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  • Liège : Grève de 24 heures dans la sidérurgie

    Début janvier, la FGTB-Métal avait annoncé qu’elle partirait en grève le 21 du même mois si le Haut Fourneau n°6 de Seraing n’était pas relancé, comme l’avait annoncé la direction du groupe pour cette date. Les filiales d’ArcelorMittal et les sous-traitants ont donc été à l’arrêt, avec la participation de 7.000 grévistes.

    Nicolas Croes

    Mais Francis Gomez, le président de la FGTB-Métal à Liège, insiste sur le fait que la FGTB ne se bat « pas pour polluer, mais pour l’avenir de toute une région ». La phase à chaud liégeoise représente tout de même 2.700 emplois directs et 10.000 emplois indirects.

    Et on comprend la nervosité des travailleurs. Ils ont d’abord subi la fermeture du Haut Fourneau, annoncée en 2003 et effective en 2005. Puis, dans une interview accordée au « Soir » du 16 mai 2007, le numéro 2 de la multinationale avait officialisé la décision de rouvrir le haut fourneau de Seraing, et une première date de relance avait été fixée pour le mois de novembre 2007. Date reportée. Tout cela pour arriver enfin au blocage actuel, officiellement en raison du problème des quotas de CO2.

    Mais Liège Info a relayé l’avis d’un chercheur universitaire selon lequel le problème se situerait plutôt au niveau du coût de l’énergie, qui plomberait les résultats d’ArcelorMittal. Pour ce chercheur, donc, les quotas seraient un bon alibi pour retarder la réouverture du HF6. Pourtant, l’unité liégeoise à chaud de Cockerill a augmenté en 2007 son chiffre d’affaires de 1,890 milliard d’euros (contre 1,766 en 2006) et la croissance du revenu brut a été de 110% en une seule année. Et déjà 20 millions d’euros investit dans la relance du haut fourneau depuis cet été. En pure perte ?

    Les responsables ?

    ArcelorMittal, la Région, le fédéral et l’Union Européenne

    De son côté, la FGTB réclame qu’ArcelorMittal investisse dans des outils visant à réduire la production de CO2. Elle explique : « l’absence de quotas est la conséquence de la décision de fermeture prise par Arcelor en 2003. Cette décision était une idiotie, tout le monde l’admet aujourd’hui. (…) Le groupe Mittal a les moyens de faire un effort : le marché de l’acier tourne à plein ; les profits sont énormes ; Liège est bénéficiaire. »

    Et c’est vrai, la famille Mittal, principal actionnaire d’ArcelorMittal, se porte bien. Par exemple, Lakshmi Mittal est, selon le magazine américain Forbes, la cinquième personne la plus riche au monde, avec une fortune estimée à 32 milliards de dollars… et sa famille devrait recevoir sous peu 637,5 millions d’euros de dividendes issues de leurs actions ! Comme pour illustrer dramatiquement de quelle manière cette richesse a été accumulée, l’annonce de ces résultats avait été précédée, une semaine plus tôt, par celle de près de 600 licenciements d’ici avril 2009 en France, dans une aciérie sur un site de Moselle, à Gandrange. Plusieurs centaines de personnes ont ainsi défilé devant le siège de la multinationale basé au Luxembourg trois jours à peine après la grève de 24 heures dans la sidérurgie liégeoise.

    Mais la multinationale a fait son choix et « Mittal met la pression plus fort que prévu et menace de partir ailleurs, dans les pays où on peut polluer comme on veut », comme l’a déclaré Francis Gomez. En fait, il était à l’origine prévu que les quotas de CO2 allaient être rapidement donnés au HF6, la Région Wallonne a affirmé que c’était possible, pour ensuite négocier des quotas supplémentaires à utiliser à partir de 2010.

    Toujours selon Francis Gomez, « Jean-Claude Marcourt (ministre PS de l’économie, de l’emploi et du commerce extérieur de la Région Wallonne, NDLR) avait fait des promesses mais on ne voir rien venir. » La FGTB en appelle aussi au fédéral (qui a déjà financé l’achat de dix millions de tonnes de quotas de CO2 pour la Flandre) et enfin à l’Union Européenne, « dont la législation va à l’encontre de l’activité industrielle tout en permettant le transfert des pollutions vers l’Afrique et l’Asie ».

    Egidio Di Panfilo (FGTB-SECa) a fait une proposition pour faire pression sur l’Europe : « La région pourrait refuser de ratifier le traité de Lisbonne si l’Europe refuse de revoir sa position sur les quotas. Ce serait un moyen de mettre la pression ». Mais au vu de l’empressement témoigné par « nos » parlementaires régionaux pour ratifier la défunte proposition de Constitution Européenne sans débat – par crainte de voir se développer des mobilisations similaires à celles de la France et de la Hollande – au vu aussi de la manière dont l’Union Européenne a réagi à l’échec de cette proposition – en mettant en place le traité de Lisbonne tout aussi asocial – nous doutons de l’efficacité de cette proposition. Mais proposer à nos politiciens d’agir de cette manière serait toutefois une bonne occasion de les démasquer une fois de plus…

    Toujours sur cette même question des quotas, la FGTB ironise : « Mittal veut-t-il ainsi faire de notre région un laboratoire et prouver l’absurdité du mécanisme actuel de quotas de C02 ? ». Il est vrai que la politique des quotas ne règle rien : quand un capitaliste fait face à un barrage contre ses bénéfices, il va voir ailleurs. « C’est un risque pour Liège, puis pour les autres sidérurgies d’Europe qui vont être bientôt confrontées au même problème » affirme la FGTB.

    Et quand un capitaliste va voir ailleurs, il en profite ! Les pays où les normes environnementales sont (quasi) inexistantes sont généralement aussi laxistes en termes de législation du travail. Ainsi, 30 mineurs sont encore décédés en janvier de cette année dans une filiale d’ArcelorMittal au Kazakhstan. Les travailleurs y sont payés au rendement et sont donc encouragés à prendre tous les risques pour gagner un peu plus de quoi joindre les deux bouts. Depuis 2004, près de 100 mineurs travaillant pour le leader mondial de l’acier ont ainsi perdu la vie dans des accidents miniers au Kazakhstan. Un responsable régional d’Arcelor Mittal, qui ne manque pas de culot, a déclaré que ces morts étaient dus à « une catastrophe naturelle ». Une catastrophe naturelle, oui, mais uniquement sous le capitalisme…

    Et la grève ?

    Francis Gomez tire un bilan positif de la participation de 7000 travailleurs à cette grève : « c’est une vraie réussite, nous avons atteint notre but ». De plus, durant la journée, une centaine d’ouvriers sont partis rejoindre d’autres militants de la FGTB devant le siège d’Electrabel, rebaptisée pour l’occasion « Electracash », pour y revendiquer la diminution des tarifs du gaz et de l’électricité ainsi que l’instauration d’un chèque énergie pour les plus pauvres. Mais il y a au moins une autre raison, moins réjouissante, de se souvenir de cette journée…

    Comme le dénonce un tract du SETCa diffusé aux piquets, cette grève restera dans les annales de l’histoire sociale de Cockerill comme la première où un représentant syndical a demandé à la direction d’envoyer des huissiers à chaque piquet ! En effet, la CSC avait jugé la grève « trop prématurée » et l’un de ses responsables, Gino Butera, a même été jusqu’à menacer la direction de dénoncer l’ensemble des accords syndicaux si ces huissiers n’étaient pas envoyés.

    Un autre responsable de la CSC, Jordan Atanasov, a déclaré, après avoir estimé que la grève de la FGTB mettait pression inutilement sur le dossier des quotas, que « si rien ne bouge dans les prochaines semaines, nous prendrons également position ». La FGTB a elle aussi parlé d’actions futures, et un calendrier d’actions devrait bientôt être rendu public, en direction de Mittal, de l’Etat belge, de la Région wallonne et de l’Europe. Mais avec ses méthodes, la direction régionale de la CSC a sérieusement mis des bâtons dans les roues de toute future action en front commun syndical. Ce sera à la base de la CSC de démontrer qu’ils ne soutiennent en rien les méthodes antisyndicales de certains.

    Pour la suite

    Pour les responsables de la CSC, l’attitude du syndicat socialiste est « incohérente et unilatérale » car « la grève pourrait compromettre tout le processus de relance du HF6 et le maintien d’une sidérurgie intégrée au-delà de 2012 ». Face à l’ampleur de l’adversaire, le n°1 mondial de l’acier, il est vrai que l’on peut être intimidé. La production de la sidérurgie liégeoise ne représente-t-elle pas que 0,002% au niveau mondial et un peu plus de 2% au niveau d’ArcelorMittal (2,6 millions de tonnes pour 2008, selon les prévisions initiales, contre 118 millions pour le groupe) ? Mais il ne faut pas confondre la quantité et la qualité du travail qu’effectue la sidérurgie liégeoise. De plus, le centre de recherche d’ArcelorMittal à Liège engage un treizième des chercheurs du groupe, ce qui renforce déjà plus la position de Liège.

    Mais c’est un fait que face à ce géant, en plus de mots d’ordres syndicaux combatifs à Liège et en Belgique pour préserver ET l’emploi ET l’environnement, la solidarité internationale s’impose. Il ne s’agit pas d’un combat de « David contre Goliath », mais d’une multitude de David dont la soumission seule fait la puissance d’un Goliath. Les travailleurs Belges, Kazakhs ou Français d’ArcelorMittal font face au même ennemi et à la même logique de profit au détriment de leurs emplois et/ou de leur sécurité.

    Des motions de solidarités peuvent être une occasion de renforcer, même de peu, la combativité des travailleurs d’autres pays et d’ici, mais peuvent surtout être une excellente opportunité pour faciliter et amplifier le développement dans les entreprises des discussions sur la stratégie syndicale à adopter, sur la base d’exploitation sur laquelle sont fondés les profits d’ArcelorMittal (et des autres entreprises d’ailleurs), sur le double jeu des partis traditionnels, etc. Ce climat de discussion renforcerait de beaucoup les mobilisations, y compris de la part de la base de la CSC contre les mots d’ordre de sa direction.

    Comme l’affirme le tract de la FGTB-Métal, « Mittal est un patron comme les autres. Avec lequel on discute d’abord, mais qu’on combat s’il le faut. Et la lutte paye. » Pourquoi ne pas imaginer un lutte en commun avec les travailleurs français, par exemple avec une manifestation commune au Luxembourg, qui pourrait aussi être l’occasion du dépôt d’une motion de solidarité envers les travailleurs exploités partout dans le monde par ArcelorMittal, en prenant appui sur la situation au Kazakhstan ?

    Beaucoup de choses peuvent être faites, mais beaucoup de doivent être faites, comme de mener la discussion sur l’absence actuelle de représentativité pour les travailleurs. Les liens entretenus par la direction de la FGTB avec le PS, et le SP.a en Flandre, freinent tout développement de la combativité des travailleurs et renforcent le syndicalisme de service – dans une situation où la pénurie de moyens se généralise en conséquence des nombreux cadeaux fiscaux et autres accordés au patronat – au détriment du syndicalisme de combat.


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  • Liège : Il y AVAIT une librairie fasciste… Victoire !

    Nous vous avions déjà parlé d’une librairie d’extrême-droite qui s’était ouverte à Liège. A l’appel du Front Anti Fasciste (FAF), plusieurs actions s’étaient déroulées, dont une manifestation qui avait rassemblé 200 personnes le 9 novembre dernier. D’autre part, une pétition a recueilli près de 4.000 signatures. Le 31 janvier, cette vitrine d’idées réactionnaires et xénophobes n’existera plus !

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    Action anti Le Pen

    Départ de Liège : RDV 15h45 Liège Guillemins
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    La propriétaire du bâtiment a en effet demandé une résiliation du bail commercial pour cause de « troubles de l’ordre publics » suite aux « troubles (manifestation, carreau cassé, etc. NDLR) que cela engendrait ». Les mobilisations n’ont donc pas été vaines, et la gérante de la librairie a déclaré que le Réseau de diffusion d’ouvrages d’extrême-droite Primatice a « été refroidi », et ne compte rouvrir quelque chose dans la cité ardente.

    On ne peut que se féliciter de ce dénouement, mais la diffusion des publications d’extrême-droite n’est pas encore devenue impossible à Liège: on peut ainsi, par exemple, commander des dizaines de livres d’extrême-droite à la FNAC via son site internet! Une campagne doit être organisée auprès de la FNAC pour qu’elle mette fin à ce scandale.

