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  • Le MOC soumet son cahier de revendications au PS, au CDH, au MR, à Ecolo et au Front des Gauches

    J’ai rarement vu un débat aussi professionnel que celui organisé par le Mouvement Ouvrier Chrétien mardi soir dernier à l’Aéropolis, le quartier général du MOC. Des politiciens des quatre partis traditionnels francophones et du Front des Gauches ont été soumis aux questions de toutes les organisations qui composent le Mouvement Ouvrier Chrétien. Le PSL-LSP a enregistré ce débat qui a duré deux heures. Voici un rapport de cette soirée.

    Par Eric Byl

    Anja Deschoemacker en débat avec les partis établis

    La manière dont ce débat a été pris au sérieux s’est reflétée dans les représentants envoyés par les différents partis. Ainsi, pour le PS, Laurette Onkelinx en personne s’était déplacée, de même que Joëlle Milquet pour le CDH, Sarah Turine pour ECOLO, Serge de Patoul pour le MR et Anja Deschoemacker pour le Front des Gauches. Chaque organisation du MOC avait 8 minutes pour exposer une problématique et poser 2 questions concrètes en découlant, après quoi les représentants politiques avaient 4 minutes pour commenter leur façon de voir les choses et répondre aux deux questions.

    Jean Hermesse, le secrétaire général de la Mutualité Chrétienne, a expliqué chiffres à l’appui à quel point l’inégalité sociale a un effet négatif sur la santé. Il a lancé un appel à la solidarité et à la réduction des frais supportés par le patient. La première question de la Mutualité Chrétienne était: êtes-vous prêts à intervenir pour limiter les frais hospitaliers du patient, et de quelle façon concrète ? La deuxième : quelle mesure trouvez-vous prioritaire pour créer à terme une offre de soins de santé adaptée au vieillissement de notre population ?

    Je n’étais certainement pas le seul dans la salle à me rendre compte que les politiciens avaient adapté leur rhétorique face aux auditeurs. Nous avons donc pu entendre des politiciens traditionnels qui ont pourtant, tous sans exception, participé à la politique néolibérale de ces 30 dernières années, défendre à l’unisson l’universalité des soins de santé publics. Pas ‘‘d’économies sauvages’’ et une franchise maximale de 200 €, a répondu Joëlle Milquet. De même que Laurette Onkelinx et Sarah Turine, elle a défendu de conserver le taux de croissance de 4,5% du budget de la santé publique. Laurette Onkelinx a ajouté qu’une partie pouvait être mise de côté, pour le fonds de vieillissement par exemple. Elle a également souligné que le récent accord dans le non-marchand ouvrait la voie à la création de 10.000 emplois, mais elle a oublié de mentionner que ce développement reste très loin derrière l’ampleur des tâches qui incombent à la santé publique.

    Sarah Turine a plaidé pour la prévention, par une alimentation plus saine et un meilleur environnement entre autres. Elle pense peut-être que ceux qui font leurs courses à l’Aldi ou au Lidl y vont tout simplement par choix ? Que la santé est moins bonne dans les quartiers surpeuplés de Bruxelles, par exemple, nous le savons, mais où trouver de l’argent pour avoir une petite maison avec jardin ? Elle a également parlé de revoir le rôle du médecin généraliste et d’interdiction tout supplément sur les honoraires.

    Même le représentant du MR a déclaré que tout le monde devait être assuré. Mais, selon lui, le secteur privé a un rôle à jouer, dans l’aide aux personnes âgées par exemple. Aucun mot au sujet du fait que le gouvernement a décidé de garder le taux de croissance du budget des soins de santé, mais seulement à condition que cela puisse également être utilisé pour combler les déficits d’autres secteurs de la sécurité sociale. Anja Deschoemacker s’est déclarée contre la commercialisation des soins de santé, comme quelques autres. Elle a parlé des conditions de travail dans ce secteur et a aussi plaidé pour l’intégration de l’assurance de santé et de l’assurance hospitalisation dans l’assurance de maladie ordinaire, et cela pour tout le monde, pas seulement en Flandre

    Au nom de la CSC, le secrétaire général Claude Rolin a accentué la nécessité de donner une priorité absolue au premier pilier de retraite (géré par l’Etat) et de lutter contre le chômage, pas contre les chômeurs. Ses questions étaient : comment pensez-vous préserver et développer la retraite légale ? Que proposez-vous pour promouvoir l’emploi, à côté de la formation, de l’accompagnement et de l’activation des chômeurs et des plans de création d’emplois?

    De Patoul a surtout constaté que beaucoup de postes vacants n’ont pas trouvé de travailleur. Bref, il y a des lacunes en termes de formation. Lui-même il ne doit pas postuler pour ce genre d’emplois, sinon il aurait pu constater que les patrons ne sont pas très chauds pour engager des jeunes et qu’ils préfèrent attendre jusqu’au moment où ces jeunes veulent faire ce boulot presque gratuitement. Joëlle Milquet a bien entendu défendu son plan win-win. Selon elle, cela a aidé 12.000 jeunes peu scolarisés à trouver un emploi. Elle n’a pas précisé combien de ces jobs sont de véritables emplois qui ne tiennent pas simplement à l’argent mis sur la table par la collectivité. Laurette Onkelinx veut revoir le principe de la Déduction des Intérêts Notionnels pour lier cela à la création d’emplois et pour sanctionner les sociétés qui ne consacrent pas 2% de leur chiffre d’affaires à la formation. Sarah Turine, de son côté, défend les emplois verts. Pris globalement, tous les partis traditionnels veulent plus de formation et, avec quelques nuances, veulent créer des emplois en diminuant les charges patronales.

    Anja Deschoemacker a souligné que, depuis déjà 30 années d’une telle politique, nous avons pu constater que les diminutions de charges ne créent pas d’emploi. Ces partis traditionnels qui se plaignent maintenant de notre manque de formation sont les mêmes que ceux qui, depuis des années, entretiennent le sous-financement de l’enseignement. Anja a aussi défendu l’élargissement des services publics avec des emplois statutaires au lieu d’inventer de nouveaux plans de création d’emplois. Suffisamment d’études démontrent que ces plans de création d’emplois coûtent plus aux caisses de la collectivité que l’engagement de fonctionnaires.

    Tous les partis ont plaidé d’accorder la priorité au premier pilier de retraite. Sarah Turine veut faire dépendre la déductibilité des caisses de retraite de l’éthique et la durabilité des investissements. Milquet et Onkelinx trouvent que le deuxième pilier doit être généralisé vers une sorte de capitalisation collective, une sorte de premier pilier bis. Seul De Patoul trouvait que les deux piliers doivent être équivalents. Anja a reconnu le besoin de renforcer le premier pilier, mais a plaidé contre les charges sur le deuxième et troisième pilier, après que les millions de personnes y aient été poussés parce que les allocations du premier pilier ont été vidées.

    Finalement Thierry Jacques, le président du MOC, a formulé 3 questions pour la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, les Equipes Populaires et pour Vie féminine. Pour les Equipes Populaires: que vous pensent de la proposition d’une base de données centralisée qui comprenne tous les comptes des contribuables pour que l’information se trouve à disposition plus rapide comme l’exemple de la base de données FICOBA en France ? Pour le JOC : quelles alternatives et adaptations proposez vous concernant le système de travail d’intérim ? Et finalement pour Vie féminine : quels sont vos plans concernant l’inégalité entre hommes et femmes et comment agir concrètement?

    Evidement, tout le monde a plaidé de s’attaquer à la fraude fiscale, y compris le MR. Le CDH a indiqué qu’aux USA, la fraude fiscale est considérée comme un crime, alors qu’il s’agit plutôt d’un sport en Europe. Pour le PS, la création d’une base de données ne va pas assez loin. Avec Ecolo, le PS plaide pour une forme d’impôt sur les bénéfices des fortunes. Le MR a continué à souligner que la fraude sociale doit aussi être combattue. Mais nous n’avons pas à attendre beaucoup si la lutte contre la fraude fiscale connaît à l’avenir la même intensité que lors des législatures précédentes. Anja a répété les propositions du Front des Gauches concernant un impôt sur les grandes fortunes et une plus grande progressivité de l’impôt.

    En réponse à la question de la JOC, la plupart des politiciens se sont limités à dénoncer les abus du travail intérim. Même le représentant du MR a admis que l’intérim ne devrait servir que d’emploi temporaire, comme si le MR ne sait pas que d’innombrables travailleurs sont gardés très longtemps dans l’intérim. L’abus massif de travail d’intérim par La Poste, par exemple, n’a été touché par aucun politicien traditionnel. Anja a plaidé pour des contrats convenables et à durée indéterminée et pour des contrats statutaires dans les services publics. Elle a également défendu une drastique réduction du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire.

    Alors que, pour certains, l’égalité entre hommes et femmes augmente, pour la grande majorité elle recule, a reconnu le CDH. Cela a un rapport avec le recul social global. Onkelinx a déclaré que dans le gouvernement, il avait été convenu de d’abord tester l’effet de chaque mesure sur l’inégalité, avant de les voter. Ecolo a plaidé pour l’obligation du congé parental. Anja a confirmé ce dernier à condition que les allocations soient alors fortement augmentées. Elle a tout de suite mis l’accent qu’aussi longtemps que les déficits sociaux existent, il va toujours y avoir des discriminations, parce qu’une discussion surgira inévitablement sur la distribution de ces pénuries. Avec cette position, elle a provoqué le premier et unique applaudissement.

