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  • Les Etudiants de Gauche Actifs soutiennent l’initiative de construction d’un Nouveau Parti des Travailleurs

    Deux grèves générales et une manifestation massive à Bruxelles contre le Pacte des Générations n’ont reçu aucune réponse des politiciens qui n’ont pas rejeté les plans anti-sociaux. Au contraire, il n’y avait au sein du parlement aucune résistance contre ce pacte. Libéraux et « Socialistes » étaient pour ; le Vlaams Belang, le CD&V et le CDH se sont abstenus, parce que les mesures n’allaient pas assez loin pour eux ! Seuls quatre représentants d’Ecolo ont voté contre. C’est cela la « démocratie représentative »!

    Jarmo Van Regemorter

    Le besoin d’un relais politique massif de la lutte du mouvement ouvrier contre le néo-libéralisme est de plus en plus clair. La construction d’un Nouveau Parti de Travailleurs fonctionnant de manière démocratique, contrôlé par la base et défendant résolument les intérêts des travailleurs, des chômeurs, des jeunes, etc. serait un outil essentiel. C’est pourquoi EGA voit un tel intérêt dans l’initiative de Jef Sleeckx, ancien parlementaire du SP.a. Il cherche à construire une alternative à gauche du SP.a et du PS, ouvert aux membres de la CSC et de la FGTB, aux Belges, aux immigrés, aux « jeunes » et aux « vieux ». En ce moment, différents meetings sont organisés (à Gand, Bruxelles, Courtrai, Leuven). On peut y voir un grand potentiel.

    Pour de plus en plus de personnes, il est clair que le SP.a et le PS sont des partis qui défendent les intérêts des patrons et non ceux de la population. Beaucoup de travailleurs, de chômeurs, de jeunes se détournent de ces partis et cherchent une alternative.

    Un expression claire de ce processus était le congrès du SP.a le 20 octobre – qui avait comme thème principal l’élection de Johan Vande Lanotte – où 300 militants de ABVV-metaal et ABVV-Limburg ont manifesté et distribué des autocollants avec le slogan “SP.a. U laat ons in de steek. Wij keren u de rug toe” (« SP.a vous nous laissez dans la merde. Nous vous tournons le dos »). Pour action symbolique, ils ont d’ailleurs réellement tourné le dos aux participants du congrès !

    Le SPa a perdu d’autant plus sa crédibilité depuis que Freya Van Den Bossche a fait appel à son imagination créative pour équilibrer le budget. Les 100 millions soi-disant « offerts » par le secteur pétrolier (dont les profits du premier semestre 2005 étaient 30% supérieurs à ceux obtenus en 2004) doivent maintenant être remboursés par l’argent public : en fait, celui de notre poche ! C’est un exemple basique qui démontre comment la social-démocratie fait passer un principe libéral pour un principe social. L’opposition ne fait que discuter de la manière dont va être réalisé le remboursement, mais en aucun cas ne le remet en cause.

    Le PS a perdu lui aussi beaucoup de sa crédibilité, pas seulement par son soutien au pacte des générations, mais aussi par l’atmosphère de scandales dans lesquels était impliqué le parti. Après l’affaire de la Caroloringienne, dans laquelle beaucoup de personnalités du PS ont pillé les logements sociaux pour leurs intérêts personnels, le PS est descendu dans les sondages de 38 à 26%.

    Pour contrer la politique bourgeoise de la social-démocratie ( et la politique néo-libérale en général), il faut un nouveau parti de masse des travailleurs, honnête, combatif, dans lequel tous ceux qui défendent les droits de la classe ouvrière puissent s’investir. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons également contrer la croissance de l’extrême-droite qui se nourrit du mécontentement social et du manque d’alternative. Soutiens notre campagne, signe la pétition on-line (www.partidestravailleurs.be), et rejoins-nous !!

  • Intelligent Design… le créationnisme sera-t-il la science de demain ?

    L’année précédente, le créationnisme et l’« Intelligent Design » sont apparus plusieurs fois dans l’actualité. L’« Intelligent Design » est une version subtile du créationnisme (le créationnisme est une théorie selon laquelle le monde et l’homme ont été créés par Dieu) : la tentative de rester en accord avec un certain nombre de « connaissances » scientifiques difficiles à nier, telles que les estimations de l’âge du monde et de l’espèce humaine, tout en se distanciant des théories scientifiques qui tentent de donner une vue sur l’évolution du monde et des vivants, comme par exemple la théorie de l’évolution de Darwin qu’elle juge insuffisante.

    Simon Van Haeren

    Pour expliquer l’existence de la vie, elle va utiliser l’image d’un « dessin » (la vie), qui ne peut être fait que par un « dessinateur » (un Dieu). En Amérique, des représentants républicains tentent de faire reconnaître l’Intelligent Design comme une théorie « scientifique » et de l’introduire dans l’enseignement – par conséquent, de jouer avec la séparation entre l’Eglise et l’Etat. Bush se disait également en faveur d’une telle position. Et plus près de nous, en Hollande, la ministre de l’enseignement ( ! ) Marie van der Hoeve a fait une proposition allant dans ce sens.

    L’Intelligent Design, en tant que théorie, doit être réfutée par le matérialisme en tant que philosophie – la seule philosophie qui intègre l’idée que le monde et la vie peuvent être expliqués à partir du monde lui-même, en commençant par la nature, ce qui est la base théorique de tout exercice scientifique. L’Intelligent Design se présente comme une nouvelle forme d’idéalisme philosophique, quand il prône que l’évolution de l’espèce et de la nature peuvent seulement être expliquées par un « plan », un « dessin » surnaturel et surhumain.

    S’ils parvenaient à faire reconnaître l’« Intelligent Design » comme une théorie scientifique, on pourrait, selon la même logique, utiliser des arguments théologiques en sociologie – arguments soi-disant aussi valables que d’autres arguments basés sur une analyse concrète de la société. Cela n’étonnera personne si nous ajoutons que de telles positions philosophiques, mises en avant par des politiciens bourgeois, se basent rarement sur des fondements rationnels. C’est au contraire un signe de l’incapacité et de l’affaiblissement du système, qui incitent une partie de l’élite politique capitaliste à quitter ses théories libérales traditionnelles au profit des idées religieuses. Les clichés comme « la concurrence capitaliste amène la prospérité pour tous », comme « tout le monde démarre avec les mêmes chances » ou encore comme « la loi du plus fort est toujours la meilleure» ont perdu leur crédit. C’est pourquoi quelques politiciens se tournent vers la religion pour maintenir leur autorité, tout comme ils se tournent aussi vers le nationalisme ou le racisme. Il est d’ailleurs révélateur de voir George Bush – président d’une république séculière et défenseur de l’« Intelligent Design » – sans cesse se référer à Dieu pour vendre sa politique de guerre !

    Le mouvement ouvrier ne doit pas se laisser manipuler : au contraire de la bourgeoisie parasitaire, les travailleurs n’ont aucun intérêt à croire en un Dieu qui se tiendrait toujours au côté du président américain, et n’ont guère plus d’intérêt à entrer dans des jeux sectaires qui divisent la classe ouvrière sur base de différences religieuses. L’analyse scientifique du capitalisme, telle que celle de Marx et d’Engels – et confirmée chaque jour par les luttes sociales – montre, au contraire, que le mouvement ouvrier est uni, par delà les frontières nationales, par ses intérêts de classe contre les capitalistes et leurs politiciens. En aucune façon, cette union concrète ne devrait être mystifiée par des images religieuses.

  • Attaque d’ampleur contre l’enseignement supérieur flamand. Un avant-goût de l’avenir de l’enseignement francophone

    Attaque d’ampleur contre l’enseignement supérieur flamand.

    Le «plan Vandenbroucke», du nom du ministre «socialiste» de l’enseignement flamand, vient d’être dévoilé. Ce nouveau décret qui doit régler le financement de l’enseignement supérieur néerlandophone à partir de 2007 est clairement néo-libéral et veut rogner les moyens de fonctionnement de la plupart des instituts d’enseignement de façon drastique.

    Tim Joosen

    Les universités et les hautes écoles devront faire des millions d’euros d’économies

    Même si l’enseignement est géré de manière séparée dans les communautés flamande et française, les mauvais coups qui se préparent d’un côté annoncent toujours des mesures semblables de l’autre par la suite. Comprendre ce que signifie le plan Vandenbroucke et développer la solidarité avec les étudiants et les enseignants flamands est donc primordial.

    La grande majorité des universités et des écoles supérieures devraient supporter de fortes réductions. En fait, seule l’Université Catholique de Leuven (KUL) en sortirait gagnante en voyant sa dotation passer de 17 à 22 millions d’euros. Les grandes victimes seraient surtout les universités plus petites et les hautes écoles: l’Université d’Anvers (UA) perdrait 8 à 10 millions d’euros et l’Université Flamande de Bruxelles (VUB) de 9 à 11 millions tandis que la Haute Ecole de Gand devrait se débrouiller avec 3 à 5 millions en moins chaque année.

    Il est évident que ceci va dans le sens des réformes de Bologne qui prévoient l’existence d’un marché international de l’enseignement en 2012 dans lequel les institutions se concurrenceront sans merci afin d’attirer moyens financiers et étudiants.

    Vandenbroucke fait clairement le choix de ne conserver qu’une grande université d’élite en Flandre, l’Université Catholique de Leuven, destinée à affronter la concurrence à un niveau international. A côté d’elle ne subsisterait qu’un réseau d’universités et de Hautes Ecoles de moindre valeur… et sous-financées.

    L’enseignement n’est plus un service mais un marché

    Avec ce décret, l’enseignement doit être soumis au marché libre et ne peut plus être considéré comme un service à la population.

    Cette orientation se manifeste à travers la nouvelle clé de répartition que VDB veut instaurer. Jusqu’à présent, les pouvoirs publics octroient de l’argent aux institutions en fonction du nombre d’étudiants inscrits. Ces subsides étant fixés à long terme, la concurrence est donc sans objet.

    Dans l’avenir tracé par Vandenbroucke, les moyens financiers des universités et des hautes écoles seraient désormais calculés en fonction du nombre d’étudiants qui auraient réussi, du nombre de doctorats,… Les moyens de fonctionnement seraient chaque année redistribués entre les différentes institutions selon leurs résultats. Et cela dans le cadre d’un système où les universités et les hautes écoles, devraient, à l’instar des entreprises, entrer en concurrence les unes avec les autres pour attirer des moyens complémentaires.

    La quantité avant la qualité

    Les formations et les institutions plus modestes seraient sanctionnées sur le plan financier au détriment de celles qui comptent un grand nombre d’étudiants. Pourtant les rapports de commissions de visite, qui contrôlent actuellement la qualité dans l’enseignement supérieur, démontrent que des instituts plus petits, davantage centrés sur les étudiants, obtiennent de meilleurs résultats que des institutions plus importantes. Apparemment, la qualité de l’enseignement se situe bien loin dans les priorités de VDB.

    Au nom de la «libre concurrence», c’est la position de monopole de l’Université de Leuven qu’on est en train de développer. Les écoles ne pourraient espérer compenser ces mesures grâce à la présence d’étudiants boursiers. Certes, ceux-ci ramènent plus de subsides aux écoles que d’autres étudiants, mais aucun moyen financier n’est prévu pour proposer des kots bon marché, des repas de qualité et des équipements sociaux pour attirer ces étudiants boursiers.

    Protestations contre le décret de financement

    La publication du décret de financement a provoqué de vigoureuses réactions dans l’enseignement supérieur et la plupart des directions des hautes écoles et des universités ont déjà protesté auprès du ministre. Même au sein de l’université de Louvain, la majorité du personnel académique n’est pas favorable à ce modèle d’enseignement néolibéral. Sous la pression des protestations des autorités académiques, VDB a d’ailleurs déjà dû postposer son plan d’un an, jusqu’en 2008.

    Diviser pour mieux régner

    Les économies qui sont proposées aujourd’hui cadrent exactement avec le modèle d’enseignement supérieur que la bourgeoisie veut promouvoir. Actuellement, il y a un surplus de personnes hautement diplômées en Europe Occidentale et les patrons ne veulent plus payer ces diplômes qui coûtent cher. De plus, l’énorme secteur de l’enseignement doit être intégré au modèle du marché, de sorte que les grandes multinationales aient aussi leur mot à dire sur l’enseignement et la recherche scientifique.

    Vandenbroucke tente de diviser les différentes universités et hautes écoles afin de gagner la bataille, en utilisant la tactique de «diviser pour mieux régner». Il est conscient que cela fait des années que le mouvement étudiant est paralysé en Flandres et que de larges secteurs des syndicats d’enseignants ont une attitude passive. Mais il n’y a qu’une chose qu’il perd de vue: la bataille doit encore être livrée…

    Comment se lancer dans la bataille ?

    Ce qui importe à présent, c’est de mener la lutte le plus efficacement possible. Nous ne pouvons résister à l’arrogance de VDB que par un mouvement massif du personnel et des étudiants.

    Pour cela, nous n’avons pas grand chose à attendre de la part des bureaucrates de la Fédération des Etudiants Flamands (VVS) et des directions syndicales. Nos militants dans les universités et l’enseignement supérieur et notre organisation étudiante ALS (Actief Linkse Studenten, l’équivalent flamand d’Etudiants de Gauche Actifs) travailleront à construire un rapport de forces à la base pour se lancer à l’attaque des plans de VDB.

    Quelle alternative?

    > Plus d’argent pour l’enseignement supérieur !

    Les revendications que nous devons mettre en avant peuvent se résumer à un mot d’ordre: nous voulons plus d’argent pour l’enseignement supérieur! Nous ne pouvons que soutenir la revendication de l’ACOD ( la CGSP flamande) d’augmenter les dépenses pour l’enseignement afin de ramener celles-ci au niveau qu’elles atteignaient en 1980, c’est-à-dire 7 % du Produit Intérieur Brut.

