Category: Politique belge

  • Combattre sérieusement le coronavirus exige de mobiliser les moyens nécessaires !

    Photo : Pixabay

    La logique de marché est incapable de nous protéger

    Qui comprend ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas ? La bulle a disparu pour faire place à quelque chose qui ressemble à une bulle mais qui n’en est pas une. Plusieurs universités ont demandé à leurs étudiants de ne pas suivre ces assouplissements et, parmi les experts qui conseillent les autorités, le mécontentement est croissant. Le professeur Devroey (VUB) déclarait après les annonces du 23 septembre : ”C’est comme si on se moquait du secteur des soins de santé”. Les gens en ont marre du virus mais aussi du manque de clarté et des institutions en général. Mais en attendant, le virus n’est toujours pas sous contrôle. Deux semaines à peine après l’assouplissement des mesures, le nouveau gouvernement a dû annoncer un durcissement : les cafés seront fermés plus tôt (complètement dans la région bruxelloise dès aujourd’hui) et nous ne pourrons avoir que trois contacts proches en dehors de la famille. Rien ne changera sur les lieux de travail.

    La vie de tout le monde a été bouleversée ces derniers mois. Soudain, notre vie sociale a été soumise à d’importantes restrictions et nos conditions de travail ont changé. Dans un tel contexte, il serait logique de mobiliser immédiatement toutes les ressources disponibles pour combattre le virus. Cela ne s’est cependant pas produit. La raison ? Les autorités ne voulaient notamment pas s’opposer aux intérêts de l’industrie pharmaceutique et ne voulaient pas, de surcroît, admettre trop ouvertement que la politique d’austérité menée dans les soins de santé depuis des années était désastreuse.

    En bref : leur approche ne partait pas de ce qui était nécessaire pour combattre sérieusement le virus. Elles sont parties de ce qui était possible en respectant les contraintes du capitalisme. La plupart des experts se sont ralliés à cette idée, en espérant tout de même stopper la propagation du virus autant que possible. C’était insuffisant et, de plus, cela a nourri la méfiance autour des mesures sanitaires. Comment justifier que vous êtes autorisés à avoir des contacts avec un groupe important de personnes au travail, mais pas dans votre vie sociale ? L’enchevêtrement d’annonces où le Conseil national de sécurité a contredit ce que les experts proposent a ruiné le dernier vestige de confiance dans les mesures proposées.

    Dès le début de la crise sanitaire, nous avons souligné que le soutien aux mesures sanitaires est plus important lorsque de larges couches de la population en voient l’utilité. Cela nécessite une participation démocratique pour déterminer ces mesures et lutter contre la crise sanitaire. Mais les autorités ont fait la sourde oreille. Lorsque le personnel de santé a manifesté à Bruxelles le 13 septembre dernier, c’est la police qui a été envoyée ; les matraques ont remplacé les applaudissements. Sur de nombreux lieux de travail, les mesures sanitaires ont été élaborées par des comités de crise ou des “task forces” sans que le personnel et leurs délégués n’y soient associés.

    La crise sanitaire a mis sous pression le secteur des soins de santé, le personnel est épuisé. Il est urgent de répondre à leurs besoins pour lutter sérieusement contre la crise. Cela implique d’investir immédiatement et massivement dans le secteur des soins de santé en recrutant du personnel supplémentaire. L’ensemble du secteur doit être entre les mains du public afin de mettre un terme à la marchandisation des soins. La crise sanitaire se poursuivra jusqu’à ce qu’un vaccin puisse être distribué à une échelle suffisamment grande. Doit-on laisser cela à des multinationales uniquement motivées par leurs profits ? Ou bien devons-nous faire de l’ensemble du secteur pharmaceutique un secteur public, afin qu’un contrôle et une gestion démocratiques soient possibles ? La coopération dans l’ensemble du secteur accélérerait le développement d’un vaccin efficace. Le personnel sait ce qui est nécessaire pour développer une production de masse à court terme.

    L’absence d’une approche planifiée exacerbe les conséquences de la crise sanitaire. Il a fallu des mois pour obtenir les masques et même après plus de six mois, il n’est pas possible de réaliser des tests rapides à grande échelle. Cependant, tant qu’il n’y a pas de vaccin, c’est la seule façon d’éviter des mesures très restrictives. Si nous laissons l’initiative au marché capitaliste, le même chaos dominera la diffusion d’un vaccin. Se concentrer sur notre santé signifie rompre avec la logique du profit et donc du capitalisme.

  • Un plan anti-crise pour notre santé, nos emplois et notre pouvoir d’achat !

    Les 500 personnes les plus riches au monde ont vu leur fortune augmenter de 871 milliards de dollars en 2020. Du début de la pandémie jusqu’au mois d’août, les milliardaires américains à eux seuls ont vu leur fortune augmenter de 637 milliards de dollars. Parallèlement, la majorité de la population est menacée par le chômage de masse et la précarité.

    Par Michael (Gand)

    Comme l’illustrent ces chiffres publiés par Oxfam, notre modèle économique permet aux plus riches de devenir encore plus riches même en temps de crise. Les inégalités du capitalisme se creusent en période de crise. Mais ce n’est pas tout. La classe capitaliste est bien consciente des opportunités que lui ouvre cette crise.

    L’industrie pharmaceutique tente de profiter au maximum de la crise sanitaire. L’ONG Corporate Europe Observatory (CEO) a divulgué des documents concernant le lobbying et les négociations secrètes des entreprises pharmaceutiques auprès de la Commission européenne. Les grandes entreprises pharmaceutiques reçoivent des contrats lucratifs et des fonds publics pour financer la recherche et empochent ensuite les profits, sans la moindre garantie de l’efficacité des vaccins. Et cela dans le secteur le plus rentable au monde. Entre 2000 et 2018, les 35 géants pharmaceutiques ont réalisé un bénéfice net de 1.900 milliards de dollars !

    Le groupe CMA-Medina a utilisé le système de sécurité sociale belge comme une vache à lait. Le gouvernement belge offre des remboursements aux entreprises qui effectuent des tests en Belgique. Résultat ? Les propriétaires ont pu vendre leur laboratoire pour 1 milliard d’euros… Jackpot pour les actionnaires.

    La Fédération des entreprises belges (FEB) a annoncé que les prochaines négociations salariales dans le cadre de l’Accord Interprofessionnel (AIP) constituent une ”crise” qui s’ajoute à la crise politique et sanitaire. Pour le patronat, notre pouvoir d’achat est donc une crise qui menace leurs profits. Les patrons essayent déjà d’opposer l’emploi aux salaires ! Nous devons lui résister. Où est le plan d’action dont nous avons besoin pour défendre résolument les intérêts des travailleurs, y compris par la grève ? Profitons des élections sociales de novembre pour élire des délégués combatifs qui n’auront pas peur d’organiser sérieusement la lutte.

    Le chômage n’est pas inévitable. Le travail ne manque pas dans la société. Tandis que le capitalisme laisse des millions de personnes sans emploi, des millions d’autres sont forcées de travailler jusqu’au burn-out. Les profits des capitalistes s’opposent à nos intérêts. Les motivations des actionnaires et des patrons sont inconciliables avec les besoins de la majorité de la population. Au lieu de renforcer leur incommensurable richesse avec des subsides publics et des mesures d’austérité contre nos conditions de vie, il nous faut un plan d’investissement public massif dans les soins de santé et l’enseignement, pour de vrais emplois avec de vrais salaires,… en bref : pour satisfaire les besoins de la majorité des gens qui vivent dans ce pays.

    Un tel plan de crise permettrait de redistribuer le travail disponible avec une semaine de 30 heures, sans perte de salaire, et avec même des augmentations dans les secteurs essentiels. Où prendre l’argent ? Là où il se trouve ! En nous débarrassant des parasites qui ruinent l’économie et en plaçant les secteurs clés de l’économie sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité. Nous pourrions ainsi en finir avec les conséquences destructrices du capitalisme.

  • INTERVIEW La Santé en Lutte “La réussite de la manifestation du 13 septembre n’est qu’un début…”

    Il n’est pas exagéré de dire que le chemin vers la grande manifestation de la santé du 13 septembre dernier était un véritable parcours du combattant… Mais en dépit de tous les problèmes, cette date a marqué le déconfinement de la lutte sociale de façon éclatante. Nous en avons discuté avec notre camarade Karim Brikci, délégué permanent CGSP-Brugmann, très impliqué dans le collectif militant La Santé en Lutte.

    Karim, nous t’avons déjà interviewé pour l’édition de mai de Lutte Socialiste. A ce moment-là, la date du 13 septembre était encore très lointaine, c’est aujourd’hui derrière nous. Quel bilan tirer du chemin parcouru ?

    Cette manifestation, pour La Santé en Lutte et pour tous les collègues qui se sont mobilisés, c’est un succès et une date qui en appelle d’autres. L’atmosphère parmi les collègues présents laisse peu de doutes : il y a une volonté de poursuivre la lutte. Nous ne devons pas nous arrêter là et construire ensemble les perspectives de discussion et de mobilisation.

    A l’origine cette manifestation était un pari risqué pris en pleine pandémie, à la suite de l’annulation de la manifestation initialement prévue fin mars. On a senti le potentiel et la volonté. Il y avait un momentum clair sur le sujet. Cela aurait été dommage, malgré l’avis de certains, de ne pas se mobiliser. On a choisi de prendre le temps pour mobiliser sérieusement et d’anticiper sur une fin de confinement, chose qui n’a pas été aisée puisque, comme tout le monde le sais, les échéances de déconfinement n’ont pas été celles prévues à l’origine. Ça a été un facteur compliquant.

    La mobilisation a été assez particulière, c’était une mobilisation de collègues du secteur fatigués, qui pour beaucoup n’ont même pas eu l’occasion de prendre des congés ces derniers mois et sont toujours dans cette situation encore aujourd’hui. C’était une mobilisation essentiellement virtuelle, même si un travail de terrain a pu être fait ces dernières semaines. L’essentiel s’est passé avec une communication sur les réseaux sociaux. On est capable de faire mieux et il va falloir faire mieux. Mais il faut tenir compte des possibilités en termes d’énergie et de la réalité de l’épidémie, qui ne rend pas les tractages évidents.

    Tout cet été, on a élargi le front de mobilisation qui était déjà conséquent au moment de prendre l’initiative de cette manifestation. Le front s’est élargi à toute une série de centrales syndicales, de structures et d’associations diverses et variées qui vont de la fédération des maisons médicales à Médecins du monde, etc. Une liste assez large d’organisations et d’acteurs des soins de santé. C’était d’ailleurs notre objectif et c’est très positif d’avoir mis autant d’organisations différentes être capables de se mettre ensemble en action pour un refinancement des soins de santé.

    En résultat final, une première mobilisation de 7.000 personnes en sachant que beaucoup de collègues travaillaient – ça, c’est la spécificité du secteur – et qu’on a reçu beaucoup de messages de soutien de personnes plus âgées, de malades, etc. qui ne se sentaient pas à même de manifester, et à juste titre avec tous les risques que cela pouvait comporter, mais qui tenaient à se montrer totalement solidaires de la mobilisation. Il y a aussi le contexte de la rentrée scolaire, etc. qui clairement ont pu être des facteurs compliquants.

    En dépit de tout ça, être capables de se retrouver à 7.000 dans la rue autour de la revendication du refinancement des soins de santé et de la sécurité sociale, c’est un succès. Je pense que l’ensemble des participants en est convaincu.

    Derrière chaque manifestant se trouvaient de nombreuses autres personnes solidaires mais absentes, c’est certain. Les Autorités, par contre, brillaient par leur absence…

    C’est le constat qu’on a pu tirer : les applaudissements, les déclarations de principe envers les « héros » n’étaient que des belles paroles pour nos les dirigeants politiques. Pour nous, ce n’était pas une surprise, mais ça a permis quand même de clarifier certaines choses auprès d’un plus grand nombre de personnes. Mais donc, oui, en dehors de toutes les difficultés de cette période de crise sanitaire, il y a eu des tentatives de nous mettre des bâtons dans les roues de la part des autorités à Bruxelles pour organiser notre manifestation dans de bonnes conditions.

    On peut en tirer un constat : tout est déconfiné, sauf la liberté d’expression et la mobilisation sociale. Les autorités se cachent derrière des prétextes sanitaires qui peuvent tenir la route sauf que, au final, travailler sans moyens de protection, prendre le risque de se contaminer, ça, on peut faire. Aller à Walibi à 10.000, ça, on peut faire. Retourner dans les stades – et tant mieux, j’aime bien le foot – on peut le faire aussi. La seule chose qui reste inenvisageable aux yeux des autorités politiques sous couvert des mesures du Conseil national de sécurité, c’est la mobilisation sociale.

    Dans ce sens là, la première attitude de la ville de Bruxelles a été de nous interdire notre manifestation « Vous comprendrez bien, vu le contexte sanitaire ». Suite à ça, il y a eu la lettre ouverte signée par 600 soignants – et on a atteint le millier en peu de temps – en disant « C’est très bien monsieur Close, mais nous, après les applaudissements, on veut des actes et, interdiction ou pas, on va manifester ». Suite à ça, on a été recontactés pour essayer de trouver un accord. Accord qui était d’interpréter autrement les recommandations du CNS autour des rassemblements de 400 personnes en extérieur. Il y a donc eu un accord pour des bulles de 400 personnes de manière statique. C’est une absurdité totale d’un point de vue sanitaire. On a défendu le fait que faire un cortège sur les grands boulevards où chacun peut respecter la distanciation sociale, avec port de masque obligatoire, ça va plus dans le respect des mesures sanitaires que de faire des bulles de 400 dans un espace réduit.

    Je l’ai dit plusieurs fois aux autorités, elles ont été incapables de contre-argumenter. Cela a permis de démasquer leur attitude. Le point rigolo, c’est qu’au même moment où le bourgmestre Close (PS) a donné l’ordre à sa police d’attaquer notre rassemblement totalement pacifique, le PS, sur sa page Facebook s’est permis un post de soutien aux « travailleurs de la santé mobilisés ce jour dans les rues de Bruxelles » avec un hashtag « lasanté », je ne pense pas qu’ils ont été jusqu’à « la santé en lutte », mais c’était pas très loin.

    Mais voilà, on a tenu le coup jusqu’au bout. C’était un enjeu de déconfinement des luttes sociales. Cela a permis cette superbe mobilisation qui en termes de convergence des luttes a été très forte. On a trouvé plein de secteurs qui, de fait, sont concernés par la question de la santé comme les camarades sans-papiers, les jeunes, les moins jeunes, le Gang des Vieux en Colère,… Mais ce n’était pas gagné de parvenir à faire descendre dans la rue toutes ces forces ensemble autour des travailleurs de la santé. On espère que cela ouvrira des perspectives de futures convergences dans le cadre de la lutte sociale de manière plus générale.

    La fin du rassemblement a également été marquée par la répression policière.

    Oui. Ça ne sert à rien de tourner autour du pot : on avait un accord avec la police pour ces blocs de 400, ce qu’on a respecté à la lettre. Il s’avère qu’au final, nous avons respecté l’accord et la police ne l’a pas respecté du tout en prétextant des pseudo-incidents en marge de la manifestation. La police s’est permise d’attaquer vers 15h30 le rassemblement qui était en voie de dislocation comme prévu au Mont des Arts et a attaqué des centaines de manifestants complètement pacifiques avec violence et mépris. C’est totalement inadmissible. Je ne sais pas ce que la police cherchait à part essayer d’intimider. Dans notre communiqué, nous avons dit « Après les applaudissements, les coups de matraques ». Cela démontre l’hypocrisie totale de la classe politique par rapport à nos revendications.

    Plus grave quand même, 6 personnes ont fini à l’hôpital. Un commissaire bien connu s’est permis des exactions pour lesquelles nous récoltons des témoignages. Il y a quand même eu 35 arrestations dont 3 judiciaires pour lesquelles nous allons organiser la solidarité parce que ces collègues, ces camarades, ces soutiens n’ont absolument rien fait qui mérite cette situation. On continuera la mobilisation là-dessus. Je mets au défi une quelconque autorité politique ou policière de justifier un tel accès de violence par rapport à une manifestation aussi pacifique que la notre.

    Parlons de la suite. Comme tu le disais, c’est une date qui en appelle d’autres…

    La Santé en Lutte a fonctionné dès le début par assemblées générales, un fonctionnement démocratique avec des discussions approfondies sur nos revendications et le type d’action que nous voulons mener en impliquant au maximum les collègues et les soutiens, puisque ces assemblées sont ouvertes à toutes celles et ceux qui veulent lutter pour les soins de santé.

    Entre deux assemblées générales on fonctionne avec une coordination pour mettre en pratique les décisions votées à l’assemblée générale. Avec le covid, nous n’avons pas pu organiser d’assemblée générale sur ces 6 derniers mois, mais nous avons concrétisé la décision importante de la dernière qui était de faire une manifestation.

    Suite à la manifestation, il y a beaucoup d’idées sur le type d’action à mener à l’avenir et la façon de développer La Santé en Lutte. Avant d’aller plus loin, la priorité est de réorganiser une assemblée générale et d’y discuter du bilan des derniers mois et des perspectives. On organise donc une assemblée générale nationale le 15 octobre prochain à laquelle tout le monde est convié.

    C’est clair pour La Santé en Lutte que le combat ne fait que commencer. Un des mots d’ordre que l’on a mis en avant dès le début et que nous avons de nouveau remis sur la table dans notre communiqué le soir même du 13 septembre est qu’il faut passer à l’étape supérieure et organiser une journée d’action nationale de grève de l’ensemble du secteur – hôpitaux publics et hôpitaux privés, maisons de repos publics et maisons de repos privées – et avec l’ensemble des acteurs des soins de santé dans des plus petites structures de première ligne, etc.

    On appelle les structures syndicales à se mettre autour de la table pour réfléchir à un véritable plan d’action qui permettra de mobiliser la colère de l’ensemble du secteur. Nous sommes convaincus que la volonté est là à la base, ce n’est qu’une question de détermination militante au sein de nos structures syndicales.

    On peut lire dans les médias dominants que des montants ont déjà été obtenus pour la santé dans le cadre de la concertation sociale. Un milliard d’euros auraient été débloqués et certains responsables syndicaux parlent même d’un montant historique. Qu’est-ce que vous en pensez ?

    Oui, les 400 millions du fonds « blouse blanche », c’est une victoire de la mobilisation des travailleurs qui se mobilisent dans le secteur depuis le printemps 2019. C’est une chouette avancée, le fruit de la lutte. Mais cela ne représente que quelques équivalents temps-plein pour les grandes structures hospitalières et objectivement, ce n’est pas cela qui va soulager la charge de travail et qui permettre aux travailleurs de terrains de pouvoir faire leur boulot dans de bonnes conditions, c’est-à-dire en ayant le temps de s’occuper de leurs patients.

    Pour y arriver, il faut un engagement massif de personnel et on est clairement pas dans ce scénario avec ces 400 millions même si ça peut sembler être une belle somme. Pour les 600 autres millions où la ministre de la santé s’est rassise avec les responsables syndicaux, c’est de nouveau le fruit d’une mobilisation de terrain : les actions, les menaces de préavis de grève et l’action « la haie de déshonneur » qui a eu lieu au CHU Saint-Pierre. Le gouvernement a pris peur de la colère qui pouvait exploser dans le secteur. Il y a eu des négociations avec les directions syndicales qui se sont conclues sur un préaccord de financement de 600 millions d’euros. Sur combien d’années ? On en sait rien. On a aucun détail de ce pré-accord. Mais il faut arrêter de crier à la victoire tant qu’il n’est pas signé.

    Deuxièmement, c’est un accord qui porte uniquement sur une revalorisation salariale dans le cadre de l’IFIC (Institut de classification de fonctions). C’est un système implémenté dans le secteur du privé qui, pour certaines fonctions – et souvent les fonctions les plus proches du patient, les plus proches du terrain et les moins bien payés – l’IFIC peut conduire à une perte de salaire et non à une revalorisation salariale. Par contre, pour certains cadres, pour certaines hautes fonctions, l’IFIC prévoit des revalorisations salariales non négligeables.

    Ce qui veut dire qu’il faut creuser un peu quand on met des choses sur la table. Dans ces 600 millions d’euros, reste à voir quelles fonctions seront revalorisées et quelles autres ne seront pas. Je peux déjà affirmer que par rapport à la plupart des barèmes, les préposés à l’entretien subiront une perte de salaire dans le cadre de l’IFIC. Par contre, certains managers derrière leurs tableaux Excel peuvent avoir des augmentations substantielles.

    De toute manière, pour conclure, un milliard d’euros, ça peut paraître beaucoup, mais comparé aux économies des gouvernements Michel et Wilmès, ça ne rattrape même pas les fonds qui nous ont été retirés. Si l’objectif est un vrai refinancement des soins de santé, plus de personnel au chevet des patients et éviter de continuer à épuiser le personnel de terrain, c’est pas un milliard d’euros qu’il nous faut, c’est quelques milliards, et on doit aller les chercher dans les poches des riches.

    • Jeudi 15 octobre, 19h, Assemblée Générale Nationale – Nationale Algemene Vergadering, avenue Fonsny 48, à Saint Gilles (événement Facebook).

  • Vivaldi. Un virage social plus qu’insuffisant et sans garantie : la lutte reste nécessaire !

    Nous nous sommes habitués à l’absence de gouvernement ayant pleine autorité. Alors qu’en 2010-2011, les 541 jours de crise politique avaient suscité leur lot d’agitation, cette fois-ci, les près de 500 jours se sont déroulés dans une certaine résignation. Il semblait préférable de ne pas avoir de véritable gouvernement au lieu d’un autre gouvernement de droite comme celui de Charles Michel, qui s’en est pris à nos pensions, à nos salaires et à nos services publics, et qui avait en raison de cela subi une sanction électorale en 2019.

    Le gouvernement De Croo n’annonce pas de nouvelles mesures d’austérité drastiques, c’est un soulagement. Compte tenu de la crise sanitaire et du rapide effondrement économique, persévérer dans la politique du gouvernement Michel n’était pas une option. Même la N-VA s’en est bien rendu compte, comme l’illustre la note de Magnette et de De Wever, qui comprenait à la fois des ressources supplémentaires pour les soins de santé et l’augmentation de la pension minimum.

    La promesse d’une pension minimum de 1500 euros constitue un pas en avant : les années de lutte des syndicats et de la gauche politique ont porté leurs fruits. Cette promesse est encore incertaine et comporte de fortes limitations, mais il s’agit tout de même d’autre chose qu’une nouvelle attaque contre les travailleurs et les pensionnés. Ce n’est qu’en nous mobilisant et en entrant en action que nous pourrons assurer que cette promesse d’une pension minimale de 1500 euros soit effective et s’applique à toutes et tous !

    Mais, parallèlement, toutes les mesures adoptées par le gouvernement précédent restent de vigueur. Ce gouvernement reporte également beaucoup de choses à plus tard, avec la possibilité d’une reprise de la politique d’austérité. Après des années de mesures d’économies douloureuses, ce qui nous attend est loin de suffire pour répondre aux besoins des travailleurs et de leurs familles.

    Les soins de santé et les pensions

    Il était évident que quelque chose devait être fait pour les soins de santé, et des moyens supplémentaires avaient déjà été annoncés. 1,2 milliard d’euros supplémentaires sont promis pour les soins de santé de même que l’augmentation de la norme de croissance des dépenses, de 1,5 à 2,5%. Maintenant que cela a été annoncé à deux reprises, il est temps de voir cela dans la pratique ! Le personnel du secteur de la santé a exigé plus de moyens lors de la manifestation du 13 septembre dernier. Les moyens dont on parle aujourd’hui sont insuffisants après les années d’économies successives dans le budget de la santé (selon Solidaris, pas moins de 2,1 milliards d’euros ont été économisés rien qu’avec le gouvernement Michel) et alors que la norme de croissance des soins de santé est passée de 4,5% à 3% sous Di Rupo puis à 1,5% sous Michel.

    La suppression des subventions d’équilibre de la sécurité sociale prévue par le gouvernement Michel ne sera pas concrétisée. Il était prévu d’économiser des milliards en matière de sécurité sociale, le lieu, selon De Wever, où des économies substantielles pouvaient encore être réalisées. Mais ça, c’était avant la crise du coronavirus. Après la crise sanitaire de ces derniers mois et la forte augmentation du nombre d’allocations de chômage temporaires, suivie progressivement d’une hausse du chômage à court terme, il est pratiquement impossible de réduire les fonds de la sécurité sociale.

    Le fait que les pensions les plus basses ne soient pas viables n’est pas non plus un fait nouveau. La promesse d’augmenter progressivement les pensions jusqu’à 1500 euros, avec une pension minimum de 1500 euros nets seulement en 2030, doit servir de monnaie d’échange pour maintenir d’application toutes les mesures du gouvernement Michel contre les salaires et les pensions. L’augmentation de la pension minimale est bien entendu une bonne chose, mais celle-ci est très lente et, de plus, il faudra pour y parvenir avoir 45 ans de carrière, ce qui signifie que beaucoup n’y parviendront pas. Raoul Hedebouw, du PTB, observe à juste titre que 90% des femmes n’ont pas derrière elles une carrière de 45 ans et qu’elles n’atteindront que 1.500 euros bruts d’ici 2024. “Je ne comprends pas pourquoi nous n’allons pas jusqu’à 1500 euros nets aujourd’hui”, a déclaré Raoul Hedebouw. Alors qu’au début de cette semaine, on parlait encore d’un budget de 2,3 milliards d’euros pour les pensions, celui-ci est finalement tombé à 700 millions d’euros.

