Un retour au train-train du marchandage et de la politique antisociale ? Pas question !

Contrairement à ce que De Standaard titrait le 13 août, ce n’est pas la FGTB qui a ‘‘mis sous tension la formation d’un gouvernement fédéral’’. Non, ce sont les nombreuses années de politiques d’austérité – dont l’échec a été durement démontré au cours de la crise sanitaire – ainsi que le début de la vague de licenciements et l’insécurité qui en découle. Le retour à la situation antérieure n’est guère soutenu, le marchandage communautaire s’inscrivant dans le cadre de l’effondrement social. Peu importe les efforts déployés par les sociétés de communication politique ! Le sommet de la FGTB a annoncé qu’il ne fallait pas toucher à la sécurité sociale. Mais pourquoi s’arrêter aux mots ? Qu’attendent les dirigeants syndicaux pour lancer une vaste campagne pour établir un rapport de forces capable de faire respecter les revendications du monde du travail?

Edito de l’édition de septembre de Lutte Socialiste, par Geert Cool

Retour à la case départ pour le PS et la N-VA

Depuis les élections de mai 2019, PS et N-VA ont répété qu’une coopération l’un avec l’autre était exclue. La crise sanitaire et le spectaculaire effondrement économique ont changé la donne et créé une ouverture. En mars, le projet d’un gouvernement d’union nationale est resté lettre morte, puis l’idée tyrannique d’un gouvernement minoritaire avec pouvoirs spéciaux est vite tombée à l’eau. Une fois de plus, l’ouverture n’a pas suffi à mettre en place un gouvernement comprenant le PS et la N-VA.

Plus encore que les libéraux, Bart De Wever (N-VA) se rend compte qu’il est impossible de faire des économies supplémentaires dans les soins de santé dans les circonstances actuelles. La N-VA est prête à relever le niveau de croissance des soins de santé à 2,5 %. Pourtant, avant le déclenchement de la pandémie, le parti défendait que de nouvelles coupes budgétaires ne pouvaient être envisageables qu’au niveau de la sécurité sociale. Préoccupée par la pression du ralentissement économique sur les bénéfices, la N-VA semble disposée à accepter des salaires minimum légèrement plus élevés et une augmentation de la pension minimum. De cette façon, le parti espère relancer la demande et donc l’économie.

Il existe de nombreux obstacles à la formation d’un gouvernement sur base de cette nouvelle position de la N-VA. La N-VA exige une réforme de l’État dans laquelle des pans entiers de la sécurité sociale et des soins seraient régionalisés. C’est inacceptable pour les syndicats et pour de nombreux soignants qui se rendent compte que la régionalisation des soins aux personnes âgées a accéléré le processus pernicieux de commercialisation. En outre, la question demeure de savoir qui paiera en fin de compte les dépenses supplémentaires. Le comité de monitoring prévoit un déficit budgétaire de 12,3 % du PIB cette année. Au premier semestre 2020, les recettes fiscales ont diminué de 10 milliards d’euros : de 57 à 47 milliards. Qui va payer ? Chercher de l’argent chez les riches est tabou dans les milieux de droite flamands et libéraux.

À la mi-août, Magnette et De Wever ont jeté l’éponge, après un communiqué de presse commun des partis libéral et vert qui semblait dévoiler qu’une deuxième bulle émergeait à côté de la ‘‘bulle des cinq’’. Il existe bien sûr un nombre limité d’autres options. Le temps presse : en septembre, les pouvoirs spéciaux expirent et les critiques de l’opinion publique sur la durée de la crise politique se font de plus en plus acerbes. Les négociations sur d’autres options, comme une coalition Vivaldi (sociaux-démocrates, libéraux, verts, sociaux chrétiens), laissent également de nombreux problèmes en suspens, notamment concernant d’éventuelles mesures sociales et leur financement.

Si rien ne réussit, de nouvelles élections seront à l’ordre du jour. Ce serait certainement partir à l’aventure en Flandre avec les partis traditionnels qui déroulent le tapis rouge au Vlaams Belang. Le racisme s’épanouit avec le manque de moyens. A Blankenberge, l’extrême droite n’a pas dénoncé la privatisation de l’espace public et l’absence d’investissements dans les structures de loisirs publics. Non, pointer du doigt les jeunes issus de l’immigration est plus facile et permet d’éloigner l’attention des divisions à sa base concernant les mesures autour du coronavirus. On ne peut pas compter sur les partis traditionnels pour faire face à l’extrême droite. A chaque crise, ils font une surenchère de répression autoritaire et de racisme à peine masqué. Le Vlaams Belang n’a ensuite qu’à donner des centaines de milliers d’euros à Facebook pour s’attirer un énorme flux d’électeurs.

Non, neen !

‘‘Si c’est pour obtenir deux symboles (relèvement des pensions et du salaire minimum), sans savoir comment ils vont être financés, contre une réforme institutionnelle qu’on ne veut pas. Si c’est pour avoir un gouvernement qui n’enclenche pas de profondes réformes à gauche, c’est non.’’ C’est ainsi qu’a réagi le nouveau président de la FGTB Thierry Bodson au sujet de la formation du gouvernement. Peu avant, la FGTB de Charleroi avait pris position contre une nouvelle division de la sécurité sociale.

Dans le contexte d’une vague de licenciements et de défaillance des soins de santé en raison d’années successives d’économies et de la marchandisation de tout le secteur (des centres de soins résidentiels aux hôpitaux en passant par les produits pharmaceutiques), le mouvement ouvrier doit imposer une alternative. Il existe un large soutien en faveur d’un plan massif d’investissements publics dans les services publics (tous les soins devraient devenir un service public), d’un salaire minimum de 14 euros de l’heure, d’une pension de 1.500 euros par mois minimum, du retrait des attaques sur les droits à la retraite et à la préretraite, de la réduction du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, de la nationalisation des entreprises qui licencient et du renforcement de la sécurité sociale. Aucun marchandage n’est possible autour de ces exigences. Nous ne les imposerons pas non plus en les quémandant gentiment : il faudra un rapport de forces gagné par la lutte.

En période de récession profonde, il n’est pas exclu que les partis traditionnels fassent des concessions limitées, comme les propositions autour de la pension minimum ou les moyens supplémentaires pour les soins de santé. Les capitalistes n’acceptent cela que pour soutenir l’économie, non pas parce qu’ils se soucient de nos conditions de vie. Dès qu’ils verront une opportunité, ces concessions limitées seront à nouveau menacées. Lors de la précédente grande dépression, dans les années 1930, c’est sur la base des luttes ouvrières que des concessions et des conquêtes sociales importantes ont été imposées. La croissance des luttes ouvrières aux États-Unis a forcé Roosevelt, dans son deuxième New Deal, à introduire des éléments de sécurité sociale. En Belgique, la grève des mineurs de 1932 a imposé une augmentation de salaire de 1%, la grève générale de 1936 a arraché les congés payés pour tous, la semaine de 40 heures et l’introduction d’un salaire minimum fédéral.

Une profonde récession peut initialement avoir un effet paralysant sur la classe ouvrière, surtout si la lutte n’est pas, ou à peine, organisée au niveau syndical et politique. La vague de licenciements qui a commencé, augmente le chômage, en particulier chez les jeunes. Cependant, le mécontentement s’accumule et s’exprimera inévitablement. Le capitalisme échoue sur tous les fronts : il est incapable d’apporter des réponses à la crise sanitaire, à la récession économique ou à la crise écologique. Il est nécessaire de renverser ce système et de construire une société socialiste dont l’axe central sera constitué des besoins des travailleurs et de leur famille. Ces derniers constituent la grande majorité de la population et sont capables de ‘‘prendre d’assaut le ciel’’. Organisons nos forces pour y parvenir et développons le programme nécessaire à cette fin, voilà les tâches qui nous attendent.

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