Category: Europe

  • Mobilisations anti-corruption en Russie : À bas le tsar, pour une nouvelle année 1917 !

    Militantes de Sotsialisticheskaya Alternativa (section russe d’Alternative Socialiste Internationale) à Moscou

    Le 23 janvier, des manifestants scandant « Libérez Navalny », « Libérez tous les prisonniers politiques », « Poutine est un voleur » et « à bas le tsar » ont balayé la Russie.

    Par Sotsialisticheskaya Alternativa (section russe d’Alternative Socialiste Internationale)

    Plus de 100 villes réparties sur neuf fuseaux horaires, de Vladivostok en Extrême-Orient à Kaliningrad sur la côte baltique, de Magadan et Mourmansk à Sotchi sur la mer Noire et Sébastopol en Crimée, en passant par la Yakoutie, où la température était inférieure à -50°C, ont été secouées par les manifestations. Certaines ont impliqué des centaines de personnes, plus souvent des milliers. Le centre de Nizhni-Novgorod était rempli, à Vladivostok les gens s’entassaient sur les toits pour regarder la manifestation et, dans des scènes rappelant 1917, la perspective Nevski à Saint-Pétersbourg était elle aussi occupée par des manifestants. Selon l’agence de presse Reuters, il y en avait 40.000 à Moscou.

    À Moscou, cette manifestation était cependant probablement plus petite – bien que beaucoup plus jeune – que les manifestations de la place Bolotnaïa de 2012. Mais à ce moment-là, le mouvement était largement limité à Moscou. Aujourd’hui, il semblerait qu’il s’agisse des plus grandes manifestations de la Russie post-soviétique, dans le sens où il y a eu de grandes manifestations dans tout le pays. Les manifestants scandaient « Libérez Navalny », « Libérez tous les prisonniers politiques », « Poutine est un voleur » et « À bas le tsar ».

    Les autorités semblent prises de panique. Quand l’appel à manifester, lancé quatre jours à l’avance à peine environ, a commencé à se répandre, les directeurs d’universités et d’écoles ont averti les étudiants de ne pas participer. Les chaînes de télévision d’État, que les jeunes ne regardent presque plus, ont diffusé des mises en garde du maire et du chef de la police de Moscou au sujet des conséquences d’une participation à une manifestation illégale. Alors que des appels circulaient sur TikTok et d’autres réseaux sociaux, l’Agence de protection des consommateurs [sic] a menacé de les fermer. La propagande s’est intensifiée, avertissant que toute personne appelant des jeunes « mineurs » à participer serait poursuivie en justice. Un rapport a montré qu’un groupe de membres du parti réactionnaire de droite « Pour la vérité » a été briefé par la police pour agir comme provocateurs, puis a été escorté dans la foule.

    Les rues de tout le pays étaient remplies de « cosmonautes », c’est-à-dire des policiers en tenue anti-émeute, prêts à s’engager avec la foule. La violence policière fut très répandue. Au moment de la rédaction du présent rapport, plus de 3.000 arrestations avaient été effectuées. Selon le syndicat des journalistes et des travailleurs des médias, plus de 50 journalistes ont été arrêtés. À Saratov, un véhicule de police qui roulait à toute allure pour s’occuper des manifestants est entré en collision avec une ambulance, tuant le patient qui se trouvait à l’intérieur. Ce qui a été remarqué, contrairement aux précédentes manifestations de jeunes, c’est que les manifestants eux-mêmes ont non seulement résisté à l’arrestation mais sont souvent passés à l’offensive contre les lignes de police. Un groupe de cosmonautes à Moscou a subi un tel barrage de boules de neige qu’ils ont dû s’enfuir. Plus tard dans la soirée, un autre groupe a tenté de prendre d’assaut un poste de police pour libérer les personnes arrêtées.

    La manifestation a été organisée par Alexeï Navalny, le politicien de l’opposition, qui avait été empoisonné par des agents du Kremlin à l’aide de l’agent chimique Novichok. Il avait passé cinq mois à se faire soigner en Allemagne avant d’annoncer son retour à Moscou. Dimanche dernier, quelques minutes avant l’atterrissage de son vol à l’aéroport Vnukovo de Moscou, où des centaines de ses partisans l’attendaient, le vol a été détourné vers un autre aéroport. Cela a provoqué les protestations des pilotes des autres avions détournés. L’un d’entre eux a même filmé comment son avion avait été laissé avec un réservoir dangereusement vide.

    Le nouveau Palais de Poutine

    Navalny a été arrêté au contrôle des passeports, emmené au poste de police local où un tribunal l’a condamné sans avocat pour trente jours de prison. Il risque une peine de treize ans de prison. Le lendemain, Navalny a publié un long film sur la corruption dans la famille de Poutine et sur un palais qui, selon lui, a été construit spécialement pour Poutine sur la mer Noire au coût de plus d’un milliard de dollars. En une heure, le film avait été vu par plus d’un million de personnes, à la fin de la semaine, cinquante millions de visionnements avaient été enregistrés.

    Navalny est un homme d’affaires qui a commencé sa trajectoire politique comme un libéral de droite, voire d’extrême droite, qui a participé à la Marche russe d’extrême droite lors des manifestations de Bolotnaïa en 2012. Mais il a pris un virage intéressant il y a quelques années en s’éloignant de sa position de droite anti-immigrés. Bien qu’il soit surtout connu comme militant anti-corruption, il reflète, de manière populiste, ce qui semble clairement être un changement de conscience vers la gauche parmi la jeunesse russe qui en a assez des coûts élevés de l’éducation, des salaires précaires et de la position politique générale stagnante et réactionnaire de l’élite dirigeante, dont les « partis du système », dont le parti communiste qui maintient Poutine au pouvoir. Lorsque Navalny a déclaré, au début de l’année dernière, qu’il soutenait Bernie Sanders, le reste de l’opposition libérale l’a attaqué avec horreur.

    Les groupes libéraux pro-capitalistes ne jouent aucun rôle dans ces manifestations et, contrairement aux manifestations de Bolotnaïa, il n’y a pas de présence significative de l’extrême droite. Mais la plus grande faiblesse est qu’il n’y a pas de force de gauche significative avec une organisation suffisamment forte capable de donner l’exemple. Les protestations sont annoncées par le bureau de Navalny et il n’y a pas de structure organisée qui puisse refléter les souhaits de ceux et celles qui y participent. Bien que beaucoup manifestent consciemment pour exiger la libération d’Alexeï Navalny et d’autres prisonniers politiques, et qu’il y ait clairement un état d’esprit contre le régime actuel et la corruption, jusqu’à présent les manifestations démontrent un état d’esprit de plus en plus fort pour le changement sans démontrer une compréhension exacte de ce qui est nécessaire.

    Au mieux, une partie du parti communiste adopte une position « neutre », appelant à la libération des manifestants, tandis que les dirigeants pro-Kremlin de ce parti considèrent ces manifestations comme faisant partie d’une « guerre hybride » contre la Russie. D’autres, dits marxistes, tant en Russie qu’au niveau international, considèrent cette mobilisation comme « petit-bourgeoise » ou sous « direction libérale », et tant que les masses n’auront pas compris cela, les marxistes ne devraient pas y participer!

    Sotsialisticheskaya Alternativa (section russe d’Alternative Socialiste Internationale) est en désaccord avec cette approche. Mais même si Navalny a évolué « vers la gauche », il reste un homme politique libéral, essentiellement pro-capitaliste, et n’a pas de véritable programme à proposer pour résoudre les problèmes de la société russe. Proposer un « capitalisme honnête » ne résoudra pas les problèmes d’autoritarisme et de corruption, car ils sont causés par le capitalisme lui-même. Il est clairement de la responsabilité de la gauche d’offrir une alternative claire à cela.

    Bien entendu, jusqu’à présent, le mouvement se développe en défense d’une personne, et la stratégie et la tactique sont décidées par sa seule équipe. C’est plus qu’un problème de simple participation démocratique. Le Kremlin a démontré plus d’une fois qu’il est prêt à recourir à des mesures extrêmes pour faire face à l’opposition. L’ancien vice-premier ministre Boris Nemtsov a été assassiné, comme l’ont été de nombreux journalistes et opposants. La tentative d’empoisonnement de Navalny, il y a six mois, démontre que nous avons besoin d’un mouvement qui dispose d’une direction largement élue, ne dépendant plus d’une seule personne.

    Seule une lutte contre le capitalisme peut offrir une voie d’avenir. Il est donc nécessaire que les socialistes interviennent énergiquement avec un programme clair dans ce mouvement.

    Bien que nous ne puissions pas prétendre avoir atteint les 50 millions de spectateurs et spectatrices qui ont vu le film de Navalny cette semaine, nos publications ont été vues par des milliers de personnes, et dans un cas par 17.000. Nous soutenons que nous devons tout d’abord établir une base solide pour ce mouvement en créant des comités d’action qui peuvent décider de la stratégie et des revendications du mouvement. Bien que le principal soutien de ce mouvement provienne actuellement des étudiants et des jeunes dans les universités et dans les emplois précaires, il est nécessaire d’établir un lien solide avec la classe ouvrière au sens large. Des revendications comme celles d’un salaire minimum de 300 roubles de l’heure, ainsi que pour une éducation et des soins de santé gratuits, seront d’une importance cruciale. Nous défendons également la convocation une assemblée constituante dans laquelle toutes les couches de la classe ouvrière seraient représentées afin d’assurer le démantèlement complet du régime de Poutine et son remplacement par une société socialiste véritablement libre et démocratique.

    Un nouvel appel à la manifestation a été lancé pour le 30 janvier. Sotsialisticheskaya Alternativa sera présent.

    “Organiser des grèves et des manifestations. À bas le tsar – pour une nouvelle année 1917.” Banderole de nos camarades aux actions du 23 janvier.
  • Brexit : un accord sans gagnant


    Quatre ans et demi après le vote de départ de l’Union européenne, un accord commercial a finalement été conclu à la onzième heure avant l’échéance du 31 décembre 2020 fixée par Boris Johnson. Le Parlement n’a eu que quelques jours pour examiner l’accord avant de le ratifier, une parodie de la narration des conservateurs de droite pour lesquels le Brexit visait à “reprendre le contrôle”.

