Category: Politique belge

  • Non, le Vlaams Belang n’est pas un parti social !

    Le 24 septembre 2023, le Vlaams Belang tiendra un congrès socio-économique à Affligem. Il cherchera à s’y présenter comme un parti « social », pour autant qu’on soit Flamand. Le parti tente de soigner sa popularité auprès de l’électorat dont les conditions de vie sont mises à mal par les années de politiques antisociales. Réductions des allocations sociales, aggravation des conditions de travail et autres mesures néolibérales ont laissé des traces. Le vernis de « social » du parti est une pure invention. Dans les faits, son programme et son comportement aux parlements démontrent sans le moindre doute possible que le VB est tout aussi antisocial au niveau socio-économique que n’importe quel autre parti procapitaliste.

    Par Nils (Gand)

    Dans les années 1980 et 1990, le VB était fier de se profiler comme parti néolibéral pur et dur. Il défendait l’augmentation de l’âge de la pension, l’abolition de l’indexation automatique des salaires et allocations, la généralisation des bas salaires, une plus grande flexibilité au travail et, parallèlement, une avalanche de cadeaux fiscaux pour les grandes entreprises. En 2005, le journal De Tijd – que l’on peut difficilement soupçonner de sympathies gauchistes – décrivait le programme socio-économique du VB de l’époque comme « du néolibéralisme avec l’indépendance de la Flandre comme mesure passe-partout. » Après la récession de 2008, l’extrême droite flamande s’est adaptée. Elle défend toujours les intérêts patronaux, mais elle les présente sous un emballage social trompeur.

    Le VB reste le parti antisocial par excellence. À l’occasion des élections de 2019, il semblait opposé au relèvement de l’âge de la retraite à 67 ans et en faveur d’une pension minimale de 1.500 euros. Poudre aux yeux. Le VB liait explicitement l’âge de la retraite au nombre d’années et d’heures travaillées et il fallait 40 ans de carrière (66.000 heures travaillées) pour obtenir une pension minimale. Concrètement, seules les personnes travaillant à temps plein auraient eu droit à cette pension minimale ! Comme les femmes sont plus nombreuses à travailler à temps partiel (40,7 % de celles-ci selon Statbel), la proposition du VB était donc également très discriminatoire envers elles.

    Le VB n’a pas bougé d’un iota sur ce terrain. Il a toutefois adapté le montant qu’il préconise pour une pension minimale à 1.650 euros, une correction qui ne reflète même pas l’inflation. Et quand le gouvernement De Croo a présenté sa réforme des pensions, qui s’attaque frontalement à celle des fonctionnaires, le VB l’a qualifiée de « rouge foncé ». Pour la droite et l’extrême droite, les conditions d’accès à une pension minimale ne sont jamais assez strictes.

    Dans chaque domaine, le Vlaams Belang ne sert qu’une partie de la population : les riches ! En 2017, le VB a voté en faveur du renforcement de la fameuse loi de 1996 sur la norme salariale qui assure le gel des salaires. Le parti prétend pourtant défendre le pouvoir d’achat du « Flamand ordinaire »… Par contre, quand une législation a été présentée au Parlement européen portant sur la création d’une liste noire des États membres qui sont des paradis fiscaux et d’un cadastre des impôts payés par les multinationales, les élus du Vlaams Belang s’y sont opposés. Le Vlaams Belang et la N-VA ont été les seuls partis belges à voter contre l’introduction d’un salaire minimum européen. Ce salaire minimum aurait augmenté les salaires, en particulier en Europe de l’Est, mais cela aurait découragé les délocalisations vers ces pays ou les pratiques de dumping comme l’importation de travailleurs temporaires. Le VB clame vouloir protéger le « peuple flamand » de ces deux problèmes, et aime y injecter des fables xénophobes, mais il soutient activement la poursuite de ces pratiques(1).

    Le VB fait tout ce qui est en son pouvoir pour garantir les profits des très riches aux dépens de notre sécurité sociale avec toutes sortes d’avantages fiscaux, mais aussi en s’attaquant aux principales lignes de défense du mouvement ouvrier. Le Vlaams Belang est un parti résolument antisyndical. Il veut réduire autant que possible le pouvoir du mouvement ouvrier organisé, afin de laisser le champ libre aux patrons. Il veut imposer la personnalité juridique aux syndicats, ce qui les obligerait, entre autres, à rendre publiques les caisses de grève (au grand bonheur des patrons). Il veut également retirer aux syndicats le paiement des allocations de chômage.

    Pour tous ses problèmes, le VB pointe du doigt les « étrangers ». Les migrants constitueraient la plus grande calamité de notre société, alors qu’ils sont victimes du système capitaliste tout comme le reste de la population. Par contre, pas un mot sur les grands profiteurs capitalistes qui engloutissent des milliards. Derrière le masque du « peuple » se cache un parti chien de garde du capital. Le VB botte en touche dès qu’il s’agit de s’en prendre aux plus riches. C’est parfaitement délibéré. L’extrême droite aide à monter les différents groupes de victimes de ce système antisocial les uns contre les autres afin que le cœur du problème, le capitalisme, soit protégé de toute remise en question.

    Si le congrès socio-économique du VB se déroule sans riposte, il aura plus facile à répandre ses mensonges pour gagner le soutien des travailleurs et des jeunes. Cela fait partie de sa stratégie pour s’assurer une victoire électorale retentissante le 9 juin prochain. Les syndicats et la gauche ont un rôle central à jouer pour faire tomber les masques.

    Il faut une alternative sociale cohérente aux politiques antisociales. Il faut partager les richesses, pas diviser les travailleurs ! Et pour redistribuer cette richesse, la classe travailleuse doit elle-même en prendre le contrôle.

    (1) https://lavamedia.be/het-asociale-stemgedrag-van-extreemrechts-30-voorbeelden

  • Stop à l’extrême droite!  

    La menace d’extrême droite enrobe le globe. A cause des réseaux sociaux ou de la droitisation de la société ? Non. En raison des multiples crises du système capitaliste. Dans le monde entier, les gens cherchent à s’en sortir. Certains tentent d’inverser la vapeur en se mobilisant pour le climat et contre les oppressions ou décident de voter pour des partis de gauche comme le PTB. Mais l’incapacité à populariser ou à organiser la lutte vers un changement révolutionnaire laisse un espace aux mensonges de l’extrême droite, même si elle ne représente qu’un capitalisme encore plus brutal et conservateur. No Pasaran ! 

    Par Arne (Gand) 

    Aux quatre coins du globe, violence, discrimination et provocations racistes sont de plus en plus courantes. En Suède, aux Pays-Bas et au Danemark, des Corans ont été brûlés par des islamophobes. En Asie et en Europe, la violence transphobe et homophobe n’a jamais été aussi déchaînée depuis dix ans. 

    Ne nous décourageons pas. Les mouvements Black Lives Matter contre le racisme, #MeToo contre le sexisme et en faveur des droits LGBTQIA+ constituent de grands défis pour l’extrême droite. Ils illustrent les valeurs de solidarité propres à la classe travailleuse. Au Canada, le syndicat IATSE s’est mobilisé contre une manifestation d’extrême droite devant un camp d’été pour drag-queens. En Irlande, les bibliothécaires et leur syndicat se sont organisés contre des actions d’intimidation où des militants d’extrême droite venaient arracher certains livres des étagères. La meilleure riposte antifasciste, c’est la lutte collective. Inspirons-nous de la solidarité de la classe travailleuse et utilisons la confiance qu’elle nous donne pour populariser l’idée d’une société bâtie autour de cette solidarité et de l’unité de la classe travailleuse ! 

    Meloni, Orban, Erdogan et Poutine sont d’horribles expressions de l’instabilité d’un système aux abois. L’époque de la stabilité des partis traditionnels est révolue. Le dernier baromètre de confiance de Statistics Flanders a montré que seuls 4 % des électeurs font encore confiance aux partis traditionnels. Ce n’est pas surprenant. Les partis traditionnels tentent de travestir la réalité. On dit que les Belges sont « les plus riches au monde » mais, parallèlement, les données concernant la pauvreté sont alarmantes, ce qui n’échappe à personne.  

    L’extrême droite est instrumentalisée comme épouvantail au secours des institutions de l’ordre établi. Des journalistes se demandent « ce que les partis centristes de notre pays peuvent apprendre du recul électoral de Vox dans l’État espagnol et des scores remarquablement bons des socialistes et des conservateurs ». Ils suggèrent que les partis traditionnels constituent la seule alternative à l’extrême droite. Mais le danger est loin d’être écarté dans l’État espagnol. Les élections régionales furent un choc et il est positif que beaucoup de gens en aient été conscients pour les élections législatives anticipées qui ont suivi. Mais avec l’absence de solution des partis traditionnels et réformistes face à la désastreuse situation sociale du pays, il sera difficile d’éviter que des gens se trompent de colère la fois prochaine. 

    Peut-on faire confiance aux tribunaux dans le combat antifasciste ? Le procès des meurtriers de Sanda Dia et la bienveillance du jugement ou encore l’acquittement en appel de la majorité des charges contre le chirurgien Jeff Hoeyberghs, condamné initialement pour appel à la haine avec ses propos sexistes lors d’un meeting d’une organisation étudiante d’extrême droite, démontrent que la justice de classe n’est pas un allié antifasciste. Le 12 septembre, le procès de Dries Van Langenhove commencera au tribunal correctionnel de Gand. Quelle que soit son issue, il est clair qu’un groupe d’extrême droite comme Schild & Vrienden ne sera pas stoppé simplement par un juge.  

    Personne ne mènera le combat antifasciste à notre place ! Les jeunes, les groupes opprimés, les pauvres et la classe travailleuse doivent construire ensemble un mouvement de lutte et imposer leurs thèmes aux élections. Allons chercher l’argent là où il est pour assurer que les richesses soient utilisées dans l’intérêt de la majorité de la population. C’est ainsi que l’on réduira l’écho des mensonges de l’extrême droite. Cela exige de construire un rapport de forces : organisez-vous à nos côtés et rejoignez le combat anticapitaliste pour une société socialiste ! 

  • Crise de l’azote, crise du pouvoir d’achat : la politique agricole capitaliste est toxique

    L’agriculture fait rarement la « une » dans nos sociétés urbanisées. Le sujet est pourtant de première importance, surtout en temps de crise écologique et de flambée des prix alimentaires. La lutte pour une agriculture durable et équitable requiert une politique de rupture socialiste.

    Par Christian (Louvain)

    Début mars, le gouvernement flamand a failli tomber sur le dossier de l’azote. Le CD&V, au désespoir face à la fonte de son électorat, a tenté de se présenter comme le défenseur des agriculteurs qui ont manifesté à Bruxelles. Puis, le 15 mars, aux Pays-Bas le Mouvement agriculteur-citoyen (BoerBurgerBeweging, BBB) est arrivé en tête des élections provinciales. La politique environnementale du gouvernement néerlandais, notamment concernant l’azote, est sur la sellette. Le BBB a su profiter de la sympathie à l’égard des agriculteurs et du délaissement des zones rurales. Toutefois, ce mouvement issu de l’agence de publicité ReMarkAble, qui compte de gros clients dans les milieux agricoles (dont Bayer), ne représente en réalité pas les petits agriculteurs, mais plutôt les intérêts de l’agro-industrie.

    L’action gouvernementale

    Pas moins de 80% des zones naturelles en Flandre ont un niveau trop élevé d’azote dans le sol. Les autorités flamandes ont été sommées d’agir pour respecter la législation européenne et le gouvernement flamand vise à diminuer l’azote pour une quarantaine d’élevages, notamment de porcs. Pour ces fermes, cela signifie soit la fermeture soit une production fortement réduite. Autre source de colère : les normes concernant l’azote sont désormais 40 fois plus sévères pour l’agriculture que pour l’industrie.

    En Belgique la pollution par l’azote provient à 60% de l’agriculture par le biais d’engrais de synthèse (chimiques) et d’engrais de ferme (déjections animales). Les élevages sont disproportionnellement responsables de cette pollution. Le reste de cette pollution est issue du transport, de l’industrie et de ce que le vent apporte des pays voisins.

    Ce n’est pas un hasard si les Pays-Bas et la Flandre connaissent la pire pollution en azote en Europe. Aussi invraisemblable que cela puisse paraitre, les Pays-Bas sont le second exportateur agricole au monde après les États-Unis. Premier exportateur de viande en Europe, ils produisent aussi de copieuses quantités de lait, d’œufs et de fleurs. La Belgique elle aussi produit 2,7 fois plus de porc et 2,6 fois plus de volaille qu’elle n’en consomme. La Flandre produit l’énorme majorité de cette viande et concentre la plupart des fermes-usines.

    Les mesures adoptées sont encore loin d’être suffisantes. Seule la moitié de l’azote répandu est captée par les plantes et l’excédent de nitrate se retrouve dans la nappe phréatique et le long des côtes. L’eau en Belgique est dans l’un des états les plus critiques d’Europe, avec des taux de pollution record des nappes phréatiques et des rivières au nitrate et au phosphore. L’eau potable est purifiée grâce à des procédés onéreux, mais la vie aquatique n’a pas cette chance. Les particules d’ammoniac dans l’air se combinent avec d’autres polluants pour produire des matières fines nocives à la santé. L’azote nuit de plus à la biodiversité en favorisant un nombre restreint de plantes comme les herbes et les orties au détriment des espèces rares. Finalement, l’azote répandu en forme d’engrais émet du protoxyde d’azote lequel est près de 300% plus puissant que le CO2 et actuellement l’ennemi numéro un de la couche d’ozone.

    Une colère légitime

    Les agriculteurs se sentent trahis. Pendant des décennies, les subventions européennes, les banques et une concurrence acharnée sur les marchés internationaux les avaient poussés à produire à toujours plus grande échelle. En Belgique le nombre d’exploitations agricoles a été réduit de 68% entre 1980 et 2018 alors que la taille moyenne de celles-ci triplait quasiment. Ces exploitations plus intensives et mécanisées emploient 60% moins de gens.

    Ce sont principalement les grandes entreprises agroalimentaires qui s’en sortent par le haut, pas les agriculteurs. Ces derniers prennent tous les risques et, en fin de course, c’est encore à eux de payer pour les mesures environnementales. Leurs terres, fermes et machines ne leur appartiennent souvent pas vraiment, c’est la banque qui les possède, alors que leurs produits sont achetés à l’avance par les grandes entreprises au prix que celles-ci veulent bien payer. C’est l’agro-industrie qui détermine ce qui est produit et de quelle façon, notamment avec le recours à l’exploitation d’une main d’œuvre souvent immigrée clandestine dans les fruits et légumes. À droite, on cultive une vision romantique de la vie paysanne, centrée sur une indépendance parfaitement illusoire. En vérité, cette droite, une fois au pouvoir, est tout entière au service du grand capital. Les petits producteurs sont toujours trahis. La gauche doit se saisir de cette cause avec un programme qui saura trouver appui parmi les agriculteurs en reposant sur la justice sociale et l’écologie.

    La bataille pour l’eau

    Avec la crise climatique, les sécheresses n’ont pas fini de faire parler d’elles à travers le monde, un désastre amplifié par la surexploitation des nappes phréatiques et aquifères. L’aquifère (roche-réservoir d’eau souterraine) d’Ogallala est par exemple au cœur de la production d’un quart des terres agricoles étatsuniennes. Au Kansas 30% des puits sont déjà à sec et, d’ici 50 ans, on estime que ce sera le cas pour 70% de l’aquifère. L’irrigation est responsable pour 90% des prélèvements en eau de l’aquifère. Mais les subsides d’État encouragent à produire toujours plus avec plus d’eau, au bénéfice non pas des fermiers qui s’endettent et sont victimes de prix toujours plus bas, mais au profit de l’agrobusiness. En Europe, la politique agricole et la loi du marché fonctionnent de la même manière.

    Le conflit autour des mégabassines en France est emblématique. Ces bassines, de 8 hectares en moyenne, construites avec l’argent public sont censées permettre le stockage sous une bâche de l’eau prélevée dans les nappes phréatiques en hiver. Il s’agit prétendument d’une mesure visant à moins prélever en été. L’argument ne tient pas la route étant donné le déficit structurel des nappes et les sécheresses pluriannuelles. En réalité l’objectif est d’assurer la pérennité de l’agro-industrie. L’eau des mégabassines est avant tout destinée aux grands producteurs céréaliers, dont les cultures très gourmandes en eau servent à leur tour à nourrir l’élevage intensif. Dans les faits, l’eau des nappes est privatisée dans l’intérêt d’une minorité. Cela provoque la colère dans un contexte de sécheresse hivernale. De plus, l’été dernier, une centaine de communes françaises s’étaient retrouvées sans eau potable.

    Le 25 mars, au surlendemain du passage en force de la réforme des retraites grâce au 49.3, des milliers de manifestants se sont mobilisés contre le projet de mégabassine à Sainte-Soline. Beaucoup de gens se sont autant mobilisés contre la réforme des retraites que contre les mégabassines. La police a balancé 4.000 grenades et fait 200 blessés, dont 50 blessés graves et deux personnes plongées dans le coma, dont l’une l’est encore à ce jour.

    Un enjeu colossal : transformer l’agriculture

    À l’échelle mondiale, l’agriculture joue un rôle prépondérant dans la destruction des habitats et de la faune, dans la déforestation, dans l’extinction des espèces et dans la dégradation des sols. L’agriculture contribue elle aussi au réchauffement climatique émettant environ un tiers des gaz à effet de serre (GES). De l’autre côté, le réchauffement climatique met en péril la production agricole avec des évènements climatiques plus extrêmes et la perte de zones côtières liées à la montée du niveau de la mer. Pour certains aspects de l’agriculture, tel que les pesticides, le lien entre la destruction de la nature et les atteintes à la santé humaine (surtout celle des agriculteurs dans les pays néocoloniaux) est déjà particulièrement flagrant.

    La transformation complète et rapide de notre système agricole est une priorité absolue, presque au même titre que la réduction drastique de la combustion d’énergies fossiles. Tout comme il n’existe actuellement aucune voie crédible pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C ou même à 2°C, rien n’existe pour une transition verte de l’agriculture.

    Une planification économique/écologique socialiste et démocratique est essentielle. Ce n’est que si la nourriture cesse d’être une marchandise qu’il sera possible de prendre en compte la santé et la protection de l’environnement. Sans son aspect démocratique, la planification échouera et ne gagnera pas l’appui de la majorité des agriculteurs et des consommateurs. Les agriculteurs seraient encouragés à s’organiser en coopératives qui aideraient, par exemple, à gérer démocratiquement des ressources telles que l’eau avec la communauté locale et d’autres représentants du secteur. Ainsi, la sortie de l’agriculture du modèle idéalisé, dit familial, renforcerait la convergence sociale et politique entre agriculteurs et travailleurs. Seule une approche internationaliste et solidaire reposant sur une telle approche nous sortira de l’impasse.

    Dans les pays néocoloniaux également, une agriculture plus écologique va de pair avec la lutte contre les injustices sociales et les relations de dépendance avec les métropoles impérialistes, comme par exemple d’assurer que les meilleures terres soient consacrées à l’agriculture de subsistance locale et non aux cultures d’exportation. Les besoins alimentaires de la population seraient ainsi préservés tout en mettant moins de pression sur les zones naturelles. De là découle également la nécessité d’abandonner d’urgence le « tout-aux-biocarburants » qui concurrence la production alimentaire et représente une menace pour les espaces naturels.

    De nombreuses manifestations d’agriculteurs exigent déjà la réintroduction de quotas, donc d’une certaine planification d’État. La réintroduction de quotas, déterminés de manière démocratique et non technocratique comme par le passé, pourrait être une étape utile.  L’agro-industrie, la finance et la grande distribution sont des secteurs qui doivent être nationalisés pour ne plus constituer d’obstacle au changement, mais en devenir le moteur. Cela permettrait de sauvegarder les emplois des secteurs en reconversion en fournissant les crédits bon marché nécessaires (et une possible remise de dettes) tout en contrôlant les prix payés par le consommateur et en réduisant drastiquement le gaspillage de nourriture (soit 31% de la nourriture produite actuellement ou l’équivalent de 8-10% des GES !)

    L’élevage a un impact démesuré sur l’environnement (50-80% des terres agricoles y sont dédiées). Il devra être sérieusement réduit, surtout dans les pays riches où la consommation de protéines animales est élevée, avec la fin des fermes-usines et l’intégration de l’élevage à la polyculture. La production locale de la majeure partie du fourrage (légumineuses utiles pour fixer l’azote) évitera aussi l’importation du soja, culture très destructrice de la forêt vierge en Amérique du Sud. L’agriculture biologique (sans pesticides et engrais chimiques) aurait ainsi l’espace pour devenir la règle plutôt que l’exception. Une recherche scientifique libérée de la soif de profits pourra aussi donner confiance dans les innovations sur le plan agricole et alimentaire.

    Tout ceci représente un défi organisationnel hors de portée du système capitaliste actuel. Seule l’introduction d’un modèle de polyculture sans fermes-usines nécessiterait une réorganisation territoriale énorme étant donné l’hyperspécialisation de régions entières sur certaines formes d’agriculture ; l’élevage, les céréales, les légumes… Passer massivement à l’agriculture biologique requiert autant une préparation minutieuse que des changements à d’autres niveaux, y compris dans la manière d’organiser la société elle-même. Ceci est très bien illustré par l’exemple du Sri Lanka, pays qui a connu des répercussions néfastes quand, en 2021, ses importations d’engrais de synthèse et de pesticides furent stoppées d’un jour à l’autre, principalement pour des raisons de déficit commercial. La planification démocratique d’investissements majeurs – comme l’encadrement par l’Etat en termes de subsides, de formations technique et scientifique, de réorganisation des exploitations, d’introduction de nouvelles techniques, etc. – est incontournable.

    Cette transition sera imposée que par les luttes conjointes des travailleurs et des agriculteurs. Les agriculteurs représentent une couche hétérogène, mais de larges couches peuvent être gagnées à un tel programme de rupture. En France, la Confédération Paysanne participe à la contestation contre les mégabassines et apporte son soutien aux grévistes contre la réforme des retraites. Au Brésil, le mouvement des paysans sans terres est l’allié naturel des travailleurs.

    Les demi-mesures introduites au détriment des agriculteurs sont impuissantes à dévier notre trajectoire de l’abîme. Elles ne suffisent qu’à mobiliser des forces de droite aux services de l’industrie agroalimentaire, que ce soit le parti BBB au Pays-Bas ou Bolsonaro au Brésil. Une rupture radicale avec le capitalisme est nécessaire pour donner naissance à une agriculture plus écologique et équitable capable d’assurer la survie et la qualité de vie des générations futures.

  • Action antifasciste contre les mensonges du Vlaams Belang, la haine et les politiques antisociales

    Le dimanche 24 septembre, le Vlaams Belang tiendra un congrès socio-économique à Affligem. Un appel a été lancé pour mener une action antifasciste dans la ville voisine d’Alost, devant la statue de Daens, figure de premier plan de l’histoire ouvrier de Belgique, suivie d’un rassemblement à la Maison du Peuple. Trois syndicalistes de Flandre orientale ont lancé cet appel à manifester contre le « Vals belang » (jeu de mots qui souligne les mensonges du Vlaams Belang), la haine et les politiques antisociales.

    Notre société est malade. Nous trébuchons d’une crise à l’autre. Le nombre de personnes qui décrochent augmente. Parallèlement, l’establishment politique continue de s’entêter à sauvegarder un système profondément inégalitaire où les richesses sont de plus en plus concentrées dans un très petit nombre de mains. Alors que les besoins sociaux ne cessent de grandir, les riches continuent de s’accaparer les richesses. Le « Vals belang » ne pointe jamais la responsabilité des grandes fortunes, des actionnaires ou des patrons. Il ne fait que semer la haine et la discorde au sein de la classe travailleuse.

    Le Vlaams Belang tente de se profiler comme l’ami de celles et ceux qui tombent hors du chemin ou menacent de le faire. Le 24 septembre, il tiendra son congrès socio-économique à Affligem. Derrière le masque d’un parti prétendument populaire se cache un parti qui veut mettre les riches et les profiteurs capitalistes à l’abri du vent de la colère. Jamais il ne parle des capitalistes comme des responsables de la crise. Il botte en touche dès qu’il s’agit de s’en prendre à l’élite. C’est parfaitement délibéré. Le parti d’extrême droite affirme que la crise de notre société est causée par les personnes qui sont elles-mêmes victimes de ce système, comme les réfugiés par exemple. Le « Vals belang » veut monter les différents groupes de victimes de ce système antisocial les uns contre les autres. « Diviser pour mieux régner » : voilà le crédo que sert le Vlaams Belang à la faveur de la classe dominante.

    Lors d’un précédent congrès socio-économique, le parti a déjà tenté de se donner une image « sociale ». Mais son programme de même que son activité dans les parlements ces dernières années ne mentent pas.

    Le « Vals belang » :

    • A voté à plusieurs reprises contre l’introduction d’un salaire minimum européen qui protégerait mieux les plus faibles et pourrait contrer le dumping social.
    • Se dit favorable à une pension minimum de 1500 euros, mais seulement pour celles et ceux qui peuvent justifier 40 ans de carrière, en excluant donc la grande majorité des femmes.
    • Préconise l’abolition de notre système d’indexation des salaires et des allocations sociales.
    • A voté en faveur de la flexibilisation et de la précarisation de l’emploi, pour plus d’heures supplémentaires, moins de primes d’équipe ainsi que pour la limitation des allocations de chômage dans le temps.
    • Veut que les syndicats soient tenus en laisse pour laisser plus de liberté aux patrons.

    Lors de son congrès à Affligem, le Vals Belang veut jouer un tour aux électeurs et électrices. Il veut se présenter comme l’ami politique de la classe travailleuse. Il cherche à instrumentaliser le mécontentement justifié de la population à l’égard de la politique antisociale des partis traditionnels. Mais le Vals Belang ment.

    Nous ne voulons pas laisser ce tour de passe-passe se produire sans réaction. Nous manifesterons à Alost le dimanche 24 septembre à 15 heures devant la statue du prêtre Daens sur la Werfplein.

    • Nous défendrons une alternative sociale cohérente à l’exact opposé des politiques antisociales. Il faut répartir les richesses, pas diviser les travailleuses et travailleurs.
    • Nous défendrons des salaires minimums plus élevés et des pensions pour toutes et tous.
    • Nous exigerons plus de moyens pour nos services publics.
    • Nous exigerons moins de charge de travail, plus de moyens et de collègues dans les soins de santé et l’enseignement.
    • Nous voulons des investissements publics massifs pour des logements abordables, de bons transports publics et une production d’énergie respectueuse de l’environnement.
    • Nous voulons une réduction collective du temps de travail, un enseignement gratuit et plus de congés payés, plus de repos et de détente pour les jeunes et les personnes âgées.
    • Nous voulons mettre fin au racisme, au sexisme et à la LGBTQIA+phobie. Nous voulons une société reposant sur la solidarité, ce qui ne pourra exister que lorsque la richesse et la prospérité servira la majorité de la population.
  • La crise de l’accueil des demandeurs d’asile se poursuit : luttons contre le racisme d’Etat !

    « Pas de bougnouls dans le BW [Brabant wallon]». C’est ce que Rayhan et sa famille ont trouvé écrit à la peinture sur leur porte en juillet. Celui-ci explique : « Intégrez-vous qu’ils disaient. On l’a fait. Mais peu importe que vous soyez un bon arabe ou un mauvais arabe. Ils vous attaqueront toujours sur ce que vous êtes A LEURS YEUX. »

    Comme si les préjugés racistes n’étaient pas suffisamment inquiétants en Belgique, la secrétaire d’État à l’Asile et la migration Nicole de Moor (CD&V) vient de décider que les demandeurs d’asile masculins isolés ne seraient plus accueillis dans le réseau d’accueil des demandeurs d’asile. Ce n’est pas seulement contraire à la loi : dire que des gens n’ont pas droit à un toit, cela revient concrètement à les déshumaniser. Jeter des gens à la rue sans moyens ni aide revient aussi à les pousser dans les bras des réseaux criminels.

    Et dans les médias dominants, c’est comme s’il y avait permis de tuer pour la police si l’on n’est pas une « bonne victime ». C’était déjà le cas hier avec Adil à Bruxelles, c’est le cas aujourd’hui avec Domenico D’Atria à Oupeye. Soulignons aussi qu’en Belgique, depuis que le CD&V a repris en main le Ministère de l’Intérieur le 9 décembre 2018, entre 65 et 94 personnes (d’après un premier recensement non exhaustif et limité) avec ou sans-papiers sont mortes entre les mains de la police (données de la campagne “Stop répression”).

    La scandaleuse fermeture des lieux d’accueil a causé quelques protestations au PS et chez ECOLO. Gesticulations électorales. En mars dernier, le bourgmestre de Bruxelles Philippe Close (PS) avait envoyé des ouvriers communaux inonder un squat de demandeur.euse.s d’asile après leur expulsion par la police histoire de bien assurer que personne n’ait l’idée de revenir.

    Ce racisme d’État rend plus acceptable celui de l’extrême droite ! Le Vlaams Belang s’en nourrit comme il se nourrit du rejet des partis traditionnels, il menace d’être le premier parti de Flandre aux prochaines élections. Le parti qu’il a quasiment créé de toutes pièces côté francophone avec l’aide du Rassemblement national français – « Chez nous » – tente de faire pareil en accusant l’immigration d’être responsable de tous les problèmes sociaux.

    Soyons clairs : ce ne sont pas les demandeur.euse.s d’asile qui sont responsables de nos factures d’énergie ou du prix de nos caddies ! Ce ne sont pas eux qui empochent de juteux dividendes en laissant les travailleur.euse.s de Delhaize sur le carreau ! Ce ne sont pas eux qui ont affamé nos services publics et notre sécurité sociale avec des déductions fiscales pour les plus riches ! Ce ne sont pas eux qui ont choisi de laisser pourrir le parc de logements sociaux pour se jeter dans des projets qui remplissent les poches de magnats de l’immobilier comme Matexi !

    Combattre le racisme par la solidarité

    Aujourd’hui, à Bruxelles, il existe 10.000 bâtiments inoccupés. Si l’on voulait régler la crise du logement pour tou.te.s et la crise de l’accueil du même coup, on pourrait commencer par appliquer la loi Onkelinx qui permet de réquisitionner des bâtiments vides depuis plus de six mois. Cette loi n’a quasiment jamais été utilisée, car elle implique de s’attaquer à la propriété privée. Si nous voulons arracher l’application de cette loi et plus généralement défendre notre droit à tou.te.s à une vie décente, alors nous devons nous organiser pour nous battre avec acharnement et détermination.

    Les attaques contre les plus vulnérables dans la société, comme les demandeur.euse.s d’asile servent, à rendre plus acceptable de s’en prendre aux autres. D’autre part, les maintenir dans des conditions de travail et de vie proches de l’esclavage en raison de l’illégalité, cela permet d’instaurer une pression à la baisse sur les contions de travail et de vie de chacun.e.

    • C’est aux multinationales qu’il faut s’en prendre, pas à leurs victimes ! Des papiers pour toutes et tous!
    • Stop aux centres fermés, aux expulsions et à la répression !
    • Un salaire minimum de 15 euros de l’heure !
    • Un toit, c’est un droit : pour un plan de construction et de rénovation de logements sociaux pour répondre à la demande et en finir avec les listes d’attentes !
    • Pour un plan d’investissement radical dans les services publics, l’enseignement et les soins de santé. Ne laisser personne sur le bord du chemin, c’est la meilleure réponse aux vautours d’extrême droite et aux racistes !
    • L’argent existe, allons le chercher là où il est ! 1% de la population belge détient un quart des richesses, soit plus que 70% de la population selon Oxfam. Luttons pour l’imposition des riches, avec expropriation et nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques des avoirs de ceux qui tentent de s’y soustraire. Luttons pour la nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques des banques et des assurances pour mobiliser les moyens nécessaires pour sortir chaque personne de la précarité et assurer l’épanouissement de toutes et tous.
    • Le capitalisme plonge de crise en crise, et entraîne dans son sillage plus de divisions, de racisme, de sexisme, de LGBTQIA+phobie et plus de violence. Les guerres, les inégalités et la crise écologique continueront à engendrer de nouveaux drames, comme ces milliers de migrants qui meurent chaque année en Méditerranée. Ce système doit être renversé pour construire une toute autre société capable d’assurer une véritable liberté de circulation pour celles et ceux qui le souhaitent tout en assurant la possibilité de construire une vie décente dans son pays d’origine. Cette société, selon nous, c’est le socialisme démocratique.
  • Hold-up au supermarché : nos tickets de caisse alimentent leurs profits

    Nos caddies restent inabordables, et ce n’est pas près d’être fini…

    Alors que les produits alimentaires représentent la deuxième dépense du budget des ménages, la hausse du prix des courses est vertigineuse : +18,3% en un an. La hausse était déjà de 7,4% l’an dernier. 63 % des ménages raccourcissent leur liste de courses (Grand Baromètre, 11 juin 2023) et se tournent vers les produits blancs et les légumes surgelés. Les portions diminuent dans les assiettes. Parfois on saute même un repas. Ce rationnement est plus important chez les électeurs du PTB et du PS. Chez les banques alimentaires, les files s’allongent. 

    Par Boris Malarme

    Ce constat affligeant, on le connaît trop bien ! Mais la justification – défendue par la fédération patronale du secteur, la Fevia – selon laquelle l’envolée des prix ne serait qu’une répercussion de la hausse des coûts de l’industrie agroalimentaire est mise à mal et a changé le débat public et politique. Le choix des grandes entreprises d’augmenter leurs marges bénéficiaires est de plus en plus largement identifié comme jouant un rôle significatif dans l’inflation, y compris parmi les économistes et politiciens procapitalistes. On appelle cela la greedflation, la hausse des prix sur base de la cupidité. En réalité, c’est tout simplement comme ça que marche le système capitaliste.

    Greedflation : pour une opération-vérité !

    Selon la BCE (Banque Centrale européenne), deux tiers de l’inflation dans la zone euro s’expliquerait par un gonflement des profits des entreprises, contre un tiers entre 2019 et 2022. L’inflation des prix à la production en zone euro est retombée à son plus faible niveau depuis juillet 2021, mais l’inflation sous-jacente continue de croître. Ainsi, de nombreux secteurs, comme l’agriculture, l’énergie, la construction, la production manufacturière et les services ont vu leurs profits grimper bien plus rapidement que les coûts salariaux. La BCE souhaite avertir contre un contexte favorable à l’émergence de luttes pour de meilleurs salaires et face au discrédit croissant du capitalisme sur fond d’appauvrissement collectif.

    La Belgique n’est pas épargnée par le phénomène. Selon Olivier Malay, économiste à l’UCL, la greedflation en Belgique en 2021 et 2022 aurait atteint 35 milliards d’euros; des années où les marges bénéficiaires ont atteint des sommets. Même le journal patronal L’Écho se réfère à l’étude d’un économiste de la CSC pour démontrer qu’en Belgique, ce sont bien les profits et non pas les salaires – et leur indexation automatique – qui ont alimenté le plus fortement l’inflation en 2022. Il était de toute façon peu convaincant d’attribuer la faute aux salaires pour l’industrie agroalimentaire, alors que leur part dans les coûts de production en Belgique ne représente que 10 %.

    Durant la séquence de lutte pour le pouvoir d’achat de juin-décembre 2022, le PSL a défendu la nécessité d’une « opération-vérité » pour répondre aux mensonges patronaux (tels que la prétendue spirale prix-salaire) de l’ampleur de celle qui a précédé la grève générale de l’hiver 60-61. Que cela soit concernant l’impact de l’indexation automatique des salaires pour repousser la récession ou la spirale prix-profit, même les études de la classe dominante nous donnent raison. Les syndicats pourraient en faire usage et mener une campagne de masse sur les lieux de travail et dans les quartiers. Cela préparerait la classe travailleuse et l’opinion publique à s’impliquer dans un plan d’action ambitieux. Mais les dirigeants syndicaux espèrent simplement que la social-démocratie intègre la révision de la « loi-prison » de 1996 sur les salaires dans un futur accord de gouvernement après les élections.

    Réguler ou nationaliser l’agroalimentaire ?

    Selon l’ONU, les cours des biens agricoles mondiaux ont baissé de plus de 20% depuis le pic de mars 2022. Tout comme dans d’autres secteurs, les profiteurs de crise ont été de la partie dès le début. Ainsi selon une étude de Greenpeace, 20 géants mondiaux de l’agrobusiness ont rapporté 53,5 milliards de dollars à leurs actionnaires en 2020 et 2021. La baisse du prix du blé, de l’énergie et du fret maritime depuis lors n’a pas entamé la hausse des prix. La part des profits dans l’inflation croît. Par exemple, en 2022, les recettes d’Unilever et ses 400 marques ont augmenté de 14,5 % pour une baisse de volume des ventes de 2,1 %. Ce trust réalise 8 milliards de profit net, soit une hausse de 25 %! Même chose chez Coca-Cola et ses 500 marques qui, malgré ses profits colossaux en 2022, viennent encore d’augmenter leurs prix de 11% au 1er trimestre 2023.

    En France, le débat sur la greedflation ou profitflation sur le prix des courses a pris de l’ampleur suite à une étude d’un think tank proche de la France Insoumise. Celui-ci a révélé qu’après mars 2022, la majorité de la hausse des prix est due à la part des profits. Suite à cette étude, des figures de la France Insoumise ont demandé un contrôle des prix, mais aussi parfois la restauration de l’indexation automatique des salaires. En réponse, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a pu compter sur 75 entreprises agroalimentaires pour annoncer une anticipation de baisse de prix sur certains produits dès le 1er juillet.

    Le débat s’est exporté ici. À un an des élections, le ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne (PS) souhaite remporter un trophée à la Bruno Lemaire. Il menace même de publier la liste des grandes entreprises qui refuseraient une baisse de prix à la mi-juillet (au lieu de début 2024), au vu de leur marge bénéficiaire record. Un rapport concernant la hausse des prix et les profits du secteur comparé aux pays voisins est attendu. Le PS propose une loi pour forcer le secteur à négocier les prix qu’il pratique selon le résultat de ce comparatif. En cas d’absence d’accord, le gouvernement pourrait alors intervenir pour fixer le prix sur certains produits de base. Au sein de la Vivaldi, la droite freine des quatre fers. Elle suit la position du gouvernement hollandais de ne pas intervenir, ou tout au plus, de négocier avec la Fevia.

    L’idée de réguler le marché et les prix est également défendue par le PTB. La FGTB propose une taxe sur les surprofits à l’instar de celle sur l’énergie, car « Cela incitera peut-être les entreprises à réfléchir avant de gonfler leurs marges et leurs prix ». Pour conclure que « Tout se résume en tout cas à une question de régulation. Les choses ne se résoudront pas d’elles-mêmes ». La droite contre-attaque en disant qu’un contrôle des prix sur base du marché se répercute inévitablement ailleurs. La compétition capitaliste poussera à trouver un moyen de contourner ces règles, d’une façon ou d’une autre. La réalité, c’est qu’on ne contrôle pas ce qu’on ne possède pas. Lors de l’explosion du prix de l’énergie, un débat sur la nationalisation et le contrôle par la collectivité du secteur a été soulevé ; il en va de même ici. La question doit être posée comme une de nos tâches dans la lutte contre la vie chère. 

  • Le Vlaams Belang en route vers le pouvoir? No pasaran !

    Le Vlaams Belang souhaite entrer dans une coalition en 2024, au moins au niveau communal. Il capitalise habilement sur le mécontentement suscité par la politique des partis traditionnels en ciblant des groupes de population spécifiques. Le VB se présente au grand public comme « populaire » et « social », mais il se prépare à l’exercice du pouvoir en envoyant députés et personnalités du parti suivre de coûteuses formations de gestion. Le cocktail proposé par l’extrême droite est un danger pour les minorités en premier lieu, mais aussi pour les acquis de la classe travailleuse dans son ensemble.

    Forces et faiblesses

    Les campagnes populistes de l’extrême droite visent à puiser dans le réservoir de mécontentement. Les inégalités sont particulièrement profondes aujourd’hui en conséquence des années successives de politiques antisociales au bénéfice de l’élite capitaliste. De plus en plus de gens boivent la tasse. Selon Statbel, 18,7 % de la population belge est menacée de pauvreté ou d’exclusion sociale. La dynamique est d’autant plus vive que le démantèlement des services publics se poursuit, avec des conséquences encore plus désastreuses dans les plus petites villes et les zones rurales.

    C’est sur cela que le VB capitalise. Il exploite cette colère sociale pour semer la division et la discrimination, notamment avec son militantisme anti-woke qui n’est rien d’autre qu’une campagne contre chaque personne opposée aux discriminations. Il alimente ainsi délibérément le backlash ou retour de bâton antiféministe. Le VB détourne l’attention des véritables causes, la soif de profit du capitalisme, et dresse les jeunes et les travailleur.euse.s les un.e.s contre les autres. Il recycle simplement ses vieilles recettes racistes, sexistes et LGBTQIA+phobes.

    Sa percée rurale est appuyée par une campagne très visible sous la bannière « Sauvons nos agriculteurs », par le biais d’affiches sans logo de parti, mais qui permet de disposer d’une entrée. Quand la défense des droits des animaux était populaire, en 2019, le parti s’était présenté comme le « parti des animaux ». Le VB mange à tous les râteliers et s’investit dans diverses manifestations, des agriculteurs aux policiers en passant par les actions contre les mesures COVID.

    Le 13 juin dernier, le président du VB Tom Van Grieken a tenté de s’imposer dans une manifestation du secteur non marchand. Le mouvement ouvrier organisé reste toujours une zone interdite à la haine de l’extrême droite. Mais le parti cherche à limiter l’espace pour ses opposants, d’où son meeting provocateur au centre de Bruxelles fin mai.

    Le dégoût des politiques menées par tous les partis procapitalistes est un tapis rouge électoral pour le l’extrême droite. Mais il n’a rien à apporter comme solution, c’est sa principale faiblesse. Une fois au pouvoir, c’est toujours la politique antisociale qui mène la danse. En Italie, Meloni a réduit le montant des allocations de chômage. En Finlande, l’extrême droite est responsable de coupes budgétaires dans les soins de santé. En Belgique, le VB vote invariablement pour maintenir les pensions ou les salaires au plus bas alors que l’avidité de ses propres députés est légendaire. Le VB se frotte les mains à l’idée de profiter des avantages de la gestion publique et certains députés et permanents du parti suivent de coûteux cursus à la Vlerick Business School et à l’Antwerp Management School…

    Le défi en 2024

    Mais pour ça, il faut encore briser le cordon sanitaire. Le VB veut au moins participer aux négociations pour le nouveau gouvernement flamand et a annoncé être prêt à faire des concessions. En 2019, « l’indépendance de la Flandre » n’était une priorité que pour 8 % de l’électorat du VB, ce thème peut donc rapidement être rangé au placard. Une participation gouvernementale reste toutefois peu probable, car cela mettrait la N-VA dans une position impossible au niveau fédéral.

    Le VB veut le meilleur score possible en juin 2024 comme tremplin vers les élections communales d’octobre 2024. Dans les années 1990, les percées du VB concernaient surtout les grandes villes. Il s’agit aujourd’hui des villes de moindre importance. Dans beaucoup de celles-ci, le VB dispose à peine d’une antenne locale, encore moins de têtes de liste connues pour entrer au collège échevinal. Lors des élections communales de 2018, tous les médias ont publié des articles sur des dizaines de candidats du VB qui affichaient ouvertement des sympathies néonazies. Mais dans certaines communes où le parti est présent depuis un certain temps, il dispose de meilleures chances.

    Dans la région de la Dendre existe un danger de majorité absolue à Ninove, mais aussi une possible percée à Alost, entre autres. Dans la périphérie anversoise, le président du VB se présentera à Schoten et Marijke Dillen à Schilde. De plus petites villes comme Turnhout et Lier peuvent nous réserver de mauvaises surprises, ainsi qu’une série d’autres communes, surtout aujourd’hui alors que le manque de moyens développe des tensions dans chaque localité. La possibilité que le VB prenne le pouvoir à l’un endroit ou l’autre au niveau communal en octobre 2024 est très réelle.

    Quelle stratégie antifasciste ?

    La progression de l’extrême droite représente un danger pour de nombreuses personnes, notamment pour le mouvement ouvrier, car elle renforce toutes sortes de division qui sont autant d’obstacles à l’unité dans la lutte. La participation au pouvoir constitue un danger supplémentaire : cela permet d’attaquer directement le mouvement ouvrier par des politiques antisociales et la répression. Ses combattants de rue se verraient ainsi encouragés à ne pas se limiter leur haine au harcèlement en ligne.

    On ne stoppera pas l’extrême droite avec les partis procapitalistes responsables des politiques d’austérité qui alimentent le VB ni en concentrant notre stratégie sur ceux-ci. Cela risquerait de nous entraîner sur le terrain des institutions de l’establishment. Le mouvement ouvrier doit se battre sur son propre terrain : la lutte sociale. Ce n’est que sur ce terrain que l’on trouve des réponses aux pénuries et au mécontentement. Les prix et loyers élevés, la flexibilisation de l’emploi et la pression au travail, les services publics défaillants… doivent être au cœur du combat antifasciste.

    Démasquer le caractère antisocial de l’extrême droite est d’autant plus efficace si cela est lié à des luttes actives pour le progrès social, tant au niveau syndical que politique. La construction d’un rapport de forces est essentielle à cet égard et exige des luttes sociales qui ne se limitent pas au défoulement ainsi que la construction d’un relais politique du mouvement ouvrier.

    C’est pourquoi la percée du PTB est très importante. Cela constitue l’un des facteurs qui empêchent l’extrême-droite de prendre son essor dans la partie francophone. Mais un PTB plus fort entraîne plus de responsabilités, à la fois dans l’organisation des luttes et dans l’application de mesures qui représentent de réelles avancées pour les travailleur.euse.s. Du côté francophone, la pression augmente pour des gouvernements de gauche de rupture. Mais si des gouvernements comprenant le PTB ne font pas suffisamment la différence, cela pourrait ouvrir la porte à l’extrême droite. Gagner des voix c’est une chose, mais il faut avant tout disposer d’un rapport de force associé à un programme qui ne se limite pas à ce qui est acceptable dans le cadre de la logique de profit du capitalisme, mais qui vise à obtenir un changement de société qui garantisse ce qui est nécessaire. C’est l’approche que nous utiliserons pour faire campagne en faveur du PTB en 2024.

    Un antifascisme actif permet d’éviter que la base militante de l’extrême droite ne devienne socialement acceptable. Mais il faut y lier un programme anticapitaliste et socialiste pour affaiblir le soutien passif de l’extrême droite. Il faut orienter la colère vers la lutte anticapitaliste, en particulier par le biais des luttes des travailleur.euse.s, et vers une transformation socialiste de la société. C’est la méthode par laquelle nous avons aidé à organiser la résistance au VB avec Blokbuster dans les années 1990, c’est aussi l’approche de la Campagne ROSA et de tous nos efforts pour une alternative socialiste. Le capitalisme pourrit et cela en donne des expressions politiques qui ne sont que des moisissures. Pour en finir avec l’extrême droite, nous devons en finir avec ce capitalisme.

  • L’extrême droite voudrait récupérer notre colère… C’est la lutte sociale qui est nécessaire !

    Aux élections de 2019, le Vlaams Belang avait triplé son score électoral par rapport à 2014. Ce succès reposait en large part sur le dégoût qu’inspirent les partis traditionnels ainsi que sur un programme socio-économique apparemment plus axé à gauche. En vérité les priorités du parti flamand d’extrême droite n’ont jamais changé et toute sa pratique parlementaire démontre un attachement indéfectible aux attaques antisociales. Mais si ce mensonge n’est pas démasqué par la lutte sociale, le succès de 2014 menace de se répéter en pire. Dans les sondages actuels, le Vlaams Belang est aujourd’hui le premier parti de Flandre.

    Aux précédentes élections, le Vlaams Belang semblait défendre de ramener l’âge légal du départ à la retraite à 65 ans ou encore de fixer la durée d’une carrière complète à 40 ans au lieu de 45 ans. Le parti défendait également la diminution de la TVA sur l’énergie de 21% à 6%. Dans la pratique, il n’a été question que de soutien au blocage des salaires et autres mesures antisociales, mais tout semble indiquer que le VB va répéter ses mensonges. Cette approche est également à la base du succès électoral en France du Rassemblement national de Marine Le Pen et des Frères d’Italie de Giorgia Meloni. Parallèlement, Le Belang continue d’entretenir des liens avec des groupes plus ouvertement violents comme Schild & Vrienden.

    Du côté francophone, l’extrême droite est peu organisée, principalement en raison d’un puissant mouvement ouvrier qui riposte systématiquement contre chaque tentative de l’extrême droite de mettre un pied dehors. L’autre élément important, plus récent, est l’existence d’une alternative électorale de gauche sous la forme du PTB.

    Un combat contre toute la politique antisociale

    Avec qui construire le mouvement antifasciste ? C’est une question essentielle. Face à l’ampleur du danger, la tentation est grande de brasser le plus large possible. Mais soyons sérieux, ces trente dernières années, les partis dit « démocratiques » ont repris et concrétisé une grande partie du programme en 70 points du Vlaams Blok, ancien nom du Vlaams Belang. Ce programme paru en 1992 et adapté en 1996, « Immigration : les solutions. 70 propositions pour résoudre le problème des étrangers », mentionnait notamment la création d’un Secrétariat d’État à l’immigration (c’est dorénavant fait !), l’extension des centres fermés pour étrangers (ça a été fait, et c’est encore prévu !), les expulsions collectives (fait, et refait !) et le durcissement de l’accès à la nationalité (fait).

    PS et ECOLO peuvent bien soutenir en Wallonie le dépôt de motions pour déclarer des villes « antifascistes » (ce qui a été fait pour Mons, Charleroi, Namur et Liège), ces deux partis ont participé à des gouvernements dont la politique a rendu plus acceptable le racisme du Vlaams Belang. L’actuel gouvernement fédéral a encore décidé l’accélération des procédures d’examens et l’exécution plus rapide des décisions d’expulsions et de nouvelles restrictions au regroupement familial tout en fermant une fois de plus la porte à toute régularisation collective.

    Et ce n’est pas tout. Ces partis sont aussi responsables de l’application de la politique antisociale qui pousse de plus en plus de gens dans le désespoir et la panique, ce qui peut en faire des proies pour le discours de l’extrême droite.

    L’antifascisme conséquent est intrinsèquement lié à une opposition farouche aux politiques antisociales et à celles et ceux qui les appliquent. Personne ne compte sur des pyromanes pour éteindre un incendie, l’antifascisme ne fait pas exception à la règle. Un programme audacieux de changement social, c’est un des piliers du combat contre l’extrême droite.

    Un autre pilier est une organisation démocratique, qui vise à créer l’unité dans la lutte dans le respect des divers courants politiques et des modes d’expression de leurs opinions. C’est ainsi que l’on peut construire le mouvement le plus large possible, en allant chercher des couches neuves et sans rester dans l’entre-soi militant et radical.

    L’action de masse est la meilleure manière non seulement de bousculer la confiance de l’extrême droite, mais aussi d’aller chercher les moyens dont nous avons besoin pour assurer un avenir à chacune et chacun, et que plus personne ne puisse plus ainsi se tromper de colère. Selon nous, cela signifie le renversement du capitalisme et la construction d’une société réellement démocratique, où les travailleur.euse.s et la jeunesse posséderont les grands moyens de production et décideront de leur utilisation.

  • Briser la camisole de force antisociale par la lutte pour une autre société

    Alors que la Banque Nationale reconnaît que les inégalités en Belgique sont plus importantes qu’on ne le pensait, et que la Banque centrale européenne admet que la hausse des prix est en grande partie due aux profits des grandes entreprises, les travailleurs, sur leur lieu de travail et dans leur vie, se débattent pour garder la tête hors de l’eau. Avec les taux d’intérêt et les prix actuels, va donc acheter une maison ou un appartement ! Les services publics ne tiennent qu’à un fil. Le personnel des crèches, de l’enseignement, des soins de santé, des CPAS, des transports publics, les pompiers… sont à bout. Actions et grèves se succèdent. Mais se faire entendre ne suffit manifestement pas.

    Le carcan budgétaire est de retour

    Celles et ceux qui espèrent le changement après les élections de 2024 risquent d’être sérieusement déçus. Tous les partis établis, en Belgique et dans toute l’Europe, s’engagent à resserrer la camisole de force budgétaire desserrée à l’occasion de la pandémie. Les plans de relance ont permis de maintenir à flot l’économie, et donc les bénéfices. Avant même que les robinets d’argent ne soient à nouveau fermés, tout est mis en place pour réaliser de nouvelles économies substantielles. Tous les gouvernements belges sont d’accord. Et si ce n’est pas le cas, les fonds de relance européens restants serviront de chantage pour imposer cette camisole de force budgétaire.

    Tous les partis procapitalistes acceptent la « nécessité » d’assainir les budgets. Dans un contexte de déficits colossaux et de hausse des taux d’intérêt pour le crédit, il s’agit d’une décision consciente de poursuivre et d’aggraver la misère sociale pour la majorité de la population. Les désaccords sur la manière d’assainir le budget, notamment entre PS et libéraux, sont largement connus et réels. Mais ces désaccords restent cantonnés aux limites imposées par ce carcan. On n’y trouve pas le moindre début de solution pour répondre aux besoins  sociaux.

    À partir de 2024, il faudra trouver 5 milliards d’euros par an pour respecter les normes budgétaires européennes. Le ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne (PS) considère le montant comme suit : un tiers à couper dans les dépenses publiques, un tiers à chercher dans des recettes fiscales et un tiers en « divers ». La droite veut surtout réduire les dépenses, notamment en s’attaquant aux chômeurs et aux malades de longue durée. Le plaidoyer de Conner Rouseau (Vooruit) pour les « jobs de base », qui ouvrent la porte à une limitation dans le temps des allocations de chômage, a reçu les applaudissements nourris des patrons de De Wever (N-VA), de Lachaert (Open-VLD) et de Bouchez (MR).

    Le PS préconise le doublement de la taxe sur les valeurs mobilières et d’instaurer une taxe sur les plus-values des actions. La social-démocratie francophone espère ainsi que la réduction de nos conditions de vie puisse paraître « équilibrée » pour mieux faire avaler la camisole de force budgétaire. Lors de l’examen du budget au début de cette année, le PS a accepté de faire passer à la trappe l’augmentation de la pension minimale et les minima d’autres allocations sociales.

    La réduction des dépenses est donc déjà en cours. En revanche, les recettes supplémentaires provenant des grandes fortunes se font toujours attendre. À n’en pas douter, elles seront épargnées par la grande réforme fiscale que le CD&V souhaite toujours réaliser avec le ministre Van Peteghem, une réforme qui risque de mettre de l’huile sur le feu entre libéraux et PS. Et comme le fait remarquer le PTB, aucun des 37 milliardaires belges n’est aujourd’hui concerné par la taxe sur les valeurs mobilières.

    Arracher le changement par la lutte

    Le carcan budgétaire a un impact à tous les niveaux de pouvoir et est aggravé par la hausse des taux d’intérêt qui rend la dette plus chère à rembourser. Cela limite l’espace pour des politiques de gauche qui ont l’ambition de combler les besoins sociaux, qu’elles soient fédérales, régionales ou locales. Après les élections communales de 2024, une nouvelle attaque contre le personnel et les services communaux est également imminente. Tout changement dans les intérêts de la classe travailleuse nécessitera une lutte conséquente avec un mouvement de masse.

    Cette détermination est également essentielle pour s’assurer de faire payer les super-riches pour combler efficacement les énormes inégalités et faire face au manque de moyens. Nous défendons l’introduction d’une taxe sur les fortunes. Mais nous soulignons la nécessité d’un vaste mouvement de lutte pour obtenir gain de cause. L’affaire ne se résume pas simplement à voter en faveur d’une taxe des millionnaires, comme l’a déclaré Raoul Hedebouw ce 1er mai. Affronter le capital exige de s’organiser, de se politiser, de mobiliser et de préparer toutes nos forces aux prochaines étapes.

    Populariser la revendication de nationalisation du secteur financier et d’autres secteurs clés de l’économie ne sera pas un luxe. S’en préoccuper dès aujourd’hui nous permettrait de disposer d’une longueur d’avance sur les inévitables tentatives de sabotage du capital. La question soulève d’ailleurs directement celle de la propriété des ressources disponibles : un petit groupe de super-riches maintenus à flot avec des fonds publics quand les choses tournent mal (comme l’illustrent les banques en faillite aux États-Unis) ou la grande majorité de la population. Ce que la collectivité ne possède pas, elle ne le contrôle pas.

    Aucune conquête sociale n’est tombée du ciel. Elles sont toutes nées d’une lutte sociale acharnée, généralement d’une manière si intense que la bourgeoisie craignait des bouleversements révolutionnaires. Voilà ce qu’on entend par la construction d’un rapport de force.

    Il est logique que la contestation incline aujourd’hui vers les élections. Nous aussi, nous voterons pour le PTB en 2024, avec enthousiasme, car cela renforcera la position de la classe travailleuse. Cependant, attendre patiemment un résultat incertain en 2024 n’est pas une option. Attendre, avec le manque de moyens partout et des attaques comme celles que subit le personnel des supermarchés ? La mobilisation active de tous les soutiens et la mobilisation et l’engagement de celles et ceux qui ne le sont pas encore aujourd’hui, en bref l’extension et l’approfondissement des luttes, est le moyen d’obtenir des victoires dans les soins de santé, l’enseignement ou les transports en commun. Les patrons ne cèderont plus de moyens que s’ils y sont forcés. Une telle approche de la lutte garantirait également que la campagne électorale de 2024 ne se concentre pas sur la haine divisante de la droite et de l’extrême droite, en particulier en Flandre, mais sur nos revendications.

    Cela fait partie de notre approche révolutionnaire vers une transformation socialiste de la société. Ne nous contentons pas de changements superficiels dans l’ancienne société, construisons-en une neuve ! Nous y parviendrons de la même manière que la classe travailleuse a remporté des victoires par le passé : en nous organisant en masse avec l’ambition sérieuse d’atteindre un objectif clairement défini et largement débattu. Ce que beaucoup considèrent comme impossible aujourd’hui deviendra alors possible.

  • Leur soif de profit nous écrase

    • Investissements publics massifs dans les soins de santé et l’enseignement
    • Semaine des 30 heures sans perte de salaire et avec embauche compensatoire

    « Nous passons d’une crise des soins de santé à l’implosion ». Telle est la conclusion dramatique, mais malheureusement réaliste, d’un infirmier à qui nous donnons la parole dans notre dossier central. Et que dire de l’enseignement ! Tout ça alors que les besoins en termes de soins de santé et d’enseignement, adaptés aux tendances sociales actuelles (vieillissement de la population, crise de la santé mentale…), augmentent de manière exponentielle. La société craque de partout.

    Par Els Deschoemacker, article tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste

    Après des décennies de sous-investissement, tous les services publics sont dans un état famélique. Au cocktail déjà dévastateur de charge de travail trop élevée et de bas salaire, s’ajoute maintenant la cherté de la vie. Trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée ? Impossible. De là l’épidémie d’épuisement professionnel et l’exode du personnel.

    Et dans le privé ? La situation n’est pas moins dramatique. La logique de concurrence et la soif de profit des actionnaires ont poussé la direction de Delhaize à passer à l’offensive. Avec la mise sous franchise, elle veut raboter les salaires, aggraver les conditions de travail des salariés et réduire à néant leur capacité s’organiser syndicalement. Salaire de misère, travail précaire, vie de galère. Voilà de quoi sera fait l’avenir dans tous les lieux de travail si nous ne bloquons pas cette avalanche.

    Ce ne sont pas les luttes qui manquent. Les travailleurs du secteur des soins de santé sont descendus dans la rue à plus de 20.000 fin janvier. Ils préparent une nouvelle manifestation de masse le 13 juin. L’enseignement francophone a organisé cinq grandes journées de manifestation et de grève en un an, avec à chaque fois plusieurs milliers de représentants des divers métiers de l’enseignement. Depuis le 7 mars, l’actualité a été marquée par les grèves, piquets de grève, manifestations et blocages du personnel de Delhaize. La volonté d’action est réelle mais obtenir une victoire exige d’engager l’ensemble de la société dans ce combat. Le personnel ne sera pas seul à bénéficier d’améliorations dans ces secteurs, cela nous concerne toutes et tous.

    La grève nationale du secteur de la distribution soutenue par la manifestation de solidarité interprofessionnelle contre le dumping social et pour la défense du droit de grève du 22 mai était très importante. Notamment en tant qu’étape vers une contre-offensive plus généralisée du mouvement ouvrier. Contre les patrons et les tribunaux, contre les huissiers et les arrestations visant à brutalement interdire de façon préventive les piquets de grève dans tous les magasins et centres de distribution. Mais aussi contre le gouvernement qui veut encore restreindre le droit de manifester et de faire grève avec un nouveau projet de loi !

    Nous faisons face à des défis qui ne sont pas minces. Affrontons-les en conséquence. À un an des élections, le mouvement ouvrier doit aussi dresser un bilan de son activité et constater que les démonstrations de force de ces dernières années n’ont pas suffi. Les médias et les partis politiques procapitalistes, à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement, sont restés sourds à nos inquiétudes. Pire, ils se préparaient clairement au retour de la camisole de force budgétaire et à de nouvelles offensives antisociales.

    Attendre les élections pour agir ? Ce n’est pas une option ! Le 30 mai, tous les hôpitaux publics bruxellois (IRIS) seront en grève, notamment comme tremplin vers la manifestation du personnel des soins de santé du 13 juin. À la rentrée, il nous faudrait un nouveau plan d’action dans l’enseignement, de préférence tant du côté francophone que du côté néerlandophone. L’enseignement supérieur néerlandophone a déjà lancé un appel à manifester le 12 octobre. D’autres lieux de travail et secteurs devraient suivre. Tout ce que nous ferons pour nous faire entendre avant les élections nous servira une fois celles-ci passées.

    Un élargissement de la démocratie syndicale – par la discussion démocratique et le vote d’un cahier de revendications à tous les lieux de travail lié à un plan d’action – peut donner la parole aux millions de travailleuses et travailleurs. Si le mouvement organisé des travailleurs entre en action de toute son énergie et tout son poids pour investir le débat public, il serait possible de réduire l’espace de l’extrême droite et de la droite jusqu’à l’asphyxie. C’est la classe travailleuse, la majorité de la population, qui produit les richesses. C’est sa voix qui compte !

    Répondre à la hauteur des enjeux, cela signifie de dégager les moyens publics nécessaires à un plan d’investissement et d’expansion de nos services publics, couplés à une réduction collective généralisée du temps de travail, pour répondre aux besoins les plus urgents, notamment en matière de soins de santé et d’enseignement. Un impôt sur la fortune, tel que défendu par le PTB, permettrait déjà de dégager beaucoup de moyens. Mais il en faut plus. Nous connaissons l’issue : un programme socialiste révolutionnaire liant la revendication d’un impôt sur la fortune à une lutte de l’ensemble de la classe travailleuse pour extraire directement la richesse que nous produisons en nationalisant les secteurs clés de l’économie, où la plus grande partie de la richesse est générée et concentrée.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop