Category: Politique belge

  • Le CETA est signé, intensifions la lutte contre la dictature des multinationales!

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    L’accord économique et commercial global (Comprehensive Economic and Trade Agreement, CETA) entre le Canada d’une part et l’Union européenne et ses 28 États membres a été signé ce 30 octobre 2016 par le premier ministre canadien Justin Trudeau et le président du Conseil européen Donald Tusk. La conclusion de cet accord a été temporairement bloquée par le refus du gouvernement wallon qui semblait faire sienne l’opposition du monde syndical et associatif. Ce dernier a finalement plié face aux pressions tout en justifiant cette capitulation par de prétendues garanties notamment concernant les mécanismes de résolution de conflits entre Etats et entreprises privées.

    Avec sa résistance au CETA, le PS a voulu se positionner à nouveau en tant qu’opposition de gauche. Dans plusieurs articles, Magnette était comparé à Tsipras en raison de son discours musclé tout en craquant finalement sous l’intense pression exercée sur le gouvernement wallon. Pour beaucoup de gens, Magnette sera considéré comme ‘‘celui qui a quand-même essayé et qui a attiré l’attention publique sur l’accord’’, particulièrement là où la mobilisation citoyenne contre le TTIP et le CETA était plus faible, comme en Flandre. Formellement, rien n’a changé dans le CETA mais, de manière plus informelle, cela a réduit la marge de manœuvre pour ce type de traités. Parmi la couche plus consciente et combattive de la population, cela a surtout démontré les limites de cette opposition.

    Ce cas a une fois de plus illustré que faire reposer sa stratégie sur les négociations avec les institutions européennes est insuffisant. Il nous faut une stratégie de confrontation et de rupture avec l’Union européenne de l’austérité basée sur la mobilisation des masses et la solidarité européenne ainsi que sur un programme qui vise à aller jusqu’au bout pour défier le règne des multinationales.

    Le débat à l’occasion du CETA est un nouvel exemple des problèmes que rencontrent les grandes puissances pour conclure de nouveaux accords commerciaux mais aussi de la manière avec laquelle les politiciens peuvent réagir sous pression d’une opinion publique qui se radicalise et s’oppose de plus en plus à la mondialisation capitaliste et aux traités commerciaux tels que le TTIP et le CETA, qui visent à poursuivre l’érosion de la démocratie politique et économique. A partir de maintenant, chaque traité de commerce sera probablement suivi avec plus d’attentions qu’auparavant, même si l’establishment européen fera tout pour tuer un tel débat dans l’œuf en assurant que de tels traités ne se décident plus qu’au niveau européen, sans que les parlements régionaux ou nationaux ne puissent se prononcer. Réussir à faire cela dépendra de la force du contre-mouvement social.

    Il est impossible de comprendre la récente posture du gouvernement wallon et du PS en général sans la placer dans le contexte de luttes sociales de ces deux dernières années en Belgique, depuis l’arrivée au gouvernement fédéral de l’équipe de Charles Michel (MR). Un récent sondage réalisé par un des principaux journaux francophones (Le Soir) a encore dévoilé qu’à la question « Pour sortir de la crise, faut-il changer de système ? », 90,9 % des Belges francophones ont répondu “oui”. Il s’agit d’une claire illustration de l’atmosphère qui se développe actuellement et sur laquelle le PS a tenté de surfer, alarmé par sa perte de soutien continue dans les sondages d’opinion.

    ceta02Il n’y a que dans la presse que le “non” au CETA était isolé. Le refus des accords de libre-échange va croissant et est notamment illustré par le fait que les collectivités territoriales (villes, communes,…) ayant pris position contre le CETA ou le TTIP (accord de libre-échange devant être conclu entre l’Union européenne et les Etats-Unis) représentent l’équivalent de 75 millions de personnes ! Au delà de ça, on peut aussi parler des 32.000 personnes qui ont manifesté en Allemagne en septembre dernier, des sondages qui soutiennent que l’opinion est majoritairement défavorable aux traités de libre échange en Allemagne et en France, de la pétition internationale qui a réuni 3 millions de signature contre le TTIP et le CETA,…

    Il faut retirer le pouvoir des mains des multinationales et des actionnaires. De plus en plus de gens en sont convaincus. Mais nous ne pourrons donner corps à cette aspiration qu’en collectivisant les secteurs-clés de l’économie (finance, énergie, sidérurgie,…) dans le cadre d’une économie démocratiquement planifiée afin de satisfaire les besoins de la population dans le respect de l’environnement. Le chemin vers cet objectif est encore long et la lutte ne sera pas aisée, mais il s’agit de la seule manière de sortir de la crise économique et écologique dans laquelle nous a empêtrés la logique du ‘‘libre marché’’.