    La soirée a été clôturée par Thierry Jacques. Le MOC rédigera un rapport du débat, probablement à titre d’information pour ses membres. Il a semblé accorder sa préférence pour un Olivier, CDH, Ecolo est le PS. Néanmoins, le Front des Gauches a été félicité par différents spectateurs pour la contribution très forte de sa représentante, Anja Deschoemacker.

  • Ce mercredi 9 juin: Meeting International : Tous ensemble contre leurs crises !

    Ce grand meeting international se déroulera à Bruxelles et acceuillera des orateurs du Front des Gauches ainsi que des parlementaires européens de la Gauche Unitaire Européenne / Gauche Verte Nordique. Venez nombreux assister à cet évènement qui vous permettra d’entendre des orateurs de Belgique bien entendu, mais aussi de Grèce, du Portugal, d’Irlande, de France et du Luxembourg.

    Où? Au Garcia Lorca, à partir de 19h, rue des foulons, 47-49 à Bruxelles. En tram: arrêt Lemonnier (lignes 3 et 4) – En train: à deux pas de la Gare du Midi

    Avec des parlementaires européens GUE/NGL:

    • Syriza (Grèce)
    • Bloco de Esquerda (Portugal)
    • Socialist Party (Irlande)
    • Front de Gauche (France)
    • Nouveau Parti Anticapitaliste (France)
    • Déi Linke (Luxembourg)

    Liste des orateurs du Front des Gauches:

    • Robert Tangres (PC), tête de liste Sénat
    • Anja Deschoemacker (PSL-LSP), tête de liste BHV
    • Céline Caudron (LCR), tête de liste Hainaut
    • Annick Letecheur (PH), tête de liste Namur

    Partout en Europe: Tous ensemble contre leurs crises!

  • Manifestation ce mardi à Bruxelles: le non-marchand dans la rue !

    La semaine précédant les élections, les syndicats du non-marchand, tant au niveau fédéral que communautaire et régional, vont massivement descendre dans la rue pour asseoir leurs revendications par la force. La manifestation est organisée avec un mot d’ordre de grève pour libérer autant de travailleurs que possible.

    Par un délégué syndical du secteur

    Les négociations pour de nouveaux accords pluriannuels pour le secteur n’ont pas encore vraiment démarré. Contrairement au secteur privé où l’on décide d’un Accord InterProfessionnel (AIP) tous les deux ans, le non-marchand doit renégocier les accords tous les cinq ans seulement.

    Le timing ne pouvait être plus mauvais : en pleine crise économique, ce secteur (300.000 travailleurs) menace de devenir le dindon de la farce. Mais assurer la qualité de l’aide et des soins nécessite des investissements. Plus d’emplois, plus de pouvoir d’achat, de meilleures conditions de travail,… sont d’un intérêt vital. Le manque de personnel infirmier commence à prendre des proportions catastrophiques : les services hospitaliers sont çà et là fermés pour cause de manque de personnel. Les travailleurs du non-marchand gagnent aussi en moyenne 15% de moins que dans le privé, en partie à cause de l’absence d’un 13e mois complet.

    Tous les partis traditionnels annoncent que des coupes drastiques sont au programme après les élections. Lorsqu’il a fallu sauver les banques, le gouvernement n’a pas attendu des mois pour y pomper des milliards d’euros. Le carnet de revendications du nonmarchand ne bénéficie pas de la même attention.

    Ces derniers mois, l’attitude des dirigeants du secteur dans les comités paritaires a été caractérisée par un manque total de volonté: la prolongation de la convention collective pour la prépension à 58 ans est bloquée et les 90 millions d’euros que la Ministre Onkelinx avait libérés pour les hospitalisations et les soins médicaux restent maintenant “suspendus quelque part.”

    Et, entre-temps, la commercialisation des soins se poursuit. Si le gouvernement ne parvient pas à libérer les moyens nécessaires pour des soins de santé de qualité, alors ce sera le secteur privé, avec toute son ’innocence’, qui “bouchera les trous” dans un seul but : engranger des profits maximaux sur le dos du personnel, des patients, des résidents,…

    La dernière tendance dans le nonmarchand est l’instauration d’avantages non-récurrents liés aux résultats… seulement pour les membres de la direction, évidemment ! Dans les faits, les directeurs s’octroient des bonus sur le dos du contribuable…

    Dans les mois qui viennent, le personnel du non-marchand va devoir régulièrement redescendre dans les rues. Nous avons déjà eu un “non”, mais nous pouvons obtenir un “oui”.

  • Les élections vont-elles adoucir les querelles communautaires?

    Le 13 juin, on vote à nouveau. Une solution pour résoudre les querelles qui ont entraîné la chute de Leterme II ? Rien n’est moins sûr. Les résultats peuvent rendre encore plus difficile la formation d’une coalition stable. Mais, sur l’essentiel, tous les partis traditionnels sont néanmoins d’accord : les travailleurs et leurs familles doivent payer la crise.

    Pa Eric Byl

    La bourgeoisie belge a un problème. Trente années de politique néolibérale ont totalement vidé d’autorité ses instruments politiques. Les partis qui se réfèrent au mouvement ouvrier devraient donc voler de victoire en victoire, mais ce n’est pas le cas. Pourquoi ?

    Le mouvement ouvrier puise sa force de son nombre, au contraire de la bourgeoisie qui tire sa force de son capital. Mais ce nombre est seulement une force potentielle, elle doit être organisée pour être efficace. C’est ce que font les syndicats, pas toujours dans la mesure réclamée par la base. Mais la lutte pour les intérêts des travailleurs ne peut pas uniquement se gagner syndicalement, les décisions politiques ont un impact sur nos conditions de travail et de vie. Sur ce terrain aussi, les travailleurs ont besoin d’une représentation.

    A l’époque, la social-démocratie et quelques représentants du Mouvement Ouvrier Chrétien jouaient encore ce rôle. Mais rien de cela ne subsiste encore. Ils sont devenus les loyaux exécutants de la politique du patronat, plus efficaces que la droite officielle qui se heurte facilement aux syndicats. En Grèce, les ‘‘socialistes’’ ont remplacé les conservateurs au gouvernement puisqu’ils sont plus aptes à faire avaler aux travailleurs le plan d’assainissement le plus dur de leur histoire. En Belgique, les partis sociauxdémocrates se présentent comme des ‘‘partis responsables’’, ils vendent la politique du patronat dans un emballage ‘‘social’’.

    Le nombre de travailleurs qui se laissent encore piéger par cela diminue constamment. Ceux qui votent encore pour les sociaux-démocrates le font généralement pour ‘‘éviter le pire.’’ Pourtant, les dirigeants de la FGTB continuent à s’agripper à cette idée. En Wallonie, cela passe encore puisque personne n’est mieux placé que le PS pour présenter le démantèlement social comme un progrès social, si nécessaire en recourant aux luttes de nos ancêtres: ‘‘créateurs de progrès depuis 125 ans’’, dit le PS. En Flandre cela ne marche plus depuis longtemps déjà. Des aventuriers racistes, populistes et nationalistes occupent l’espace laissé vacant. Mais au lieu de rompre les liens entretenus avec le SP.a pour l’ABVV (l’équivalent flamand de la FGTB) et avec le CD&V pour l’ACV (l’équivalent flamand de la CSC) et de mettre en avant une véritable alternative, les dirigeants syndicaux ne font rien autre qu’appeler les travailleurs à voter, encore une fois, pour leurs bourreaux soi-disant pour ‘‘éviter pire’’. Il en résulte un morcellement politique énorme. Pour restaurer leur position électorale, les partis traditionnels sont prêts au harakiri.

    Comme Verhofstad au début de sa carrière, le tout nouveau président de l’Open-VLD Alexander De Croo, est prêt à tout faire pour attirer l’attention, même si cela fait sauter l’establishment au plafond. En faisant tomber le gouvernement, il parie gros. Un accord sur BHV aurait conduit à une victoire électorale éclatante pour le CD&V. Au CD&V, ils doivent avoir pensé qu’au VLD, le sens de l’Etat allait finalement prendre le dessus sur les intérêts électoraux. Mais non. Ceci dit, De Croo n’a fait que répéter l’exemple donné par le CD&V.

    Il y a quelques années, le nationalisme flamand, y compris la NVA, était à deux doigts de la mort. C’est le CD&V qui l’a réanimée pour des raisons purement électoralistes. Marianne Thyssen, la présidente du CD&V, prétend que le CD&V veut ‘‘continuer à se mobiliser pour une économie sociale, pour une politique de soutien aux faibles et pour le maintien du dialogue communautaire.’’ C’est exactement le contraire de la pratique du CD&V de ces dernières années. ‘‘Chez nous, il n’y aura pas de gros mots ou d’ultimatum’’, ajoutet- elle. Quelle hypocrisie !

    Les partis francophones reprochent également à l’Open-VLD son manque de responsabilité. Mais même les retombées volcaniques n’ont pas pu retenir Maingain d’envoyer une torpille communautaire à partir de la Méditerranée. Lorsque Jean Gol, du PRL, a offert au FDF une bouée de sauvetage avec son cartel, il ne pouvait évidemment pas savoir que le FDF allait par la suite peser sur son successeur au MR, Didier Reynders.

    Les partis traditionnels francophones sont maintenant très aimables entre eux, mais, néanmoins, le PS n’a pas pu se retenir d’évoquer la responsabilité partielle du MR pour cette crise. Le CD&V et le MR ne sont pourtant pas les premiers partis traditionnels à avoir ouvert les portes pour accueillir des nationalistes et/ou des régionalistes dans leurs rangs pour des raisons électorales. Pendant la crise des Fourons, le PS avait déjà accueilli un cheval de Troie du régionalisme, José Happart.

    La peur s’est installée. Ces élections seront les plus communautaires depuis des années. Seule une grande coalition avec les quatre familles traditionnelles – chrétien-démocrates, sociaux-démocrates, verts et libéraux – peut avoir la possibilité de temporairement démêler l’écheveau du fil communautaire. Cela libérera le chemin pour le ‘‘vrai défi’’: renflouer le trou creusé par la reprise des dettes bancaires dans le budget, aux frais des travailleurs et de leurs familles. Cela demande une révision de la loi de financement, pour que les régions et les communautés contribuent à cet effort Mais c’est plus facile à réaliser sans les inconditionnels du communautaire, d’où les tentatives de l’establishment pour améliorer la position électorale du CD&V et du SP.a, qui sont tout le temps sous les feux de la rampe. Le pire scénario serait que la N-VA devienne incontournable. Dans ce cas, nous serions à nouveau repartis pour quelques années de querelles communautaires pendant lesquelles ‘‘le vrai défi’’ serait mis au frigo. Dans ce cas, l’establishment mènerait la stratégie du pourrissement, des gouvernements se suivront à un rythme accéléré, et la N-VA serait alors rendue responsable de la situation.

    Quel que soit la coalition qui suivra ces élections (une grande coalition à quatre ou une formule avec la NVA), l’enjeu de ces élections est de faire payer la facture de la crise aux travailleurs et à leurs familles. Seule une résistance massive et un nouveau parti des travailleurs avec un soutien des grands syndicats peuvent assurer que les responsables de la crise vont devoir mettre les mains dans leurs propres poches.

  • Après le livre, maintenant le film : ‘‘La stratégie du choc’’ de Naomi Klein

    Le livre de Naomi Klein “La stratégie du Choc” avait déjà fait pas mal de bruit, sa version cinéma est sortie ce 2 juin en Belgique. Naomi Klein est loin d’en être à son coup d’essai, son livre “No Logo” avait eu un succès tel qu’il avait fait d’elle l’une des porte-paroles du mouvement antimondialisation.

    Tout comme le livre, le documentaire livre une analyse acerbe et bien argumentée de l’histoire du néolibéralisme et de ses effets sur les masses d’Amérique Latine, d’Asie et d’Europe de l’Est. L’idée de base est que la phase actuelle du capitalisme recourt à des “chocs” afin d’imposer les contre-réformes procapitalistes du FMI et de la Banque Mondiale. Elle compare cette stratégie à l’usage désastreux d’électrochocs dans les années ‘40 et ‘50.

    Aujourd’hui, les chocs sont utilisés par le capitalisme pour imposer l’agenda néolibéral sur les plans social et politique. Ces chocs peuvent prendre la forme d’écroulements économiques (comme avec la chute de l’URSS), de catastrophes naturelles (l’ouragan Katrina, le tsunami d’Asie du sud-est), de changements de régime (Pinochet), etc. En bref, de tout ce qui cause assez de désorientation publique pour que les dirigeants du pays aient le champ libre de faire ce que bon leur semble.

    Naomi Klein détaille clairement les méfaits du capitalisme. Son exposé sur le Chili des années ‘70 et le passage au néolibéralisme après qu’Allende ait été renversé par le coup d’Etat de Pinochet soutenu par la CIA a beaucoup de mordant et est très bien rendu. Le rôle des soi-disant “conseillers économiques” qui avaient profité de leur formation à Chicago sous la supervision de Milton Friedman est parfaitement décrit. Ces “conseillers” ont été placés au Chili mais aussi dans d’autres parties d’Amérique Latine. Aujourd’hui encore, ils continuent leurs méfaits en Chine. Naomi Klein dresse encore un tableau des conséquences de la restauration capitaliste en Europe de l’Est et en Asie, mais également des conflits pour l’occupation des terres au Sri Lanka et dans d’autres pays asiatiques après le tsunami.

    Hélas, après un brillant exposé, les conclusions politiques sont très limitées et se bornent à appeler à un “retour” à un “meilleur capitalisme”, avec une plus forte sécurité sociale et un Etat-providence. Naomi Klein n’est pas marxiste, son livre illustre tout de même une confiance envers le pouvoir des travailleurs et pauvres dans leur lutte contre le néolibéralisme et le capitalisme.

  • Congrès de la FGTB – Reportage-photos

    Le Congrès de la FGTB vient de se tenir, et s’est terminé par une concentration de militants aujourd’hui, au Heysel à Bruxelles. Une trentaine de militants du PSL-LSP étaient présents pour porter les couleurs des listes LSP et Front des Gauches. Mais au-delà de la question des élections, c’est surtout celle des luttes que nous avons abordé. De toute urgence, nous avons besoin d’un plan d’action national pour défendre chaque emploi! D’autre part, la lutte ne peut pas se mener uniquement sur le plan syndical, et les travailleurs sont aujourd’hui orphelins sur le plan politique. Nous ne devons accorder aucune confiance envers les politiciens traditionnels d’ECOLO ou du PS qui sont venus parader aujourd’hui, nous devons, avec et autour de la base syndicale, contruire un nouveau parti large des travailleurs. Un rapport de la journée arrivera sous peu sur ce site.

  • Congrès de la FGTB – Quelle réponse syndicale face à la crise ?

    Le Congrès fédéral statutaire de la FGTB vient de se tenir sous le titre “Solidarité contre l’inégalité.” Les défis pour les syndicats sont immenses. Tous les politiciens et observateurs sont d’accord sur le fait qu’après les élections, de dures économies vont devoir être faites, comme dans le Sud de l’Europe. Quelle réponse syndicale nous faut-il ?

    Par un militant FGTB

    700.000 chômeurs – Salaires réels : -1%

    La préparation des négociations autour d’un nouvel Accord InterProfessionnel (AIP) commence tôt cette année. Yves Leterme a déjà prévenu qu’il n’y avait pas de marge pour des hausses salariales. Le Bureau fédéral du Plan parle de perspectives économiques très incertaines à cause de la hausse de la dette publique, de l’instabilité financière et des mouvements de capitaux entre les blocs économiques et l’Union Européenne elle-même.

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    Et sur le plan politique ?

    Les militants syndicaux ne peuvent accorder aucune confiance aux partis traditionnels. Le mercredi 2 juin, au Congrès de la FGTB, Di Rupo et Gennez vont peut-être se limiter à de vagues appels concernant l’emploi et la sécurité sociale mais, en essence, ils approuvent la logique néolibérale de toutes ces dernières années, ils l’ont non seulement soutenue, mais également appliquée.

    Lors de ces élections, la direction de la FGTB wallonne appelle à voter ‘‘pour des partis de gauche’’.

    Voter PS ou Ecolo ferait penser à la situation des tous premiers syndicats, au dix-neuvième siècle. On parlait alors de voter pour les «libéraux progressistes» ou pour les «catholiques progressistes». Cette tactique n’a pas fait avancer d’un iota la lutte pour les droits syndicaux ou pour le suffrage universel.

    Malgré la lutte syndicale héroïque, ce n’est qu’après la création d’un parti ouvrier indépendant sous la forme du POB en 1885 que des avancées ont pu être obtenues. C’est encore sous la pression de la lutte ouvrière et de la progression des communistes que la sécurité sociale a pu être arrachée après la Deuxième Guerre mondiale.

    Si nous voulons aujourd’hui mettre un terme à l’offensive néolibérale du patronat, nous allons devoir lutter tant sur le plan syndical que politique. Un mouvement syndical combatif serait renforcé par l’existence d’un instrument politique, par l’existence d’un nouveau parti des travailleurs.

    Un tel parti des travailleurs ne peut être mis sur pied dans notre pays que s’il s’appuie sur de larges couches combatives du mouvement syndical.

    Le PSL veut apporter sa propre pierre à ce projet, et c’est une idée que nous voulons également diffuser par notre participations aux listes du Front des Gauches aux élections du 13 juin.
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    Même si l’économie de notre pays peut à nouveau enregistrer une croissance de +1,5% en 2010 et 2011, le nombre d’emplois sur la même période diminuerait quand même de 26.000 unités. Les perspectives de la Banque Nationale concernant la croissance économique sont inférieures à cela, avec pour conséquences une forte hausse des pertes d’emplois (89.000 cette année). Selon le Bureau du Plan, le chômage va monter jusqu’à 13,3% et devrait rester à ce niveau jusqu’en 2015 (les prévisions ne vont pas plus loin que cette date). Dans deux ans, il y aurait 77.000 chômeurs en plus, ce qui signifierait qu’on aurait 128.000 chômeurs en plus en 2012 par rapport à 2008. Le nombre total de chômeurs (avec les chômeurs plus âgés qui ne cherchent plus de travail) dépassera l’an prochain le cap des 700.000 chômeurs.

    Si cela ne dépendait que du Bureau du Plan, les salaires bruts en 2011-2012 n’augmenteraient que de maximum 0,6% par an en plus de l’indexation (qui ne représente déjà pas le coût réel de la vie). L’index-santé monterait de 2,9% sur la même période (tandis que les dépenses de consommation des particuliers, elles, augmenteraient de 3,5%). Qui plus est, on parle ici des salaires bruts. Les primes uniques pour le pouvoir d’achat telles que prévues dans l’AIP précédent menacent à nouveau d’être un objet de discussion plutôt qu’une partie acquise des salaires.

    Il faut enfin tenir compte de la hausse de la productivité (en 2010 et 2011, le Bureau du Plan prévoit une hausse totale de +3% de la productivité). Selon le Bureau du Plan, le salaire horaire réel va baisser de 1% dans cette période. La vision optimiste du Bureau du Plan quant à la croissance économique signifie encore une fois que ce sera aux travailleurs de devoir faire toutes sortes de concessions sur leurs salaires. Avec les plans d’économies générales sur les dépenses publiques, les particuliers vont en outre devoir payer pour des services et une infrastructure qui étaient auparavant financés par la société.

    Pour le Bureau du Plan, les salaires doivent être “modérés”, entre autres à cause de la concurrence de l’Allemagne “qui, depuis déjà des années, mène une politique salariale très stricte”. L’accord salarial passé dans le secteur du métal en Allemagne, qui ne dépasse l’inflation que de peu, est une indication de ce qui nous attend ici à l’avenir.

    Une réponse anticapitaliste

    Le capitalisme est un système de production dans lequel seuls les profits d’une petite majorité comptent, et auxquels tout est subordonné. Au fur et à mesure que les profits sont mis sous pression par la crise de surproduction, la bourgeoisie n’a, selon sa propre logique, pas d’autre choix que de lancer une attaque sur les travailleurs en les faisant travailler plus longtemps et plus dur. Nier la crise de surproduction en faisant du profit sur base de la spéculation a donné lieu à l’éclatement de bulles financières, et c’est encore à nous de payer.

    Accepter la logique de ce système, c’est approuver une attaque contre notre niveau de vie. Pour défendre nos intérêts, nous devons nous dresser contre le capitalisme. Le slogan “Le capitalisme nuit gravement à la santé” est correct, mais il faudrait joindre les actes à la parole et, surtout, construire un rapport de forces.

    Plan d’information et de mobilisation

    Ces derniers mois, divers bains de sang sociaux ont été annoncés : Opel, InBev, Carrefour, Godiva,… Là où l’offensive patronale rencontre une résistance conséquente et combative, elle est arrêtée et, parfois même, nous avons pu obtenir des victoires éclatantes. La clé du succès à InBev et un peu plus tôt à Bayer a consisté en la sensibilisation et l’information du personnel, en la solidarité sur le lieu de travail, dans le secteur et au-delà. Si nous menons la lutte entreprise par entreprise ou, dans le cas de Carrefour, magasin par magasin, nous n’allons jamais arriver à quoi que ce soit.

    Pour éviter une défaite dans les discussions autour du statut unique pour les ouvriers et employés, ou dans le cadre des négociations salariales à la fin de l’année, nous devons résister. Le Congrès fédéral de la FGTB pourrait être utilisé pour organiser une campagne d’information et de mobilisation autour de ces dossiers. Ce n’est pas assez de sans cesse organiser en une semaine une action “coup de feu” qui ne conduit nulle part; pour un rapport de forces plus fort, il faut argumenter, informer et mobiliser sur les lieux de travail.

    Nous avons besoin d’une plateforme de revendications concrète qui comprend la défense de nos conditions de travail grâce à la baisse du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, de vrais emplois avec des contrats fixes et un statut unique ouvrier-employé harmonisé vers le haut. Pour pouvoir financer tout cela, il faut mettre un terme aux cadeaux au patronat (qui s’élèvent cette année à 8,9 milliards d’euros), et la fortune des super-riches doit être remise en question. Enfin, pour obtenir un contrôle sur l’économie, les secteurs-clés doivent être placés sous le contrôle et la gestion du personnel.

    Autour de telles revendications, nous pouvons renforcer et construire le mouvement syndical, également parmi les jeunes et parmi les couches les plus exploitées de la population, desquelles on ne tient pas compte aujourd’hui. Qui lutte peut perdre. Mais qui ne lutte pas, a perdu d’avance !

  • Thaïlande et chemises rouges : retour sur un mouvement d’ampleur.

    Ces deux derniers mois, la Thaïlande a été le théâtre d’une lutte importante opposant les chemises rouges au gouvernement d’Abhisit. Ce face à face musclé s’est soldé par une répression féroce et par la mort de plus de 80 personnes ainsi que plus de 1.900 blessés. Neuf districts entier de Bangkok sont aujourd’hui déclarés zones sinistrées et la majorité des chemises rouges sont retournés dans leur région dans des convois supervisés par l’armée, sans aucune satisfaction concernant leurs revendications.

    socialisme.be, Bangkok, le 26/05

    Contexte succinct:

    (Pour plus de détails, voir notre article précédent)

    Aujourd’hui, la Thaïlande est un des pays d’Asie touché le plus frontalement par la crise économique mondiale. Ces dernières années, la situation économique et sociale des travailleurs et des masses paysannes n’a fait que se détériorer. Actuellement, ce sont des millions de Thaïlandais qui n’ont aucun accès aux soins de sante, à l’éducation (1.500 euros pour un semestre à l’université avec un salaire moyen d’une centaine d euros),…

    Le gouvernement d’Abhisit est largement haï pour son caractère antidémocratique et pour la main mise de l’armée dans les décisions politiques du régime.

    C est dans ce contexte que l’on doit comprendre la mobilisation importante de centaines de milliers de Thaïlandais derrière les mots d ordre des chemises rouges. Ceux ci appelaient en effet à des élections immédiates, à des mesures urgentes en faveur des paysans les plus pauvres et pour la fin des brutalités militaires.

    Apres les divers évènements de ces dernières années (meetings de masse, mobilisation importantes dans toutes les grandes villes du pays), les rouges ont fait culminer leur mobilisation par le blocage et l’occupation du quartier central de Siam, bastion des grandes compagnies et du monde financier. Pendant près de deux mois, ce sont des dizaines de milliers d’opposants en provenance principalement du nord, qui se sont auto-organisés pour se nourrir, organiser la sécurité du site, le nettoyage,… A deux reprises, l’armée a en vain tenté de les déloger de Siam, l’intervention se soldant le 10 avril par des dizaines de morts.

    Le gouvernement décida alors pour la première fois d’entrer en négociation avec les leaders rouges et dessine une `carte de route`. Celle ci comprend l’organisation d’élections en novembre prochain et de vagues promesses sur des mesures en faveur des plus pauvres. Suite à de vives tensions entre dirigeants rouges, le noyau dur ainsi que la majorité des rouges décident de n’accepter les propositions du gouvernement que si celui ci met sous les verrous le ministre Suthep, responsable de la répression du 10 avril. Face au refus du gouvernement de satisfaire a cette revendication, la situation va très vite dégénérer et la préparation de l’assaut final prendra plusieurs jours de chaque côté.

    `Affrontement final`

    C est le 11 mai, que l’armée intervient en commençant par organiser le siège autour du camp retranché. Ils coupent l’accès à l’eau et à l’électricité dans la zone, espérant ainsi démobiliser les opposants. Cette tactique échoue et les besoins en nourriture et eau continuent à rentrer dans la zone malgré le blocus et surtout grâce au soutien qui existe parmi certaines couches de la banlieue de Bangkok. Dès le vendredi 13 mai, l’armée reçoit l’aval du gouvernement pour intervenir de manière musclée et donnant l’autorisation de tirer a balles réelles. L’armée, dès lors, se heurte à une résistance farouche des rouges qui ne sont pas près à abandonner leur mobilisation et leur combat.

    Les chemises rouges ont tenu leurs barricades pendant près d’une semaine avec une combativité impressionnante. En parlant de l’organisation de la résistance face à l’offensive de l’armée, un journaliste de The Nation écrivait le 18-05 : “La tactique des chemises rouges a été tirée directement d’un livre pour guérilla urbaine écrit par des gauchistes et des ex-communistes après les événements sanglants d octobre 1976”. Il est clair que la répression a aussi eu un effet de radicalisation parmi une couche importante de la population ainsi que les propos arrogants du gouvernement et le refus le plus complet de satisfaire les revendications des chemises rouges. Apres avoir autorisé le tir a balles réelles, un représentant du gouvernement se permettait de déclarer le 15-05 dans The Nation : “ Le premier ministre Abhisit Vejjajiva exprime des regrets ce samedi, au vu que la campagne pour reprendre la capitale aux rouges s’est soldée par la perte de vies humaines”. Selon certains dans le gouvernement, les morts ne peuvent être la cause que d’actes terroristes des rouges, l’armée n’ayant que des balles à blanc,…Aussi, contrairement à ce que beaucoup de médias véhiculent ici en Thaïlande, la majorité des manifestants étaient et restent non violents. Une petite partie des chemises noires (service d’ordre) disposent d’armes, mais cette situation pourrait être comparée à un combat entre David et Goliath. Malheureusement, les méthodes employées par les dirigeants des chemises rouges ont énormément facilité la criminalisation et la décrédibilisassions des opposants (attaques à la grenade, bombes,…) Ce que nous devons constater par contre, c’est que la volonté de vaincre et l’espoir énorme que ces mobilisations ont suscité parmi les travailleurs et paysans pauvres ne s’est pas arrêtée face à la répression féroce.