    Par Sarah Wrack, Socialist Alternative (ASI en Angleterre, Pays de Galles et Écosse)

    Les sondages de YouGov ont montré que la majorité des sondés désirait que l’accord soit adopté indépendamment de la façon dont ils ont voté lors du référendum ou des élections générales. Et ce en dépit du fait que très peu (17%) estimaient qu’il s’agissait d’un bon accord pour la Grande-Bretagne. Le Premier ministre Boris Johnson semble avoir espéré qu’attendre la dernière minute pour faire des concessions sur la pêche le ferait apparaître comme un héros remportant l’accord sur le fil. Si c’est effectivement le cas, la déception l’attend. On ne trouve aucune euphorie ni chez les grandes entreprises ni chez les travailleurs. Les sentiments qui dominent sont plutôt d’une part celui du soulagement que le long et fastidieux processus soit terminé et d’autre part, en raison également de la crise sanitaire, que l’incompétence des Conservateurs n’a pas de limite.

    Tout cela peut se transformer en colère lorsqu’il deviendra plus clair pour un plus grand nombre de personnes que le processus est en fait loin d’être terminé ! L’accord qui a été conclu est incroyablement mince, il manque de précisions sur un vaste nombre de questions. Les négociations vont probablement se poursuivre pendant des années encore. Alors que certains ont voté pour quitter l’UE en espérant moins de bureaucratie et de “paperasserie”, l’accord a donné naissance à tout un réseau de groupes de travail et de comités mettre au point une multitude de détails.

    Les gagnants et les perdants

    Cette manière de laisser nombre d’aspects ouverts a permis de conclure l’accord. Ce dernier est suffisamment vague pour que les deux parties puisse revendiquer la victoire. Par exemple, l’une des grandes questions des négociations concernait la garantie qu’aucune partie ne puisse obtenir un avantage “injuste” en modifiant sa législation sur le travail, l’environnement ou les aides d’État. L’accord prévoit le maintien des normes existantes, mais avec le droit de diverger à l’avenir si le gouvernement britannique le souhaite (et de risquer alors de se voir imposer des droits de douane si ces divergences sont considérées comme une menace pour le marché unique de l’UE). L’UE peut donc se prévaloir d’un succès parce que la Grande-Bretagne n’a pas été autorisée à accéder au marché unique avec le droit de fixer les règles qu’elle souhaite. Mais le gouvernement Johnson peut prétendre au succès parce qu’il a obtenu le “droit” pour le Royaume-Uni de prendre ses propres décisions sur ces questions, ce qui était considéré comme politiquement vital pour apaiser de quelque manière que ce soit la base de soutien des conservateurs autour de la “souveraineté”.

    La réalité est à l’opposé : aucun des deux camps n’est vainqueur. L’UE est convaincue que le résultat n’a pas fait de cette sortie une perspective attrayante pour les autres États membres, mais elle est très certainement affaiblie par la perte de l’une de ses plus grandes économies et d’environ un quart des dépenses de défense de l’UE.

    Du point de vue du capitalisme britannique, si la catastrophe d’une situation sans issue a été évitée, il y aura de nouvelles barrières commerciales contrairement aux déclarations de Boris Johnson. De nouveaux contrôles douaniers seront introduits et des restrictions imposées sur certains produits, tout particulièrement concernant l’alimentation. L’inévitable surcroît de bureaucratie que cela implique risque d’entraîner des problèmes logistiques, des retards, etc. mais aussi une augmentation des coûts et du temps consacrés à la paperasserie.

    Toute tentative de répercuter ces coûts sur les travailleurs par des hausses de prix, des suppressions d’emplois ou des réductions de salaires doit être combattue avec acharnement par les syndicats. Il n’y a pas non plus de reconnaissance automatique des qualifications professionnelles et des restrictions seront imposées aux entreprises britanniques qui vendent des services en Europe, surtout pour les services financiers de la classe capitaliste (en valeur, les services représentent 50 % des exportations britanniques).

    L’Irlande du Nord

    L’un des changements les plus importants est la mise en œuvre du protocole sur l’Irlande du Nord. Pour éviter les implications politiques et sociales du durcissement de la frontière sur l’île d’Irlande, l’Irlande du Nord restera dans le marché unique des marchandises de l’UE, et il existe désormais une frontière réglementaire le long de la mer d’Irlande. L’assemblée d’Irlande du Nord se prononcera également tous les quatre ans sur le maintien de ces dispositions, ce qui signifiera une bataille sectaire régulière concernant la frontière irlandaise, mais aussi la perspective d’un durcissement de la frontière nord/sud à l’avenir.

    Des contrôles seront effectués sur certaines marchandises circulant entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, et il est déjà signalé que certaines petites entreprises ont cessé d’approvisionner l’Irlande du Nord en raison de l’augmentation des coûts que cela représente. Si certaines industries d’Irlande du Nord peuvent bénéficier d’un accès aux deux marchés, dans d’autres, il subsiste un risque accru de suppressions d’emplois et de fermetures d’entreprises, auquel il faut résister.

    Pour de nombreux travailleurs protestants d’Irlande du Nord, le nouvel arrangement ressemble à une “Irlande économique unie” et constitue une étape supplémentaire pour les pousser dans une Irlande unie dans laquelle ils seront une minorité marginalisée. La République d’Irlande a accepté de prendre en charge les coûts des étudiants d’Irlande du Nord pour maintenir l’accès au programme Erasmus et pour que les voyageurs aient accès aux services de santé européens. Bien que l’approche du DUP (Parti unioniste démocrate, en anglais Democratic Unionist Party) semble pour l’instant minimiser cet aspect, ils peuvent utiliser les nouvelles dispositions pour attiser davantage les tensions sectaires à l’avenir lorsque cela répondra à leurs besoins politiques. Une approche socialiste reposant sur la solidarité et l’unité de la classe ouvrière au-delà des clivages sectaires est essentielle.

    Et maintenant ?

    Le refrain commun des politiciens capitalistes par-delà les clivages politiques et nationaux est de mettre Brexit derrière eux. Ce processus qui a duré des années les a encore plus exposés, eux et leur système, comme incapables de résoudre les problèmes de la masse des gens ordinaires. Comme nous l’avons souligné, les facteurs qui ont contribué à ce que de nombreuses personnes votent pour quitter l’UE en 2016 – pauvreté, travail précaire, bas salaires, services publics décimés et sentiment d’aliénation par rapport à toutes les institutions politiques – n’ont pas disparu, bien au contraire.

    L’abandon de l’UE était un vote contre l’establishment, et il a plongé la classe capitaliste dans la crise, notamment en faisant tomber deux premiers ministres conservateurs. Ce fut un coup dur pour le projet néolibéral de l’Union européenne. Mais nous avons également souligné que sur la base du capitalisme, le Brexit ne résoudrait aucun de ces problèmes sous-jacents. La situation aurait pu être différente si Jeremy Corbyn (alors qu’il était dirigeant du Parti travailliste) et les dirigeants syndicaux avaient pris la tête d’une campagne de gauche anti-austérité pour le « leave » mais, malheureusement, ils ne l’ont pas fait.

    Aucun accord élaboré par les conservateurs et d’autres politiciens capitalistes européens n’aurait jamais pu satisfaire les besoins et les désirs de la classe ouvrière. Pour cela, nous ne pouvons compter que sur la force potentielle de la classe ouvrière organisée et des mouvements de masse en Grande-Bretagne et dans le monde pour apporter un véritable changement socialiste. Sur base de l’appropriation publique démocratique de l’économie et d’une planification démocratique visant à répondre aux besoins des gens, nous pouvons construire un avenir meilleur dans lequel les peuples d’Europe et du monde peuvent être unis sur une base libre, volontaire et égale.

  • Pays-Bas : Le SP dissout son organisation de jeunesse

    Lors du conseil du parti de gauche Socialistich Partij du 4 décembre dernier, le parti a décidé de dissoudre son organisation de jeunesse, Rood (Rouge). Heureusement, l’organisation de jeunesse a refusé d’accepter cette décision et continue à s’organiser et à riposter. Rood mérite tout notre soutien dans cette entreprise !

    Déclaration de Socialistisch Alternatief, section d’Alternative Socialiste Internationale (ASI) aux Pays-Bas

    Une importante minorité de 30 % du conseil du parti, la plus haute autorité du SP, a voté contre les propositions de la direction du parti. Cela reflète le large mécontentement que suscite la ligne de conduite de la direction du parti contre Rood.

    Concrètement, il a été décidé au conseil du parti de confirmer la suspension de tout soutien à Rood et de créer une nouvelle organisation de jeunesse via les sections, sous la direction d’un secrétaire de la jeunesse. Il ne faut pas se faire d’illusion : la direction du parti va essayer de faire passer ce travail de jeunesse sous le contrôle total de l’appareil du parti. Un comité a également été mis en place pour enquêter sur les problèmes entre le SP et Rood ainsi que sur la manière de procéder. Il publiera un rapport final le 1er mai. Nous ne devons pas nous faire d’illusions à ce sujet non plus : le but réel de la commission est d’étudier comment empêcher la radicalisation de l’organisation de jeunesse. Ce ne serait possible qu’en plaçant ces jeunes sur une île déserte… Ce ne sont pas les “communistes de salon” qui radicalisent les jeunes, c’est la crise profonde du capitalisme à laquelle ils sont confrontés !

    Qui sont les vrais infiltrés ?

    La présidente du parti, Jannie Visscher, a déclaré : “Nous ne sommes pas fous. Nous ne laisserons pas les communistes s’emparer de notre organisation de jeunesse”. Pour le prouver, tout un dossier de près de 200 pages, parfois obtenu de façon suspecte, a été produit pour prouver que la Plateforme Communiste a infiltré le SP et tente de gagner la jeunesse à sa cause. Cette soi-disant “fiche d’information” remonte même à la création du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), notre Internationale qui s’appelle aujourd’hui Alternative Socialiste Internationale (ASI), en 1974 ! Cette liste comprend plusieurs documents concernant Offensief, le précurseur de Socialistisch Alternatief, la section d’ASI aux Pays-Bas. Offensief et Socialistisch Alternatief n’ont jamais été impliqués dans la création ou le fonctionnement de la Plate-forme Communiste. Mais le même argument d’être des “infiltrés” a été utilisé pour nous expulser.

    Nous avons rejoint le SP parce que nous considérions qu’il disposait d’un énorme potentiel après que le Parti travailliste (PvdA, l’équivalent du PS en Belgique, NdT) ait été détourné par des carriéristes qui ont transformé ce qui était autrefois le grand parti des travailleurs en une organisation pro-capitaliste qui a appliqué d’énormes coupes budgétaires lorsqu’il était au gouvernement. Nous avons reconnu la possibilité que le SP puisse reprendre le rôle historique joué par le Pvda et se développer en un nouveau parti de masse des travailleurs. En tant que membre du mouvement ouvrier, nous estimions devoir être là où les travailleurs s’organisent en tant que travailleurs. En raison de son virage spectaculaire vers la droite à partir du début des années 1990, ce n’était plus le cas au sein du PvdA dans lequel nous étions actifs.