    D’autres revendications syndicales – telles que le retrait de l’augmentation de l’âge de la pension, l’augmentation du salaire minimum ou la fin de la loi sur les salaires qui met ceux-ci au régime – ne sont pas du tout mentionnées dans l’accord de coalition. Les revendications du PS telles qu’une réduction de la TVA sur l’énergie à 6 % ou un impôt sur la fortune ont également disparu.

    Les dirigeants syndicaux vont-ils accepter cela avec l’argument (loin d’être neuf) selon lequel toute autre composition du gouvernement serait encore plus à droite ? Si jamais c’est le cas, ils laisseraient du côté flamand l’opposition largement aux mains du Vlaams Belang et de la N-VA. Les revendications syndicales ne sont pas à prendre à la légère : il nous faut un plan d’action pour assurer de toutes les arracher. Ces exigences ne sont pas un luxe, c’est ce qui est désespérément nécessaire pour les conditions de vie et la qualité de vie des travailleurs et de leurs familles.

    Certaines questions importantes sont mises de côté. Le projet de loi visant à assouplir l’accès à l’avortement – essentiel pour que les femmes puissent effectivement être les maîtres de leur propre ventre – disparaît de la table. La décision de fermer les centrales nucléaires est reportée à l’année prochaine. Il n’est pas question d’un plan public massif de transformation énergétique durable : tout est laissé au secteur privé. Les partis verts présentent comme un trophée l’écologisation obligatoire des voitures de société. Seront-ils bientôt enthousiasmés par le fait que le gouvernement investit davantage dans les voitures de société que dans les transports publics ? Le report de la libéralisation du transport ferroviaire de passagers est proposé comme une mesure verte, mais il ne s’agit malheureusement que d’un report. Ce report sert du reste principalement à mieux préparer la libéralisation : le gouvernement veut mettre en place un projet pilote dans “un bassin de mobilité”, en Flandre et en Wallonie, sur base d’un appel d’offres.

    L’arrivée des partis verts ne signifie pas la régularisation des personnes sans-papiers. La politique d’asile menée sous la direction de Theo Francken reste en place. Seul le style de communication à ce sujet changera de manière significative. La seule avancée en matière d’asile est le respect des droits humains internationaux concernant l’emprisonnement des enfants. Pour les personnes sans-papiers elles-mêmes, l’incertitude et la menace d’une expulsion demeurent.

    L’opposition de gauche

    Les mesures sociales annoncées sont généralement des choses promises ou accordées auparavant. Parallèlement, d’autres mesures nécessaires sont mises au frigo. Enfin, il est immédiatement annoncé qu’au moins 1 milliard d’euros sera économisé dès l’année prochaine. Cela en fait un gouvernement qui ne décide pas vraiment, comme le mensuel “Lutte Socialiste” l’affirme dans son édito du mois d’octobre (écrit avant la formation finale du gouvernement).

    L’opposition de droite de la N-VA et du Vlaams Belang a immédiatement tenté de donner le ton. Ils ont souligné que le gouvernement De Croo n’a pas de majorité flamande. Lorsque la N-VA a formé un gouvernement fédéral encore moins majoritaire du côté francophone, cela ne posait pourtant pas de problème. Le président du VB Van Grieken a affirmé que ce gouvernement s’oppose au choix des électeurs. Il n’a pas fait référence à la punition du gouvernement de droite pour sa politique antisociale, mais aux progrès de son parti. La N-VA et le VB restent tous deux silencieux dans toutes les langues concernant le manque de mesures sociales visant les intérêts de la majorité de la population. Theo Francken a appelé à accrocher un drapeau flamand aux façades, mais il n’a rien trouvé à dire concernant les besoins en soins de santé. L’opposition de droite n’a que faire des intérêts et besoins des travailleurs, seuls comptent leurs propres jeux politiques et les divisions grâce auxquelles ils espèrent plus facilement nous exploiter.

    Le mouvement ouvrier ne doit pas laisser l’opposition à la droite. Comme l’indique l’éditorial de notre mensuel : “Ce n’est qu’en construisant des luttes par en bas que nous pourrons remporter des victoires, comme ce fut le cas lors de la précédente Grande Dépression des années 1930. Que les militants combatifs des syndicats et des mouvements sociaux se préparent aujourd’hui à organiser la résistance et ne se laissent pas distraire par de vagues promesses sociales”.

    Le gouvernement De Croo est obligé de rompre avec la politique d’austérité dure du gouvernement Michel. La déclaration de septembre du gouvernement flamand, en début de semaine, a confirmé que la crise économique et sanitaire oblige à agir ainsi. Ce gouvernement de droite qui comprend trois des quatre partis de la suédoise (la N-VA, le CD&V et l’Open Vld) a dû annoncer un plan d’investissements, insuffisant et principalement axé sur les bénéfices des entreprises, mais qui a entre-temps mis provisoirement un terme à la politique d’austérité antérieure.

    A l’heure où même les partis de droite doivent abandonner leurs politiques d’austérité, les sociaux-démocrates et les Verts n’ont pas fait grand-chose. Les défis auxquels nous faisons face sont toutefois considérables : le ralentissement économique entraîne une hausse du chômage, la crise sanitaire est loin d’être terminée, et puis il y a la crise climatique. Cela arrive après des années de politiques néo-libérales qui ont créé une inégalité sans précédent. Ces défis ne seront pas relevés par un vernis social. En outre, la question demeure de savoir qui paiera finalement la facture de ce vernis : sera-t-elle répercutée sur les travailleurs et les jeunes, ou les ressources seront-elles recherchées là où elles se trouvent ?

    Le mouvement ouvrier n’a pas pesé sur la formation du gouvernement. Il n’y a pas eu de campagne ni de mobilisation autour des revendications syndicales pour lutter contre les énormes inégalités, combattre la montée du chômage avec la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire ou pour chercher des moyens chez les grandes fortunes. Pour les sociaux-démocrates et les Verts, l’impôt sur la fortune est destiné aux programmes électoraux, mais pas aux programmes gouvernementaux. Il ne suffira pas d’attendre les élections pour l’obtenir. Des mesures telles qu’un impôt sur la fortune se heurteraient du reste rapidement au sabotage des grandes entreprises, ce qui souligne l’intérêt de la nationalisation de tout le secteur financier. Pour cela, nous devons nous mobiliser et lutter.

    Lors de la précédente grande dépression des années 1930, c’est sur base des luttes des travailleurs que des concessions et des conquêtes sociales allant bien au-delà de ce qui est maintenant sur la table ont été arrachées. La montée des luttes ouvrières aux États-Unis a forcé Roosevelt, dans son deuxième New Deal, à introduire des éléments de sécurité sociale. En Belgique, la grève des mineurs de 1932 a imposé une augmentation de salaire de 1%, la grève générale de 1936 a imposé les congés payés pour toutes et tous, la semaine des 40 heures et l’introduction d’un salaire minimum national. Le développement de l’agitation sociale de la base vers le sommet a conduit à des concessions de la part du sommet, dans l’espoir de maintenir sous contrôle une nouvelle escalade de protestations ouvrières.

    Une profonde récession peut initialement avoir un effet paralysant sur la classe ouvrière, surtout si la lutte n’est pas, ou à peine, organisée au niveau syndical et politique. La vague de licenciements qui a commencé, avec une augmentation du chômage surtout chez les jeunes, renforce le sentiment d’insécurité. Cependant, le mécontentement s’accumule et s’exprimera inévitablement. Le capitalisme est en faillite sur tous les fronts : il est incapable d’apporter des réponses à la crise sanitaire, à la récession économique ou à la crise écologique. Il est nécessaire de renverser ce système et de construire une société socialiste où les besoins des travailleurs et de leurs familles constitueront l’axe central de la société. Les travailleuses et travailleurs constituent la grande majorité de la population. Ils et elles sont capables de “prendre d’assaut le ciel”. Les tâches qui nous font face sont d’organiser nos forces pour y parvenir et de développer le programme nécessaire à cette fin.

  • D’un gouvernement minoritaire à un gouvernement qui ne résout rien. Seule la lutte permettra d’imposer le changement nécessaire !

    Alors que dans tous les pays voisins, des décisions ont été prises ces dernières semaines concernant un plan de relance pour atténuer l’effondrement de l’économie, en Belgique – près de deux ans après que la N-VA ait mis fin au gouvernement Michel – il n’existe toujours pas de gouvernement fédéral à part entière. Le fait que les négociateurs de la Vivaldi continuent à pédaler dans la choucroute pour savoir qui deviendra Premier ministre illustre bien leur impuissance politique. De plus, une semaine avant la date butoir pour former le gouvernement, se cache une autre réalité : ils n’ont aucune idée de ce qu’il faut faire !

    Edito de l’édition d’octobre de “Lutte Socialiste”, qui sortira demain de l’imprimerie, par Anja Deschoemacker (Cet article a été écrit avant la formation finale du gouvernement).

    Les plans de relance chez nos voisins présentent de nombreuses similitudes. La première et sans doute plus importante est que la plupart des ressources seront consacrées au soutien des entreprises plutôt qu’au pouvoir d’achat et au niveau de vie de la population. Seule l’Allemagne, le pays qui possède les plus grandes réserves, soutient le pouvoir d’achat. Les éléments de la note de négociation de la Vivaldi déjà connus suggèrent que le prochain gouvernement ne fera surtout pas de choix et tentera d’attendre une reprise économique.

    La perspective la plus probable est que le gouvernement Vivaldi se forme, mais aussi qu’il ne fera pas grand-chose pour résoudre les problèmes colossaux qui se sont accumulés: la crise sanitaire (où 1,2 milliard supplémentaire ne fera guère de différence pour les soins de santé après des décennies de démantèlement), la crise économique (avec la perspective d’une vague croissante de restructurations et de faillites et une forte hausse du chômage structurel), la crise climatique (avec les partis verts se contentant de peu), la crise politique (une forte probabilité que la popularité de tous les partis au pouvoir baissera encore plus et, qu’en Flandre, la perspective d’une majorité de droite populiste et d’extrême droite, N-VA et Vlaams Belang grandira).

    Le mécanisme politique belge est en panne. Cela s’illustre, une fois de plus, par l’annonce de nouvelles mesures d’assouplissement des mesures sanitaires alors que nous sommes à nouveau bien au-dessus de 1.000 infections par jour. Le 13 septembre, lors de la manifestation de La Santé en Lutte, le personnel de la santé a été confronté à la répression policière et n’a pas été autorisé à manifester. Mais il a été « autorisé » – à nouveau ! – de payer les conséquences d’une politique qui n’a rien appris des 10.000 morts et n’a rien préparé pour empêcher une nouvelle augmentation du nombre de victimes.

    Le gouvernement Michel était détesté à juste titre. Cela s’est vérifié lors des mobilisations syndicales massives de 2014. Si les dirigeants syndicaux avaient alors tenu bon et exprimé leur volonté d’agir plutôt que leur attachement à leurs “partenaires politiques”, la population active serait aujourd’hui dans une position plus favorable pour faire valoir ses revendications. En faveur d’un travail sûr et faisable. D’une amélioration du niveau de vie. D’une politique sociale avec des services publics et des soins de santé forts. Pour, en bref, faire fonctionner l’économie selon les besoins de la majorité de la population plutôt que pour les intérêts des capitalistes. Au lieu de cela, cette classe capitaliste pourra s’enrichir davantage sur le dos de la majorité de la population.

    Lors de la première vague de la pandémie en Belgique, les dirigeants syndicaux étaient aux abonnés absents. Ce sont souvent de simples militants de base qui, par leur entrée en action, ont imposé des mesures de sécurité pour le personnel sur le lieu de travail et ont mis en avant la nécessite d’orienter l’économie pour contrer le virus dans l’intérêt de la population. Le fait que 1,2 milliard d’euros pour les soins de santé soient mentionnés dans la note de négociation des partis de la Vivaldi est dû au collectif des travailleurs de La Santé en Lutte, qui, en organisant la pression par en bas dans les institutions de santé bruxelloises, a fait comprendre au gouvernement que la paix sociale a effectivement un prix.

    Pour en obtenir davantage, une solide bataille devra être menée. Et, sans pression de la base, les dirigeants syndicaux se limiteront à l’action symbolique, se cachant derrière des mesures sanitaires pour assumer leur responsabilité. Pour que la FEB abandonne sa “marge salariale de 0%” dans les négociations de l’accord interprofessionnel (AIP), il faudra plus que les actions limitées du 28 septembre. Plus que jamais, les militants syndicaux et les travailleurs doivent s’organisent pour faire pression sur leurs directions. Plus que jamais, les jeunes, les femmes, les migrants, les sans-papiers,… devront mobiliser le soutien populaire pour faire comprendre au gouvernement qu’ils n’accepteront pas un retour à la normale d’avant le Covid.

    Ce n’est qu’en construisant des luttes par en bas que nous pourrons remporter des victoires, comme ce fut le cas lors de la précédente Grande Dépression des années 1930. Que les militants combatifs des syndicats et des mouvements sociaux se préparent aujourd’hui à organiser la résistance et ne se laissent pas distraire par de vagues promesses sociales. Laissons les journaux bourgeois se chamailler pour savoir quel parti obtiendra quel portefeuille ministériel. Préparons la lutte contre le patronat et contre tout gouvernement à son service !

  • Ne laissons pas l’opposition à l’establishment à l’extrême droite. Les antifascistes doivent s’organiser !

    Dimanche dernier, la caravane automobile du Vlaams Belang (VB) a impressionné. Le président du VB Tom Van Grieken en a parlé comme de la plus grande manifestation jamais organisée par son parti. Des investissements substantiels avaient été réalisés pour cette action : la semaine l’ayant précédée, Van Grieken et le VB ont dépensé pas moins de 46.000 euros en publicités sur Facebook. Réunir des voitures sur un parking du Heysel, ce n’est bien entendu pas la même chose que manifester à Bruxelles. Pour les antifascistes, cependant, c’est un avertissement d’importance : nous ne pouvons pas laisser l’opposition à l’establishment à l’extrême droite !

    Le Vlaams Belang entendait protester contre la coalition Vivaldi, qu’il qualifie de gouvernement “de gauche” et “anti-flamand”. En fait, il visait également, peut-être même principalement, à toucher la base de la N-VA maintenant que ce parti doit se réorienter en tant que parti d’opposition au niveau fédéral. L’extrême droite a le vent en poupe : dans les sondages, le Vlaams Belang est dorénavant le plus grand parti de Flandre, avec un sérieux transfert de la N-VA vers le VB. En Flandre, les politiciens traditionnels cachent de plus en plus leurs échecs sociaux derrière un racisme à peine déguisé, ce qui rend le racisme immédiatement plus acceptable. La confiance dans l’establishment politique est au plus bas. Les nombreux déficits sociaux et la crise exacerbent les tensions sociales. En conséquence de cela, le terreau sur lequel prospère l’extrême droite s’est développé.

    L’opposition du Vlaams Belang est bien entendu très hypocrite. Ce parti présente la Vivaldi comme étant de “gauche”, alors qu’à l’exception de la N-VA, tous les partenaires de coalition de la suédoise y sont représentés. Dans sa critique de la déclaration de septembre du gouvernement flamand dirigé par Jan Jambon, le Vlaams Belang a déclaré que seules les ressources supplémentaires allouées aux soins de santé étaient positives. Toutefois, il s’agit de la mise en œuvre d’une mesure fédérale au niveau flamand. De plus, ces moyens supplémentaires pour la santé sont le résultat direct de la mobilisation du personnel soignant et de la large solidarité dont il bénéficie, ce qui est particulièrement marqué “à gauche”. Le programme électoral du VB de 2019 ne défendait évidemment pas d’octroyer plus de moyens pour les soins de santé. Tout comme la N-VA, le VB est bien forcé d’adopter une courbe rentrante sur ce point. Chacune de leur tentative de se présenter comme une opposition “sociale” est artificielle et manque sérieusement de crédibilité. Lorsque les travailleuses et les travailleurs ont défendu leurs salaires et leurs pensions à la fin de l’année 2014, le VB s’est positionné contre les syndicats selon son vieux slogan “Werken baat, schaadt schaadt” (‘Le travail produit, la grève nuit)

    Avec environ 10.000 personnes présentes, le Vlaams Belang a réussi à mobiliser au-delà de ses propres militants. On trouvait plus de monde que ce qui serait normalement le cas pour une action du VB. Bien sûr, cette mobilisation est encore relativement limitée : ces dernières années, beaucoup plus de personnes sont descendues dans la rue en faveur du climat, sans parler des actions syndicales. Il est néanmoins dangereux que l’extrême droite puisse mobiliser plus largement. Cela alimentera la soif d’actions à sa base, y compris pour des actions musclées contre toute personne qui pense différemment ou qui semble différente.

    Face à ce danger, nous ne devons pas compter sur les arguments légalistes. Il ne faut pas non plus compter sur les partis traditionnels : c’est leur politique qui a conduit à la croissance des inégalités et aux tensions sociales qui en découlent. La meilleure manière de mettre un terme au racisme et aux autres formes de division est d’entrer collectivement en action autour de nos revendications en faveur des soins de santé, d’emplois décents, de pouvoir d’achat, de services publics,…

    Les dirigeants syndicaux ne doivent pas se laisser piéger par leurs “partenaires” politiques de la Vivaldi. Laisser l’opposition à l’extrême droite ouvrira la voie à une nouvelle croissance de la haine et de la violence.

    La confiance des membres du VB et des forces néo-fascistes à sa marge est renforcée. Cela aura inévitablement des conséquences. Se contenter de regarder n’est pas une option. Les antifascistes doivent s’organiser dès maintenant. Si le mouvement ouvrier n’exprime pas et n’organise pas l’espoir d’un changement dans l’intérêt de la majorité de la population, alors l’extrême droite pourra trouver plus d’audience et même la mobiliser en faveur de son message de désespoir.

  • Covid-19. L’arbitraire et l’échec du système suscitent la méfiance

    Photo: Pixabay

    En temps de pandémie, la meilleure façon de prendre des mesures qui soient comprises et suivies par une large majorité est de convaincre la population. C’est impossible en adoptant des mesures apparemment arbitraires, qui changent régulièrement et qui se limitent à nos loisirs et notre vie sociale. Cela exige une participation et un contrôle démocratiques de la population, à commencer par le lieu de travail, où des structures existent souvent pour organiser cette participation et ce contrôle.

    Les médias dominants (y compris les réseaux ‘‘sociaux’’) pointent trop souvent du doigt des gens qui ne respectent pas tout à fait les règles. Bien sûr, il existe de nombreux exemples de comportements stupides. Mais se limiter à cela permet d’éluder la question centrale : c’est tout le système qui est coupable.

    L’absence de clarté dans la communication des autorités a beaucoup à voir avec la défense des intérêts économiques. La collaboration de dizaines de personnes sur un lieu de travail est autorisée (c’est-à-dire : doit l’être). Dès que le travail est terminé, la règle de la bulle de cinq s’applique à nouveau. Le couvre-feu annoncé à Anvers ne s’applique évidemment pas à ceux qui travaillent la nuit. Il est logique que les gens deviennent plus négligents, ou du moins qu’ils ne soient pas convaincus par les arguments des gouvernements et des autorités locales. Cela ouvre la voie aux théories conspirationnistes les plus diverses qui ont toutes en commun de ne pas remettre en question le système lui-même.

    Il est évident qu’une demi-année de contacts limités a également un effet, surtout dans les quartiers densément peuplés où les maisons sont plus petites et ne disposent pas de jardin. Dans un quartier résidentiel avec de grands jardins, il est plus facile de garder une distance sociale par rapport à un petit appartement de l’un de ces quartiers densément peuplés des grandes villes qui comptent jusqu’à 15.000 habitants au kilomètre carré. Tout le monde est égal face aux mesures Covid-19, mais certains le sont plus que d’autres.

    Tout le monde sait que le Covid-19 n’est pas parti et qu’il reviendra tant qu’il n’y aura pas de vaccin accessible à de larges pans de la population. Cependant, lors du déconfinement de l’économie, seuls les profits ont compté. De plus, les autorités acceptent les restrictions liées au manque de moyen et refusent de partir de ce qui est nécessaire. Comme l’a fait remarquer Emmanuel André : ‘‘S’il y avait eu suffisamment de tests et de masques dès le départ, il n’aurait peut-être pas été nécessaire de procéder au confinement’’. Une stratégie de déconfinement sans tests suffisants et sans recherche sérieuse était une folie. Pourtant, la responsabilité de la nouvelle propagation du virus est attribuée à la population !

    Toute la force avec laquelle pèsent les intérêts économiques a été révélée à l’entreprise Westvlees, à Staden. Lorsque 67 employés de l’entreprise de transformation de viande ont été testés positifs, il a été décidé de tester préventivement tous les autres, dont plus de 20 se sont révélés positifs. Selon le bourgmestre Open VLD, Francesco Vanderjeugd, la fermeture de l’entreprise était ‘‘disproportionnée’’. Disproportionnée ? Et le couvre-feu à Anvers alors ? Quelles sont les mesures prises pour le secteur culturel ? L’argument de la santé est un argument à géométrie variable en fonction du profit.

    L’absence de stratégie sérieuse pour limiter les conséquences du virus démontre toute la défaillance du système. Le capitalisme ne s’intéresse qu’aux profits à court terme, ce qui constitue une menace pour notre santé et notre avenir. Les travailleurs et leurs familles doivent s’organiser pour défendre leurs intérêts et, par la lutte, construire le rapport de forces qui permettra de changer de société.

    Après six mois de tests (loin d’être massifs) et de traçage…

    Le ministre De Backere (Open VLD) a fièrement annoncé que la capacité de test dans notre pays a été portée à 20.000 par jour et qu’elle sera encore augmentée à 70.000. Ce n’est qu’au bout de six mois qu’il a été décidé d’investir 50 millions d’euros dans des équipements supplémentaires pour les laboratoires des universités afin d’augmenter sensiblement la capacité.

    Même avec cette capacité, il faut six mois pour tester l’ensemble de la population. En conséquence, le virologiste Herman Goossens plaide déjà pour une simplification des tests de salive, même si leur fiabilité n’est pas totalement établie, en prévision de la réouverture des écoles et de la saison traditionnelle de la grippe.
    Auparavant, la production de masques attendait les initiatives du secteur privé, ce qui faisait perdre beaucoup de temps. Ce n’est qu’au bout de six mois que le stock stratégique de masques chirurgicaux a été reconstitué, après avoir été détruit en raison de mesures de restrictions budgétaires.

    Le traçage est loin d’être terminé. Il semble que le centre d’appel mis en place rapidement à cette fin soit davantage axé sur les relations publiques d’un gouvernement maladroit que sur le suivi efficace des contacts des personnes infectées. Il n’est pas non plus facile de créer un sentiment de confiance envers un gouvernement discrédité.
    Il y a eu un manque de planification dans tous les domaines et le gouvernement a refusé de prendre des initiatives de son propre chef, comme de réquisitionner des lignes de production pour la fabrication de suffisamment de matériel de protection ou de dépistage. Voilà une belle illustration de l’anarchie capitaliste !

    Pour être un peu ‘‘forts’’, les politiciens ont dû recourir à des mesures autoritaires telles que le couvre-feu à Anvers, l’appel à l’assignation à résidence pour les jeunes d’origine immigrée de Bruxelles imposé par Pieter De Crem, ou encore de solides pressions sur la SNCB pour qu’elle réduise ses trains vers la côte. En bref : c’est toujours la faute de quelqu’un d’autre.

    Les mesures répressives ne sont pas un exemple de ‘‘gouvernance stricte’’, mais une illustration de l’échec systématique des responsables politiques et du système qu’ils servent : le capitalisme et sa soif de profits.

    Les travailleurs font tourner le monde, qu’ils décident des mesures sanitaires !

    Un grand nombre d’infections se produisent sur le lieu de travail. Il y a eu l’exemple de Westvlees. Ce n’est pas un hasard s’il s’agit du secteur de la transformation de la viande, où il existe davantage de sources de contamination au niveau international. Mais il y a eu également de nouvelles infections parmi le personnel et les résidents de certaines maisons de repos. Sept employés du bureau de district de Deurne se sont révélés infectés, ensuite tout le reste du personnel a été testé. Les mesures Covid-19 sont peut-être principalement axées sur nos loisirs, mais le virus s’en moque.

    Sur de nombreux lieux de travail, des mesures ont été adoptées et, dans de nombreux cas, elles ont été imposées par le personnel. Ici et là, des actions collectives ont été nécessaires pour l’assurer.

    Les entreprises mettent en place des comités de crise ou même une véritable Task Force dans le cas des entreprises du port d’Anvers. Ce que la plupart de ces comités avaient en commun, c’est que le personnel n’était pas impliqué. L’objectif était de rendre la production possible et de la remettre le plus rapidement possible sur pied.
    Cependant, ce sont les travailleurs eux-mêmes qui savent le mieux ce qu’il faut faire pour organiser et renforcer la sécurité sur le lieu de travail. Dans la plupart des entreprises, il existe un Comité pour la Prévention et la Protection au Travail (CPPT) avec des représentants du personnel. Si cette crise sanitaire n’est pas liée à la prévention et à la protection au travail, qu’est-ce qui peut bien l’être? Dans les entreprises où il n’existe pas d’organe de ce type, des comités de crise pourraient être mis en place comme tremplin vers des élections sociales obligatoires dans les entreprises de 20 salariés ou plus.

    Si des mesures sont nécessaires contre le Covid-19, cela s’applique aussi au lieu de travail. L’organisation et le contrôle de ces activités ne doivent pas être laissés aux conseils d’administration et aux directeurs qui considèrent tout sous l’angle du profit. Le confinement a clairement montré que ce sont les travailleurs qui font tout fonctionner : le personnel de soins, le personnel des supermarchés, du nettoyage, le personnel des transports publics, les travailleurs du secteur chimique,… Qu’ils prennent également les décisions ! Ou bien alors ne parlait-on de ‘‘héros’’ que pour rire ?

  • Changement de nom au SP.a : d’un parti à une marque électorale

    Avec le changement de nom du SP.a en « Vooruit » (en avant), le président du parti Conner Rousseau franchit les dernières étapes d’un processus à l’œuvre depuis un certain temps : le passage d’un parti à une marque électorale. La référence au socialisme disparaît du nom pour se retrouver en simple sous-titre (de socialistische beweging / le mouvement socialiste), à la manière des slogans de marque. Il ne s’agit de rien d’autre qu’une manœuvre électorale visant à ne pas totalement balancer à la poubelle à la fois la référence historique ainsi que le lien avec la mutuelle et le syndicat. Le terme de « mouvement » n’a rien à voir non plus avec ce que les militantes et militants, les jeunes et les travailleuses et travailleurs entendent par un mouvement combatif et démocratique. Il s’agit d’un terme à consonance progressiste adopté pour définitivement abandonner le concept d’un parti d’affiliés, avec des structures démocratiques et des décisions prises démocratiquement.

    Nous avons demandé leur réaction à deux membres du PSL/LSP qui étaient auparavant membres du SP ainsi qu’au porte-parole du PSL/LSP, Bart Vandersteene :

    « Pour le SP.a, le socialisme n’a longtemps été qu’une référence au passé. En ce sens, ce changement de nom est une conclusion logique. Le SP.a avait déjà depuis longtemps embrassé le libre marché : il s’est retrouvé aux commandes des (contre)réformes de nos retraites, des diminutions du budget de l’enseignement, de la privatisation des services publics,… Bref, il a contribué à démanteler ce que le mouvement ouvrier avait construit. Le « clin d’œil » au passé et à la coopérative ouvrière Vooruit est donc un clin d’œil d’adieu. »

    Jo Coulier (ancien membre du Bureau national des jeunesses socialistes du SP et de diverses structure de la direction du SP à Gand, aujourd’hui militant de la CGSP Enseignement en Flandre, l’ACOD-Onderwijs)

    « Dans ce qui était autrefois un parti ouvriers, les carrières ont depuis longtemps pris le pas sur l’idéologie et encore plus sur la lutte de terrain. Ils ont non seulement chassé leur base en la laissant orpheline, mais ils ont également perdu toute pertinence auprès des jeunes et des travailleurs en quête d’inspiration et d’idées pour s’organiser aujourd’hui et lutter en faveur d’un autre avenir que celui que réserve le capitalisme. Ce parti ne représentera aucun progrès pour la classe ouvrière. »

    Eric Byl (ancien membre du bureau national des jeunesses socialiste du SP et ancien secrétaire politique du SP à Grammont, il travaille actuellement pour Alternative Socialiste Internationale, l’organisation internationale dont le PSL/LSP est la section belge)

    Bart Vandersteene, porte-parole du PSL/LSP, ajoute :

    « Au moment où le capitalisme nous plonge dans une nouvelle crise profonde et où des personnalités telles que Bernie Sanders, Alexandria Occasio Cortez et Kshama Sawant expriment le regain d’intérêt pour le socialisme, Conner Rousseau en éloigne encore plus le parti. Le socialisme vaut bien plus qu’un clin d’œil ou un calcul électoral. Il s’agit du changement de société nécessaire pour lequel nous devons nous battre afin de mettre un terme aux horreurs du capitalisme. L’ambition du PSL/LSP est de donner au socialisme un contenu combatif avec lequel les jeunes et les travailleurs peuvent s’armer pour renverser le capitalisme. »

  • Un retour au train-train du marchandage et de la politique antisociale ? Pas question !

    Contrairement à ce que De Standaard titrait le 13 août, ce n’est pas la FGTB qui a ‘‘mis sous tension la formation d’un gouvernement fédéral’’. Non, ce sont les nombreuses années de politiques d’austérité – dont l’échec a été durement démontré au cours de la crise sanitaire – ainsi que le début de la vague de licenciements et l’insécurité qui en découle. Le retour à la situation antérieure n’est guère soutenu, le marchandage communautaire s’inscrivant dans le cadre de l’effondrement social. Peu importe les efforts déployés par les sociétés de communication politique ! Le sommet de la FGTB a annoncé qu’il ne fallait pas toucher à la sécurité sociale. Mais pourquoi s’arrêter aux mots ? Qu’attendent les dirigeants syndicaux pour lancer une vaste campagne pour établir un rapport de forces capable de faire respecter les revendications du monde du travail?

    Edito de l’édition de septembre de Lutte Socialiste, par Geert Cool

    Retour à la case départ pour le PS et la N-VA

    Depuis les élections de mai 2019, PS et N-VA ont répété qu’une coopération l’un avec l’autre était exclue. La crise sanitaire et le spectaculaire effondrement économique ont changé la donne et créé une ouverture. En mars, le projet d’un gouvernement d’union nationale est resté lettre morte, puis l’idée tyrannique d’un gouvernement minoritaire avec pouvoirs spéciaux est vite tombée à l’eau. Une fois de plus, l’ouverture n’a pas suffi à mettre en place un gouvernement comprenant le PS et la N-VA.

    Plus encore que les libéraux, Bart De Wever (N-VA) se rend compte qu’il est impossible de faire des économies supplémentaires dans les soins de santé dans les circonstances actuelles. La N-VA est prête à relever le niveau de croissance des soins de santé à 2,5 %. Pourtant, avant le déclenchement de la pandémie, le parti défendait que de nouvelles coupes budgétaires ne pouvaient être envisageables qu’au niveau de la sécurité sociale. Préoccupée par la pression du ralentissement économique sur les bénéfices, la N-VA semble disposée à accepter des salaires minimum légèrement plus élevés et une augmentation de la pension minimum. De cette façon, le parti espère relancer la demande et donc l’économie.

    Il existe de nombreux obstacles à la formation d’un gouvernement sur base de cette nouvelle position de la N-VA. La N-VA exige une réforme de l’État dans laquelle des pans entiers de la sécurité sociale et des soins seraient régionalisés. C’est inacceptable pour les syndicats et pour de nombreux soignants qui se rendent compte que la régionalisation des soins aux personnes âgées a accéléré le processus pernicieux de commercialisation. En outre, la question demeure de savoir qui paiera en fin de compte les dépenses supplémentaires. Le comité de monitoring prévoit un déficit budgétaire de 12,3 % du PIB cette année. Au premier semestre 2020, les recettes fiscales ont diminué de 10 milliards d’euros : de 57 à 47 milliards. Qui va payer ? Chercher de l’argent chez les riches est tabou dans les milieux de droite flamands et libéraux.

    À la mi-août, Magnette et De Wever ont jeté l’éponge, après un communiqué de presse commun des partis libéral et vert qui semblait dévoiler qu’une deuxième bulle émergeait à côté de la ‘‘bulle des cinq’’. Il existe bien sûr un nombre limité d’autres options. Le temps presse : en septembre, les pouvoirs spéciaux expirent et les critiques de l’opinion publique sur la durée de la crise politique se font de plus en plus acerbes. Les négociations sur d’autres options, comme une coalition Vivaldi (sociaux-démocrates, libéraux, verts, sociaux chrétiens), laissent également de nombreux problèmes en suspens, notamment concernant d’éventuelles mesures sociales et leur financement.

    Si rien ne réussit, de nouvelles élections seront à l’ordre du jour. Ce serait certainement partir à l’aventure en Flandre avec les partis traditionnels qui déroulent le tapis rouge au Vlaams Belang. Le racisme s’épanouit avec le manque de moyens. A Blankenberge, l’extrême droite n’a pas dénoncé la privatisation de l’espace public et l’absence d’investissements dans les structures de loisirs publics. Non, pointer du doigt les jeunes issus de l’immigration est plus facile et permet d’éloigner l’attention des divisions à sa base concernant les mesures autour du coronavirus. On ne peut pas compter sur les partis traditionnels pour faire face à l’extrême droite. A chaque crise, ils font une surenchère de répression autoritaire et de racisme à peine masqué. Le Vlaams Belang n’a ensuite qu’à donner des centaines de milliers d’euros à Facebook pour s’attirer un énorme flux d’électeurs.

    Non, neen !

    ‘‘Si c’est pour obtenir deux symboles (relèvement des pensions et du salaire minimum), sans savoir comment ils vont être financés, contre une réforme institutionnelle qu’on ne veut pas. Si c’est pour avoir un gouvernement qui n’enclenche pas de profondes réformes à gauche, c’est non.’’ C’est ainsi qu’a réagi le nouveau président de la FGTB Thierry Bodson au sujet de la formation du gouvernement. Peu avant, la FGTB de Charleroi avait pris position contre une nouvelle division de la sécurité sociale.

    Dans le contexte d’une vague de licenciements et de défaillance des soins de santé en raison d’années successives d’économies et de la marchandisation de tout le secteur (des centres de soins résidentiels aux hôpitaux en passant par les produits pharmaceutiques), le mouvement ouvrier doit imposer une alternative. Il existe un large soutien en faveur d’un plan massif d’investissements publics dans les services publics (tous les soins devraient devenir un service public), d’un salaire minimum de 14 euros de l’heure, d’une pension de 1.500 euros par mois minimum, du retrait des attaques sur les droits à la retraite et à la préretraite, de la réduction du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, de la nationalisation des entreprises qui licencient et du renforcement de la sécurité sociale. Aucun marchandage n’est possible autour de ces exigences. Nous ne les imposerons pas non plus en les quémandant gentiment : il faudra un rapport de forces gagné par la lutte.

    En période de récession profonde, il n’est pas exclu que les partis traditionnels fassent des concessions limitées, comme les propositions autour de la pension minimum ou les moyens supplémentaires pour les soins de santé. Les capitalistes n’acceptent cela que pour soutenir l’économie, non pas parce qu’ils se soucient de nos conditions de vie. Dès qu’ils verront une opportunité, ces concessions limitées seront à nouveau menacées. Lors de la précédente grande dépression, dans les années 1930, c’est sur la base des luttes ouvrières que des concessions et des conquêtes sociales importantes ont été imposées. La croissance des luttes ouvrières aux États-Unis a forcé Roosevelt, dans son deuxième New Deal, à introduire des éléments de sécurité sociale. En Belgique, la grève des mineurs de 1932 a imposé une augmentation de salaire de 1%, la grève générale de 1936 a arraché les congés payés pour tous, la semaine de 40 heures et l’introduction d’un salaire minimum fédéral.

    Une profonde récession peut initialement avoir un effet paralysant sur la classe ouvrière, surtout si la lutte n’est pas, ou à peine, organisée au niveau syndical et politique. La vague de licenciements qui a commencé, augmente le chômage, en particulier chez les jeunes. Cependant, le mécontentement s’accumule et s’exprimera inévitablement. Le capitalisme échoue sur tous les fronts : il est incapable d’apporter des réponses à la crise sanitaire, à la récession économique ou à la crise écologique. Il est nécessaire de renverser ce système et de construire une société socialiste dont l’axe central sera constitué des besoins des travailleurs et de leur famille. Ces derniers constituent la grande majorité de la population et sont capables de ‘‘prendre d’assaut le ciel’’. Organisons nos forces pour y parvenir et développons le programme nécessaire à cette fin, voilà les tâches qui nous attendent.

  • Un gouvernement pour nous faire payer la crise ? Pas question !

    ‘‘Ce qui inquiète les gens, c’est leur pouvoir d’achat !’’ C’est ce qu’a affirmé Thierry Bodson, président fédéral (faisant fonction) de la FGTB, en commentant les récentes négociations gouvernementales entre la N-VA et le PS. Il a bien raison !

    Par Els Deschoemacker

    Nous avons vu à peu près toutes les combinaisons possibles et imaginables passer dans les négociations. Violet jaune, violet vert, Arizona, Vivaldi, affaires courantes, pouvoirs spéciaux,… Aucune illusion ! S’ils parviennent à former un nouveau gouvernement, ce sera une variation sur un air connu : la politique qui nous a conduits à l’impasse.

    L’édition de septembre du mensuel du PSL/LSP, Lutte Socialiste, est disponible ! Vous ne l’avez as encore en mains ? Prenez donc un abonnement !

    Les partis traditionnels joignent le geste à la parole en gérant le capitalisme belge, pour le bien-être de la classe dominante. C’est leur politique de casse sociale, de démolition de l’État et de la protection sociale qui a rendu la classe ouvrière si vulnérable, tant aux effets de la crise sanitaire qu’à ceux de la dépression économique.

    Les organisations patronales, de la FEB au VOKA, font naturellement pression : il faut un gouvernement pour surmonter les défis actuels, disent-ils. Nous ne sommes pas stupides. Leurs défis ne sont pas les nôtres. Les préoccupations de la classe des travailleurs ne sont pas celles de la classe dirigeante. La crise du coronavirus l’a encore illustré.

    S’ils sont disposés à investir un peu plus dans les soins (un milliard d’euros, ce qui est bien en-deçà des coupes budgétaires de ces dernières années), c’est uniquement parce que l’économie capitaliste ne peut fonctionner sans une main-d’œuvre en bonne santé. Un niveau minimum de soins de santé est donc indispensable pour que le système continue de fonctionner. Quant à nous, nous ne voulons pas du minimum, nous voulons le maximum !

    Ces fonds supplémentaires sont également sur table parce que ceux qui nous gouvernent savent qu’ils marchent sur des œufs. Le chef de groupe CD&V à la Chambre Servais Verherstraeten l’a exprimé sans détour : “La paix sociale dans ce secteur peut avoir un prix”. Cela vient d’un membre du parti qui fournit invariablement le ministre du bien-être au gouvernement flamand et qui est conjointement responsable de l’austérité sévère qui a frappé le secteur des soins, tant au niveau flamand qu’au niveau fédéral. Un milliard d’euros supplémentaires arrivent au niveau fédéral ; le gouvernement flamand de Jan Jambon a besoin d’un peu plus de conviction, bien qu’il semble y avoir un accord semblable pour offrir les mêmes conditions aux prestataires de soins flamands.

    Ils ne comprennent qu’une seule langue : celle de la lutte et de l’organisation !

    L’avertissement du sommet du syndicat socialiste n’est pas venu trop tôt. La méfiance à l’égard de la N-VA est justifiée. En même temps, un message a été adressé aux négociateurs du SP.a et du PS. Comme l’a fait remarquer Miranda Ulens, secrétaire fédérale de la FGTB et présidente de l’aile flamande de la FGTB : après la casse sociale du gouvernement Michel, nous voulons “renégocier plus de pouvoir d’achat. Les allocations sociales doivent être supérieures au seuil de pauvreté, il nous faut une réduction collective du temps de travail, les statuts précaires doivent être abolis, il faut investir dans les services publics.”

    Les mots sont importants, mais il faut les traduire en actes, en organisant la lutte pour arracher ce dont nous avons besoin.

    Les cartes sont plus en notre faveur qu’auparavant. La société comprend mieux quel rôle essentiel jouent les travailleurs la classe ouvrière dans le fonctionnement de la société, suite à la crise du coronavirus. Ce sont surtout les collègues des secteurs essentiels qui montrent à quel point ils portent la société sur leurs épaules, alors qu’ils sont souvent sous-payés. Alors que les managers et les gros actionnaires sont chez eux, dans leur villa, et qu’ils surveillent leur entreprise en toute sécurité, les travailleurs sont en première ligne.

    Le personnel soignant du groupe d’action La Santé et Lutte a donné l’exemple en avançant la date du 13 septembre dès le mois de mai comme journée d’action pour plus de ressources, plus de personnel collègues et plus de soins. La situation sanitaire limite encore les possibilités de mobilisation, mais l’action et la lutte sont indispensables nécessaires. Pourquoi ne pas utiliser cette Journée d’action du personnel de santé comme point de départ d’un plan d’action par-delà les différentes frontières syndicales et linguistiques avec des dates de mobilisations concrètes ?

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