Chèque consommation de 300 euros – Une mesure d’austérité qui ne dit pas son nom

David Clarinval (MR), ministre fédéral du budget. Photo : wikipedia

Samedi 6 juin, les dix partis qui soutiennent les pouvoirs spéciaux du gouvernement Wilmès se réunissaient pour s’accorder sur une série de mesures visant à réduire l’impact des conséquences économiques liées à la crise du coronavirus. L’une d’entre elles a fait l’objet d’une attention médiatique particulière.

Par Jeremy (Namur)

Elle consiste en l’octroi d’un chèque individuel de 300 € à faire valoir exclusivement dans les commerces locaux. La façon dont cette mesure nous a été vendue peut paraître séduisante : de nombreux travailleurs ont du faire face à des pertes de revenus partielles ou totales liées à la crise et des moyens financiers supplémentaires sont évidemment plus que bienvenus. En outre, les travailleurs indépendants et des PME sont parmi les plus durement touchés par la crise avec un taux de faillite anticipé à 40 % dans le secteur de l’Horeca dans les mois à venir. Le but affiché de cette mesure est donc à la fois de soutenir la consommation des ménages et l’activité des commerces locaux.

Mais quand on y regarde d’un peu plus près, on s’aperçoit que cette disposition est bien loin d’être à la hauteur de la perte de revenu subi d’une part et de réponse à la crise qui arrive d’autre part. En effet, contrairement à ce que l’annonce laisse penser, le gouvernement n’envisage pas d’aller chercher l’argent dans les poches qui se sont enrichies pendant la crise. Il veut seulement donner la possibilité « aux entreprises qui le souhaitent et qui peuvent se le permettre » d’attribuer une prime à leurs employés, qui pourra être défiscalisée à hauteur de 300 €. Aucune disposition n’est prise pour rendre cette mesure contraignante pour l’employeur. Dans ces conditions, il est facile d’en anticiper les effets concrets.

Tout d’abord, la mesure exclut d’emblée les personnes qui ont perdu leur emploi pendant la crise et qui sont pourtant celles qui ont le plus besoin d’une aide financière. D’autre part, avec le ralentissement de l’activité économique, on voit mal quelle petite entreprise en difficulté (Horeca ou autre) choisirait elle-même d’octroyer cette prime qui constitue pour elle une dépense supplémentaire… À moins que cela ne vienne remplacer une partie du salaire de son personnel ! Et nous touchons là au problème principal.

Si, à première vue, l’attribution d’un tel chèque de soutien à la consommation semble revêtir des allures keynésiennes (relance de la consommation par l’État), un coup d’œil du côté de son mode de financement nous informe que nous sommes plutôt face à une mesure d’austérité qui ne dit pas son nom. En renonçant à taxer le capital de façon à pourvoir lui-même aux besoins de la population, le genre de demi-mesure discutée ici est le seul outil qu’il reste au gouvernement pour tenter de piloter une relance de l’économie par la consommation.

Le gouvernement prétend en appeler à la bonne volonté des grands groupes capitalistes en leur demandant gentiment d’accorder une prime à leurs employés sur laquelle il se refuse à exercer le moindre contrôle ou à percevoir la moindre cotisation sociale. Mais on a tout lieu de penser que cette mesure constitue bien plutôt un nouveau crédit d’impôt accordé au patronat qui ne manquera pas d’instrumentaliser les difficultés liées à la crise pour diminuer d’autant le salaire des travailleurs, ou les primes qu’il s’était de toute façon engagé à payer.
Que l’on soit clair, nous sommes favorables à toute mesure d’aide en faveur des travailleurs les plus durement touchés par la crise. Mais il est inacceptable de faire porter le coût d’une telle mesure à l’ensemble de la population en réduisant encore un peu le montant des cotisations patronales.

Au mois d’avril dernier, le PSL a publié un programme d’urgence coronavirus. Ce dernier contient, entre autres, la revendication d’une aide financière pour les travailleurs indépendants en difficulté sur base des besoins avérés. La gestion catastrophique de la crise par le gouvernement soutenu par les partis traditionnels a démontré la nécessité d’une économie démocratiquement planifiée comprenant la nationalisation des secteurs clés de l’économie (agroalimentaire, pharmaceutique, énergie…). Dans ces secteurs, comme dans les autres, ce sont les travailleurs, et pas les patrons, qui sont les plus à même de prendre les décisions dans l’intérêt de la collectivité et c’est donc à eux que revient le droit et la responsabilité de décider démocratiquement ce qui est produit et comment.

Author

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop