’essoufflait alors après une série de journées de mobilisations sans perspective. Tout le monde le sait : sans le confinement, en 2019-2020, ça n’aurait pas marché.
Nous avons encore de nombreuses faiblesses à relever, mais nous pouvons déjà constater, au 4e Acte de cette mobilisation, que les choses se présentent sous un tout autre jour. Ne laissons pas passer cette occasion de lancer une offensive résolue contre Macron-Borne et tout le système capitaliste !
Leçons de la lutte pour le pouvoir d’achat
Le mouvement de grève dans les raffineries en automne dernier avait alimenté la confiance dans d’autres secteurs. À la mi-septembre encore, il était impossible d’imaginer que quelques semaines plus tard, un début de lutte généralisée se produirait ; qu’un tel type de mouvement de grève dynamique se développerait.
Deux journées de grèves nationales avaient été appelées pour la fin du mois de septembre par la CGT et Solidaires, mais sans être des échecs complets, elles étaient loin de ce qui était nécessaire pour mener une bataille pour gagner. Ces journées de grève n’avaient été organisées qu’à contrecœur, en réponse aux appels de Mélenchon et de la France Insoumise qui relayaient la colère à la base et poussaient pour un mouvement social en septembre.
Malheureusement, en juin, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez n’était pas convaincu de la nécessité d’un mouvement généralisé : “Les mobilisations sociales sont de la responsabilité des syndicats”, avait-il répondu aux appels de Mélenchon. Celui-ci avait également tenté, sans succès, de mobiliser les structures syndicales pour la “Marche contre la vie chère et l’inaction climatique” du 16 octobre, qui a finalement été un grand succès en rassemblant plus de 100.000 personnes (dont de nombreux syndicalistes) à Paris. La mobilisation pour cette marche s’annonçait pourtant très difficile, vu le contexte de luttes plus restreint, mais aussi à cause des critiques justes à l’encontre de la gestion désastreuse et sexiste de l’affaire Quatennens par Mélenchon et la direction de la FI.
Mais le nouveau contexte de début de généralisation des grèves avait boosté la mobilisation. Cela tombait à point à la fois pour laisser s’exprimer la colère et pour regarder le camp d’en face enfin à nouveau avec détermination. Malheureusement, la direction de la CGT n’a pas suivi la volonté de la base d’évoluer vers un mouvement de grève généralisé. C’est la colère croissante de la base, à l’origine des actions de grève, qui a poussé les directions syndicales à aller plus loin que ce qu’elles avaient initialement prévu.
Sans cette puissante grève dans les raffineries, l’accord obtenu – même faible – n’aurait jamais vu le jour. C’est aussi ce nouveau contexte bouillonnant qui a obligé Macron à repousser le lancement de sa réforme des retraites au début d’année de cette année. Comme d’autres avant, ce mouvement a confirmé que seule la lutte paie, grâce à l’arme de la grève et autour de revendications offensives.
Utiliser sérieusement l’arme de la grève
Aujourd’hui, il faut dépasser la simple suite de dates de journées de grèves et de mobilisation vaguement liées entre elles si on veut éviter que le mouvement finisse par s’essouffler sans victoire, ce sur quoi compte le gouvernement. Il est urgent d’organiser des assemblées de lutte sur les lieux de travail ouvertes à tous les collègues, syndiqués ou non, et d’organiser de pareils comités dans les lycées, les universités et les quartiers pour construire la grève générale reconductible. C’est ainsi que l’on pourra repousser toute la réforme des retraites, mais aussi faire chuter le gouvernement Borne et toute la politique d’austérité.
L’organisation à la base est clé pour assurer son contrôle sur le mouvement et assurer que celui-ci ne s’épuise pas. La grève des contrôleurs de la SNCF pendant les fêtes avait montré la voie, en s’organisant au travers d’une page Facebook “collectif national ASCT” (Agents, service commercial, trains) pour passer à l’action et imposer aux directions syndicales le dépôt du préavis. De même, pendant la grève des raffineries, les ouvriers de Total avaient à nouveau mené une grève reconductible, dont la reconduite était assurée par un vote démocratique. C’est avec ce genre de méthode qu’on assure l’implication de l’ensemble des travailleurs et donc la réussite du combat. La faiblesse de ce mouvement avait alors été son isolement (malgré un large soutien passif), qui avait permis aux autorités de dégainer la réquisition de personnel. Cela ne fait que souligner la nécessité de construire un mouvement large reposant sur l’implication maximale de l’ensemble de la classe travailleuse.
L’extrême droite n’ose pas s’opposer frontalement au mouvement. Ce type de mouvement reposant sur la lutte de classe est le cauchemar de Le Pen & Co car cela démasque l’hypocrisie de leur opposition à ce type de réformes. Leur monde, c’est le même que celui des amis de Macron, avec en plus la volonté d’écraser physiquement tout le mouvement social et d’imposer le racisme comme pensée unique à coups de botte. Le mouvement ouvrier en action est le meilleur remède contre les divisions semées au sein de la classe travailleuse, car l’unité est nécessaire pour vaincre.
Construire une riposte internationale de masse
Les mouvements de grève ont besoin d’être coordonnés au niveau international. Fin septembre, la lutte du personnel des raffineries a reçu la solidarité de plusieurs syndicats en Europe. Des luttes syndicales importantes se développent en ce moment-même dans des pays limitrophes. L’automne dernier, la Grande-Bretagne a vécu son plus grand mouvement de grèves depuis des décennies et, le 1er février, une grève intersectorielle y a réuni 500 000 personnes. La Belgique vit aussi au rythme d’actions de grèves dans différents secteurs depuis plusieurs mois, qui ont culminé en une grève générale de 24 heures le 9 novembre.
Une approche internationaliste devrait faire partie de chaque mouvement de luttes. Pourquoi ne pas appeler à l’organisation d’une journée de grève générale européenne ?
Pour une société socialiste démocratique
Les moyens ne manquent pas ! TotalEnergies vient d’annoncer un bénéfice net de 19 milliards d’euros en 2022, le plus gros de son histoire. Les entreprises du CAC 40 ont rendu à leurs actionnaires 80,1 milliards d’euros en 2022 ! Pourtant, ce sont eux que l’Etat cajole le plus avec 157 milliards d’euros d’aides publiques par an !
Ces criminels climatiques et rapaces de toutes sortes doivent être expropriés et nationalisés sous contrôle et gestion des travailleurs.euses. De telle manière, et avec la nationalisation des secteurs clés de l’économie (finance, grandes entreprises,…), il serait possible d’assurer un avenir décent à toutes et tous dans le respect de la planète grâce à une planification rationnelle et démocratique de l’économie.
Dans cette lutte pour s’approprier les moyens, appliquer un tel programme, et aller vers un changement sociétal, c’est la classe ouvrière organisée qui peut jouer le rôle moteur et s’imposer comme classe dirigeante dans la société en attirant avec elle le mouvement pour le climat, le mouvement féministe et d’autres mouvements sociaux. Les bases du renversement du système capitaliste seraient ainsi posées.
Les actions “Robin des bois” constituent une avancée dans ce sens. Les ouvriers du secteur de l’énergie en grève ont de manière coordonnée à travers le pays (une première aussi!) établi la distribution gratuite de gaz et d’électricité pour les écoles, les hôpitaux, des HLM, des centres sportifs publics, les associations d’intérêt public. Ils ont aussi ré-établi la distribution chez les usagers chez qui ça avait été coupé à cause de factures impayées et ils ont offert un tarif réduit jusqu’à 60% pour les petits commerçants, qui n’ont reçu du gouvernement aucune d’aide comparable face à la flambée des prix ! Ces actions sont des initiatives prises et coordonnées par les travailleurs.euses à travers le pays sur les lieux de travail. Les décisions et actions sont votées démocratiquement par la base. Cela donne une idée de la manière dont pourraient être gérées les richesses produites par les travailleurs.euses sous une société socialiste démocratique.
De plus, le fait d’avoir aidé les petits commerçants permettra probablement à cette couche de la société de se tourner vers la classe ouvrière et de soutenir plus volontiers les mouvements de grève, de se joindre à eux dans la lutte. C’est un pas de plus vers l’élargissement et l’unification de la lutte dans notre camp, le surpassement des divisions, si précieux pour la droite, et outil favori de l’extrême droite !
Rejoignez Alternative Socialiste Internationale !
La bataille pour renverser le capitalisme et instaurer une alternative sociétale doit se mener à l’échelle la plus large, et c’est pourquoi nous sommes organisés dans plus de 30 pays sur tous les continents : en Europe bien sûr, mais aussi au Brésil, au Chili, au Mexique, aux USA, au Québec, au Nigeria, en Afrique du Sud, en Tunisie, en Israël/Palestine our encore en Chine, où nous luttons contre la dictature meurtrière et capitaliste du PCC. Depuis plusieurs décennies, nous avons construit une expérience de lutte contre des régimes autoritaires et oppresseurs sur place, comme contre le régime sud-africain de l’apartheid, et aujourd’hui contre le régime de Poutine en Russie. Notre parti mondial n’est pas une addition d’organisations nationales qui entretiennent des relations lointaines, nos sections nationales se voient régulièrement, discutent et dressent ensemble des analyses et conclusions stratégiques pour construire l’outil révolutionnaire qui s’impose dans les conditions d’aujourd’hui.
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France. Cette fois-ci, luttons pour gagner !
La bataille pour les retraites et la guerre pour un changement de société
Avec deux millions de personnes, la première journée de mobilisation dépasse déjà le commencement du combat de 2019-2020 contre le précédent projet de réforme des retraites. C’est le spectre de la réforme de 1995 qui hante aujourd’hui les sommets de l’Etat : celle qui a été balayée par un puissant mouvement de grève.
Tract d’Alternative Socialiste Internationale – France
On connaît désormais la rengaine : nous vivons plus longtemps, alors il faudra travailler plus longtemps. Peu importe si, à 64 ans, 29% des 5% de travailleurs les plus pauvres sont déjà morts et ne bénéficieront donc jamais du système de retraite pour lequel ils ont cotisé toute leur vie. Il est également inenvisageable de refinancer ce système avec plus d’argent public, qui manque. Les impôts sur les bénéfices des entreprises sont en effet passés de 33,3% en 2017 à 25% en 2022.
Le gouvernement tente de faire passer la pilule de la réforme des retraites avec des mesures prétendument progressistes, comme le passage de la retraite minimum de 900 à 1200 euros. Mediapart a calculé que seules 48 personnes pouvaient aujourd’hui répondre aux conditions imposées pour y avoir droit !
Les femmes aujourd’hui touchent déjà en moyenne 40%, de retraite en moins et le recul de l’âge de départ à 64 ans annulera pour nombre d’entre elles les années gagnées suite à la naissance d’enfants. Tout le monde le sait : attaquer l’indépendance économique des femmes revient à accroitre le danger d’en enfermer dans des relations violentes. De meilleurs salaires et pensions : c’est en s’en prenant à la violence économique que l’on commence à s’en prendre sérieusement aux violences sexistes !
Cette réforme arrive dans un moment où la situation est déjà particulièrement dramatique avec l’actuelle flambée des prix. Mais de l’argent, il y en a ! D’une part, les entreprises du CAC 40 ont rendu à leurs actionnaires 80,1 milliards d’euros en 2022, un record ! Ensuite, les 42 milliardaires français se partagent un patrimoine de 544 milliards d’euros (l’équivalent de toute la richesse produite en un an en Belgique). Encore un record. Enfin, le plus gros poste de dépenses de l’Etat, ce sont les aides publiques à destination des entreprises : 157 milliards d’euros par an.
Le front commun des 8 principales organisations syndicales du pays (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires) est important. Ce n’était plus arrivé depuis 2010 (quand l’âge de la retraite est passé de 60 à 62 ans sous Sarkozy). Fin 2019 / début 2020, une autre attaque contre les retraites avait donné lieu à une lutte titanesque, mais le manque de plan d’action audacieux vers une grève générale reconductible avait donné lieu à un essoufflement du mouvement. Comme l’a récemment fait remarquer un syndicaliste CGT dans les pages de Libération : «sans le confinement, en 2019, ça n’aurait pas marché».
Leçons de la lutte pour le pouvoir d’achat
Le mouvement de grève dans les raffineries en automne dernier avait alimenté la confiance dans d’autres secteurs. À la mi-septembre encore, il était impossible d’imaginer que quelques semaines plus tard, un début de lutte généralisée se produirait ; qu’un tel type de mouvement de grève dynamique se développerait.
Deux journées de grèves nationales avaient été appelées pour la fin du mois de septembre par la CGT et Solidaires, mais sans être des échecs complets, elles étaient loin de ce qui était nécessaire pour mener une bataille pour gagner. Ces journées de grève n’avaient été organisées qu’à contrecœur, en réponse aux appels de Mélenchon et de la France Insoumise qui relayaient la colère à la base et poussaient pour un mouvement social en septembre.
Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez avait déjà montré en juin son manque de volonté de construire un mouvement généralisé : « Les mobilisations sociales sont de la responsabilité des syndicats », avait-il répondu aux appels de Mélenchon. Celui-ci avait également tenté, sans succès, de mobiliser les forces syndicales pour la « Marche contre la vie chère et l’inaction climatique » du 16 octobre, qui a finalement été un grand succès en rassemblant plus de 100.000 personnes à Paris. La mobilisation pour cette marche s’annonçait pourtant très difficile, vu le contexte de luttes plus restreint, mais aussi à cause des critiques justes à l’encontre de la gestion désastreuse et sexiste de l’affaire Quatennens par Mélenchon et la direction de la FI.
Mais le nouveau contexte de début de généralisation des grèves avait boosté la mobilisation. Cela tombait à point à la fois pour laisser s’exprimer la colère et pour regarder le camp d’en face enfin à nouveau avec détermination.
La direction de la CGT n’avait pas l’intention d’évoluer vers un mouvement de grève généralisé. C’est la colère croissante de la base, à l’origine des actions de grève, qui a poussé les directions syndicales à aller plus loin que ce qu’elles avaient initialement prévu.
Sans cette puissante grève dans les raffineries, l’accord obtenu – même faible – n’aurait jamais vu le jour. C’est aussi ce nouveau contexte bouillonnant qui a obligé Macron à repousser le lancement de sa réforme des retraites au début d’année de cette année. Comme d’autres avant, ce mouvement a confirmé que seule la lutte paie, grâce à l’arme de la grève et autour de revendications offensives.
Utiliser sérieusement l’arme de la grève
Aujourd’hui, il faut dépasser la simple suite de dates de journées de grèves et de mobilisation vaguement liées entre elles si on veut éviter que le mouvement finisse par s’essouffler sans victoire, ce sur quoi compte le gouvernement. Il est urgent d’organiser des assemblées de lutte sur les lieux de travail ouvertes à tous les collègues, syndiqués ou non, et d’organiser de pareils comités dans les lycées, les universités et les quartiers pour construire la grève générale reconductible. C’est ainsi que l’on pourra repousser toute la réforme des retraites, mais aussi faire chuter le gouvernement Borne et toute la politique d’austérité.
L’organisation à la base est clé pour éviter que la lutte ne soit à un moment trahie par le sommet syndical. La grève des contrôleurs de la SNCF pendant les fêtes avait montré la voie, en s’organisant au travers d’une page Facebook « collectif national ASCT » (Agents, service commercial, trains) pour passer à l’action et imposer aux directions syndicales le dépôt du préavis. De même, pendant la grève des raffineries (en septembre et octobre 2022), les ouvriers de Total avaient à nouveau mené une grève reconductible, dont la reconduite était assurée par un vote démocratique. C’est avec ce genre de méthode qu’on assure l’implication de l’ensemble des travailleurs et donc la réussite du combat. La faiblesse de ce mouvement avait alors été son isolement (malgré un large soutien passif), qui avait permis aux autorités de dégainer la réquisition de personnel. Cela ne fait que souligner la nécessité de construire un mouvement large reposant sur l’implication maximale de l’ensemble de la classe travailleuse.
L’extrême droite n’ose pas s’opposer frontalement au mouvement. Ce type de mouvement reposant sur la lutte de classe est le cauchemar de Le Pen & Co car cela démasque l’hypocrisie de leur opposition à ce type de réformes. Leur monde, c’est le même que celui des amis de Macron, avec en plus la volonté d’écraser physiquement tout le mouvement social et d’imposer le racisme comme pensée unique à coups de bottes. Le mouvement ouvrier en action est le meilleur remède contre les divisions semées au sein de la classe travailleuse, car l’unité est nécessaire pour vaincre.
Construire une riposte internationale de masse
Les mouvements de grève ont besoin d’être coordonnés au niveau international. Fin septembre, la lutte du personnel des raffineries a reçu la solidarité de plusieurs syndicats en Europe. Des luttes syndicales importantes se développent en ce moment-même dans des pays limitrophes. L’automne dernier, la Grande-Bretagne a vécu son plus grand mouvement de grèves depuis des décennies – un mouvement qui est de retour maintenant en janvier, et qui s’annonce explosif. La Belgique vit aussi au rythme d’actions de grèves dans différents secteurs depuis plusieurs mois, qui ont culminé en une grève générale de 24 heures le 9 novembre.
Une approche internationaliste devrait faire partie de chaque mouvement de luttes. Pourquoi ne pas appeler à l’organisation d’une journée de grève générale européenne ?
Pour une société socialiste démocratique
Une planification économique démocratique générale de la société est urgente : orienter la production vers ce qui est nécessaire, vers les besoins réels de l’immense majorité de la population et ceux de notre planète.
Il faut discuter et avancer vers un autre type de système économique, vers une société débarrassée de l’exploitation et de la loi du profit : une société socialiste démocratique. C’est la seule capable d’assurer qu’une poignée d’ultra-riches ne décide de tout en fonction de ses intérêts. C’est la seule capable d’assurer l’existence harmonieuse des êtres humains et de leur environnement.
Dans cette lutte pour s’approprier les moyens, appliquer un tel programme, et aller vers un changement sociétal, c’est la classe ouvrière organisée qui peut jouer le rôle moteur et entraîner avec elle en front uni le mouvement pour le climat, le mouvement féministe et d’autres mouvements sociaux. Les bases du renversement du système capitaliste seraient ainsi posées.
Participez à notre réunion ouverte en ligne : “Cette fois-ci : Luttons pour gagner ! La bataille pour les retraites et la guerre pour un changement de société”
Ce lundi 23 janvier, 19h30, via zoom
Meeting ID: 619 8729 9291
Passcode: 305726Rejoignez Alternative Socialiste Internationale !
Nous pensons que la bataille contre le système et pour une alternative sociétale doit se mener à l’échelle la plus large, et c’est pourquoi nous sommes présents dans plus de 30 pays sur tous les continents : en Europe bien sûr, mais aussi par exemple au Brésil, au Chili, au Mexique, aux USA, au Québec, au Nigeria, en Afrique du Sud, en Tunisie, en Israël/Palestine, et aussi en Chine, où nous luttons contre la dictature meurtrière du PCC. Depuis plusieurs décennies, nous avons construit une expérience de lutte contre des régimes autoritaires et oppresseurs sur place, comme contre le régime sud-africain de l’apartheid, et aujourd’hui contre le régime de Poutine en Russie. Notre parti mondial n’est pas une addition d’organisations nationales qui entretiennent des relations lointaines. Nous construisons un véritable parti mondial avec des sections nationales qui se voient régulièrement, discutent en dressent ensemble des analyses et des conclusions pour la construction de notre organisation internationale et dans ses sections.
ASI/ISA France – alternativesocialisteinternationale.com / alternative.soc.internationale@gmail.com
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La bataille contre la réforme des retraites commence en France
Travailler jusqu’à la mort ? Hors de question !
Comme annoncé lors de la campagne présidentielle, le gouvernement Macron a lancé sa réforme des retraites. Au programme notamment : passage de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, et nombre d’annuités de 41 à 43. Plus de 70% de la population est opposée à cette réforme qui vise à faire travailler tout le monde plus longtemps.
Par Arno (Liège)
On connaît désormais la rengaine : nous vivons plus longtemps, alors il faudra travailler plus longtemps. Peu importe si, à 64 ans, 29% des 5% de travailleurs les plus pauvres sont déjà morts et ne bénéficieront donc jamais du système de retraite pour lequel ils ont cotisé toute leur vie. Il est également inenvisageable de refinancer ce système avec plus d’argent public, qui manque. En effet, les impôts sur les bénéfices des entreprises sont passés de 33,3% en 2017 à 25% en 2022, soit, une chute du tiers au quart sur le premier quinquennat d’Emmanuel Macron.
Le gouvernement tente de faire passer la pilule de la réforme des retraites avec des mesures prétendument progressistes, comme le passage de la retraite minimum de 900 euros à 1200 euros. Mediapart a calculé que seules 48 personnes pouvaient aujourd’hui répondre aux conditions imposées pour y avoir droit !
Cette réforme arrive dans un moment où la situation est déjà particulièrement inflammable, avec la flambée des prix qui frappe les travailleurs français, qui ne bénéficient même pas de l’indexation des salaires, excepté pour le SMIC. Alors que de l’argent, il y en a ! D’une part, les entreprises du CAC 40, l’équivalent français du Bel20, ont rendu à leurs actionnaires 80,1 milliards d’euros en 2022, un record ! Ensuite, les 42 milliardaires français se partagent un patrimoine de 544 milliards d’euros (grosso modo l’équivalent de toute la richesse produite en un an en Belgique). Encore un record. Enfin, le plus gros poste de dépenses de l’Etat français, ce sont les aides publiques à destination des entreprises : 157 milliards d’euros par an.
La meilleure défense, c’est l’attaque
Les 8 principales organisations syndicales du pays (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires) se sont unies dans un front commun, ce qui n’était plus arrivé en France depuis 2010 (quand l’âge de la retraite est passé de 60 à 62 ans sous Sarkozy). Fin 2019 / début 2020, une autre attaque contre les retraites avait donné lieu à une lutte titanesque, mais le manque de plan d’action audacieux vers une grève générale reconductible avait donné lieu à un essoufflement du mouvement. Comme l’a récemment fait remarquer un syndicaliste CGT dans les pages de Libération : « sans le confinement, en 2019, ça n’aurait pas marché ».
Il faut dépasser la simple suite de dates de journées de grèves et de mobilisation vaguement liées entre elles si on veut éviter que le mouvement finisse par s’essouffler sans victoire, ce sur quoi compte le gouvernement. Il est urgent d’organiser des assemblées de lutte sur les lieux de travail ouvertes à tous les collègues, syndiqués ou non, et d’organiser de pareils comités dans les lycées, les universités et les quartiers pour construire la grève générale reconductible. C’est ainsi que l’on pourra repousser toute la réforme des retraites, mais aussi faire chuter le gouvernement Borne et toute la politique d’austérité.
L’organisation à la base est clé pour éviter que la lutte ne soit à un moment trahie du sommet (notamment de la part de la direction de la CFDT). La grève des contrôleurs de la SNCF pendant les fêtes a fait un pas en cette direction, en s’organisant à partir d’une page Facebook « collectif national ASCT » (Agents, service commercial, trains) pour passer à l’action et imposer aux directions syndicales le dépôt du préavis. De même, pendant la grève des raffineries (en septembre et octobre 2022), les ouvriers de Total avaient à nouveau mené une grève reconductible, dont la reconduite était assurée par un vote démocratique. C’est avec ce genre de méthode qu’on assure l’implication de l’ensemble des travailleurs et donc la réussite du combat. La faiblesse de ce mouvement avait alors été son isolement, qui avait permis aux autorités de dégainer la réquisition de personnel. Cela ne fait que souligner la nécessité de construire un mouvement large reposant sur l’implication maximale de l’ensemble de la classe travailleuse.
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Italie. Contre l’offensive de la droite : résistance partout ! À l’école, au travail, dans la rue !
Les élections de septembre ont confirmé la profonde crise politique que traverse l’Italie. Un autre gouvernement de coalition instable, avec toutes sortes de technocrates non élus comme ministres, est tombé en juillet. Avec un taux de participation électorale le plus faible depuis Mussolini, la droite est devenue le plus grand groupe parlementaire et les Fratelli d’Italia (FDI ou « Frères d’Italie »), parti d’extrême droite, le plus important au parlement. Malheureusement, il n’y avait pas d’alternative de gauche crédible lors de ces élections.
Par Eugenio (Bruxelles)
Le 21 octobre, Giorgia Meloni (FDI) est devenue la première femme à diriger un gouvernement italien, le plus à droite du pays depuis la Seconde Guerre mondiale. Une multitude de figures réactionnaires ont endossé des fonctions ministérielles. Eugenia Roccella, à la tête du nouveau ministère de la « Famille, de la naissance et de l’égalité des chances », est opposée à l’avortement, aux droits des personnes LGBTQIA+ et aux traitements de fertilité. Galeazzo Bignami (FDI), ministre délégué aux Infrastructures, a été photographié en 2005 en tenue noire et portant au bras un brassard frappé de la croix gammée.
Criminalisation des rassemblements
L’un des premiers projets de loi du nouveau gouvernement est le décret contre les rave-party, qui criminalise les rassemblements non autorisés de plus de 50 personnes. Derrière le prétexte de s’en prendre aux fêtes illégales (priorité politique majeure, semble-t-il), cette législation liberticide vise bien entendu à réprimer les rassemblements de protestation. Les droits sociaux et libertés sont en danger, les principales cibles étant les migrants, les femmes et les personnes LGBTQIA+.
Ce gouvernement d’un pays plongé dans la récession sait qu’il sera incapable d’adopter des mesures économiques et sociales de nature à atténuer la crise du coût de la vie que subit une classe travailleuse italienne déjà gravement précarisée. Les projets économiques du gouvernement ne représentent aucune solution pour la population. Ceux-ci s’alignent sur les politiques antisociales du gouvernement Draghi, qui était la marionnette de l’Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI). Afin d’obtenir les 200 milliards d’euros d’aide du plan de relance européen, ce gouvernement est lui aussi pieds et poings liés aux diktats de la Commission européenne. S’attaquer aux migrants, aux femmes et aux communautés marginalisées doit servir à détourner l’attention de son impuissance tout en cherchant à affaiblir la solidarité et donc la capacité de riposte de la classe travailleuse.
Les jeunes se mobilisent
Car la jeunesse et la classe travailleuse ne resteront pas sur la touche. Le 27 septembre, des milliers de personnes sont déjà descendues dans la rue en défense du droit à l’avortement menacé par l’extrême droite. Cette démarche s’inscrit dans le cadre de la renaissance du mouvement féministe italien, qui a par ailleurs manifesté contre les violences sexistes le 26 novembre.
Diverses mobilisations nationales ont déjà été organisées par des collectifs sociaux et de travailleurs contre les politiques antisociales du nouveau gouvernement. La jeunesse a tout particulièrement réagi avec des occupations d’écoles et d’universités, aboutissant à une journée nationale d’action le 18 novembre dernier. Ce #NoMeloniDay a réuni 100.000 étudiants et écoliers dans plus d’une cinquantaine de villes. Ils ont exigé plus de moyens pour l’enseignement et la fin de la répression policière brutale.
Les jeunes ne sont pas isolés dans leur combat. L’Unione Sindacale di Base et Si Cobas (syndicats indépendants) ont appelé à une grève générale le 2 décembre sous le slogan « Déposez les armes, montez les salaires ! », suivie d’une manifestation nationale à Rome le lendemain. Ils réclament des augmentations de salaire de 10 %, un système d’indexation des salaires et un salaire minimum de 10 euros de l’heure. La CGIL, la plus grande fédération syndicale, ne doit plus attendre et doit immédiatement se joindre aux mouvements.
Syndicalisme militant
Des exemples de syndicalisme militant – comme celui des travailleurs de l’usine occupée GKN à Florence, qui ont formé un collectif pour défendre les 500 emplois menacés par la fermeture et qui cherchent activement à construire la solidarité entre les différentes luttes – sont capables de rallier de larges couches de la société autour d’eux et de poser les bases d’un mouvement indépendant et combatif des travailleuses et travailleurs pour repartir à l’offensive politique.
Pour plus d’informations, suivez la page Instagram de notre section italienne @ASI_Italia, ou visitez notre site LottaPerilSocialismo.it.
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France. À nous la rue, les bars, les parcs !
Le 25 novembre marque la Journée internationale contre les violences de genre. Dans le monde entier, on se bat contre la violence, la discrimination et l’oppression dans une nouvelle vague féministe où existe une prise de conscience croissante que le système capitaliste alimente et crée les oppressions. Samedi, nous étions jusqu’à 80.000 personnes dans les rues de Paris lors de la manifestation organisée par le collectif “Nous Toutes” pour lutter contre les attitudes et violences sexistes et misogynes à tous les niveaux – du catcalling, aux agressions sexuelles, victim blaming, féminicides et transphobie à la précarité de toutes les personnes opprimées. Cette journée d’action à travers la France (et le monde) montre le potentiel qu’il existe pour continuer à se mobiliser massivement, construire de réelles luttes dans tous les pays et gagner de réelles victoires.
Par Isaure (Paris)
“Mon corps, mon choix, Pas leurs profits !”, “Derrière le sexisme se cache le capital, La lutte antisexiste est internationale !”, “Y’en a assez assez assez de cette société, Qui nous divise et applique l’austérité !” Ces slogans antisexistes et anticapitalistes ont été scandés par 150-200 manifestant(e)s, principalement femmes et LGBTQIA+, dans le cortège d’Alternative Socialiste Internationale et de ROSA organisé par un contingent de camarades de France et de l’étranger (Pologne, Irlande, Angleterre et Belgique). Nous avons vendu notre journal écrit pour l’occasion avec des articles concernant le féminisme socialiste, l’Iran, la crise climatique, la guerre en Ukraine ainsi que les grèves dans les raffineries en France.
A l’international, que ce soit les récentes attaques contre le droit à l’avortement, contre les personnes transgenres, ou même envers le mouvement #metoo à travers des tribunaux qui culpabilisent publiquement les victimes, la division patriarcale des rôles, la dévalorisation et l’infériorisation des femmes et des personnes genrées sont des moteurs de la violence sexiste. Le système capitaliste est donc indissociable de l’oppression des femmes. C’est pourquoi il est absolument nécessaire d’exiger plus de refuges pour les femmes et personnes LGBTQIA+ ainsi qu’une bonne protection de toutes les personnes concernées par la violence de genre. Mais au-delà de ça, nous dévons combattre les agressions sexistes et sexuelles et appeler à la fin d’une culture et d’une idéologie capitalistes qui oppriment et exploitent et vont à l’encontre de la liberté de nos choix et de nos corps.
C’est pourquoi nous voulons toujours lier notre lutte contre la violence sexiste à la lutte pour l’indépendance économique des femmes par exemple en ayant accès à un logement abordable, disponible rapidement et sans procédures lourdes. Nous revendiquons une société dans laquelle les femmes ne sont pas définies comme des objets sexuels ; dans laquelle l’éducation des enfants, la formation, les soins, le travail domestique et le travail rémunéré sont réglés de manière collective et solidaire ; dans laquelle ce n’est pas le profit, mais la majorité de la société qui décide démocratiquement de ce qui est produit et comment.
Pour cela, il faut construire un mouvement international de tous les travailleurs et de tous les jeunes, indépendamment de leur genre, de leur orientation sexuelle, de leur origine, etc. Comme démontré par l’explosion de masse en Iran, où la lutte des femmes est à la racine de la situation révolutionnaire contre le régime iranien et système capitaliste qui se développe, nous sommes toujours plus forts lorsque nous parvenons à surmonter les divisions ! La lutte contre le sexisme et pour une société libérée nous concerne toutes et tous !
À travers Alternative Socialiste Internationale (ASI) nous nous organisons dans plus de 30 pays pour lutter contre le sexisme, le racisme, l’homophobie, la transphobie, et toute autre forme d’inégalité et d’exploitation. Pour nous, il est essentiel de ne pas se laisser alimenter par des mesures symboliques. Pour nous, la lutte contre l’oppression des femmes est indissociable de la lutte contre le système capitaliste et pour la mise sur pied d’une société socialiste démocratique.
Rejoins-nous!
Tu veux t’attaquer à la racine du problème: un système basé sur les inégalités, où une infime minorité d’ultra-riches s’enrichit sur notre dos: le système capitaliste ?
Participe à la prochaine réunion vendredi 25 novembre à 19h sur la lutte des socialistes féministes contre la violence sexiste et toutes les formes d’oppression en Iran, aux États-Unis, au Brésil, en Pologne et en France. Cette réunion se déroulera via ce lien zoom.









rpt 











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France. Le mouvement de grève dans les raffineries a montré la voie
Pour une lutte de grande ampleur contre toutes les politiques antisociales de Macron
Pendant près de 50 jours, les travailleurs et travailleuses de 7 raffineries du pays ont mené une grève qui a fait trembler tant les géants pétroliers TotalEnergies et ExxonMobil que le gouvernement macroniste. Le puissant mouvement de grève, qui commençait même à déborder sur d’autres secteurs, portait en lui le potentiel d’une lutte de grande ampleur pour arracher au patronat et à son gouvernement une augmentation salariale pour des millions de personnes.
Les salarié.e.s ont utilisé leur force collective en réponse au refus patronal d’augmenter les salaires pour affronter la brutale crise du coût de la vie en dépit des bénéfices monumentaux. Le bénéfice net de TotalEnergies a plus que doublé en un an. Il est passé de 2,20 milliards de dollars au 2e trimestre 2021 à 5,7 milliards de dollars au 2e trimestre 2022. Exxon Mobil a annoncé son plus gros bénéfice trimestriel jamais enregistré. L’entreprise a presque quadruplé son bénéfice : il est passé de 4,69 milliards de dollars au 2e trimestre 2021 à 17,9 milliards de dollars au 2e trimestre 2022 !
Au lendemain des premières actions de grève, TotalEnergies a annoncé le versement de 2,6 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires. Voilà avec qui elle est prête à partager ses bénéfices – spoiler alert – les travailleurs et travailleuses ne sont pas les heureux gagnants. Ce sont pourtant elles et eux qui ont créé la richesse par leur travail.
La pénurie de carburant qui a résulté de ce mouvement de grève s’est ressentie dans tout le pays. Elle a eu des échos partout en Europe. À la mi-octobre, près d’une station-service sur trois dans l’ensemble du pays manquait d’au moins un produit, entraînant un rationnement dans certaines régions.
Les voleurs et leurs complices ont tenté de faire porter le chapeau aux victimes
Le gouvernement n’a pas lésiné d’efforts pour faire porter le chapeau aux grévistes, suivant une « logique » perfide similaire à la prétendue spirale « salaires-prix ». Soyons clairs : c’est la chasse à la maximisation des profits qui fait encore grimper l’inflation, et non les travailleurs et travailleuses qui réclament des augmentations de salaire conformes à l’inflation pour pouvoir payer leurs factures d’énergie, leur loyer et mettre de la nourriture sur la table.
Avec leur détermination à exploiter sans relâche le personnel pour réaliser des profits, ce sont les entreprises du secteur de l’énergie qui ont été responsables des graves pénuries de carburant. Ce sont les patrons qui ont pris en otage l’ensemble de la classe travailleuse. Rejeter la faute sur les grévistes visait à diviser la classe travailleuse, à saper le soutien des grèves et à les briser.
A aucun moment il n’y a eu de majorité opposée aux grévistes parmi la population. Cela démontre la colère à la base de la société. Toute la classe travailleuse comprend mieux qu’elle partage des intérêts semblables. Cela a déjà été puissamment illustré depuis le début de la pandémie : ce sont les travailleurs et travailleuses qui font tourner la société, mais seule une poignée de capitalistes en profitent.
Un début de généralisation des grèves
Au chantage des entreprises et à la menace du gouvernement de forcer la reprise du travail par la réquisition du personnel, la réponse de la classe travailleuse a été une intensification de la grève. Finalement, TotalEnergies n’a réussi à diviser les travailleuses et travailleurs à la mi-octobre qu’en prenant appui sur des éléments de notre classe sociale : certaines directions syndicales (CFDT et CFE-CGC) ont accepté des propositions salariales insuffisantes. Elles ont donc décidé de lâcher la grève.
L’augmentation annoncée par l’entreprise était de 7%, mais ce chiffre inclut les primes d’ancienneté et les augmentations individuelles ; il est en réalité de 5%. Sous la pression de la grève, la direction a tenté de donner quelques miettes afin d’amadouer – avec succès – les dirigeants des syndicats les moins combatifs. En acceptant ce mauvais accord, ces directions syndicales n’ont pas seulement signé une perte de pouvoir d’achat de facto pour leurs membres, elles ont également tourné le dos à un front uni de la classe ouvrière.
En revanche, les syndicats CGT, FO, Solidaires et FSU ont appelé à poursuivre la grève sur la base de la revendication d’une augmentation de salaire de 10% « 7 % pour l’inflation et 3 % au titre de la participation aux bénéfices ». L’appel a alors été lancé pour généraliser le mouvement de grèves et ainsi canaliser la colère qui existe partout ailleurs, mais souvent de manière dispersée. Les travailleurs et travailleuses en lutte dans les raffineries savaient qu’élargir le mouvement augmentait la possibilité de gagner, et qu’en même temps cela permettait à d’autres secteurs de mener une lutte plus ambitieuse et avec le potentiel d’arracher des augmentations de salaires.
Déjà choisie par les cheminots comme journée d’actions, la date du 18 octobre a été saisie pour en faire « un mouvement interprofessionnel et national pour les salaires et contre les réquisitions ». Cette journée de grève et les suivantes jusqu’à début novembre ont tenu en partie leurs promesses, mais sans être jusqu’ici déterminantes pour parvenir à arracher un autre accord.
Un « automne chaud » qui a pourtant mis du temps à se montrer
Le mouvement de grève dans les raffineries a redonné confiance dans d’autres secteurs. À la mi-septembre encore, il était impossible d’imaginer que quelques semaines plus tard, un début de lutte généralisée se produirait ; qu’un tel type de mouvement de grève dynamique se développerait.