    Les idées du marxisme sont au cœur du mouvement ouvrier. Cela vaut pour le mouvement syndical, l’ancienne social-démocratie, mais aussi pour le SP (quoique de façon déformée, avec des illusions envers le maoïsme). Ce ne sont pas les marxistes, mais celles et ceux qui veulent simplement réformer le capitalisme, à l’instar de l’actuelle direction du SP, qui ont détourné le mouvement ouvrier et notre parti ! Ils ont, dans une large mesure, dilapidé le potentiel dont diposait le SP et l’ont conduit dans une impasse pour devenir une sorte de Pvda 2.0. Ils n’ont rien appris des erreurs commises par le Pvda. Le SP et Rood n’ont pas été construits par ses infatigables membres pour devenir une nouvelle version du PvdA, mais pour lutter pour une société socialiste. Le marxisme offre un instrument irremplaçable pour cela.

    Nous ne sommes pas d’accord avec toutes les positions et méthodes de la Plateforme Communiste, mais bien sûr nous défendons leur droit d’être présents en tant que groupe organisé au sein du SP. Nous sommes toujours prêts à coopérer avec d’autres forces de gauche et nous sommes en faveur d’un SP pluraliste où un espace existe pour les diverses tendances de gauche. Il est parfaitement justifié et logique que les mouvements marxistes fassent partie du SP.

    Y aura-t-il une scission ?

    Le mécontentement est généralisé au sein du parti et, malheureusement, de nombreux membres s’enfuient par colère. Diverses initiatives ont été prises pour lutter pour la démocratisation du SP : une pétition contre la chasse aux sorcières et une pétition pour défendre Rood. Le congrès du SP sur le programme électoral aura lieu d’ici peu pour tenter d’également discuter de la démocratisation. Enfin et surtout, Rood est en train de reconstruire ses structures et de lutter pour sa réintégration en tant qu’organisation de jeunesse du SP.

    Socialistisch Alternatief soutient de tout cœur toutes ces initiatives. Nous devons nous battre pour démocratiser le SP. Ce combat est également nécessaire pour maintenir ensemble les jeunes de Rood et la gauche ainsi que pour les consolider davantage.

    Mais nous devons également examiner les raisons politiques sous-jacentes et évaluer le rapport de forces. Il ne s’agit pas seulement d’une bataille sur la démocratisation, mais sur la direction politique du SP. Le SP doit-il poursuivre son chemin vers toujours plus de parlementarisme, dans le seul but d’obtenir une participation au gouvernement et de gérer le capitalisme de façon plus “sociale” ? Ou bien va-t-il devenir une force combative, axée sur la construction de mouvements de masse, non seulement pour lutter pour des réformes, mais aussi pour promouvoir des changements socialistes fondamentaux ?

    Malheureusement, la direction du SP privilégie de plus en plus la première, et nous estimons qu’elle est prête à aller très loin pour y parvenir : si nécessaire, en chassant toutes les forces de gauche organisées du parti, ou en les faisant partir d’elles-mêmes par la démoralisation. Ils pensent qu’il serait préférable d’avoir un parti avec la moitié du nombre actuel de membres, ce qui leur permettrait de rejoindre une coalition, plutôt que d’avoir un parti de 31.000 membres avec une gauche forte qui les en empêche. Ils ont une grande expérience de la répression ou du harcèlement des forces d’opposition. Les structures du SP sont conçues de telle manière qu’il n’est pas facile de gagner une majorité contre la direction du parti. De plus, la direction du parti a les médias établis de son côté.

    Nous devons donc tenir compte de différents scénarios. Il serait bien sûr extrêmement positif de gagner la lutte pour la démocratisation et pour Rood. Cependant, nous devons également garder à l’esprit la possibilité qu’à long terme, ce combat risque d’épuiser et de démoraliser les forces de gauche, ou que la direction du SP nous oblige à rompre par le moyen de nouvelles attaques.

    C’est pourquoi nous pensons que Rood et la gauche doivent non seulement se battre pour la démocratisation du SP, mais doivent en même temps se préparer à une existence indépendante. Une organisation de jeunesse indépendante, ou une nouvelle formation à gauche du SP, serait, bien sûr, confrontée à des défis considérables, comme celui d’assurer son indépendance financière. En même temps, une organisation de jeunesse indépendante ou une nouvelle formation de gauche pourrait être un pôle d’attraction pour la radicalisation des jeunes et des travailleurs, pour lesquels le SP n’est actuellement pas du tout attractif. Rood pourrait désormais lancer des actions et des campagnes en direction des jeunes, rejoindre les mouvements de protestation là où ils se manifestent et, pour financer ce travail, commencer à demander des cotisations aux membres de Rood et lancer une grande campagne de soutien financier destinée aux membres du SP et à d’autres sympathisants.

    À notre avis, il est toujours nécessaire, même s’il s’effondre, de maintenir une orientation vers le SP. Le SP compte encore 31.000 membres, dont de nombreux travailleurs, socialistes et membres de la gauche critique. Nous devons toujours essayer de ne pas perdre le contact avec eux.

    Nous vivons une période tumultueuse de crise profonde du capitalisme qui voit de plus en plus de jeunes et de travailleurs chercher une alternative à ce système pourri. En même temps, la crise profonde du système rend impossible une voie intermédiaire : soit vous êtes prêt à rompre avec le capitalisme, soit vous suivez sa logique. Ces contradictions se reflètent dans la crise du SP. Socialistisch Alternatief se bat à l’intérieur et à l’extérieur du SP pour une société socialiste, aux Pays-Bas et au niveau international. Que vous soyez ou non membre du SP, si vous voulez vous battre avec nous pour une alternative socialiste, rejoignez-nous !

  • Les 10 % des citoyens européens les plus riches responsables d’autant d’émissions de CO2 que les 50 % les plus pauvres

    Quand les inégalités creusent le fossé économique et écologique entre les classes

    Selon une récente analyse publiée par OXFAM, les émissions de CO2 ont diminué d’environ 12 % pour l’ensemble des 27 pays membres de l’UE entre 1990 et 2015. L’étude révèle également que l’essentiel de ces réductions a été assumé par les classes les plus pauvres de l’Union. La consommation des plus riches demeure, quant à elle, en nette hausse.

    Par Jeremy (Namur)

    On aimerait pouvoir se réjouir sans réserve devant la diminution affichée des émissions nettes de CO2 liées à la consommation – c’est-à-dire corrigées pour tenir compte des émissions induites dans d’autres pays par la production de biens et de services destinés à être consommés en Europe. Pourtant, à y regarder de plus près, on constate que cette diminution n’a pas été supportée également par toutes les tranches de la population.

    L’étude réalisée en collaboration avec l’Institut de l’Environnement de Stockholm (SEI) révèle que les 10 % des citoyens européens les plus riches sont responsables de 27 % des émissions de toute l’UE. C’est autant que les 50 % des habitants les plus pauvres réunis. Parmi eux, le 1 % des plus riches émettent, à eux seuls, 7 % de la quantité totale de CO2. L’étude révèle également que, alors que la part des émissions des classes les plus pauvres a diminué : -25 % chez la moitié la plus pauvre de la population et -13 % chez les 40 % disposant d’un revenu intermédiaire, la consommation des 10 % les plus riches a augmenté de 3 % quand la part – déjà très haute ! – du 1 % des plus fortunés a crû de 5 %.

    Sur base de cette étude, OXFAM appelle l’UE à lutter contre les inégalités si elle veut se donner les moyens de réduire ses émissions à la hauteur des engagements pris lors de l’accord de Paris (2015). Nous sommes, bien entendu, d’accord sur la nécessité de s’attaquer aux inégalités, mais il est nécessaire d’aller beaucoup plus loin.

    Tout d’abord, il faut poser la question de la force susceptible de mener cette lutte contre les inégalités. Or, si les dernières décennies d’austérité ont montré une chose, c’est bien la détermination de la classe dominante à œuvrer dans le sens contraire. Un constat qui fut encore exacerbé en Europe au cours des dix dernières années suivant la crise de la zone euro. Et ce constat est vrai partout : que dire de la prédation de valeur par les grands capitalistes mondiaux au cours de la pandémie de COVID-19 ? En vérité, une diminution des inégalités ne sera possible que grâce à la mobilisation de la classe des travailleuses et des travailleurs.

    Il est également absolument essentiel de remarquer l’ampleur de la réduction nécessaire. Pour rester sous le seuil de +1,5 °C à l’horizon 2100 (une limite par ailleurs déjà potentiellement fort dangereuse), les émissions devront chuter de pas moins de 60 % d’ici à 2030. Ce simple fait illustre à quel point une lutte efficace contre le réchauffement climatique nécessitera bien plus qu’un transfert de revenu qui laisserait le système inchangé par ailleurs.

    À plus forte raison, la croyance dans l’idée que cela pourrait suffire reviendrait à jouer le jeu de la classe capitaliste. De son point de vue, en effet, les inégalités en UE ont explosé en même temps que les émissions totales ont diminué, pourquoi ne pas continuer dans la même voie et se contenter de verdir, éventuellement, quelque peu le capitalisme ? La raison est très simple : le capitalisme vert est un mirage qui ne résout rien et qui n’est certainement pas à la hauteur des enjeux que nous connaissons. Pour y faire face, il ne nous faut rien de moins qu’une rupture avec ce mode de production anarchique et irrationnel pour laisser place à la planification et à la gestion démocratique de la production.

    L’analyse reprise plus haut montre, enfin, que la transformation socialiste de la société capable de maitriser le dérèglement climatique ne saurait être efficace qu’à l’échelle internationale. Premièrement parce que les inégalités y sont encore plus importantes qu’au sein de l’UE, enfin parce qu’une réorganisation de la production au bénéfice de tous n’est envisageable qu’à cette échelle.

  • France : Le mouvement ouvrier doit s’engager de tout son poids dans la bataille contre la répression et le racisme

    Manifestation à Paris du 28 novembre 2020. Photo : Wikimedia

    Ce samedi 12 décembre, pour la troisième semaine consécutive, des milliers de personnes ont à nouveau défilé dans divers villes françaises pour dénoncer la proposition de loi Sécurité globale et le projet de loi sur le séparatisme. En pleine pandémie, les priorités du gouvernement du président Macron visent à renforcer l’arsenal répressif de l’Etat et à tenter de diviser la population sur une base raciste.

    Par Nicolas Croes

    Cette proposition de loi vise clairement à limiter les libertés de la presse, d’expression et de manifester, notamment son article 24 qui pénalise la diffusion malveillante d’images des forces de l’ordre. Elle prévoit de pénaliser d’un an de prison et 45.000 euros d’amende la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » des forces de l’ordre en intervention quand elle porte « atteinte » à leur « intégrité physique ou psychique ». Comme La France Insoumise l’a dénoncé, il s’agit d’une « entreprise de dissuasion massive d’aller manifester et filmer ce qu’il se passe en manifestation ».

    L’approche du gouvernement et de ses alliés face aux violences policières est limpide : les cacher et non les combattre. Mais alors que la loi était discutée à l’Assemblée Nationale (où elle a été adoptée le 24 novembre), une série de d’événements ont transformé l’affaire en véritable fiasco.

    Le lundi 23 novembre au soir, des centaines de migrants accompagnés d’associations, d’élus et de partis de gauche ont été brutalement chassés par la police de la place de la République à Paris, à coups de matraques et de gaz lacrymogène. Parmi les images qui ont choqué figuraient celles d’un commissaire divisionnaire faisant un croche-pied à un homme qui tentait de fuir les coups de matraque. Quelques jours plus tard, le 26 novembre, les images du tabassage d’un homme noir, Michel Zecler, ont été divulguées. La victime avait dans un premier temps été placée en garde à vue pour « violences sur personne dépositaire de l’autorité publique » et « rébellion », pendant deux jours, avant que l’enquête ne soit classée sans suite grâce à la vidéo des événements. Sans celle-ci, il serait très certainement en prison.

    Les comparaisons avec l’explosion du mouvement Black Lives Matter suite au meurtre de George Floyd aux Etats-Unis n’ont pas manqué. Le samedi 28 novembre, environ 500.000 personnes ont manifesté dans le pays en répondant à l’appel de nombreuses organisations de journalistes, de syndicats et d’associations diverses réunies dans la « coordination #StopLoiSécuritéGlobale ». Sous la pression de cette impressionnante mobilisation, tout particulièrement dans cette période de confinement brutalement appliquée en France, le gouvernement a annoncé deux jours plus tard la « réécriture totale » de l’article 24, le plus polémique, qui concerne l’image des policiers. Cette déclaration sentait clairement la panique, puisque le texte est déjà voté à l’Assemblée nationale et est maintenant dans les mains du Sénat, où la question devrait être tranchée en janvier. La coordination réclame du reste à juste titre le retrait pur et simple du projet de loi.

    Les mobilisations se sont poursuivies le samedi 5 décembre : près de 90 rassemblements étaient annoncés dans le pays. Le premier samedi de décembre est traditionnellement une journée de mobilisation contre la précarité à l’initiative du syndicat CGT, la lutte contre les violences policières et la loi Sécurité globale y a été liée cette année comme une évidence. Comme pour jeter encore un peu plus d’huile sur le feu, la veille, trois décrets élargissant les possibilités de fichage de la population sont venus enrichir les textes sécuritaires

    Arsenal répressif et résistance sociale

    Le projet de loi Sécurité globale s’inscrit dans un contexte plus profond. Les législations ou les procédures qui visent à étouffer ou à intimider la contestation se multiplient en France, tout particulièrement depuis 2016 et la contestation de la loi Travail sous la présidence de François Hollande (PS), puis avec le mouvement des Gilets jaunes en 2018 sous la présidence de Macron, et enfin les manifestations contre la réforme des retraites en décembre et janvier 2019-20. Ainsi, ce 3 décembre, un membre du collectif « Désarmons-les » (qui documente les violences policières) a été condamné à 8 mois de prison ferme suite à son interpellation par des policiers durant le mouvement des Gilets jaunes en septembre 2019. On lui reprochait notamment d’avoir porté un coup à un bouclier de la police lors de son interpellation…

    Parallèlement, les violences policières au cours des manifestations sont devenues la norme. Celles-ci visent un double objectif. Premièrement, il s’agit d’intimider les manifestants et de faire passer le message que même en se tenant à l’écart de la confrontation, on peut être gravement blessé et pris pour cible par les tirs d’armes telles que les LBD et les grenades de désencerclement. Parmi les victimes de la répression policière se trouve par exemple Zineb Redouane, une marseillaise de 80 ans décédée le 2 décembre 2018 après avoir été blessée au visage par un tir de grenade lacrymogène alors qu’elle fermait les volets de son appartement… situé au 4e étage !

    Deuxièmement, les autorités cherchent à diviser le mouvement sur base des réactions face aux violences policières, avec l’aide des médias dominants qui font tout pour grossir jusqu’au ridicule les incidents en marge des manifestations et présenter ses participants comme un ramassis de casseurs. Cette stratégie de la violence est parfaitement consciente de la part des autorités.

    Violences policières et racisme systémique

    Les violences policières affectent depuis longtemps les quartiers populaires. Ce n’est pas un hasard si, quand le mouvement Black Lives Matter a repris son envol au printemps dernier, il a tout particulièrement trouvé une résonance en France. Face au Tribunal de Paris, le comité « La vérité pour Adama » avait réussi le tour de force de rassembler plusieurs dizaines de milliers de manifestants malgré l’interdiction de se rassembler. Au côté de George Floyd figuraient les noms d’Adama Traoré (décédé lors d’une interpellation par les gendarmes dans le Val-d’Oise), Lamine Dieng (mort dans un fourgon de police à Paris), Amadou Koumé (mort dans un commissariat à Paris),… Il n’est pas rare que de jeunes hommes meurent suite à une intervention policière dans des circonstances suspectes et que leurs proches doivent lancer des comités et mener de longs combats pour que justice soit faite.

    En juillet dernier, le média indépendant en ligne Basta ! révélait qu’en 43 ans, sur 213 interventions létales ayant impliqué les forces de l’ordre, seuls dix officiers ont été condamnés à un emprisonnement ferme pour homicide. La dernière condamnation remonte à 1999. Une analyse de StreetPress montre qu’entre 2007 et 2017, 47 hommes désarmés sont morts à la suite d’interventions des forces de l’ordre. Aucun des policiers ou gendarmes impliqués n’a fini en prison. Plus d’un tiers des procédures ont abouti à un classement sans-suite, un non-lieu ou un acquittement des fonctionnaires. La majorité des affaires sont encore en cours.

    Le plan contre le séparatisme

    La volonté de faire taire la résistance sociale est couplée à la stigmatisation des musulmans. Le contexte actuel est celui de campagnes électorales : d’abord régionale et départementale (en mars 2021), mais surtout présidentielle et législatives (en 2022). C’est dans cet optique que le gouvernement a été remanié cet été, un remaniement clairement marqué à droite et qui visait à se préserver un socle d’électeurs de droite dans un contexte politique marqué par une profonde instabilité.

    Lors de son entrée en fonction, le nouveau ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin (par ailleurs visé par une plainte pour viol) n’avait pas hésité à nier les violences policières en France en disant : « Quand j’entends le mot ‘violences policières’, personnellement je m’étouffe ». Une expression très choquante quelques semaines après le meurtre de George Floyd et alors qu’un livreur, Cédric Chouviat, est mort en janvier après avoir été plaqué au sol par la police et avoir crié à plusieurs reprises « j’étouffe ».

    Puis, le 2 octobre, le « plan contre le séparatisme » de Macron a été présenté, un projet de loi contre l’islam politique et radical destiné à être discuté au Parlement début 2021 qui va étendre encore l’interdiction des signes et pratiques religieuses sur les lieux de travail du secteur public. L’idée était très clairement d’utiliser l’émotion liée à l’ouverture du procès des attentats de Charlie Hebdo. C’était le contexte derrière l’assassinat de Samuel Paty et l’attaque de la Basilique de Nice qui a fait 3 victimes le 29 octobre. [LIRE NOTRE ANALYSE]

    Christian Estrosi, le maire de Nice (Les Républicains), a de suite déclaré qu’il souhaitait « modifier la Constitution » pour pouvoir « mener la guerre » contre une idéologie qu’il qualifie « d’islamo-fascisme ». Eric Ciotti, député du même parti, a appelé à la création « d’un Guantanamo à la Française ». Le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer a dénoncé le 22 octobre « l’islamo-gauchisme » qui fait selon lui « des ravages à l’université ». Un amendement adopté ensuite au Sénat stipule que la recherche universitaire devra désormais « s’exprimer dans le cadre des valeurs de la République », une formulation ambiguë qui fait craindre une tentative de mise au pas politique.

    Ce climat va évidemment donner confiance à l’extrême droite, y compris à ses franges les plus radicales. Quelques heures après l’attentat de Nice un jeune lié au groupe d’extrême droite Génération Identitaire a d’ailleurs été abattu par la police après avoir menacé des maghrébins au revolver. D’autre part, le 14 novembre, à Cholet, un homme est descendu dans la rue « guidé par Dieu pour agir », a grièvement blessé sa femme et tué deux personnes. Les médias nationaux ont ignoré l’affaire et la presse locale s’est bien gardée de parler d’attentat terroriste. Mais cette fois-ci, le meurtrier qui voulait punir les incroyants était catholique.

    Le mouvement ouvrier doit prendre l’initiative

    A la veille des mobilisations contre le loi Sécurité globale, un sondage de l’institut Ifop révélait que 85% des Français s’attendent à une explosion sociale dans les prochains mois dans le pays. C’est 13 points de plus que la dernière mesure réalisée en janvier 2020, alors que le mouvement contre la réforme des retraites battait encore son plein.

    La mobilisation actuelle est surtout partie des journalistes et des associations des droits humains et a rencontré un écho particulier parmi la jeunesse. Mais il est évident que la question concerne les travailleuses et travailleurs au premier plan. Les ravages sociaux de la crise économique n’en sont encore qu’à leurs débuts – et 700.000 emplois ont déjà été détruits en France au cours des six premiers mois de l’année 2020 – le renforcement de la police et de l’arsenal législatif ne vont pas tarder à viser celles et ceux qui vont entrer en lutte sur leur lieu de travail.

    Le mouvement ouvrier doit clairement imprimer la contestation sociale de sa marque, et ne pas hésiter à recourir à son arme la plus efficace : celle de la grève. Violences policières, manquements criminels dans les soins de santé et l’accueil aux personnes âgées, précarité, racisme systémique,… Les sources de colères ne manquent pas et doivent être réunies autour d’un programme qui répond au cimetière social et à la crise du système. C’est aussi la meilleure manière de combattre l’extrême droite et les fondamentalistes de toutes sortes.

    Mais il faut également développer une alternative politique. Fin octobre, l’indicateur de protestation électorale Fondapol-«Le Figaro» indiquait que 79% des électeurs envisagent un vote antisystème en 2022. Saisir ce potentiel exige de rassembler la colère autour du mouvement ouvrier en défendant un programme qui combat l’austérité et le racisme par la solidarité. La candidature de Jean-Luc Mélenchon qui vient d’être annoncée pour les présidentielles pourrait jouer un rôle dans cette direction. Sa campagne a besoin d’un programme offensif. Celui défendu par la France Insoumise en 2017 représentait une excellente tentative de souligner la nécessité d’une planification écologique et de la nationalisation de certaines parties de l’économie. Mais les défis posés par la crise économique actuelle (la pire depuis les année 1930), la crise sanitaire et la crise écologiques ne laissent pas d’autre choix que d’aller plus loin et de défendre le reversement du capitalisme.

    Tant dans la rue et les entreprises que dans les urnes, il faut s’attaquer au système capitaliste en tant que tel et populariser son remplacement par un système basé sur la satisfaction des besoins sociaux et non sur la soif de profits : une société socialiste démocratiquement planifiée.

  • Soulèvement de masse en Pologne en défense du droit à l’avortement – Témoignage au coeur du mouvement

    Le gouvernement conservateur polonais voulait utiliser la crise sanitaire pour faire passer un projet de loi restreignant le droit – déjà très limité – à l’avortement. Mais il a déclenché un splendide mouvement de masse, le plus grand depuis la chute de la dictature stalinienne ! Nous en avons discuté avec Tiphaine, membre de ROSA-Pologne et d’Alternatywa Socjalistyczna.

    Dans les médias internationaux, on a annoncé le retrait de cette attaque contre le droit à l’avortement. C’est bien vrai ?

    Les médias internationaux se sont emballés un peu vite… Le 22 octobre, le tribunal constitutionnel de Pologne s’est prononcé en faveur d’une limitation de l’accès à l’avortement. Le parlement doit maintenant changer la loi existante. Mais la question n’a pas été mise à l’ordre du jour de la séance parlementaire du mercredi suivant, ce qui a été interprété comme un retrait du projet dans les médias internationaux.

    Les conservateurs sont intimidés par le mouvement de masse, c’est certain. Ils attendent son essoufflement pour mettre cette discussion à l’agenda du parlement. La colère contre le gouvernement et la détermination de lutter pour le droit à l’avortement sur demande n’ont pas faibli, mais en l’absence d’une direction qui propose les bons mots d’ordre, ce potentiel pourrait être gaspillé.

    OSK (Ogólnopolski Strajk Kobiet, Grève des femmes de toute la Pologne), la direction de facto du mouvement, va soumettre un projet de loi citoyen pour le droit à l’avortement, tout comme en 2018, quand les députés ont rejeté le projet sans même le discuter. Malgré le succès de la journée de « grève des femmes » et de la gigantesque manifestation qui a eu lieu à Varsovie le 30 octobre, OSK n’appelle plus à de grandes mobilisations mais à bloquer les routes en traversant les passages pour piéton ou à des manifestations en voiture, pour rester dans la légalité en cette période de confinement. Mais le début du mouvement a démontré que la répression sous prétexte du COVID était impuissante face à la détermination des masses.

    Comment expliquer l’ampleur de ce soulèvement ?

    La restriction du droit à l’avortement a des conséquences dramatiques pour de nombreuses femmes. Il y a des cas scandaleux de femmes forcées de mettre au monde des enfants mourants ou qui se sont retrouvées en situation de handicap parce qu’on leur avait refusé l’interruption de grossesse.

    Cette interdiction est une gigantesque insulte : on dit aux femmes qu’elles sont incapables de prendre des décisions pour elles-mêmes et qu’elles sont moins importantes qu’un embryon. Les médecins ont le droit de refuser de pratiquer l’avortement même s’il était légal, ils peuvent même vous refuser la contraception ! Dans le camp anti-choix, on a même entendu dire que « contrairement à l’avortement, la pédophilie n’a jamais tué personne » ! Tout cela attise la colère et pousse les indécis dans le camp pro-choix.

    En 2016, le PiS (le parti conservateur au pouvoir) a déjà tenté une interdiction totale de l’avortement et a dû reculer devant le mouvement. Toute une couche de jeunes femmes était passée à l’action pour la première fois, et une partie est restée mobilisée pour les droits des femmes et des LGBTQI+ depuis. Cette expérience joue un rôle dans la mobilisation actuelle et également dans la confiance qu’il est possible de faire reculer le gouvernement.

    Mais le mouvement a été freiné par sa direction libérale et n’est pas allé jusqu’au bout de ce qu’il était possible d’obtenir : le droit à l’avortement sur demande. Ici, les manifestants rejettent le « compromis » (c’est à dire, le droit d’avorter dans les trois cas prévus par la loi polonaise) et exigent le droit à disposer de son corps.

    Depuis 2016, les conservateurs attendaient le moment opportun pour ressortir cette mesure. Ils ont fait passer d’autres attaques, comme de rendre la pilule du lendemain inaccessible sans prescription, histoire de tester le terrain. Cette année, ils ont cru pouvoir faire passer cette restriction du droit à l’avortement grâce au confinement, en sous-estimant la colère accumulée non seulement sur la question des droits reproductifs mais aussi concernant la mauvaise gestion de la pandémie.

    A quel point le gouvernement et l’Eglise sont-ils discrédités aujourd’hui dans la société ?

    L’Église a perdu énormément de terrain. Un nouveau scandale vient d’éclater : le cardinal Dziwisz, une éminence de l’Église catholique en Pologne et ancien bras droit du pape Jean-Paul II (qui reste une icône en Pologne) est soupçonné avoir participé à la couverture d’un réseau d’abus sexuels d’enfants au Mexique. D’après un sondage récent, seuls 35% des Polonais ont une opinion positive de l’Église. Les gens s’opposent à cette institution privilégiée et corrompue, et ne veulent plus de l’ingérence religieuse dans la politique et dans l’éducation.

    De son côté, le gouvernement ne peut plus se reposer sur les quelques avancées sociales accordées en début de mandat. Son soutien parmi la classe ouvrière n’est plus aussi solide, notamment parce qu’il n’a pas empêché la fermetures de mines ou de grosses usines comme l’aciérie de Cracovie. Sa réponse à la crise économique provoquée par le COVID a été une réforme du code du travail en faveur des employeurs alors que de nombreux Polonais perdaient leur travail. La situation sanitaire est dramatique, avec 20.000 nouveaux cas par jour.
    Au début du mouvement, le PiS a joué la carte des menaces de répression. Kaczynski, l’homme fort du PiS, a fait une allocution télévisée qui rappelait la déclaration de la loi martiale par le général Jaruzelski en 1981. Malgré cela, les gens sont descendus en masse dans les rues. Le PiS s’est donc montré affaibli et ridiculisé.

    Ils doivent maintenant se reposer sur une couche plus mince d’éléments les plus conservateurs, voire fascistes, de la société. Cela veut dire qu’ils vont être obligés d’aller jusqu’au bout pour soutenir cette loi et satisfaire cette couche. Ils sont dans une impasse.

    Comment le mouvement peut -il faire face à cette détermination désespérée des autorités ?

    Pour porter un coup décisif au gouvernement, il faut une grève générale : la possibilité de bloquer l’économie est une arme redoutable. L’entrée en lutte de la classe ouvrière montrerait qui fait réellement fonctionner l’économie et la société.

    Beaucoup de travailleurs n’attendent qu’un mot de leur direction syndicale pour entrer en grève sur la question de l’avortement. Mais les directions syndicales refusent. La pression de la base pourrait les y pousser. Les membres d’Alternatywa Socjalistyczna tentent d’agir en ce sens sur les lieux de travail et dans les syndicats. Au sein du mouvement, nous proposons une orientation envers la classe ouvrière, notamment en liant la question des droits reproductifs aux questions de la défense des services publics et des emplois.

    Le mouvement a besoin de représentants qui en émanent et qui montrent la voie vers la victoire. OSK comble le vide de direction, mais sans proposer de mots d’ordres adéquats, en se détournant de l’action en rue. Elle a perdu du crédit en formant un comité consultatif avec des politiciens carriéristes qui n’ont rien à voir avec le mouvement. OSK se dit à l’écoute du mouvement en demandant que les participants envoient des suggestions et des revendications, mais ce n’est pas d’un pouvoir de suggestions dont les manifestants ont besoin : c’est d’être actifs dans la prise de décision et dans les choix de ses représentants. Alternatywa Socjalistyczna et ROSA Polska appellent à la création de comités de grève démocratiques au niveau local pour organiser la lutte, décider des revendications, et élire une direction locale et nationale. Ces dirigeants seraient élus sur base de leur expérience, en ayant fait leurs preuves dans le mouvement, et seraient révocables s’ils ne répondent plus aux attentes de celles et ceux qui les ont élus.

    Si le PiS tombe, la place pourrait être prise par des politiciens de l’establishment qui utiliseraient la situation à leur avantage. Ils accorderaient bien sûr une partie des revendications au mouvement pour justifier leur prise de pouvoir. Mais sans s’attaquer au capitalisme que ces politiciens représentent, l’ insuffisance de moyens dans les hôpitaux, la pénurie de crèches publiques, le bas niveau de vie, l’absence de budget pour l’éducation sexuelle,… subsisteront et constitueront autant de freins à la jouissance des droits reproductifs.

    De plus, ces politiciens seront réticents à s’opposer trop à l’Église qui continue tout de même de représenter une partie de l’électorat, mais aussi une certaine puissance économique. Ce que nous défendons donc est que le PiS soit remplacé par un gouvernement issu du mouvement et représentant la classe ouvrière avec pour programme les pleins droits reproductifs gratuits, le développement des hôpitaux publics pour répondre aux besoin de la population, une place par enfant en crèche et en jardin d’enfants publics, la satisfaction des revendications des enseignants, et la nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques des principaux secteurs de l’économie afin de financer ce programme et d’empêcher les suppressions d’emplois et la dégradation des conditions de travail au prétexte du COVID.

    En bref, il nous faut un programme socialiste pour en finir avec le système capitaliste qui empêche les femmes de jouir pleinement de leurs droits démocratiques et des possibilités de la science.

  • Journée de lutte contre les violences envers les femmes : Appel urgent à la solidarité contre la répression à Moscou

    C’est là que les militants sont détenus depuis vendredi soir : dans un fourgon de police glacé.

    Des activistes ont été arrêtés pour avoir protesté à Moscou contre la violence à l’égard des femmes. Ils sont maintenant détenus dans des conditions horribles et soumis à la violence policière à Moscou.

    Par Sotsialisticheskaya Alternativa, ASI Russie

    Les six personnes arrêtées ont d’abord été détenues pendant deux jours dans des cellules de police avant d’être traduites en justice. La cellule dans laquelle elles étaient détenues était glaciale, elle avait une fenêtre cassée avec des températures extérieures sous zéro. On leur a donné deux couvertures pour cinq personnes et on leur a refusé toute nourriture. La cellule était constamment très éclairée et la police a refusé d’éteindre les lumières.

    À l’arrivée au tribunal, l’une d’elles a été condamnée à 48 heures de détention et libérée, deux à trois jours, deux à quatre et Syrga Chidaryan à cinq jours de détention. Depuis le jugement rendu vendredi soir, elles ont été détenues dans un fourgon de police glacé pendant plus de dix heures pendant la nuit, elles se sont vu refuser des vêtements supplémentaires et de la nourriture chaude. Malgré les températures glaciales à l’extérieur, elles ne sont autorisées à aller aux toilettes que dans la rue sous surveillance policière. Lorsque Syrga a exigé qu’elles soient logées dans un établissement approprié, elle a été traînée sur le sol. D’autres militantes se sont vu confisquer leur téléphone et n’ont pas été autorisées à voir leur avocat.

    Des sympathisants se sont rendus au tribunal et ont fait un piquet au poste de police, ils ont apporté de la nourriture chaude et des vêtements mais rien n’indique que cela ait été réellement donné aux prisonnières.

    Nous vous invitons à contacter l’ambassade de Russie à Bruxelles : amrusbel@skynet.be et l’ambassadeur Alexander Tokovinin ou à envoyer le message suivant sur la page Facebook de l’ambassade : https://www.facebook.com/amrusbel (traduction ci-dessous) :

    Stop police violence against arrested women in Moscow immediately:

    On 25th November, the “International Day against violence against women” six people participating in a “single person picket” aimed at bring attention to the issue were arrested and charged under article 19 part 3 of the KoAP.

    The six are Syrga Chidaran, Kseniya Bezdenezhnykh, Aleksandra Rogacheva, Marta Khromova, Elizaveta Drepeleva and Vitalii Kudrin.

    They were detained in deplorable conditions for 48 hours at the OVD Zamoskvorechye station until their court hearing, during which the cell in which they were kept was freezing cold, it had a broken window with outside temperatures below freezing. They were given two blankets for five people and refused food. The cell was brightly lit and police refused to switch the lights off.

    In court, they were sentenced to between 2 and five days in detention. Vitaly Kurgin (2 days) was released. The remaining five were detained in a police ‘gazelle’ van in conditions which can only be described as torturous.

    Since their case which finished on Friday evening they have been held in a freezing police van, refused extra clothing and hot food. Despite freezing conditions outside they are only allowed to go to the toilet in the street under police supervision.

    When Syrga demanded that they be registered and accommodated in a proper facility, she was dragged around on the ground. Other activists have had their phones confiscated and they have not been allowed access to their lawyer.

    Supporters have been at the court and outside the police station, they have been bringing hot food and clothing but there is no indication they are being passed on.

    We demand:

    The immediate release of all those detained with the dropping of all charges;

    A public investigation into why those arrested were detained in such torturous conditions;

    Charges of assault to be lodged against those police officers responsible for using violence against those detained and their dismissal from the police force.

    Le 25 novembre, “Journée internationale contre la violence à l’égard des femmes”, six personnes participant à un “piquet individuel” visant à attirer l’attention sur ce problème ont été arrêtées et inculpées en vertu de l’article 19, partie 3, du KoAP.

    Ces six personnes sont Syrga Chidaran, Kseniya Bezdenezhnykh, Aleksandra Rogacheva, Marta Khromova, Elizaveta Drepeleva et Vitalii Kudrin.

    Elles ont été détenues dans des conditions déplorables pendant 48 heures au poste de l’OVD de Zamoskvorechye jusqu’à leur audience au tribunal, au cours de laquelle :

    La cellule dans laquelle elles étaient détenues était glaciale, avec une fenêtre cassée et températures extérieures inférieures au point de congélation. On leur a donné deux couvertures pour cinq personnes et on leur a refusé toute nourriture. La cellule était très éclairée et la police a refusé d’éteindre les lumières.

    Au tribunal, elles ont été condamnées à une peine de deux à cinq jours de détention. Vitaly Kurgin (2 jours) a été libéré. Les cinq autres personnes ont été détenues dans un fourgon de police “gazelle” dans des conditions qui ne peuvent être qualifiées que de torture.

    Depuis leur jugement vendredi soir, elles sont détenus dans un fourgon de police glacé, se sont vu refuser des vêtements supplémentaires et de la nourriture chaude. Malgré les conditions de gel à l’extérieur, elles ne sont autorisées à aller aux toilettes que dans la rue et sous la surveillance de la police.

    Lorsque Syrga a exigé qu’elles soient logées dans un établissement approprié, elle a été traînée sur le sol. D’autres militants ont vu leurs téléphones confisqués et n’ont pas été autorisés à voir leur avocat.

    Des sympathisants se sont rendus au tribunal et devant le poste de police, ils ont apporté de la nourriture chaude et des vêtements mais rien n’indique qu’ils aient été transmis”.

    Nous exigeons :

    • La libération immédiate de toutes les personnes détenues avec l’abandon de toutes les charges ;
    • Une enquête publique sur les raisons pour lesquelles les personnes arrêtées ont été détenues dans des conditions aussi horribles ;
    • L’inculpation des officiers de police responsables de l’usage de la violence contre les personnes détenues et leur renvoi des forces de police.
    • Les adresses électroniques de l’ambassade dans votre pays sont disponibles à l’adresse suivante

    Le ministère russe des affaires étrangères peut être contacté à l’adresse suivante : ministry@mid.ru
    Le Bureau des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe à l’adresse office@odihr.pl
    Le représentant permanent de la Russie auprès de l’OSCE à l’adresse suivante : rfosce@yandex.ru
    Les messages de solidarité et les photographies peuvent être envoyés à l’adresse suivante : robertjones.isa@gmail.com

  • Le gouvernement grec viole la constitution pour réprimer les commémorations de la révolte contre la dictature

    Le gouvernement grec augmente ses attaques violentes contre le peuple grec et le mouvement social. Le dernier épisode en date est celui de l’interdiction des manifestations en commémoration de la révolte contre la dictature militaire à l’Ecole Polytechnique en 1973.

    Par Marina (Bruxelles)

    Chaque année une manifestation massive a lieu à Athènes (et d’autres ont lieu ailleurs dans le pays) en l’honneur de cette révolte, mais toujours liée aux enjeux actuels. Vendredi, le gouvernement a annoncé que les manifestations seraient interdites, sous prétexte des mesures CoVid. Le mouvement a tout de suite réagi : les organisations de gauche ont annoncé qu’elles prévoyaient des protestations avec respect des mesures sanitaires.

    Le gouvernement a répondu en interdisant tout rassemblement public de plus que 4 personnes du 15 au 18 novembre! C’est une interdiction dont le sens, ainsi que la formulation, rappellent les verdicts de la junte militaire ! Jamais aucun gouvernement n’a pris une décision pareille depuis la chute de la dictature en 1974.

    L’association des juges a accusé le gouvernement en expliquant que cette interdiction constitue une violation de la Constitution : celle-ci prévoit que les citoyens ont le droit de manifester et que ceci ne peut être interdit en aucun cas, sauf en état de siège ou en condition de danger extrême pour la sécurité publique. Le gouvernement a utilisé la santé publique comme équivalent de la sécurité publique! Syriza, le Parti communiste grec (KKE) et MERA 25 (le parti de Varoufakis ) ont signé un appel commun au gouvernement en demandant que l’interdiction anticonstitutionnelle soit levée.

    Rassemblement du KKE devant l’ambassade américaine. Le rassemblement ne posait pas de problème pour la santé publique. Contrairement à la violente répression.
    “Pain – éducation – santé – liberté” (“Pain, éducation, liberté” était le slogan principal de la ra révolte de 1973). Deuxième ligne “La révolte de l’école polytechnique est toujours vivante”. Xekenima, section grecque d’Alternative Socialiste Internationale.

    Le matin du 17 novembre, le KKE a organisé un rassemblement statique avec respect des distances sociales devant l’Ambassade des Etats Unis. Ceci fut une preuve exemplaire du fait que le mouvement est parfaitement capable d’organiser des manifestations sans mettre en péril la santé publique. Les participants ont continué avec une manifestation, toujours en respectant les distances. Cette manifestation a été brutalement attaquée, malgré la présence du secrétaire général du parti et de députés du parti communiste. Certains députés ont été attaqués; la police a utilisé des canons à eau et du gaz lacrymogène contre des manifestants totalement pacifiques et disciplinés! Il en a été de même à Thessalonique, où les manifestants ont été encerclés, puis brutalement attaqués. Six de nos camarades de Xekinima se sont retrouvés piégés avec d’autres manifestants, au moins un a été blessé et emmené à l’hôpital, plusieurs ont dû se réfugier chez des habitants du quartier qui ont ouvert leurs portes pour protéger les manifestants attaqués par la police. La solidarité des gens fut remarquable.

    Des attaques pareilles ont eu lieu dans d’autres villes comme Patras et Volos. Des dizaines des manifestants ont reçu des amendes, malgré le fait qu’ils ont tous respecté les distances et porté des masques et alors qu’ils avaient avec eux des documents nécessaires justifiant leur sortie. Les amendes sont extrêmement lourdes: 300€ pour participer à la manifestation, jusqu’à 5000€ pour les organisateurs. C’est une des raisons pour lesquelles les manifestations n’ont pas été aussi massives que les années précédentes. Pourtant, plusieurs centaines de personnes y ont participé, malgré la peur du CoVid, de la répression et des amendes.

    Le gouvernement grec – qui n’a rien fait depuis le mois de mars pour financer le secteur de la santé, embaucher du personnel médical et de nettoyage pour les hôpitaux et les écoles ou des enseignants pour pouvoir dégager les classes de 30 élèves – a pris la décision de mettre le pays en lockdown encore une fois depuis la mi-octobre, pour faire face à l’augmentation vertigineuse de cas de CoVid et du nombre de morts. Le gouvernement a imposé un couvre-feu à partir de 21h, sans pour autant limiter la circulation des gens pour des raisons de travail. Plusieurs entreprises restent ouvertes, le télétravail n’est pas appliqué.