    Il n’y a pas que l’extrême-droite organisée à combattre : chaque espace laissé à ces idées immondes entretient le climat de haine qui handicape l’unité des victimes du système dans leur lutte.

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  • Accuser l’impérialisme. “La Grande Guerre pour la Civilisation : La Conquête du Moyen-Orient”

    Qui donc porte la responsabilité de la catastrophe au Moyen-Orient ? Dans ce livre, le journaliste Robert Fisk tente de retracer tous les événements qui se sont déroulés dans cette région au cours des 30 dernières années.

    Revue par Per-Ake Westerlund.

    Fisk a connu plus d’aventures que la plupart des héros de films. Parmi les gens qu’il a interviewés en tant que reporter figurent l’Ayatollah Khomeini et Oussama ben Laden, l’un pour le Times, l’autre pour The Independant. Il se trouvait en Iran pendant et après la révolution de 1979. Il a visité plusieurs fois la ligne de front des deux côtés pendant la guerre entre l’Iran et l’Iraq, en 1980-88. Il a accompagné les troupes russes dans les années 80’s jusqu’en Afghanistan, et y a été battu par une foule en colère après les bombardements américains de 2001. Il est arrivé à Bagdad par le dernier avion juste avant que Bush ne lance ses premiers missiles en mars 2003.

    Fisk est toujours volontaire pour prendre des risques afin de se faire sa propre opinion sur ce qui se passe réellement. Il a de plus en plus défié la majorité des médias, par sa critique de la guerre d’Iraq et de l’oppression des Palestiniens par l’Etat d’Israël. Par conséquent, ce qu’il écrit vaut toujours la peine d’être lu, et c’est encore plus le cas pour ce livre, qui comprend plus de 1000 pages sur l’histoire récente du Moyen-Orient. Si le point de départ est la propre expérience de l’auteur, le thème n’en est pas moins la responsabilité des puissances occidentales dans la guerre, la souffrance et la dictature dans cette partie du monde. Une de ses conclusions est que « historiquement, il n’y a jamais eu d’implication de l’Occident dans le monde arabe sans que s’ensuive une trahison ».

    Fisk écrit que le 11 septembre n’est pas la raison de ce livre, mais plutôt une tentative d’expliquer l’enchaînement des événements qui a mené aux fameux attentats. Comment Oussama ben Laden a-t-il pu remporter tous les sondages de popularité ? D’où vient-il ? La réponse se trouve dans l’histoire. Tout au long du 20ème siècle, les puissances occidentales ont démarré des guerres, occupé des pays, et renversé des régimes au Moyen-Orient, encore et encore. Selon Fisk, tout Arabe raisonnable serait d’accord de dire que les attentats du 11 septembre sont un crime, mais demanderait aussi pourquoi le même mot n’est pas employé lorsqu’on parle des 17 500 civils tués par l’invasion du Liban par Israël en 1982. Alors que les régimes du Moyen-Orient – l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, la Palestine actuelle de Mahmoud Abbas – sont en excellents termes avec les Etats-Unis, ben Laden et d’autres islamistes ont rappelé aux masses toutes les guerres contre les musulmans dirigées par les USA et Israël. Avec l’échec sur le plan international des partis communistes staliniens et du mouvement social-démocrate à montrer la voie à suivre pour la lutte, c’est la religion qui est apparue comme un facteur politique. C’est le même facteur qui a également été utilisé par des régimes qui se prétendaient comme étant des musulmans authentiques – parmi lesquels le régime de Saddam Hussein des dernières années n’était pas des moindres.

    A la suite du 11 septembre, George Walker Bush, avec le soutien des « dirigeants mondiaux », a décidé de bombarder ce pays déjà dévasté qu’était l’Afghanistan. Lorsque ce pays a été envahi par l’Union Soviétique en 1980, cela était le début d’une guerre qui allait durer 16 ans, avec plus d’un million de morts et six millions de réfugiés. Le régime stalinien déclinant de Moscou fut forcé à une retraite en 1988, après une longue guerre contre les « saints guerriers » moudjahiddines, que le président Reagan saluait en tant que « combattants de la liberté ». Parmi eux se trouvait un contingent saoudite, mené par le milliardaire ben Laden, financé et encadré par la CIA, la monarchie saoudite, et le Pakistan. A partir de 1988, le pays sombra dans la guerre civile entre différentes troupes de moudjahiddines, avant la prise du pouvoir par les Talibans en 1966. Les Talibans étaient des enfants de réfugiés afghans vivant dans la misère, élevés dans des écoles islamistes de droite au Pakistan, et armés par les services secrets pakistanais. Les Talibans prirent rapidement le contrôle du pays et établirent un régime islamiste fortement réactionnaire, notoire pour sa répression des femmes, son interdiction de la musique, etc. Oussama ben Laden, en conflit avec les Saoudites et les Américains après la première guerre d’Iraq en 1991, fut accueilli par les Talibans avec tous les honneurs.

    Malgré le caractère du régime taliban, Fisk avait prévenu à quoi allaient mener les bombardements de Bush Jr. L’Alliance du Nord, les troupes au sol alliées de Bush, était elle aussi constituée d’assassins islamistes de droite – bien qu’opposés aux Talibans. Le nouveau président, Hamid Karzai, est un ancien employé d’Unocal, une compagnie pétrolière américaine qui essayait d’obtenir un contrat avec les Talibans au sujet d’un pipeline reliant l’Asie Centrale au Pakistan. Les avertissements de Fisk s’avérèrent rapidement fondés, de sorte qu’aujourd’hui la population locale se retrouve de nouveau piégée dans une guerre entre les troupes menées par les Etats-Unis d’une part, et les nouvelles forces des Talibans de l’autre.

    Fisk nous fournit également un important récit des développements en Iran depuis1953, lorsque le Premier Ministre élu, Mohammad Mossadegh, fut renversé après qu’il ait nationalisé les installations de la Compagnie Pétrolière Anglo-iranienne (aujourd’hui devenue British Petroleum – BP). Dans les années 1980’s, Fisk a interviewé un des agents britanniques qui, avec la CIA, avait dirigé le coup d’Etat et installé le régime du Shah et de sa répugnante police secrète, la SAVAK. Le Shah devint un allié de confiance pour l’impérialisme américain en tant que fournisseur de pétrole et soutien militaire. A la base, cependant, le nationalisme iranien et la haine des Etats-Unis n’en furent que renforcés.

    La situation finit par exploser lors de la révolution de 1979. Fisk cite Edward Mortimer, un de ses amis reporters, qui avait décrit ce mouvement en tant que « révolution la plus authentique de l’histoire mondiale depuis 1917 ». La principale faiblesse de Fisk est qu’il ne comprend pas le rôle de la classe salariée, bien qu’il insiste sur le fait que « les pauvres des villes » furent la principale force de la révolution. Les slogans et les espoirs des travailleurs et des organisations de gauche pour une « démocratie populaire » entrèrent bientôt en conflit avec les intentions des islamistes et des mollahs. La classe salariée dans le nord de l’Iran avait confisqué la propriété capitaliste, tandis que le régime de Khomeini, basé sur des couches urbaines plus riches, était contre toute forme d’expropriation. Pendant une longue période, la gauche pouvait se rallier un large soutien. Fisk décrit la manière dont un demi-million d’étudiants manifestèrent avec le Fedayin, alors illégal, en novembre 1979. Khomeini dut agir petit à petit pour écraser la gauche et les organisations de la classe salariée. Il exploita au maximum le conflit avec l’impérialisme américain, conduisant les partis communistes pro-Moscou, comme le Tudeh, à soutenir Khomeini jusqu’à ce qu’ils soient démantelés de force en 1983. Même alors, le régime au pouvoir en Russie ne voyait aucun problème à fournir des armes à Téhéran. Des purges massives furent menées pendant la guerre contre l’Iraq, parfois sur base d’informations « anti-communistes » fournies par l’Occident. Au cours de l’année 1983, 60 personnes par jour ont été exécutées, parmi eux de nombreux jeunes.

    Lorsque la machine militaire de Saddam attaqua l’Iran en 1980, le sentiment dans les médias et chez les « experts » était que l’Iraq remporterait une victoire rapide. Mais les troupes se retrouvèrent rapidement bloquées sitôt passée la frontière, et l’armée iraqienne commença à envoyer des missiles sur les villes iraniennes, y compris des armes chimiques. Fisk donne des rapports détaillés et émouvants en provenance du front, décrivant les horreurs qui s’y passent et interviewant des enfants soldats, enrôlés pour devenir des martyrs.

    Les puissances occidentales ne remirent à aucun moment en cause leur confiance en Saddam – c’est en 1983 que Donald Rumsfeld, alors secrétaire à la défense aux Etats-Unis, comme en 2003, rendit sa fameuse visite à Saddam – même si certains d’entre eux vendirent des armes à chacun des deux camps tout au long du conflit qui dura huit ans et coûta plus d’un million de vies. Plus de 60 officiers américains opéraient en tant que « conseillers militaires » auprès de Saddam, lequel bénéficiait également des données satellites de Washington. L’Arabie Saoudite paya plus de 25 milliards de dollars pour financer les frais de guerre de Bagdad. Le Koweït et l’Egypte furent eux aussi des mécènes enthousiastes. Même lors de l’Anfal, la terrible guerre que Saddam mena contre les Kurdes en Iraq du Nord, personne en Occident ne protesta. Rien qu’à Halabja, 5000 Kurdes furent tués par des armes chimiques les 17 et 18 mars 1988.

    La marine américaine était mobilisée dans le Golfe Persique, afin de menacer l’Iran. Un missile américain fut tiré sur un avion civil iranien qui transportait des passagers civils. L’hypocrisie américaine, cependant, fut révélée à tous lors de l’affaire Iran-Contra, en 1986. Les USA avaient vendu 200 missiles en secret à l’Iran dans l’espoir de pouvoir récupérer des otages américains qui avaient été capturés au Liban par des groupes liés à l’Iran. L’argent obtenu par la vente des armes fut ensuite envoyé aux troupes réactionnaires des Contra, au Nicaragua.

    Lorsque Saddam Hussein envahit le Koweït en 1990, il avait rendu visite à l’ambassadeur américain à Bagdad qui lui avait donné l’impression que Washington n’allait pas réagir. Il était toujours l’agent de l’Occident. En juin 1990, le gouvernement britannique avait encore approuvé la vente de nouvel équipement chimique à l’Iraq. Le Koweït avait fait partie de la même province de l’Empire Ottoman que l’Iraq jusqu’en 1889, et avait failli être à nouveau rattaché à l’Iraq en 1958, ce qui avait été empêché par les troupes britanniques.

    Mais l’enjeu ici était le pétrole, et les intérêts des autres alliés des Américains. Le régime saoudite invita les troupes américaines dans le plus important des pays islamiques, ce qui eut plus tard d’importantes répercussions. L’escalade qui mena à la guerre se forma sous l’illusion d’une alliance avec le drapeau des Nations-Unies, mais dans la pratique ce fut la plus grosse intervention américaine depuis la retraite humiliante du Vietnam. Mais cette fois-ci, la guerre démarra par un bombardement massif, qui dura 40 jours et 40 nuits, avec 80 000 tonnes d’explosifs, plus que pendant toute la seconde guerre mondiale. Parmi les cibles se trouvaient des ponts, des centrales électriques, et des hôpitaux. Les troupes de Saddam devaient se contenter de rations de survie, et fuirent de panique au moment où l’offensive au sol fut lancée. Entre 100 000 et 200 000 iraqiens furent massacrés par les attaques des avions, tanks et troupes américains.

    George Bush père appela alors à une grande insurrection contre Saddam, mais laissa les rébellions kurdes et chiites se faire réprimer ddans le sang. Fisk cite un officier américian disant "mieux vaut le Saddam que nous connaissons" que n’importe quel autre régime dont on serait moins certain. Plus de gens moururent lors de l’étouffement des émeutes qu’au cours de la guerre en elle-même, et deux millions de Kurdes devinrent des réfugiés.

    Les mêmes Etats arabes qui, quelques années plus tôt, avaient financé la guerre de Saddam en Iran, payèrent également la nouvelle facture, de 84 milliards de dollars. Et dans les deux années qui suivirent, les Etats-Unis vendirent des armes d’une valeur de 28 milliards de dollars à tous les pays de la région.

    Contre cet Iraq à l’infrastructure détruite et à la population appauvrie, les Nations Unies décidèrent d’appliquer toutes sortes de sanctions, qui conduisirent à ce que « 4500 enfants meurent chaque jour », selon Dannis Halliday, représsentant de l’Unicef en octobre 1996. Robert Fisk raconte la manière dont les enfants, victimes de munitions à l’uranium appauvri, souffrent de cancers – un mal dont souffrent également beaucoup de soldats américains. En plein milieu de la crise humanitaire, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne poursuivirent leurs raids de bombardements aériens, notamment le jour du Nouvel An 1999.

    Après le 11 septembre et les attaques sur l’Afghanistan, il était clair que Bush, Rumsfeld et leurs conseillers néoconservateurs visaient l’Iraq. Fisk énumère chacun des arguments qu’ils inventèrent pour se justifier, des « armes de destruction massive » aux « connections » avec al-Qaïda. De plus, George W Bush promettait « la démocratie pour tout le monde musulman », un objectif pour lequel il ne consulta que très peu ses amis d’Arabie Saoudite, d’Egypte et du Pakistan. L’appareil de propagande exigea alors que le soutien de l’Occident à Saddam soit oublié. La « guerre contre la terreur », à ce stade, signifiait aussi le soutien à Israël et à la guerre que la Russie menait en Tchétchénie. Les critiques de Fisk firent en sorte qu’il fut montré du doigt en tant que partisan du régime de Saddam.

    Cette guerre, que Fisk suivit à partir de Bagdad, signifiait encore plus de bombardements que 12 ans plus tôt. Fisk contraste les missiles dirigés par ordinateur aux hôpitaux sans ordinateurs qu’il visita. Les Etats-Unis lâchaient également des bombes à fragmentation contre les civils, ce qu’Israël a aussi fait par deux fois au Liban.

    Fisk demeura à Bagdad après sa « libération », le 9 avril 2003, lorsque le pillage de masse fut entamé. Les troupes américains ne protégeaient que le pétrole et les bâtiments du Ministère de l’Intérieur. A Bagdad, des documents vieux de plusieurs millénaires furent détruits lorsque les généraux américains pénétrèrent dans les palais de Saddam. Les Américains agirent comme le font tous les occupants, écrit Fisk. Les manifestants furent abattus ; Bremer, le consul américain pendant la première année, interdit le journal du dirigeant chiite Moqtada al-Sadr ; des soldats américains paniqués fouillèrent des maisons. Avec les prisons d’Abu Ghraïb et de Guantánamo, les Etats-Unis ont également copié les méthodes de torture chères à Saddam, allant jusqu’à réemployer le même médecin-en-chef. Les USA « quitteront le pays. Mais ils ne peuvent pas quitter le pays… », est le résumé que Fisk nous donne de la crise de l’impérialisme en Iraq, une description qui est toujours exacte aujourd’hui.

    Le livre de Robert Fisk contient beaucoup d’action, mais aussi de nombreux sujets d”analyse intéressants. Il écrit au sujet du génocide arménien de 1915 ; de la guerre de libération et de la guerre civile des années 90’s en Algérie ; de la crise de Suez en 1956. Il suit à la trace les producteurs du missile Hellfire utilisé par un hélicoptère Apache israélien qui tua des civils dans une ambulance au Liban. Il dit que le coût d’une année de recherche sur la maladie de Parkinson (qui emporta sa mère) est équivalent à cinq minutes de la dépense mondiale d’armes dans le monde. Il analyse la Jordanie et la Syrie ; il écrit au sujet de son père, qui était un soldat dans la première Guerre Mondiale. Ses critiques massives et bien fondées, toutefois, ne deviennent jamais des critiques du système, du capitalisme ni de l’impérialisme. A chaque fois qu’il parle des attaques militaires britanniques ou américaines, il dit « nous ».

    Les travailleurs et les socialistes eu Moyen-Orient et partout dans le monde doivent tirer les conclusions nécessaires de l’histoire de la région et des événements qui s’y déroulent actuellement. La classe salariée, alliée aux pauvres des villes et aux paysans, a besoin d’un parti révolutionnaire et socialiste, capable d’unifier la classe dans la lutte contre le capitalisme, l’impérialisme et la dictature, au-delà des différences religieuses et ethniques.

  • 30/01 Action anti-FN: NON A LE PEN A BRUXELLES !

    Le Front National Belge organise le mercredi 30/01,un diner-rencontre au parlement européen avec Jean-Marie LE PEN, le président du FN français. Celui-ci soutien la nouvelle direction du FN belge. Participe à l’Action de Résistance Internationale contre les racistes et néo-fascistes du FN et la politique anti-sociale !

    Suite à l’inculpation de son ancien président, Daniel Féret, pour fraudes et escroqueries, le FN essaie de se donner un nouveau visage. Non pas pour changer ses pratiques mais pour permettre à des envieux d’en prendre le contrôle ! Le FN et le FNB ont décidé de fusionner pour dynamiser le parti néo-fasciste.C’est Dans ce cadre qu’ils organisent un dîner-rencontre avec Jean-Marie LE PEN au Parlement Européen.

    Lors Des dernières élections, le FN a obtenu un peu moins de 6% des votes. Beaucoup se tournent vers l’extrême-droite en réaction à la politique néo-libérale menée par les partis traditionnels contre les conditions de vie des travailleurs et de leurs familles. Le manque d’emplois décents, de logements à prix abordables, de moyens pour les écoles, d’infrastructures pour les jeunes,… Sont la base pour le succès des idées racistes. L’extrême droite en profite et veut nous faire croire que tous nos problèmes sont de la faute de notre voisin, collègue ou camarade de classe qui n’a pas la même couleur de peau, religion ou origine. Hier, les boucs emissaires étaient les Juifs, les Tziganes, … Aujourd’hui, ce sont les Arabes, les Noirs, … Et demain ?

    « Diviser pour mieux règner », une méthode bien connue pour faire payer la crise du capitalisme aux jeunes et aux travailleurs. Le problème est que ce système protège une minorité qui s’enrichit de jours en jours alors que le majorité de la population doit se battre pour avoir des conditions de vie décentes.Mais Ni le FN ni le Vlaams Belang ne sont de vraies alternatives. Ils défendent une politique antisociale encore plus dure. Ce sont les pires ennemis des jeunes et des travailleurs. Nous devons nous organiser pour lutter ensemble contre la politique d’attaques sociales, terreau du racisme et du fascisme.

    Ne les laissons pas s’organiser !

    Participe aux actions de Résistance Internationale !

    Résistance Internationale est une organisation de lycéens qui lutte contre le racisme, le sexisme, la guerre et le capitalisme. Pour nous, il est important de faire le lien entre les luttes contre les différentes discriminations et la lutte générale des travailleurs pour de meilleures conditions de travail et de vie. Nous lions toujours nos actions à la construction d’une alternative au capitalisme.

    Rejoins RI et construis avec nous la Résistance ! DES EMPLOIS, PAS DE RACISME ! TOUT CE QUI NOUS DIVISE NOUS AFFAIBLIT !

    Pour en savoir plus:

  • La plus grande occupation souterraine de l’histoire de Pologne! Des actions de solidarités urgentes sont nécessaires!

    Cinq cents mineurs participent à une grève avec occupation à 1.000 mètres de fonds dans la mine polonaise de Budryk. C’est la plus grande grève souterraine de l’histoire polonaise. La protestation a commencé à la mi-décembre, mais, début janvier de cette année, les mineurs ont décidé de déplacer leur occupation au sein même de la mine métier de la mine sous terre.

    Article par Paul Newberry, GPR (organisation-sœur du MAS/LSP en Pologne)

    Les mineurs exigent l’égalité salariale de l’ensemble des employés de la Jastrzebska Coal Company, qui vient juste de reprendre leur mine. Bien que la productivité dans la mine de Budryk soit équivalente à deux fois la moyenne dans ce secteur de l’industrie, ces travailleurs gagnent les plus bas salaires de l’industrie minière.

    Cependant, la grève a excité la haine de classe éprouvée par tous les principaux partis politiques, tous unis dans leur dénonciation et leurs attaques contre les mineurs. Tous les journaux polonais – y compris les prétendus journaux « démocratiques » et « respectables » tels que la Gazeta Wyborcza d’Adam Michnik – attaquent également cette grève, propageant mensonges et calomnies à l’encontre des mineurs. Jaroslaw Zagorowski, le président de la Jastrzebska Coal Company, a comparé les syndicats organisant la grève de Budryk aux pirates de l’air et a qualifié les dirigeants de la grève de « terroristes ».

    Malheureusement, les attaques ne viennent pas que du camp des grandes entreprises et de ses laquais achetés au Parlement polonais. Solidarnosc joue un rôle de casseur de grève dans ce conflit, chose qui n’est d’ailleurs pas inhabituelle de la part de ce « syndicat ». Marek Szolc, leader syndical de Solidarnosc à la mine de Budryk et anti-globaliste proéminant membre d’ATTAC, a scandaleusement fait appel à l’Etat pour qu’il intervienne par tous les moyens nécessaires pour briser la grève. De la même manière, ZZG, un autre syndicat minier, s’est joint aux patrons pour attaquer les deux syndicats qui sont derrière la grève, Août 80 et Kadr.

    Les vrais terroristes sont ceux qui forment la Mafia des mines – les syndicalistes corrompus et les directeurs du secteur du charbon, qui agissent en tant que parasites sur l’industrie et siphonnent les bénéfices des mines pour leurs propres compagnies privées. Des syndicats tels que Solidarnosc s’opposent à la grève car leurs dirigeants, il y a bien longtemps déjà, ont rejoint le côté des patrons et ont abandonné toutes les luttes sérieuses pour améliorer les droits et les conditions de vie des travailleurs. La terreur qu’ils ont introduits dans les mines a directement conduit au traficage délibéré des senseurs à gaz de la mine de Halemba qui, il y a juste un an, a eu pour conséquence la mort de 23 mineurs tués dans une explosion de méthane. Les mineurs sont déterminés à gagner !

    La détermination des mineurs est renforcée par celle de leurs familles. Les épouses et les familles des mineurs font le piquet tous les jours devant la mine pour montrer leur soutien. Les mineurs et leurs partisans, y compris le Groupe pour un Parti des Travailleurs (GPR, section polonaise du Comité pour une Internationale Ouvrière, l’internationale à laquelle est affilié le MAS/LSP), essayent de construire et d’élargir le soutien et la solidarité envers la grève. Au cours de ces 2 dernières années, les mineurs du syndicat Août 80 ont parcouru le pays en long et en large pour supporter les travailleurs en lutte et pour défendre les droits des femmes. Le niveau de solidarité qu’ils ont montré est sans précédent dans l’histoire polonaise récente. Maintenant, les mineurs d’Août 80 ont besoin de l’appui d’autres travailleurs. Le 10 janvier se sont déroulées des manifestations dans plusieurs villes de Pologne, y compris à Varsovie.

    GPR appelle à des actions de solidarité avec les mineurs de Budryk. Non seulement exigeons-nous l’augmentation salariale que les mineurs réclament et méritent, mais nous exigeons également la fin des privatisations. Nous croyons que cette grève et l’expérience de la tragédie de Halemba a démontré la nécessité du contrôle ouvrier et de la gestion de l’industrie par les travailleurs eux-mêmes.

    Nous soutenons l’appel du Comité de Grève pour la solidarité internationale et soutenons la grève. Des donations de soutien peuvent être effectuées sous le nom "Support fund for families of striking miners of Budryk" (fond de soutien pour les familles et les mineurs de Budryk). Le numéro de compte bancaire est POLU PL PR PL 23 8454 1053 2001 0041 5426 0001. Le nom de la banque est : Banque Orzesko-Knurowski Bank, Spódzielczy Oddzia, Ornontowice, Pologne.

    Les messages de soutien pour nos camarades polonais sont les bienvenus à : poldek@mdnet.pl

  • Trotsky : « Pourquoi Staline l’a-t-il emporté ? »

    Histoire

    En 1917 se déroula la révolution qui porta pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité les masses exploitées au pouvoir. Hélas, à cause de l’arriération de la jeune République Soviétique héritée de l’ancien régime tsariste et des destructions dues à la Première Guerre Mondiale et à la guerre civile, à cause aussi de l’isolement du premier Etat ouvrier suite à l’échec des révolutions dans les autres pays – et plus particulièrement en Allemagne – une bureaucratie a su émerger et usurper le pouvoir.

    Staline a personnifié ce processus, tandis que Trotsky, proche collaborateur de Lénine et ancien dirigeant de l’insurrection d’Octobre et de l’Armée Rouge, a été la figure de proue de ceux qui étaient restés fidèles aux idéaux socialistes et qui, tout comme Trotsky lui-même en 1940, l’on bien souvent payé de leur vie.

    Dans ce texte de 1935 qui répond aux questions de jeunes militants français, Trotsky, alors en exil, explique les raisons de la victoire de la bureaucratie sur l’opposition de gauche (nom pris par les militants communistes opposés à la dérive bureaucratiques et à l’abandon des idéaux socialistes et internationalistes par l’Union Soviétique).

    Il explique aussi pourquoi il n’a pas utilisé son prestige dans l’Armée Rouge – qu’il avait lui-même mis en place et organisée pour faire face à la guerre civile – afin d’utiliser cette dernière contre la caste bureaucratique.

    Derrière cette clarification d’un processus majeur lourd de conséquences pour l’évolution ultérieure des luttes à travers le monde se trouvent aussi la question du rôle de l’individu dans le cours historique ainsi qu’une réponse à la maxime « la fin justifie les moyens », deux thèmes qui n’ont rien perdu de leur actualité.


    Pourquoi Staline l’a-t-il emporté ?

    « Comment et pourquoi avez vous perdu le pouvoir ? », « comment Staline a-t-il pris en main l’appareil ? », « qu’est-ce qui fait la force de Staline ? ». La question des lois internes de la révolution et de la contre-révolution est posée partout et toujours d’une façon purement individuelle, comme s’il s’agissait d’une partie d’échec ou de quelque rencontre sportive, et non de conflits et de modifications profondes de caractère social. De nombreux pseudo-marxistes ne se distinguent en rien à ce sujet des démocrates vulgaires, qui se servent, en face de grandioses mouvements populaires, des critères de couloirs parlementaires.

    Quiconque connaît tant soit peu l’histoire sait que toute révolution a provoqué après elle la contre-révolution qui, certes, n’a jamais rejeté la société complètement en arrière, au point de départ, dans le domaine de l’économie, mais a toujours enlevé au peuple une part considérable, parfois la part du lion, de ses conquêtes politiques. Et la première victime de la vague réactionnaire est, en général, cette couche de révolutionnaire qui s’est trouvée à la tête des masses dans la première période de la révolution, période offensive, « héroïque ». […]

    Les marxistes savent que la conscience est déterminée, en fin de compte, par l’existence. Le rôle de la direction dans la révolution est énorme. Sans direction juste, le prolétariat ne peut vaincre. Mais même la meilleure direction n’est pas capable de provoquer la révolution, quand il n’y a pas pour elle de conditions objectives. Au nombre des plus grands mérites d’une direction prolétarienne, il faut compter la capacité de distinguer le moment où on peut attaquer et celui où il est nécessaire de reculer. Cette capacité constituait la principale force de Lénine. […]

    Le succès ou l’insuccès de la lutte de l’opposition de gauche (1) contre la bureaucratie a dépendu, bien entendu, à tel ou tel degré, des qualités de la direction des deux camps en lutte. Mais avant de parler de ces qualités, il faut comprendre clairement le caractère des camps en lutte eux-mêmes ; car le meilleur dirigeant de l’un des camps peut se trouver ne rien valoir pour l’autre camp, et réciproquement. La question si courante et si naïve : « pourquoi Trotsky n’a-t-il pas utilisé en son temps l’appareil militaire contre Staline ? » témoigne le plus clairement du monde qu’on ne veut ou qu’on ne sait pas réfléchir aux causes historiques générales de la victoire de la bureaucratie soviétique sur l’avant-garde révolutionnaire du prolétariat…

    Absolument indiscutable et d’une grande importance est le fait que la bureaucratie soviétique est devenue d’autant plus puissante que des coups plus durs se sont abattus sur la classe ouvrière mondiale (2). Les défaites des mouvements révolutionnaires en Europe et en Asie ont peu à peu miné la confiance des ouvriers soviétiques dans leur allié international. A l’intérieur du pays régnait toujours une misère aiguë (3). Les représentants les plus hardis et les plus dévoués de la classe ouvrière soit avaient péris dans la guerre civile, soit s’étaient élevés de quelques degrés plus hauts, et, dans leur majorité, avaient été assimilés dans les rangs de la bureaucratie, ayant perdu l’esprit révolutionnaire. Lassée par les terribles efforts des années révolutionnaires, privée de perspectives, empoisonnée d’amertume par une série de déceptions, la grande masse est tombée dans la passivité. Une réaction de ce genre s’est observée, comme nous l’avons déjà dit, après chaque révolution. […]

    […] L’appareil militaire […] était une fraction de tout l’appareil bureaucratique et, par ses qualités, ne se distinguait pas de lui. Il suffit de dire que, pendant les années de la guerre civile, l’Armée Rouge absorba des dizaines de milliers d’anciens officiers tsaristes (4).

    […] Ces cadres d’officiers et de fonctionnaires remplirent dans les premières années leur travail sous la pression et la surveillance directe des ouvriers avancés. Dans le feu de la lutte cruelle, il ne pouvait même pas être question d’une situation privilégiée pour les officiers : le mot même était rayé du vocabulaire. Mais après les victoires remportées et le passage à la situation de paix, précisément l’appareil militaire s’efforça de devenir la fraction la plus importante et privilégiée de tout l’appareil bureaucratique. S’appuyer sur les officiers pour prendre le pouvoir n’aurait pu être le fait que de celui qui était prêt à aller au devant des appétits de caste des officiers, c’est-à-dire leur assurer une situation supérieure, leur donner des grades, des décorations, en un mot à faire d’un seul coup ce que la bureaucratie stalinienne a fait progressivement au cours des dix ou douze années suivantes. Il n’y a aucun doute qu’accomplir un coup d’Etat militaire contre la fraction Zinoviev-Kaménev-Staline (5), etc., aurait pu se faire alors sans aucune peine et n’aurait même pas coûté d’effusion de sang ; mais le résultat d’un tel coup d’Etat aurait été une accélération des rythmes de cette même bureaucratisation et bonapartisation, contre lesquels l’opposition de gauche entrait en lutte.

    La tâche des bolcheviques-léninistes, par son essence même, consistait non pas à s’appuyer sur la bureaucratie militaire contre celle du parti, mais à s’appuyer sur l’avant-garde prolétarienne et, par son intermédiaire, sur les masses populaires, et à maîtriser la bureaucratie dans son ensemble, à l’épurer des éléments étrangers, à assurer sur elle le contrôle vigilant des travailleurs et à replacer sa politique sur les rails de l’internationalisme révolutionnaire. Mais comme dans les années de guerre civile, de famine et d’épidémie, la source vivante de la force révolutionnaire des masses s’était tarie et que la bureaucratie avait terriblement grandit en nombre et en insolence, les révolutionnaires prolétariens se trouvèrent être la partie la plus faible. Sous le drapeau des bolcheviques-léninistes se rassemblèrent, certes, des dizaines de milliers des meilleurs combattants révolutionnaires, y compris des militaires. Les ouvriers avancés avaient pour l’opposition de la sympathie. Mais cette sympathie est restée passive : les masses ne croyaient plus que, par la lutte, elles pourraient modifier la situation. Cependant, la bureaucratie affirmait : « L’opposition veut la révolution internationale et s’apprête à nous entraîner dans une guerre révolutionnaire. Nous avons assez de secousses et de misères. Nous avons mérité le droit de nous reposer. Il ne nous faut plus de « révolutions permanentes ». Nous allons créer pour nous une société socialiste. Ouvriers et paysans, remettez vous en à nous, à vos chefs ! » Cette agitation nationale et conservatrice s’accompagna, pour le dire en passant, de calomnies enragées, parfois absolument réactionnaires (6), contre les internationalistes, rassembla étroitement la bureaucratie, tant militaire que d’Etat, et trouva un écho indiscutable dans les masses ouvrières et paysannes lassées et arriérées. Ainsi l’avant-garde bolchevique se trouva isolée et écrasée par morceau. C’est en cela que réside tout le secret de la victoire de la bureaucratie thermidorienne (7). […]

    Cela signifie-t-il que la victoire de Staline était inévitable ? Cela signifie-t-il que la lutte de l’opposition de gauche (bolcheviques-léninistes) était sans espoirs ? C’est poser la question de façon abstraite, schématique, fataliste. Le développement de la lutte a montré, sans aucun doute, que remporter une pleine victoire en URSS, c’est-à-dire conquérir le pouvoir et cautériser l’ulcère de bureaucratisme, les bolcheviques-léninistes n’ont pu et ne pourront le faire sans soutien de la part de la révolution mondiale. Mais cela ne signifie nullement que leur lutte soit restée sans conséquence. Sans la critique hardie de l’opposition et sans l’effroi de la bureaucratie devant l’opposition, le cours de Staline-Boukharine (8) vers le Koulak (9) aurait inévitable abouti à la renaissance du capitalisme. Sous le fouet de l’opposition, la bureaucratie s’est trouvée contrainte de faire d’importants emprunts à notre plate-forme (10). Les léninistes n’ont pu sauver le régime soviétique des processus de dégénérescence et des difformités du pouvoir personnel. Mais ils l’ont sauvé de l’effondrement complet, en barrant la route à la restauration capitaliste. Les réformes progressives de la bureaucratie ont été les produits accessoires de la lutte révolutionnaire de l’opposition. C’est pour nous trop insuffisant. Mais c’est quelque chose. »

    Ce texte est tiré de : Trotsky, Textes et débats, présentés par Jean-Jacques Marie, Librairie générale Française, Paris, 1984.


    En savoir plus…


     

    1. Opposition de gauche – bolcheviques-léninistes

      On a tendance à séparer Lénine de la lutte contre la bureaucratie incarnée par le conflit entre Trotsky contre Staline et ses différents alliés successifs. Pourtant, la fin de la vie de Lénine est marquée par le combat commencé de concert avec Trotsky contre Staline, qu’il rencontrait à chaque fois qu’il voulait s’attarder sur un problème spécifique (constitution de l’URSS, monopole du commerce extérieur, affaire de Géorgie, transformation de l’inspection ouvrière et paysanne, recensement des fonctionnaires soviétiques,…).

      En 1923, Lénine paralysé, Staline s’est allié à Zinoviev et Kamenev contre Trotsky. La politique de la troïka ainsi créée à la direction du Parti Communiste s’est caractérisée par l’empirisme et le laisser aller. Mais dès octobre 1923, l’opposition de gauche a engagé le combat, c’est-à-dire Trotsky et, dans un premier temps, 46 militants du Parti Communiste connus et respectés de longue date en Russie et dans le mouvement ouvrier international. La base de leur combat était la lutte pour la démocratie interne et la planification (voir au point 10). Le terme de bolchevique-léninistes fait référence à la fidélités aux principes fondateurs du bolchevisme, principes rapidement foulé au pied par Staline et les bureaucrates alors qu’ils transformaient Lénine en un guide infaillible et quasi-divin. Le terme « trotskiste » a en fait été inventé par l’appareil bureaucratique comme une arme dans les mains de ceux qui accusaient Trotsky de vouloir détruire le parti en s’opposant à la « parole sacrée » de Lénine détournée par leurs soins.

     

    • « des coups plus durs se sont abattus sur la classe ouvrière mondiale »

      Pour les révolutionnaires russes, la révolution ne pouvait arriver à établir le socialisme qu’avec l’aide de la classe ouvrière des pays capitalistes plus développés. Lénine considérait par exemple qu’il fallait aider la révolution en Allemagne, pays à la classe ouvrière la plus nombreuse et la plus organisée, jusqu’à sacrifier le régime soviétique en Russie si la situation l’exigeait. Cependant, si la Révolution russe a bien engendré une vague révolutionnaire aux nombreuses répercussions, partout les masses ont échoué à renverser le régime capitaliste.

      En Allemagne, c’est cette crise révolutionnaire qui a mis fin à la guerre impérialiste et au IIe Reich. Mais, bien que cette période révolutionnaire a continué jusqu’en 1923, l’insurrection échoua en janvier 1919 et les dirigeants les plus capables du jeune Parti Communiste allemand, Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg, ont été ensuite assassinés. Quelques semaines plus tard, les républiques ouvrières de Bavière et de Hongrie ont également succombé dans un bain de sang. En France faute de direction révolutionnaire, le mouvement des masses a échoué à établir le socialisme, de même qu’en Italie où la désillusion et la démoralisation a ouvert la voie au fascisme. La stabilisation momentanée du capitalisme qui a suivit a cruellement isolé la jeune république des soviets et a favorisé l’accession au pouvoir de la bureaucratie.

      Quand sont ensuite arrivés de nouvelles opportunités pour les révolutionnaires sur le plan international, la bureaucratie avait déjà la mainmise sur l’Internationale Communiste.