    => Virage à gauche au PS: réaction de panique face au PTB ou quelque chose d’autre?

  • Virage à gauche au PS: réaction de panique face au PTB ou quelque chose d’autre?

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    Les gouvernements de Bruxelles et de Wallonie bloquent le traité de libre-échange Union européenne – Canada (le CETA), qui n’est encore qu’une pâle copie du Traité Transatlantique (TTIP, UE-USA) bien plus controversé. Le PS remet sur table la diminution du temps de travail et la démocratie économique, des revendications traditionnelles du mouvement ouvrier bannies des décennies durant et reléguées aux programmes de la gauche radicale. S’agit-il simplement d’une réaction de panique face à la percée du PTB dans les sondages ou s’agit-il d’autre chose ?

    Par Eric Byl, article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste. Photo : PPICS

    Le programme de Noël (1945) du Parti social-chrétien (PSC, Christelijke Volkspartij, CVP, en néerlandais), abordant la reconstruction d’après-guerre, avait pour titre “qui sera l’architecte ?” Le PSC s’est ainsi présenté comme ‘‘leader de la nation’’. A l’instar de nombreux autres partis traditionnels en Europe, il n’a pu le faire que grâce à l’énorme augmentation des richesses consacrées à acheter la paix sociale dans la période d’après-guerre. Cela résultait de la pression combinée de la force du mouvement ouvrier et de l’existence d’un système alternatif sous la forme des caricatures staliniennes du socialisme à l’Est. À partir de la crise, début années ‘70, il est devenu bien clair que tout cela était exceptionnel et non la règle. Un chômage de masse structurel a fait son apparition et les détenteurs de capitaux exigeaient que leurs profits soient préservés aux dépens des salaires, des conditions de travail et des dépenses sociales.

    Tous les partis traditionnels s’y sont pliés, partis populaires et social-démocratie inclus, jusqu’au Parti Communiste en Italie, même au prix de balancer idéologie et programme par-dessus bord. Cela a sapé leur autorité et a conduit, notamment en Flandre, à une fracture politique. Mais la politique d’austérité a seulement conduit à une nouvelle période de Grande Récession (2008-2009). Il est devenu sans cesse plus clair que les politiciens traditionnels n’offrent de solutions ni pour la crise climatique, ni pour l’afflux de réfugiés, ni pour les conflits militaires, ni pour la relance du commerce mondial, ni pour la pauvreté, la mobilité, la question nationale, l’emploi, le vieillissement de la population, etc.

    C’est pourquoi de plus en plus de gens sortent des sentiers battus de la politique traditionnelle. Ce sont d’abord les populistes de droite et d’extrême droite qui ont pu en tirer profit. De par leur fortune personnelle ou à l’aide de sponsors richissimes, ils disposent des moyens de détourner la colère vers les ‘‘chômeurs-profiteurs’’, les ‘‘réfugiés économiques’’, les ‘‘paresseux du Sud’’, etc. Le phénomène est important et dangereux, mais surtout basé sur ceux qui cherchent une solution individuelle et qui ne regarde pas les forces sociales. Mais ce qui est beaucoup plus important, c’est qu’il y a aussi des groupes sociaux qui tournent le dos à la politique traditionnelle. Cela explique la croissance des nouvelles formations de gauche qui représentent une réelle menace pour la domination capitaliste puisque leur présence stimule l’action sociale et fait renaitre l’espoir. Pensons à Syriza en Grèce, malheureusement jusqu’à la capitulation de sa direction, à Podemos en Espagne, à Die Linke en Allemagne, au Socialistische Partij aux Pays-Bas, à l’Anti Austerity Alliance – People Before Profit en Irlande, etc. Le phénomène fait tache d’huile. Les sondages montrent que le PTB-Pvda peut revendiquer sa place dans cette liste, surtout en Wallonie (16%) et à Bruxelles (11%).