    Il ne faut pas entamer des discussions sur la répartition de l’argent, mais discuter au contraire de la nécessité d’un refinancement global de l’enseignement pour en améliorer la qualité. En outre, nous voulons un refinancement public et pas d’une ingérence des grandes entreprises dans l’enseignement et la recherche scientifique: cela signifierait offrir la recherche scientifique presque gratuitement au patronat, en plus de tous les autres cadeaux (réductions de charges patronales) que celui-cil a déjà reçu. Il n’en est pas question!

    Avec cet argent supplémentaire, on pourrait réduire la pression au travail qui a terriblement augmenté ces dernières années dans l’enseignement. Une amélioration des conditions de travail pourrait permettre au personnel enseignant de se consacrer davantage au suivi des étudiants et au personnel administratif et technique de collaborer plus efficacement au développement de l’enseignement.

    > Un salaire d’études plutôt que des droits d’inscription faramineux

    Il faut introduire un salaire étudiant qui doit permettre à chacun de suivre un enseignement supérieur, de plus en plus difficilement accessible.

    Les réformes actuelles vont renforcer cette tendance, entre autres avec la proposition de ne plus financer les diplômes de 3e cycle, ce qui obligerait les étudiants à payer tous les coûts de ces études, avec des minervals s’élevant à plusieurs milliers d’euros par an.

    > Une recherche scientifique indépendante

    Il faut mettre un terme aux ingérences croissantes des entreprises dans les recherches scientifiques universitaires. Actuellement, beaucoup d’instituts effectuent des pré-recherches à bon marché pour des multinationales.

    Un meilleur financement public permettrait aux chercheurs de travailler de façon indépendante et d’entamer des débats sur les priorités à mettre en avant pour la société en matière de recherche scientifique.

    > Organiser la lutte

    Nous appelons tous les étudiants et membres du personnel dans l’enseignement supérieur à se mobiliser avec nous contre le plan de libéralisation de VDB.

    En organisant des comités dans toutes les universités et les écoles supérieures, les étudiants et le personnel peuvent créer une dynamique pour lancer la lutte.

    Ces comités permettraient à la fois de mener la discussion sur la stratégie et le programme à mettre en avant et de mobiliser à la base pour des actions.

    Ensemble, nous pouvons couler le plan VDB!

  • Anvers: rafle contre des sans-papiers

    Les déclarations récentes du ministre de l’Intérieur Dewael (VLD) laissent présager une politique d’asile encore plus répressive. Le gouvernement veut faire mieux qu’en 2005, année marquée par 12000 expulsions. Cela implique un renforcement des contrôles visant les sans-papiers. La ville d’Anvers donne le ton en adoptant de nouvelles mesures répressives.

    Laurent Grandgaignage

    Avec le plan “Ville Sûre” de la coalition ar-en-ciel anversoise (SP.A, VLD, CD&V & Groen!), le coup d’envoi a été donné l’an dernier avec la mise sur pied des contrôles à domicile d’illégaux. L’Office des Etrangers (OE), soutenu par la Police Fédérale, avait visité les locaux de la gare centrale d’Anvers. Toute personne au teint un tant soit peu “coloré” faisait systématiquement l’objet d’un contrôle d’identité.

    Fin novembre, un contrôle de De Lijn concernant le resquillage a été couplé à une intervention de l’OE et de la police. Là encore, des usagers des trams ont été soumis à des contrôles d’identité sur base de la couleur de leur peau qu’ils aient un titre de transport valide ou pas. Sur cette même Conincksplein, une véritable razzia a été organisée durant laquelle les voitures étaient arrêtées de manière très sélective. Les revendications du Vlaams Belang en faveur de rafles dans les quartiers étant maintenant satisfaites, verra-t-on bientôt un centre fermé dans un bateau sur les rives de l’Escaut comme le demande le VB?

    La politique prônée par les partis gouvernementaux et de l’opposition met la pression sur les victimes du système au lieu de s’attaquer aux vrais problèmes comme par exemple le taux élevé de chômage ou bien encore la crise du logement. Par cette approche ultrarépressive, le gouvernement tente de criminaliser l’existence de couches sociales paupérisées. A ces pratiques, nous devons répondre par la solidarité entre les différentes communautés et mener une lutte commune en faveur de meilleures conditions d’existence.

  • Démanteler activement la Sécurité sociale

    Les mensonges de “l’Etat social actif”

    L’Etat-Providence subit une pression accrue pour s’adapter aux exigences du marché. L’une des conséquences de l’offensive néolibérale de ces dernières décennies est la baisse de recettes de la Sécurité sociale par un transfert de charges des patrons sur les épaules des travailleurs. Le capital poursuit sa quête inlassable de profits, ce qui met du même coup les gouvernements sous pression pour satisfaire les exigences du patronat. La plupart des gouvernements oeuvrent à ce processus sans avoir quoi que ce soit à y redire. Jadis, on pouvait compter sur les pouvoirs publics pour se protéger des risques sociaux comme le chômage ou la maladie; aujourd’hui, on est de plus en plus seul face à ces maux.

    Karel Mortier

    Activation?

    La notion d’”activation” des chômeurs et des minimexés est devenue un véritable leitmotiv pour les politiciens de tous bords et les journalistes. Ce serait LA solution au chômage et au financement de la Sécurité sociale. Les objectifs de cette politique manquent pourtant parfois de clarté. Le fait que le Danemark et les Etats-Unis, qui divergent totalement quant à leur vision de l’Etat-Providence, placent l’”activation” au coeur de leur politique ne rend pas les choses plus claires.

    Problèmes individuels?

    Il est toutefois possible d’en dégager les traits essentiels qui consistent à considérer le travail rémunéré comme la meilleure forme de sécurité sociale et les allocations comme une partie du problème dans la mesure où elles auraient un impact négatif sur les chômeurs et les malades !

    Le chômage et la pauvreté sont de plus en plus souvent considérés comme des problèmes individuels. La simple évocation des problèmes structurels dans la société est devenue tabou. Les gens devraient prendre leur sort en main et cesser de toujours s’en remettre à l’Etat en cas de coup dur.

    Cette tendance nous vient des Etats-Unis et du Royaume-Uni où elle se double le plus souvent d’un aspect moral. Les mères célibataires ou divorcées sont de mauvaises mères qui feraient mieux de chercher un homme plutôt que de frapper à la porte des pouvoirs publics ! Si les gens font malgré tout appel à l’Etat, celui-ci est en droit de leur demander une contre-partie. Rendre les chômeurs responsables de leur sort est de la pure hypocrisie au vu du chômage de masse qui sévit actuellement. Les chômeurs ne sont pas responsables d’un système qui n’est pas capable de procurer du travail à tout le monde.

    Selon les libéraux de tout poil (y compris les sociaux-libéraux qui se disent socialistes !), les allocations coûteraient trop cher. Cet argent serait bien mieux utilisé par les patrons. De plus, les allocations seraient une fausse solution tout en étant inefficaces sur le plan économique parce que des allocations élevées dissuaderaient les chômeurs de travailler. Résultat: un fossé de plus en plus béant partout en Europe entre le montant des allocations de chômage et celui du salaire minimum. C’est la même évolution dans notre pays mais en un peu moins marqué parce que les gouvernements préfèrent s’en prendre graduellement aux allocations en les laissant stagner par rapport à l’évolution des salaires.

    Entretemps, on peut constater que ça ne fait pas baisser le chômage pour autant. La baisse du salaire brut de larges catégories de travailleurs comme les jeunes, les chômeurs de longue durée et les travailleurs âgés n’y arrive pas davantage. Les gouvernements continuent à distribuer des cadeaux au patronat qui font à peine frémir la courbe de l’emploi.

    Cadeaux pour le patronat

    Aux centaines de millions d’euros que le patronat a reçus en cadeau via le Pacte des Générations s’ajoute aussi 8 millions pour ce qu’on appelle l’accompagnement des chômeurs. Une part encore difficile à évaluer de cette somme ne manquera pas de disparaître dans les poches des actionnaires des sociétés qui se sont positionnées sur ce nouveau “marché”. On a révélé récemment que deux sociétés hollandaises avaient reçu 4 millions (2.450 euros par chômeur) pour aider les chômeurs à trouver un emploi. D’autres sociétés leur emboîteront sans doute bientôt le pas. Le marché n’est en effet pas près d’être saturé…

    Les travailleurs doivent aujourd’hui redoubler d’efforts pour avoir droit à des allocations de plus en plus maigres. Ils ont pourtant cotisé eux-mêmes dans le passé pour cette sécurité sociale. Dans le même temps, le patronat reçoit des cadeaux supplémentaires sans la moindre contre-partie.

    Dans un Etat Social Actif, il semble que les patrons soient les seuls à pouvoir compter sur une “solidarité inconditionnelle”, à sens unique il est vrai : le leur ! N’est-il dès lors pas étrange que les syndicats cautionnent – ou au moins laissent passer – les plans du gouvernement ?

    Il faut en finir avec cette politique qui consiste à partager le chômage au lieu du travail. Les seuls qui ont à y gagner sont les patrons qui accroissent leurs profits sur le dos de la Sécurité Sociale sans la moindre obligation de créer des emplois en retour.

    Plutôt que de se limiter à arrondir les angles les plus saillants de la politique néolibérale actuelle, les syndicats devraient oeuvrer de toute urgence à une alternative.

    On ne peut en effet gagner aucune guerre en reculant sans cesse, fût-ce en bon ordre.

  • Manifs massives contre les caricatures de Mahomet

    Ces dernières semaines, des manifestations contre la publication des dessins représentant Mahomet dans divers journaux européens ont montré l’énorme colère provoquée parmi les musulmans par « la guerre contre le terrorisme » de Bush et l’invasion de l’Irak. Beaucoup voient ces dessins comme les dernières provocations et actes agressifs d’une longue série: l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak, l’extension d’Israël dans de plus en plus de territoires palestiniens, etc. Dans les pays européens, un ressentiment se développe parmi des musulmans contre les politiques de plus en plus racistes des gouvernements occidentaux et l’augmentation perçue des sentiments anti-islamiques.

    Ces développements sont un avertissement des tensions et des divisions qui peuvent se développer en l’absence d’un mouvement ouvrier socialiste fort, offrant une alternative de classe.

    Dans un certain nombre de pays arabes, les manifestations ont pris un caractère anti-impérialiste. Bien qu’il s’avère dans un pays tel que la Syrie que le régime a utilisé les manifestations pour ses propres intérêts, afin de donner un avertissement à l’Occident et réaffirmer en même temps ses intérêts au Liban.

    Toutefois, le caractère de certaines de ces manifestations, venant après une série d’attaques terroristes sur les cibles civiles occidentales, a renforcé la tendance des divisions entre les musulmans et les non-musulmans dans plusieurs pays.

    Cette situation se développe alors qu’il y a déjà des pressions au niveau européen et des tensions produites par le transfert du travail et la migration forcée – résultant des effets de la mondialisation capitaliste et de l’offensive néo-libérale.

    Tous les opportunistes, que ce soient les religieux sectaires ou les racistes, veulent exploiter la situation. Les gouvernements des puissances occidentales utilisent cette situation pour renforcer leur politique sécuritaire et raciste, comme par exemple au Danemark ou en France, où les lois sur l’immigration se durcissent.

    Dans les pays arabes, les chefs religieux islamiques de droite ont saisi l’occasion de renforcer leur position d’« opposition » à l’impérialisme et également leur pouvoir sur la société.

    Le manque d’une opposition de classe se voit partout au Moyen-Orient. Les élections en Palestine en sont un exemple clair. Le vote massif pour le Hamas montre un ras-le-bol complet dans la population palestinienne face à la politique d’occupation israélienne, mais également face à l’énorme corruption qui s’est développée dans le Fatah.

    Le Hamas n’est absolument pas une réelle alternative à la politique menée aujourd’hui en Israël-Palestine. Mais sa victoire montre clairement l’incapacité de l’impérialisme à construire une stabilité dans la région et, plus généralement, la faillite du capitalisme à trouver une solution au conflit au Moyen-Orient.

    Ce qui est absent, est une voix socialiste puissante qui peut intervenir et empêcher l’exploitation de cette situation par les religieux sectaires ou les racistes. Mais, à moins que le mouvement ouvrier internationalement puisse offrir une alternative, la prochaine période de la crise pourrait voir des sociétés déchirées par des divisions impliquant des conflits religieux, ethniques et nationaux.

    C’est pourquoi nous luttons contre toute oppression basée sur la religion, la race, la nationalité, l’orientation sexuelle, et soutenons le droit des opprimés à se défendre. EGA, le MAS, et ses sections-sœurs à travers le monde, travaillent pour construire un mouvement uni des jeunes et travailleurs pour lutter contre l’oppression et le capitalisme, et commencer à créer une société socialiste.

  • Patronat et gouvernement veulent nous bouffer tout crus! D’abord nos pensions, ensuite nos salaries

    Patronat et gouvernement veulent nous bouffer tout crus!

    A peine le Pacte des Générations était-il voté que la Banque Nationale annonçait la nécessité d’un nouveau pacte. Cette fois, ce ne sont plus nos retraites qui sont visées mais nos salaires. La Banque Nationale prétend que les salaires horaires devraient augmenter de 5,1% au cours des exercices 2006 et 2007, tandis que la FEB évoque un handicap salarial de 10% par rapport aux pays voisins.

    Els Deschoemacker

    Cette hypothèse est totalement exclue par les syndicats.. “Ce handicap de 10% n’existe pas”, déclare Cortebeeck. Les chiffres de l’Institut Allemand pour l’Economie montrent que les coûts salariaux horaires dans l’industrie belge sont plus bas qu’en Allemagne. De plus, déclare la CSC, il faut encore voir dans quelle mesure ces prévisions salariales se réaliseront d’ici la fin de l’année.

