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A quoi ressemblera le monde d’après ? Une stratégie de sortie du capitalisme s’impose !
La crise du coronavirus a porté au paroxysme les multiples problèmes auxquels se heurte le capitalisme. L’économie mondiale déjà vacillante a plongé dans une crise qui ne peut être comparée qu’à la Grande Dépression des années ’30. A la mi-mai, 36 millions d’emplois avaient déjà été perdus aux États-Unis et l’on s’attendait à un chiffre de 59 millions pour l’Europe. Comment sortir au plus vite du confinement ? La question est posée par les actionnaires, mais aussi par de nombreuses travailleuses et travailleurs qui craignent pour leur emploi, leur avenir et leur santé.
Par Nicolas Croes
Leur déconfinement : chômage de masse et danger d’une seconde vague
En Belgique, le mois de mai a été marqué par l’annonce du crash social chez Brussels Airlines, où 1.000 emplois sont menacés. Deux semaines plus tôt, un sondage du groupe de services en ressources humaines Acerta indiquait que 18% des travailleurs du pays craignent de perdre leur travail en raison de la crise actuelle. Le 18 mai, une étude de l’Economic Risk Management Group (ERMG) est venue le confirmer en révélant que les entreprises envisagent de licencier au moins un chômeur temporaire sur cinq. Concrètement, cela signifie que jusqu’à 180.000 personnes sont menacées de perdre leur emploi prochainement dans notre pays. A côté de cela, un gigantesque nombre de faillites est attendu, en particulier dans l’Horeca (jusqu’à 20%) et dans le secteur des arts et du spectacle (28%).
La Banque nationale et le Bureau du Plan envisageaient en avril une contraction du Produit intérieur brut (PIB) belge de 8% pour l’année 2020. Un mois plus tard, la banque BNP Paribas Fortis révisait ses propres prévisions à la baisse en expliquant que le PIB du pays devrait s’effondrer de 11,1% en 2020 (contre 7,1% selon sa précédente estimation), tandis que l’hypothétique rebond en 2021 ne serait selon elle que de 4,3% au lieu des 7,6% qu’elle envisageait dans un premier temps.
Au même moment, alors que les différents gouvernements en Europe avaient commencé à enclencher leurs plans de déconfinement, le directeur Europe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Hans Klugge avertissait : ‘‘L’Europe doit se préparer pour une seconde vague mortelle du coronavirus’’ dans le courant de l’année. Il soulignait que l’affaiblissement de l’épidémie en Europe ne veut en aucun cas dire qu’elle touche à sa fin. Pour Emmanuel André, ex-porte-parole interfédéral de la lutte contre le covid-19, la politique d’austérité est coupable : ‘‘Cela fait des années que la Belgique fait des économies sur le contrôle et la prévention en matière de santé. Nous avons vite été dépassés par l’épidémie, parce qu’on avait investi trop peu en personnel et en ressources de prévention.’’ Il affirme que les pénuries accumulées ont nécessité des mesures drastiques telles que le confinement : ‘‘Si tout avait été en place dès le début, si on avait eu assez de tests, de masques, on n’aurait peut-être pas dû imposer de lockdown…’’
Les recommandations de l’OMS ignorées par souci de rentabilité des entreprises et par aveuglement budgétaire n’ont pas manqué par le passé. Notamment concernant le danger d’une éventuelle pandémie mondiale. Rappelons qu’entre 2011 et 2018, la Commission européenne a recommandé à 63 reprises aux États membres de l’UE de privatiser certains pans du secteur de la santé ou de réduire les dépenses publiques en matière de santé. Et la manière dont les autorités des différents pays ont jusqu’ici géré la situation ne va pas non plus rassurer grand monde. Pour disposer d’une réponse globale aux crises sanitaire, économique et écologique, il faut nous débarrasser des œillères de la course au profit à court terme et de l’économie de la concurrence acharnée.
5 propositions pour une stratégie de déconfinement
1. Sans sécurité, pas question de travailler !
La stratégie de déconfinement, en Belgique et ailleurs, se résume à un coup de dés pour remettre tout le monde au travail en comptant sur l’effet de l’été et l’arrivée rapide d’un vaccin sur le marché. A ce titre, les travailleuses et travailleurs des transports en commun bruxellois STIB/MIVB ont montré la voie en arrêtant de travailler en faisant usage du droit de retrait en considérant que les conditions n’étaient pas remplies pour que leur travail puisse se faire en toute sécurité. Ils ont raison : sans sécurité, pas question de travailler !
Selon la ‘‘grande enquête Corona’’ de l’Université d’Anvers, plus de la moitié des personnes ayant contracté le Covid-19 ont vraisemblablement été contaminées au travail. Cela ne fait que confirmer les chiffres des contrôles menés par l’Inspection du travail entre le 23 mars et le 30 avril : dans 75% des cas, les règles de précaution étaient enfreintes.
Puisque phases de déconfinement il y a, il doit en aller de même pour l’organisation des travailleurs. Personne n’est plus apte qu’eux à définir ce qui est nécessaire pour assurer la sécurité sur le lieu de travail. Les choses ne sont pas différentes en termes de menace de fermeture d’entreprises et de licenciements collectifs. Les organisations syndicales ne doivent pas laisser l’initiative aux autorités et aux actionnaires : des comités anti-crise doivent être constitués de toute urgence autour des délégations syndicales et des Comités pour la prévention et la protection au travail (CPPT) pour élaborer un cahier de revendication offensif ainsi que pour définir les méthodes d’action qui s’imposent, notamment l’organisation du contrôle de la sécurité sur le lieu de travail.
2. Des masques et des vaccins gratuits & sauver l’emploi, pas les profits !
Aucun lieu de travail n’aurait dû être rouvert sans assurer un approvisionnement suffisant de masques ainsi que des tests de dépistage. En France, fin mars, des associations de soignants ont exigé la ‘‘réquisition des moyens de production’’ de médicaments et matériel. De fait, sans remettre en cause le bien-fondé de la propriété privée des moyens de production, nous serons toujours confrontés aux étroites limites du marché et de la course aux profits.
La même question est posée de manière très crue concernant le vaccin à venir. Pour Yves Van Laethem, président de la section ‘‘vaccin’’ du Conseil supérieur de la santé, ‘‘On avance de manière abstraite puisque personne n’a encore de données sur le premier vaccin qui va sortir, ses caractéristiques, etc. Par contre, ce qui est certain, c’est qu’il n’y en aura pas pour tout le monde’’. Ce constat est tout simplement scandaleux ! A l’Assemblée mondiale de la santé qui a eu lieu à la mi-mai, le CNCD-11.11.11 a défendu à juste titre que le vaccin ‘‘puisse être placé dans le domaine public et qu’il ne puisse pas être accaparé ni par un État puissant, ni par une grande entreprise.’’ Y parvenir exigera de construire une solide relation de force.
La prise sous contrôle public s’impose également concernant les pertes d’emploi. Une des revendications centrales des luttes à venir doit être l’expropriation et la nationalisation sous contrôle démocratique des travailleuses et des travailleurs des entreprises qui menacent de délocaliser, qui procèdent à des licenciements collectifs ou qui sont nécessaire pour répondre correctement à la crise sanitaire. S’il est question de rachat ou d’indemnité, cela ne doit être que sur base de besoins prouvés : ce sont les travailleurs qui ont besoin de la solidarité de la collectivité, pas les capitalistes qui planquent leur argent dans des paradis fiscaux.
3. Contre le chômage et la charge de travail insoutenable : la réduction collective du temps de travail
Le prétexte de la crise est partout utilisé pour revenir sur les conquêtes sociales du mouvement ouvrier. En Belgique, le principe du repos dominical a été attaqué dans les supermarchés. Mais si l’on veut s’en prendre au chômage et que tout le monde travaille, il ne faut pas augmenter la durée du temps de travail, il faut au contraire la diminuer. Avant la crise, FGTB et CSC ont chacun défendu le principe de la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires et la semaine des 30 heures. Il est temps de sortir des campagnes de sensibilisation et de passer à l’offensive !
Cette vieille revendication du mouvement ouvrier s’impose non seulement concernant le chômage, mais aussi face à la crise sanitaire. Combien de parents ne sont-ils pas sur les genoux aujourd’hui après avoir dû gérer leurs enfants et le télétravail ?
4. Un plan radical d’investissements publics dans les soins de santé, l’enseignement, les transports en commun,…
Les enjeux titanesques de la crise historique actuelle ne peuvent être laissés à l’arbitraire des capitalistes et de leur personnel politique. Nous devons saisir les richesses des banques et les utiliser dans le cadre d’un plan d’investissements massifs dans les soins de santé, dans l’enseignement, dans les transports en commun,… L’épargne pourrait ainsi être mobilisée pour répondre aux besoins sociaux, y compris en terme de développement du secteur culturel et de celui des loisirs.
La revendication d’une ‘‘taxe des millionnaires’’ était déjà très populaire avant la crise. A l’occasion du Premier mai, le PTB en a proposé une nouvelle version sous la forme d’une ‘‘taxe corona’’ de 5% sur toutes les fortunes dépassant les 3 millions d’euros, soit 2% de la population belge. Le PSL soutient la lutte pour une fiscalité plus équitable mais prévient d’emblée : les capitalistes résisteront et s’organiseront, au besoin avec une fuite de capitaux (pour cela, les frontières ne seront pas fermées). D’autre part, cette taxe devrait rapporter 15 milliards d’euros, ce qui est très insuffisant pour répondre à la hauteur du défi. C’est pourquoi cette mesure doit à notre avis être immédiatement couplée à la nationalisation de la totalité du système bancaire ainsi qu’au non-paiement de la dette publique.
Aucune réponse aux multiples crises (économique, sanitaire, écologique) ne peut être élaborée en faisant l’économie de ces armes cruciales contre la dictature des marchés.
5. Un autre modèle de société, MAINTENANT !
Pour réellement libérer l’humanité de l’angoisse, ce sont tous les secteurs clés de l’économie (énergie, pharmaceutique,…) qui devraient être saisis afin de fonctionner dans le cadre d’une planification démocratiquement élaborée de la production économique. Ce type de société, une société socialiste démocratique, s’impose de toute urgence alors que les sonnettes d’alarme tintent dans tous les sens. Ainsi, des températures invivables pour l’homme ont été atteintes cette année en raison du changement climatique alors que les climatologues s’attendaient à ce que cela n’arrive qu’en 2050.
Le confinement a illustré que ce sont les travailleuses et les travailleurs qui font tourner le monde, il est absolument nécessaire qu’ils le prennent en main pour libérer l’être humain et la planète du capitalisme.