    En effet, tout au long de cette semaine, alors que la plupart des manifestants étaient encerclés et sous le feu de l’armée dans le site principal, ce sont encore des milliers d’opposants qui se sont rassemblés tout autour de la zone pour soutenir leurs camarades et appeler à stopper la répression. Le jour ou l’armée venait de pénétrer dans le campement principal, ce ne sont pas moins de 5 différents rassemblements qui ont pris place a travers la ville et autour de la zone de combats.

    Après une semaine d’émeutes très violentes, le mercredi 19-05, les dirigeants des rouges ont pris la parole sur la scène principale en appelant a la fin de la mobilisation mais que “la lutte pour la démocratie continuait”. Pendant le discours, des coups de feu retentissaient aux alentours. Malgré cela, les manifestants regroupés devant la scène ont directement exprimé leur désaccord avec ce choix, certains en huant, d’autres en s’effondrant dans des pleurs de désespoir. Quelques minutes plus tard, les principaux dirigeants se rendaient aux autorités sous bonne escorte. Parmi les manifestants la colère montait, certains voyant ce choix comme une trahison ouverte et d’autres soupçonnant les dirigeants rouges d’avoir conclu un accord secret avec le gouvernement. Ce qui se confirmera plus tard. Suite à ces événements, la situation s’est rapidement détériorée, les émeutes s’intensifiant et déviant en destruction aveugle guidées par le désespoir de la situation!

    En une journée, ce sont des dizaines de bâtiments, de banques et de centres commerciaux qui ont été incendiés, avec des victimes civiles innocentes bloquées dans ces bâtiments en feu. Dans les autres grandes villes (Khon Kaen, Udon Thani, Mukdahan et Ubon Ratchathani, et ainsi que la résidence officielle du gouverneur de Chiang Mai) de nombreux bâtiments gouvernementaux sont aussi attaques

    La nature de la direction du mouvement

    Depuis le début, dans nos articles, nous dénoncions l’instrumentalisation des centaines de milliers d’opposants par une élite corrompue et déchue. En effet Thaksin, en exil, ainsi que la quasi totalité des dirigeants des rouges sont des riches personnages de l’élite thaïlandaise qui ont soit été écartés du pouvoir ou encore condamnés pour malversation et corruption. Contrairement aux militants rouges à la base, ceux ci étaient motivés par une rancœur et volonté de vengeance face à l’élite dirigeante mais avec comme seul but de tout simplement les remplacer et de prouver qu’ils sont de meilleurs gérants du capitalisme thaïlandais. Comme nous essayions de l’expliquer plus tôt, cela n’aurait malheureusement en aucun cas amélioré le sort des masses thaïlandaises.

    Pour encore un peu illustrer la nature de ces dirigeants, on peut prendre l’exemple de Thaksin, qui le jour même du début de la répression, était pris en photo faisant du shopping dans le magasin Louis Vuitton des Champs Elysées…drôle de contraste avec la pauvreté des campagnes thaïlandaises. Ensuite, il est apparu dans de nombreux medias, les conditions de détention négociées entre les dirigeants rouges et le gouvernement. Pendant que des centaines de rouges croupissent dans des prisons pourries et subissent les pires tortures, les dirigeants eux se retrouvent dans un camp au bord de la mer dans des bungalows de luxe. De nombreuses photos et vidéos ont aujourd’hui fait le tour de la Thaïlande et a certainement déjà dû clarifier pour beaucoup la nature de tels dirigeants.

    Le manque de perspective

    La responsabilité première des incidents et de la violence qui a animée les rues de Bangkok pendant une semaine est absolument à imputer au gouvernement et a ses `forces de l ordre`. Il est clair aujourd’hui que le gouvernement préparait depuis des semaines son intervention et comptait donner une `bonne leçon`aux rouges quitte à ce que cela se termine en bain de sang.

    Nous nous devons par contre d’analyser la situation dans laquelle se trouvait le mouvement des rouges et l’énorme responsabilité qui repose sur les épaules des dirigeants rouges quant a leur incapacité à le diriger dans la bonne direction.

    En dehors du fait que les leaders officiels du mouvement, n’étaient et ne seront jamais du côté des travailleurs et des masses pauvres, ils ont pendant des mois stimulés la confiance et la volonté de se battre pour améliorer les conditions de centaines de milliers de paysans pauvres de l’ensemble de la Thaïlande. Il était intéressant de revoir les discours de ces dirigeants des deux derniers mois, très combatifs, stimulant l’idée du combat jusqu’au bout, de la nécessité d’être prêts à être des martyrs,…Dans de nombreux speechs, ces leaders promettaient qu’ils seraient les premiers à périr pour les revendications des paysans pauvres et qu’ils appelaient tout le monde à avoir le même esprit de sacrifice. Un des dirigeant principal déclarait lors d’un de ces speech : `Le gouvernement est aujourd’hui obligé de nous entendre, notre mobilisation est un succès. Et si jamais Abhisit refuse de satisfaire nos revendications, qu’il sache que nous sommes des millions et que si chacun d’entre nous prépare une bouteille avec de l’essence, ce sont des millions de cocktails molotovs qui se déverseront sur l’ensemble de la Thaïlande. Nous détruirons tout si c’est nécessaire pour se débarrasser d’eux` (extrait d’un speech lors d’un JT sur la chaine nationale Thaï).

    En effet, après la répression féroce du 10 avril, ce genre de discours, répondait temporairement à l’attente de milliers de chemises rouges qui souhaitaient exprimer leur colère. Maintenant, nous devons y voir avant tout un manque complet de perspective qui pouvait faire avancer le mouvement vers une victoire. Il est clair que l’aspect positif de la mobilisation de masse des paysans s’est retrouvé rapidement confronté à ses limites. Les leaders rouges n’avaient aucun intérêt à élargir ce mouvement aux travailleurs des villes, sachant pertinemment bien que cela mettrait leur position en danger. Mais il est clair que la division exacerbée qui existe entre paysans des campagnes et travailleurs des villes était l’obstacle principal au possible développement du mouvement. Cette attitude consciente des leaders rouges a permis de laisser le gouvernement et l’armée décrédibiliser le mouvement aux yeux de larges couches de la population. Et il est vrai que le manque de perspective, d’activités vers la population ouvrière de Bangkok par exemple a facilite le travail du gouvernement. De plus les méthodes erronées employées à certains moments, telles que des attaques à la grenade, des assassinats de militaires,…ont desservi les intérêts des paysans en lutte. Ceci étant dit, il est bien sûr nécessaire de voir et de comprendre que les actes de provocation du gouvernement et de l’extrême-droite monarchiste existaient aussi de manière significative. Mais il est clair que l’armée et le gouvernement ont pu utiliser tous les moyens possibles pour isoler les paysans en lutte. Ils utilisaient les medias, via des émissions quotidiennes analysant des vidéos montrant la violence des rouges, avec comme but de dépeindre les rouges comme des terroristes assoiffes de sang qui n avaient comme revendication que le retour de Thaksin. Face a cela, aucun effort n’a été fait pour contrecarrer la propagande du gouvernement via la construction de medias indépendants ou à l’aide d’activités consciemment orientées vers la population.

    Quelles leçons tirer?

    La colère et les revendications des paysans du nord sont légitimes et doivent recevoir tout notre soutien. Maintenant, il est clair, tout comme Trotsky nous l’expliquait il y a déjà longtemps, que “la crise de l’humanité se réduit à la crise de sa direction révolutionnaire”. Aujourd’hui en Thaïlande, aucun parti ouvrier n’existe et n’est apte à construire un programme capable d’unifier les revendications des travailleurs et des paysans pauvres à travers un travail patient et constructif. Si une telle formation existait, elle aurait pu éviter l’isolement des paysans dans un quartier de Bangkok et organiser consciemment des activités, manifestations, meetings appelant les travailleurs thaïlandais à rejoindre leur combat avec leurs revendications. Au moment de la répression féroce de l’armée, le rapport de force n’aurait pu être renversé que si la classe ouvrière de Bangkok était entrée en action, organisant des grèves d’ampleur, bloquant les centres vitaux économiques de la ville, organisant la solidarité et des manifestations de masse. Une telle situation aurait rendu beaucoup moins évidente la répression et aurait permis d’unifier dans un combat commun les différentes couches de la population Thaïlandaise.

    Aujourd’hui, vu l’échec du mouvement et le manque d’alternative, il est fort à parier que les éléments les plus combattifs s’orientent vers des actions violentes, des sabotages,…comme certains l’ont déjà annonce ouvertement.

    La lutte que nous venons de vivre en Thaïlande doit nous faire comprendre l’aggravation de la misère que vivent les masses pauvres de l’Asie. De tels évènements ne sont qu’un avant goût des futures explosions sociales que nous allons certainement vivre dans les années qui viennent. A nouveau, en tant que marxistes révolutionnaires, nous devons redoubler d’efforts pour construire une force politique capable de jouer un rôle dans ces futurs développements sur base de l’expérience du mouvement ouvrier international. C est la seule voie qui nous permettra d’éviter de tels échecs à l’avenir et qui nous offrira la possibilité de construire un monde sans inégalités et sans oppression, un monde socialiste!

  • Hong-Kong : Grève à Foshan Honda – La lutte continue, solidarité avec les travailleurs de Honda !

    Soutenez la lutte des travailleur de Honda, soutenez des syndicats démocratiques indépendants

    Ce lundi 31 mai, les travailleurs de Foshan Honda ont poursuivi la grève malgré la répression du gouvernement local et de leur employeur japonais. Le piège de la direction de Honda n’est pas parvenu à briser la solidarité des travailleurs, et ces derniers continuent leur lutte pour des augmentations de salaire.