    Le gouvernement grec profite de la crise sanitaire pour attaquer la population et ses droits démocratiques. Les Grecs protestent contre la gestion ridicule de la crise par le gouvernement, ainsi que leur appauvrissement qui continue suite à la nouvelle récession à laquelle le pays est confronté. Le gouvernement montre son visage, autoritaire et totalitaire, pour discipliner le peuple qui se plaint contre le fait qu’encore une fois, c’est aux travailleuses et aux travailleurs de saigner, et non pas les propriétaires d’entreprises, les riches ou la classe dirigeante.

    La seule solution pour le peuple grec, comme pour tous les autres peuples, est de s’organiser contre cette nouvelle attaque et de lutter pour défendre ses droits démocratiques et ses conditions de vie.

     

  • Vienne. Contre le terrorisme, le racisme et le sectarisme, la solidarité

    L’attaque terroriste de Vienne exige une réponse déterminée du mouvement ouvrier. Un premier pas significatif serait que la gauche, les antifascistes et les syndicats organisent un rassemblement contre le terrorisme, le racisme, le sectarisme et leurs causes pour envoyer un signal fort d’unité de la classe ouvrière, sans distinction d’origine nationale, de race ou de religion.

    Déclaration du comité exécutif du Sozialistische LinksPartei, section autrichienne d’Alternative Socialiste Internationale (ASI)

    Le choc de l’attaque terroriste de lundi soir dans le centre de Vienne est encore ancré en nous tous. Nos pensées vont aux victimes de ce cruel attentat. Même si l’on ne sait pas encore grand-chose de l’attentat, il est déjà clair que le ou les assassins ont utilisé ces attaques brutales pour tuer des personnes qui voulaient profiter de leur dernière soirée avant le confinement, ainsi que des employés de la restauration et des passants. L’objectif était d’attiser la peur, de diviser et d’intimider.

    Les infirmières, les ambulanciers, les travailleurs sociaux et autres sont tous touchés, des travailleurs qui, en plus du fardeau énorme de la crise du Corona, travaillent maintenant à plein régime pour prendre soin des victimes et de leurs familles. Un représentant du personnel des services médicaux d’urgence de Vienne a déclaré dans la nuit à la station de radiodiffusion Zeit im Bild (ZIB,) : « J’appelle tous mes collègues à se présenter au travail et à se rendre sur leur lieu de travail. J’ai été politiquement inspiré par l’ancien maire Zilk, qui a déclaré : « Je garantis à chaque Viennois une ambulance et un lit d’hôpital ». Maintenant, nous avons le COVID-19 et même cette attaque terroriste en plus, et cette ville a grandi, mais pas le nombre d’ambulances ».

    Le mouvement ouvrier doit maintenant trouver une réponse à cette attaque et aux groupes réactionnaires du fondamentalisme islamique de droite, au danger de l’arsenalisation du racisme par la classe dirigeante et la droite ainsi que fournir un programme contre le terrorisme, le racisme et la division.

    Le danger des forces d’extrême droite et du fondamentalisme islamique

    Il n’est pas encore clair si la principale cible de l’attaque était la synagogue et si le principal motif était l’antisémitisme. Mais nous savons déjà qu’au moins l’un des attaquants était un adepte de « l’État islamique ». Les attentats terroristes de ces dernières semaines en France nous ont montré le danger que l’intégrisme islamique de droite représente pour la classe ouvrière. La haine et la violence qui émanent de ces forces touchent toujours en premier lieu les travailleurs ordinaires et les jeunes qui sont la cible la plus fréquente de ces attentats. C’est aussi parce que les riches et les puissants vivent et profitent de leur temps libre séparés de la population normale.

    En Autriche aussi, des forces réactionnaires ont tenté de passer à l’offensive ces derniers mois. Cet été, lorsque les Loups gris fascistes ont attaqué des activistes de gauche et des syndicalistes kurdes et turcs dans un centre de gauche du 10e arrondissement de Vienne, la Ernst-Kirchweger-Haus (EKH), c’est la gauche et les antifascistes qui ont mené la lutte contre l’attaque. Parralèllement, le parti politique conservateur ÖVP, qui a montré sa sympathie à la suite des événements d’hier, a exigé la fermeture de l’EKH.

    Aujourd’hui encore, seul le mouvement ouvrier peut trouver une réponse efficace à ces attaques à l’échelle internationale. La classe dirigeante peut faire de grands discours et manifester une inquiétude peu sincère, mais en réalité, ce sont leurs gouvernements qui, par leurs politiques, sont en partie responsables de ces attaques. Afin de soi-disant « défendre nos valeurs », la classe dirigeante a déjà restreint précisément ces « valeurs », telles que les droits démocratiques fondamentaux, après le 11 septembre. Il est à craindre que le gouvernement du chancelier Sebastian Kurz, du parti conservateur ÖVP, ait des projets similaires. Comme le montrent les mesures de « lutte contre le terrorisme » en France et dans d’autres pays, le danger émanant des fondamentalistes islamiques de droite ne diminuera pas avec plus de répression et de surveillance. Au contraire, la “guerre contre le terrorisme” menée par les États-Unis, l’état d’urgence en France et l’augmentation des incitations racistes à l’encontre des migrants et des réfugiés n’ont fait qu’aggraver la situation car ils ont contribué à la division de la société. Quiconque veut lutter contre la terreur doit s’attaquer à ses causes profondes.

    L’hypocrisie du gouvernement Kurz et des partis politiques au pouvoir

    Les paroles du chancelier Kurz, du ministre de l’intérieur Nehammer et Cie après cette attaque ressemblent déjà en partie à la rhétorique du gouvernement français, qui a parlé ces derniers jours de “guerre contre l’Islam”. Kurz, en tant que l’un des principaux hommes politiques de la droite populiste de la bourgeoisie en Europe, est en partie responsable de l’exclusion croissante des catégories de migrants et de musulmans de la population en Autriche et en Europe par ses incitations et sa politique racistes.

    Les politiques du gouvernement Kurz ont déjà coûté des milliers de vies en Méditerranée, dans les zones de guerre, dans les centres de détention pour déportation et dans les hôpitaux pendant la Corona. Le racisme, l’exclusion et la haine font toujours le jeu des forces réactionnaires comme l’ISIS. Lors des récentes élections locales à Vienne, le parti conservateur ÖVP, le parti d’extrême droite FPÖ et d’autres partis ont de nouveau fait délibérément campagne pour plus d’expulsions, d’isolement et d’exclusion en alimentant le racisme. En même temps, le gouvernement fédéral coopère avec des régimes réactionnaires comme celui de la Turquie ou de l’Arabie Saoudite et exporte des armes utilisées dans les guerres sanglantes du Moyen-Orient. Et ce gouvernement veut maintenant être considéré comme le défenseur d’une “société libre” contre le fondamentalisme islmaique réactionnaire ? Cette hypocrisie doit être dénoncée !

    Ce qui est particulièrement répugnant, c’est que Kurz & Co sont prêts à tout pour utiliser l’attaque à leurs propres fins. La classe dirigeante autrichienne veut détourner l’attention de sa politique de racisme et d’austérité, particulièrement visible lors de la crise sanitaire, et parle d’« unité nationale » contre l’ « ennemi extérieur ». Nous avons vu ce discours d’« unité nationale » récemment au début de la crise sanitaire. On nous dit que nous sommes tous dans le même bateau, mais notre expérience quotidienne montre combien cela est erroné.

    En ce moment, le mouvement ouvrier et les syndicats ne doivent pas céder à cette pression. Ils doivent critiquer les mesures du gouvernement fédéral : le manque de lits d’hôpitaux, le manque de compensation des coûts de la crise pour la classe ouvrière et les réactions répressives à venir en réponse à cette attaque terroriste. La référence du représentant du personnel des services médicaux d’urgence de Vienne au manque de ressources était non seulement compréhensible, mais aussi nécessaire. Le syndicat ne doit pas accepter que de telles critiques aient été omises dans les rapports ultérieurs.

    Nous devons nous préparer aux tentatives de renfort de la répression et la surveillance de l’État sous le prétexte de la “sécurité intérieure”. Les politiciens qui remercient aujourd’hui les infirmières, les ambulanciers et les autres services d’urgence sont également responsables des conditions de travail désastreuses de ces travailleurs, telles que l’insuffisance des équipements et le manque de financement. Les mêmes personnes qui vont maintenant réclamer et allouer plus d’argent à la police n’ont pas fourni de fonds supplémentaires pour le service de santé au cours des derniers mois et sont donc également responsables de l’augmentation des décès dus au coronavirus.

    Les causes du terrorisme

    Ce sont les guerres, les exportations d’armes et l’agitation des gouvernements européens et américains qui ont fait que le fondamentalisme islamique de droite s’est répandu dans un premier lieu. Les populations qui fuient l’Irak, la Syrie et d’autres pays fuient la terreur et les régimes terroristes qui ont vu le jour aux guerres. Quels que soient les auteurs de ces actes, il est essentiel de quitter le terrain sous la terreur.

    Depuis des années, des groupes tels que Daesh comptent sur la discrimination systématique des migrants et des musulmans en Europe. Le journaliste Karim El-Gawhary l’a clairement indiqué dans un post sur Facebook : « Dans un manifeste publié en 2015 dans le magazine en ligne Dabiq de Daesh, on décrit une dynamique que les islamistes militants veulent exploiter à leurs propres fins. L’idée était relativement simple. Avec chaque attaque islamiste en Europe et en Occident, l’atmosphère anti-islamique grandit. Il en résulte une polarisation et, comme on l’appelait à l’époque, « l’élimination de la zone grise », à mesure que la coexistence entre musulmans et non-musulmans se redéfinit. Avec l’exclusion des musulmans en Occident, il serait plus facile de les pousser dans les bras des militants islamistes et de leur idéologie et ils seraient faciles à recruter. »

    Si le racisme en Autriche augmente suite aux attentats et est délibérément attisé par des aspects de la politique actuelle, alors les auteurs auront atteint leur but. Ils savent très bien que ces attaques sont armées de racisme et que cela joue en leur faveur. La montée du racisme, mais aussi les problèmes sociaux croissants dus à la crise mondiale du système capitaliste font que des forces réactionnaires de différentes sortes peuvent se présenter comme des sauveurs et ainsi recruter pour leurs idéologies. La pauvreté, le chômage, les difficultés sociales et le manque de perspectives ont conduit à une radicalisation de la droite en Autriche, en particulier au sein d’une génération qui est complètement isolée et exclue. Le fondamentalisme islamique est une face de la médaille, l’extrémisme de droite autrichien en est l’autre.

    Il est évident que la grande majorité des musulmans n’ont pas plus à voir avec le terrorisme que la grande majorité des chrétiens ont à voir avec les auteurs des actes à Christchurch (une série d’attaques terroristes d’extrême droite commise le 15 mars 2019 par Brenton Tarrant contre deux mosquées de la ville de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, et qui ont fait 51 morts et 49 blessés). Mais cela en dit long sur le climat raciste qui règne lorsque de nombreux musulmans se sentent obligés de prendre explicitement leurs distances par rapport à de tels actes, ce qui n’est pas souvent le cas des adeptes d’autres religions au nom desquels des actes terroristes sont commis. Le terrorisme d’extrême droite, qu’il soit fasciste ou fondamentaliste islamique, doit être combattu par le mouvement ouvrier. C’est pourquoi une alternative de gauche est nécessaire pour canaliser la colère contre ce système, afin que ces forces réactionnaires n’aient plus de base pour répandre ler haine.

    Ce qu’il faut maintenant, c’est un programme efficace contre le terrorisme, la haine, l’agitation et le racisme : plus d’argent pour le bien-être social, l’emploi, des salaires plus élevés, l’éducation et la santé ; une lutte contre toutes les formes de racisme, de sexisme et de discrimination ; la fin des politiques de guerre et des exportations d’armes des impérialismes européen et américain ; et une offensive de gauche et syndicale pour l’unité de la classe ouvrière.

    Il faut plus d’argent pour les centres de jeunesse et autres établissements de soins similaires, car ils peuvent être des lieux qui brisent l’isolement social des jeunes, en particulier pendant la crise de la Corona. Des milliards sont nécessaires pour investir dans les écoles et les établissements d’enseignement, pour augmenter le personnel, les enseignants et les travailleurs sociaux. Il est urgent d’étendre et de financer entièrement les services d’urgence et le secteur de la santé, et d’augmenter le personnel. Il est inacceptable que ces services soient déjà sollicités au maximum en « temps normal », mais ils ont besoin de ressources suffisantes pour pouvoir garantir des soins sans problème dans les situations de crise. Cesser d’exporter des armes et de coopérer avec les partisans de la terreur fondamentaliste en Turquie, en Arabie Saoudite, etc. Cesser toute coopération militaire avec l’OTAN et avec les autres pays belligérants. Nous avons besoin d’une économie et d’une société qui offre, surtout aux jeunes, un avenir qui vaut véritablement la peine d’être vécu.

    Construire la solidarité

    C’est précisément en ces heures que l’on peut ressentir l’immense solidarité de la classe ouvrière : les deux jeunes hommes qui, au risque de leur propre vie, ont sauvé deux blessés et dont les médias bourgeois ont à peine parlé, peut-être parce qu’ils sont musulmans, les innombrables personnes qui ont offert leur maison comme refuge, les travailleurs des services d’urgence et les bénévoles qui étaient dans un délai très court, et bien d’autres exemples encore.

    Nous avons assisté à des manifestations de solidarité similaires après les attentats terroristes d’extrême droite en Allemagne, aux États-Unis et ailleurs. Par leur engagement, leur sympathie et leur solidarité, les gens ont montré que leur capacité à s’unir doit et est peut être plus forte que la terreur et la haine. Cela doit être notre base. Au lieu d’un deuil national dans le but d’une “solidarité nationale” dans l’intérêt de la classe dirigeante, nous avons besoin d’une réaction décisive du mouvement ouvrier et des syndicats.

    Ce serait un premier pas significatif si la gauche, les antifascistes et les syndicats appelaient à un rassemblement contre le terrorisme, le racisme et le sectarisme et leurs causes. De même, les syndicats pourraient organiser de courtes actions de grève afin d’envoyer un signal fort en faveur de l’unité de la classe ouvrière, indépendamment de l’origine nationale, de la couleur de peau ou de la religion. Un plan d’action syndical permettrait de dénoncer les véritables auteurs et les causes de ces atrocités.

    Le capitalisme traverse sa crise la plus profonde dans le monde entier qui coûte chaque jour des vies. Cette année nous a brutalement montré à tous le vrai visage de ce système putride. Ce système n’a pas d’avenir : il produit des pandémies, de la terreur, de la guerre, de la haine et de la misère. Cette barbarie capitaliste doit être combattue au niveau international avec détermination par nous, la classe ouvrière, et dans la perspective d’une alternative socialiste.

  • Pologne : quelle stratégie pour le droit à l’avortement et renverser le gouvernement ?

    “Il est temps de faire la révolution”

    Malgré les menaces de répression, plus de 100.000 personnes ont pris part à une gigantesque manifestation pour le droit à l’avortement à Varsovie ce vendredi 30 octobre. Dans une incroyable atmosphère de carnaval, les slogans pour les droits reproductifs se mêlaient à ceux pour le renversement du gouvernement. Longtemps après la fin de la manifestation, les slogans se faisaient encore entendre dans les transports. La ville entière était à nous!

    Par des membres d’Alternatywa Socjalistyczna, section polonaise d’Alternative Socialiste Internationale

    Face à ce mouvement massif, le parti dirigeant PiS est désemparé. Des divisions commencent à apparaître en son sein sur la façon de répondre a cette opposition massive. Ainsi, le 27 octobre, dans une allocution télévisée qui n’est pas sans rappeler la déclaration de la loi martiale par Jaruzelski en 1981, Kaczynski (vice-premier ministre) a appelé à défendre les églises contre les manifestants – c’est à dire à rejoindre les bandes fascistes qui s’étaient donné cette mission. Il a été rappelé que, sous le prétexte de la situation sanitaire, toute personne qui appelle à un rassemblement de plus de 5 personnes risque 8 ans de prison. Mais le 30 octobre, le président Duda annonçait déjà que l’avortement resterait possible dans le cas d’un foetus non-viable.

    Les menaces de répression n’ont pas réussi à intimider les manifestants, et les bandes fascistes qui ont tenté d’attaquer la manifestation varsovienne ont été insignifiantes face à cette déferlante. Et la proposition de Duda est risible comparée aux attentes du mouvement : l’avortement libre et gratuit, d’en finir avec ce gouvernement réactionnaire et qui a perdu de son autorité de par sa mauvaise gestion de la crise COVID, et la fin du pouvoir politique de l’Eglise.

    La tentative par Kaczynski de jouer les gros bras l’a fait paraître encore plus faible et plus ridicule qu’avant. L’aura qu’il avait, celle d’un homme dur, maître tacticien et fin stratège, a volé en éclat. Loin d’intimider le mouvement, il l’a rendu plus fort et plus confiant – les manifestants l’ont défié et il s’est révélé impuissant.

    En plus d’être dans l’impasse, le PiS perd de sa base sociale. Des manifestations ont eu lieu dans des bastions électoraux du PiS, petites villes de provinces et quartiers ouvriers où il n’y avait pas eu de manifestations depuis 30 ans. Des électeurs du PiS, qui ont voté pour lui pour ses promesses sociales, rejoignent le mouvement. Même une partie des hooligans, vivier d’extrême droite, se prononce en faveur des droits des femmes (avec une position ambiguë qui consiste à se déclarer en défense des femmes mais contre les “gauchistes”, mais cela montre tout de même un tournant).

    Quelle suite pour le mouvement?

    A l’heure où nous écrivons, il n’y a pas encore d’appel à une nouvelle grève des femmes comme le 28 octobre où à d’autres manifestations nationales comme le 30. OSK, la direction de facto du mouvement, appelle à organiser des blocages au niveau local. OSK a également fondé un “comité consultatif” avec différentes personnalités politiques. Cette initiative est très critiquée au sein du mouvement car la composition de ce comité n’a pas été élue mais nommée par en-haut.

    Comme nous le disions dans notre article du 27 octobre, Alternatywa Socjalistyczna et ROSA Polska appellent à la constitution de comités de grève démocratique au niveau local, qui pourraient ensuite se coordonner au niveau national et élire une direction du mouvement issu de celui-ci.

    Un risque qui existe avec une direction auto-proclamée est que celle-ci – n’ayant pas à répondre à la base – soit très sensible aux pressions externes. Elle pourrait accepter des compromis bien en dessous des aspirations des masses et de ce qu’il est possible de gagner. Le PiS pourra se servir de cela et entamer des négociations avec cette direction, ce qui lui permettrait de limiter les dégâts pour lui-même.

    Pour empêcher cela, il faut non seulement une direction qui représente réellement le mouvement, mais aussi une stratégie pour ne pas laisser le potentiel se perdre. Une grève générale, en augmentant encore le nombre qui peut se joindre aux manifestations et surtout en utilisant le levier du blocage de l’économie, serait certainement un tournant décisif pour gagner.

    Malheureusement, les directions des principaux syndicats ont signé un appel au calme le jour même de la grande manifestation varsovienne, ensemble avec les patrons, au prétexte de la crise COVID. Cela ne représente pas du tout l’état d’esprit de la base de ces syndicats. Les discussions sur nos lieux de travail et avec d’autres syndicalistes montrent un large soutien de la classe ouvrière au mouvement. Il y a d’ailleurs eu des actions sur les lieux de travail, comme dans les hôpitaux ou les transports, et des déclarations de soutien de la part de syndicats de postiers, chauffeurs de taxis, mineurs… Le syndicat Août 80 a quant à lui annoncé qu’ils apporteraient un soutien à toute personne poursuivie en justice pour sa participation au mouvement, une très bonne initiative. Nous continuons à construire la pression par la base pour l’appel à une grève générale et appelons tous ceux qui nous entourent à le faire.

    La popularité des slogans pour renverser le gouvernement pose une question cruciale : par quoi remplacer celui-ci? La place vacante pourrait être rapidement saisie par des politiciens de l’establishment opportunistes. Pour se maintenir au pouvoir, ils répondraient à une partie des attentes du mouvement concernant les droits reproductifs, tout en ménageant les capitalistes et la force politique que représente l’église – c’est à dire probablement avec un nouveau compromis, et sans rendre l’avortement et la contraception gratuites donc accessible à toutes.

    Alternatywa Socjalistyczna et ROSA Polska défendent que le renversement du PiS ne pourra pas garantir une victoire complète et sur le long terme sans le renversement du système que le PiS protège. Nous défendons dans ce mouvement que le capitalisme est à renverser pour le remplacer par un système socialiste qui réponde aux besoins de tous et pose les bases matérielles et sociales pour assurer les pleins droits reproductifs et démocratiques.

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