    Mais quand bien même ce handicap existerait-il, quelles en sont les causes? L’augmentation du prix des produits pétroliers joue un rôle en la matière, mais aussi les sévères mesures de modération salariale que les travailleurs allemands, pour ne citer qu’eux, ont dû encaisser. La CSC estime que si nous entrons dans cette logique en Belgique, nous entrerons dans une spirale régressive dont les travailleurs seront les victimes. Au cours des dix dernières années, le pouvoir d’achat des travailleurs a déjà baissé de plus de 2%.

    Peut-on, dès lors, insinuer que les profits des entreprises sont en danger? LA FEB et d’autres organisations d’employeurs hurlent au loup. La compétitivité de nos entreprises serait mise à mal à cause du niveau de nos salaires. Mais de qui se moquet-on?

    En 2005, les profits des banques ont doublé par rapport à 1999! En 2004, les bénéfices des entreprises hors secteur financier étaient de 26 milliards d’euros. “Et cela fait 20 ans qu’on n’a plus enregistré une telle croissance d’une année sur l’autre des bénéfices nets des entreprises ”, déclare la Banque Nationale.

    La machine de propagande des patrons et du gouvernement n’a qu’un seul but: préparer l’opinion publique à une nouvelle attaque contre son niveau de vie, à l’instar de ce qui se passe dans toute l’Union Européenne et ailleurs dans le monde, et ce dans le seul but de maximiser davantage les profits.

    …. à moins que les travailleurs ne refusent

    Nous devons opposer à la réthorique du patronat nos propres arguments. Suite à la généralisation des politiques néolibérales, on compte, à l’heure actuelle, 15% de Belges vivant dans la pauvreté. La prise de position fin 2004 contre la norme salariale et le mouvement de grève générale contre les attaques sur les fins de carrière indiquent clairement qu’une volonté de résistance existe. Cela a conduit à adoucir le Pacte des Générations de sorte que les points de désaccord les plus criants ont été aménagés afin de calmer la colère des grévistes. Cependant, si la bataille n’est pas perdue, elle n’est pas gagnée pour autant.

    L’offensive renouvelée du patronat contre les salaires le prouve de façon évidente. Le gouvernement fait machine arrière par peur d’une nouvelle confrontation. Il est fort probable que la modération salariale soit repoussée au-delà des élections communales mais nous y serons confrontés à nouveau tôt ou tard.

    Cela doit nous conduire à préparer le combat à l’intérieur des organisations syndicales mais aussi à la base en contrant les arguments du patronat de façon radicale.

    Enfin, il nous incombera également de mettre sur pied un nouveau parti politique qui défendra les intérêts des travailleurs.

  • Un nouveau stade du capitalisme mondial et du mouvement international des travailleurs

    Conférence internationale du CIO

    Une réunion du Comité Exécutif International du Comité pour une Internationale Ouvrière s’est tenue en Belgique du 6 au 11 décembre 2005. 65 membres venant des sections du CIO en Asie, en Amérique Latine, aux Etats-Unis et en Europe ont pris part à cette réunion qui a été très fructueuse et qui a reflété les progrès significatifs en termes de forces et d’influence réalisés par beaucoup des partis et des organisations affiliés au CWI. La première session de la conférence a adopté la résolution ci-dessous à l’unanimité, après discussions et vote d’amendements. Cette résolution était proposée par le Secrétariat International en tant que base à la discussion. Cette session a couvert les développements dans l’économie mondiale et dans la situation aux Etats-Unis, en Chine, en Europe et en Irak.

    D’autres sessions ont débattu de la lutte des classes en Asie (spécialement au Pakistan, au Sri Lanka, en Inde et en Malaisie), en Amérique Latine et en Afrique, des perspectives pour la construction de nouveaux partis des travailleurs ainsi que des luttes et du travail menés par les sections du CIO. Des rapports de ces discussions seront publiés le plus tôt possible.

    Rarement dans l’histoire du capitalisme les perspectives pour les divers pays, voire les continents, ont-elles été aussi influencées, ou même déterminées, par les événements et processus mondiaux.

    La phase en cours de la mondialisation capitaliste présente des similitudes, mais en même temps des différences, avec la phase de “mondialisation” (bien que celle-ci n’ait pas été appelée ainsi à l’époque) de la fin du 19è et du début du 20è siècle, phase qui connut une fin catastrophique avec la Première Guerre Mondiale. Cette période a été marquée par l’exportation de capital vers les « colonies », qui devinrent des marchés protégés et, en même temps, des sources de matières premières bon marché. Cette situation se traduisit par un jeu permanent de manœuvres et des conflits entre les différentes puissances impérialistes. Une telle lutte ne pouvait se résoudre que par la guerre.

    On retrouve, bien entendu, de nombreuses caractéristiques de cette période dans la situation actuelle : une lutte féroce entre les puissances impérialistes pour le contrôle des ressources, en particulier du pétrole, et une concurrence économique pour conquérir des positions et la supériorité sur les marchés, accompagnées de conflits et d’interventions militaires, telle que la Guerre en Irak. Ces affrontements se sont manifestés avant tout dans le conflit qui se développe entre la Chine et les Etats-Unis et qui va dominer les développements dans le monde lors de la prochaine période. Tandis que la menace d’un conflit inter-impérialiste majeur ne se pose pas à court ou à moyen terme, il existe, par contre, une menace très réelle de guerres commerciales de grande ampleur entre les blocs impérialistes.

    Ce processus de mondialisation capitaliste diffère par contre, dans certains aspects, de la période d’avant la Première Guerre Mondiale. A ce moment-là, le capitalisme exportait les capitaux vers les possessions coloniales en tant que moyen d’extraire des matières premières à bon marché et de les revendre plus chères comme produits manufacturés, recevant par conséquent, selon la citation de Marx, “plus de travail pour moins de travail”. Ces termes inégaux dans le commerce mondial existent toujours et sont, en fait, devenus pires encore pour le monde néo-colonial. Cependant, au cours des dernières décennies, les Investissements Directs à l’Etranger (IDE) ont été concentrés dans la “triade” Europe-USA-Japon.

    Cette situation a maintenant été modifiée dans une certaine mesure par les exportations colossales de capitaux vers la Chine – qui reçoit maintenant presque autant d’IDE que les USA – et, dans une certaine mesure, vers l’Europe de l’Est et l’ex-URSS, au fur et à mesure que le capitalisme cherche à relocaliser son potentiel productif afin d’exploiter les matières premières et la réserve de main d’oeuvre fortement éduquée mais bon marché fournie par la chute du stalinisme. Entre 1990 et 2003, les IDE ont grimpé en flèche et le rapport entre le stock d’IDE et la production globale est passé de 9 à 23%. Cette évolution, combinée à d’autres facteurs, telles que les soi-disant révolutions de la communication et de l’information, reflète une intégration colossale de l’économie mondiale, ce qui, en retour, signifie, comme Marx l’avait prédit, que les événements qui se produisent dans les arènes nationales vont être de plus en plus façonnés par les processus à l’échelle mondiale.

    Le monde néo-colonial est intégré dans ce système, mais encore principalement en tant que source de matière premières à bas prix. L’émergence de la Chine, toutefois, pourrait menacer l’hégémonie à long terme de la triade, et particulièrement des USA, tant sur les plans économique que militaire, pour autant que la Chine puisse maintenir de manière ininterrompue son taux de croissance actuel, ce qui n’est pas certain du tout. La menace d’une crise ou d’une récession économique mondiale pourrait avoir un profond impact en Chine, de même que l’inévitable résistance de la classe ouvrière chinoise aux conditions de travail inhumaines dans les usines, aux bas salaires, à la pollution,… Une hausse salariale, en résultat d’une lutte de masse, pourrait provoquer une nouvelle relocalisation des investissements de la Chine vers d’autres pays et régions à bas salaires, ce qui pourrait affecter sa croissance.

    Actuellement, les USA – et par conséquent l’économie mondiale – dépendent entièrement sur la Chine, et, dans une certaine mesure, sur le capitalisme asiatique dans son ensemble. Un extraordinaire pacte non-écrit, digne de Faust, existe entre les deux “partenaires”. Les USA font en ce moment face à leur plus gros déficit budgétaire jamais enregistré : le Fonds Monétaire International estime qu’il va bientôt atteindre les 760 milliards de dollars, soit 6,1% du produit intérieur brut (PIB) de 2005, bien que des prévisions récentes suggèrent un chiffre un peu plus bas de 706 milliards de dollars.

    La croissance mondiale est surtout concentrée en Chine et aux Etats-Unis, tandis que l’Asie, l’Allemagne, et les pays exportateurs de pétrole ont des surplus commerciaux record. Comme l’a écrit le Financial Times : “C’est un monde bizarre, dans lequel des pays relativement pauvres prêtent d’immenses sommes d’argent aux consommateurs américains à des taux extrêmement bas.” Peter Dixon, de la Commerzbank, a expliqué que : “Les Etats-Unis connaissent un déséquilibre terrible, à la fois externe, en terme de déficit budgétaire, et interne, par suite au haut niveau d’endettement et de la faible épargne. On ne peut supporter ces déséquilibres que pendant un certain temps. Les investisseurs étrangers possèdent des bons du Trésor US pour une valeur de 12 trillions de dollars, qui sont autant de créances octroyées par les contribuables.”

    Le résultat de tout ceci est ce que les économistes bourgeois appellent des “déséquilibres” non durables. Ceci veut dire que les économies asiatiques, entraînées par la Chine, ont vu leurs réserves de change en monnaies étrangères passer de 36% du total mondial (USA exceptés) à 69% aujourd’hui. Les réserves chinoises ont explosé, comptant désormais pour les deux tiers des réserves de l’Asie dans son ensemble. Ces réserves sont à une majorité écrasante des actifs en dollars US accumulés par la plupart des banques centrales asiatiques aux dépens des investissements dans les industries locales. L’Asie, menée par la Chine, garantit l’économie américaine et rebouche les gouffres béants dans les déficits américains. En même temps, le marché des dettes gouvernementales, qui implique l’achat des Bons du Trésor américain, est toujours à flot car les capitalistes, gonflés de profits record, y déversent leur argent plutôt que dans un investissement productif.

    Tout ceci a contribué à alimenter une hausse des dépenses des consommateurs, et un déclin dans l’épargne, menant à “un boom du logement américain qui devient de plus en plus insoutenable” (Financial Times). Comme les commentateurs bourgeois les plus sérieux et nous l’avons expliqué, ce château de cartes financier pourrait s’effondrer à n’importe quel moment : “Les déséquilibres sont proches du point de chute”, a écrit le même Financial Times. Charles Dumas, du Lombard Street Research, a averti que “L’économie dans sa totalité est liée aux gains de capital… Si les prix des maisons cessent d’augmenter, l’économie américaine va avoir des problèmes.” Le taux de change du dollar pourrait s’effondrer à n’importe quel moment, laissant les banques centrales asiatiques face à des pertes de capital immenses sur leurs possessions en dollars. Pour cette raison, elles pourraient être tentées de se “désinvestir” en dollars, au profit d’autres devises qui, à leur tour, pourraient déclencher la chute du dollar.

    Le Boom – pour combien de temps ?

    Combien de temps le boom peut-il durer ? Cette question n’est pas préoccupante que pour nous ou pour le mouvement ouvrier, elle l’est aussi pour les devins du capitalisme eux-mêmes. Ce boom n’a duré aussi longtemps que parce que le capitalisme mondial, entraîné par les Etats-Unis, s’est tenu à une politique de dépense, alimentée par les mesures “quasi-keynésiennes” élaborées en faveur des riches, comme les réductions de charge et les baisses des impôts pour les plus riches. De plus a été mis en place un régime de taux d’intérêt historiquement bas – baptisé par dérision “argent gratuit” par certains économistes bourgeois – et donc de déficits massifs et insoutenables. Un crash est certain, bien que les réponses à “comment”, “quand” et « de quelle ampleur » demeurent incertaines. Toutefois,la fragilité sous-jacente de l’économie mondiale est telle que l’économie capitaliste mondiale pourrait connaître des dérapages dans les mois qui viennent.

    L’élastique pourrait cependant être étiré encore un peu avant d’atteindre le point de rupture, ce qui pourrait encore soutenir le cycle économique actuel pendant une année ou deux de plus. Mais, comme l’a prédit l’Institut d’Economie Internationale basé à Washington, les balances vont continuer à se déséquilibrer jusqu’à ce que les marchés deviennent nerveux, les rendements des titres vont commencer à monter et, à ce moment, les gouvernements vont commencer à devenir très nerveux. “Des ajustements plus grands sont plus douloureux. Les gens préfèrent l’ignorer et agir sur base d’une économie de vœux pieux” (Financial Times). Par conséquent, la phase actuelle pourrait s’arrêter brusquement, plongeant une Europe déjà stagnante dans un tourbillon économique et politique encore plus grand, aggravant une crise déjà sérieuse pour le régime Bush, et même bloquant la croissance apparemment inarrêtable de la Chine.

    A moyen et long terme, les perspectives économiques pour la Chine, et leurs effets sur le capitalisme mondial, sont centrales. Elles ont déjà eu un effet notable en soutenant le boom actuel au-delà de ses limites, en conjonction avec la “super liquidité” dans l’économie mondiale. Peut-elle fournir une plate-forme plus stable, pour une nouvelle phase de croissance encore plus longue pour le capitalisme mondial ? Les économistes bourgeois l’espèrent avec ferveur. Ils proclament que l’effondrement des “économies panifiées” – le terme par lequel ils désignent le stalinisme, en Europe de l’Est et dans l’ex-URSS – et l’avancée de la Chine vers le capitalisme, ont doublé la force de travail au niveau mondial tandis que le même stock de capital demeure.

    Ils espèrent que l’afflux apparemment infini de travail bon marché pourra aider à une “renaissance” de leur système. Un tel espoir est problématique, pour ne pas en dire plus. Tandis que les investissements en Chine et en Europe de l’Est ont pu – et continueront à pouvoir – donner un coup de souffle au capitalisme, ils ont principalement accru “l’offre”, c’est-à-dire les forces productives. Mais cela se produit dans un contexte de surcapacité grandissante, en particulier dans les industries manufacturières, l’automobile,… De plus, la demande du marché, surtout en Chine, en Europe de l’Est et en Russie, hors des quelques centres urbains, est limitée à cause du faible niveau de vie et de l’appauvrissement des masses.

    Mais si, contre toute attente, le capitalisme était capable d’exploiter ainsi la Chine et l’Europe de l’Est, allongeant ainsi son cycle de vie, ce ne serait pas encore la fin de l’histoire. Premièrement, il y a les coûts environnementaux dans cette période de réchauffement terrestre : la hausse des émissions de carbone, la fonte des calottes glaciaires,… Sur la base du capitalisme, la planète ne peut pas absorber les taux de croissance actuels, même en ne tenant pas compte de la Chine et de l’Inde. La Chine peut être le théâtre de spectaculaires feux d’artifice économiques mais elle est aussi, avec les Etats-Unis, un des plus gros pollueurs au monde. La planète, avec ou sans la Chine, ne peut pas supporter un capitalisme résurgent qui entraînerait le monde encore plus loin dans des abysses de la dégradation environnementale irréversible. Qui plus est, le néo-libéralisme, sans lequel il n’y aurait pas de mondialisation capitaliste ( dérégulation, ouvertures des frontières pour le capital… ) en tant que telle, est une politique que le capitalisme mondial n’a pas d’autre choix, à ce stade, que de mettre en oeuvre partout à travers le globe.

    Ceci a provoqué et va, dans le futur, inévitablement continuer à provoquer une résistance furieuse, incluant des explosions révolutionnaires, de la part de la classe ouvrière et des masses pauvres. Même durant la période pendant laquelle le capitalisme était “relativement progressiste”, au 19e siècle et au début du 20e siècle, la tendance, comme Marx l’a toujours fait remarquer, était de diminuer la part de la classe ouvrière afin de stimuler la profitabilité des grosses entreprises. Cela a provoqué les émeutes des travailleurs peu qualifiés et à bas salaires en Grande-Bretagne à la fin du 19e siècle, contribué à la révolution russe de 1905 et à la montée du mouvement des travailleurs en Amérique et en Europe.

    Toutefois, au contraire de la phase du capitalisme d’avant 1914, cette résistance a aujourd’hui été rendue muette ou affaiblie par l’absence du facteur subjectif, un parti de masse de la classe ouvrière capable d’agir comme un pôle d’attraction. La classe dirigeante a été renforcée dans sa capacité à affaiblir la résistance des travailleurs par l’offensive idéologique qu’elle a conduite et par l’application du néo-libéralisme. Néanmoins, une opposition de masse a retenu la main, bien que temporairement, de certaines des classes dirigeantes européennes.

    La Chine

    Les problèmes auxquels est confronté le capitalisme mondial sont, à l’heure actuelle, de taille monumentale, ils s’accumulent et ils sont, sur le long terme, ingérables. Les implications de la montée de la Chine, et son impact sur le capitalisme mondial, sont des problèmes importants, pour l’Europe aussi bien que pour le reste du monde. Toutes les conséquences que cette montée implique ne se sont pas encore manifestées pleinement. La Chine est maintenant le centre manufacturier du monde ; chaque semaine, nous entendons le « bruit de succion » des emplois qui disparaissent des pays industriels avancés en direction de la Chine et de l’Europe de l’Est. Ce processus paraît implacable et impossible à stopper. La Chine et, dans une moindre mesure, l’Inde (dans ce dernier cas, principalement à travers l’expansion des technologies d’information) se sont développées en tant que région de fabrication industrielle à base de main d’oeuvre peu qualifiée et bon marché. La Chine assemble des importations d’Asie, puis les réexporte.

    Cependant, la Chine se concentre désormais sur une production innovative, à haute technologie. Tandis qu’une grande proportion des IDE en Chine provient des Etats-Unis, le capitalisme asiatique a, lui aussi, relocalisé une part non négligeable de ses industries vers la Chine. Taïwan, par exemple, a transféré pratiquement la totalité de sa base manufacturière vers le continent. Le Japon a fait de même. Ceci a mené à une situation soulignée par un rapport récent de l’Union Européenne qui avertissait que “La Chine émerge en tant que plate-forme manufacturière la plus compétitive jamais connue”. Selon ce rapport, presque 20% des exportations chinoises sont déjà classifiées comme étant “à haute technologie” et, comme le souligne ce rapport, “Avec deux millions de diplômés chaque année, nous avons toutes les raisons de croire que ce pourcentage va s’accroître”. La part du PNB chinois alloué à la recherche et au développement grimpe de 10% chaque année, alors qu’il ne monte que de 0,02% chaque année en Europe ! (même si évidemment, l’UE part, à ce stade, d’un niveau plus élevé).

    Jusqu’à récemment, les économistes bourgeois pouvaient se rassurer avec l’idée que, bien que la production industrielle se déplace vers la Chine, les établissements de recherche et de développement, et donc le monopole de la technique et de la technologie, resteraient toujours concentrés dans le pays d’origine. Ainsi, Dyson, le fabriquant d’aspirateurs britannique, a délocalisé ses établissements de production en Asie, tout en maintenant ses R&D en Angleterre. Mais la montée de la base technologique chinoise, en partie facilitée par l’emprunt ou le “vol” direct aux autres pays, pourrait bien ne plus permettre le maintien de cette zone de confort.

    Ce processus aboutit même à une tendance à “l’élagage” dans l’industrie manufacturière en Amérique. On peut illustrer cela par la récente crise de General Motors, un des plus gros fleurons de l’industrie américaine, qui a annoncé 30 000 licenciements. Ford fait face à des problèmes similaires, qui sont symptomatiques du déclin de l’industrie américaine. Comme nous l’avons expliqué, l’économie américaine est relativement affaiblie par l’émergence de l’impérialisme chinois.

    Alors que les Etats-Unis demeurent toujours la plus puissante des puissances impérialistes, c’est une puissance qui connaît un déclin relatif. Si cette tendance à un rééquilibrage vers la Chine au détriment des USA et des puissances impérialistes européennes devait se poursuivre (et beaucoup de facteurs peuvent encore retarder ou contrarier le processus), cela créerait des convulsions sociales et politiques au sein des vieilles puissances impérialistes. Cela renforcerait aussi énormément le prolétariat chinois, en termes de nombre et de poids social. Sa conscience politique en ce moment est toutefois à un bas niveau.

    Les implications de cette relocalisation massive de l’industrie et des emplois, vers la Chine et ailleurs, soulèvent plusieurs problèmes importants en relation avec la théorie marxiste. Marx, et avant lui Adam Smith, faisaient une distinction entre les travails “productif” et “non-productif”. Le travail productif créait une nouvelle valeur (en langage moderne, de la “valeur ajoutée”) tandis que le travail non-productif, bien que souvent vital pour les rouages du capitalisme, ne crée pas de nouvelle richesse, mais est rémunéré par un prélèvement sur les profits, les salaires, les revenus,… qui, au final, proviennent de la valeur créée par le travail productif.

    Marx faisait remarquer que le surplus de richesse créée par le travail de la classe ouvrière est réparti entre rente, profit, et intérêt. Ce n’est pas seulement dans la transformation des matières premières que la nouvelle richesse est créée dans le processus de production. Mais l’industrie productive (les entreprises manufacturières et leurs satellites) sont la plus importante source de richesse. Par conséquent, perdre une base manufacturière, et toutes les entreprises et industries connectées avec elle, signifie, dans le meilleur des cas, rentrer dans un état de dépendance vis-à-vis de pays industriels plus puissants.

    Certains pays peuvent se tailler une place en tant que pays capitaliste “rentier”, spécialisé dans les “services” telles que les banques, le tourisme,… Leur situation peut être améliorée, comme c’est le cas, par exemple, pour le Royaume-Uni, par un revenu provenant des gros investissements à l’étranger, incluant la super-exploitation des masses dans le monde néo-colonial. En même temps, ce pays peut devenir un gros receveur d’IDE, comme cela a été aussi le cas en Grande-Bretagne jusque à présent.

    Mais ceci ne concerne que le court terme, et ne sera pas forcément vrai dans l’avenir. Toutefois, pour certaines économies, et même pour des continents entiers, cette situation montre le danger d’avoir une base industrielle qui se rétrécit et donc de devoir se reposer sur des “services”. Ceci, selon la formule de l’ancien Premier Ministre britannique Harold Macmillan, revient à “faire la lessive des autres”. Sur le long terme, la perte d’une force économique réelle se fera sentir dans d’autres domaines.

    La force industrielle se reflète au final en un “pouvoir doux” diplomatique et, à un certain stade, en puissance militaire, qui donne le potentiel pour un “pouvoir dur”. La perspective d’une Chine accumulant cette puissance économique et militaire excite à présent l’opposition de la classe dirigeante américaine. Le gonflement du surplus commercial de la Chine dans son commerce bilatéral avec les Etats-Unis a provoqué des conflits au niveau des textiles, des chaussures,… Cette situation va vraisemblablement générer dans l’avenir un « retour de bâton » protectionniste incontrôlable. Cette perspective est également liée aux grognements des Etats-Unis face au renforcement constant de la puissance militaire chinoise, lié à la recherche avide par la Chine de ressources naturelles de plus en plus importantes pour alimenter sa croissance économique. Et cette expansion l’amène directement nez à nez avec la classe dirigeante américaine, elle aussi impliquée dans ce “Grand Jeu”, en particulier pour le contrôle du pétrole.

    En Asie, on assiste clairement à l’émergence d’un bloc, emmené par la Chine, en opposition à l’impérialisme japonais allié aux USA. Ce conflit a déjà conduit à un renforcement du nationalisme nippon. Les effets de ces rivalités inter-impérialistes ont aussi amené la Chine à une collaboration croissante avec la Russie de Poutine et ceci, ironiquement, à un degré encore supérieur à celui qui existait entre les deux anciens régimes staliniens.

    Si on ajoute à cela le blocage des négociations mondiales dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et de Doha – incluant des conflits à l’intérieur du bloc européen sur l’agriculture, l’élargissement et d’autres problèmes – on ne doit pas chercher bien loin pour imaginer un avenir fait de rivalités accrues et de conflits qui pourraient être dramatiquement aggravés par une récession économique mondiale, ou même par un simple blocage de la croissance.

    Bien qu’en termes absolus, le commerce mondial se soit accru, l’économie mondiale, dans sa phase de reprise depuis 2001, a fait l’expérience d’une “croissance en récession”, c’est-à-dire d’un petit développement des forces productives tout en restant incapable de résoudre le chômage endémique, en particulier en Europe, où les chiffres officiels du chômage dépassent les 20 millions.

    Lors de la dernière période, la classe dirigeante aux Etats-Unis et dans d’autres pays a opéré une politique de “keynésianisme pour les riches”, en accordant des réductions de taxes pour les plus fortunés. Bush a réduit les impôts de 700 millions de dollars pour les plus riches des Américains. Mais ces coupes dans le budget n’ont pratiquement eu aucun effet en terme de hausse des dépenses de consommation.

    Après la catastrophe du cyclone Katrina, Bush a été forcé d’annoncer un programme de reconstruction. Au même moment, il a proclamé qu’il allait réduire le déficit fédéral de 50% d’ici au jour où il quitterait la Maison Blanche. Ces coupes vont être concentrées dans les budgets des soins de santé, des pensions, du logement et autres programmes fédéraux. En d’autres mots : les pauvres feront les frais de ces coupes. Le grignotage des réserves du capitalisme poussera, dans le cas d’une grave récession, la classe dirigeante à se tourner à nouveau vers la “presse à billets” et à prendre le risque de laisser libre cours aux pressions inflationnistes. Mais, comme dans les années 70, elle pourrait être menacée de stagflation si elle recoure à ces mesures.

    Tant que la “croissance en récession” actuelle se poursuit, les capitalistes peuvent faire face ensemble, tout en se faisant de temps à autre des coups bas, mais sans tomber dans une complète fragmentation au travers d’une véritable guerre commerciale. Mais une récession, ou même une période de moindre croissance, entraînera des conflits, qui, à leur tour, pourront aggraver énormément les problèmes de l’économie mondiale. Le facteur fondamental – bien sûr ni immédiatement ni directement, mais en dernière instance – est le développement des forces productives en tant que principale force motrice dans la formation de la conscience de classe, et particulièrement celle de la classe ouvrière, et l’effet de ce processus sur les événements politiques.

    La crise de confiance de la classe capitaliste

    Ce qui est frappant dans la situation mondiale actuelle est que la bourgeoisie est confrontée à une crise de confiance sans précédent, et cela dans le monde entier. Celle-ci est particulièrement prononcée en Europe et en Amérique. La catastrophe en Irak, combinée aux développements sociaux et économiques, a été un facteur majeur, contribuant à ce processus aux Etats-Unis, en Angleterre et en Australie. La défaite subie sur la Constitution de l’Union Européenne en France et aux Pays-Bas a eu un effet similaire et a démoralisé les classes dirigeantes de ces pays, ainsi que dans d’autres pays européens. Cette perte de confiance se produit avant même que se développent de sérieux problèmes économiques pour les classes dirigeantes sous la forme d’une récession ou d’une crise.

    Elle se manifeste de manière éclatante au sein de la plus grande des puissances impérialistes, les Etats-Unis eux-mêmes. La clique néo-conservatrice qui dirige à travers la présidence de George Bush s’est révélée un désastre sans appel pour le capitalisme américain. Son règne montre quelques parallèles, mais à une échelle beaucoup plus grande encore, avec celui de Thatcher en Grande-Bretagne, 20 ans plus tôt. L’”héritage” laissé par celle-ci a été une société divisée et de plus en plus appauvrie, cachée sous le vernis du “progrès” économique. C’est ce qui a condamné depuis lors ses successeurs conservateurs à l’ignominie et à la défaite, élection après élection. La présidence de Bush menace de faire de même pour le parti républicain, non seulement à cause de la guerre désastreuse et impossible à gagner en Irak, mais aussi à cause de la gestion économique qu’elle a appliquée aux Etats-Unis.

    La présidence de Bush est maintenant en “chute libre”. Elle n’est pas seulement embourbée dans la débâcle irakienne, mais elle a été sérieusement mise à mal par les répercussions de Katrina dans la société et les classes sociales. Elle doit maintenant faire face à des scandales de corruption, qui menacent de remonter jusqu’à Cheney et qui ont déjà mouillé plusieurs républicains d’importance, comme le Congressiste Robert Ney, connu sous le nom de “Maire du Capitole”, et Tom DeLay, surnommé “Le Marteau” à cause de sa manière de faire respecter la discipline dans le Parti Républicain au sein du Congrès.

    Toute une section de la classe dirigeante américaine est maintenant en train de “rogner les ailes” au régime Bush. La corruption est endémique dans le monde capitaliste et parmi les classes dirigeantes à échelle internationale. Elle reflète partiellement un changement dans la composition de cette couche dirigeante, qui, internationalement, est devenue de plus en plus parasitaire, et est aussi la conséquence de l’absence de partis de masse des travailleurs, qui avaient pu contenir certains des “excès” du capitalisme dans le passé.

    Tandis que le premier mandat de l’administration Bush a été marqué par les tentatives des néo-conservateurs pour affirmer la puissance de l’impérialisme américain, le second a été une claire démonstration des limites de cette puissance, comme nous l’avions prédit dans les documents de notre dernier Congrès Mondial. Ceci n’est pas seulement évident dans la guerre en Irak, mais a été illustré récemment en Argentine, lors du Sommet des Amériques, au cours duquel les tentatives de Bush pour relancer l’Accord de Libre-Echange des Amériques (ALEA) ont été rejetées par les “Cinq Dragons”, à savoir l’Argentine, le Venezuela, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay.

    Francis Fukuyama fut le prophète de la “Fin de l’Histoire” après la chute du Mur de Berlin, une formule par laquelle il affirmait que la démocratie libérale bourgeoise était le stade ultime du progrès historique de l’humanité. Il n’y a rien de nouveau là-dedans. L’erreur de base des économistes classiques – Adam Smith et David Ricardo – était déjà de considérer le capitalisme comme le mode d’existence normal de l’humanité. Mais ces grands économistes classiques pouvaient avoir une certaine excuse : ils vivaient avant que le capitalisme “ait atteint sa plaine maturité, avant que le capitalisme ne soit devenu vieux” ( Trotsky ).

    Fukuyama a avancé des arguments similaires dans une période de crise et de déclin de ce système. Les Etats-Unis eux-mêmes devaient être l’étoile la plus radieuse dans ce firmament. Cependant, lui-même dit maintenant qu’”au niveau des élites, les dirigeants peuvent chercher à retrouver de bonnes relations avec Washington en faisant fi de leurs propres intérêts, mais, au niveau des masses, il y a eu un glissement sismique dans la manière dont la plus grande partie du monde perçoit les Etats-Unis, dont l’image n’est plus la Statue de la Liberté, mais le prisonnier encapuchonné d’Abu Ghraib.”

    La guerre en Irak, comme celle du Vietnam, a provoqué des convulsions dans la société américaine, même si le nombre de morts en Irak n’est encore que d’un trentième de ce qu’il fut pour le Vietnam. Cependant, le problème de l’Irak se croise, comme c’était aussi le cas pour le Vietnam, avec de sérieux problèmes économiques. C’est ce qui fait se plaindre les commentateurs bourgeois sur le fait que “personne n’a la volonté ou la moindre idée” de ce qu’il faudrait faire pour éviter la désagrégation économique. George Bush, véritable “vilain petit canard”, pris dans une tourmente politique, est incapable de prévenir la catastrophe imminente. Plus grave encore, disent certains, est le fait que les Etats-Unis sont tellement dépourvus de stratèges que, dans l’éventualité d’une crise économique sérieuse, ils n’ont personne de la “stature de Franklin D. Roosevelt” qui pourrait se porter en avant pour “conduire le pays dans une nouvelle direction “.

    Roosevelt, à travers sa politique du New Deal, aurait “sauvé” le capitalisme américain à son époque. Mais son programme n’était largement constitué, comme le fit remarquer Trotsky, que de “réformes sociales” bien présentées mais limitées, qui ne purent résoudre la crise économique sous-jacente qui s’étala en Amérique tout au long des années ‘30. Seule l’approche de la Seconde Guerre Mondiale et le développement de la production de guerre commencèrent à tirer les Etats-Unis hors de la plus grande crise économique de leur histoire. Cette voie, une nouvelle “Troisième Guerre Mondiale”, n’existe pas pour le capitalisme.

    Roosevelt joua effectivement un rôle crucial à l’aide de méthodes quasi-keynésiennes qui semblèrent engager les Etats-Unis dans une direction nouvelle ; politiquement, ses mesures minimales de création d’emploi pacifièrent en effet une portion de la classe ouvrière américaine et encouragèrent la croyance en un “avenir plus radieux”.

    Aujourd’hui, cependant, commente un journaliste américain dans le Financial Times, “Si une crise de l’ampleur de celle de 1929-32 devait frapper les USA maintenant [il est intéressant de noter que ceci puisse être avancé comme une perspective crédible, I.S.], le pays dans son ensemble ne trouverait pas un Roosevelt avec un programme de New Deal pour affronter un Herbert Hoover des Républicains. Ils auraient un Hoover timide et inefficace pour les Démocrates qui devrait se dresser contre un Républicain comme Calvin Coolidge, un défenseur borné des pires aspects du système existant. Si tel avait été le choix en 1932, les fondations mêmes de l’Etat américain auraient été en grand danger.” [5 Octobre 2005]

    Les Etats-Unis sont confrontés à une énorme crise de direction et à une crise économique non moins sérieuse, aussi bien qu’à une émergence des sentiments de classe, qui s’additionnent pour annoncer un avenir de convulsions politiques pour les Etats-Unis et, par conséquent, pour le monde entier.

    La défaite de Schwarzenegger, au cours des référendums en Californie, n’est que le sommet de l’iceberg des mouvements de classe qui sont en train de se préparer en Amérique. La division qui s’est opérée au sein de l’AFL-CIO (American Federation of Labor / Congress of Industrial Organizations) – bien que la manière dont elle va se développer ne soit pas encore claire – est un reflet du mécontentement qui existe vis-à-vis de la bureaucratie conservatrice au sein des syndicats américains. La perspective existe d’une conjonction entre le mouvement anti-guerre grandissant et des mouvements de classe qui prennent eux aussi de l’ampleur sur des questions économiques. Les attaques en préparation contre les travailleurs peuvent déjà se voir dans les usines Delphi où sont fabriquées des pièces de voitures et qui viennent de remplir un dossier “Chapitre 11 faillite”. La direction de cette entreprise qui emploie 56.000 travailleurs aux Etats-Unis et 129.000 à l’extérieur exige de ramener les salaires aux USA de 27 $ à 9,5$ par heure, ainsi que des coupes dans l’assurance santé !

    De telles attaques vont mener à de puissantes luttes de la classe ouvrière américaine dans la période à venir. L’émergence d’un mouvement de classe grandissant aux Etats-Unis sera un des développements les plus significatifs dans la prochaine période et elle aura d’importantes répercussions internationales.

    Le sentiment anti-guerre et la catastrophe irakienne ont conduit une partie des Démocrates à redécouvrir leur “conscience” et à commencer récemment à s’opposer à la guerre. Le Congressiste Démocrate de Pennsylvanie, John Murtha, qui a servi dans les Marines pendant 37 ans, appelle maintenant à un retrait immédiat des troupes américaines d’Irak. Vu les liens étroits qu’il possède avec l’armée, il parle probablement au nom de toute une aile du corps des Marines américains. Mais, au même moment, Hillary Clinton, une candidate très en vue pour la prochaine élection présidentielle, continue à soutenir la guerre, que son mari a pourtant décrite comme une “énorme erreur”.

    La profondeur de la crise aux Etats-Unis a trouvé un reflet dans l’ampleur sans précédent des critiques publiques envers la Maison Blanche faites par deux anciens Présidents Démocrates, Bill Clinton et Jimmy Carter, ainsi que par certaines sections de la direction du Parti Républicain, comme Brent Scowcroft. Les antagonismes sociaux croissants dans la société américaine sont en train de saper l’image des deux partis, Républicains comme Démocrates, dans l’esprit des masses, préparant le terrain pour la constitution d’un nouveau parti de masse.

    La politique américaine au Moyen-Orient

    L’aggravation de la crise en Irak et la croissance du mouvement anti-guerre aux Etats-Unis ont soulevé la question du retrait des troupes américaines. Le gouvernement irakien évoque maintenant la possibilité d’un retrait dans un délai de douze mois. Un retrait complet ne serait pas possible à cause de l’approfondissement de la crise en Iraq. Toutefois, une “réduction” à une force d’à peu près 100.000 personnes, concentrée autour de bases-clés et de zones stratégiques, est une possibilité. En l’absence d’un mouvement des travailleurs unifié et non-sectaire, un retrait complet aurait pour conséquence un conflit sectaire et ethnique encore plus grand. Sur la base du capitalisme, il n’y a pas de perspectives pour l’établissement d’une démocratie bourgeoise stable. Le développement d’un conflit ethnique et sectaire pourrait aboutir à la scission de l’Irak en trois “Etats”, ce qui donnerait comme perspective le remplacement de Saddam et de son régime brutal par trois régimes répressifs et réactionnaires, dirigés par trois “mini-Saddam”. Les forces impérialistes font face à un problème insoluble de leur point de vue. Le prix en est payé par le peuple irakien et par les autres peuples de toute cette région.

    La crise en Iraq montre clairement les limites existantes à la capacité de l’impérialisme américain à intervenir directement ailleurs. L’impérialisme américain veut apparemment toujours un changement de régime en Syrie et en Iran, mais il est incapable d’entreprendre une autre aventure militaire. Même le bombardement de l’Iran, bien qu’il reste envisageable, n’est guère probable. La politique de Bush a amené le régime théocratique et réactionnaire d’Ahamdinejad à adopter une ligne de conduite encore plus dure. Cependant, la nature répressive de ce régime provoque une opposition étendue en Iran et il a déjà été trop loin. Il en va de même en Syrie où les Etats-Unis espèrent une nouvelle “révolution orange” qui fera tomber ces régimes et installera des gouvernements plus pro-US.

    Au même moment, les événements en Israël et en Palestine ont ouvert une nouvelle phase de crise. L’élection de Peretz à la tête du Parti Travailliste témoigne, d’une manière déformée, des divisions massives de classes qui s’ouvrent au sein de la société israélienne. Ce développement très significatif a été en partie détourné par Sharon, qui a rompu avec le Likoud et créé un nouveau parti. Derrière tout ceci gît le cadavre des accords d’Oslo, la fin de la seconde Intifada, et l’acceptation, par une section entière de la classe dirigeante israélienne (et à présent, par Sharon) de la feuille de route américaine.

    Ceci revient à accepter qu’Israël devra retracer ses frontières derrière le “mur de sécurité” nouvellement construit qui sera plus “défendable”. Dans les faits, ceci veut dire laisser tomber certains territoires (mais, évidemment, pas les zones et les colonies cruciales) mais ce ne sera pas un retraçage des frontières à la situation d’avant 1967. La peureuse classe dirigeante palestinienne, à travers l’Autorité Palestinienne, a bien accueilli ces nouveaux développements. Pourtant, malgré le retrait israélien de Gaza, ceux-ci ne représentent pas une victoire pour le peuple palestinien et ne résoudront pas le conflit national dans cette zone-clé.

    La crise dans toute la région va être aggravée par le cauchemar irakien en cours et par la situation explosive qui s’ouvre en Iran, en Arabie Saoudite, et dans d’autres pays. Ces processus soulignent le désastre que représentent la politique étrangère américaine et les classes dirigeantes de la région pour les populations du Moyen-Orient. Nous devons observer les conflits de classe latents qui sont en cours de développement dans la région et qui préparent la base pour une nouvelle phase dans laquelle les idées socialistes et révolutionnaires vont se développer, ce que laissent déjà entrevoir les grèves récentes qui ont eu lieu au Qatar, aux Emirats Arabes Unis et au Koweït.

    L’Europe

    La défaite de la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas a eu un effet dévastateur sur les classes dirigeantes européennes. Elle les a démoralisées et a sapé leur confiance politique. Le processus d’intégration européenne a été interrompu. Au même moment, des tensions accrues et des conflits ont fait surface entre les différents Etats européens, comme la confrontation entre la Grande-Bretagne et la France au sujet de la Politique Agricole Commune (PAC) et entre tous les pays de l’UE et le Royaume-Uni au sujet de la « remise » budgétaire accordée à cette dernière.

    En général, les économies européennes sont stagnantes et ont subi une légère montée de l’inflation. La peur de l’inflation a tout d’abord conduit à un débat autour de la relève des taux d’intérêt orchestrée par la Banque Centrale Européenne. Cette politique a ensuite été abandonnée, avant que ces taux soient à nouveau augmentés en décembre. Mais cette politique ne peut qu’aggraver la stagnation économique qui règne en Europe.

    Les nouveaux pays de l’Union en Europe de l’Est n’ont pas rattrapé les pays occidentaux. La croissance économique qu’ont connue quelques pays ne s’est faite que sur la base d’une main d’oeuvre bon marché. Il y a eu une polarisation sociale massive, qui n’a cessé de s’élargir. Une caractéristique de ces pays est l’absence de stabilité des gouvernements. Les tensions sociales qui se sont fait jour en Pologne indiquent la perspective de remous sociaux.

    Le processus d’élargissement européen a eu pour résultat une plus grande instabilité et de plus fortes tensions au sein de l’Union Européenne. La crise en cours en Europe se reflète particulièrement à l’heure présente en Allemagne, en France, en Italie et au Portugal. Les développements en cours dans ces pays ainsi que le mouvement de grève actuel en Belgique sont des prémisses de la manière dont vont se dérouler les événements dans la prochaine période à travers l’Europe.

    Les élections en Allemagne, avec la défaite de Schröder (bien que ce ne soit pas encore la défaite de son plan néo-libéral), représentent un recul pour le programme de la classe dirigeante. L’émergence du WASG a été un facteur crucial dans ce processus. Le gouvernement de coalition CDU – SPD issu de ces élections est un gouvernement faible, qui va être paralysé par des scissions et des indécisions. Plus encore, il va fournir des opportunités pour le développement d’une force plus puissante à partir du processus de formation d’une nouvelle force de gauche à partir du WASG, du Parti de Gauche / PDS et d’autres forces et militants. Ceci pourrait être accompagné par des actions dans les entreprises en opposition aux délocalisations d’usines, aux baisses de salaires et à l’intensification des mesures anti-travailleurs prises par le gouvernement de Grande Coalition.

    Certains commentateurs bourgeois reconnaissent à demi-mots que l’offensive néo-libérale en Allemagne ne peut pas être poursuivie, en ce moment, de la manière dont ils l’espéraient au départ. Avant les élections, la bourgeoisie espérait qu’une coalition menée par la CDU irait plus loin que Schröder, qui rencontrait une opposition à ses plans néo-libéraux à l’intérieur même de son parti et des syndicats. Ils s’attendaient à une nette victoire pour un gouvernement dirigé par la CDU, qui pourrait affronter la classe ouvrière allemande. Les résultats électoraux ont infligé une défaite à ces perspectives.

    La faiblesse du gouvernement et le potentiel pour l’éclatement d’une crise rapide se sont même reflétés dans le vote pour élire Merkel en tant que Chancelière. 51 parlementaires de la coalition au pouvoir ont voté contre elle ! Même à l’intérieur de son propre parti, elle a dû faire face à une opposition, des dirigeants de premier plan de Landers refusant de devenir ministres dans son gouvernement.

    Pendant la campagne électorale, Merkel avait promis de diminuer les taxes sur le revenu et d’augmenter la TVA. Une des premières mesures qu’elle a annoncée une fois en place a été la hausse du taux de la TVA de 3 points, afin de réduire le déficit budgétaire qui s’élève à 35 milliards d’euros. L’impérialisme allemand a payé au prix fort politiquement et économiquement la “victoire de l’unification”. L’Allemagne de l’Est a englouti 1.300 milliards d’euros en subsides depuis 1991, simplement pour voir son taux de chômage demeurer à 18,4%. La politique d’augmentation des taxes ne va pas aider à stimuler la croissance en Allemagne où les dépenses de consommation sont faibles. Elle va par contre renforcer les tendances à la récession.

    Le gouvernement Schröder a été capable, grâce aux dirigeants syndicaux, d’empêcher un mouvement général de lutte contre son Agenda 2010. Mais il sera beaucoup plus dur pour ce gouvernement faible, issu d’une coalition entre perdants (tous les partis sauf le WASG-PDS ont perdu des voix aux dernières élections), de tenir la classe ouvrière en échec. Déjà, les fonctionnaires ont exprimé leur colère vis-à-vis des attaques annoncées et quelques grèves locales à caractère défensif ont éclaté. Cela montre que l’arrivée au pouvoir de cette coalition va ouvrir une nouvelle phase de crise en Allemagne, qui pourrait voir un mouvement plus général contre les mesures néo-libérales du gouvernement.

    Les attaques néo-libérales contre la classe ouvrière ont aussi provoqué des crises sociales en France, en Espagne, en Italie, en Belgique et au Portugal. En fait, c’est une révolte continentale qui couve. Le premier instinct de la bourgeoisie quand elle est confrontée à des crises sociales est de plier sous le vent. Certains de ses stratèges ont argumenté qu’en Allemagne, le genre d’attaque frontale lancée par Schröder et promise par Merkel pourrait mettre le feu aux poudres et ils ont, par conséquent, préconisé la prudence : mieux vaut attaquer “par en-bas”, secteur par secteur, ou même entreprise par entreprise, plutôt que par une offensive nationale et générale. C’est pourquoi on assiste aujourd’hui à une tentative concertée de rompre avec le système de négociations nationales entre employeurs et syndicats.

    En France, de Villepin a réagi à la grève générale en octobre en déclarant qu’il “était à l’écoute”. Cela ne veut pas du tout dire que la bourgeoisie va abandonner sa politique néo-libérale, mais bien qu’une résistance de masse peut la forcer à une retraite temporaire, comme ce fut en partie le cas à l’occasion de la lutte pour les pensions au Royaume-Uni et ailleurs. De plus, si l’économie mondiale devait imploser, les conséquences économiques pourraient être telles que la bourgeoisie pourrait, temporairement, mettre au placard sa politique néo-libérale pour se tourner vers des mesures accrues d’intervention étatique et actionner davantage la “pompe” à dépenses du gouvernement, même au prix d’une plus grande inflation. En fait, une phase où cette politique deviendra une tendance dominante parmi les classes dirigeantes est inévitable à un certain stade. Mais, comme nous l’avons expliqué plus haut, la marge pour des méthodes keynésiennes classiques est limitée et celles-ci ne pourraient être mises en oeuvre qu’au prix d’une hausse de l’inflation.

    L’explosion d’émeutes de masse en France est venue en réponse à la politique néo-libérale de Chirac et de Villepin et aux conditions sociales désespérées qui règnent dans les ghettos qui entourent la plupart des villes françaises. Ces émeutes sont le reflet des intenses contradictions sociales et de classes qui existent tout autant que le racisme vicieux de l’Etat français. Ces troubles sociaux n’étaient pas des mouvements “raciaux et ethniques”, comme la droite française a tenté de le faire croire. C’était une explosion de la colère des sections les plus pauvres et les plus délaissées de la société – y compris une couche de blancs pauvres.

    C’était un mouvement inorganisé, mené par ceux qui n’ont aucun moyen politique au travers desquels canaliser et exprimer leur colère et leur rage. La responsabilité d’une telle éruption de colère revient au capitalisme français, à la classe dirigeante ainsi qu’aux Partis Socialiste et Communiste qui ont, dans les faits, abandonné la classe ouvrière et la jeunesse. Ces émeutes sont aussi une condamnation de la LCR et de Lutte Ouvrière qui ont failli – la LCR pour des raisons opportunistes, LO pour des raisons sectaires – à la tâche de construire une alternative politique qui aurait pu canaliser la colère et l’amertume ressenties par les jeunes impliqués dans les émeutes.

    Le gouvernement français a néanmoins décrit ces émeutes comme racistes et les a utilisés pour accroître les sentiments racistes en France. Il a mis en oeuvre une répression brutale qui comprend la réintroduction de l’Etat d’urgence (pour la première fois pour une période prolongée depuis 1961) et l’utilisation de couvre-feu. Ces mesures ont été appliquées sur une base sélective dans 30 départements et ont impliqué le recours aux CRS (la police anti-émeutes), la présence de la police dans les rues, l’utilisation d’hélicoptères et de couvre-feux. Plus de 3.000 personnes ont été arrêtées, y compris des parents de jeunes impliqués dans les émeutes.

    L’utilisation de telles mesures montre les caractéristiques semi-bonapartistes de l’appareil d’Etat français. Mais, au même moment, des méthodes de plus en plus répressives et anti-démocratiques ont été adoptées aussi en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Australie et dans d’autres pays.

    Jusqu’ici, l’Angleterre, l’Irlande et la Suède avaient appliqué, dans les faits, une politique de “porte ouverte” vis-à-vis de l’immigration, dans le but de faire venir des travailleurs d’autres pays et de les utiliser comme main d’oeuvre bon marché afin de se servir d’eux pour forcer une baisse des salaires. Les âpres luttes menées par les travailleurs irlandais et corses dans les compagnies de ferries montrent l’importance que cette question va prendre dans la prochaine période.

    L’utilisation de travailleurs immigrés pour forcer les salaires et les conditions de travail à la baisse est en train d’être appliquée d’une manière plus généralisée à travers toute l’Europe. Les effets dramatiques de ces changements peuvent signifier que, dans de nombreux pays, les problèmes de l’immigration et du racisme pourront devenir une question centrale, ce qui risque d’augmenter les craintes des travailleurs dans les pays affectés par cette politique et d’être utilisé par l’extrême-droite pour attiser les sentiments racistes.

    Dans certains pays, comme en Autriche, l’extrême-droite a subi des défaites électorales. De manière significative, dans les élections récentes en Allemagne, l’émergence du WASG-PDS a empêché l’extrême-droite de progresser. Mais ceci ne veut pas dire que toute menace a été supprimée. Le danger existe toujours que l’extrême-droite réalise des progrès électoraux lors de futures élections, surtout si la situation économique se détériore, en jouant sur les peurs des travailleurs et sur les sentiments racistes, en particulier s’il n’existe aucune alternative de gauche crédible.

    Nous devons être préparés à faire face à la question du racisme et, en particulier, à en faire un aspect central de notre travail dans la jeunesse et de l’activité de nos sections dans les pays où ce problème se pose. Il sera nécessaire dans notre travail militant de mettre en avant deux thèmes principaux pour répondre aux idées racistes. D’un côté, une campagne au sein du monde du travail pour gagner les travailleurs immigrés aux syndicats et aux organisations des travailleurs et pour qu’ils reçoivent les mêmes conditions de travail et le même salaire que les travailleurs autochtones. D’un autre côté, une campagne contre le racisme, le nationalisme réactionnaire et les préjugés ethniques.

    Au stade actuel, la nature de l’explosion de colère en France a permis au gouvernement d’obtenir un soutien accru pour les méthodes répressives. Toutefois, ce n’est pas Chirac qui en a retiré quoi que ce soit, mais de Villepin et Sarkozy. Bien que les travailleurs et la jeunesse comprennent que la cause des émeutes se situe dans les conditions sociales et le racisme de l’Etat, 68% des Français, selon un sondage du CSA, soutiennent la prolongation de l’état d’urgence. Le même sondage montre que 75% des gens qui ont voté pour LO/LCR sont en faveur de l’état d’urgence.

    Cependant, de tels sentiments ne sont qu’une réponse temporaire à la crise et peuvent rapidement changer, surtout en France où le gouvernement tente de faire avancer à grands pas ses mesures néo-libérales. Le Parti Socialiste a penché vers la “gauche” en réponse à la crise actuelle. Cependant il reste un parti bourgeois et n’offre aucune alternative à la classe ouvrière. 69% des gens interrogés pensent que le PS ne peut pas remporter les prochaines élections et un pourcentage identique pense que ce parti aurait mené la même politique que le gouvernement actuel s’il avait été au pouvoir. L’expérience du dernier gouvernement socialiste reste bien ancrée dans la conscience des masses.

    Ces développements en Allemagne et en France sont centraux dans la situation qui se développe actuellement en Europe. Au même moment, d’autres pays sont entrés dans une période de crise et de remous sociaux. L’Italie est l’ « homme malade » de l’Europe, à la fois économiquement et politiquement. Le gouvernement Berlusconi est entraîné d’une crise à l’autre et il tente maintenant de se sauver en changeant les règles pour les élections qui doivent avoir lieu en avril prochain, afin d’essayer de rester au pouvoir.

    En dépit de ces changements, les sondages d’opinion indiquent qu’il subsiste toujours une forte possibilité que ce soit l’ « Union », l’alliance de centre-gauche actuellement dans l’opposition, qui remporte ces élections. Il n’est pas impossible non plus qu’utilisant le sentiment anti-Berlusconi pour se justifier, certains dirigeants du PRC puissent aller au-delà d’un soutien à l’alliance électorale de centre-gauche et rejoindre un possible gouvernement de centre-gauche. S’ils font un tel pas, nous devrons nous y opposer. Un tel développement ne manquerait pas de provoquer à un certain moment une nouvelle crise au sein du PRC, car un gouvernement de centre-gauche entrera inévitablement en conflit avec la classe ouvrière et la jeunesse.

    Le Portugal, qui connaît une situation économique désespérée, est, sans aucun doute, à la veille d’une nouvelle explosion sociale. Si on y ajoute la vague de grèves en Belgique et l’opposition qui se développe contre le gouvernement Blair en Grande-Bretagne, ces événements nous mènent à une situation plus explosive et plus favorable à la construction et au renforcement de nos sections à travers l’Europe.

    Conclusions et tâches

    En Europe, et à l’échelle internationale, il est clair qu’une nouvelle période favorable, faite de difficultés accrues pour le capitalisme et d’un sentiment croissant de résistance dans la classe ouvrière, a maintenant commencé à s’ouvrir. La prochaine période va inévitablement comporter nombre d’aspects contradictoires prenant la forme de pas en avant faits par les travailleurs en matière de lutte, d’organisation et de conscience politique, qui se combineront avec d’autres complications et des défaites. Toutefois, des opportunités, nouvelles et importantes, vont se présentent et elles permettront à nos sections d’accomplir des pas significatifs, de renforcer notre influence et de gagner davantage de membres dans beaucoup de sections.

    Ceci va demander à nos sections d’aiguiser nos interventions et de prendre des initiatives audacieuses. Nous pourrons avoir un impact majeur dans les luttes de classe qui commencent maintenant à se développer si nous intervenons correctement, comme le montre l’intervention formidable que Joe Higgins et les autres camarades en Irlande ont menée dans la lutte des ferries irlandais. Il est surtout important que nous soyons capables d’intervenir pas seulement en expliquant nos méthodes et notre programme général, mais aussi et surtout en avançant des propositions spécifiques correctes quant à la manière d’organiser et de mener à bien les luttes en cours. Quand nous intervenons dans des mouvements, que ce soit dans des entreprises ou ailleurs, nous devons s’assurer que nos tactiques et nos propositions soient pleinement discutées et évaluées dans les sections à tous les niveaux.

    La prochaine période va nous donner de bien plus grandes opportunités pour construire nos sections que tout ce que nous avons connu lors de la décennie précédente. Nous devons être prêts à des changements rapides et à des bonds dans la conscience politique et prêts à faire les pas nécessaires pour intervenir quand de tels changements se produisent.

    Le CIO n’adopte pas une tactique universelle qui serait valable dans chaque pays, sans prendre en considération les conditions spécifiques qui existent. Mais, dans beaucoup de pays, la question d’un nouveau parti de masse des travailleurs se fait sentir comme une question cruciale. Il est essentiel que nos sections évaluent et réévaluent sans arrêt les tactiques et les tâches que nous devons adopter pour faire face à cette question essentielle.

    Le tournant vers le WASG en Allemagne et le P-SOL au Brésil ont déjà produit des gains importants pour ces sections. Les initiatives que nous prenons en Grande-Bretagne et en Belgique pour lancer des campagnes majeures afin de construire des partis des travailleurs montrent les initiatives que nous devons être prêts à prendre quand la situation le permet.

    Par dessus tout, il est nécessaire que toutes nos sections accordent une attention spéciale au recrutement et au développement politique de la nouvelle génération de camarades. Les avancées dans notre travail jeunes et dans nos interventions au sein de la classe ouvrière doivent être les priorités principales pour nos sections. Nous devons prendre des mesures spéciales pour intégrer et développer politiquement la nouvelle génération de recrues. Ceci doit être la priorité la plus importante dans le travail et l’activité de toutes nos sections et de tous nos membres dans la prochaine période. La période qui s’annonce nous donnera beaucoup plus d’opportunités favorables pour renforcer nos sections et pour inscrire le CIO sur la carte politique du monde.

  • Les médias bourgeois (ou : pourquoi la nécessité d’une presse ouvrière s’impose)

    « La presse bourgeoise tire un énorme profit des crimes et des empoisonnements, en misant sur la curiosité malsaine et sur les plus vils instincts de l’homme. » Léon Trotsky.

    Un dossier de Cédric Gérôme

    Marx affirmait que l’idéologie dominante n’est rien d’autre que l’idéologie de la classe dominante. En effet, le rôle de la presse bourgeoise dans la société capitaliste ne peut être détaché du rôle qu’y joue la bourgeoisie elle-même. Sans tomber dans la caricature qui consiste à prétendre que les médias sont une sorte de « quatrième pouvoir », il est clair que les classes dirigeantes, historiquement, ont toujours tenter de contrôler le flux de l’information et de s’en servir comme moyen de relayer leur discours et de défendre leur idéologie.

    Historiquement, beaucoup d’exemples montrent à quel point la presse et les médias en général, sous le capitalisme, ont toujours servi à défendre servilement la politique et les intérêts de la bourgeoisie. Des chercheurs ont par exemple démontré qu’entre 1921 et 1968, les médias britanniques avaient pratiquement ignoré l’existence de l’Irlande du Nord !

    Mais il existe évidemment bon nombre d’exemples plus récents. Il est incontestable qu’avant même le début de la guerre en Irak, la presse américaine a servi à relayer les mensonges de la Maison-Blanche et fut par conséquent un excellent relais de propagande. Rien d’étonnant à cela lorsque l’on sait qu’entre 1993 et 2000, l’industrie des médias a versé 75 millions de dollars au financement des campagnes électorales des candidats des deux principaux partis américains. Ou quand on sait que la FCC (Federal Communications Commission), sensée fixer la réglementation des médias aux USA, était jusqu’en janvier 2005 dirigée par Michael Powell – le fils de Colin Powell. David Smith, le PDG du groupe Sinclair (le principal propriétaire de stations de télévisions aux USA) déclarait ouvertement : « Nos élus ont décidé que la guerre était dans notre intérêt. Une fois qu’ils ont pris cette décision, à tort ou à raison, je crois que nous avons l’obligation de soutenir nos troupes et qu’il faut que les Américains aillent se battre. » En avril 2004, le groupe a interdit à ses stations de programmer une émission spéciale appelée « Ceux qui sont tombés », au cours de laquelle un journaliste lisait un par un les noms des soldats américains morts en Irak.

    A l’inverse, quand il y a des informations qui peuvent s’avérer compromettantes ou tendancieuses, tout est fait pour empêcher qu’elles soient révélées. Le meilleur exemple à ce sujet est sans doute l’interdiction imposée aux médias américains de filmer les cercueils des soldats morts en Irak qui sont rapatriés vers les USA.

    Le rôle vicieux de la presse bourgeoisie a merveilleusement été illustré lors du débat autour du traité constitutionnel européen ; en gros, le message qui passait dans les médias était le suivant : tout ce qui va bien, on le doit à l’Europe, tout ce qui va mal, à l’absence de constitution. « Moi je suis pour le oui, je ne devrais pas le dire, mais je suis pour le oui. Mais je suis objectif ! » annonçait avec fierté un intervieweur d’Europe 1, le 8 février 2005. Pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 mars 2005, on a dénombré à la télévision 29% d’intervenants favorables au non toutes émissions confondues (journaux télévisés, débats politiques,…), et 71% de favorables au oui…

    Plus tôt, en France, lors des élections présidentielles de 2002, tout était fait pour pousser l’opinion à voter pour Jacques Chirac. « Abstention, piège à cons » était le titre de couverture du magazine Télérama. Sur tous les journaux français, sur 83 tribunes libres consacrées au scrutin présidentiel, 2 seulement remettait vaguement en question le vote pour Chirac. De même en France, pendant les mouvements de grève contre la réforme des retraites, les médias se sont acharnés pour dénoncer les nuisances des grèves. Le soir de la journée nationale d’action du 10 juin 2003, TF1 consacra 3 minutes et 47 secondes aux grévistes et manifestants contre 14 min et 5 sec à ceux qui les dénonçaient. Même topo sur France 2 : le journal télévisé du 14 mai octroyait une minute et demie aux grévistes, et 8 min 50 sec à ceux qui s’y opposaient. En réalité, dans chaque grève, les médias tentent d’amener une opposition entre les salariés en mettant en scène, d’un côté, les gêneurs (= les grévistes), de l’autre, les travailleurs « normaux » (= ceux qui ne font pas grève) qui sont « pris en otage » et essaient par tous les moyens de se rendre sur leur lieu de travail.

    Les médias peuvent donc être un allié plus qu’utile pour la bourgeoisie dans la défense de ses intérêts et de son idéologie. Le rédacteur en chef du « Time » affirmait : « Les événements ne doivent pas leur naissance à des forces historiques ou à des gouvernements ou à des classes sociales , mais à des individus » : on retrouve très clairement dans cette déclaration la vision bourgeoise de l’histoire, qui consiste à expliquer le monde à travers la vie des grands hommes. Effectivement, les médias tentent toujours de réduire les causes des événements à des personnalités, des ministres, des présidents,…Pour exemple, les deux guerres du Golfe se sont traduites en un duel entre Georges Bush et Saddam Hussein. Cette vision mène à une individualisation des luttes collectives. Un bon exemple est celui de la fameuse photo prise pendant les événements de Tien-Anmen en 1989, photo qui a fait le tour du monde : un homme seul stoppant la progression d’une colonne de chars ; les milliers de manifestants massés autour de lui ont été volontairement exclus du cadre de la photo.

    Tous les préjugés de l’idéologie bourgeoise trouvent un écho dans les médias. Les préjugés nationalistes et racistes : pendant la catastrophe du tsunami en Asie du Sud-Est, tout le monde a pu constater avec écoeurement le souci prioritaire manifesté envers les ressortissants étrangers (les touristes) et la relativisation des victimes locales (pourtant au moins cent fois plus nombreuses). Ce phénomène est particulièrement marqué dans les médias américains : avant le 11 septembre 2001, les articles consacrés à l’actualité internationale ne représentaient que 2% du total de la presse écrite américaine. Certains soirs, les journaux télévisés se concluaient sans jamais être sortis une seule fois des Etats-Unis. Après le 11 septembre, le reste du monde a tout à coup « ressurgi » dans les médias américains. La presse américaine a consacré davantage de temps à l’Afghanistan entre septembre et décembre 2001 qu’elle ne l’avait fait pendant les quatre décennies précédentes !

    Naturellement, la crise économique du système capitaliste touche également le secteur des médias. On peut ainsi voir un phénomène de concentration extrême dans le secteur des médias depuis une vingtaine d’années, qui a entraîné la disparition d’une quantité innombrables de quotidiens. Un signe révélateur est le fait que le plus jeune quotidien belge francophone est le journal « Vers l’avenir »…qui date de 1918 ! Dans le Nord du pays, il s’agit de « Het nieuwsblad » (datant de 1932). L’évolution qui se manifeste a donc pour corollaire un taux de mortalité extrêmement élevé et un taux de natalité quasiment nul, à travers une concurrence de plus en plus sévère.

    En outre, la presse est de plus en plus sous le contrôle d’un petit nombre de groupe industriels et financiers. Traditionnellement, la presse écrite était la propriété d’éditeurs purs (souvent des entreprises familiales). Depuis quelques années, on voit une accentuation de la prise de contrôle de nombreux médias par des magnats de l’industrie et/ou des finances : aujourd’hui, une poignée de multinationales contrôlent l’information. En 2001, Clear Channel possédait aux USA 1202 radios. L’homme le plus riche de Belgique, Albert Frère, est actionnaire de RTL-TVI. En Flandre, « Het Laatste Nieuws » ou « De Standaard » appartenaient à des familles d’éditeurs ; à présent, ces journaux sont sous le contrôle de groupes financiers. A la fin de l’année dernière, le quotidien français « Libération » a subi une prise de contrôle de 37% de son capital par le banquier Edouard de Rotschild. Le groupe Socpresse (qui possède 70 titres dont « Le Figaro », « L’Express » ainsi que des dizaines de journaux régionaux) a été récemment racheté par un fabricant d’armes, Serge Dassault. Dès sa prise de fonctions, celui-ci déclarait aux rédacteurs : « Je souhaiterais dans la mesure du possible, que le journal mette plus en valeur nos entreprises. » Le groupe Hachette est quant à lui déjà détenu par un autre industriel de l’armement : Arnaud Lagardère. Sur les 15 premières fortunes françaises, 5 ont des intérêts dans les médias et tirent évidemment profit de cette situation pour consolider leur position. En Italie, « Il Corriere della Sera » et « La Stampa » sont désormais contrôlés par Fiat. Silvio Berlusconi a construit un véritable « empire télévisuel » et contrôle aujourd’hui 90% de l’audience et 87% des recettes publicitaires de la télévision italienne. Il n’a pas eu de scrupules à modifier la loi afin qu’à partir de janvier 2006, la RAI puisse être totalement privatisée.

    Et c’est sans compter la reconversion technologique (notamment l’informatisation) qui demande des investissements de plus en plus lourds ; cette logique fait en sorte qu’en définitive, seuls les plus gros groupes sont capables de supporter de tels coûts.

    Le revers de la médaille de cette tendance s’exprime à travers des compressions de personnel, des fermetures d’agences, l’emploi d’un groupe le plus restreint possible de reporters et de journalistes, des licenciements de masse, la disparition de nombreux points de vente. Pour exemple, en France, depuis 1990, 4500 kiosques à journaux ont été supprimés. Aux USA, entre 2000 et 2004, plus de 2000 postes ont été supprimés dans la presse écrite. L’agence de presse Reuters a procédé au début de l’année à une réduction de ses effectifs de 4500 salariés. Le groupe Sinclair (USA) a procédé à 229 suppressions d’emplois dans ses stations en une seule année : le fait de détenir plus de 60 stations locales permet de diffuser tel quel les mêmes programmes d’une région à une autre et d’ainsi réduire fortement les coûts salariaux. Le patron s’explique : « Ce n’est pas que nous n’aimons pas les monteurs ou les cameramen. Mais la technologie a tellement évolué que les réalisateurs estiment pouvoir réaliser un travail encore meilleur en automatisant certaines de ces tâches. On peut désormais assembler un studio d’informations, avec, disons, un producteur de moins, un journaliste de moins, pas de monteur, 2 cameramen qui disparaissent, et la liste ne fait que commencer… »

    Il importe également de casser un mythe largement répandu : les journalistes bien payés sont une exception. Mis à part les journalistes vedettes et les stars du show-business comme Patrick Poivre D’Arvor, les journalistes sont en général mal payés et travaillent dans des conditions déplorables. Aux USA, les entreprises qui détiennent différents médias (presse, radio, télévision, internet,…) dans une même ville recherchent des journalistes à tout faire capables de fournir un contenu immédiatement adapté aux différents supports. Selon un professeur de journalisme de la Columbia University, « ces journalistes travaillent de 16 à 20 heures par jour et deviennent complètement fous à force d’exercer plusieurs métiers de presse à la fois ». Les mauvaises conditions de travail dans ce métier ont encore été illustrées par la récente grève à la RTBF. On ne compte plus les intérimaires ou les faux stagiaires qui travaillent gratuitement, malléables et corvéables à merci. On voit ainsi un peu partout la multiplication des CDD (contrats à durée déterminée). Selon les syndicats de France 3, en moyenne 8 des 12 reportages du journal de 19h sont réalisés par des CDD. Voici le témoignage révélateur d’un jeune CDD : « Un précaire pose moins de question. Il est plus disponible, plus docile. Il ne conteste pas les choix éditoriaux. Il ne rechigne pas à travailler les jours fériés, à traverser la France en une nuit pour rejoindre une autre station de radio. »

    Sur le plan de la formation, la situation n’est pas plus rose. Dans les écoles de journalisme, on apprend aux étudiants à être le moins critique possible, à respecter la hiérarchie,…en d’autres termes, à fermer sa gueule et à accepter la logique du marché. Au CFJ (Centre de Formation des Journalistes- Paris), le responsable « presse écrite » dit à ces étudiants : «Dans la profession, il y a un certain nombre de journalistes qui ne sont pas dans la ligne. Ici, on vous demande de suivre la ligne, de rester dans la norme. Eh oui, il y a un moule CFJ, et il faudra bien vous y couler ».Une étudiante attaque : « Pour mercredi, avec la sortie du film sur les travailleurs de chez Michelin, on aurait voulu faire un retour sur la condition ouvrière ». Le rédacteur en chef réplique aussitôt : « Ca c’est pas de l’actu. Il faut espérer qu’on aura autre chose comme actu, de l’actu qui parle un peu plus. Mercredi, je vois qu’il y a PSG-OM. Ca, ça ne peut pas être moins d’une page. »

    Le seul souci dans la formation des journalistes est de répondre aux besoins du marché. Un enseignant de l’école le dit lui-même : «Ce que vous êtes naïfs ! Les médias, c’est une industrie. On vend du papier comme d’autres vendent des poireaux. Le seul critère, c’est le résultat : l’audience ou la vente». Dans un guide pour les étudiants de l’école appelé « Pour devenir journaliste », on peut lire que le CFJ « trouve une solution à l’inadéquation de l’offre et de la demande, sait répondre aux évolutions du marché, afin de livrer des étudiants immédiatement opérationnels. », etc. La directrice de l’école conclut en beauté: « on étudie en ce moment comment se tourner pleinement vers le management. »

    Les conditions de production de l’information sont bien sûr soumises aux lois de l’économie capitaliste : productivité, maximum de rendement, … L’information est une marchandise comme les autres : le but est de faire du profit avant toute autre considération. Il faut produire un maximum d’informations en un minimum de temps, et surtout, de produire de l’information qui se vend. Le critère premier n’est donc pas le souci de l’information objective, de la pertinence des sources, etc, mais bien le marketing. Le choix, la mise en valeur et l’importance accordée aux informations est donc complètement tronquée et disproportionnée par rapport à la réalité, voire complètement fausse. En juillet 2004, de jeunes Maghrébins et Africains sont accusés d’avoir fait une agression antisémite dans le RER, à Paris. Le lendemain, le journal « Libération » concluait : « Antisémitisme, antisionisme, anticapitalisme mêlés comme aux pires heures de l’histoire ». En fait, cette agression n’a jamais eu lieu et se révèlera être un pur mensonge inventée par la soi-disante victime.

    Mais quelques chiffres valent parfois mieux qu’un long discours : depuis l’affaire Dutroux en 1996, le nombre d’articles et de reportages consacrés aux affaires sexuelles touchant des enfants a explosé. Les mots « pédophile » et « pédophilie » apparaissent 4 fois dans le journal « Le Monde » en 1989, 8 fois en 1992. On passe à 122 fois en 1996, 199 fois en 1997, 191 en 2001, 181 fois en 2002 ! Du 5 mai au 5 juillet 2004, on dénombre, dans les quatre grands quotidiens nationaux français, 344 articles sur le procès d’Outreau (affaire de pédophilie en France). Pendant la même période, ces mêmes quotidiens consacrent 3 articles sur la sortie d’une étude de l’OMS établissant que la pollution tuait chaque année plus de 3 millions d’enfants de moins de 5 ans. En 1998, les trois principaux journaux télévisés américains ont consacré plus de temps à l’affaire Monica Lewinsky qu’au total cumulé de plusieurs dossiers tels que la crise économique et financière en Russie, en Asie et en Amérique Latine, la situation au Proche-Orient et en Irak, la course au nucléaire dans le sous-continent indien !

    Dans ce contexte, il est clair que les journalistes ne peuvent pas dire ce qu’ils veulent, et doivent rester dans un cadre de pensée qui respecte le souci des actionnaires et des propriétaires du média en question. Le directeur de l’International Herald Tribune (qui appartient au groupe New York Times, coté à Wall Street) disait : « Souvent, ceux qui doivent prendre une décision journalistique se demandent si celle-ci fera baisser ou monter de quelques centimes la valeur boursière de l’action de l’entreprise éditrice. Ce genre de considérations est devenu capital, les directeurs de journaux reçoivent constamment des directives dans ce sens de la part des propriétaires financiers du journal. »

    De plus, le simple fait d’être journaliste et d’avoir sa carte de presse ne donne pas accès partout. Le journaliste doit se faire accréditer auprès de certains services de presse (UE, ministères,…). Les journalistes accrédités ne peuvent divulguer que les informations qu’on les autorise à divulguer : s’ils ne respectent pas les règles du jeu, on leur retire l’accréditation. Sans compter que la plupart du temps, les journalistes se font « acheter »: par des réceptions, des déjeuners en tête-à-tête, des voyages de presse pour accompagner le ministre ou l’homme d’affaires en déplacement à l’étranger, des voyages exotiques,…

    L’ancien journaliste du Guardian (rubrique Energie) nous donne un témoignage intéressant à ce sujet: « La compagnie de gaz britannique British Gas s’intéressa à mon travail. Chaque jour, elle dépêcha un nouvel attaché de presse avec la panoplie complète allant de la voiture tape-à-l’oeil au téléphone mobile. Le premier m’introduisit dans l’entreprise et calcula ce que mon article représenterait pour la compagnie en termes de gains ou de pertes potentiels. Le deuxième fit survoler la baie de Morecambe en hélicoptère pour me conduire sur la plateforme de forage que British Gas avait fait construire. Le troisième m’invita à un dîner arrosé de bon vin, au cours duquel il m’abreuva de considérations sur la stratégie de l’entreprise. Et le quatrième m’accompagna pour rencontrer le président de la compagnie. Après avoir été traité de la sorte, j’ai dû déployer des efforts considérables pour mordre la main qui m’avait nourri en me fournissant toutes ces informations. Et mordre signifiait dire au revoir à tout ce que British Gas pouvait m’offrir de bon ».

    On en arrive vite à ce qu’on peut appeler le « journalisme promotionnel », très bien résumé par cette phrase de Patrick Le Lay, patron de TF1 : « Le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola à vendre son produit. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. ». En Italie ou aux USA, il n’est désormais plus rare de voir des spots publicitaires insérés à plusieurs reprises en plein milieu du journal télévisé.

    Comme on l’a déjà vu, les politiques de privatisation n’on pas épargné le secteur des médias. Ce phénomène de désengagement public implique que les médias sont de plus en plus dépendants de leur budget publicitaire. Le média qui fait une appréciation négative sur un produit court le risque de se voir retirer le budget publicitaire du fabricant. En Belgique, le numéro un des investissements publicitaires dans les médias est le secteur automobile. Ce dernier élément explique les nombreux suppléments « auto » dans les quotidiens. Lors de l’ouverture du dernier salon de l’auto, « La Libre Belgique » a ainsi consacré 5 pages à ce grand événement…

    Pendant l’été 2005, la direction du groupe automobile Volkswagen lança à travers la presse la rumeur d’une fermeture du site de Forest. Cela fit naître un meilleur état d’esprit au sein de l’entreprise pour faire passer d’autres mesures moins « radicales », mais néanmoins tout aussi désavantageuses pour les travailleurs de l’usine. En janvier 2001, la multinationale Danone a fait la même chose grâce à la complicité des médias français. La presse annonçait le licenciement de 1700 travailleurs chez Danone ; il s’en suivit un large mouvement de contestation. Au coeur du mouvement, la direction annonça qu’il n’y aurait finalement « que » 500 pertes d’emplois. Conclusion : réaction de soulagement de la part d’une bonne partie du personnel et arrêt du mouvement. La presse sert ainsi souvent, pour le patronat et les politiciens bourgeois, de « ballon d’essai », de moyen destiné à tester un projet, une hypothèse de travail et mesurer quelles en seront les réactions. Il ne faut donc pas se leurrer : quand on parle de « fuite » dans la presse, il s’agit dans bien des cas de fuites volontaires.

    Ces dernières années, les chiffres montrent une baisse particulièrement significative de diffusion de la presse écrite. A l’échelle mondiale, la diffusion de journaux chute en moyenne, chaque année, de 2%. Le quotidien américain « International Herald Tribune » a vu ses ventes baisser en 2003 de 4,16% ; au Royaume-Uni, le « Financial Times » a chuté de 6,6 % ; en Allemagne, au cours des 5 dernières années, la diffusion a baissé de 7,7 %, au Danemark de 9,5%, en Autriche de 9,9%, en Belgique de 6,9%. Même au Japon (dont les habitants sont les plus gros acheteurs de journaux), on compte un recul de 2,2%. Au sein de l’UE, au cours des huit dernières années, le nombre de quotidiens vendus a diminué de 7 millions d’exemplaires. Il existe à cela certaines raisons externes tels que la montée d’internet, ou l’apparition des quotidiens gratuits (« Metro »,…). L’augmentation importante du prix des journaux cumulée à une baisse du pouvoir d’achat pour la majorité de la population n’y est sans doute pas pour rien non plus.

    Mais la raison première est sans aucun doute la perte de crédibilité de la presse écrite, tout comme des médias au sens large ; non seulement du fait que la qualité des journaux ne fait que se détériorer (les mensonges, les manipulations, et autres distorsions de l’information ne cessent d’augmenter), mais aussi parce la période dans laquelle on se trouve aujourd’hui se caractérise par une remise en question croissante de l’idéologie bourgeoise et du discours néo-libéral relayé par les médias. La confiance dans les institutions bourgeoises et dans ses relais idéologiques, dont les médias font partie, ne cesse de s’effriter. Cela renforce d’autant plus l’importance de diffuser une presse ouvrière, une presse de gauche qui défend les intérêts des travailleurs et des jeunes.

  • Le 19 mars, le monde dira «Out Now!»

    Il y a trois ans, les marines américains débarquaient en Irak au nom de la démocratie et de la lutte contre le terrorisme. Le prétexte à l’invasion de l’Irak était que ce pays détenait des armes de destruction massive probablement prêtes à fondre sur les pays occidentaux.

    Simon Hupkens

    D’armes de destruction massive, on en a guère trouvé! Et les principaux pays participant à la coalition contre l’Irak ont depuis lors reconnu, suite aux pressions populaires, qu’il n’y en avait jamais eu. C’est donc au nom d’un mensonge commis par les gouvernements américain et britannique que sont morts entre 150.000 et 200.000 civils irakiens, 2200 soldats américains et que plus de 35.000 Marines sont revenus blessés ou mutilés.

    C’est au nom de ce mensonge que soldats et civils continuent à mourir tandis que les infrastructures du pays – hôpitaux, écoles, centrales électriques – ont été détruites et que le peuple se retrouve sans ressources, sans travail et sans perspectives. On ne peut évidemment pas dire que le régime de Sadam Hussein fut une grande réussite en matière de démocratie. Les militants du mouvement ouvrier irakien le savent bien qui ont pourri dans les prisons du régime pendant des décennies. Mais le bilan de trois ans d’occupation des forces de «libération» n’est certainement pas positif en la matière. Les violations des droits de l’homme par l’armée y sont monnaie courante, allant de détentions illégales en séances de torture. Pour beaucoup, il est évident que cette guerre n’est qu’un prétexte pour faire main basse sur les ressources naturelles du pays (le pétrole principalement) qui sont maintenant détenues par les entreprises les plus proches du gouvernement Bush. Les travailleurs irakiens ne verront bien entendu pas un sou des profits générés par l’exploitation de ces ressources. Et cela en dépit du fait qu’ils extraient le pétrole, le raffinent et le chargent sur les tankers américains.

    Tout le monde fait les frais de cette guerre meurtière: les civils irakiens la paient de leurs vies tout comme les Marines américains qui y laissent leurs vies ainsi que leur santé mentale, le peuple américain finance cette guerre avec ses impôts et le reste du monde voit grimper le coût des produits pétroliers.

    Les seules entreprises à tirer leur épingle du jeu sont celles du secteur de l’armement et les cinq grandes multinationales du secteur pétrolier qui ont vu leurs profits s’élever à 100 milliards de dollars pour l’année 2005.

    A elle seule, cette guerre a déjà coûté 235 milliards de dollars. En comparaison, les opérations humanitaires au Pakistan et au Cachemire qui ont fait plus de 100.000 victimes ont coûté 500 millions de dollars aux Nations Unies qui a eu le plus grand mal à réunir cette somme.

    C’est très clair: les moyens ne manquent pas. Mais dans un monde dominé par le capitalisme, ils ne servent qu’à enrichir les plus riches.

    Loin de contribuer à la stabilisation du pays, cette guerre a renforcé les courants politiques et religieux les plus réactionnaires . La liste est longue des bandes armées du leader Al Sadr aux kamikazes d’Al Qaïda. L’Islam le plus conservateur est à l’oeuvre pour éliminer les formes de résistance les plus progressistes. Ces éléments ultraconservateurs assassinent les militants syndicaux, démantèlent les droits des femmes et alimentent l’insécurité et l’intolérance religieuse. Dans cette situation de crise, des initiatives voient le jour pour résister à l’impérialisme US et au fanatisme religieux. Les militants de ces formations ont besoin du soutien du mouvement ouvrier de chez nous pour mener à bien leur ambitieuse entreprise: libérer l’Irak de l’occupation, de la guerre, de l’intégrisme et du capitalisme.

    Voilà pourquoi nous participerons à la mobilisation du 19 mars afin de manifester en faveur d’un retrait de toutes les troupes d’occupation. Out now! A l’occasion de cette journée, des actions de protestation auront lieu aux quatre coins du monde!

    Rendez-vous à Bruxelles le 19 mars. Gare du Nord.

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