    Chinaworker.info

    Selon les rapports des travailleurs Honda qui se sont confiés à chinaworker.info, Honda a proposé un troisième plan de hausse salariale pour le 29 mai. Suivant ce plan, le salaire des apprentis sera relevé de 634 RMB (76€) par mois, et les salaires des employés le seront de 300 RMB (36€). L’entreprise a demandé aux travailleurs de signer un nouveau contrat promettant la fin de leur grève à 9:30 le 31 mai. Cette hausse salariale est en-dessous de ce que les travailleurs avaient revendiqué : une hausse de 800 RMB (96€) par mois pour tous les travailleurs. Plus important encore, Honda a refusé de réintégrer deux travailleurs licenciés pour leur rôle au cours de la grève. Par conséquent, les travailleurs ont refusé la proposition de Honda et ont poursuivi la grève.

    Le 31 mai, la direction de l’usine, les formateurs des apprentis et les bureaucrates du syndicat officiel local ont entamé une discussion séparée avec les travailleurs. Ils voulaient racheter les contremaîtres et menacer les apprentis qu’ils n’obtiendraient pas leurs diplômes des écoles techniques, mais la plupart des travailleurs ne se sont pas laissés intimider. Ils se sont rassemblés en-dehors de l’atelier et ont scandé des slogans pour ‘‘poursuivre la grève!’’

    Le 31 mai à 15h, le gouvernement local a envoyé tout un bataillon de police anti-émeute sur l’usine. En plus de ça, le syndicat officiel local (qui n’est jamais qu’une succursale de la dictature du parti unique) a envoyé plus de cent agents de sécurité et bandits à l’usine Foshan sous prétexte ‘‘d’aider les négociations’’. Ces gens du syndicat officiel portaient tous la même casquette jaune. Une dispute a éclaté et les ‘‘représentants syndicaux’’ ont attaqué les travailleurs – blessant une demi-dizaine de travailleurs par leur répression violente.

    Bien que les travailleurs de Foshan sont confrontés à des menaces et à une répression croissantes, la grève continue. Ils ont formulé six revendications :

    1. Une hausse salariale de 800 yuan pour chaque travailleur
    2. Une prime d’ancienneté, d’une hauteur de 100 RMB (12€) par mois pour chaque année d’ancienneté
    3. La réintégration des travailleurs licenciés, halte à la répression et à la victimisation des travailleurs
    4. Chaque journée de grève doit être payée
    5. Une réponse aux plaintes et suggestions émises par les travailleurs, et l’amélioration des services sur le lieu de travail
    6. L’organisation de nouvelles élections sociales pour réélire un nouveau président du syndicat local

    Chinaworker.info et Socialist Action (section hongkongaise du CIO) soutiennent entièrement la grève des travailleurs de Foshan Honda. Nous appelons les socialistes et les syndicalistes partout dans le monde à inonder la direction de Honda sous des messages de protestation contre leur refus de satisfaire aux revendications des travailleurs, et contre leur grossière action antisyndicale et de casse de la grève.

    Exemple de lettre de protestation :

    Nous exprimons notre grave préoccupation par rapport aux actions de l’entreprise Foshan Honda en Chine et soutenons entièrement la lutte des travailleurs pour la défense de leurs droits de base et pour l’obtention d’une modeste hausse salariale. En soutien aux travailleurs de Foshan Honda, nous exigeons de votre corporation et du gouvernement chinois d’entamer immédiatement des négociations avec les travailleurs et d’accepter leurs revendications.

    • Réintégration immédiate des travailleurs licenciés – non à la victimisation des travailleurs pour leur participation à la grève
    • Payer tous les salaires dus aux travailleurs, y compris les salaires pour toute la période de grève
    • Halte à la répression antisyndicale du gouvernement local, du syndicat officiel et de la police
    • Pour le droit des travailleurs à s’organiser en un syndicat indépendant et contrôlé démocratiquement

    Envoyez vos messages de protestation aux adresses suivantes :

    Honda Motor (China) Investment Co., Ltd

    E-mail : yingying_wang@hmci.honda.com.cn

    Addresse : East Third Ring Road, Chaoyang District, Beijing Development Building 5, Room 301, Post Code: 100004

    Tel: 86 – 010 – 65909020

    Administration de la ville de Foshan

    E-mail : xxgk@fsxzfw.gov.cn

    Addresse : Foshan Lingnan Road, Building 17, North 12; Post Code: 528000

    Tel : 0757-83320934 Fax :0757-83321424

  • DOSSIER: Le Portugal au bord de l’incendie

    Préparons-nous à une lutte de masse

    ‘‘Vladimir Lénine a dit un jour qu’une révolution se développe lorsque ceux d’en haut ne peuvent plus gérer les choses comme avant et que ceux d’en bas ne peuvent plus subir les choses comme avant.’’ Ces paroles n’ont pas été prononcées par un membre du Parti Communiste, mais par Pedro Aguiar-Branco, député du PSD (Partido Social Democrata, le principal parti d’opposition de droite au Portugal), lors de la session commémorative de l’Assemblée Nationale du 36ème anniversaire de la Révolution d’Avril 1974. Il a également, entre autres, cité la dirigeante révolutionnaire allemande Rosa Luxemburg, terminant son discours par ‘‘Donnons au peuple le pouvoir de produire, de choisir et de décider.’’

    Cédric Gérome, Comité pour une Internationale Ouvrière

    Le fait qu’un membre dirigeant d’un des partis les plus réactionnaires du Portugal ait déclamé un discours aussi populiste donne une idée de la vague de déroute qui affecte l’establishment au pouvoir, avec pour toile de fond la crise organique à laquelle est confrontée le pays. Le militantisme croissant des travailleurs portugais lors de la période récente, et l’impact toujours influent de la révolution de 1974-75 dans leurs esprits, sont des facteurs importants dans les calculs cyniques de tels politiciens de droite. Mais par-dessus tout, ce discours illustre le fait que l’élite politique a perdu toute boussole idéologique pour justifier de manière populaire sa poursuite d’un brutal agenda anti-travailleurs.

    Le gouvernement du PS intensifie l’austérité

    Après l’adoption du PEC (Plan de Stabilité et de Croissance), un plan déjà gigantesque de bain de sang social, très justement renommé par les travailleurs portugais ‘‘Plan d’Exploitation Capitaliste’’, l’ensemble de l’establishment européen a clairement affirmé que ce plan était ‘‘insuffisant’’.

    Après la nouvelle dévalorisation des bons d’Etat portugais par l’agence de cotation Standard and Poor, le gouvernement du PS (Partido Socialista) est confronté à une intense pression pour accélérer les mesures d’austérité. Malgré leurs lamentations quant aux ‘‘attaques spéculatives injustifiées contre notre pays’’, le Premier Ministre José Sócrates et le Ministre des Finances Teixeira de Santos ont promptement révélé leurs véritables intentions en annonçant leur disponibilité pour faire ‘‘tout ce qui est nécessaire’’ afin d’apaiser les marchés, présentant avec entrain avec un nouveau plan destiné à couper les allocations de chômage.

    La base de ce plan, adopté dans un contexte de taux de chômage officiel record, à son niveau le plus élevé depuis le début des statistiques, est de restreindre les conditions par lesquelles les chômeurs seraient forcés d’accepter un travail. A partir du 13ème mois de chômage, un travailleur sans emploi doit accepter n’importe quel travail, même s’il est sous le salaire minimum officiel (475€), ou risquer de perdre ses allocations.

    Mais, évidemment, ce n’était pas assez. Moody’s, une autre agence de cotation, a annoncé qu’elle allait probablement procéder à une dévalorisation de la cote des bons d’Etat portugais. Jouant le rôle de pantins entre les mains des spéculateurs et des banques, Socrates et le dirigeant du PSD, Pedro Passos Coelho, ont arrangé une réunion en commun afin de mettre sur pied un nouveau tour de mesures d’austérité. Ces nouvelles mesures incluent une hausse de 1% la TVA, à 21% au lieu de 20%, y compris sur les produits de base, une hausse de 1,5% de l’impôt sur le revenu, une coupe de 5% des salaires du personnel senior du service public et des politiciens, et le gel des grands travaux publics, tel que le nouvel aéroport de Lisbonne qui avait été projeté.

    Tout comme son prédécesseur, ce ‘‘PEC 2’’ ne résoudra aucun des problèmes auxquels est confrontée l’économie capitaliste du Portugal. En attaquant la demande domestique, le gouvernement ne fait qu’appliquer exactement les mêmes recettes que celles qui ont plongé le pays dans l’abysse pour commencer. Un dirigeant conservateur a correctement caractérisé la nouvelle version du PEC comme un ‘‘bombardement de l’économie’’.

    Qui plus est, alors que les mesures précédentes ont essentiellement ciblé le secteur public, ces nouvelles hausses de taxes ont un caractère général, attaquant l’ensemble de la classe ouvrière sans distinction. Ceci jette les bases d’un autre type de ‘‘bombardement’’ : un bombardement social.

    Crise politique

    Malgré ses gesticulations populistes, le PSD est tout à fait d’accord avec le PS sur l’idée fondamentale que la crise actuelle doit être ‘‘résolue’’ par le massacre des acquis et du niveau de vie des travailleurs et des pauvres. En fait, le PSD aimerait même aller plus loin et plus vite dans cette direction : la principale direction du parti ces derniers mois a été de plaider pour un changement de la Constitution ouvrant la porte à un démantèlement encore plus poussé et à la privatisation de la sécurité sociale, de l’éducation et des soins de santé.