Début septembre, Macron et son gouvernement ont commencé à parler davantage de l’utilisation du tristement célèbre article 49.3, qui permet à l’exécutif de faire passer un texte de loi sans vote du Parlement, afin d’imposer leur impopulaire réforme des retraites. Si c’est le signe d’un gouvernement faible qui a besoin de recourir à des mesures administratives pour faire passer ses attaques. Mais cette approche arrogante avait également été encouragée par la passivité flagrante des directions syndicales.
Deux journées de grèves nationales avaient été appelées pour la fin du mois de septembre par la CGT et Solidaires, mais sans être des échecs complets, elles étaient loin de ce qui serait nécessaire pour mener une bataille pour gagner. Ces journées de grève n’avaient été organisées qu’à contrecœur, en réponse aux appels de Mélenchon et de la France Insoumise qui relayaient la colère à la base et poussaient pour un mouvement social en septembre. Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez avait déjà montré en juin son manque de volonté de construire un mouvement généralisé : « Les mobilisations sociales sont de la responsabilité des syndicats », avait-il répondu aux appels de Mélenchon. Celui-ci avait également tenté, sans succès, de mobiliser les forces syndicales pour la « Marche contre la vie chère et l’inaction climatique » du 16 octobre, qui a finalement été un grand succès en rassemblant plus de 100.000 personnes à Paris.
La mobilisation pour cette marche s’annonçait pourtant très difficile, vu le contexte de luttes plus restreint, mais aussi à cause des critiques justes à l’encontre de la gestion désastreuse de l’affaire Quatennens par Mélenchon et la direction de la France Insoumise. Mais le nouveau contexte de début de généralisation des grèves a boosté la mobilisation, cette date tombant à point à la fois pour laisser s’exprimer la colère et pour regarder le camp d’en face enfin à nouveau avec détermination.
La direction de la CGT n’avait pas l’intention d’évoluer vers un mouvement de grève généralisé. C’est la colère croissante de la base, à l’origine des actions de grève, qui a poussé les directions syndicales à aller plus loin que ce qu’elles avaient initialement prévu.
C’est aussi ce nouveau contexte bouillonnant qui a obligé Macron à repousser le lancement de sa réforme des retraites au début d’année prochaine. Sans cette puissante grève, l’accord obtenu – même faible – n’aurait jamais vu le jour. Comme d’autres avant, ce mouvement a confirmé que seule la lutte paie, grâce à l’arme de la grève et autour de revendications offensives.
Utiliser sérieusement l’arme de la grève
Un mouvement de grève de ce type qui se généralise et s’organise sérieusement peut conduire à des augmentations de salaire significatives pour des millions de personnes en France. Un tel mouvement pourrait aussi jouer un rôle majeur dans l’organisation de la lutte contre la réforme des retraites de Macron ainsi que pour riposter face à la récession économique qui s’annonce en 2023. Une véritable grève générale doit être à l’agenda d’un plan d’action syndical qui construise une résistance offensive sur chaque lieu de travail, et qui essaie d’impliquer les populations des quartiers populaires ainsi que les personnes vivant en milieu rural, souvent trop peu sollicitées pour s’engager dans ce type de lutte.
À côté des lieux de travail en lutte, des manifestations de lycéens ont lieu en ce moment contre le projet de réforme du lycée professionnel. D’autres se mobilisent contre la réforme de l’assurance chômage qui prévoit qu’une allocation pourrait être plus facilement supprimée lors d’une démission. Le mouvement syndical devrait pouvoir jouer un rôle dans l’unification des luttes qui sont en train de se dérouler et dans la stimulation de nouvelles.
Des assemblées devraient être organisées sur chaque lieu de travail, dans chaque quartier, chaque lycée, etc. pour discuter quel plan d’action et quelles revendications sont nécessaires. Les discussions démocratiques organisées parmi la base sont un outil crucial pour construire un mouvement combatif qui peut résister aux campagnes de peur et de dénigrement du patronat et du gouvernement. Elles constituent aussi la meilleure assurance contre les trahisons venant du sommet.
Un programme offensif pour changer de système
Il est important d’armer la lutte d’un programme offensif, à commencer par la revendication nécessaire de la nationalisation des secteurs énergétique et financier sous le contrôle démocratique des travailleurs et travailleuses et de la société. Ce n’est qu’alors que la classe travailleuse, les jeunes et les opprimé.e.s pourront décider démocratiquement de ce qui est produit et de la manière dont c’est distribué.
La nationalisation sous contrôle démocratique – différente du transfert de richesse du public au privé comme l’a fait le gouvernement en « nationalisant » la participation privée restante dans EDF – est également une condition préalable pour éviter la fuite des capitaux, pour garantir que la classe ouvrière ait une vue d’ensemble de tous les flux financiers et que les ressources disponibles et la richesse produite soient investies dans ce qui est socialement nécessaire, comme une énergie verte et abordable.
Exproprions les capitalistes de l’énergie et les criminels climatiques
Les travailleurs et travailleuses des entreprises de l’énergie, mais aussi des transports ont un rôle majeur à jouer : pour nos factures, mais aussi pour poser les bases d’une réelle transition énergétique.
La jeunesse et le mouvement international pour le climat peuvent jouer un rôle important dans l’élargissement et l’internationalisation de mouvements de grève. La CGT a elle-même ouvert la porte en déclarant en septembre : « Pas de justice sociale sans justice climatique ». Le mouvement ouvrier organisé doit se saisir des revendications écologiques ; et la jeunesse en lutte contre le dérèglement climatique doit s’orienter vers les luttes de la classe ouvrière : c’est le moment de montrer son soutien aux travailleurs en grève, comme l’ont fait des activistes climatiques de « Code Rouge » en Belgique début octobre, en bloquant les infrastructures de TotalEnergies en solidarité avec les travailleurs en grève en France.
La crise climatique et celle du coût de la vie et de l’énergie sont étroitement liées : nous devons construire un front uni avec les travailleurs et travailleuses et le mouvement syndical pour lutter contre la cause commune de cette crise multiple, le système capitaliste.
La nationalisation de l’ensemble du secteur énergétique sous contrôle démocratique permettrait à la classe ouvrière d’utiliser les énormes profits pour faire baisser les prix, augmenter les salaires et payer les investissements nécessaires dans les énergies vertes et une transition juste des entreprises de combustibles fossiles. Une telle transition devrait inclure des offres de réorientation pour les travailleurs et travailleuses de l’industrie, associées à une garantie d’emploi et à la sécurité que leurs salaires dans les nouveaux secteurs seront au moins au même niveau.
Pour une société socialiste démocratique
Une planification écologique est urgente ; elle doit s’inscrire dans une planification économique démocratique générale de la société : orienter la production vers ce qui est nécessaire, vers les besoins réels de l’immense majorité de la population et ceux de notre planète.
Il faut discuter et avancer vers un autre type de système économique, vers une société débarrassée de l’exploitation et de la loi du profit : une société socialiste démocratique. C’est la seule capable d’assurer qu’une poignée d’ultra-riches ne décide de tout en fonction de ses intérêts. C’est la seule capable d’assurer l’existence harmonieuse des êtres humains et de leur environnement.
Dans cette lutte pour s’approprier les moyens, appliquer un tel programme, et aller vers un changement sociétal, c’est la classe ouvrière organisée qui peut jouer le rôle moteur et entraîner avec elle en front uni le mouvement pour le climat, le mouvement féministe et d’autres mouvements sociaux. Les bases du renversement du système capitaliste seraient ainsi posées.
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Royaume Uni. Liz Truss démissionne, le gouvernement s’effondre : dégageons les Tories !
Pour une grève générale ! Luttons pour une alternative socialiste !
Par Claire Laker-Mansfield, Socialist Alternative (ASI en Angleterre, Pays de Galles et Ecosse)
Une Première ministre conservatrice mord à nouveau la poussière. Dans des scènes qui ressemblent moins à un accident de voiture au ralenti qu’à une collision entre plusieurs véhicules à grande vitesse, les députés conservateurs ont évincé un autre occupant du numéro 10, siège du Premier ministre britannique. Liz Truss est au pouvoir depuis seulement 45 jours. C’est un nouveau record, qui reflète l’impasse totale dans laquelle se trouve le capitalisme britannique, alors que le parti le plus prospère de son histoire sombre dans le chaos le plus total.
Mais tandis qu’à Westminster (le parlement) les événements atteignent de nouveaux niveaux de farce, une calamité attend les travailleurs d’Angleterre, d’Écosse, du Pays de Galles et d’Irlande du Nord. Cette bande de parasites et d’escrocs ne doit pas être autorisée à choisir un autre Premier ministre « intérimaire » non élu. Une « figure d’unité » choisie par les députés conservateurs serait chargée en leur nom de continuer à gouverner pour les riches tout en gagnant du temps pour limiter la catastrophe à laquelle ils s’exposent en cas d’élections générales. Le budget de coupes budgétaires qui sera dévoilé le 31 octobre donnerait le ton.
Les Tories doivent dégager. S’ils tentent de s’accrocher, le mouvement des travailleurs doit leur montrer la porte. Maintenant plus que jamais, les membres des syndicats doivent se battre pour intensifier, élargir et coordonner les grèves. Une action généralisée pourrait faire tomber tout fragile régime « intérimaire ». Et lorsque les conservateurs seront inévitablement contraints de se rendre aux urnes, il faudra se préparer à un nouveau cycle de lutte dans la rue.
Le dégoût écrasant et tout à fait justifié que suscite le règne des conservateurs signifie que les élections générales verront presque certainement une énorme victoire de la seule alternative gouvernementale actuellement proposée dans la politique britannique : le parti travailliste dirigé par Starmer. Mais ce projet politique néo-blairiste et pro-milliardaire ne suscite aucun enthousiasme.
La catastrophe capitaliste britannique
La crise catastrophique à laquelle est confronté le capitalisme britannique – ce qui sous-tend réellement le chaos qui engloutit son parti historique, les Tories – signifie que Starmer sera contraint par la logique de ce système de poursuivre les attaques brutales contre la classe ouvrière. Mais il peut aussi être plus vulnérable à la pression de masse que le mouvement ouvrier peut exercer.
Il ne doit pas y avoir de pause dans les grèves et les manifestations prévues si les travaillistes sont élus – bien au contraire. La guerre de classe des riches contre les pauvres se poursuivra, quel que soit l’occupant de Downing Street – Tory ou Blairiste.
De même, en Écosse, où seulement 9 % des électeurs ont une opinion favorable de Truss et où les Tories sont encore moins populaires, les travailleurs ne peuvent compter ni sur le SNP (parti national écossais) pro-capitaliste ni sur le parti travailliste blairiste pour obtenir un changement significatif.
Le mouvement ouvrier doit passer à l’offensive
En plus de l’intensification des grèves et des manifestations de masse – y compris pour une participation massive à la manifestation de l’Assemblée du peuple du 5 novembre, nous devons également entamer des discussions sur la construction d’une alternative politique aux principaux partis capitalistes. Un nouveau parti de gauche, qui se base sur les luttes des travailleurs, des jeunes et des opprimés, pourrait commencer à donner une expression politique aux demandes et aux aspirations de la classe ouvrière et marquerait un important pas en avant.
Mais il est encore plus crucial de construire et de développer une organisation qui se positionne de manière claire et sans ambiguïté pour la fin du capitalisme, qui peut offrir un leadership dans la lutte pour un changement socialiste révolutionnaire.
Socialist Alternative se bat pour la fin du chaos et de la tyrannie des marchés, pour la propriété publique des grands monopoles et la planification démocratique des travailleurs et pour construire une économie qui répond aux besoins de tous sans détruire la planète.
Venez en discuter avec nous ! Rencontre avec le syndicaliste britannique Mike Forster
BRUXELLES – jeu 27/10 (FR/ANG/NL) 19h30 Pianofabriek, Rue du Fort 35, Sint-Gilles.
LIÈGE – mer 26/10 (FR/ANG) 19h, Barricade, Rue Pierreuse 19-21
ANVERS – lu 24/10 (NL/ANG) 19h30, Info locatie volgt
GAND – ma 25/10 (NL/ANG) 19h30, Info locatie volgt
LOUVAIN – ve 28/10 (NL/ANG) 20h Romaanse Poort, Brusselse stw 63« La classe ouvrière est de retour ! » La phrase a fait le tour du monde. Elle est de Mick Lynch, leader du syndicat britannique des transports RMT, et a été lancée du cœur du néolibéralisme, au pays de Margareth Thatcher et de ses lois antisyndicales. Une vague de grèves y a déferlé ces derniers mois en réaction à l’explosion des prix et il est même question d’une grève générale, la première depuis 1926 !
À côté des grèves, les appels au non-paiement des factures ont trouvé un écho grandissant, écho d’autant plus effrayant pour la classe dominante qu’un dangereux précédent existe au Royaume-Uni… Car c’est précisément une campagne de masse de non-paiement qui a mis fin au règne de Thatcher en 1990, celle contre la Poll Tax.
MIKE FORSTER est un vétéran des luttes syndicales et un membre de SOCIALIST ALTERNATIVE. Il s’était également pleinement engagé dans l’historique campagne de masse contre la Poll Tax et son organisation.
L’actuelle explosion de colère a remis la lutte des classes à l’ordre du jour. Les syndicats les plus combattifs du Royaume-Uni, ainsi que des députés et des syndicalistes de gauche, ont lancé l’initiative nationale « Enough is Enough » (Trop c’est trop). Cette campagne s’articule autour de cinq revendications simples : une augmentation réelle des salaires, la réduction des factures d’énergie, l’éradication de la précarité alimentaire, l’accès pour toutes et tous à un logement décent et la taxation des riches.
Ces revendications représentent un bon début, en Belgique également. Les membres et syndicalistes du PARTI SOCIALISTE DE LUTTE vous invitent à venir discuter avec Mike Forster de la manière de construire un rapport de force qui nous soit favorable et de la manière de lier les inquiétudes actuelles au combat pour le renversement du capitalisme. Au cœur de cet enjeu se trouve notamment la nationalisation de la totalité du secteur de l’énergie sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité, afin de permettre un réel blocage des prix et d’assurer une transition verte rapide, mais aussi la nationalisation de la totalité du secteur financier pour dégager les moyens nécessaires à la satisfaction des besoins de toutes et tous.
QU’EST-CE QUE LE PARTI SOCIALISTE DE LUTTE (SECTION BELGE D’ALTERNATIVE SOCIALISTE INTERNATIONALE)
Un avenir socialiste démocratique est nécessaire, mais il est aussi possible ! Cela exige de se rejoindre et de s’organiser, en Belgique et dans le monde entier.
Ce que nous entendons par « parti », ce n’est pas une machine électorale, mais un instrument de combat pour arracher un changement radical de société. Voulez-vous agir et ne plus subir ? Votre place vous attend à nos côtés ! Contactez-nous et faites connaissance avec nos idées et nos méthodes en participant à nos activités.
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La grève s’intensifie en France – Exproprions les capitalistes de l’énergie et les criminels climatiques
Une intensification de la grève est la réponse de la classe travailleuse au chantage des entreprises et à la menace du gouvernement de forcer les travailleurs des raffineries en grève à reprendre le travail. Le mouvement pour le climat doit faire preuve de solidarité dans l’action contre les entreprises énergétiques qui tuent le climat.
Par Philipp Chmel
En France, les travailleurs syndiqués à la CGT chez TotalEnergies et Exxon Mobil demandent une augmentation de salaire de 10 % – « 7 % pour l’inflation et 3 % au titre de la participation aux bénéfices » – pour faire face à la brutale crise du coût de la vie.
Les deux entreprises enregistrent des bénéfices records. Le bénéfice net de TotalEnergies au deuxième trimestre a plus que doublé, passant de 2,20 milliards de dollars (T2 2021) à 5,7 milliards de dollars (T2 2022), et Exxon Mobil a même annoncé son plus gros bénéfice trimestriel jamais enregistré dans l’histoire de la société. Elle a presque quadruplé son bénéfice net du deuxième trimestre, qui est passé de 4,69 milliards de dollars (T2 2021) à 17,9 milliards de dollars (T2 2022). En fait, exactement le lendemain du début des actions de grève, TotalEnergies a annoncé qu’elle allait verser 2,6 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires, indiquant clairement avec qui elle est prête à partager ses bénéfices – spoiler alert : les travailleurs et travailleuses qui ont créé la richesse par leur travail ne sont pas les heureux gagnants.
Les travailleurs sont en grève depuis plus de deux semaines, utilisant leur pouvoir collectif pour fermer et bloquer six des sept raffineries du pays, les entreprises refusant de répondre aux demandes des travailleurs et travailleuses. La pénurie de carburant qui en résulte a pu être ressentie dans toute la France cette semaine. Près d’une station-service sur trois dans l’ensemble du pays manquait d’au moins un produit mardi 11 octobre, entraînant un rationnement dans certaines régions, notamment les Alpes-Maritime, le Var et le Vaucluse dans le sud. Dans dix régions, des bus scolaires étaient à court de carburant, des files d’attente d’une heure se sont formées dans les stations-service, la police a commencé à contrôler les réservoirs des particuliers avant de les autoriser à faire le plein, et des vidéos circulent montrant des policiers poussant leur voiture après être tombés en panne sèche.
Les voleurs et leurs complices tentent de faire porter le chapeau aux personnes volées
Lorsque les pénuries de carburant ont commencé à se faire sentir, le gouvernement a multiplié les reproches à l’encontre des travailleurs. Le ministre français du budget, Gabriel Attal, a déclaré à la radio France Inter : « Le cœur de ce problème est le blocage des raffineries et des dépôts de carburant par la CGT […]. Cela [a été] un week-end cauchemardesque pour des millions d’automobilistes. » Et le président Macron déclarait : « Le blocage n’est pas une façon de négocier. Les négociations salariales sont légitimes […], mais elles doivent trouver un enjeu pour que, quelque part, nos compatriotes ne soient pas leurs victimes. »
Cette tentative de faire porter le chapeau aux travailleurs et travailleuses qui osent lutter pour une vie meilleure suit la même « logique » perfide que le conte de fées de la spirale “salaires-prix ». Soyons clairs : c’est la chasse à la maximisation des profits qui fait encore grimper l’inflation, et non les travailleurs et travailleuses qui réclament des augmentations de salaire conformes à l’inflation pour pouvoir payer leurs factures d’énergie, leur loyer et mettre de la nourriture sur la table.
Avec leur détermination à exploiter sans relâche les travailleurs pour réaliser des profits, les entreprises du secteur de l’énergie sont également responsables des graves pénuries de carburant.
Ce sont les entreprises qui prennent en otage l’ensemble de la classe travailleuse en France. En rejetant la faute sur les grévistes, elles tentent de diviser la classe ouvrière, de saper son soutien et de briser ainsi les grèves.
Les travailleurs se défendent contre le chantage et la répression de la classe dirigeante
Cependant, il semble que ni le gouvernement français ni les entreprises ne s’attendaient à une telle détermination courageuse à se battre du côté des travailleurs et de la CGT.
Le dimanche 9 octobre, TotalEnergies a annoncé qu’elle serait prête à avancer les négociations salariales de novembre à octobre si les blocages prenaient fin. La CGT a correctement repoussé cette tentative de chantage scandaleuse et un responsable syndical de la raffinerie TotalEnergies de Feyzin a clairement indiqué que « cela ne fait qu’encourager les travailleurs en grève, qui sont plus unis que jamais. »
Lorsque le rationnement du carburant est devenu nécessaire dans certaines régions mardi, le gouvernement a tenté de reprendre le contrôle et a annoncé qu’il forcerait les travailleurs en grève à reprendre le travail par le biais d’ordres de réquisition du personnel. Si les travailleurs notifiés ne se conforment pas à l’ordre, « ils risquent jusqu’à six mois de prison et une amende de 10 000 euros (9 700 dollars) ». Il s’agit d’une attaque en règle contre le droit démocratique de grève des travailleurs. Un délégué CGT chez ExxonMobil disait : « Le gouvernement veut nous obliger à venir travailler, nous allons nous battre contre cela, c’est clairement une atteinte au droit de grève. On nous attaque directement sur notre droit de grève. »
Mercredi, les travailleurs du dépôt Esso (Exxon Mobil) de Gravenchon-Port-Jérôme avaient reçu l’ordre de reprendre le travail. Jeudi, la réquisition du personnel a été étendue au dépôt de stockage de TotalEnergies à Dunkerque, la police étant présente pour faire respecter la politique de casse du gouvernement.
Le syndicat a clairement indiqué qu’il contesterait l’ordre de réquisition devant les tribunaux, une affaire qu’il devrait gagner, comme il l’a fait la dernière fois en 2010. À l’époque, un tribunal avait suspendu les ordres de réquisition du gouvernement du Premier ministre François Fillon pour forcer les travailleurs des raffineries à reprendre le travail.
Mais il ne faut pas faire confiance aux tribunaux, qui font partie de l‘appareil d‘État capitaliste, ni se faire d’illusions. La décision antidémocratique de la Cour suprême des États-Unis d’annuler l’arrêt Roe v Wade a brutalement montré que nous devons créer un équilibre des forces dans les rues et sur les lieux de travail pour gagner. Il est donc correct que, qualifiant les plans du gouvernement de « violents », le syndicat CGT ait « suspendu toutes les négociations en cours avec le gouvernement et les employeurs au niveau national et dans tous les secteurs d’activité – et annoncé des grèves supplémentaires à la raffinerie Total de Donges ».
Nous soutenons également pleinement l’appel de la Fédération nationale des mines et de l’énergie (FNME-CGT) à étendre l’action industrielle à l’ensemble du secteur de l’énergie. Selon les représentants de la FNME, cet appel a reçu une réponse solidaire. Des grèves ont été signalées dans un centre de stockage de gaz d’Engie, les travailleurs des centrales nucléaires d’EDF ont repris le mouvement de grève et un message de solidarité a été envoyé aux grévistes de TotalEnergies et d’Exxon.
La riposte est efficace
L’approche combative des travailleurs et travailleuses et de la CGT a montré ses premiers effets jeudi. Pour mettre un terme au jeu des reproches qui se développe entre les ministres et éviter les dégâts, le gouvernement a légèrement modifié son discours. Le ministre français des finances, Bruno Le Maire, a appelé TotalEnergies à augmenter les salaires afin de mettre fin aux grèves. Sur la radio RTL, il a déclaré que l’entreprise avait « tardé » à entamer des discussions avec les syndicats et qu’au vu de ses énormes bénéfices, TotalEnergies avait « la capacité… et donc l’obligation » d’augmenter les salaires, ajoutant que « ce conflit n’est pas la faute du gouvernement ». TotalEnergies a également dû renoncer à sa tentative de chantage. Pour le jeudi soir, ils ont invité les représentants de tous les syndicats à des négociations salariales collectives sans conditions préalables.
Mais les offres salariales présentées étaient encore insuffisantes et le syndicat CGT les a rejetées à juste titre. Ils ont répondu en annonçant le soir même qu’ils allaient généraliser le mouvement de grève en transformant la manifestation des cheminots prévue le 18 octobre en « un mouvement interprofessionnel et national pour les salaires et contre les réquisitions ».
Le vendredi 14 octobre, la grève a été levée dans les deux raffineries du groupe Esso-ExxonMobil. Les syndicats CFDT et CFE-CGC, qui sont majoritaires (56%), ont signé un accord avec TotalEnergies pour une augmentation des salaires. L’augmentation annoncée par l’entreprise est de 7%, mais ce chiffre inclut les primes d’ancienneté et les augmentations individuelles ; il est en réalité de 5%. Sous la pression de la grève, la direction a tenté de donner quelques miettes afin d’amadouer – avec succès – les dirigeants des syndicats les moins combatifs. En acceptant ce mauvais accord, les syndicats CFDT et CFE-CGC ne signent pas seulement une perte de pouvoir d’achat de facto pour leurs membres, ils tournent également le dos à un front uni de la classe ouvrière. Cette mauvaise approche doit être dénoncée.
En revanche, les syndicats CGT, FO, Solidaires et FSU ont appelé à poursuivre la grève sur la base de la revendication d’une augmentation de 10% et à mobiliser les autres secteurs pour une journée de grève nationale interprofessionnelle le mardi 18 octobre. Nous soutenons pleinement cette démarche et appelons à des assemblées unies de travailleurs et travailleuses de différents secteurs pour discuter d’un plan d’action sur la manière de poursuivre le mouvement. Les discussions démocratiques organisées parmi la base sont un outil crucial pour construire un mouvement combatif qui peut résister aux campagnes de peur et de dénigrement des entreprises. Elles constituent également la meilleure assurance contre les trahisons venant du sommet. En fait, la direction de la CGT elle-même n’avait pas l’intention d’évoluer vers un mouvement de grève généralisé. Au contraire, la colère croissante de la base, qui est à l’origine des actions de grève, est également ce qui pousse aujourd’hui les directions syndicales à aller plus loin que ce qu’elles avaient initialement prévu.
Un mouvement qui pourrait servir de base à une lutte d’envergure contre le programme de Macron et l’extrême-droite
Il y a encore quelques semaines, le type de mouvement de grève dynamique qui se développe depuis une ou deux semaines semblait bien loin. En septembre, Macron et son gouvernement ont commencé à parler davantage de l’utilisation du tristement célèbre article 49.3. Celui-ci permet à l’exécutif de faire passer un texte de loi sans vote du Parlement – pour faire passer en force leur impopulaire réforme des retraites. Si c’est le signe d’un gouvernement faible qui a besoin de recourir à des mesures administratives pour faire passer ses attaques, une telle approche arrogante a également été encouragée par la passivité flagrante des directions syndicales.
Deux journées de grèves nationales avaient été appelées pour la fin du mois de septembre par la CGT et Solidaires, mais sans être des échecs complets, elles étaient loin de ce qui serait nécessaire pour mener une bataille pour gagner. Ces journées de grève n’avaient été organisées qu’à contrecœur, en réponse aux appels de Mélenchon et de la France Insoumise qui poussaient pour un mouvement social en septembre. Philippe Martinez de la CGT avait déjà montré en juin son manque de volonté de construire un mouvement généralisé : « Les mobilisations sociales sont de la responsabilité des syndicats », avait-il répondu aux appels de Mélenchon. Celui-ci avait également tenté, sans succès, de mobiliser les forces syndicales pour la « Marche contre la vie chère et l’inaction climatique » du 16 octobre, qui a rassemblé plus de 100 000 personnes à Paris.
Ce n’est pas la première fois que des places fortes syndicales combattives poussent les directions de syndicats dans le sens de la lutte et entraînent d’autres secteurs dans leur sillage. S’il se généralise et s’organise sérieusement, ce mouvement de grève pourrait conduire à des augmentations de salaire significatives pour des millions de personnes en France. Il pourrait également jouer un rôle majeur dans l’organisation de la lutte contre la réforme des retraites de Macron. Un tel mouvement pourrait soulever la revendication nécessaire de la nationalisation de l’ensemble des secteurs énergétique et financier sous le contrôle démocratique des travailleurs et travailleuses et de la société. Ce n’est qu’alors que la classe travailleuse, les jeunes et les opprimés pourront décider démocratiquement de ce qui est produit et de la manière dont c’est distribué. La nationalisation sous contrôle démocratique – différente du transfert de la richesse publique au secteur privé comme l’a fait le gouvernement en « nationalisant » la participation privée restante dans EDF – est également une condition préalable pour éviter la fuite des capitaux, pour garantir que la classe ouvrière ait une vue d’ensemble de tous les flux financiers et que les ressources disponibles et la richesse produite soient investies dans ce qui est socialement nécessaire, comme une énergie verte et abordable.
Ce mouvement offre également une opportunité importante de faire reculer Le Pen, les autres groupes d’extrême droite et leur idéologie. L’action du mouvement ouvrier est le meilleur remède contre les divisions au sein de la classe travailleuse, car elle impose la nécessité de l’unité pour gagner. Elle peut ainsi aider à surmonter les idées racistes ou sexistes parmi notre classe. Il est alors rendu visible que ce sont les patrons et la classe dirigeante là-haut qui sont le problème et que leurs collègues font partie du même camp, face à la même exploitation. En développant un programme et en offrant une direction au mouvement qui montre une voie à suivre et intensifie la lutte, les syndicats de gauche combatifs, Mélenchon et la France Insoumise ainsi que d’autres forces de gauche peuvent montrer une alternative politique pour la classe travailleuse. Faire avancer la lutte contribuera également à démasquer les populistes de droite, car c’est une chose d’utiliser hypocritement certaines théories « sociales » et une autre d’agir en conséquence.
Construire une riposte internationale de masse
Selon les médias, « les syndicats belges et polonais ont manifesté leur soutien aux grèves françaises » et, dans le secteur de l’énergie britannique, les travailleurs du forage offshore prévoient de faire grève à partir du 20 octobre. S’il est coordonné au niveau international, le mouvement de grève qui se développe en France pourrait – avec la campagne « Enough is Enough » et le mouvement de grève en Grande-Bretagne, la dynamique autour de la grève générale en Belgique et les grèves dans d’autres pays – servir de tremplin à une lutte internationale plus large contre la classe dirigeante et son système pourri.
Le mouvement international pour le climat et les jeunes peuvent également jouer un rôle important dans l’élargissement et l’internationalisation de la lutte. La CGT a elle-même ouvert la porte en déclarant en septembre : « Pas de justice sociale sans justice climatique ». C’est le moment de montrer son soutien aux travailleurs en grève en action. Si jusqu’à présent, le groupe « Youth for Climate France » ne s’est pas saisi du sujet, le potentiel est grand.
Le week-end du 8-9 octobre, des activistes climatiques ont bloqué les infrastructures de TotalEnergies en Belgique sous la bannière « Code Rouge/Rood ». Très important : ils ont enregistré un message vidéo pour exprimer leur solidarité avec les travailleurs en grève en France : « A Nantes, les travailleurs sont en grève depuis 11 jours déjà. Leur revendication est claire : « nous voulons la justice sociale ! », plus précisément une augmentation de salaire. Mais au lieu de respecter leurs revendications, Total prévoit de distribuer 15 milliards d’euros aux actionnaires. C’est une insulte pour tous les travailleurs du monde » (link to video). Une autre grande possibilité d’exprimer sa solidarité avec les travailleurs est d’organiser des visites des piquets de grève, par exemple lors de la grève générale en Belgique le 9 novembre.
Lors de la manifestation du 8 octobre, il était clair pour la plupart des militants que la crise climatique et la crise du coût de la vie et de l’énergie ne sont pas seulement liées, mais que nous devons également construire un front uni avec les travailleurs et travailleuses et le mouvement syndical pour lutter contre la cause commune de cette crise multiple, le système capitaliste. La demande de nationalisation de l’ensemble du secteur énergétique sous contrôle démocratique a trouvé un fort soutien. De nombreux militants ont instinctivement compris que cela permettrait à la classe ouvrière d’utiliser les énormes profits pour faire baisser les prix, augmenter les salaires et payer les investissements nécessaires dans les énergies vertes et une transition juste des entreprises de combustibles fossiles. Une telle transition devrait inclure des offres de rescolarisation pour les travailleurs et travailleuses de l’industrie, associées à une garantie d’emploi et à la sécurité que leurs salaires dans les nouveaux secteurs seront au moins au même niveau.
En commençant par la grève interprofessionnelle du 18 octobre, nous devons construire un mouvement capable d’exproprier les capitalistes de l’énergie et les criminels climatiques. Pour un front uni de la classe ouvrière organisée, du mouvement pour le climat, du mouvement féministe et d’autres mouvements sociaux qui peuvent jeter les bases du renversement du système capitaliste et de son remplacement par une société socialiste démocratique organisée pour servir les besoins des populations et de la planète.
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Royaume-Uni : La classe ouvrière entre en lutte

Le Royaume-Uni est en proie à plusieurs crises alimentant une vague croissante de grèves. Les conservateurs au pouvoir sont qualifiés, à juste titre, de « gouvernement zombie » alors que leurs membres élisent un nouveau chef de parti et Premier ministre. Les deux candidats sont engagés dans une guerre de surenchère pour apparaître le plus à droite possible. La grande favorite, Liz Truss, a initié une tirade d’attaques contre les droits des travailleurs et les syndicats.
Mike Forster (Socialist Alternative, ASI en Angleterre, Pays de Galles et Écosse), article issu de l’édition de septembre de Lutte Socialiste
Pas d’autres choix que de riposterPendant ce temps, la population souffre d’une inflation de plus de 10%. Les factures d’énergie vont augmenter de 60 à 80 % dans les mois à venir. Les loyers montent en flèche alors que la Banque d’Angleterre augmente les taux d’intérêt pour soi-disant contenir l’in¬flation, tandis qu’une profonde récession menace. Le pouvoir d’achat réel des travailleurs risque de di¬minuer de 5 % cette année, soit la plus forte baisse de mémoire d’homme.
Les travailleurs n’ont d’autre choix que de riposter. La vague de grèves d’une journée des cheminots se poursuivra à l’automne et donne le ton. Le ministre menace de rendre illégales les grèves dans les services “essentiels” et a même menacé de licencier le personnel ferroviaire pour le réintégrer dans de nouvelles conditions. La direction du syndicat des transports (RMT) a répondu par une esca¬lade d’actions et d’appels à la grève générale. Les postiers ont suivi, faisant grève à la fin de l’été, mais aussi le personnel des secteurs technologiques.
D’autres grèves ont eu lieu : chauffeurs de bus, personnel d’aéroport, dockers, personnel de magasin… Certains groupes de travailleurs ont fait grève pour la première fois depuis 30 ans. La fédéra¬tion syndicale TUC a enregistré au moins 300 conflits dans différents secteurs au cours des 12 mois précédant avril 2022. Entre octobre 2021 et mars 2022, le syndicat industriel GMB a enregistré 42 conflits collectifs, soit sept fois plus que sur la même période en 2019-2020. Ce sont des expressions de la colère croissante et de l’augmentation de la résistance militante au sein de la classe ouvrière. Plus important encore, le personnel d’Amazon, qui est encore peu organisé en syndicats, a cessé le travail pour protester contre la maigre augmentation de salaire de moins d’une livre sterling par heure.
Des appels à la grève ont été lancés dans presque tous les secteurs: soins de santé, enseignement, per¬sonnel des collectivités locales, pompiers, fonctionnaires… Des millions de personnes pourraient ainsi entrer en conflit direct avec le gouvernement. La classe ouvrière n’a plus le choix, maintenant qu’un « hiver de crise et de mécontentement » se profile à l’horizon. Chaque jour, on entend parler de personnes qui sombrent dans la misère : 2 millions de personnes sautent déjà des repas pour des raisons financières, jusqu’à la moitié de la population risque d’être confrontés à la pauvreté énergétique cet hiver, jusqu’à un quart du personnel infirmier doit se tourner vers les banques ali¬mentaires pour nourrir sa famille. Cette situation transforme le désespoir en action.
Trop, c’est trop !
Les dirigeants des syndicats les plus militants, Dave Ward du syndicat des postes et Mick Lynch du syndicat des transports, ainsi que des députés et des syndicalistes de gauche de premier plan, ont lancé l’initiative nationale « Enough is enough » (trop c’est trop). La réponse a été sans précédent : plus de 400.000 personnes ont manifesté leur soutien. Des réunions étaient prévues dans 50 villes. Lors de la pre-mière, des milliers de personnes étaient présentes. À Londres, la salle était trop petite et une réunion de masse improvisée dut être organisée à l’extérieur.
La campagne s’articule autour de cinq revendications simples : augmentation réelle des salaires, ré¬duction des factures d’énergie, fin de la pauvreté alimentaire, logement décent pour tous et imposi¬tion des riches. Cela touche une corde sensible. La campagne a le potentiel de rassembler le mé¬contentement et la lutte au niveau local, régional et national, de coordonner les actions et de jeter les bases d’une voix politique pour les travailleurs et les jeunes.
Le succès de la campagne souligne l’impopularité du leader du parti travailliste, Keir Starmer, qui a demandé à ses députés de ne pas se mettre en grève et prit ses distances par rapport à la vague croissante de grèves.
Socialist Alternative participe activement à cette révolte. Nous avons organisé une réunion pu¬blique en ligne pour le personnel d’Amazon, à laquelle ont pris part des membres américains participant déjà activement à la création de syndicats chez Amazon. Nos propositions visant à renforcer la campagne Enough is enough ont suscité de nombreuses réactions, tant dans la rue qu’en ligne. Nos camarades se rendent aux piquets de grève et aux actions avec notre programme socialiste. Nous appelons à l’organisation, à l’escalade et à la coordination de cette vague de grève pour faire tomber les conservateurs. Cette campagne peut se renforcer en élisant des groupes de direction lo¬caux et en se mobilisant pour une coordination nationale avec une « conférence de la résistance ».
La classe ouvrière est de nouveau en action. Pour arriver à des victoires, notre classe a besoin d’une direction courageuse et résolue qui se battra pour la chute des Tories et pour un nouveau parti de gauche de lutte de masse qui commencera à s’attaquer à la crise de la représentation politique des travailleurs.
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En finir avec la guerre et la militarisation. Que signifie la mobilisation en Russie pour la guerre en Ukraine ?

Une fois de plus, le président Poutine a choqué le monde avec son émission télévisée destinée à la population russe, dans laquelle il a annoncé la “mobilisation partielle” de troupes à envoyer en Ukraine, dans ce qui n’est toujours pas officiellement appelé une “guerre”.
Par Walter Chambers, (Alternative Socialiste, Russie)
L’essentiel de son discours reposait sur l’idée que cette “opération militaire spéciale” visait à libérer le Donbas du “régime néonazi” et à “défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Russie”. Il a poursuivi en affirmant que Kiev était favorable aux négociations, mais que les puissances occidentales étaient déterminées à affaiblir, briser et détruire la Russie. Il a ensuite parlé de la ligne de front de mille kilomètres sur laquelle les forces russes doivent combattre “l’ensemble de la machine militaire collective de l’Occident” et des représentants de haut niveau de l’OTAN qui envisagent “d’autoriser l’utilisation d’armes de destruction massive – des armes nucléaires – contre la Russie”. Il a prévenu qu’ils devaient comprendre que la Russie dispose elle aussi de telles armes et qu’elle les utilisera si l’intégrité territoriale de la Russie est remise en cause.
De nouvelles protestations
De nombreux Russes ont passé la journée en état de choc et de panique à la suite de ces propos. En quelques minutes, toutes les places dans les avions et les bus quittant la Russie ont été vendues, souvent à des prix dix fois supérieurs à la normale. En raison des sanctions, il n’y a de vols internationaux que pour une poignée de pays. Des files de voitures de plusieurs dizaines de kilomètres de long se sont formées aux frontières finlandaise, géorgienne et même mongole. Les recherches sur Google sur la façon de casser les bras et les jambes ont atteint des sommets.
Après avoir été repoussées dans le silence en raison de la répression massive mais aussi d’une mauvaise direction après le début de la guerre, de nouvelles manifestations anti-guerre ont eu lieu dans toute la Russie. Pas de l’ampleur de celles de début mars, mais néanmoins significatives. Elles sont également d’un caractère différent : la moitié des participants aux premières manifestations étaient des femmes, et cette proportion a augmenté, car les mères, les sœurs et les grands-mères s’inquiètent pour leurs hommes.
De nombreuses troupes originaires de Tchétchénie, pays notoirement autoritaire, ont déjà combattu en Ukraine, mais n’ont pas été particulièrement efficaces – les Ukrainiens les appellent les “troupes tik-tok”, car elles sont plus intéressées par se filmer. Elles auraient subi de lourdes pertes.
La semaine dernière, un groupe de femmes de Grozny, la capitale tchétchène, a appelé à une action de protestation contre la nouvelle mobilisation. Elles ont rapidement été arrêtées. Les autorités ont menacé d’envoyer tous leurs parents masculins au front. Quelques heures plus tard, une campagne intitulée “Les hommes contre la mobilisation” a appelé à une manifestation après les prières du vendredi. Le dictateur Ramzan Kadyrev, qui s’est fait une réputation de seigneur de guerre, a été contraint d’annuler toute nouvelle mobilisation, en affirmant que la Tchétchénie avait déjà “dépassé son plan”.
Ailleurs dans le Caucase russe, les hommes du Daghestan, confrontés à la menace d’une mobilisation, ont bloqué l’autoroute fédérale. Dans la république voisine de Karbadino-Balkarie, des femmes se sont rassemblées sur la place centrale de la capitale pour chasser le maire de la ville lorsqu’il a tenté de les convaincre de la nécessité d’une mobilisation.
Une vague d’attaques au cocktail Molotov s’est intensifiée contre des centres de recrutement et des bâtiments municipaux dans toute la Russie, y compris en Crimée.
Les manifestations qui se sont étendues à plus de 30 villes mercredi soir étaient naturellement plus importantes dans les grandes villes de Saint-Pétersbourg et de Moscou. Près de 1400 personnes ont été arrêtées et sont actuellement devant les tribunaux, où beaucoup d’entre elles risquent jusqu’à 15 jours de prison. À Moscou, des recruteurs militaires attendaient dans les commissariats de police pour remettre des documents de recrutement aux hommes arrêtés. De nouvelles manifestations ont eu lieu aujourd’hui, samedi, avec déjà près d’un millier d’arrestations.
Manifestation antiguerre à Moscou
Dans les régions peuplées principalement de Russes, comme la Bouriatie, qui a déjà envoyé un nombre disproportionné de troupes en Ukraine et subi beaucoup plus de pertes humaines, le régime tente toujours de recruter davantage. On vient chercher les hommes de nuit chez eux ou alors au travail, en ne leur laissant que quelques heures pour se préparer. Les groupes de défense des droits humains disent recevoir des milliers d’appels à l’aide.
De nouvelles tactiques imposées par la retraite
Ce changement dans la conduite de la guerre par le Kremlin, pour ne plus s’appuyer sur des soldats professionnels, et l’annonce de la tenue de référendums dans les régions occupées d’Ukraine est une réponse aux revers dramatiques que le régime russe a subis en Ukraine à partir de la mi-septembre.
Il semble qu’une fois la première percée réalisée par les troupes ukrainiennes, qui se battent contre l’occupation russe et ont un moral élevé, les Russes démotivés et démoralisés ont tout simplement abandonné et se sont retirés en masse. En quelques jours, les forces ukrainiennes étaient déjà à la limite de la région de Louhansk. Selon les estimations ukrainiennes, les Russes ont laissé derrière eux des chars, des véhicules blindés, ainsi que d’autres équipements importants équivalents à une somme de 600 millions de dollars.
Les commentateurs occidentaux abordent parfois le moral élevé des forces ukrainiennes par opposition à l’état de l’armée russe, qui souffre d’une “corruption endémique, d’un moral bas et d’un leadership médiocre, l’initiative individuelle étant rare et les commandants profondément réticents à accepter une responsabilité personnelle.” [selon le Conseil atlantique]. Mais dans leur grande majorité, ils attribuent la victoire de l’Ukraine à la fourniture d’armes de haute technologie telles que les HIMAR (High Mobility Artillery Rocket System, lance-roquettes multiples de l’United States Army).
Il ne fait aucun doute que ces armes jouent un rôle. Mais une image plus équilibrée est donnée par la publication “KharkivToday”, un mois avant l’avancée ukrainienne. Elle indique qu’à l’époque, la région de Kharkiv ne comptait qu’un seul HIMAR, qui s’était avéré très efficace dans la destruction initiale des stocks d’armes russes. Mais le commandant du HIMAR a souligné que “les Russes se sont très vite adaptés à la nouvelle arme que les partenaires avaient donnée à l’Ukraine, en déplaçant leurs stocks d’armes plus loin dans le territoire occupé”.
L’état d’esprit de la population locale est tout aussi important. Il y a, naturellement, une petite couche prête à coopérer, et parfois même à soutenir l’occupation. Mais à l’opposé, il existe un mouvement “partisan” en plein essor qui aurait tenté d’assassiner au moins 19 administrateurs pro-russes dans la seule région de Kherson. Les tracts et les appels aux soldats russes sont courants. En l’absence d’une position de classe consciente, certains de ces appels sont des menaces de mort grossières, mais il y a aussi des appels à la reddition avec des codes QR pour expliquer comment faire. “KharkivToday” publie la photo d’une affichette qui avertit les soldats russes que les partisans ukrainiens poursuivent la tradition de leurs grands-pères en détruisant les forces ennemies sur les territoires occupés.
La Russie a effectivement perdu le contrôle des parties de la région de Kharkiv qu’elle avait occupées en mars et subit de nouvelles pressions dans le Donbas, en particulier dans le sud de la région de Kherson.
La réaction de la ligne dure
Après le retrait forcé de la Russie des environs de Kiev et de la ville de Kharkiv à la fin du printemps, la Russie semblait progresser, bien que très lentement, dans le Donbas. Au cours de l’été, on a assisté à une consolidation de l’opinion publique russe autour de l’opération militaire, avec un soutien croissant dans les sondages d’opinion. Il semble toutefois que le soutien des partisans de la ligne dure n’ait pas augmenté.
Après que les premières manifestations héroïques contre la guerre aient été contraintes de se retirer, les voix de l’opposition au sein de l’élite dirigeante se sont tues. Ceux qui, comme le Premier ministre Mikhail Mishustin et le maire de Moscou Sergey Sobyanin, étaient censés ne soutenir la guerre qu’à contrecœur, ont choisi de ne faire aucun commentaire. Les élections des gouverneurs régionaux début septembre, au cours desquelles les trois partis d’opposition systémiques, y compris les soi-disant communistes, ont tous soutenu la guerre, ont vu le parti au pouvoir, Russie Unie, remporter toutes les régions. Mais le dernier jour du scrutin a coïncidé avec la nouvelle de la retraite en Ukraine.
Le Parti de la guerre était furieux, d’autant plus que le Kremlin et les chaînes d’information officielles présentent toujours les choses comme si tout se passait comme prévu. Les commentateurs pro-guerre se déchaînent sur les médias sociaux et critiquent souvent la campagne militaire sur les médias d’État.
Igor Girkin (Strelkov), un ancien militaire particulièrement désagréable, membre du KGB et mercenaire d’extrême droite, qui a dirigé la prise de contrôle de la Crimée en 2014 et les premières interventions militaires dans le Donbas, a commenté : “Nous avons déjà perdu, le reste n’est qu’une question de temps.” Un autre, Zakhar Prilepin, a commenté : “Les événements dans la direction de Kharkiv peuvent à juste titre être appelés une catastrophe”. Ils accusent le Kremlin et les autorités militaires d’incompétence, et ont passé la semaine à réclamer une mobilisation totale.
Des politiciens “de poids”, tels que l’ancien président (et prétendument libéral) Dmitri Medvedev, justifient agressivement l’utilisation d’armes nucléaires et suggèrent que la Russie envahira ensuite la Moldavie et le Kazakhstan. Le soi-disant leader communiste Guennadi Ziouganov a proposé que les mobilisés ne reçoivent qu’une formation de deux semaines avant d’être envoyés au front.
Il est clair qu’au sein de l’élite, les débats sont vifs sur la question de savoir jusqu’où il faut risquer la mobilisation. Le discours télévisé de Poutine a été retardé de 14 heures – certains suggèrent que cela était dû à la mauvaise santé du président. Il était probablement plus probable qu’elle ait été retardée pour parvenir à un accord et avertir les autorités régionales de préparer les mesures de sécurité nécessaires.
Les référendums
La décision d’organiser des référendums dans les zones occupées de l’Ukraine est également une réaction de panique. En août dernier, Denis Pushilin, chef de la république de Donetsk (DNR), a déclaré qu’un référendum n’avait de sens que si l’ensemble du Donbas était sous contrôle russe. Le 5 septembre, Kirill Stremousov, porte-parole de l’administration russe du Kherson occupé, a déclaré qu’il ne devait pas y avoir de référendum pour des “raisons de sécurité”. Pourtant, trois jours seulement avant le début du référendum, il a été annoncé que des votes seraient organisés dans quatre régions – Donetsk et Louhansk, et la partie des régions de Kherson et de Zaporizhzhia sous contrôle russe. Deux petits districts de la région de Mykolaiv seront rattachés à Zaporizhzhia.
Selon les autorités russes, ces quatre régions comptent désormais 5 millions d’habitants. En 2021, elles comptaient près de 9 millions d’habitants. Pour organiser le vote, des systèmes en ligne sont combinés à des visites en porte-à-porte, et le dernier jour du scrutin, les bureaux de vote seront soi-disant ouverts. La police et les forces d’urgence, ainsi que de nombreuses sociétés de sécurité privées, sont mobilisées pour accompagner les “agents électoraux” lors de leurs visites à domicile. L’emplacement des bureaux de vote est tenu secret (on ne sait pas encore comment les gens pourront le découvrir), de peur qu’ils ne soient attaqués par le mouvement partisan ukrainien en pleine expansion.
Lorsque près de la moitié de la population a été contrainte de fuir les régions où les combats se poursuivent, il ne fait aucun doute que les résultats ne seront pas fiables. Une étude plus réaliste de ce que pense la population d’au moins les régions de Donetsk et de Louhansk est démontrée par les sondages d’opinion réalisés au cours de la dernière décennie. En 2014, lorsque les humeurs anti-Kyiv étaient à leur apogée, 80 % à Louhansk et 87 % à Donetsk étaient favorables à ce que l’Ukraine reste indépendante, et dans les deux régions, moins d’un tiers étaient favorables à une rupture pour rejoindre la Russie. Dans d’autres régions, comme Kherson, le soutien à l’adhésion à la Russie était inférieur à 10 %. Dans les trois sondages d’opinion réalisés en 2021-22 (avant la guerre), le soutien à une Ukraine indépendante avait augmenté, et dans le Donbas, moins de 20 % souhaitaient rejoindre la Russie. Depuis février, il est presque certain que le soutien à la Russie a encore diminué.
Le régime russe décrit les référendums non pas comme une “campagne électorale”, mais comme une “mobilisation” menée par les administrations pro-russes locales et les services de sécurité. Au cours des premières heures du scrutin, les quelques pro-russes restants sont conduits en bus dans un petit nombre de bureaux de vote pour donner l’illusion d’un vote enthousiaste. Ensuite, le porte-à-porte et les votes électroniques vont envahir le système. Le Kremlin prétendra que d’énormes majorités sont en faveur de l’adhésion à la Russie. Selon des documents internes du Kremlin, ils veulent annoncer un vote “pour” à 90 % avec une participation de 90 % dans les régions de Donetsk et de Louhansk, et un vote “pour” à 90 % avec une participation de 80 % dans les autres régions.
Probablement le jour suivant l’annonce par le Kremlin de ces votes écrasants (28 septembre), la Douma russe votera l’annexion des régions. Il ne sera pas surprenant, compte tenu de ses antécédents en matière de résolutions favorables à la guerre, que le leader “communiste” Zyuganov présente cette proposition ! Cela changera la nature de la guerre, du moins selon la logique du Kremlin. Dès lors, le Kremlin prétendra que toute “incursion” des forces ukrainiennes dans les quatre régions, ou en Crimée, constituera une attaque contre “l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie”. Cela signifie que les restrictions actuelles concernant les lieux où les soldats conscrits peuvent servir, ou les armes plus dangereuses utilisées, changeront. Si de nombreux dirigeants occidentaux ont considéré le discours de M. Poutine comme un signe de désespoir et de bluff, il est clair que des moments plus dangereux peuvent encore survenir lorsque le Kremlin voit ses objectifs compromis.
La Russie de plus en plus isolée
Poutine et le ministre des affaires étrangères Lavrov sont déjà traités comme des parias par les dirigeants et les institutions de ce que le Kremlin appelle désormais les “pays inamicaux”. Après que M. Lavrov a abandonné la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, le ministre ukrainien des affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a déclaré qu’il “s’enfuyait, tout comme ses soldats”.
Aujourd’hui, ils sont de plus en plus malmenés par ceux du reste du monde, avant même la fameuse allocution télévisée de Poutine. La retraite de Kharkiv a démontré que la Russie, qui était jusqu’à présent considérée comme la deuxième puissance militaire du monde, est un partenaire peu fiable.
Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, qui réunit la Chine, l’Inde, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Pakistan, la Russie, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et, depuis la semaine dernière, l’Iran, s’est tenu en Ouzbékistan la semaine dernière. La Turquie, le Belarus, le Sri Lanka et d’autres pays y ont participé en tant qu’observateurs. Avant février, la Chine et la Russie étaient considérées comme des partenaires de premier plan. Pourtant, le président ouzbek, Shavkat Mirziyoyev, a rencontré Xi Jinping lors de son arrivée en avion, tandis qu’un sous-fifre était envoyé pour Poutine. Modi a confronté Poutine en disant que “ce n’est pas le moment de faire la guerre”, tandis que Poutine a été forcé de reconnaître que la Chine avait “des questions et des préoccupations”.
Aujourd’hui, le revirement est encore plus net. Le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Wenbin, a appelé à un cessez-le-feu “dès que possible” après le discours de Poutine. Le Kazakhstan et les États d’Asie centrale ont tous interdit à leurs citoyens de combattre contre l’Ukraine, après l’ouverture d’un bureau de recrutement à Sakharovo, où tous les étrangers vivant à Moscou doivent demander des documents. Le système de paiement bancaire russe “Mir” [qui signifie ironiquement “paix”], destiné à remplacer Mastercard et Visa, a cessé de fonctionner en Asie centrale et en Turquie. La Chine et la Turquie affirment que les référendums ne seront pas reconnus.
La mobilisation sera-t-elle utile ?
Le Kremlin évite toujours la déclaration de guerre, le mot est toujours illégal. Cela reviendrait à reconnaître l’échec de l’”opération militaire spéciale”. De la même manière, il évite la mobilisation totale car il craint le déclenchement d’une opposition de masse. Il a été officiellement déclaré que seuls les hommes ayant déjà une expérience militaire seraient appelés. C’est un mensonge qui est rapidement démasqué. Même dans les universités d’élite de Moscou, des agents de recrutement s’introduisent dans les cours pour distribuer des documents d’appel.
Malgré cela, la plupart des experts ne croient pas que cette mobilisation puisse tourner les événements à l’avantage du Kremlin. Dans l’armée russe, en héritage de l’État stalinien, les officiers ne font pas confiance aux soldats, et il semblerait que même les décisions tactiques quotidiennes soient prises au Kremlin. Il n’y a pas assez d’équipement, d’officiers ou de sergents/caporaux pour former ceux qui sont mobilisés. Même dans les meilleures périodes, il faut normalement des semaines, voire des mois, pour former de nouvelles unités militaires capables d’être envoyées au front. On voit déjà apparaître des vidéos montrant les terribles conditions dans lesquelles ces nouveaux mobilisés sont censés se trouver. De nombreux experts estiment que ces nouvelles recrues ne seront que de la chair à canon.
Un nouvel ébranlement du régime de Poutine ?
Les commentateurs font souvent remarquer que Poutine a réussi à se maintenir au pouvoir parce qu’il a conclu un pacte informel avec un électorat loyal, dans lequel il leur assure la stabilité, bien que sans droits démocratiques, et ils restent en dehors de la politique. Il s’agit d’une compréhension quelque peu simpliste, notamment parce qu’elle ignore le fait qu’il n’y a pas eu d’alternative politique viable construite à son règne. Néanmoins, ces décisions mettent à mal ce pacte – il ne peut guère y avoir aujourd’hui de famille qui n’ait pas été bouleversée par le lancement de l’”opération spéciale”, la mobilisation, et le désastre économique qui se développe.
Il est trop tôt pour prédire si la dernière embellie du mouvement anti-guerre peut se développer à court terme, avec une base plus large. Il faudra peut-être plus de temps pour que les conséquences de la mobilisation se fassent sentir, car les nouvelles forces sont envoyées en Ukraine, et beaucoup reviennent en tant que “Freight 200” – le terme de l’armée russe pour les sacs mortuaires. Peut-être qu’un nouveau tournant dans la guerre en Ukraine apportera de nouveaux chocs à l’élite dirigeante.
Le capitalisme n’a pas d’issue
Poutine, qui représente le capitalisme russe de plus en plus agressif et impérialiste, n’est pas en mesure d’accepter la défaite, ni de retirer ses troupes d’Ukraine et de reconnaître son droit à l’indépendance, car cela serait un signe de faiblesse et pourrait entraîner l’effondrement complet et rapide de son régime bonapartiste. Tant qu’il restera au Kremlin, il se tournera vers des mesures de plus en plus désespérées, notamment une nouvelle escalade possible du conflit en Ukraine. Il a déjà démontré qu’il était prêt à sacrifier les vies et les foyers des Tchétchènes, des Syriens et maintenant des Ukrainiens. En se mobilisant, il a démontré son mépris total pour les nouveaux soldats russes et leurs familles, dont beaucoup verront leur vie détruite pour qu’il puisse rester au pouvoir.
La question clé est toutefois de savoir qui pourrait le remplacer. Le régime peut croire que la répression massive de l’opposition libérale pro-capitaliste et des autres forces d’opposition, dont certaines sont emprisonnées et beaucoup d’autres en exil, empêchera le développement d’une nouvelle opposition à son pouvoir. Mais ce ne sera pas le cas. Cela signifie cependant que tout mouvement de ce type aura un caractère largement spontané et politiquement confus jusqu’à ce qu’une véritable alternative de masse de la classe ouvrière et des dirigeants viables puissent émerger.
Cela signifie que toute alternative à Poutine émergera vraisemblablement à ce stade de l’intérieur du régime actuel. Et le choix n’est pas attrayant. Au mieux, elle pourrait s’articuler autour d’une figure plus modérée comme Michoutine ou Sobianine, mais ils hériteraient d’une économie dévastée par la guerre et les sanctions, et seraient toujours les otages des forces mêmes de l’appareil d’État qui ont soutenu Poutine au pouvoir. L’alternative serait une figure plus dure comme Medvedev ou une figure des services de sécurité.
Selon le général Sir Richard Barrons, ancien chef des forces militaires britanniques, les politiciens occidentaux sont “terrifiés” à l’idée d’un “soi-disant “succès catastrophique” des forces ukrainiennes qui, déjouant tous les pronostics, présagerait une défaite de la Russie menaçant le régime”. Ils pensent qu’alors un Poutine désespéré aura recours à des armes nucléaires tactiques.
Il est clair que cela ne s’applique pas à tous les politiciens occidentaux. Alors que certains préféreraient voir une forme de compromis qui, selon les mots de Macron, permettrait à Poutine de “sauver la face”, d’autres veulent absolument repousser Poutine aussi loin que possible, tout en évitant un changement de régime. Si toutefois, Poutine décide de tout risquer, alors l’impérialisme occidental n’aura d’autre choix que de rendre la pareille, et le conflit s’intensifiera de manière incontrôlable.
D’une manière ou d’une autre, ce sont les familles de la classe ouvrière qui subissent les effets directs de cette guerre brutale qui dure déjà depuis 7 mois, et qui pourrait durer bien plus longtemps. Au niveau mondial, elles sont confrontées à l’escalade des crises énergétique, alimentaire et inflationniste. En Ukraine, leurs maisons et leurs emplois sont détruits. C’est pour cette raison que tant d’Ukrainiens sont prêts à soutenir l’armée et la force de défense territoriale, et de plus en plus, à participer au mouvement partisan émergeant dans les zones occupées. Leur combat est celui du droit à l’autodétermination de l’Ukraine.
Dans le même temps, plus le gouvernement Zelensky se tourne vers les puissances impérialistes occidentales pour obtenir leur soutien, plus il est prêt à hypothéquer l’avenir de l’Ukraine en acceptant les conditions des impérialistes en matière d’approvisionnement et de financement. Depuis l’été, le rythme des mesures proposées contre la classe ouvrière s’est accéléré, y compris les réformes des pensions, la privatisation des secteurs de l’armement, de l’alimentation et de l’énergie, et les réductions de salaires pour ceux qui travaillent dans le secteur public. Comme si cela ne suffisait pas, les élections de l’année prochaine sont susceptibles d’être reportées. Visiblement inquiet que la classe ouvrière apprenne à s’organiser et à résister pendant la guerre, un nouveau registre des propriétaires d’armes est en cours de préparation, sûrement pour s’assurer que les travailleurs seront désarmés à la fin de la guerre.
Nécessité d’une alternative indépendante de la classe ouvrière
Il est clair que la classe ouvrière, que ce soit en Russie, en Ukraine ou dans le monde, ne doit avoir aucune confiance dans le capitalisme ou l’impérialisme sous quelque forme que ce soit. Les révolutionnaires socialistes en Russie continueront à plaider pour la construction d’un mouvement anti-guerre organisé démocratiquement, enraciné dans la classe ouvrière, avec des liens avec les protestations des femmes qui se développent. Ils soutiennent le droit de l’Ukraine à l’autodétermination, qui ne peut être possible qu’avec le retrait complet des troupes russes d’Ukraine. Les révolutionnaires socialistes russes voient la nécessité de construire une alternative politique et socialiste claire, capable de s’organiser dans le cadre d’un mouvement de masse de la classe ouvrière pour renverser le régime de Poutine et mettre fin au capitalisme en Russie.
De la même manière, les révolutionnaires socialistes des pays impérialistes occidentaux se battent pour construire des alternatives socialistes reposant sur la classe ouvrière à leurs propres gouvernements, qui non seulement attaquent les droits des travailleurs, des femmes et de la communauté LGBT+, font baisser les salaires et poussent à l’inflation, mais font également bloc pour augmenter les dépenses militaires et mener des guerres dans l’intérêt du capitalisme multinational.
Des mouvements ouvriers et politiques forts dans d’autres pays pourraient alors apporter tout le soutien possible à la classe ouvrière en Ukraine, qui lutte pour chasser les troupes russes d’Ukraine, et en même temps l’aider à construire une alternative politique au gouvernement Zelensky, qui prépare clairement de nouvelles attaques contre les intérêts de la classe ouvrière pour aider ses partenaires commerciaux et ses alliés impérialistes. Un tel mouvement pourrait lutter contre les privatisations, les réformes des retraites et les réductions de salaires, garantir une véritable démocratie, y compris les droits à l’autonomie ou à l’autodétermination si une région particulière le souhaite.
En fin de compte, la clé pour défendre l’autodétermination de l’Ukraine, pour mettre fin à la guerre et aux guerres futures est de construire une alternative internationale de la classe ouvrière pour mettre fin à l’existence des gouvernements impérialistes et capitalistes à travers le monde. Pour cela, nous avons besoin de la solidarité internationale de la classe ouvrière dans la lutte organisée contre tous les bellicistes, pour mettre fin au système capitaliste, source des guerres modernes, et le remplacer par une nouvelle société basée sur une économie planifiée démocratique et durable et une confédération volontaire et égale d’Etats socialistes, où tous les peuples auraient le droit à l’autodétermination, à des niveaux de vie décents et à vivre sans répression, discrimination et autoritarisme.