    Le PS s’inquiète, c’est certain. L’introduction d’une semaine de quatre jours au salaire d’une semaine de cinq jours pour le personnel communal de Saint-Josse et pour certains fonctionnaires wallons ayant plus de 60 ans sert à démontrer que les déclarations du PS sur la diminution du temps de travail s’accompagnent d’actes. Evidemment, le PS ne va pas étendre cela à tous les travailleurs des services publics ni l’imposer au privé. Que cela ne retienne pas les syndicats, dans tous les secteurs, de saisir cette revendication comme outil de lutte central contre le chômage. Sa proposition pour le ‘‘double pouvoir’’ (pour des entreprises de ‘‘codécisions’’) dans les entreprises (le conseil d’administration devrait partager son droit de décision avec un conseil des travailleurs) est une manière d’éviter de parler de socialisme. Le danger que cela conduise à la collaboration de classe ou à la cogestion comme en Allemagne est réel. Mais des délégations combatives peuvent aussi saisir l’idée pour contester le pouvoir des actionnaires et la transformer en véritable droit de véto pour les travailleurs. Dans ce cas, les actionnaires s’enfuiraient bien vite. La nationalisation sans indemnisation sous contrôle de la communauté et des travailleurs serait alors la seule issue. Si le PS était vraiment sérieux, pourquoi ne pas commencer avec Caterpillar ?

    Mais il y a autre chose. En Grèce, le PASOK a été balayé du paysage électoral. Aux Pays-Bas, le PvdA a chuté de 38 sièges à 10. Le PSOE espagnol a été dépassé par Podemos. En France, François Hollande fait face à une crise profonde. La tendance à gauche s’exprime dans toutes sortes de nouvelles formations. Depuis peu, cette tendance est devenue si forte que Bernie Sanders a été capable d’enclencher une ‘‘révolution politique’’ avec les primaires du Parti démocrate. Au Royaume-Uni, cette tendance s’est traduite avec Jeremy Corbyn aux primaires du Parti travailliste. Face au précipice, certains dirigeants de la social-démocratie se repentent, partiellement en raison du fait que, soudainement, les commentateurs bourgeois plaident eux aussi pour une politique d’investissements publics.

    Aux Pays-Bas, une figure d’arrière-garde s’est soudainement proposée comme candidat de gauche pour être tête de liste du PvdA. En Espagne l’aile de droite du PSOE organise un coup d’Etat contre le dirigeant du parti, Pedro Sanchez, en représailles de son refus d’accepter un gouvernement minoritaire du PP. En Belgique francophone, le sommet du PS a lui-même changé de cap. Alors que Jeremy Corbyn est devenu l’expression d’un mouvement par en bas, leur tournant s’assimile plutôt à une tentative de survie désespérée par en haut.

    Contrairement à Sanders ou Corbyn, les dirigeants du PS n’ont pas une réputation de fermeté, de crédibilité et d’intégrité. L’incertitude règne donc quant à la mesure jusqu’où ils sont prêts à aller. Mais il est indiscutable que la crise de la social-démocratie entre dans une nouvelle phase. Le PSL continuera à soutenir chaque pas en avant pour le mouvement ouvrier, même de très petits pas. Mais sans entretenir de vaines illusions. La meilleure garantie contre la déception de promesses non-tenues, c’est de construire le mouvement d’en bas et d’exiger de participer à chaque niveau. Sur ce plan-là, il y a encore beaucoup de travail à faire, surtout au PS, mais aussi dans les syndicats et au PTB.

  • Les protestations croissantes bloquent le CETA. Continuons le combat contre la dictature des multinationales!

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    Le jeudi 20 octobre en soirée, avant même la fin de l’ultimatum de la Commission européenne, la presse internationale apprenait que le gouvernement wallon réitérait son opposition au Ceta (le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada). Sans cette approbation, c’est tout le projet qui vole à la poubelle. Et peut-être même plus… Inquiet, le président du Conseil européen Donald Tusk a fait valoir que ‘‘Le Ceta pourrait être notre dernier accord commercial si nous ne parvenons pas à convaincre les gens que nous négocions pour protéger leurs intérêts’’. La cheffe de l’Open-VLD Gwendolyn Rutten a trouvé une parade digne des libéraux en recopiant l’opinion du Voka (organisation patronale flamande) : ‘‘Le gouvernement fédéral doit approuver le Ceta. Et si cela conduit à une crise institutionnelle, tant pis.’’

    Par Nicolas Croes

    Qu’est ce qui bloque ?

    Commentant les négociations de dernière minute avec l’Union européenne et le Canada, Paul Magnette a expliqué au parlement wallon qu’il y avait ‘‘de nouvelles avancées significatives (…), notamment sur le dossier agricole. En revanche, il reste des difficultés pour nous, en particulier sur le dossier de l’arbitrage’’ (visant à déterminer l’issue de conflits entre Etats et multinationales) mais aussi concernant les services publics. Autre source de crainte légitime : le Ceta pourrait servir de ‘‘cheval de Troie’’ du TTIP, l’accord de libre-échange entre les USA et l’UE, dans la mesure où des entreprises américaines pourraient profiter du CETA via une filiale canadienne.

    Alors, pas d’accord concevable ? La seule possibilité serait, aux dires du ministre-président de la Région wallonne, de ‘‘rouvrir les négociations d’un traité qui est en train de se découdre de lui-même. Il faut prendre quelques semaines de plus pour analyser un traité qui va avoir énormément d’influence sur la vie de millions de citoyens, et ce pendant de très nombreuses années.’’ Dans le Soir de ce vendredi 21 octobre, une source désireuse de garder l’anonymat expliquait : ‘‘Quand on y pense, il est vertigineux de voir ce que la Wallonie a pu obtenir en quelques jours alors qu’elle répète son insatisfaction depuis plus d’un an. Raison de plus pour ne pas faiblir.’’ Jusqu’à parvenir à un compromis ? Cela reste à voir. Mais le gouvernement wallon semble bien décidé à ne pas céder.

    Non, sérieusement, qu’est ce qui bloque ?

    Dans La Libre, Corentin de Salle, directeur scientifique du Centre Jean Gol (MR), n’a pas manqué de saluer (non sans une certaine rage) le ‘‘long travail de sape (…) redoutablement efficace’’ et le ‘‘travail de propagande d’une admirable efficacité’’ des ONG, groupes de consommateurs et de petits producteurs, syndicats et organisations politiques. Cela, avec la pression électorale exercée par le PTB (devenu dans les sondages le 3e parti de Wallonie et de Bruxelles), aurait permis de pousser le PS et le CDH à opérer un virage étonnant au vu de leurs passivité passée face à l’Union européenne et son projet néolibéral. ‘‘Un chat coincé dans un coin peut faire des bonds étranges’’, comme on dit en Flandre. C’est vrai. Mais cela va beaucoup plus loin.

    En septembre dernier, 320.000 personnes ont manifesté en Allemagne contre le TTIP et le CETA. Là-bas, seuls 20% de l’opinion est favorable aux traités de libre-échange. En France également, ces projets ne recueillent pas d’unanimité. En Belgique, alors que les précédentes mobilisations réunissaient autour du millier de personnes, plus de 10.000 personnes ont défilé à Bruxelles le 20 septembre. En Irlande, en Autriche, en Slovénie ou encore en Pologne, l’opposition de la rue se reflète également dans la frilosité de diverses institutions pourtant traditionnellement enthousiastes dès lors qu’il s’agit de chouchouter les intérêts des multinationales. Rappelons aussi qu’une pétition européenne a réuni plus de 3 millions de signatures, chose inédite jusqu’ici.

    Bien peu de gens sont convaincus que nous vivons réellement dans une démocratie. Mais le peu de conquêtes démocratiques que les luttes passées sont parvenues à arracher nous sont retirées les unes après les autres. Et la colère augmente. Ce qui s’est passé autour de ce dossier – que le gouvernement wallon plie finalement ou non – donne un aperçu du potentiel d’un activisme conséquent et de la mobilisation de l’opinion publique. C’est un encouragement pour construire une mobilisation sérieuse vers un rapport de force qui nous permettra non seulement d’en finir avec les traités néolibéraux mais aussi avec leur monde.

  • Les budgets se suivent et se ressemblent… Ne laissons pas Michel et sa bande continuer leur hold-up permanent !

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    Les discussions sur le budget fédéral 2017 ont donné naissance à un nouveau catalogue des horreurs d’un montant de 3 milliards d’euros. Sans surprise, les autorités vont à nouveau piocher l’argent dans nos poches, jusque dans celles des pensionnés, des malades et des chômeurs. De l’extérieur, l’accouchement du projet ne fut visiblement pas sans douleur. Le CD&V a déclenché une Krisette – comme on la moque en Flandre en référence au ministre de l’Emploi Kris Peeters – au sujet de la taxation des plus-values. Que fallait-il réellement y voir ? Marc Van Peel (CD&V) n’a pas fait de mystère quant à l’objectif de la manœuvre : ‘‘L’impôt sur la plus-value tel que le propose le CD&V doit surtout effacer l’impression que ce sont seulement les petits qui paient (…) c’est en fait purement symbolique, mais les symboles sont eux aussi importants.’’

    Par Nicolas Croes

    Il reste bien peu du symbole, relégué au rang de légère mention dans la déclaration gouvernementale n’engageant que ceux qui auront la faiblesse de le croire. Ce qui est concret, par contre, c’est que plus de la moitié des efforts budgétaires seront puisés dans la sécurité sociale. Les ministres avaient pourtant annoncé qu’opter pour une telle voie ne serait pas socialement raisonnable. Mais ils semblent avoir fait leur la phrase cynique de Dostoïevki : “La vie et le mensonge sont synonymes.”

    Et pour la suite ?

    Les derniers sondages font valoir que les partis du gouvernement fédéral auraient perdu leur majorité. C’est certainement l’un des éléments qui a fait dire au secrétaire générale de la FGTB Marc Goblet à l’occasion d’une journée de réflexion portant sur la Réduction collective du temps de travail que ‘‘les gens se rendent mieux compte de l’impact des mesures du gouvernement, c’est le moment de repartir sur une mobilisation qui va au-delà de ce que nous avons fait jusqu’ici.’’ Il remet notamment sur la table la nécessité d’une grève générale.

    Mais d’autres, sur base des mêmes sondages, en arrivent à se convaincre qu’il suffit d’attendre les prochaines élections. Une approche est dangereuse. A peine le budget 2017 était-il bouclé que Le Soir titrait déjà en première page ‘‘Budget : il manque 6 milliards pour 2018.’’ Selon l’équipe du Soir, il faudrait trouver pas moins de 6 milliards d’euros pour annuler le déficit budgétaire structurel pour 2018, comme l’a promis le gouvernement à la Commission européenne. Et encore, précisent d’emblées les journalistes, il ne s’agit pas du pire scénario au vu notamment des ‘‘recettes fiscales douteuses’’. Est-il raisonnable d’attendre patiemment que les avalanches d’austérité se succèdent ? Et que la démoralisation gagne jusqu’au noyau de militants les plus convaincus ? En Grande-Bretagne, ce fut la recette pour la réélection de David Cameron en 2015.

    Un nouveau moment à saisir.

    manifseptembre02Le front commun syndical du secteur non-marchand a annoncé la tenue d’une première journée de grève nationale sectorielle avec une manifestation à Bruxelles le 24 novembre prochain contre l’austérité et pour la défense de cahiers de revendications non marchands. La CGSP Cheminots prépare d’autre part un plan d’actions suite à la décision du gouvernement de revoir les régimes spéciaux de pension à la SNCB. Même les militaires envisagent d’entrer en action pour défendre leurs pensions.

    De nouvelles actions sont inévitables, la colère est trop grande. Faisons-en bon usage. Canalisons-la dans un nouveau plan d’action offensif avec grève(s) générale(s) et un objectif clair : la chute du gouvernement.

     

  • Octobre 1996. Le mouvement blanc fait vaciller un système pourri jusqu’à la moelle

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    Il y a 20 ans, la Belgique était en émoi. Une semaine d’actions spontanées et de manifestations locales, la plus grande étant celle de Gand avec 25.000 participants, a débouché sur le point d’orgue de la Marche Blanche. Ce jour-là, le 20 octobre, 300.000 personnes défilèrent à Bruxelles. Pour reprendre le contrôle de la situation, l’establishment a utilisé tout ce qui est imaginable, du cardinal au roi. Retour sur ce mouvement..

    Par Geert Cool

    Une explosion de colère

    Des milliers de personnes qui sortent spontanément en rue, des écoles qui se vident, des entreprises qui entrent en grève,… Tout ça parce qu’un juge d’instruction est démis d’un dossier. 20 ans après, ça a l’air bizarre. Dans les commémorations officielles, l’élément de mouvement de masse ne sera sans doute pas mis en avant. L’affaire Dutroux en 1996, ces fillettes enlevées et abusées, a choqué et consterné tout le monde. Lorsqu’il s’est avéré que l’enquête sur cette affaire faisait face à beaucoup de difficultés, la colère a explosé.

    L’élément déclencheur, ce fut le retrait du dossier des mains du juge d’instruction Jean-Marc Connerotte sur base du prétexte qu’il avait mangé une assiette de spaghettis lors d’une soirée de soutien aux fillettes disparues et qu’il n’était donc pas “impartial”. Aux yeux de beaucoup, cet Arrêt ‘‘spaghetti’’ signifiait que quelqu’un de ferme et intègre avait été mis de côté par les rouages bureaucratiques de l’establishment judiciaire. La crainte était grande que cette affaire ne soit étouffée comme, entre autres, celle du groupe terroriste des “tueurs du Brabant” et d’autres incidents des années 1980.

    La colère visait tout le système. La justice, la police mais aussi les médias avaient perdu toute la confiance de la population. Une série de frustrations accumulées s’aggloméraient ensemble. Les ouvriers de VW-Forest se sont mis en mouvement en stoppant le travail le lundi 14 octobre, un exemple bien vite suivi partout dans le pays. Le mardi, les premières actions d’écoliers prirent place avec le soutien des travailleurs, des étudiants,…

    Une semaine de manifestations spontanées et de protestation massive suivit. L’establishment perdit partiellement le contrôle de la situation et lança des appels désespérés aux écoliers pour qu’ils réintègrent les cours et aux ouvriers pour qu’ils retournent au travail. Tous les éléments de l’establishment se sont mélangés dans ces appels, du gouvernement au roi en passant par l’église. Tous avaient peur du mouvement. C’est pourquoi la Marche blanche, la mobilisation nationale organisée à la hâte le 20 octobre, a dû être apolitique. Les partis traditionnels n’avaient, en effet, aucun contrôle sur les idées politiques qui se développaient dans le mouvement. L’ampleur, la spontanéité et la vitesse du mouvement avaient surpris l’ensemble de l’establishment.

    Organiser le mouvement et lui donner une direction

    Le PSL, qui s’appelait encore ‘‘Militant’’ à l’époque, est intervenu énergiquement autour du slogan “Ce système est pourri jusqu’à la moëlle” pour que la méfiance à l’égard du fonctionnement de la justice devienne une remise en cause de l’ensemble de la société. Là où nous en avions la possibilité, à Gand surtout, nous avons pris l’initiative, avec d’autres, de donner une direction au mouvement tant au niveau du contenu que de la pratique. Un appel à une manifestation commune pour le vendredi 18 octobre a suivi. Des tracts ont été distribués sur les lieux de travail, entrainant parfois directement des grèves. L’appel a été popularisé par des actions quotidiennes de la jeunesse. Je me souviens comment nous avons animé, avec quelques membres du PSL, des manifestations d’étudiants et d’écoliers à Gand pendant toute la semaine qui regroupaient très vite des centaines voire des milliers de jeunes.

    La vitesse à laquelle ce mouvement est né et le thème de son élément déclencheur ont contribué à la confusion. Ainsi, à un moment donné, on s’est retrouvés avec quelques centaines d’écoliers qui criaient des slogans comme ‘‘Etat de droit ? Attrape-nigauds!” tandis qu’un autre groupe d’écoliers criait face à ce slogan ‘‘Vive l’état de droit’’ et que d’autres criaient que Dutroux devait recevoir la peine de mort. En allant ensemble en rue et en discutant, il a été possible, à petite échelle, de mettre en avant des revendications claires et d’amener tout le monde à une grande action commune. Cela a contribué à la manifestation de 25.000 participants à Gand le vendredi 18 octobre où le slogan “Ce système est pourri jusqu’à la moëlle” était véritablement central. C’était la plus grande manifestation après la Marche blanche nationale et a montré sur le plan local, ce qui aurait été possible si le mouvement ouvrier avait pris des initiatives nationalement.

    La récupération

    Tout au long de la semaine, le mouvement a de plus en plus été porté par des travailleurs et leurs familles, généralement sans conscience de classe mais en tant que parents, en tant qu’enfants. Mais il était possible de rendre conscient ce qui était inconscient. Là où nous avions des forces, nous avons joué un rôle en ce sens. Un mot d’ordre des directions syndicales aurait suffi pour donner une orientation au mouvement et pour continuer à le développer. Le PSL défendait la nécessité d’un appel à la grève générale et à la formation de comités d’action pour la préparer. Cela aurait ainsi été une action sous contrôle de la base. Mais la direction syndicale partageait avec les politiciens la peur d’une grève générale.

    L’establishment a ainsi pu récupérer le mouvement. Par manque de direction du mouvement ouvrier, les parents des enfants disparus ont souvent été, à contrecœur, bombardés comme leaders et porte-paroles. Ils étaient dans tous les médias et soudain, les portes du palais royal se sont ouvertes à eux. Le premier ministre de l’époque, Jean-Luc Dehaene, a déclaré des années plus tard que l’intervention du roi Albert au cours de ces semaines a été sa plus belle réussite : “Albert a alors évité une révolte.” L’establishment a tout fait pour transformer la Marche blanche en un défilé funéraire apolitique. Mais ils n’étaient pas tranquilles : le gouvernement n’a pas osé se montrer à la Marche blanche. En même temps, la répression était en cours : j’ai pu m’en apercevoir lorsque j’ai été arrêté avec quelques autres à Bruxelles avant même le début de la Marche pour possession de tracts. La liberté d’expression n’était pas à l’ordre du jour.

    20 ans après la colère contre la justice de classe qui défend les intérêts de riches, le seuil pour accéder à la justice est encore plus haut pour Monsieur tout le monde (TVA sur frais d’avocat, droits de greffe plus élevés, moyens insuffisants pour le système pro deo,…). Les grands fraudeurs qui planquent leur capital au Panama s’en sortent, les grandes affaires de fraude arrivent à prescription tandis que de plus en plus de méthodes de poursuite existent contre le commun des mortels alors que le seuil pour aller en justice pour s’y opposer est toujours plus élevé. Il n’est absolument pas question de contrôle démocratique sur la justice.