      Ainsi, quand la montée de la révolution chinoise est arrivée en 1926, la politique de soumission à la bourgeoisie nationale et au Kouomintang de Tchang Kaï-Chek dictée par Moscou a eu pour effet de livrer les communistes au massacre. En mars 1927, quand Tchang-Kaï-Chek est arrivé devant la ville de Shangaï soulevée, le mot d’ordre de l’Internationale Communiste sclérosée était alors de déposer les armes et de laisser entrer les nationalistes. Ces derniers ont ainsi eu toute la liberté d’exécuter par millier les communiste et les ouvriers désarmés…

     

     

    • « A l’intérieur du pays régnait toujours une misère aiguë. »

      En 1920, alors que la guerre civile devait encore durer jusqu’à l’été 1922, l’industrie russe ne produisait plus en moyenne que 20% de sa production d’avant-guerre, et seulement 13% en terme de valeur. A titre d’exemple, la production d’acier était tombée à 2,4% de ce qu’elle représentait en 1914, tandis que 60% des locomotives avaient été détruites et que 63% des voies ferrées étaient devenues inutilisables. (Pierre Broué, Le parti bolchevique, Les éditions de minuit, Paris, 1971).

      La misère qui découlait de ces traces laissées par la guerre impérialiste de 14-18 puis par la guerre civile entre monarchistes appuyés par les puissances impérialistes et révolutionnaires a mis longtemps à se résorber.

     

     

    • « Durant la guerre civile, l’Armée Rouge absorba des dizaines de milliers d’anciens officiers tsaristes. »

      La dislocation de l’Etat tsariste et la poursuite de la participation de la Russie à la Première Guerre Mondiale entre le mois de février (où le tsarisme s’est effondré) et l’insurrection d’Octobre par les différents gouvernements provisoires avaient totalement détruit l’armée russe. Arrivés au pouvoir, les soviets durent reconstruire à partir de rien une nouvelle armée capable de défendre les acquis de la Révolution face aux restes des troupes tsaristes aidés financièrement et militairement par différentes puissances étrangères (Etats-Unis, France, Angleterre, Allemagne, Japon…).

      C’est à Trotsky qu’a alors été confiée la tâche de construire l’Armée Rouge. Face à l’inexpérience des bolcheviques concernant la stratégie militaire, Trotsty a préconisé d’enrôler les anciens officiers tsaristes désireux de rallier le nouveau régime. Approximativement 35.000 d’entre eux ont accepté au cours de la guerre civile. Ces « spécialistes militaires » ont été un temps encadrés par des commissaires politiques qui avaient la tâche de s’assurer que ces officiers ne profitent pas de leur situation et respectent les ordres du gouvernement soviétique.

     

     

    • Fraction Zinoviev-Kaménev-Staline

      Comme expliqué dans le premier point, Zinoviev et Kamenev, dirigeants bolcheviques de premier plan et de longue date, se sont alliés à Staline dès la paralysie de Lénine pour lutter contre Trotsky. Son combat contre la bureaucratisation du parti et de l’Etat les effrayait tout autant que sa défenses des idées de l’internationalisme, à un moment où ils ne voulaient entendre parler que de stabilisation du régime. Finalement, cette fraction volera en éclat quand la situation du pays et du parti forcera Zinoviev et Kamenev à reconnaître, temporairement, leurs erreurs. Ils capituleront ensuite devant Staline, mais seront tous deux exécutés lors du premier procès de Moscou en 1936.

     

     

    • Calomnies enragées

      Faute de pouvoir l’emporter par une honnête lutte d’idées et de positions, les détracteurs de l’opposition de gauche n’ont pas lésiné sur les moyens douteux en détournant et en exagérant la portée de passages des œuvres de Lénine consacrés à des polémiques engagées avec Trotsky il y avait plus de vingt années, en détournant malhonnêtement des propos tenus par Trotsky, en limitant le rôle qu’il avait tenu lors des journées d’Octobre et durant la guerre civile, ou encore en limitant ou en refusant tout simplement à Trotsky de faire valoir son droit de réponse dans la presse de l’Union Soviétique.

      Parallèlement, Lénine a été transformé en saint infaillible – son corps placé dans un monstrueux mausolée – et ces citations, tirées hors de leurs contextes, étaient devenues autant de dogmes destinés à justifier les positions de la bureaucratie. La calomnie, selon l’expression que Trotsky a utilisée dans son autobiographie, « prit des apparences d’éruption volcanique […] elle pesait sur les conscience et d’une façon encore plus accablante sur les volontés » tant était grande son ampleur et sa violence. Mais à travers Trotsky, c’était le régime interne même du parti qui était visé et un régime de pure dictature sur le parti a alors été instauré. Ces méthodes et manœuvres devaient par la suite devenir autant de caractéristiques permanentes du régime stalinien, pendant et après la mort du « petit père des peuples ».

     

     

    • « bureaucratie thermidorienne » :

      Il s’agit là d’une référence à la Révolution française, que les marxistes avaient particulièrement étudiée, notamment pour y étudier les lois du flux et du reflux révolutionnaire.

      « Thermidor » était un mois du nouveau calendrier révolutionnaire français. Les journées des 9 et 10 thermidor de l’an II (c’est-à-dire les 27 et 28 juillet 1794) avaient ouvert, après le renversement de Robespierre, Saint-Just et des montagnards, une période de réaction qui devait déboucher sur l’empire napoléonien.

     

     

    • Staline-Boukharine

      En 1926, l’économie ainsi que le régime interne du parti étaient dans un état tel que Kamenev et Zinoviev ont été forcés de reconnaître leurs erreurs. Ils se sont alors rapproché de l’opposition de gauche pour former ensemble l’opposition unifiée. Staline a alors eu comme principal soutien celui de Boukharine, « l’idéologue du parti », dont le mot d’ordre était : « Nous devons dire aux paysans, à tous les paysans, qu’ils doivent s’enrichir ». Mais ce n’est qu’une minorité de paysan qui s’est enrichie au détriment de la majorité… Peu à peu politiquement éliminé à partir de 1929 quand Staline a opéré le virage de la collectivisation et de la planification, Boukharine a ensuite été exécuté suite au deuxième procès de Moscou en 1938.

     

     

    • Koulak

      Terme utilisé pour qualifier les paysans riches de Russie, dès avant la révolution. Ses caractéristiques sont la possession d’une exploitation pour laquelle il emploie une main d’œuvre salariée, de chevaux de trait dont il peut louer une partie aux paysans moins aisés et de moyens mécaniques (comme un moulin, par exemple).

     

     

    • « la bureaucratie s’est trouvée contrainte de faire d’importants emprunts à notre plate-forme »

      Dès 1923, devant la crise dite « des ciseaux », c’est-à-dire le fossé grandissant entre les prix croissants des biens industriels et la diminution des prix des denrées agricoles, Trotsky avait mis en avant la nécessité de la planification afin de lancer l’industrie lourde. A ce moment, la Russie était encore engagée dans la nouvelle politique économique (NEP), qui avait succédé au communisme de guerre en 1921 et avait réintroduit certaines caractéristiques du « marché libre » pour laisser un temps souffler la paysannerie après les dures années de guerre. Mais cette politique devait obligatoirement n’être que momentanée, car elle permettait au capitalisme de retrouver une base en Russie grâce au koulaks et au « nepmen » (trafiquants, commerçants et intermédiaires, tous avides de profiter de leurs avantages au maximum, car ils ne savent pas de quoi sera fait le lendemain de la NEP). Une vague de grève avait d’ailleurs déferlé en Russie cette année-là.

      Finalement, en 1926, 60% du blé commercialisable se trouvait entre les mains de 6% des paysans (Jean-Jaques Marie, Le trotskysme, Flammarion, Paris, 1970). L’opposition liquidée, la bureaucratie s’est attaquée à la paysannerie riche en collectivisant les terres et en enclenchant le premier plan quinquennal. Mais bien trop tard… Tout le temps perdu depuis 1923 aurait permit de réaliser la collectivisation et la planification en douceur, sur base de coopération volontaire des masses. En 1929, la situation n’a plus permit que l’urgence, et Staline a « sauvé » l’économie planifiée (et surtout à ses yeux les intérêts des bureaucrates dont la protection des intérêts était la base de son pouvoir) au prix d’une coercition immonde et sanglante.

     

  • Problèmes rencontrés dans la construction de nouveaux partis des travailleurs

    Théorie

    Dans cet article, notre camarade Peter Taaffe analyse quelques leçons à tirer de l’histoire en ce qui concerne la formation d’organisations de masse pour les travailleurs. Il revient à ce titre plus particulièrement sur les expériences récentes accumulées en Italie et en Allemagne ainsi que lors des derniers développements qu’a connu la situation au Brésil.

    Article par Peter Taaffe, Secrétaire Général du Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière (CWI/CIO) en Angleterre et au Pays de Galles.

    Une question centrale pour le mouvement ouvrier à travers le monde – et peut-être d’ailleurs la plus cruciale à ce stade – est celle de l’absence dans la plupart des pays d’une voix politique indépendante sous forme parti(s) des travailleurs de masse.

    L’effondrement du mur de Berlin et des odieux régimes staliniens a également signifié la liquidation des économies planifiées. Il s’agissait d’un important tournant historique, avec des conséquences majeures pour la classe ouvrière et, plus particulièrement, pour sa conscience. Coïncidant avec le long boom économique des années ‘90 et la pression sans relâche du capitalisme néo-libéral, ce processus a décomposé les bases de la social-démocratie et des partis « communistes ». Les formations que Lénine et Trotsky caractérisaient encore comme des « partis ouvriers bourgeois » (ouvriers à leur base, bourgeois à leur direction) ont assisté à la disparition de leur base ouvrière pour devenir des formations purement bourgeoises. En conséquence, pour la première fois depuis des générations – plus de 100 années dans le cas de la Grande-Bretagne – la classe ouvrière est sans plate-forme politique de masse.

    Mais ce n’est pas la première fois dans l’histoire que des marxistes sont confrontés à une telle situation. Ni Marx ni Engels n’ont cru que le mouvement ouvrier gagnerait une conscience de classe indépendante ou une conscience socialiste uniquement par l’agitation, la propagande ou même leurs puissantes idées théoriques. L’expérience serait le plus grand professeur de la classe ouvrière, argumentait Marx, en combinaison avec les idées du socialisme scientifique (le marxisme). C’est pour cette raison que Marx, sans jamais diluer son propre trésor théorique, a tâché de lier ensemble dans l’action les forces dispersées de la classe ouvrière à travers, par exemple, l’établissement de la…

    …Première Internationale

    Les marxistes ont travaillé conjointement avec des syndicalistes anglais et même des anarchistes au sein de l’Internationale. Marx a toujours procédé à partir du niveau existant d’organisation et de conscience de la classe ouvrière, cherchant par sa propre intervention inestimable à l’élever à un plan supérieur. La Première Internationale a accompli cette tâche colossale mais, à la suite de la défaite de la Commune de Paris ainsi que des tentatives de sabotage et finalement la scission des anarchistes emmenés par Bakounine, la Première Internationale avait épuisé sa mission historique et a été dissoute. Cette expérience, cependant, a été essentielle en préparant le terrain pour la Deuxième Internationale, avec le développement des partis de masse, l’acceptation du socialisme, etc…

    Engels & le Labour Party

    Engels a adopté une approche similaire à celle de Marx dans la dernière partie du dix-neuvième siècle, en Grande-Bretagne par exemple, pendant la « longue hibernation » de la classe ouvrière. Il a patiemment propagé l’idée d’un « parti des travailleurs indépendant », en opposition au sectarisme des forces socialistes et même « marxistes » de ce temps. Il ne s’est par exemple pas basé sur la Social Democratic Federation (Fédération Social-Démocrate) qui avait formellement adhéré au « socialisme scientifique » et comprenait à un moment plus de 10.000 membres, mais qui avait aussi adopté une attitude ultimatiste et sectaire envers d’autres forces et en particulier envers l’idée de rassemblement pour créer un parti indépendant de la classe ouvrière. Aucun théoricien dans le mouvement ouvrier n’égalait à ce moment Engels, historiquement le second derrière Marx lui-même, mais il insistait sur le fait qu’étant donné le niveau de conscience et d’organisation politique de la classe ouvrière britannique à cette époque, un tel pas en avant vaudrait des douzaines de programmes. Il s’agissait d’une reconnaissance du fait – illustré plus tard par le développement du Labour Party (le parti travailliste) comme parti de masse – qu’une « pure » et immaculée organisation marxiste en Grande-Bretagne avec des racines dans les masses ne pourrait se développer sans que la masse de la classe ouvrière ne passe d’abord par l’expérience de son propre parti indépendant.

    Lénine a adopté la même attitude face au Labour Party qui était né depuis, même si ce dernier n’avait pas adopté une orientation socialiste à sa fondation. Il disait que même si le Labour Party « ne reconnaissait pas la lutte des classes, la lutte de classe reconnaîtrait certainement le Labour Party ». Son analyse a elle aussi été confirmée par le virage à gauche avec des traits révolutionnaires prononcés qu’a connu la Grande-Bretagne après la Révolution russe. Cela s’est notamment exprimé à l’intérieur du Labour Party par l’adoption de l’aspiration au socialisme à travers la célèbre « clause quatre », liquidée par « l’entriste bourgeois » Tony Blair en 1995.

    Depuis lors, le processus de dégénération politique du « New Labour » a été inéluctable et immuable. Et cela en dépit des minces espoirs de ceux qui comme Tony Benn habitent un avant-poste réformiste de gauche isolé au milieu de l’océan néo-libéral du New labour. Cette dégénération n’a pas seulement eu des conséquences idéologiques, mais a également affecté matériellement les luttes de la classe ouvrière. La bourgeoisie a pu utiliser avec succès l’effondrement du stalinisme pour mener une contre-révolution idéologique à travers le monde entier dont les plus grands effets se sont fait sentir aux sommets de la social-démocratie et de l’aile droite syndicale. Leur enthousiasme à embrasser l’économie de marché a renforcé la capacité de la bourgeoisie à vendre son programme néolibéral, accompagné par le leitmotiv de Thatcher, « There is no alternative / Il n’y a pas d’alternative ». À la différence des années ’80, où cette idée était rejetée, elle est maintenant renforcée par les dirigeants ex-sociaux-démocrates et par l’aile droite syndicale.

    La seule alternative

    Quand les « partis ouvriers bourgeois » étaient réformistes, la classe dirigeante était au moins forcée de regarder derrière son épaule. Ces partis étaient dans une certaine mesure un « contrôle », ne fut-ce que partiel, pour empêcher la bourgeoisie d’aller « trop loin ». Un regard sur l’Allemagne d’aujourd’hui renforce ce point. L’apparition du « Die Linke » d’Oskar Lafontaine, même avec toutes les insuffisances de ce parti, a néanmoins exercé un effet sur les sociaux-démocrates du SPD. Emmêlé dans une coalition bourgeoise avec les démocrates-chrétiens d’Angela Merkel, le SPD a connu une baisse dramatique de son soutien, électoralement ainsi qu’en terme d’adhésions. Parallèlement, Die Linke a bénéficié de la perte de soutien du SPD et se tient actuellement à environ 12% dans les sondages d’opinion. En retour, cette situation a contraint les sociaux-démocrates à s’opposer à certaines « réformes », telles que l’attaque brutale contre les chômeurs, alors qu’ils en avaient accepté le principe dans la précédente coalition et le précédent gouvernement de Schröder, lui-même du SPD.

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    ‘Pour la Grande-Bretagne’, c’est-à-dire pour les riches et les patrons, au détriment des pauvres et des travailleurs…

    En Grande-Bretagne, Gordon Brown utilise à sa sauce la vieille affirmation de Thatcher en déclarant aux directions syndicales « quelle est votre alternative au New Labour ? ». Les élections – avec les trois principaux partis qui dans les faits ne se distinguent pas – sont maintenant pratiquement une farce en Grande-Bretagne. Le système électoral britannique combiné à l’absence de réel choix signifie que les résultats des prochaines élections, comme Polly Toynbee (du quotidien The Guardian) l’a précisé, seront déterminés par les votes « marginaux ». Finalement, seuls les 20.000 électeurs « flottants » décideront du résultat.

    Ceci va de pair avec la domination d’une caste bureaucratique de droite ossifiée au sommet des syndicats, comme Prentis (secrétaire général du syndicat Unison, le plus grand syndicat professionnel de Grande Bretagne) et d’autres, qui agit en tant que véritable frein sur chaque action efficace, tel que l’a encore démontré le récent conflit postal. Mais le mécontentement colossal de la base montre que cette situation ne pourra continuer sans arriver à un conflit, dans les usines ou politiquement. Sans compétition sérieuse de la part de la gauche, y compris de la gauche syndicale, Gordon Brown continuera à traiter les syndicats et en particulier leur direction avec le plus grand mépris avec l’assurance que le New Labour est la seule alternative.

    La classe ouvrière française – actuellement engagée dans une lutte épique contre le gouvernement Sarkozy qui est décidé à casser ses droits et conditions de vie – fait face à un dilemme semblable. Durant les 15 dernières années, chaque fois que la bourgeoisie française a cherché à affronter la classe ouvrière de telle manière, cela s’est terminé par sa défaite partielle. Mais étant donné la perception négative qu’a la bourgeoisie française de sa position face à ses concurrents capitalistes européens et internationalement, les capitalistes français sont « cette fois » décidés à ne pas laisser passer de concessions à la classe ouvrière. Dans ce cadre, l’absence d’un pôle d’attraction de masse sous la forme d’un parti de masse est assurément un facteur qui affaiblit la lutte.

    Sarkozy a ainsi pu gagner les dernières élections avec une campagne menée contre son propre gouvernement, qui, selon lui, présidait une « société bloquée ». Cette stratégie n’a pu être payante que grâce à l’absence de challenger face à lui avec Ségolène Royal et son Parti Socialiste maintenant complètement bourgeois. Déjà en 1995, quand les travailleurs français avaient remporté une victoire contre la bourgeoisie et le « plan Juppé », l’absence d’une alternative politique pour les masses était palpable. Les capitalistes auraient alors pu être poussés dehors, mais faute d’un gouvernement et d’un parti politique de masse capable de l’avancer, toutes les conclusions nécessaires de cette lutte n’ont pas été tirées.

    Leçons du Brésil

    Cette situation n’existe pas au Brésil, en raison de la formation du parti du socialisme et de la liberté (P-SoL), créé en 2004 comme résultat de la révolte suscitée par le virage à droite du gouvernement de Lula après son élection en 2002. La formation de ce parti et son évolution par la suite est une donnée d’importance pour le Brésil lui-même, mais elle comprend également bien des leçons pour les travailleurs et le mouvement de la gauche internationalement. La création du P-SoL est le produit du dégoût ressenti par les travailleurs, en particulier dans le secteur public, à cause de la rapide trahison de Lula et de son gouvernement placé sous la direction du PT (Parti des Travailleurs) qui s’est exprimée dans l’acceptation des attaques contre les masses demandées par le capitalisme brésilien.

    Auparavant, des couches de la gauche brésilienne, et parmi elles même certaines qui avaient des antécédents trotskistes, avaient entretenus quelques espoirs que Lula aurait installé un gouvernement de « gauche » une fois arrivé au pouvoir. Pourtant, avant même les élections, Lula lui-même avait clairement capitulé face au « consensus de Washington » du néo-libéralisme (acceptation des principes de privatisation, de travail précaire et de soumission au capital étranger). Son évolution à droite avait été illustrée par les nombreux éloges qu’il avait reçu de la part des chauds partisans et prêcheurs du néo-libéralisme « social-démocrate ». Ainsi, alors que Blair et Mandelson (l’un des principaux architectes de la transformation du Labour Party en New Labour et proche collaborateur de Tony Blair) avaient précédemment fortement attaqué le PT et Lula, ce dernier n’a ensuite reçu que des félicitations de leur part. Pour reprendre ses propres paroles, Lula s’est avéré être « une paire de mains sûre » pour le capitalisme et l’impérialisme brésilien. L’attaque menée contre les fonctionnaires, cependant, a provoqué une opposition au sein du PT, exprimée avec force par un certain nombre de ses parlementaires, tels que Heloísa Helena, Baba et Luciano Genro. Avec un autre parlementaire, ils ont tous été sommairement expulsés par Lula à cause de leur opposition à son programme de « réforme des pensions ».

    Cette trahison avait un sens aigu, compte tenu du fait que Lula – à la différence de Blair – est à l’origine issu des profondeurs de la classe ouvrière brésilienne. Le P-SoL a quant à lui rassemblé des sections significatives de la gauche brésilienne militante et combative. À sa conférence de fondation en 2004, ce nouveau parti s’est clairement affirmé socialiste et à gauche, avec la plupart des participants provenant d’un passé trotskiste.

    Le trotskisme possède de fortes et profondes racines en Amérique Latine, particulièrement au Brésil et en Argentine. Cette tradition s’est principalement reflétée dans deux tendances, celle du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale (USFI, United Secretariat of the Fourth International) d’Ernest Mandel et celle des organisations morénistes, menée par Nahuel Moreno. Le morénisme et son organisation internationale, Liga Internacional de los Trabajadores (LIT – la Ligue Internationale des Travailleurs) ont représenté une réaction face à Ernest Mandel et sa politique qui a combiné des éléments ultra-gauches à un moment donné (avec un soutien désastreux à des mouvements de guérilla urbaine) avec de l’opportunisme, élément qui a d’ailleurs plus tard mené l’USFI à connaître la rupture au Brésil. Certains de ses adhérents ou anciens adhérents ont participé au gouvernement de Lula comme ministres.

    On trouve dans la tradition moréniste d’excellents militants qui ont fait de grands sacrifices pour la cause des travailleurs, certains y ont même laissé leurs vies. Cela a particulièrement été le cas en Argentine et au Brésil. Dans le même temps, l’opposition de Moreno à l’opportunisme de Mandel s’est crûment exprimée. Moreno lui-même l’a illustré et a commis de sérieuses erreurs d’un caractère ultra-gauche, comme le démontre sa surestimation du MAS (nom du parti moréniste à cette époque) dans l’Argentine des années ‘80. Bien que le MAS se soit en Argentine développé pour devenir une force considérable, Moreno a surestimé sa capacité à « prendre le pouvoir ». Après sa mort, ses héritiers ont commis beaucoup d’erreurs, la plus importante concernant l’analyse de l’effondrement du stalinisme. Ils ont ainsi présenté cet évènement unilatéralement de manière « progressiste ». La bourgeoisie avait internationalement adopté une attitude similaire, résumée par le Wall Street Journal qui a déclaré dans un éditorial au nom du capitalisme « nous avons gagné ».

    En résultat de cette analyse, le courant moréniste a connu différentes ruptures qui ont donné lieu à la création de différents organismes et « Internationales » en concurrence féroce les unes contre les autres pour gagner le soutien d’une base de plus en plus réduite d’anciens militants morénistes. Une fois confrontée à l’opposition, plutôt que de débattre et de discuter des idées – comme c’est la tradition au sein du Comité pour une Internationale Ouvrière – la méthode de la direction est caractérisée par les expulsions arbitraires, à la façon du SWP britannique, ou encore tout simplement par des « invitations à partir ».

    Récents succès

    En dépit de tout cela, la plupart des initiateurs du P-SoL étaient issus du PT et d’un passé trotskiste. Lors des élections présidentielles de 2006, Heloísa Helena (qui provient de la tradition d’Ernest Mandel) a récolté presque sept millions de voix comme candidate du P-SoL et comme alternative de gauche au gouvernement de gauche « traditionnel » de Lula. Ce succès spectaculaire d’un parti très jeune – une plus grande réussite, par exemple, que celle obtenue par le PT à l’occasion de sa première participation aux élections nationales en 1982 – a été une justification complète des positions de ceux qui, à l’instar de Socialismo Revolucionário (SR, section brésilienne du Comité pour une Internationale Ouvrière) et des autres sections du CIO, ont de façon conséquente argumenté en faveur de la création d’un nouveau parti de masse. En conséquence, Socialismo Revolucionário a été l’un des pionniers du P-SoL – en prêtant ses ressources et ses bureaux au nouveau parti dans la première période de son histoire – et a également eu une présence à l’Exécutif National de ce parti. Le plus important a été que le P-SoL a entériné le droit de plate-forme et de tendance, ce qui lui a assuré d’être un parti extrêmement démocratique.

    Le P-SoL, cependant, comme Die Linke en Allemagne, n’a pas été créé dans une période d’intensification de la lutte des classes, particulièrement sous forme de conflit dans les usines, comme cela avait été par exemple le cas pour la création du PT dans les années ’80 ou pour le COSATU, la fédération syndicale d’Afrique du Sud, qui s’était déclarée socialiste et « révolutionnaire » dans sa première phase d’existence. Cette situation a eu des conséquences sur le P-SoL, qui était – et est resté – un petit parti de masse de la classe ouvrière. Les nouveaux partis de masse formés au lendemain de la Révolution russe étaient issus de scissions survenues dans les vielles organisations de la classe ouvrière (la social-démocratie) et avaient emporté la grande majorité des travailleurs actifs de ces vieux partis. Mais même alors, la social-démocratie, largement vidée de ses membres, a continué à recevoir le soutien des travailleurs inactifs. Parfois, c’est même la majorité des travailleurs qui sont restés accrochés à ces vieilles organisations suite à une inertie historique ainsi qu’à l’absence de compréhension de la nécessité de nouveaux partis révolutionnaires. Cela demandait, comme Lénine et Trotsky l’ont argumenté, que ces nouveaux Partis Communistes adoptent une tactique de « front unique » pour enrichir et influencer les actions des travailleurs toujours sous la bannière de la social-démocratie.

    Ces nouvelles formations, les Partis Communistes, s’étaient toutefois développées dans une période de révolution et étaient généralement assez grandes, avec une base active et des racines enfoncées au sein même de la classe ouvrière. Ce n’est pas le cas de Die Linke en Allemagne, qui est surtout en ce moment un phénomène électoral. Seuls quelques travailleurs et jeunes ont été disposés à rentrer dans ses rangs, et ce peu d’enthousiasme a été particulièrement visible à Berlin et en Allemagne de l’Est. Dans ces régions, Die Linke est regardé avec beaucoup de suspicion en raison des connections de ce parti avec le stalinisme et du fait que les coalitions gouvernementales à Berlin, en particulier, et ailleurs attaquent les conditions de vie de la classe ouvrière. Le P-SoL, à ses débuts, a connu une situation différente. S’il est vrai qu’un certain nombre d’organisations trotskistes étaient présentes, c’était aussi le cas d’une couche importante de travailleurs, d’ « indépendants », etc.

    Au même moment, le gouvernement de Lula a constamment plus repoussé sa base à mesure que s’est accentué son virage à droite. Renan Calheiros, membre du PT et ancien président du Sénat Brésilien, a été forcé de démissionner en raison d’un scandale de corruption. Il est, entre autres, accusé d’avoir assuré le salaire d’une ancienne journaliste avec qui il avait eu une liaison et une petite fille de 3 ans. Le Brésil est « habitué » à la corruption, qui est endémique dans les partis bourgeois. Mais la saga des méfaits de Renan a été le « scandale de trop ». La pression populaire a finalement forcé la main à Lula et Renan a été éjecté de ses fonctions.

    Le gouvernement Lula a été marqué par des accusations de corruption depuis mai 2005. Bien qu’ayant causé des dégâts sérieux au début, la corruption est tellement habituelle et « intégrée » dans la vie politique brésilienne que les brésiliens « ne s’attendaient à rien de mieux de la part de leurs politiciens ». Selon une estimation, environ 30% des membres du Congrès font l’objet de procédures judiciaires. En fait, beaucoup d’entre eux quittent leurs fonctions pour ainsi éviter les poursuites et les tribunaux ! La corruption est estimée par une étude à ce sujet à 0.5% du PIB (produit intérieur brut). Oui, il a eu un moment où le PT a été perçu comme un parti « différent », avec une vision socialiste d’une nouvelle société. Mais maintenant, tout comme les ex-sociaux-démocrates et les partis ex-« communistes » en Europe et ailleurs, le PT, après avoir accepté le capitalisme, a embrassé la « philosophie » qui y est associée.

    La bourgeoisie brésilienne s’est ralliée au gouvernement de Lula parce qu’il « fait son job » en défendant les profits du capitalisme. Le crédit et la demande domestique explosent alors que des millions de Brésiliens pauvres deviennent des « consommateurs pour la première fois » (selon le « Financial Times »). Ce qui arrive quand la base de l’économie américaine s’effondre et a des répercussions sur la Chine, un énorme marché pour les produits du Brésil, est un autre problème. Même un léger ralentissement du taux de croissance de l’économie brésilienne sera une catastrophe pour les millions de personnes, particulièrement des pauvres, qui ont placé leur confiance dans le gouvernement de Lula pour détruire le cauchemar que forme la vie quotidienne de millions de Brésiliens. L’agriculture, le secteur des services et même l’industrie ont ressenti la croissance économique du pays à la suite de la croissance économique mondiale. De plus, les dépenses dans la consommation ont augmenté, avec l’aide d’une certaine augmentation du salaire minimum et des avantages pour les plus pauvres ainsi que d’une injection de crédit dans l’économie (dont la taille a doublé depuis 2003 pour atteindre aujourd’hui environ 35% du PIB). Un ralentissement ou une récession économique mondiale aurait un effet dévastateur sur les millions de personnes dont les espoirs ont été suscités par la récente croissance économique et par la création d’emplois, bien que très mal payés.

    Le gouvernement clame que plus de 1.2 million d’emplois ont été créés dans les douze mois qui ont précédé juillet 2007. Cela a signifié que certaines des sections les plus faibles de la population et même des sections de la classe ouvrière ont bénéficié du gouvernement Lula. En conséquence, le soutien électoral fondamental du gouvernement ne s’est pas encore évaporé. La bourgeoisie tolère Lula comme la « meilleure option » tandis que les pauvres et la classe ouvrière n’ont pas encore dans leur grande majorité retiré leur soutien au gouvernement. Toutefois, la classe moyenne ressent plus intensément la crise de l’infrastructure, en particulier dans l’industrie aéronautique et s’oppose en majorité au gouvernement. La situation économique, sociale et politique est par conséquent fortement volatile.

    Pour aller plus loin de sa base limitée, bien qu’importante, de 6% de l’électorat, le P-SoL devrait se positionner de manière à attirer dans ses rangs les « réserves lourdes » de la classe ouvrière qui demeurent toujours derrière Lula et le PT à titre d’essai. Ils briseront ces amarres dès que le Brésil sera affecté par la vague économique et sociale orageuses qui arrive. Mais ce n’est pas dit que ces derniers passeront au P-SoL si ce parti n’adopte pas les politiques, la stratégie et la tactique nécessaire pour les attirer.

    Le piège électoral

    Le développement de Rifondazione Comunista (PRC) en Italie contient beaucoup de leçons et d’avertissements pour le P-SoL et le Brésil. La création du PRC a représenté un pas en avant gigantesque pour la classe ouvrière italienne mais, à ses début, il n’a entraîné avec lui que la plupart des couches les plus avancées et militantes. Le parti, en particulier sous la direction de Bertinotti, n’a pas sérieusement miné la base des Démocrates de Gauche (DS – la majeure partie de l’ancien parti communiste italien) même alors que ces derniers se déplaçaient vers la droite. Une des raisons qui explique ce phénomène est la position contradictoire du PRC, en particulier son enthousiasme électoraliste qui s’est fait aux dépens d’une dynamique de politique de lutte des classes. D’ailleurs, au lieu de poursuivre une politique d’intransigeance de classe face au capitalisme, la direction du PRC a glissé dans le marais de la collaboration de classes sous forme de coalition. Même avant qu’un « bloc national » ne se forme au niveau local et dans les villes, le PRC a partagé localement le pouvoir avec les partis bourgeois. Ceci a inévitablement conduit aux attaques contre les travailleurs et les syndicats à un niveau local et le PRC a été considéré comme responsable aux yeux des travailleurs.

    De cette étape à une coalition formelle avec les partis bourgeois autour de Prodi au niveau national, il n’y avait pas un grand pas à faire. Il ne s’agissait au début que d’un soutien « extérieur » du PRC au gouvernement « olivier » de 1996. Sans même l’effet des « avantages » des postes ministériels et des piéges qui y sont liés, le PRC s’est odieusement associé aux attaques de ce gouvernement contre la classe ouvrière et les syndicats. C’est cette politique qui a pavé la voie au retour de Berlusconi. Maintenant, Rifondazione Comunista a franchi une étape supplémentaire en rejoignant formellement la coalition de Prodi qui, comme Lula au Brésil, attaque les pensions, l’éducation et tous les acquis passés de la classe ouvrière italienne. Sous la direction de Bertinotti en tant que « président » de la chambre italienne des députés, le PRC va perdre sa peau de parti spécifiquement pour les travailleurs pour devenir une des composantes de la « chose rouge » (selon le terme utilisé par la presse pour parler de la nouvelle formation regroupant principalement le PRC, les verts et une scission des Démocrates de Gauche), qui est un masque servant à cacher la création d’un autre parti libéral et capitaliste.

    Ce processus n’est pas encore complètement arrivé à son terme au sein du PRC, mais c’est un avertissement d’ampleur au P-SoL et à tous les nouvelles organisations de la classe ouvrière. Sans politiques claires et indépendante des formations bourgeoisies (et sans coalition avec les forces bourgeoises), ces nouvelles formations, plutôt que d’être autant de chrysalides à partir desquelles peuvent émerger des pôles d’attraction pour les masses, pourraient être étouffées dès leur naissance. Le P-SoL n’a jusqu’ici pas atteint cette étape. Cependant, les énormes pressions de la société bourgeoise pour « se conformer » – c’est-à-dire élever le profil électoral aux dépens de l’intervention dans la lutte des classes, en particulier la lutte dans les usines et les mouvements sociaux en général – ont eu un certain effet sur la direction du P-SoL.

    Virage à droite

    Heloisa Helena adopte des positions moins radicales…
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    Cela s’est reflété lors des élections présidentielles, en particulier par la voix de la candidate Heloisa Helena, par la minimisation des politiques radicales dans le but d’aller au devant d’un maximum de voix. Elle s’est également prononcée contre l’avortement, mais s’est alors heurtée à la majorité des membres du P-SoL. Heloísa Helena a d’ailleurs rencontré l’opposition implacable de la majorité des délégués au récent Congrès du P-SoL. Mais un groupe constitué autour d’elle, en particulier certains membres du parlement comme Luciana Genro, qui vient de Rio Grande Del Sul, ont cherché à pousser le P-SoL vers une politique plus « pragmatique », ce qui constitue une orientation droitière. Cette position a été renforcée par de récents réfugiés issus du PT qui ont maintenant rejoints les rangs du P-SoL.

    Ensemble, ils ont avec succès décalé la direction du P-SoL vers une orientation plus à droite qui, en retour, a provoqué une opposition gauche, dans laquelle est impliquée Socialismo Revolucionário. Cette opposition a reçu juste en dessous d’un quart des voix au Congrès du P-SoL. Socialismo Revolucionário cherche à dépasser ce chiffre en forgeant un front unique des organisations les plus conséquentes de la gauche, à travers l’établissement d’un « bloc des quatre » dans le P-SoL. Ce bloc a impliqué Socialismo Revolucionário ainsi que d’autres groupes partout dans l’ensemble du Brésil, tous issus du trotskisme.

    Quelques parallèles historiques peuvent être faits avec ce développement. Après la victoire d’Hitler en 1933, sans que le Parti Communiste allemand n’ait entreprepris de résistance sérieuse, une crise profonde de confiance a traversé les « Internationales » existantes (la deuxième, social-démocrates, et la troisième, qui avait dégénéré des positions communistes vers le stalinisme). Trotsky a alors proclamé la nécessité de la création d’une nouvelle, la Quatrième Internationale. En conséquence arriva la formation d’un « bloc de quatre » partis, décrit par Trotsky comme étant « particulièrement important ». Ces quatre partis étaient l’Opposition de Gauche Internationale trotskiste, le Parti Ouvrier Socialiste allemand (SAP), et deux partis de gauche hollandais, le Parti Socialiste Révolutionnaire (RSP) et le Parti Socialiste Indépendant (OSP). Ensemble, ils ont signé une déclaration pour une « nouvelle internationale » suivant les principes de base de Marx et de Lénine.

    Ce « bloc des quatre » s’était donné des objectifs plus grandioses que l’actuel « bloc des quatre » dans le P-SoL, mais la logique est finalement identique : comment maximiser le potentiel pour la gauche dans le mouvement de la classe ouvrière. L’ancien bloc des années ‘30 n’a été jamais été consolidé en une nouvelle formation permanente en raison des contradictions politiques entre les dirigeants des partis non-trotskistes. Dans le cas du P-SoL, les organisations sont beaucoup plus proches politiquement, avec toutes les chances, si une clarté politique arrive à être obtenue, de forger une force politique cohérente au sein du P-SoL.

    Le P-SoL illustre, tout comme les expériences issues du PRC en Italie, que le succès continu et la croissance de l’influence ainsi que du nombre de membres d’un parti n’est pas automatiquement garantie si un nouveau parti se déplace vers la droite. Cependant, la gauche est plus claire et a plus de potentiel dans le P-SoL que dans le PRC italien. Il faut en voir la raison dans les organisations trotskistes qui, dès la fondation du PRC, ont poursuivi une politique fondamentalement fausse. La section italienne du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale, sous la direction du défunt Livio Maitan, ne se différenciait pas de Bertinotti – elle a été durant longtemps membre de la même « fraction » et n’a par conséquent pas gagné de forces substantielles. D’autres organisations ont adopté une position ultra-gauche ou un rôle purement militant, un rôle de commentateur.

    Le « bloc des quatre » brésilien

    L’opposition de gauche organisée dans le P-SoL est beaucoup plus forte politiquement. Le front unique des organisations, le « bloc des quatre », inclut des camarades d’Alternativa Revolucionária Socialista (Alternative Socialiste Révolutionnaire – ARS), en particulier présent à Belem, dans le nord du Brésil. Une autre organisation présente à São Paulo est le CLS (Liberté Socialiste Collective), composé de travailleurs qui ont une tradition de lutte à São Paulo et à Minas Gerais, un Etat très important, où le CLS a une base importante dans les mouvements sociaux, en particulier le mouvement des paysans sans terre et parmi les imprimeurs. Deux autres organisations participent encore à ce bloc. Il est à espérer que ce « bloc des quatre » sera consolidé par une série de meetings et d’activités publiques qui pourraient alors attirer d’autres groupes dissidents du P-SoL.

    En même temps, un processus de regroupement des marxistes-trotskistes suit son cours. À son récent congrès, auquel ont participé des représentants des groupes qui travaillent dans le « bloc des quatre », Socialismo Revolucionário, avec ces camarades, s’est fixé la tâche de construire une force marxiste numériquement plus forte et bien plus influente. Étant donné qu’à ce stade, le P-SoL est relativement vide de nouvelles couches de la classe ouvrière, cette tâche ne pourra pas seulement se faire en concentrant principalement les activités à l’intérieur de ce parti. La bataille au niveau des usines est aussi cruciale, si pas plus, en ce moment. Mais le P-SoL n’a pas encore épuisé son potentiel. L’effondrement du « Lulaïsme » et du PT aura comme conséquence que des couches plus importantes placeront leurs espoirs dans le P-SoL. Une des raisons qui justifie l’appel pour un nouveau parti de masse des travailleurs est que cela offre l’opportunité à la classe ouvrière et à la gauche de rassembler des forces jusqu’ici dispersées.

    De tels nouveaux partis sont une arène pour la discussion, le débat et l’élaboration de politiques capables de garantir le succès de la classe ouvrière à l’avenir. L’existence d’une épine dorsale viable de marxiste-trotskistes dans un tel parti est essentielle à son succès. Sans cela, ces partis, y compris le P-SoL, peuvent stagner, voir même diminuer et disparaître, même si ils ont connu initialement des succès. Cela semble toutefois peu probable au Brésil, étant donné l’influence du marxisme dans le P-SoL.

    La tâche des marxistes au Brésil, qui sera ardemment suivie par les marxistes du monde entier, est d’intervenir dans les processus qui se déroulent dans le P-SoL pour l’éloigner du réformisme et des nuances de centrisme – c’est-à-dire une phraséologie révolutionnaire qui couvre des positions réformistes – en rassemblant les meilleures forces à la gauche du P-SoL. La première étape vers cet objectif est la création d’une organisation trotskiste puissante, avec de claires perspectives, tactiques, stratégie et organisation. Le capitalisme entre en crise, mais cela ne signifie pas que la gauche va automatiquement l’emporter. Pour que cela se réalise, il faut créer de nouveaux partis de masse des travailleurs. Les développements au sein du P-SoL seront vivement observés et étudiés par les marxistes du monde entier pour y apprendre les leçons utiles aux développements semblables ailleurs.


    Pour en savoir plus

  • Recomposition du FN en Wallonie et à Bruxelles : Quel danger ?

    Daniel Féret, l’ex-président du Front National (FN), a utilisé l’argent du parti néofasciste à des fins personnelles durant son long mandat. Il a notamment puisé dans la caisse pour se construire une villa à la Côte d’Azur. En fait, depuis sa création en 1985, le parti fonctionne comme une bande de gangsters. Le FN, en campagne permanente contre la corruption du PS, montre ainsi toute son hypocrisie. Suite à son inculpation, Féret et son clan ont été écarté du parti. Non pas pour changer les pratiques internes, mais pour permettre à des envieux d’en prendre le contrôle.

    Michel Delacroix, sénateur autour de qui se réorganise le FN, s’apprête à accueillir dans ses rangs une ancienne dissidence, le Front Nouveau de Belgique (FNB). En effet, suite à un sondage réalisé au sein du FNB, 51,7% des membres auraient été favorables à une fusion avec le FN (contre 20,9% pour une fusion avec Nation). Nation, un petit groupe néo-nazi violent, était présent sur les listes du FNB aux dernières élections. Malgré l’absence de base électorale, Nation est probablement, dans le milieu néo-fasciste francophone, l’organisation la plus active. Avec cette réunion des « fronts », le nouveau FN soutenu, par Jean-Marie Le Pen, pourrait se renforcer. Mais cette fusion pourrait peut-être aussi mener, à terme, à de nouvelles divisions internes voire scissions.

    Lors des dernières élections, le FN avait stagné et obtenu un peu moins de 6% des votes. Ceux-ci sont basés sur le mécontentement passif envers les partis traditionnels. Nous rejetons le préjugé affirmant que les néerlandophones seraient naturellement plus racistes, étant donné les résultats élevés du Vlaams Belang en Flandre et à Bruxelles. Le manque d’emplois décents, de logements à un prix abordables, de moyens pour les écoles, d’infrastructures pour les jeunes,… qui sont les conséquences de la politique néo-libérale, constituent la base pour le succès des idées racistes. L’extrême droite peut ainsi profiter du mécontentement passif des jeunes et des travailleurs alors qu’en réalité, son but est d’approfondir cette politique anti-sociale. Jusqu’à présent, c’est plutôt l’extrême droite francophone qui n’a pas su saisir le potentiel présent pour des succès similaires à ceux du Vlaams Belang. Participe aux actions de Résistance Internationale contre la tentative des néofascistes francophones de s’organiser !

  • Des (contre)-feux du patronat

    Le système capitaliste est en crise et ce n’est pas les injonctions massives de fluidités dans le circuit économique par les principales banques centrales qui vont nous prouver le contraire.

    Article par Alain

    En Belgique, le gouverneur de la banque centrale s’est exprimé. Il conseille la modération salariale, il dit au travailleurs que face à l’inflation, l’index suffira et qu’il faut être raisonnable pour ne pas aggraver la crise.

    Les quotidiens financiers du pays (le Tijd et l’Echo) nous disent que les travailleurs et les allocataires sociaux ont une perception tronquée de la crise et que leurs inquiétudes sont irrationnelles. Quelle aberration, sous prétexte d’arguments faussement scientifiques (l’économie est une science, donc sans parti pris) on tente de faire avaler des couleuvres à l’ensemble des salariés et allocataires sociaux : l’inflation, ce n’est pas grave ; l’augmentation du coût de l’énergie suite aux privatisations, un détail et le meilleur, la diminution du pouvoir d’achat malgré l’augmentation des prix des produits de première nécessité n’existe pas ! Tel est leur credo.

    Mais ce n’est qu’un début. L’ensemble des travailleurs doit voir dans ces prémisses la réponse que préparent les capitalistes et leurs thuriféraires à la crise qui s’annonce : la faire payer par les travailleurs. Les Quaden et consorts ne doivent certainement pas avoir les mêmes revenus que nous pour tenir des discours pareils. Il est vrai que quand son salaire est calculé en « kilo euro », on ne doit pas voir l’inflation du même œil. Ces gens ainsi que l’ensemble de la classe politique traditionnelle sont totalement déconnectés de la vie réelle, perdu qu’ils sont dans les méandres de la realpolitik. Il faut que nos mobilisations leur montrent notre dure réalité.

  • Luoyang: “Réforme” ou “trahison” ?

    Premier janvier, festival public à Luoyang organisé au cimetière des martyrs de la révolution

    Ceci est un rapport des manifestations qui se sont déroulées la semaine passée dans la ville de Luòyáng (1), province de Hénán, à la suite de la décision du gouvernement local de vendre le Cimetière Mémorial des Martyrs, qui sera transformé en un cimetière privé réservé aux riches. Cet événement est extrêmement symbolique, montrant bien que plus rien – même pas les tombes des héros militaires – n’est à l’abir de la folie de la privatisation qui s’est emparée des dirigeants "communistes" actuels.

    De la part d’un observateur local

    Démanteler, démanteler encore, démanteler les vivants, démanteler les morts ; démanteler la campagne, démanteler les villes, démanteler les masses, démanteler les martyrs.

    En décembre 2007, dans le Hénán, le journal "Dahe" (2), le premier, a divulgué l’information que le Cimetière Mémorial des Martyrs de Luòyáng allait être démantelé. Ce cimetière avait été construit pour commémorer les soldats de l’Armée de Libération Populaire (ALP) morts pour libérer Luòyáng du régime du Guómíndang lors de la période révolutionnaire de 1945-9. Sur un total de huit cimetières, six ont été démantelés par le gouvernement local afin de construire des cimetières privés avec des emplacements à vendre pour plusieurs dizaines de milliers du yuan (3).

    Les autres chaînes publiques ont rapidement relayé la nouvelle. Quelques personnes, surtout membres de la jeunesse maoïste et du "fenqin", un groupe nationaliste, ont publié des images et des articles critiquant les actions du gouvernement. Désireux de dissiper la colère de ces gens et de réagir aux critiques, le gouvernement de la ville de Luòyáng a répondu qu’il n’allait pas démanteler le cimetière des martyrs, mais au contraire le "rénover". Afin de couper court à toute objection, un des responsables du cimetière fut aussi viré.

    Ceci a mené à l’organisation d’un festival public au cimeetière, ce premier janvier 2008, en guise de protestation face à l’action du gouvernement local. A peu près 200 personnes se sont rassemblées dans le cimetière à neuf heures, surtout des membres des jeunesses maoïstes et pro-militaires, et quelques parents des martyrs. Le gouvernement de Luòyáng a alors envoyé des douzaines de gendarmes et de policiers anti-émeutes pour surveiller l’événement et barrer la route principale qui mène au cimetière. Mais tout se déroula dans le calme et la police se retira du cimetière.

    Un coup porté aux illusions

    L’impact du festival de protestation de Luòyáng perdure encore. Les manifestants ont bien expliqué que si le gouvernement ne donnait pas une réponse satisfaisante, la protestation reprendrait. Sans vouloir exagérer l’importance de cette affaire (qui n’est malheureusement en aucun cas le pire des crimes commis par ce gouvernement), nous trouvons tout de même ici face à un des actes de démolition des plus monstrueux et détestables.

    La réalité est le meilleur des professeurs. Cette affaire a porté un grand coup à tous ceux qui entretiennent encore des illusions dans le régime actuel, ainsi que pour tous ceux qui crient "mort aux USA et au Japon" et "rayez Taiwan de la carte".

    Nous respections ceux qui sont morts lors de la lutte de libération de la Chine de la domination impérialiste, et dont les idéaux étaient ceux de l’égalité sociale. Nous comprenons ceux qui aujourd’hui recherchent parmi cette génération un modèle et une inspiration, même si nous croyons en la nécessité d’une approche politique et d’un programme différents, càd. basés sur la classe salariée, socialistes et internationalistes. A cette occasion, nous aimerions rappeler à la jeunesse maoïste et au "fenqin" de ne pas se laisser leurrer par le "patriotisme" et le "socialisme à la chinoise".

    Un vernis "socialiste" ne peut plus suffir à cacher le noyau capitaliste qui prévaut dans la société actuelle. Qui est-ce qui vend le peuple ? Qui est-ce qui trahit la révolution ? Qui est-ce qui sert l’avidité du capital ? Tout ceci est bien assez clair.


    1. Luòyáng est une des plus anciennes villes de Chine, située dans le Hénán province de la Chine où on trouve le plus d’habitants, sur les rives du Fleuve Jaune, au centre du pays
    2. Presse d’Etat régionale, le Dahe est le 65ème plus grand journal du monde
    3. 10.000 yuan valent 1040€, et le salaire moyen d’un travailleur chinois est de 105€ par mois
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