Category: Politique belge

  • Sound of Silence : Le secteur culturel en eaux troubles


    Sos. Sound of Silence. Vous avez peut-être vu passer la croix orange sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’une initiative du secteur de l’événementiel et de la culture. Le secteur du spectacle a subi une perte de 1 milliard d’euros (95%) ces derniers mois en Belgique. Les chiffres de la société de données Graydon montrent que 23 % des entreprises du secteur, représentant 11.000 emplois, n’arriveront pas à tenir le coup jusqu’à la fin de cette année. Le secteur a mis en place une cellule de crise pour négocier avec le gouvernement.

    Par Koerian (Gand)

    La crise a particulièrement touché le secteur culturel, un secteur qui souffre déjà en raison de décennies de restrictions, notamment sur des subventions de projets. Ce secteur a connu la deuxième plus forte augmentation de contrats de free-lance. La précarité y est proverbiale. Faibles salaires, mauvaises conditions de travail, pas de sécurité d’emploi : la plupart des travailleuses et travailleurs de la culture travaillent dans les mêmes conditions que les coursiers de Deliveroo. Les artistes, les métiers de la production et autres surfent d’un contrat de faux indépendant temporaire à l’autre.

    La crise du coronavirus a frappé un secteur déjà en difficulté, complètement dans les cordes. Selon les chiffres d’Amplo, fournisseur de services de ressources humaines, pendant la première période de confinement, il y avait 73% de free-lances en moins dans le secteur par rapport à la même période l’année dernière, dans le secteur du spectacle, c’était 90%.

    Après la première vague, le secteur a redémarré progressivement, dans le respect des directives du gouvernement (maximum 200 personnes présentes, maintenues à 1,5 mètre de distance) et avec sa propre charte coronavirus. Le secteur du spectacle a une grande expérience du contrôle des foules, ce qui s’avère utile dans une telle période.

    Mais le coup de grâce est venu quelques semaines plus tard, avec le retour de mesures plus strictes. Alors que les passagers étaient autorisés à voyager dans des avions surchargés, que dix d’entre eux étaient autorisés dans des cafés et que l’on devait travailler dans des conditions dangereuses, presque tous les événements ont été annulés. Alors que les autorités n’ont pas fermé des entreprises où des cas d’infection étaient avérés, le secteur du spectacle a dû rester portes-closes alors qu’aucun cas n’y avait été décelé. L’AB à Bruxelles a licencié 200 employés externes ; le Botanique a été contraint de faire de même.

    Les différentes aides et primes coronavirus sont insuffisantes pour la plupart des free-lances puissent vivre, quand ils ont la chance de pouvoir y accéder. Toujours selon Graydon, 90 millions d’euros sont nécessaires pour aider les entreprises les plus touchées cette année. Ce n’est rien en comparaison des 290 millions que Brussels Airlines a été autorisée à encaisser, même après avoir annoncé e nombreuses pertes d’emploi.

    Beaucoup de gens se tirent les cheveux en se demandant pourquoi la culture est si durement frappée. Le secteur créatif représente 6,3 % de l’emploi en Flandre (12,9 % du nombre d’indépendants) et génère 2,5 euros de recettes pour chaque euro de subvention. Cependant, en général, il s’agit également d’un secteur diversifié, progressiste et très actif. Le gouvernement N-VA s’efforce de mettre le secteur au pas, notamment en le plaçant aux mains d’investisseurs privés. Le responsable culture de la N-VA Pohlmann a même parlé d’une guérilla ! Cette logique se trouve aussi derrière les économies réalisées sur le journalisme d’investigation, la radio et la télévision publiques ou encore le travail social. Tout ce qui est trop critique envers la N-VA doit être éliminé.

    L’année dernière, lorsque Mr. Jambon et son équipe ont menacé d’économiser plus de 60 % sur les subventions de projets, le secteur culturel s’est lancé dans l’action de manière unie pour la première fois depuis longtemps. Des dizaines de milliers de personnes se sont réunies lors de différentes actions à Bruxelles, des artistes connus ont utilisé leur notoriété comme une plateforme se sont battus contre les mesures d’économies. Pour la première fois de mémoire d’homme, les grandes et petites maisons de la culture, les indépendants et les employés permanents se sont trouvés côte à côte. De plus, les militants ont déclaré leur solidarité avec d’autres secteurs touchés par l’austérité et ont notamment soutenu les travailleuses et travailleurs sociaux qui étaient également en lutte.

    Bien que l’absence d’organisation locale et les vacances d’hiver aient mis un terme à la lutte, cela a suffi pour que le gouvernement flamand annule la plupart des économies réalisées. Même les mesures de soutien minimales qui existent aujourd’hui pour les artistes auraient probablement été impensables sans cette lutte.

    Si le secteur veut remporter de nouvelles victoires, il devra à nouveau passer à l’action. Ce gouvernement flamand n’a pas l’intention d’écouter le secteur culturel. La création d’une cellule de crise pourrait être une bonne étape pour à nouveau unifier le secteur. Mais négocier avec ce gouvernement ne servira à rien. Dans le meilleur des cas, il accordera un soutien aux grandes sociétés événementielles tandis que les petites maisons de la culture n’auront rien. La création de comités locaux de free-lances et d’employés du secteur, qui discuteraient ensemble des prochaines étapes et travailleraient ensemble à un plan d’action, serait un pas dans la bonne direction. Pourquoi ne pas faire preuve à nouveau de solidarité et envoyer une délégation du secteur à la manifestation de La Santé en Lutte du 13 septembre, comme première étape vers une renaissance du mouvement ?

  • 13 septembre : Grande manifestation de la santé ! ‘‘Je n’ai pas eu le Covid, mais vous m’avez transmis la rage.’’

    Photo : La Santé en Lutte

    ‘‘Je n’ai pas eu le Covid, mais vous m’avez transmis la rage.’’ C’est ce qu’on pouvait lire sur une pancarte ce 14 juin, à Bruxelles. Cette colère, nous sommes nombreux à la ressentir, il faut l’organiser !

    Par Pablo (Bruxelles)

    Ce jour-là, des ‘‘haies de déshonneurs’’ avaient été organisées à Bruxelles, Charleroi, Liège et Namur à l’initiative du collectif militant La Santé en Lutte. En colère contre la gestion de la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de coronavirus, le collectif entendait ‘‘tourner le dos’’ aux autorités, qui ont maintenu l’activité économique au péril de nos vies tout en laissant le secteur des soins de santé démuni face à la crise.

    Leurs profits, nos morts : plus jamais ça !

    Ces actions furent couronnées de succès en dépit des tentatives des autorités de museler les manifestants. L’idée était de faire écho à la haie de déshonneur organisée par le personnel de l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles à l’occasion de la visite de la Première ministre Sophie Wilmès. Suite à cette action et au large soutien exprimé au personnel soignant mécontent, cette action et la dynamique potentielle qu’elle pouvait enclencher ont conduit le gouvernement à reculer sur des arrêtés royaux qui permettaient de réquisitionner les infirmiers et de permettre à des soignants moins qualifiés de pratiquer des soins infirmiers. Ces arrêtés royaux ont indigné beaucoup d’infirmiers qui n’avaient pas ménagé leurs efforts durant la crise. Depuis lors, des arrêts de travail et des actions symboliques ont eu lieu dans plusieurs hôpitaux du pays.

    Les travailleuses et travailleurs du secteur des soins de santé ont repris le chemin de la lutte. La Grande Manifestation de la Santé prévue le 13 septembre, également à l’initiative de La Santé en Lutte, a le potentiel d’avoir un succès retentissant, les applaudissements aux balcons l’ont illustré. Il est grand temps de sortir ensemble dans la rue pour exiger un refinancement de la santé, l’arrêt de la marchandisation du secteur, une revalorisation salariale et plus d’effectifs !

    Mais si les conditions de travail désastreuses du personnel soignant ont été exposées aux yeux de toutes et tous, nous avons également pu voir que de nombreux métiers exposés au virus et dévalorisés sont essentiels. Nombre de ces travailleuses et travailleurs ne gagent même pas 14 euros de l’heure ! Toutes ces personnes doivent rejoindre le cortège, armées de leurs revendications spécifiques. De même que toutes celles et ceux qui ont souffert de cette pandémie. L’heure est au regroupement de nos forces, celles du monde du travail, pour offrir une première réponse de masse face à la gestion catastrophique de la crise du coronavirus. Mais aussi pour nous organiser contre les mesures d’austérité à venir suite à la récession économique.

    Il nous faut un plan d’action pour arracher les moyens qui font défaut dans les soins de santé et plus globalement dans la sécurité sociale et les services publics, mais aussi pour assurer un salaire décent à toutes et tous. La mobilisation vers cette manifestation est l’occasion idéale d’entamer ou de poursuivre la discussion à ce sujet entre collègues et avec les proches. On en a assez bavé, allons chercher l’argent là où il est : dans les poches des actionnaires !

    Dimanche 13 septembre, 13h, Mont des Arts à Bruxelles (Gare Centrale)

  • Le monde d’après. Le modèle keynésien des nouvelles formations de gauche est-il la solution?

    Piketty

    La crise du Covid-19 a déclenché à une allure fulgurante la pire crise économique auquel est confronté le système capitaliste depuis les années 30. Les mesures de relance mises en place partout dans le monde sont déjà d’une plus grande ampleur que celles de 2008-2009. L’orthodoxie budgétaire et les camisoles de force financières ont rapidement volé en éclats. Le néo-libéralisme avec son lot d’inégalités croissantes, de précarité et de baisse des conditions de vie est ébranlé.

    Par Boris (Bruxelles), article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste

    L’idée que des gouvernements capitalistes recourent à certaines mesures keynésiennes d’interventions de l’État pour sauvegarder leur système s’accroissent au sein de l’establishment économique et politique. Cela n’est pas un retour au modèle keynésien d’après la Deuxième Guerre mondiale mais plutôt comparable aux interventions d’État des années ’30. Cela ne veut pas dire que celles-ci ne seraient pas combinées avec de nouvelles cures d’austérité et des coupes sombres dans les services publics. Des avancées pour les travailleurs et leur famille ne seront possibles que par des mobilisations de masse qui établissent un rapport de forces favorable à ceux-ci.

    Un retour au modèle Keynésien d’après-guerre est-il possible ?

    L’affaiblissement du néolibéralisme et la tendance au recours à de mesures keynésiennes de gouvernements capitalistes va probablement conforter les nouvelles figures et formations de gauche réformistes dans l’orientation d’avoir pour modèle l’État-providence d’après-guerre et une économie mixte (cohabitation d’entreprises publiques et privées) à l’instar de Bernie Sanders et d’Alexandria Ocasio-Cortes aux États-Unis, de Podemos en Espagne ou du PTB en Belgique.

    Le PTB propose une « taxe corona », une contribution one-shot de 5 % sur les fortunes de plus de 3 millions d’euros pour faire payer la crise sanitaire aux très riches. Le PTB explique que cette idée est aujourd’hui débattue dans de nombre pays en se référant à la proposition de trois économistes, proche de Thomas Pikety, d’un impôt sur la fortune progressif, limité dans le temps, à l’échelle européenne, prélevé sur la valeur nette du 1% les plus riches. Ce débat traverse en ce moment également le gouvernement PSOE-Podemos en Espagne en vue d’un accord sur une réforme fiscale afin d’augmenter l’investissement public. Le gouvernement Sanchez a commencé en urgence à mettre en place un ‘‘bouclier social’’ dont la mesure phare est l’introduction d’un revenu de minimum vital pour 800.000 familles dans la pauvreté.

    L’économiste de gauche le plus en vue autour de ce genre de proposition est Thomas Pikety. Il plaide pour une politique keynésienne d’investissements entre autres vers les énergies renouvelables, la santé et la sécurité sociale. Ses propositions partent de l’idée que les inégalités doivent être réduites par une meilleure redistribution des richesses, que la moitié la plus pauvre des Français possède 5% du patrimoine et qu’il faudrait faire passer cette part à 20%. Pour y parvenir, il défend une augmentation de l’imposition des revenus supérieurs à quatre fois le salaire minimum, un impôt sur le patrimoine et une contribution sur les héritages de plus de 1 million d’euros pour garantir un héritage de 120.000 euros à 25 ans à la moitié des Français qui n’ont rien.

    Pour relancer l’économie, Pikety plaide pour une contribution temporaire exceptionnelle sur le plus haut patrimoine en se réfèrent à celle mis en place par le gouvernement allemand d’après-guerre entre 1948 et 1952. Son modèle est la Suède d’après-guerre où selon lui, la lutte du mouvement ouvrier combinée à la prédominance des idées de gauche parmi les intellectuels ont permis à la social-démocratie de construire un modèle social par des réformes au parlement.

    Avec de nombreuses nuances, et à des degrés divers, la grande majorité des nouvelles formations de gauche réformiste suivent ce schéma de pensée, de Bernie Sanders à Raoul Hedebouw, en passant par Pablo Iglesias.

    Mais la période de croissance économique prolongée du capitalisme d’après-guerre est une exception. La crise du système capitaliste nous place dans une période qui a beaucoup plus de ressemblances à celle des années ’30. La restauration du taux de profits d’après-guerre s’est entre autres basée sur l’économie de guerre, l’exploitation brutale de la force de travail dans les colonies et la reconstruction de l’Europe suite à la destruction massive des infrastructures, des villes et de l’industrie. L’impérialisme américain est sorti de la guerre comme superpuissance dominante et a promu les interventions keynésiennes des États. Une source de financement gigantesque extérieur comme le Plan Marshall n’est pas envisageable aujourd’hui. La menace d’un autre modèle que le capitalisme qui existait avec l’Union Soviétique et surtout un mouvement ouvrier extrêmement organisé ont permis d’arracher des concessions importante en terme de revenus et de sécurité sociale.

    Le capitalisme n’est pas réformable

    Pikety part de l’idée de sauvegarder le système et que les deux classes, capitalistes et travailleurs, peuvent trouver une politique économique favorable à tous et ainsi éviter les crises inhérentes au système. L’idée que l’État créerait une demande de biens et services parmi les travailleurs ce qui entraînerait des investissements des capitalistes en retour pour le bien collectif est erronée. L’exploitation capitaliste ne permet pas aux travailleurs d’acheter toutes les marchandises produites et la classe capitaliste est numériquement trop restreinte pour compenser cela. Le capitalisme fonctionne sur la course aux profits à court terme. Des hausses de salaires où des impôts sur leurs profits seront combattus avec détermination pour ne pas affaiblir leur compétitivité face à leurs concurrents, y compris en recourant à la fuite de capitaux et au sabotage de l’économie. Chaque mesure favorable aux travailleurs se heurtera aux intérêts qui nous opposent aux capitalistes.

    En tant que marxistes, nous devons lutter pour chaque réforme, pour plus d’investissements publics dans la santé, l’enseignement, les énergies renouvelables et les besoins sociaux, pour chaque amélioration des salaires et des allocations, pour chaque impôt qui cible les riches,…. Mais nous devons systématiquement lier nos implications dans ces combats quotidiens à la nécessité de nous en prendre à la propriété privée du capital afin d’établir une société socialiste où les secteurs clés de l’économie seront nationalisés et placés sous contrôle et gestion de la collectivité pour planifier la production en fonction des besoins des travailleurs et de leur famille.

  • Avortement jusqu’à 18 semaines ou pas – ce n’est pas à De Wever de décider !

    Avec un peu moins de 25 % des voix aux dernières élections en Flandre, soit 16 % à l’échelle de la Belgique, Bart De Wever se considère toujours comme l’empereur du pays. Il a mis en attente les partis qui souhaitent le prolongement du délai pour un avortement légal, des partis qui constituent une large majorité au Parlement fédéral. Si ces partis procèdent à un vote, la N-VA n’entrera pas avec eux dans un gouvernement fédéral. Selon lui, la proposition dispose d’un soutien de 0,0% en Flandre, alors que les partis pro-avortement y ont obtenu près de la moitié des voix. Il présume que “sa” Flandre a le droit de placer tout le pays sous le signe de la droite conservatrice.

    Il ne joue bien entendu pas qu’avec les cartes qu’il a en main, dont il en a perdu bon nombre par rapport aux élections précédentes et encore plus depuis lors selon tous les sondages. Il joue aussi avec celles du Vlaams Belang et du CD&V. Cependant, après les élections précédentes, il est apparu clairement qu’en dehors de la N-VA, aucun parti n’est disposé à coopérer avec le VB tandis que le CD&V, le traditionnel parti du pouvoir dans le pays, est devenu un petit parti.

    Par opportunisme populiste, le VB s’est exprimé en faveur d’un certain nombre de revendications du mouvement ouvrier, mais le VB n’a pas non plus d’importance pour De Wever. Une majorité au Parlement pour un salaire minimum de 14 euros/h, par exemple, serait tout aussi bien condamnée par De Wever, cette fois-ci en comptant les voix des partis libéraux avec les siennes.

    Ce ne serait qu’un spectacle tragicomique si les partis favorables au droit à l’avortement ne s’en souciaient pas. Le CD&V pourrait alors quitter le gouvernement flamand, s’il osait le faire. Cependant, il est à craindre que les partis traditionnels de la majorité pro-avortement soient à nouveau victimes de chantage de la part de l’empereur autoproclamé de Flandre qui, selon tous les sondages de cette dernière année, ne bénéficie aujourd’hui que du cinquième des voix flamandes.

    La seule façon de sortir de l’impasse est de mobiliser dans la rue le soutien à un assouplissement de la législation sur l’avortement. De Wever est – bien sûr ! – également un adversaire résolu de la mobilisation sociale. Après tout, De Wever ne nous permet d’être infectés par le virus qu’au travail et dans les magasins, en aucun cas lors de manifestations et d’actions de masse.

    Si les partis en faveur de l’assouplissement de la législation sont sérieux concernant ce sujet, le projet de loi sera adopté la semaine prochaine – enfin ! – et l’”empereur” sera là, debout, et nu. Pour le PvdA/PTB – les seuls qui, dans le passé, n’ont pas laissé les petits jeux de pouvoir prendre le pas sur leurs principes – il est important de lancer cette mobilisation et de dénoncer les partis dont le comportement se moque des principes.

  • Santé, économie, racisme… les politiciens traditionnels échouent dans tous les domaines

    Action menée à Namur le 21 juin dernier.

    Avec son lot de souffrances passées et à venir, la crise du coronavirus n’aura eu qu’un mérite : celui d’exposer au grand jour l’incompétence des politiciens traditionnels. Que ce soit en matière de santé publique, d’économie ou dans les réponses apportées aux vagues de protestations et de solidarité pour la santé et contre le racisme qui ont pris place depuis des semaines, l’échec est patent.

    Par Jeremy (Namur)

    Nous avons déjà pu illustrer dans ce journal tous les manquements de l’exécutif dans la gestion de la crise du covid-19 : pénuries de masques, commandes qui arrivent en retard, absence de tests, cafouillage dans les instructions et les recommandations, absence de réglementation sur les lieux de travail, etc. Depuis quelques semaines, le mécontentement légitime accumulé par le personnel soignant s’exprime dans la rue, avec le soutien de nombreux travailleurs de tous les secteurs, en tournant le dos à un gouvernement plus prompt à distribuer quelques applaudissements (ça ne mange pas de pain) qu’à allouer aux soignants les moyens nécessaires pour faire correctement leur travail.

    Sur le plan économique, également, la faillite est flagrante ; subjugués par leur crédo néolibéral qui ne fait plus guère illusion que sur eux, les partis traditionnels sont incapables de prendre les décisions nécessaires pour éviter les dégâts de la crise sur la population. Dans ce climat délétère, les pouvoirs publics ne parviennent même pas se montrer à la hauteur de l’élan de solidarité international contre le racisme qui s’est mis en mouvement après le lâche assassinat de George Floyd par la police de Minneapolis. Le 1er juin dernier, nous organisions une manifestation de solidarité sur ce thème à Gand qui a été accueillie par une sanction administrative communale, bien que nous ayons pris toutes les mesures de distanciation nécessaires et en dépit du strict respect des gestes barrières. Il a également fallu batailler dur avec le bourgmestre de Namur pour que notre mobilisation du 21 juin puisse se tenir.

    Sur ce sujet comme sur celui des soins de santé, la classe politique cherche à masquer son manque de réponse concrète derrière les symboles. Le dernier exemple étant la tentative de récupération de la figure de Martin Luther King Jr. Sur la façade du siège du MR à Bruxelles. Toujours prompts à mobiliser son image comme ils le feraient avec un label commercial, les libéraux feraient bien de méditer la phrase prononcée par le militant pour les droits civils moins d’un an avant son assassinat : « Les méfaits du capitalisme sont aussi réels que ceux du militarisme et du racisme ».

  • A quoi ressemblera le monde d’après ? Une stratégie de sortie du capitalisme s’impose !

    La crise du coronavirus a porté au paroxysme les multiples problèmes auxquels se heurte le capitalisme. L’économie mondiale déjà vacillante a plongé dans une crise qui ne peut être comparée qu’à la Grande Dépression des années ’30. A la mi-mai, 36 millions d’emplois avaient déjà été perdus aux États-Unis et l’on s’attendait à un chiffre de 59 millions pour l’Europe. Comment sortir au plus vite du confinement ? La question est posée par les actionnaires, mais aussi par de nombreuses travailleuses et travailleurs qui craignent pour leur emploi, leur avenir et leur santé.

    Par Nicolas Croes

    Leur déconfinement : chômage de masse et danger d’une seconde vague

    En Belgique, le mois de mai a été marqué par l’annonce du crash social chez Brussels Airlines, où 1.000 emplois sont menacés. Deux semaines plus tôt, un sondage du groupe de services en ressources humaines Acerta indiquait que 18% des travailleurs du pays craignent de perdre leur travail en raison de la crise actuelle. Le 18 mai, une étude de l’Economic Risk Management Group (ERMG) est venue le confirmer en révélant que les entreprises envisagent de licencier au moins un chômeur temporaire sur cinq. Concrètement, cela signifie que jusqu’à 180.000 personnes sont menacées de perdre leur emploi prochainement dans notre pays. A côté de cela, un gigantesque nombre de faillites est attendu, en particulier dans l’Horeca (jusqu’à 20%) et dans le secteur des arts et du spectacle (28%).