    Lors de la dernière période, divers pactes nationaux ont été conclus entre Sócrates et Pedro Passos afin de s’assurer que le programme d’attaques du gouvernement PS minoritaire ne serait pas bloqué au Parlement par l’opposition de droite. Des parties importantes de la bourgeoisie aimeraient voir une coalition formelle impliquant ces deux partis, une sorte de gouvernement d’urgence nationale, afin d’assurer un exécutif plus stable, afin de resserrer les rangs pour les féroces batailles de classe à venir, auxquelles la thérapie de choc imposée au pays va immanquablement mener.

    Mais la faisabilité d’un tel scénario est incertaine. Plutôt que d’adoucir la crise politique, les accords entre les deux partis ne font qu’aiguiser les tensions entre leurs propres rangs. La révolte sociale émergente ne va que contribuer à affûter ces traits, et à ouvrir de nouvelles divisions entre et à l’intérieur des partis dominants, quant à la route à suivre.

    Militantisme en hausse

    ‘‘Le Portugal n’est pas la Grèce’’, voilà une phrase qui, au cours de cette dernière période, est devenue un véritable leitmotiv pour l’establishment portugais. Au-delà du risque d’un défaut sur sa dette, ce qui est en jeu ici est la peur de la classe dominante portugaise que, sous la pression d’une intensification ininterrompue des mesures d’austérité contre leurs conditions de vie, le militantisme des travailleurs portugais se développe de la même manière que celui des travailleurs grecs.

    ‘‘Malgré quelques actions dans le secteur public, l’opposition aux coupes budgétaires est moins bruyante qu’en Grèce’’, écrivait The Economist du 22 avril. Mais cela a bien plus l’air d’être un commentaire auto-satisfaisant qu’une perspective réaliste. Tout dans la situation indique que le peuple portugais ne va plus rester calme très longtemps. Et en fait, il ne l’est déjà plus.

    Nous avons déjà publié plus tôt sur le site du Comité pour une Internationale Ouvrière un article sur la manifestation qui a été organisée à l’occasion de l’anniversaire de la Révolution des Œillets. ‘‘On ne s’est pas battu il y a 36 ans pour en arriver là’’ était un sentiment très vivant lors de la manifestation. Un grand nombre de personnes considéraient cette manifestation comme partie intégrale de la riposte contre l’offensive du gouvernement et des patrons.

    La semaine suivante a été accompagnée par des grèves quasi chaque jour. Les facteurs ont organisé un arrêt de travail du 27 avril au 7 mai. La compagnie nationale des chemins de fer est partie en grève le 27, anticipant sur la grève générale des transports du lendemain, avec la participation massive – 95% nationalement – des travailleurs du rail, des chauffeurs de bus, des équipages des ferries et des bateaux, etc.

    Le jour suivant, la session parlementaire n’a pas pu se tenir, à cause de la grève des travailleurs du Parlement ! Le 1er Mai, 130.000 manifestants se sont rassemblés dans les rues de Lisbonne, sous la bannière de la lutte contre le PEC. Les travailleurs de la compagnie pétrolière Galp ont déjà, à deux reprises, bloqué les deux raffineries et autres installations de la compagnie en avril et en mai, autour d’un conflit salarial.

    Le nombre de conflits locaux est en augmentation lui aussi. A Lisbonne, plus de 3.000 nettoyeurs ont organisé une grève de deux jours, et 90% des égoutiers, des éboueurs, des chasseurs de vermines et même des jardiniers de cimetières se sont unis pour une hausse des subsides de sécurité, qui n’ont pas été ajustés à la l’inflation et aux salaires en hausse depuis 2003. ‘‘C’est pas parce qu’on ramasse les déchets qu’on doit se faire traiter comme tels !’’ a déclaré un des travailleurs qui menait la lutte et qui est également actif avec deux autres collègues dans Socialismo Revolutionario, la section portugaise du CIO. Les travailleurs ont obtenu une importante victoire, avec l’obtention d’une hausse des subsides de sécurité pour cinq ans, et une hausse des salaires pour 2010.

    Les infirmières, qui ont déjà organisé plusieurs jours de grève depuis le début de l’année, se préparent à de nouvelles actions dans leur lutte pour une hausse des salaires. Les enseignants ont menacé de partir ‘‘en guerre’’ contre le gouvernement. Et ils savent de quoi ils parlent, comme l’a clairement démontré leur long et massif conflit de 2008.

    ‘‘Em April, aguas mil’’ est un proverbe portugais qui signifie ‘‘En avril, mille pluies’’. Un journal portugais l’a transformé en ‘‘Em april, greves mil’’! En effet, le mois d’avril de cette année a connu le plus grand nombre de grèves dans le pays depuis seize ans. La classe capitaliste est de plus en plus effrayée par la possibilité de troubles sociaux. Le 27 avril, le plus grand journal d’affaires, Diario Economico, écrivait cet avertissement dans son éditorial: ‘‘Les actions de grève sont en hausse après 15 ans de calme. Si les syndicats poursuivent leur stratégie, nous allons droit vers un suicide collectif’’. Toutefois, du point de vue des travailleurs, le problème de la stratégie des syndicats… est plutôt le fait qu’il n’y en a pas.

    La CGTP-IN doit utiliser ses forces de manière efficace – construisons la grève générale !

    Après les nouvelles mesures d’austérité annoncées par le gouvernement, Carvalho da Silva, secrétaire général de la plus grande centrale syndicale, la CGTP-IN, a déclaré que ‘‘Soit nous organisons une très forte riposte, soit nous serons tous au pain sec et à l’eau’’, ajoutant que ‘‘probablement, on adoptera des décisions en vue d’une mobilisation exceptionnelle des travailleurs.’’ Malheureusement, il n’a pas spécifié en quels termes cette ‘‘mobilisation exceptionnelle’’ serait organisée, à part le fait d’appeler à la manifestation nationale déjà prévue, le 29 mai.

    Ceci, malgré le fait qu’un grand nombre de travailleurs ont montré qu’ils sont prêts à se battre et attendent désespérément un plan d’action sérieux. Quiconque ne reconnaît pas cette réalité basique, est soit aveugle, soit criminel. Lors du meeting national des délégués des syndicats de la CGTP, qui s’est tenu le 15 mai, 500 délégués de différents syndicats étaient présents. La direction syndicale a été forcée de convoquer ce meeting à cause des nouvelles attaques de la classe dominante portugaise, mais aussi à cause de la pression croissante de la base des syndicats. La majorité des personnes présentes désiraient utiliser le 29 mai en tant que première étape vers la mobilisation pour une grève générale. Mais la direction syndicale a tenté d’employer une attitude prudente et, malgré un discours militant, a décidé d’attendre jusqu’à après le 29 mai avant de prendre ou d’annoncer de nouvelles actions.

    Da Silva est en train de dire que ‘‘Il y a beaucoup de choses à faire avant la manifestation nationale prévue pour le 29 mai’’. Ceci est tout à fait vrai, mais lorsqu’on arrive à la question de que faut-il faire, rien de concret n’a été proposé. La direction syndicale devrait appeler immédiatement à une grève générale de 24 heures, et utiliser les prochaines semaines pour préparer sérieusement la mobilisation dans toutes les entreprises et toutes les usines. La manif du 29 mai doit être utilisée en tant que tremplin pour ce blocage, avec des meetings et manifestations de masse dans toutes les régions et toutes les villes, en invitant les travailleurs, les jeunes, les étudiants, les chômeurs, les pensionnés, etc. à se rassembler dans cette réponse massive contre l’agenda de misère concocté par le gouvernement capitaliste. Il ne fait aucun doute qu’un tel appel recevrait une réponse enthousiaste de la part des centaines de milliers de personnes partout dans le pays.

    La Gauche et la nouvelle période

    Un nombre important de travailleurs et de jeunes sont en train de se diriger vers les deux grands partis de gauche, le Bloc de Gauche (Bloco de Esquerda – BE) et le Parti Communiste Portugais (PCP), cherchant une réponse à l’impasse capitaliste actuelle. Avec leur influence dans les mouvements sociaux et au Parlement, ces partis ont des occasions uniques pour soulever à une échelle de masse la nécessité d’une perspective et d’un programme socialistes.

    Le grand soutien dont le PCP dispose toujours dans la classe ouvrière et, dans une certaine mesure, parmi la jeunesse, est d’une grande importance. Il montre que le langage du marxisme est en train de trouver plus de quelques oreilles ouvertes dans le pays. Mais le fait de fournir un programme et une approche marxistes corrects en direction de ces couches est encore plus important.

    Dans son dernier communiqué, le PCP a parlé de la nécessité de promouvoir l’investissement, ‘‘surtout l’investissement public’’. Il s’y disait en faveur de la création d’emplois, de hausses des salaires et des pensions, et d’une extension des allocations sociales. Nous soutiendrons toutes ces revendications. Mais ce parti n’explique pas comment ces mesures pourraient être mises en œuvre, à part par la proposition d’une taxe sur les banques à hauteur ‘‘d’au moins 25% de leurs profits’’, de même que d’une taxe sur les transactions boursières.

    Ces mesures, bien que constituant des pas en avant, restent totalement insuffisantes et, en outre, très théoriques. Tant que le pouvoir politique et économique reste entre les mains des banques, des grandes corporations, et de leurs laquais au gouvernement, de telles mesures ne seront jamais mises en œuvre. La classe ouvrière doit de manière indépendante élaborer son propre agenda de luttes, avec pour but de placer ces banques, de même que les secteurs-clés de l’économie, sous contrôle public. Une économie planifiée, démocratiquement contrôlée et gérée à tous les niveaux par les travailleurs, créerait la base matérielle pour l’accomplissement de toutes les revendications précitées. Malheureusement, malgré les discours sur le ‘communisme’, le PCP ne tente quasi pas d’élaborer un programme concret de revendications transitoires afin de réaliser un tel objectif.

    Le PCP dénonce tout à fait justement l’hypocrisie de la phraséologie PS et PSD, tous deux prônant l’‘‘intérêt national’’ afin d’attaquer les travailleurs et leurs familles. Mais pourquoi, ayant dit cela, le même PCP parle-t-il d’‘‘accroître la production nationale’’, de défense de la ‘‘souveraineté nationale’’, de l’affirmation d’une ‘‘gauche patriotique’’, etc. ? Les socialistes s’opposent aux dictats du marché, du FM, de l’UE, etc., mais, dans une société capitaliste, la ‘‘défense de l’économie nationale’’ ne signifie rien d’autre que la défense des intérêts et des profits des capitalistes et patrons nationaux. Nous savons que ce n’est pas pour cela que se battent les militants du PCP. Mais le PCP devrait clarifier ce point : il devrait se positionner en faveur de la nationalisation des secteurs-clés de l’économie et pour un monopole d’Etat sur le commerce extérieur afin de briser l’emprise du marché, mais aussi pour une réponse internationaliste face à la crise.

    Comme l’a clairement démontré l’exemple de l’Union Soviétique, même une économie où la production a été nationalisée ne peut pas être durable si elle reste limitée à des frontières nationales et sans démocratie ouvrière.

    Dans une situation où, partout en Europe, les travailleurs sont confrontés à une avalanche de propagande nationaliste, et où l’establishment politique tout entier ne parle plus que d’‘‘unité nationale’’ afin de lier les intérêts des travailleurs à ceux de leurs maîtres capitalistes, une réponse puissante et unie de la part de la classe ouvrière internationale afin de couper court aux tentatives de division n’a jamais été aussi nécessaire.

    Récemment, un nombre important de membres du Parlement Européen du groupe GUE/NGL a pris une initiative en commun pour soutenir des actions paneuropéennes contre les programmes d’austérité, sous la forme d’une Semaine d’Actions et de Solidarité du 21 au 26 juin, en tant que première étape. La participation active du PCP à une telle initiative aurait un impact immense au Portugal.

    D’un autre côté, alors que le CIO salue le fait que les parlementaires du Bloc de Gauche soutiennent une telle initiative, ce même parti doit rester consistant dans ce qu’il prône et s’assurer que ce soutien ne reste pas cantonné à de belles phrases sur papier. On ne peut pas parler de solidarité avec les travailleurs grecs tout en votant en même temps au Parlement National en faveur du plan de sauvetage de la Grèce de l’UE et du FMI, conditionné par l’imposition d’un programme d’austérité massif contre la population grecque, comme l’a honteusement fait l’ensemble du groupe parlementaire du Bloc de Gauche il y a à peine quelques jours.

    Un autre exemple de ce genre de ‘‘schizophrénie politique’’ a été mis en évidence par le soutien officiel que la direction nationale du Bloc de Gauche a décidé de donner à la candidature de Manuel Alegre pour les élections présidentielles de 2011.

    Manuel Alegre est une figure dirigeante historique du PS, qui est en train de se présenter comme candidat ‘indépendant’ pour ces élections. Le CIO pense que ce positionnement de la part du Bloc de Gauche est un dangereux précédent. A part le fait que cette décision n’a pas été prise sur base d’un débat démocratique à l’intérieur du parti, Manuel Alegre, malgré ses soi-disant différences avec la direction du PS, insiste toujours sur le fait que le PS reste sa ‘‘famille politique’’. Pire que ça, le même Alegre a accordé le 15 mai une interview au journal Expresso, dans laquelle il s’est explicitement dit d’accord avec le fait que les mesures d’austérité sont ‘‘dures, peu agréables et douloureuses, mais inévitables’’, avant d’ajouter qu’il ‘‘aimerait un accord politique autour de ces mesures, qui impliquerait les autres partis et les partenaires sociaux, y compris les syndicats’’.

    Les résultats que le BE a obtenus lors des dernières élections ont représenté un signal positif de la part d’un certain nombre de gens qui recherchent une formation en tant qu’outil pour le changement. Mais, comme le CIO l’a commenté à ce moment-là, plutôt que de lorgner sur sa droite, le Bloc de Gauche devrait plus regarder à gauche et avoir plus de dialogue avec la seule force capable de changer la société et de réaliser un programme socialiste – la classe ouvrière.

    Le Bloc de Gauche, malgré ses discours occasionnels sur un ‘‘socialisme populaire’’, se contente en général de critiques très vagues sur la politique du gouvernement, et n’utilise pas sa position pour formuler un agenda clairement anticapitaliste. Il ne fait rien ou pas grand-chose dans les syndicats et dans la classe ouvrière industrielle, et concentre de plus en plus l’ensemble de ses activités sur le terrain parlementaire.

    Juste après que les bons d’Etat portugais se soient faits dévaloriser par Standard & Poor, Francisco Louça, le principal porte-parole du Bloc de Gauche, a donné une conférence de presse devant les caméras de la télévision nationale. Il n’a pas parlé de la nationalisation des banques et du système financier, ni même de la mobilisation des travailleurs. Il a parlé d’une ‘‘économie plus décente’’, sans spécifier comment et par qui ceci pourrait être réalisé, et la seule revendication concrète et discernable qu’il a mise en avant était ‘‘une agence de cotations publique européenne.’’

    Pour un gouvernement ouvrier, basé sur un socialisme authentique et démocratique

    Il est regrettable que ni le PCP, ni le Bloc de Gauche ne donnent une indication claire sur ce qu’il faut pour construire la mobilisation, ni n’offrent un programme qui lie la lutte actuelle à la nécessité d’une société socialiste de manière détaillée. Cependant, la Gauche devrait être préparée pour les batailles sociales qui sont en train de se développer. Il est inévitable que les traditions révolutionnaires du prolétariat portugais vont ressurgir, plutôt tôt que tard. ‘‘Jamais depuis 1974 le pays n’a été si proche de l’explosion sociale’’, disait une dame qui travaille dans une association d’aide sociale à Lisbonne, dans une intervew au Monde du 28 avril.

    Malgré leurs limites, le BG et le PCP sont considérés par toute une couche de travailleurs radicalisés et de jeunes comme étant une alternative aux partis capitalistes actuels. Le CIO est en faveur d’une alliance entre ces deux partis, avec le mouvement syndical, qui puisse forger ensemble un programme de lutte capable de servir comme un point de ralliement, et donner la confiance et des perspectives à la masse du peuple qui montre en ce moment sa volonté de se battre, dans chaque coin du pays. Un appel clair pour une grève générale de 24 heures serait un premier pas important dans une telle direction.

    Nous sommes en faveur de la mise sur pied de comités d’action démocratiques dans les entreprises et dans les quartiers afin de construire ce qui sera une bataille prolongée, afin de préparer la base pour l’établissement d’un gouvernement ouvrier, basé sur des représentants démocratiquement élus et révocables par les travailleurs, les syndicats et les organisations sociales, dans les entreprises et dans les quartiers. Un tel gouvernement placerait les secteurs bancaire et financier dans le domaine public, de même que dans les autres secteurs-clés de l’économie, et rédigerait un plan rationnel de production basé sur la satisfaction des besoins sociaux de la majorité. Les points de départ pour la construction d’une nouvelle société, libre de l’avidité, de l’exploitation et de la spéculation, serait alors possible et représenteraient un exemple immensément inspirant pour tous les travailleurs d’Europe.

    • Renflouer les pauvres, pas les spéculateurs et les requins de la finance ! Nous ne payerons pas pour la crise, nous ne payerons pas la dette !
    • Non au gel des salaires dans le public comme dans le privé !
    • Non aux hausses d’impôts, à part pour les grosses entreprises et pour les banques ! Abolition de la TVA sur les produits de base !
    • Combattre le chômage, pas les chômeurs ! Nationalisation sous le contrôle des travailleurs et de leurs organisations des industries et des compagnies qui menacent de licencier des travailleurs ou de fermer ; pour la semaine de 35 heures, sans perte de salaire, afin de partager le travail !
    • Halte aux privatisations et aux partenariats public-privé ! Pour le financement d’un Service de Santé National, de l’éducation publique et de la sécurité sociale !
    • Nationalisation des services bancaire et financier sous le contrôle des travailleurs et de leurs organisations, afin d’utiliser la richesse pour satisfaire les besoins de la population, et non les profits privés d’une minorité !
    • Nationalisation des secteurs-clés de l’économie, sous contrôle et gestion démocratiques, avec compensation payée pour les actionnaires uniquement sur base de besoins prouvés !
    • Halte à la dictature des marchés boursiers, des banques et des riches ! Pour une société socialiste authentique et démocratique, avec une économie planifiée afin de satisfaire les besoins de tous, et pas les profits des riches !
    • Solidarité avec les travailleurs du reste de l’Europe et du monde entier, dans une lutte commune contre le capitalisme qui ruine nos vies et détruit la planète !
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