    La vitesse et l’ampleur du Mouvement blanc sont aussi une réponse à ceux qui pensent que des mouvements de masse ne sont pas à l’ordre du jour dans notre pays. Il y a encore beaucoup de poches de mécontentement prêtes à éclater en protestation de rue à la première occasion. Cela peut être le cas autour de thèmes auxquels on ne pense pas immédiatement.

    Le manque d’implication active de la direction syndicale a fait que le caractère de classe du mouvement n’était pas clair. D’autres couches de la société ont également pris part au mouvement. Mais ce n’est pas une donnée statique. Le patronat a vite décroché quand il y a eu des actions de grève. La classe moyenne a auparavant joué un rôle actif dans la diffusion d’affiches des enfants disparus et avait de la sympathie pour les actions mais n’avait pas la main sur la direction du mouvement. De nombreux intellectuels ont mis en avant de manière condescendante le caractère “populaire”.

    Le mouvement a reçu un caractère de masse après la grève de Volkswagen à Forest et était de plus en plus porté par les ouvriers et leurs familles. La Marche blanche a montré le potentiel des travailleurs. A cet égard, il est essentiel pour les forces de gauche de rendre conscient ce qui ne l’est pas et de donner une perspective au mouvement d’un point de vue de classe.

  • Que se cache-t-il derrière le "Pacte d'investissements" de Charles Michel?

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    Une déclaration d’intention pour demain qui tente de cacher l’austérité et le manque d’investissement d’hier et d’aujourd’hui?

    Après le ‘‘Jobs, Jobs, Jobs’’ de l’année passée, Charles Michel annonce vouloir lancer un ‘‘pacte national pour les investissements stratégique’’ de plusieurs milliards qui s’étalerait de 2017 à 2030(1). Même s’il n’en précise pas les détails, il a vaguement sous-entendu que cela prendrait la forme de partenariat public-privé (PPP).

    Par Ben (Charleroi), article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    Soyons clairs, connaissant les problèmes de calculs du gouvernement, on peut clairement mettre en doute ses volontés et ses capacités réelles d’investissements. Sans rompre avec les logiques budgétaires néolibérales, il est en outre impossible de remédier au manque d’investissements publics. On se souvient du Tax shift : le gouvernement donne d’une main ce qu’il reprend trois fois de l’autre.

    Alors que le gouvernement a fait tomber sur nous une avalanche d’austérité, pour corriger le trou dans le budget 2016 et maintenir son objectif d’équilibre en 2017, il doit encore trouver 2,4 milliards et il se dit déjà que, pour 2018, il faudrait trouver 5 milliards supplémentaires, en grande partie parce que le Tax shift n’est pas suffisamment financé. Pour ne pas arranger les choses, il y a cette discussion sur une réforme de l’Impôt des sociétés visant à rabaisser le taux vers 24% selon la proposition de la FEB ou vers 20% selon la proposition du ministre des finances Van Overtveld, ce qui couterait quelque chose comme 7,3 milliards d’euros par an.

    Les soi-disant quelques milliards qui seront investis publiquement ne compenseront donc peut-être même pas les économies qu’on va nous imposer. Mais surtout, avec quelques milliards, nous resterions très loin de ce qui se faisait comme investissements publics dans les années ‘70. Si nous voulions faire des investissements publics dans les mêmes proportions qu’à l’époque, c’est à dire autour de 4,5% du PIB, c’est des montants de l’ordre de 15 à 20 milliards d’euros qu’il faudrait investir publiquement en Belgique chaque année ! Pire, du fait que, depuis les années ‘80, les investissements publics ont chuté autour de 2% du PIB seulement. Ce qui signifie concrètement que ceux-ci compensent à peine la dépréciation du capital. Il faudrait donc investir encore plus massivement afin de compenser le sous-investissement chronique depuis un quart de siècle.

    On le voit, les infrastructures ne sont plus correctement entretenues, ce qui explique les tunnels, ponts, routes, infrastructures fluviales et ferroviaires qui tombent en ruines ou tardent à se développer, comme par exemple le RER ou le port d’Anvers. Dans l’enseignement francophone, les estimations parlent de 20.000 places manquantes d’ici 2022(2) alors qu’à Bruxelles, de nombreuses écoles ont déjà sacrifié leurs cours de récréation pour y installer de nouvelles classes dans des containers. Rajoutons le manque de logements publics, de crèches, de maisons de quartier, le sous-investissement massif dans les soins de santé, les différents SPF (Services Publics Fédéraux) comme la justice ou les finances, etc.

    Un plan d’investissements est donc plus que jamais nécessaire, mais nous ne devons pas être naïfs. Pour que celui-ci permette de répondre aux nombreux besoins de la collectivité, il faudra s’attaquer à la logique néolibérale et au capitalisme lui-même. Seule des luttes de masse peuvent arracher de réels investissements publics.

    (1) ‘Jeudi en prime’ 1/09/16
    (2) Le Soir, 10/09/16

  • Wavre verte de rage et rouge de colère

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    Début mai, un nouveau plan d’action syndical avait été annoncé contre le gouvernement Michel jusqu’à une grève générale ce 7 octobre. Au fur-et-à mesure, il a de moins en moins été question de cette grève générale jusqu’à ce qu’elle soit tout simplement annulée par les sommets syndicaux. Quelques jours après, le gouvernement annonçait devoir trouver des mesures pour combler un trou budgétaire de… 4,2 milliards d’euros.

    Ce 7 octobre est donc devenu une journée d’action avec des grèves sectorielles qui ont ciblés certains domaines. Des préavis de grève avaient été déposés au préalable dans le nettoyage et le gardiennage, l’horeca, l’alimentation, le métal et les activités connexes ainsi que le textile. La fédération patronale sectorielle Agoria a ainsi annoncé par communiqué que la production de la plupart des grandes entreprises de l’industrie technologique était à l’arrêt.

    A Wavre, ville du Premier ministre Charles Michel, un rassemblement en front commun syndical a réuni quelques milliers de personnes place Bosch. Une fois finies les prises de paroles des dirigeants syndicaux, une bonne partie des syndicaliste s’est alors dirigée vers l’hôtel de ville de Wavre.
    Ce ne sont pas les raisons d’être en colère qui manquent, contre le gouvernement et son catalogue des horreurs qui n’en finit pas, contre l’échec complet de la politique des partis établis de noyer les grandes entreprises sous les cadeaux fiscaux pour sauvegarder l’emploi… mais aussi contre l’absence de réelle stratégie syndicale pour arracher la victoire.

    Lors de la manifestation nationale du 29 septembre dernier, le secrétaire général de la FGTB Marc Goblet a répété qu’une nouvelle grève générale était nécessaire. La taille de la manifestation avait même poussé le président de la FGTB Rudy De Leeuw à dire : ‘‘Nous n’avons pas enterré l’idée d’une grève nationale. Si le gouvernement reste sourd à toutes nos questions, cette grève reste une possibilité.’’ Mais il n’y a aucun doute à avoir : ce gouvernement d’apprentis-Thatcher fera la sourde oreille. Une nouvelle grève générale doit être préparée, et sérieusement, avec un objectif clair : renverser le gouvernement. Attendre qu’il termine son mandat et poursuive son carnage antisocial n’est pas une option, c’est inacceptable !

    Rassemblement syndical à Wavre contre la politique gouvernementale

  • Caterpillar. Solidarité avec les travailleurs et les sous-traitants. Non à la fermeture!

    caterpillar01Plusieurs centaines de personnes se sont réunies ce matin devant les grilles de Caterpillar pour protester contre la fermeture du site et contre l’attentisme du gouvernement. En effet, c’est une entreprise structurelle pour la région Carolo avec 8000 emplois direct et indirect. Aux portes de l’usine, on ne comptait pas seulement des travailleurs de Caterpillar mais également de nombreux sous-traitants et des travailleurs du secteur marchand comme non-marchand de Charleroi, de Mons et du Centre venus en solidarité.

    Par Emily (Namur)

    Malgré une organisation floue qui a limité la participation de certains, les travailleurs étaient là, prêts à lutter pour leur emploi et pour ceux des jeunes, mais avec un certains sentiment de désarroi.

    Milieu de mâtiné, les piquets ont laissé place à un cortège d’environ 1.500 personnes. La manifestation a traversé le zoning de Gosselies jusqu’au musé de l’industrie qui abrite Agoria, la fédération patronale de l’industrie technologique. La direction syndicale espérait y rencontrer des représentants d’Agoria. Pendant ce temps, bon nombre de travailleurs se demandaient quand va être planifiée la grève (avec un mot d’ordre clair accompagné d’une véritable mobilisation) comme le proposait en septembre Marc Goblet. Construire un rapport de force favorable aux travailleurs est indispensable dans une telle situation.

    => Ce samedi 8 octobre à la Maison des Huit Heures à Charleroi : Débat “Caterpillar, non à la fermeture, non à la solution qui mène au chômage et à la misère!”

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