    La Banque nationale et le Bureau du Plan envisageaient en avril une contraction du Produit intérieur brut (PIB) belge de 8% pour l’année 2020. Un mois plus tard, la banque BNP Paribas Fortis révisait ses propres prévisions à la baisse en expliquant que le PIB du pays devrait s’effondrer de 11,1% en 2020 (contre 7,1% selon sa précédente estimation), tandis que l’hypothétique rebond en 2021 ne serait selon elle que de 4,3% au lieu des 7,6% qu’elle envisageait dans un premier temps.

    Au même moment, alors que les différents gouvernements en Europe avaient commencé à enclencher leurs plans de déconfinement, le directeur Europe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Hans Klugge avertissait : ‘‘L’Europe doit se préparer pour une seconde vague mortelle du coronavirus’’ dans le courant de l’année. Il soulignait que l’affaiblissement de l’épidémie en Europe ne veut en aucun cas dire qu’elle touche à sa fin. Pour Emmanuel André, ex-porte-parole interfédéral de la lutte contre le covid-19, la politique d’austérité est coupable : ‘‘Cela fait des années que la Belgique fait des économies sur le contrôle et la prévention en matière de santé. Nous avons vite été dépassés par l’épidémie, parce qu’on avait investi trop peu en personnel et en ressources de prévention.’’ Il affirme que les pénuries accumulées ont nécessité des mesures drastiques telles que le confinement : ‘‘Si tout avait été en place dès le début, si on avait eu assez de tests, de masques, on n’aurait peut-être pas dû imposer de lockdown…’’

    Les recommandations de l’OMS ignorées par souci de rentabilité des entreprises et par aveuglement budgétaire n’ont pas manqué par le passé. Notamment concernant le danger d’une éventuelle pandémie mondiale. Rappelons qu’entre 2011 et 2018, la Commission européenne a recommandé à 63 reprises aux États membres de l’UE de privatiser certains pans du secteur de la santé ou de réduire les dépenses publiques en matière de santé. Et la manière dont les autorités des différents pays ont jusqu’ici géré la situation ne va pas non plus rassurer grand monde. Pour disposer d’une réponse globale aux crises sanitaire, économique et écologique, il faut nous débarrasser des œillères de la course au profit à court terme et de l’économie de la concurrence acharnée.

    5 propositions pour une stratégie de déconfinement

    1. Sans sécurité, pas question de travailler !

    La stratégie de déconfinement, en Belgique et ailleurs, se résume à un coup de dés pour remettre tout le monde au travail en comptant sur l’effet de l’été et l’arrivée rapide d’un vaccin sur le marché. A ce titre, les travailleuses et travailleurs des transports en commun bruxellois STIB/MIVB ont montré la voie en arrêtant de travailler en faisant usage du droit de retrait en considérant que les conditions n’étaient pas remplies pour que leur travail puisse se faire en toute sécurité. Ils ont raison : sans sécurité, pas question de travailler !

    Selon la ‘‘grande enquête Corona’’ de l’Université d’Anvers, plus de la moitié des personnes ayant contracté le Covid-19 ont vraisemblablement été contaminées au travail. Cela ne fait que confirmer les chiffres des contrôles menés par l’Inspection du travail entre le 23 mars et le 30 avril : dans 75% des cas, les règles de précaution étaient enfreintes.

    Puisque phases de déconfinement il y a, il doit en aller de même pour l’organisation des travailleurs. Personne n’est plus apte qu’eux à définir ce qui est nécessaire pour assurer la sécurité sur le lieu de travail. Les choses ne sont pas différentes en termes de menace de fermeture d’entreprises et de licenciements collectifs. Les organisations syndicales ne doivent pas laisser l’initiative aux autorités et aux actionnaires : des comités anti-crise doivent être constitués de toute urgence autour des délégations syndicales et des Comités pour la prévention et la protection au travail (CPPT) pour élaborer un cahier de revendication offensif ainsi que pour définir les méthodes d’action qui s’imposent, notamment l’organisation du contrôle de la sécurité sur le lieu de travail.

    2. Des masques et des vaccins gratuits & sauver l’emploi, pas les profits !

    Aucun lieu de travail n’aurait dû être rouvert sans assurer un approvisionnement suffisant de masques ainsi que des tests de dépistage. En France, fin mars, des associations de soignants ont exigé la ‘‘réquisition des moyens de production’’ de médicaments et matériel. De fait, sans remettre en cause le bien-fondé de la propriété privée des moyens de production, nous serons toujours confrontés aux étroites limites du marché et de la course aux profits.

    La même question est posée de manière très crue concernant le vaccin à venir. Pour Yves Van Laethem, président de la section ‘‘vaccin’’ du Conseil supérieur de la santé, ‘‘On avance de manière abstraite puisque personne n’a encore de données sur le premier vaccin qui va sortir, ses caractéristiques, etc. Par contre, ce qui est certain, c’est qu’il n’y en aura pas pour tout le monde’’. Ce constat est tout simplement scandaleux ! A l’Assemblée mondiale de la santé qui a eu lieu à la mi-mai, le CNCD-11.11.11 a défendu à juste titre que le vaccin ‘‘puisse être placé dans le domaine public et qu’il ne puisse pas être accaparé ni par un État puissant, ni par une grande entreprise.’’ Y parvenir exigera de construire une solide relation de force.

    La prise sous contrôle public s’impose également concernant les pertes d’emploi. Une des revendications centrales des luttes à venir doit être l’expropriation et la nationalisation sous contrôle démocratique des travailleuses et des travailleurs des entreprises qui menacent de délocaliser, qui procèdent à des licenciements collectifs ou qui sont nécessaire pour répondre correctement à la crise sanitaire. S’il est question de rachat ou d’indemnité, cela ne doit être que sur base de besoins prouvés : ce sont les travailleurs qui ont besoin de la solidarité de la collectivité, pas les capitalistes qui planquent leur argent dans des paradis fiscaux.

    3. Contre le chômage et la charge de travail insoutenable : la réduction collective du temps de travail

    Le prétexte de la crise est partout utilisé pour revenir sur les conquêtes sociales du mouvement ouvrier. En Belgique, le principe du repos dominical a été attaqué dans les supermarchés. Mais si l’on veut s’en prendre au chômage et que tout le monde travaille, il ne faut pas augmenter la durée du temps de travail, il faut au contraire la diminuer. Avant la crise, FGTB et CSC ont chacun défendu le principe de la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires et la semaine des 30 heures. Il est temps de sortir des campagnes de sensibilisation et de passer à l’offensive !

    Cette vieille revendication du mouvement ouvrier s’impose non seulement concernant le chômage, mais aussi face à la crise sanitaire. Combien de parents ne sont-ils pas sur les genoux aujourd’hui après avoir dû gérer leurs enfants et le télétravail ?

    4. Un plan radical d’investissements publics dans les soins de santé, l’enseignement, les transports en commun,…

    Les enjeux titanesques de la crise historique actuelle ne peuvent être laissés à l’arbitraire des capitalistes et de leur personnel politique. Nous devons saisir les richesses des banques et les utiliser dans le cadre d’un plan d’investissements massifs dans les soins de santé, dans l’enseignement, dans les transports en commun,… L’épargne pourrait ainsi être mobilisée pour répondre aux besoins sociaux, y compris en terme de développement du secteur culturel et de celui des loisirs.

    La revendication d’une ‘‘taxe des millionnaires’’ était déjà très populaire avant la crise. A l’occasion du Premier mai, le PTB en a proposé une nouvelle version sous la forme d’une ‘‘taxe corona’’ de 5% sur toutes les fortunes dépassant les 3 millions d’euros, soit 2% de la population belge. Le PSL soutient la lutte pour une fiscalité plus équitable mais prévient d’emblée : les capitalistes résisteront et s’organiseront, au besoin avec une fuite de capitaux (pour cela, les frontières ne seront pas fermées). D’autre part, cette taxe devrait rapporter 15 milliards d’euros, ce qui est très insuffisant pour répondre à la hauteur du défi. C’est pourquoi cette mesure doit à notre avis être immédiatement couplée à la nationalisation de la totalité du système bancaire ainsi qu’au non-paiement de la dette publique.

    Aucune réponse aux multiples crises (économique, sanitaire, écologique) ne peut être élaborée en faisant l’économie de ces armes cruciales contre la dictature des marchés.

    5. Un autre modèle de société, MAINTENANT !

    Pour réellement libérer l’humanité de l’angoisse, ce sont tous les secteurs clés de l’économie (énergie, pharmaceutique,…) qui devraient être saisis afin de fonctionner dans le cadre d’une planification démocratiquement élaborée de la production économique. Ce type de société, une société socialiste démocratique, s’impose de toute urgence alors que les sonnettes d’alarme tintent dans tous les sens. Ainsi, des températures invivables pour l’homme ont été atteintes cette année en raison du changement climatique alors que les climatologues s’attendaient à ce que cela n’arrive qu’en 2050.

    Le confinement a illustré que ce sont les travailleuses et les travailleurs qui font tourner le monde, il est absolument nécessaire qu’ils le prennent en main pour libérer l’être humain et la planète du capitalisme.

  • Qui va payer pour la crise ?

    La crise sanitaire va de pair avec une crise économique. Des milliers d’emplois sont menacés et des centaines de milliers de personnes ont perdu leurs revenus à cause de la crise. La sécurité sociale fonctionne à plein régime. Les gouvernements apportent leur soutien aux entreprises. D’où la question suivante : qui va payer pour tout ça ?

    Par Geert Cool, article tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste

    Pour les patrons et leurs politiciens, la réponse est simple. Ceux qui ont payé pour la crise financière de 2008-09 doivent payer à nouveau. On ne va tout de même pas demander aux grandes entreprises de contribuer davantage à la collectivité en ce moment quand même ? Pour rendre ce message un peu moins rude, on nous dit que nous sommes ‘‘tous dans le même bateau’’ et que nous aurons tous à nous serrer la ceinture. Cette propagande néolibérale ne correspond pas à la réalité. Nous ne sommes pas dans le même bateau. Après la crise précédente, la majorité de la population s’est appauvrie tandis que les plus riches continuaient à s’enrichir.

    Après la crise précédente, les gouvernements successifs, en particulier le gouvernement Michel, ont fait payer un lourd tribut aux travailleurs et à leurs familles : augmentation de l’âge de la retraite, saut d’index, nouvelles coupes budgétaires dans la sécurité sociale et les services publics,… Après cette crise sanitaire qui a mis les travailleurs à l’honneur, ce sera difficile à reproduire. À moins, bien sûr, d’endormir l’opinion publique. L’élite capitaliste y travaille déjà. Par exemple, on a pu entendre un économiste réclamer une taxe sur les personnes âgées, ou voir sur les chaines télévisées flamandes un ‘‘grand débat’’ uniquement composé des politiciens de droite et, en plus des experts médicaux, uniquement des porte-parole du patronat.

    Avec les énormes inégalités actuelles, l’idée de faire payer les plus riches bénéficie d’un soutien populaire. Pourtant, une proposition du PTB au Parlement en faveur d’une ‘‘taxe corona’’ sur les super-riches n’a reçu le soutien que du PS. Le SP.a et Groen/ECOLO se sont abstenus parce que la proposition avait été élaborée soi-disant ‘‘trop rapidement’’. La droite a voté contre. La VRT a demandé à Tom Van Grieken (Vlaams Belang) de s’exprimer au sujet du 1er mai, fête internationale des travailleurs, mais l’extrême droite a beau tenter de se présenter comme étant plus ‘‘sociale’’, sa rhétorique se limiter à monter les travailleurs les uns contre les autres. Avec ce Parlement, une proposition d’impôt sur la fortune n’aboutira qu’avec la pression de la rue. Il nous faut une campagne qui transforme le soutien passif pour un impôt sur la fortune en une lutte concrète.

    Nous sommes en faveur d’une taxe des millionnaires. La droite répond que cela entraînerait une fuite des capitaux. L’argument n’est pas original, mais il est vrai que les super-riches ne renonceront pas comme ça à leurs privilèges. Ils disposent d’une armée d’experts fiscaux pour transférer leurs richesses où bon leur semble. En 2019, pas moins de 172,3 milliards d’euros ont quitté notre pays pour toutes sortes de paradis fiscaux. Ne soyons pas naïfs : les capitalistes feront tout ce qui est en leur pouvoir pour ne rien avoir à payer.

    Une taxe des millionnaires exige la levée complète du secret bancaire, l’instauration d’un cadastre des fortunes et la possibilité de recourir l’expropriation. Compte tenu de leur poids dans la société, il serait absurde de ne pas y lier la nationalisation du secteur financier et des grandes entreprises sous contrôle et gestion démocratiques des travailleuses et travailleurs. Ce n’est qu’ainsi qu’une taxe sur les millionnaires prendrait sa véritable signification : non pas en entretenant des illusions envers la possibilité d’un capitalisme social, mais comme mesure transitoire dans la perspective d’une transformation socialiste de la société.

    Un impôt sur la fortune pourrait aplanir un peu la courbe des inégalités. Mais tant que le virus capitaliste tiendra le monde sous son emprise, la tendance à l’accroissement des inégalités se poursuivra. Un vaccin est nécessaire : la transformation de la société. Pour développer ce vaccin, nous devons rassembler tous les talents disponibles des militants et des organisations de la classe ouvrière sur la base d’un programme socialiste.

  • Léopold II tombe de son piédestal

    Faut-il déboulonner les statues de Léopold II ? Que retient-on du règne de Léopold II et doit-on lui rendre hommage? Comment Léopold II a-t-il géré l’État indépendant du Congo ? Comment l’État belge s’est-il comporté en tant qu’État colonisateur ? Ces questions et tout un tas d’autres ont fait irruption dans le débat public suite aux actions de solidarité contre le racisme et la violence policière.

    Par Alain (Namur)

    L’enjeu politique de l’histoire

    La discussion sur les statues de Léopold II a révélé que le débat public sur l’histoire de la colonisation est loin d’être tranché en Belgique. Certains tentent de limiter la question à la sauvegarde et à la protection du patrimoine. D’autres veulent préserver ces statues comme témoignages de notre identité « belge ». D’autres encore veulent les contextualiser pour qu’elles fassent œuvre d’éducation historique.

    Alors que différentes associations (1) appellent depuis des années à une réévaluation du discours d’État sur la colonisation, il a fallu un contexte mondial de mobilisations contre le racisme et la violence policière pour ouvrir ce débat. Ce n’est pas un hasard, car la colonisation a toujours utilisé les clichés et préjugés racistes pour pouvoir se justifier. À cette occasion, il est apparu aux yeux de tous que la propagande coloniale est encore présente. Ceci n’est pas étonnant, la société dont on raconte l’histoire est traversée par des forces sociales antagonistes. L’étude de l’histoire éclaire le passé mais la manière dont celle-ci est racontée a beaucoup à voir avec le présent.

    L’historien américain Howard Zinn mettait en avant que « tant que les lapins n’auront pas d’historiens, l’histoire sera racontée par les chasseurs ». C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la résurgence de la « propagande coloniale ». Comme par le passé, elle vise à masquer sous les draps de l’honorable cause de la « mission civilisatrice » des meurtres de masses et sévices commis dans un but d’enrichissement personnel. Le prince Laurent a fait une sortie dans la presse pour nier les atrocités commises par Léopold II (2). L’écrivain Pierre Vidal Naquet parlait « d’assassins de la mémoire » pour qualifier les négationnistes. Des déclarations comme celle du Prince Laurent sont réalisées au mépris de la vérité historique établie scientifiquement (3). Ce genre de déclarations a bien peu à voir avec la recherche de la vérité et par contre tout à voir avec la défense de son intérêt personnel et de celui de sa classe sociale.

    L’histoire vue par les chasseurs

    La révolution de 1830 est le moment fondateur de l’État belge. C’est pourtant un événement dont le déroulement n’est pas largement connu. Si à l’époque on avait demandé les causes et les objectifs de la révolution à Guillaume d’Orange Nassau, roi des Provinces-Unies ; au Major Vander Smissen de la garde bourgeoise ; à un ouvrier ou à un paysan du nouvel État, les réponses auraient été fort dissemblables. Cela ne veut pas dire que la réalité se situe quelque part au milieu de tout ça, ou alors que toute réalité est relative. Cela signifie que les forces sociales à l’œuvre dans une révolution n’apparaissent pas à leur acteurs de manière consciente immédiatement. Pour faire apparaître ces forces, il faut analyser en profondeur les développements historiques. La révolution belge de 1830 fut un soulèvement populaire qui a été récupéré par une classe sociale, la bourgeoisie.

    Au lieu du suffrage universel, exigé par les masses révolutionnaires et considéré comme le moyen d’aboutir à une amélioration de leurs conditions de vie, nous avons alors hérité du suffrage censitaire et d’une monarchie constitutionnelle. Ce résultat est né de l’affrontement des différentes forces sociales en Belgique mais aussi des rapports de forces internationaux. C’est ainsi que Léopold de Saxe-Cobourg-Saalfeld est arrivé sur le trône de Belgique, sous le nom de Léopold Ier. Cela aurait pu être la Grèce, ce fut la Belgique. En 1869, Karl Marx décrivait la Belgique comme un « paradis pour les capitalistes ». Il soulignait la violence avec laquelle les luttes ouvrières étaient réprimées dans le sang au bénéfice des capitalistes (4). Certains traits liés à la fondation de la Belgique sont similaires à la manière dont Léopold II a pu acquérir une part du « gâteau africain ».

    Léopold II et le partage du « gâteau africain »

    À partir des années 1870, Léopold II était à la recherche d’une colonie. Dès le départ, il ne s’agissait pas de trouver un peuple à civiliser ou des esclaves à affranchir. Il s’agissait de répondre directement à la nécessité capitaliste. Les forces productives étaient trop à l’étroit dans les frontières nationales. Elles avaient besoin de terre et de nouvelles forces de travail pour que le capital continue de circuler. C’est dans ce sens que Léopold tenta de racheter des zones aux grandes puissances impérialistes. Il investit dans le chemin de fer en Chine, il tenta de racheter les Philippines à l’Empire espagnol, mais sur ce terrain, la concurrence avec les grandes puissances était trop forte et personne ne voulait vendre. Il lui a donc fallu se rabattre sur l’Afrique, le seul continent qui n’était pas encore entièrement réparti entre les puissances impérialistes.

    La bourgeoisie belge est une bourgeoisie paresseuse et peu aventureuse. Lors de la révolution belge, elle avait tenté de maintenir le régime Orangiste pour ne pas perdre le marché des colonies néerlandaises. C’est le risque de perdre le contrôle sur le processus révolutionnaire qui l’a conduit à en prendre la tête et à revendiquer l’indépendance. Ces traits de caractères vont se retrouver lors de la guerre de conquête coloniale. De 1874 à 1895, le roi Léopold II a investi toute la fortune léguée par son père pour établir une monarchie absolue dans l’État Indépendant du Congo (EIC), une dictature personnelle. Lors de la conférence de Berlin de 1885, Léopold II a joué sur les antagonismes entre les grands puissances pour s’assurer le contrôle de l’ensemble du territoire que constituait l’EIC. À la conférence, il exhiba plus de 500 traités de cessions de terres signés avec les chefs locaux. En fait, ceux qui refusaient de signer étaient détruits militairement et la plupart de ceux qui signaient ne comprenait pas que le fait d’apposer une croix sur ce document était un acte de cession de propriété. De par ce biais, il s’est approprié un immense territoire, le domaine de la couronne. Alors qu’auparavant les villageois quittaient leurs terres une fois que celles-ci étaient épuisées, les terres dites « vacantes » appropriés par Léopold II ont créé une tension sur la question agraire qui a posé la base pour des luttes entre communautés. Ce processus est une formidable démonstration que les riches accumulent des richesses en dépossédant les plus pauvres et, ce faisant, ils créent des problèmes sociaux et environnementaux.

    Pour mettre en valeur son investissement, il a fallu développer le chemin de fer. Afin de limiter les dépenses en capital, c’est du travail humain forcé qui a été utilisé dans le cadre des corvées et des impôts en nature dus à l’État. Les habitants étaient interdits de quitter leurs villages afin que les hommes de main de Léopold II aient toujours de la main d’œuvre disponible. Une véritable économie de rapine s’est mise en place. Il ne s’agissait ni de hasard ni de méchanceté de la part de l’un ou l’autre administrateur du roi. Il s’agissait d’un système étudié pour être le plus rentable possible, un système qui a occasionné des massacres de masses et une dépopulation de 1 à 5 millions de personnes selon les estimations des historiens.

    Le Roi savait, tout le monde savait !

    Ces atrocités ont soulevé une campagne internationale. La « propagande coloniale » parle de la ‘campagne anglaise’ car elle était portée par des personnalités comme l’anglais Edmund Moreel, Joseph Conrad ou l’écrivain américain Mark Twain. C’est la preuve qu’à l’époque non seulement le Roi mais tous les politiciens et bourgeois savaient. Il y a eu aussi une commission d’enquête qui a recueilli des témoignages de locaux ayant décrit les sévices réalisés par les troupes de Léopold II. Suite à cela, celui-ci a brûlé plusieurs archives et antidaté des documents afin qu’on ne puisse pas mettre au clair sa comptabilité et remonter jusqu’à lui. Dans une lettre du 3 juin 1906, Léopold II déclarait : « mes droits sur le Congo sont sans partages : ils sont le produit de mes peines et de mes dépenses ». Pour diverses raisons, l’État belge reprendra à son compte la gestion de la colonie en 1908.

    À côté de cette campagne, il y a eu des campagnes menées par le mouvement ouvrier. Emile Vandervelde, un libéral-radical passé au Parti ouvrier belge (POB) à sa fondation a écrit plusieurs ouvrages sur les crimes de la colonisation capitaliste. Une fois élu, il a fait plusieurs interpellations (1895-1900-1903-1905) au parlement suite aux luttes qui ont brisé le suffrage censitaire et obtenu le suffrage universel tempéré par le vote plural.

    Malheureusement, l’orientation parlementariste de la direction du POB a amené cette dernière à uniquement orienter la critique sur le terrain parlementaire au lieu de la faire vivre dans la rue et parmi les masses dans le cadre de la revendication du suffrage universel et de la grève générale. Imaginons la force qui se serait dégagée du mouvement si la direction du POB avait appelé la classe ouvrière belge, qui combattait pour ses droits démocratiques économiques et sociaux, à se solidariser à la lutte des peuples colonisés pour leurs droits ! Mais il n’en fut rien et les appels d’Emile Vandervelde se sont limités à la couche progressiste du Parti Catholique et du Parti Libéral. Il a même été plus loin lors de la Première Guerre mondiale en acceptant d’être ministre d’État d’un gouvernement qui avait repris la gestion de la colonie depuis 1908.

    C’est avec la montée en puissance de l’industrie automobile et la découverte du caoutchouc produit par l’hévéa que l’EIC a commencé à être rentable pour le roi. C’est à ce moment-là aussi que la bourgeoisie belge a commencé à investir de manière massive dans la région avec des sociétés comme l’Union Minière ou la Société Générale. Avec l’argent dégagé, Léopold II n’a pas investi pour développer les infrastructures du Congo, mais pour lancer une politique de grands travaux afin de s’assurer, à lui et à sa classe, une base sociale en Belgique.

    L’histoire racontée par les lapins

    Si Léopold II avait une qualité, c’est d’être l’un des meilleurs défenseurs de sa classe sociale, la bourgeoisie belge. Afin de fournir à lui-même et au capital belge ensuite un débouché pour les forces productives, il a dû avancer masqué afin de se frayer un passage entre les grandes puissances. C’est cela qui explique tout le discours sur la lutte contre l’esclavage arabe. Pour justifier moralement sa quête d’enrichissement personnel, il a dû se draper dans la toge d’un roi humanitaire alors que c’était un dictateur de la pire espèce. C’est la lutte de masse du mouvement ouvrier qui l’a empêché lui et la bourgeoisie de se conduire de la même manière en Belgique. Il leur fallait aussi dépeindre le colonisé comme un sauvage à civiliser pour justifier la guerre de conquête. Ce sont ces préjugés qui ont été recyclés une fois que l’État belge a repris la gestion du Congo.

    Dans le débat actuel, certains tentent de préserver l’institution monarchique à nouveau mise à mal (5). Léopold Ier a hérité de la Belgique malgré lui, comme résultat du rapport de forces entre grandes puissances ; Léopold III a dû abdiquer suite à la lutte de masse de 1950 à cause de sa collaboration avec le Reich allemand ; Baudouin a démontré qu’il était l’ennemi des droits des femmes et sa glorification a été mise à mal à cause de sa participation à l’assassinat de Lumumba et de l’amitié de son couple avec le dictateur espagnol Franco. L’autorité d’Albert II a été minée par la non-reconnaissance de sa fille. Les affaires des Saxe-Cobourg Gotha suintent la puanteur par tous leurs pores.

    Rendre hommage à Léopold II ou à ‘‘l’œuvre coloniale’’ ne signifie pas de rendre hommage à notre histoire, uniquement à une partie de celle-ci. Au cours de l’histoire de l’exploitation de l’Homme par l’Homme ou, pour être plus précis, de l’exploitation de la majorité sociale par une minorité, cette dernière a systématiquement utilisé à son compte le développement inégal des forces productives, le sexisme, le racisme et les discriminations. Déboulonner les statues ne veut pas dire qu’on oublie l’histoire, au contraire cela veut dire qu’on l’a bien apprise.

    Pour notre part, nous préférerons toujours célébrer celles et ceux qui sont tombés pour la liberté et l’émancipation de la majorité sociale, que ce soit au Congo dans les luttes pour l’indépendance, devant le mur des Fédérés lors de la Commune de Paris, ou lors des révoltes de Roux en Belgique en 1886. Ces expériences ont permis à la majorité sociale de jouir de droits économiques sociaux et démocratiques. C’est sur cette base que nous pourrons élargir ces droits et balancer l’exploitation dans les poubelles de l’histoire.

    Notes :
    (1) https://www.lesoir.be/206103/article/2019-02-11/la-belgique-invitee-presenter-des-excuses-pour-son-passe-colonial
    (2) https://www.lesoir.be/306692/article/2020-06-12/le-prince-laurent-ne-voit-pas-comment-leopold-ii-pu-faire-souffrir-des-gens-au
    (3) https://plus.lesoir.be/307401/article/2020-06-16/carte-blanche-ninstrumentalisez-pas-les-historiens-dans-le-debat-sur-le-passe
    (4) DESCHOEMACKER A., « La lutte pour les droits politiques : la création du POB et la lutte pour le suffrage universel », dans Extrait rebelles de l’histoire du mouvement ouvrier en Belgique, éditions Marxisme.be, p7.
    (5) JOOSEN T., « A bas la monarchie, pour une république socialiste démocratique! », sur socialisme.be, publié le 4 juillet 2013 ; en ligne : https://fr.socialisme.be/7145/monarchie.

  • Chèque consommation de 300 euros – Une mesure d’austérité qui ne dit pas son nom

    David Clarinval (MR), ministre fédéral du budget. Photo : wikipedia

    Samedi 6 juin, les dix partis qui soutiennent les pouvoirs spéciaux du gouvernement Wilmès se réunissaient pour s’accorder sur une série de mesures visant à réduire l’impact des conséquences économiques liées à la crise du coronavirus. L’une d’entre elles a fait l’objet d’une attention médiatique particulière.

    Par Jeremy (Namur)

    Elle consiste en l’octroi d’un chèque individuel de 300 € à faire valoir exclusivement dans les commerces locaux. La façon dont cette mesure nous a été vendue peut paraître séduisante : de nombreux travailleurs ont du faire face à des pertes de revenus partielles ou totales liées à la crise et des moyens financiers supplémentaires sont évidemment plus que bienvenus. En outre, les travailleurs indépendants et des PME sont parmi les plus durement touchés par la crise avec un taux de faillite anticipé à 40 % dans le secteur de l’Horeca dans les mois à venir. Le but affiché de cette mesure est donc à la fois de soutenir la consommation des ménages et l’activité des commerces locaux.

    Mais quand on y regarde d’un peu plus près, on s’aperçoit que cette disposition est bien loin d’être à la hauteur de la perte de revenu subi d’une part et de réponse à la crise qui arrive d’autre part. En effet, contrairement à ce que l’annonce laisse penser, le gouvernement n’envisage pas d’aller chercher l’argent dans les poches qui se sont enrichies pendant la crise. Il veut seulement donner la possibilité « aux entreprises qui le souhaitent et qui peuvent se le permettre » d’attribuer une prime à leurs employés, qui pourra être défiscalisée à hauteur de 300 €. Aucune disposition n’est prise pour rendre cette mesure contraignante pour l’employeur. Dans ces conditions, il est facile d’en anticiper les effets concrets.

    Tout d’abord, la mesure exclut d’emblée les personnes qui ont perdu leur emploi pendant la crise et qui sont pourtant celles qui ont le plus besoin d’une aide financière. D’autre part, avec le ralentissement de l’activité économique, on voit mal quelle petite entreprise en difficulté (Horeca ou autre) choisirait elle-même d’octroyer cette prime qui constitue pour elle une dépense supplémentaire… À moins que cela ne vienne remplacer une partie du salaire de son personnel ! Et nous touchons là au problème principal.

    Si, à première vue, l’attribution d’un tel chèque de soutien à la consommation semble revêtir des allures keynésiennes (relance de la consommation par l’État), un coup d’œil du côté de son mode de financement nous informe que nous sommes plutôt face à une mesure d’austérité qui ne dit pas son nom. En renonçant à taxer le capital de façon à pourvoir lui-même aux besoins de la population, le genre de demi-mesure discutée ici est le seul outil qu’il reste au gouvernement pour tenter de piloter une relance de l’économie par la consommation.

    Le gouvernement prétend en appeler à la bonne volonté des grands groupes capitalistes en leur demandant gentiment d’accorder une prime à leurs employés sur laquelle il se refuse à exercer le moindre contrôle ou à percevoir la moindre cotisation sociale. Mais on a tout lieu de penser que cette mesure constitue bien plutôt un nouveau crédit d’impôt accordé au patronat qui ne manquera pas d’instrumentaliser les difficultés liées à la crise pour diminuer d’autant le salaire des travailleurs, ou les primes qu’il s’était de toute façon engagé à payer.
    Que l’on soit clair, nous sommes favorables à toute mesure d’aide en faveur des travailleurs les plus durement touchés par la crise. Mais il est inacceptable de faire porter le coût d’une telle mesure à l’ensemble de la population en réduisant encore un peu le montant des cotisations patronales.

    Au mois d’avril dernier, le PSL a publié un programme d’urgence coronavirus. Ce dernier contient, entre autres, la revendication d’une aide financière pour les travailleurs indépendants en difficulté sur base des besoins avérés. La gestion catastrophique de la crise par le gouvernement soutenu par les partis traditionnels a démontré la nécessité d’une économie démocratiquement planifiée comprenant la nationalisation des secteurs clés de l’économie (agroalimentaire, pharmaceutique, énergie…). Dans ces secteurs, comme dans les autres, ce sont les travailleurs, et pas les patrons, qui sont les plus à même de prendre les décisions dans l’intérêt de la collectivité et c’est donc à eux que revient le droit et la responsabilité de décider démocratiquement ce qui est produit et comment.

  • Leur stratégie de déconfinement est un danger

    Dès le début, le gouvernement Wilmès a couru après les faits. Les écoles qui ont décidé d’elles-mêmes de prendre des mesures dans la semaine du 9 mars. Les travailleurs sont partis en grève chez Audi à Forest le 16 mars pour exiger des mesures de sécurité. Sous la pression des faits, un semi-confinement a été annoncé par le gouvernement le 18 mars. Un semi-confinement, parce que la production non essentielle a continué à tourner.

    Par Michael (Gand)

    Le patronat espérait s’en tirer ainsi mais, dans les semaines qui ont suivi, des grèves ont éclaté chez Daikin, chez Carrefour et Delhaize,… pour faire appliquer des mesures de protection ou exiger une prime de risque. Le semi-confinement était essentiellement un exercice d’équilibre entre des intérêts opposés : les profits du grand capital et la santé publique. Le gouvernement a systématiquement placé les intérêts économiques en priorité. Il a transformé le confinement en une responsabilité individuelle, et alors que les petites entreprises du secteur de l’hôtellerie et de la restauration ont dû cesser leurs activités et que les travailleuses et travailleurs des secteurs essentiels donnaient le meilleur d’eux-mêmes, il est apparu à la mi-avril que 85% des entreprises contrôlées ne respectaient pas les mesures de sécurité.

    La stratégie de déconfinement est malade du même mal. Elle repose sur la nécessité de relancer la production pour faire des profits. Les moyens de protection individuelle pour un redémarrage en toute sécurité sont considérés comme un élément secondaire. Le ministre Koen Geens a déclaré au nom du gouvernement que les masques sont la chose la plus importante pour faciliter le déconfinement mais que si ce n’est pas possible, il faudra faire sans. Il en va de même pour la capacité de tests. Les vies humaines ne sont manifestement pas un incitant suffisant pour remettre en cause la logique des lois du marché et revendiquer la réquisition du matériel et des chaînes de production nécessaires.

    Avec ou sans masques, avec ou sans tests, l’enseignement devait reprendre. Non pas pour réduire le retard scolaire, mais pour permettre de remettre les parents au travail et de préparer la future main-d’œuvre. La première mesure a été l’annonce de la mise en place de garderies d’enfants, pour que les parents puissent aller travailler. Les aspects pratiques de la réouverture des garderies ont été considérés par le gouvernement comme étant d’une importance mineure. La seconde mesure a été fixée en donnant la ‘‘priorité’’ aux plus âgés, qui doivent être en mesure de passer au marché de l’emploi ou à l’enseignement supérieur. Il semblerait qu’une fois dans l’enseignement supérieur, on peut plus facilement les abandonner à leur sort. Et personne dans les gouvernements n’a parlé de la pression psychologique, de la solitude, de la peur et de l’insécurité des étudiants.

    Le grand débat des chaînes flamandes VTM et VRT du 9 mai était instructif. Outre quatre professeurs, le panel comprenait également la ministre De Block, le ministre De Croo, le gouverneur de la Banque nationale Pierre Wunsch, Bart De Wever et Pieter Timmermans (FEB). En d’autres termes : les architectes de l’austérité dans les domaines de la santé et de l’enseignement, les défenseurs des emplois précaires et des bas salaires. Tout comme dans le GEES (Groupe d’experts chargé de la stratégie de sortie), ceux qui font fonctionner la société au quotidien dans les domaines de la santé, des transports publics, de la distribution, du nettoyage, de la collecte des déchets, de l’éducation,… sont considérés comme des bêtes de somme et on se moque d’eux en tant qu’experts. Heureusement, certains pensent différemment, comme les conducteurs de De Lijn et de la STIB qui ont refusé de reprendre le travail sans l’équipement de protection promis. Ou encore le personnel soignant qui a littéralement tourné le dos à la politique antisociale de la Première ministre Wilmès lors de sa visite à l’hôpital Saint-Pierre le 16 mai dernier.

    Leur stratégie de déconfinement ne vise pas à absorber les dégâts humains causés par le confinement. Elle se concentre sur les intérêts économiques pour lesquels la classe ouvrière doit servir de chair à canon. Le gouvernement belge n’est pas seul dans ce cas. Au niveau mondial, la fin du confinement est une roulette russe sous la pression de la concurrence mondiale. Le risque d’une deuxième vague ne l’emporte apparemment pas sur le risque de perdre des parts de marché.

    Aux États-Unis, les employés de General Electrics ont exigé que les lignes de production soient utilisées pour fabriquer des appareils respiratoires. La classe ouvrière est capable de grandes choses lorsqu’elle assume son rôle dans la société ! Elle sait ce qui est nécessaire et ne se laisse pas guider par la recherche du profit à tout prix.

    L’ère post-coronavirus nous plongera dans une profonde récession économique. Même dans ce cas, les intérêts seront diamétralement opposés. Même dans ce cas, la classe capitaliste et ses politiciens risqueront des vies humaines. Les actions menées dans les transports publics et par le personnel infirmier à Bruxelles et en Wallonie montrent que nous ne les laisserons pas nous marcher dessus.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop