Category: Ecologie

  • Le capitalisme vert est-il une illusion ?

    La fraude colossale de Volkswagen, deuxième constructeur automobile mondial, résume l’approche du système capitaliste en matière d’environnement. VW a arrangé des tests d’émissions de véhicules dans le monde entier pour augmenter ses bénéfices à court terme. Et l’Union européenne n’a rien fait – sous la pression des gouvernements qui soutiennent leurs propres industries automobiles. Peu importe que des milliers de personnes meurent de maladies directement liées à cette pollution, ou que la production massive de gaz à effet de serre menace la vie sur terre. PETE DICKENSON examine cet échec systémique.

    Cela fait plus d’un quart de siècle que les classes dirigeantes du monde ont entamé des discussions sérieuses sur le réchauffement climatique, en préparation du ‘‘Sommet de la Terre’’ de Rio, parrainé par l’ONU en 1992. Pourtant, aucune mesure significative n’a été prise pour s’attaquer au problème, même si la majorité de l’establishment capitaliste a fini par comprendre qu’il fallait faire quelque chose. Le sommet de Paris semble très loin de rompre avec cette tendance. Comment expliquer ce manque d’action ?

    Deux exemples en particulier mettent en lumière les problèmes sous-jacents qui empêchent tout accord. Premièrement, l’échec du système d’échange de quotas d’émission qui était censé être le mécanisme permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. Deuxièmement, le sort des subventions de l’État pour les énergies renouvelables telles que l’énergie solaire et éolienne.

    Dès le départ, l’échange de droits d’émission a été considéré comme un moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le respect du marché. Après des années de débats, un accord a été conclu en 1997 à Kyoto, au Japon, pour introduire un système d’échange de permis de carbone qui comprend des limites juridiquement contraignantes sur les émissions de dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre important. Chaque pays avait son propre niveau d’émissions autorisé dans le traité. A l’intérieur des pays, les entreprises avaient leur propre objectif qui ne pouvait être dépassé que si un permis de polluer était acheté. Le coût du permis devait être fixé à un niveau suffisamment élevé pour dissuader les sociétés de dépasser leur quota.
    Dès le départ, les pressions exercées par les pays à émissions relativement élevées ont contraint les rédacteurs du traité à introduire toute une série de lacunes. Les objectifs fixés étaient donc très modestes, seulement quelques points de pourcentage de réduction des émissions, tout à fait insuffisants pour résoudre le problème. En outre, des accords de « compensation » ont été autorisés, dans le cadre desquels les entreprises pouvaient parrainer des projets verts dans les pays pauvres en échange d’exemptions de permis. Cette option a donné lieu à toute une série d’escroqueries scandaleuses.

    Plus grave encore était la capacité des gouvernements de délivrer autant de permis qu’ils le souhaitaient. On a estimé que le prix d’un permis devrait être d’au moins 35 $ la tonne de carbone pour avoir un effet dissuasif sur les entreprises. Dans la pratique, le prix des permis n’a pratiquement jamais atteint ce nombre et, en fin de compte, après la crise économique de 2007/08, les permis sont devenus pratiquement sans valeur puisque les gouvernements ont délivré autant de permis que les entreprises le leur demandaient.

    L’échec du traité de Kyoto est un exemple très significatif de l’incapacité du capitalisme à faire face au danger du réchauffement climatique, mais ce n’est probablement pas surprenant, même pour les capitalistes. L’objectif était d’encourager les États-Unis, le plus grand pollueur du monde à l’époque, à y participer – en rendant le système de permis aussi indolore que possible au départ. Le coup mortel porté à Kyoto a été le refus du gouvernement américain d’y participer, mettant les intérêts du capitalisme américain au premier plan.

    Même si le traité de Kyoto avait été mis en œuvre avec succès, il est encore douteux qu’il aurait eu l’impact nécessaire. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une taxe sur le carbone au sens traditionnel du terme, dans une économie monopolisée, le système d’échange de permis aurait eu pour effet que les entreprises auraient répercuté les coûts des permis sur les consommateurs. Ce permis aurait alors rencontré le même problème qu’une écotaxe : dans quelle mesure et à quelle vitesse une hausse des prix de l’énergie aurait entraîné un comportement plus écologique des consommateurs ?

    La plupart des consommateurs n’ont pas la possibilité de choisir un fournisseur d’énergie verte et sont prisonniers des technologies polluantes actuelles. Même si le prix d’un permis augmentait de manière très significative, entraînant une forte hausse des prix de l’énergie, il y aurait peu de réduction des gaz à effet de serre, certainement pas par rapport à l’ampleur de la réduction et au calendrier nécessaire, qui est une baisse de 40% des émissions en 2020. Bien que plus sensible aux prix que le secteur de l’énergie, la même logique s’applique aux transports publics. Une hausse du prix du carburant n’entraînerait pas un passage rapide à un système énergétiquement efficace, car il faudrait trop de temps pour restructurer les transports publics sur des lignes vertes.

    Pour les marxistes, une question très importante dans ce contexte est celle de la répartition équitable. Une taxe sur le carbone, qui est ce que le système d’échange de permis aurait représenté, est régressive puisque les pauvres dépensent un pourcentage plus élevé de leurs revenus dans l’énergie. Si le prix d’un permis devait être suffisamment élevé pour avoir une chance d’avoir un impact sur l’environnement, cela aggraverait la répartition déjà inégale.
    De plus, si l’on envisageait un prix de permis aussi élevé, cela aurait des répercussions sur les profits des grandes entreprises et entraînerait une énorme opposition de la part des multinationales.

    L’essor des énergies renouvelables et leur chute

    On aurait pu s’attendre à davantage de subventions pour les technologies renouvelables introduites à plus grande échelle au cours de la première décennie du siècle, car elles représentaient une forme plus directe d’intervention de l’État. En fait, les subventions ont eu un effet faible mais significatif, les énergies renouvelables représentant 8,5 % du marché mondial de la production d’énergie d’ici 2013 (Programme des Nations Unies pour l’environnement [PNUE] Tendances mondiales des investissements énergétiques, 2014). Par ailleurs, 43 % des nouvelles capacités de production en 2013 étaient renouvelables, ce qui est encourageant, et ce qui a conduit certains commentateurs écologistes à dire que le monde (capitaliste) s’était enfin réveillé au problème du réchauffement climatique.

    Pour voir si cela est vrai, il est nécessaire d’analyser les données sur l’investissement par pays et d’examiner les tendances des dépenses et ce qui les motive. Les résultats doivent ensuite être comparés au niveau global d’investissement nécessaire pour maintenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 2°C (par rapport aux niveaux préindustriels), un point au-dessus duquel il pourrait y avoir des augmentations de température incontrôlables, selon les scientifiques climatiques. Enfin, et c’est le plus important, il faut tenir compte du délai nécessaire pour atteindre ce résultat.

    L’échelle mondiale, les investissements dans les énergies renouvelables ont atteint un sommet de 257 milliards de dollars en 2011, mais ont chuté de 23 % depuis. L’austérité en Europe en est une cause majeure, avec des dépenses en baisse de 56 % en Allemagne et de 75 % en Italie (Bloomberg New Energy Finance, 2014). Les perspectives environnementales sont en fait bien pires que ce que la baisse de 23 % laisserait présager en raison de facteurs particuliers sur le marché japonais de l’énergie, à la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011. Le rapport du PNUE a également montré que les coûts unitaires des cellules photovoltaïques avaient baissé et que, par conséquent, leur déploiement avait augmenté, contribuant de manière significative au chiffre apparemment impressionnant de 43 % de toutes les nouvelles capacités de production d’énergie renouvelable. Mais en examinant le tableau plus en détail, on constate que ce résultat est en grande partie accidentel et qu’il est très peu probable qu’il se reproduise.

    L’augmentation de la capacité de production d’énergie solaire est liée à plusieurs problèmes. Les aides et subventions publiques, qu’elles soient relativement ouvertes, comme en Europe, ou cachées, comme en Chine, ont joué un rôle très important dans l’adoption de telles cellules. L’effondrement qui a suivi la crise économique de 2007/08, suivi de l’austérité, a également entraîné une baisse des prix des cellules photovoltaïques en raison de la baisse de la demande d’énergie. La surcapacité de l’industrie solaire massive en Chine a renforcé cette tendance. Dans le même temps, le prix du pétrole est resté à un niveau historiquement élevé, soutenu par l’instabilité géopolitique et la politique du cartel de l’OPEP. Ces facteurs ont rendu l’énergie solaire temporairement plus attrayante.

    Or, ces conditions favorables se sont transformées en leur contraire. Le prix du pétrole est passé d’un sommet de 140 dollars le baril à 50 dollars, en raison du ralentissement économique en Chine, et les subventions se sont réduites en Europe en raison de l’austérité. En Grande-Bretagne, le nouveau gouvernement conservateur de droite poursuit une politique d’austérité de la terre brûlée – littéralement, dans le cas de l’environnement. Pratiquement tous les petits progrès réalisés en droit de l’environnement au cours des 25 dernières années doivent être abrogés. Les subventions aux parcs éoliens terrestres ont été annulées et l’aide à l’énergie solaire a été amputée. Toutes les subventions environnementales restantes, bien que minuscules, font l’objet d’un ‘‘réexamen’’ – c’est à dire qu’elles seront supprimées. Bien que le coût des subventions soit minime, la priorité pour le gouvernement est de marteler les pauvres et l’environnement pour que des allégements fiscaux puissent être accordés aux grandes entreprises, contribuant ainsi à soutenir leurs profits.

    Il n’y a aucun signe d’une reprise économique mondiale significative qui pourrait commencer à recréer les conditions propices aux énergies renouvelables. L’austérité est prise en compte pendant de nombreuses années encore par les gouvernements européens et il n’y a actuellement aucun signe que les dirigeants chinois vont changer de cap et relancer les dépenses.
    Même si les conditions de marché favorables aux énergies renouvelables devaient réapparaître, cela ne modifierait pas les perspectives négatives pour l’environnement. Le rapport Stern, commandé en 2006 par le dernier gouvernement travailliste, mais jamais mis en œuvre, a déclaré que des investissements dans les énergies renouvelables représentant 1% de la production économique mondiale totale pendant 40 ans étaient nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique. Même en 2011, année de pointe, les investissements n’ont jamais atteint ce niveau. Il est inconcevable que des conditions de marché suffisamment favorables puissent persister, sans interruption pendant 40 ans, pour faire de l’exigence de Stern une réalité.

    Les États nations dans un monde globalisé

    Le point clé qui ressort de l’histoire des subventions aux énergies renouvelables et de l’échange de permis est l’échec total des deux tentatives les plus sérieuses des gouvernements pour enrayer le réchauffement climatique. Derrière cela se cache leur incapacité à parvenir à un accord international et leur refus total de prendre des mesures qui pourraient nuire, directement ou indirectement, aux profits des multinationales qu’ils représentent. Pourtant historiquement, cela n’a pas toujours été le cas -que les politiciens bourgeois refusent de prendre des mesures pour freiner les excès polluants de leurs capitalistes. En outre, comme le rapport Stern l’a clairement démontré, les coûts à long terme de l’inaction sur le réchauffement climatique dépassent de loin les coûts de l’atténuation. Alors, qu’est-ce qui retient les représentants actuels des classes dirigeantes ?

    Par exemple, pourquoi nos dirigeants actuels ne peuvent-ils pas copier leurs prédécesseurs du XIXe siècle qui ont pris des mesures, y compris des sanctions pénales, contre les entreprises qui polluaient l’environnement ? Répondre à cette question explique en grande partie l’impasse actuelle. Il y a un siècle et demi, il était beaucoup plus facile pour la classe capitaliste de s’attaquer à la pollution environnementale parce que le problème était largement limité à l’intérieur des frontières nationales. De plus, les affrontements commerciaux entre les pays et les profits en jeu sont beaucoup plus importants aujourd’hui qu’à l’époque où la Grande-Bretagne était la puissance mondiale dominante et ne se sentait pas aussi menacée par ses rivaux étrangers. Depuis le début du XXe siècle, le capitalisme est devenu un système mondial défini d’abord par une forte augmentation des échanges de biens, puis par l’exportation massive de capitaux. Par la suite, en raison des pressions protectionnistes, l’exportation de la production a été suivie par l’implantation d’entreprises multinationales partout dans le monde.
    Malgré cette mondialisation du capital, l’État-nation est devenu important, en tant que défenseur, par la force si nécessaire, des entreprises qui relevaient de sa juridiction. Avec l’intensification de la concurrence pour les bénéfices entre les entreprises, l’importance de l’État s’est encore accrue. La contradiction entre les besoins des capitalistes individuels de faire tomber les barrières nationales dans la recherche du profit et leur dépendance à l’égard de leur propre Etat pour défendre leurs intérêts existe toujours aujourd’hui.

    Les 147 entreprises qui contrôlent 40% de la richesse mondiale et dominent l’économie mondiale – d’après une étude de l’Ecole polytechnique fédérale suisse d’octobre 2011 – résistent à tout ce qui limite leurs profits, même dans une faible mesure, et dépendent de leur pays d’origine pour les aider. Ce faisant, ils ont montré à maintes reprises qu’ils se concentrent uniquement sur les avantages à court terme. Dans l’aveuglement engendré par une concurrence intense, ils ne tiennent pas compte des problèmes à long terme qui menacent même leur propre existence, comme la dégradation de l’environnement.

    Coopération capitaliste dans la guerre froide

    Les apologistes du système capitaliste objecteront que cette analyse de l’impérialisme ignore le potentiel de coopération qui existe et exagère les antagonismes entre les grandes puissances. Ils admettront peut-être que, oui, des ‘‘erreurs’’ ont été commises avant 1945, mais les leçons de cette catastrophe de la Seconde Guerre mondiale ont été tirées et que l’après-guerre a été marquée par des exemples significatifs de coopération entre les puissances impérialistes, tels que la création des Nations unies, de l’Union européenne et de l’Organisation mondiale du commerce. Ils pourraient également citer l’exemple du Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (1987) comme exemple d’un accord international visant à contrôler une menace environnementale dangereuse. S’attendre à un accord sur le réchauffement de la planète n’est donc pas sans espoir, pourrait-on dire.

    En laissant la discussion sur Montréal à plus tard, il est vrai que la redistribution continuelle du marché mondial par la force des armes impliquant les grandes puissances, prédite par Lénine, un des dirigeants de la révolution russe de 1917, semble avoir été remplacée par une nouvelle réalité historique après 1945. L’équilibre des relations internationales a été profondément modifié après la guerre entre les vainqueurs, les États-Unis et l’Union soviétique non-capitaliste. Les classes capitalistes nationales ont alors dû coopérer, les dents serrées, afin de présenter un front uni dans la guerre froide contre l’URSS, dont le système social non capitaliste représentait une réelle menace pour les principales puissances impérialistes même si ce système n’était qu’une sanglante caricature de socialisme.

    La création d’un front uni a été favorisée par deux facteurs. Le premier était la domination des États-Unis sur les autres grandes nations capitalistes, de sorte qu’ils pouvaient, dans une certaine mesure, dicter l’agenda politique. La seconde est la reprise économique d’après-guerre qui a contribué à masquer les conflits d’intérêts sous-jacents entre les diverses puissances capitalistes. Les États européens étaient également prêts à concéder un certain degré de leur souveraineté à l’Union européenne, pour tenter de contester l’hégémonie économique des États-Unis.

    Aujourd’hui, les facteurs particuliers qui ont obligé les capitalistes à coopérer, quoique dans une certaine mesure, disparaissent rapidement. Les grands tournants ont été l’effondrement de l’Union soviétique en 1991 et la grande récession de 2008, qui a marqué la fin décisive de ‘‘l’âge d’or’’ économique de 1950-75. Le conflit entre les principales puissances économiques domine de plus en plus l’actualité, même si nous n’en sommes pas encore à l’étape de la guerre. Les institutions multilatérales créées après 1945 s’effondrent ou sont moribondes. L’UE est confrontée à un processus de désintégration et l’OMC a été abandonnée, pour être remplacée par des accords bilatéraux tels que le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP). L’ONU est totalement impuissante à imposer la paix et l’ordre. L’échec des tentatives de lutte contre le changement climatique est un signe avant-coureur de l’abandon de la coopération d’après-guerre. Bien que les coûts de l’action soient relativement faibles, les tensions croissantes entre les principales puissances ont empêché de parvenir à tout accord.

    L’accord mondial sur l’ozone

    La question du Protocole de Montréal reste donc un exemple de coopération internationale en matière d’environnement. Dans les années 1980, il est devenu évident que les produits chimiques, appelés CFC (chlorofluorocarbures), libérés par les bombes aérosols, causaient la dégradation de la couche d’ozone dans l’atmosphère. Ceci causait une augmentation considérable de l’incidence des cancers de la peau. Il y a eu une entente à Montréal, sous les auspices de l’ONU, qui a permis de réduire considérablement les niveaux de CFC de 77 % entre 1988 et 1994. Ce succès pourrait-il être répété pour le réchauffement climatique ?

    Il existe des différences cruciales entre les deux questions. Premièrement, l’échelle est complètement différente, parce que le coût de l’élimination d’un seul produit chimique du processus de production, lorsque des produits de substitution étaient facilement disponibles, est insignifiant par rapport au remplacement de la capacité de production d’électricité de la planète entière. Deuxièmement, le coût de l’élimination des CFC a touché tous les pays industrialisés sur une base à peu près égale, si l’on considère le PIB par habitant. Il est toutefois significatif que les États-Unis aient tardé à ratifier l’accord de Montréal des années durant. Le pays n’a accepté de le faire que lorsqu’une société chimique américaine, DuPont Inc, a effectué une percée technique lui permettant de dominer le marché des substituts des CFC.

    Comparez le coût de la réparation de la couche d’ozone au réchauffement planétaire. Dans ce dernier cas, les États-Unis sont l’un des plus grands coupables, représentant environ 20 % des émissions, avec seulement 5 % de la population mondiale. Sa part par habitant est quatre fois supérieure à la moyenne mondiale et près du double des émissions de l’UE par habitant. Par conséquent, si le pollueur est amené à payer proportionnellement, comme l’insistent ses rivaux, alors les États-Unis seront les principaux perdants en cas d’action sur le réchauffement climatique, contrairement à la couche d’ozone. Cela a rendu impossible la conclusion d’un accord international, une situation rendue plus difficile par l’émergence de la Chine en tant que principal émetteur de gaz à effet de serre.

    La Chine a toujours insisté sur le fait qu’elle n’était pas historiquement responsable du réchauffement climatique et qu’elle ne paierait pas pour cela. Le refus du régime chinois de participer au suivi de Kyoto a donné au Congrès américain une excuse pour faire de même et a tué l’idée. Par conséquent, ce qui est à l’ordre du jour à la COP21 de Paris, ce ne sont que des propositions de réductions volontaires des émissions avec des délais de mise en œuvre également sur base volontaire et non-contraignants.

    À la recherche d’une solution technologique

    Les responsables du sommet de Paris tenteront d’occulter l’importance de ce forum de discussion, avec des déclarations de percées, mais rien ne cachera la faillite des classes dirigeantes du monde sur cette question. Reconnaissant cela, certains d’entre eux s’en remettent maintenant à un argument de dernier recours désespéré : que le ‘‘génie’’ du capitalisme pour l’innovation réussisse à tirer un lapin technologique hors du chapeau pour résoudre le problème.

    Les économistes orthodoxes de droite considèrent que l’innovation, stimulée par la concurrence du marché, a pour effet d’élever le niveau général de productivité de sorte que la consommation d’énergie diminue pour un niveau donné de consommation. Il est vrai que, jusqu’à la crise de 2008, la productivité augmentait d’environ 2 % par an dans les pays industrialisés, entraînant une baisse de la quantité de ressources naturelles nécessaires pour un niveau de consommation donné. Toutefois, rien n’indique que cela ait entraîné une baisse de la pollution. En outre, depuis la crise de 2008, la productivité au Royaume-Uni a chuté et ne semble pas encore vouloir retrouver son niveau antérieur.

    Même si nous acceptons, à titre d’argument, que cette théorie des néolibéraux de l’ultra libre marché était vraie, il faudrait plusieurs décennies pour avoir un impact suffisant pour réduire la pollution au niveau nécessaire, alors qu’il serait trop tard pour prévenir une catastrophe environnementale totale. Pour que la théorie de l’économie de marché fonctionne et que les réductions d’émissions soient fixées pour atteindre les objectifs nécessaires en matière de réchauffement de la planète, il faudrait des gains de productivité induits par l’innovation pour permettre une réduction rapide et massive de la consommation des ressources naturelles, tout en favorisant la croissance économique. Il n’y a aucune chance que cela se produise sous le capitalisme.

    Devant la faillite des idées du libre marché, certaines sections de la bourgeoisie envisagent maintenant des approches plus interventionnistes dans l’économie de l’environnement. Ces idées sont parfois liées à des théories dites win-win, dont l’élément central est que les entreprises ne sont pas conscientes des possibilités que les nouvelles technologies peuvent offrir tant pour s’attaquer aux problèmes environnementaux que pour réaliser des bénéfices. C’est le travail des gouvernements, selon la théorie, d’encourager les institutions et d’introduire des règlements, contenant des éléments de carotte et de bâton, pour encourager les patrons à cueillir ce ‘‘fruit à portée de main’’.
    Le problème de cette approche est qu’elle se heurtera en fin de compte à la logique du capitalisme. La bourgeoisie cherche le Saint-Graal d’une innovation qui fournira une énergie renouvelable moins chère que le pétrole et le charbon, mais le système de marché a été incapable de produire les percées technologiques nécessaires.
    Plus de demi-mesures

    Les gouvernements et les entreprises hésitent à investir en raison des coûts élevés et des répercussions sur les bénéfices. Si, en 1995, le gouvernement américain avait consacré les mêmes ressources et la même urgence à la fusion nucléaire, qui est une source potentielle d’énergie renouvelable surabondante, plutôt qu’au projet Manhattan d’une bombe nucléaire pendant la Seconde Guerre mondiale, il y a une chance raisonnable qu’il aurait déjà réussi. Le projet de bombe a absorbé 10 % de la consommation d’énergie totale des États-Unis. Cet engagement a été pris parce que toutes les puissances belligérantes luttaient pour leur survie. Il est inconcevable qu’un effort équivalent soit fait aujourd’hui parce que les capitalistes ne considèrent pas que la lutte contre le réchauffement climatique ait la même urgence, loin de là.

    En dernière analyse, l’attrait d’un profit rapide demeure la raison d’investissement dans les nouvelles technologies, que ce soit par les entreprises ou par les gouvernements agissant en leur nom. Dans le contexte de l’intense rivalité actuelle entre les puissances impérialistes, tout investissement doit être rentabilisé à court terme, ce qui exclut de prendre au sérieux des projets comme la fusion nucléaire. Lorsqu’ils étaient dans l’opposition, Tony Blair et Gordon Brown étaient partisans d’une approche interventionniste, mais ils l’ont rapidement abandonnée lorsqu’ils ont constaté qu’elle allait à contre-courant du système de profit, même dans une faible mesure. Jeremy Corbyn et John McDonnell prennent sans aucun doute l’interventionnisme plus au sérieux, et toute mesure proposée qui a vraiment un impact sur le réchauffement climatique, comme les subventions, serait bien sûr la bienvenue. Plus le niveau d’intervention est élevé, plus les chances de réussite sont grandes.

    Mais la logique du capitalisme impérialiste est inéluctable, en particulier lorsqu’il s’agit d’aborder une question comme le changement climatique, où le temps des demi-mesures est depuis longtemps dépassé. Il sera impossible pour un futur gouvernement de gauche de prendre les mesures urgentes nécessaires tout en restant dans le cadre d’un système économique antagoniste et prédateur. C’est pourquoi la lutte contre le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement doit aller de pair avec la lutte pour le socialisme. La transformation de la base sociale et économique de la société est la seule voie à suivre, sur une base internationale, puisque le réchauffement climatique ne respecte pas les frontières nationales.

  • Un monde en mutation : l’Anthropocène

    Les êtres humains ont radicalement modifié la Terre, adaptant la nature à leur lutte pour survivre et s’épanouir. Le rythme du changement s’est rapidement accéléré avec le développement de l’agriculture et des sociétés de classe. La révolution industrielle et les percées scientifiques et technologiques de l’après-guerre ont atteint une vitesse vertigineuse. Certains disent à présent que nous sommes entrés dans une époque géologique particulière – une nouvelle ère humaine, l’Anthropocène. JESS SPEAR, membre du Socialist Party (CIO-Irlande).

    Les êtres humains, qui sont arrivés sur la scène il y a environ un million d’années et qui ont bâti la société industrielle moderne telle que nous la connaissons il y a à peine 50 ans, représentent un moment extrêmement bref parmi les 4,5 milliards d’années de l’histoire de la Terre. Pourtant, à chaque étape du développement de l’humanité, nous avons modifié la nature et donc modifié notre propre évolution, ouvrant la voie à des changements biologiques et sociaux. De la simple agriculture à la découverte et à la production de combustibles fossiles, en passant par le déclenchement de bombes atomiques, notre interaction avec la nature est passée du local au mondial. L’humanité a, sans aucun doute, laissé sa marque sur la planète.

    Nous pouvons découvrir à quoi ressemblait la Terre, la forme et la position des continents qui se sont séparés et recombinés tous les 300-500 millions d’années, quelles créatures parcouraient ses mers et ses terres, et quelles plantes recouvraient la surface, en déchiffrant les empreintes chimiques ou physiques de ce qui reste. Et ce que nous avons appris, c’est que la planète n’est jamais statique. La planète – telle que nous la connaissons, le système terrestre composé de roche, d’eau et d’atmosphère dans des cycles d’échange d’énergie constamment interconnectés – a toujours connu des bouleversements, des extinctions massives et le changement climatique. L’histoire de la Terre est pleine de changements radicaux.

    Néanmoins, les scientifiques d’aujourd’hui sonnent l’alarme sur le degré de changement dont nous sommes témoins par rapport à ce qui existait avant la société humaine. Les climatologues soulignent le changement rapide des gaz à effet de serre, les biologistes parlent de l’extinction d’un nombre croissant d’espèces, les océanographes de l’acidité croissante de l’océan et les spécialistes des sols de l’épuisement des nutriments et de la dégradation des terres agricoles. L’activité productive de l’humanité étouffe la planète. Le taux d’augmentation du dioxyde de carbone (CO2) est plus important aujourd’hui que tout ce qui a pu être observé dans l’histoire de la Terre depuis au moins 800.000 ans.

    Le changement climatique et la dépression économique, la double crise du capitalisme, ont produit une révolte mondiale croissante et une recherche d’idées et de stratégies pour mettre fin à notre misère et protéger les générations futures. Les mouvements de masse contre l’austérité démontrent que les travailleurs refusent d’accepter un système qui exige des réductions drastiques du niveau de vie pour satisfaire les 1%. Pour la grande majorité des gens qui se rebellent contre l’élite dirigeante, il n’est pas encore clair avec quoi et comment remplacer ce système pourri. Avec la possibilité d’atténuer les conséquences du changement climatique et de prévenir d’autres perturbations qui se rapprochent chaque année, il est de plus en plus important de gagner la classe ouvrière à une alternative socialiste. Seul le socialisme scientifique peut armer la classe ouvrière d’un programme et d’une stratégie pour s’unir et lutter pour mettre fin à la tyrannie de la classe capitaliste. Transférer le pouvoir aux 99% permettra de mettre rapidement en œuvre un plan de développement durable de la société.

    Plus de chaleur, plus de problèmes

    Nous vivons des vies relativement brèves. Avec seulement un peu moins d’un siècle comme point de référence, notre perspective sur les changements planétaires est d’autant plus étroite. Il faut ajouter à cela que la Terre est plutôt grande, de sorte que nous ne remarquons pas les effets cumulés de la déforestation, du recul des glaciers et des amoncellements massifs de déchets dans les gyres océaniques du Pacifique et de l’Atlantique. L’augmentation de la température de la Terre de près d’un degré Celsius n’a pratiquement aucune signification pour des communautés qui connaissent quotidiennement de plus grandes fluctuations.

    Que nous ayons déterré et brûlé tant de carbone, modifiant chimiquement l’air que nous respirons, qu’il y ait maintenant 400 molécules de CO2 pour chaque million de molécules d’air – un niveau qui n’avait peut-être pas été observé au cours des 25 derniers millions d’années – est généralement imperceptible. Pourtant, malgré notre incapacité à percevoir la transformation radicale de notre atmosphère et le niveau général d’inconscience que la plupart des pays développés ont lorsqu’il s’agit de destruction environnementale et de pollution, nous atteignons néanmoins des seuils critiques.

    Les conséquences de la production de combustibles fossiles sont connues depuis longtemps. Dès 1896, Svante Arrhenius publiait un article détaillant comment le CO2 absorbe la lumière réfléchie par la surface de la Terre, l’empêchant de s’échapper du système terrestre (c’est-à-dire l’effet de serre). À la fin des années 1950, Charles Keeling a commencé à mesurer la concentration de CO2 dans l’atmosphère. En l’espace de quelques années, il a fait la découverte surprenante que non seulement il y avait des fluctuations saisonnières du CO2 liées aux plantes qui l’absorbent, puis le rejettent dans l’atmosphère par décomposition, mais que la concentration globale augmentait rapidement chaque année. La courbe de Keeling – qui ne cesse de croître à mesure que les données s’ajoutent à un enregistrement continu de 1958 à aujourd’hui – est considérée comme la première preuve que l’activité industrielle a transformé la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre.

    Pourtant, c’est l’appauvrissement dramatique et rapide des couches de glace de la Terre qui fait figure de canari dans la mine de charbon. La nouvelle de l’an dernier (2014) selon laquelle la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental s’est déstabilisée et devrait se désintégrer au cours des siècles à venir aurait dû susciter une réaction immédiate de la part des dirigeants mondiaux. La calotte glaciaire contient assez d’eau pour élever le niveau de la mer d’environ 3,3 mètres ! Il n’y a aucun moyen d’empêcher sa disparition. Il faut nous adapter à la montée des mers. A cela s’ajoute le fait qu’une partie de la calotte glaciaire du Groenland, qui contient l’équivalent d’un demi-mètre d’élévation du niveau mondial de la mer, fond également rapidement. La glace de mer de l’Arctique a également été considérablement réduite, et les scientifiques s’attendent à ce que l’Arctique soit libre de glace dès l’été 2020.

    Les glaciers et les calottes glaciaires de la Terre agissent comme un climatiseur global, gardant la planète plus fraîche qu’elle ne le serait autrement en réfléchissant la lumière du soleil. La perte de la glace terrestre ne fera pas qu’élever le niveau de la mer, déplaçant de ce fait plus d’un milliard de personnes qui vivent sur les côtes les plus basses. Cela perturbera encore davantage le climat, en agissant comme une rétroaction positive qui renforcera le réchauffement de la planète. À mesure que la glace fond, la Terre absorbe plus de chaleur, ce qui entraîne plus de fonte des glaces, et ainsi de suite.

    Pour la plupart des gens, les changements climatiques sont liés à des étés plus chauds et à des phénomènes météorologiques extrêmes. Nous ne parlons pas ici seulement de notre avenir – qui va sans aucun doute devenir plus chaud, avec des phénomènes climatiques plus intenses – mais de notre situation actuelle. 2015 (ndT : année de rédaction de cet article) devrait être l’année la plus chaude jamais enregistrée. Nous avons maintenant atteint la marque d’un degré (au-dessus des niveaux préindustriels) pour l’augmentation moyenne de la température mondiale (en hausse de 0,85 degré). Cette chaleur supplémentaire a produit des vagues de chaleur, des inondations soudaines et des événements météorologiques mortels qui nous obligent à reconnaître que les perturbations climatiques ne sont pas seulement un sujet de débat et de discussion pour les générations futures. Le changement climatique est notre présent.

    En 2003, on estimait à 70.000 le nombre de personnes décédées des suites de la canicule qui a frappé l’Europe. Depuis les années 1960, les phénomènes météorologiques extrêmes ont plus que triplé, tuant environ 60.000 personnes par an, la plupart originaires de pays sous-développés. L’Organisation Mondiale de la Santé estime qu’en l’absence d’efforts pour atténuer le réchauffement climatique, on peut s’attendre à ce qu’un quart de million de personnes supplémentaires soient tuées par les effets du changement climatique entre 2030 et 2050.
    Malgré ce à quoi nous pouvons déjà nous attendre, il est important de garder à l’esprit que l’ampleur même du problème du changement climatique mondial actuel provient d’une légère augmentation de la température mondiale. Juste un degré Celsius. Imaginez l’impact qu’aura une autre augmentation d’un degré pour nous, l’environnement qui nous soutient et le système terrestre lui-même !

    Bienvenue à l’Anthropocène

    L’altération de notre planète par rapport à l’activité humaine, du sommet de l’atmosphère jusqu’au fond de l’océan, est si importante qu’un nombre croissant de scientifiques qui étudient l’histoire et le système terrestre se demandent si nous sommes entrés dans une nouvelle époque géologique, l’Anthropocène (anthropo – humain, cène – nouveau), ou peut-être y sommes-nous depuis des siècles et ne le savions simplement pas.

    Proposer une nouvelle époque géologique, ce n’est pas simplement ajouter une date et un nom à l’échelle de temps géologique, qui s’étend sur 4,5 milliards d’années, de la formation du système solaire à nos jours. En fait, l’échelle de temps géologique elle-même n’est pas simplement une liste de dates et de noms. C’est aussi un outil – une mesure couramment utilisée par les scientifiques pour comprendre comment les changements survenus sur notre planète depuis sa naissance jusqu’à maintenant se sont produits.

    Les éons, les ères et les époques qui la composent se distinguent par des changements rapides sur toute la planète. L’acceptation de l’anthropocène comme nouvelle époque est donc une question de savoir si l’impact de l’humanité est brusque, perceptible globalement et indéniablement différent de l’époque précédente, l’Holocène (et avant cela, le Pléistocène). En d’autres termes, l’activité humaine a-t-elle fondamentalement perturbé le système terrestre de telle sorte qu’on peut le voir dans les roches, l’eau et l’atmosphère, et que même les futurs scientifiques pourront le voir ?

    Les partisans de l’ajout de la nouvelle époque à l’échelle de temps géologique ne s’entendent pas sur la date exacte du début de l’Anthropocène. Les trois dates actuellement débattues – il y a 8 000 ans, la révolution industrielle et 1945 – représentent des jalons sur le chemin de la civilisation lorsque l’humanité a découvert et appliqué de nouvelles façons de modifier la nature pour satisfaire nos besoins fondamentaux. Certains affirment qu’elle a commencé il y a environ 8 000 ans, lorsque les humains ont commencé à défricher les forêts et à faire de la riziculture, ce qui a modifié la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre.

    D’autres soutiennent que l’anthropocène a réellement commencé au début de la révolution industrielle lorsque l’utilisation généralisée des combustibles fossiles a commencé à perturber le système terrestre, ce qui a entraîné les effets dont nous sommes témoins aujourd’hui et dont nous ferons l’expérience dans l’avenir. Les essais à grande échelle de la bombe atomique, à commencer par le test de la Trinité en 1945, sont la dernière date proposée. Elle est soutenue non pas parce que les essais de bombes atomiques ont eux-mêmes perturbé le système terrestre – sans oublier que les scientifiques ont mis en garde contre les dangers d’un ‘‘hiver atomique’’ induit par la guerre nucléaire – mais parce que les bombes atomiques laissent une empreinte globale facilement visible et mesurable, et les essais de bombes atomiques marquent la montée du capitalisme américain dans sa période sans précédent d’expansion.

    Toutefois, à la différence des précédentes modifications de l’échelle de temps géologique, ces propositions ont des implications politiques et sociales. Que les scientifiques suggèrent une nouvelle époque marquée par des altérations causées par l’homme a été perçue à juste titre par de nombreux écologistes comme preuve concrète que nous sommes en train de modifier radicalement la planète.
    La réaction de la gauche a été un mélange de confusion et d’amalgames entre le débat scientifique et la réponse politique à livrer. Certains anticapitalistes mettent la faute sur le nom de l’époque. Ils affirment que le fait de se concentrer sur les humains, et donc d’insinuer que tous les humains sont responsables, cache la véritable racine des changements rapides qui se produisent : à savoir, le capitalisme. Pour d’autres, en particulier les écologistes ‘‘vert foncé’’ (ndT : les écologistes ‘‘profonds’’), c’est la preuve que l’humanité est largement sociopathe – comment osons-nous nommer une époque d’après les humains ! – et que c’est vraiment la civilisation toute entière qui pose problème.

    Ces arguments découlent soit d’un malentendu, soit d’un manque de compréhension de la façon dont l’humanité et la société humaine se sont développées au cours du dernier million d’années. Une analyse matérialiste historique de l’histoire et de la préhistoire humaines est en fait la clé pour ouvrir la porte à notre avenir durable.

    Le changement est constant

    ‘‘L’histoire peut être vue de deux côtés : elle peut être divisée en histoire de la nature et en histoire de l’Homme. Les deux parties ne doivent cependant pas être considérées comme des entités indépendantes. Depuis que l’homme existe, la nature et l’homme s’influencent mutuellement’’, écrivent Karl Marx et Friedrich Engels dans ‘‘L’Idéologie Allemande’’  (1846). Beaucoup de membres du mouvement environnemental, cependant, croient que nous ne pouvons pas interagir dans la nature sans causer de dommages parce que nous, les humains, sommes séparés de la nature. Cet argument est repris dans un livre écrit par le leader environnemental et fondateur de 350.org, Bill McKibben, ‘‘La Fin de la Nature’’  (1989).

    Tout comme ‘‘Printemps Silencieux’’ de Rachel Carson (1962), le livre de McKibben est considéré comme l’un des premiers à avertir l’humanité des dangers du réchauffement planétaire. McKibben n’y met pas seulement en garde contre la pollution par le carbone, il affirme avec passion que l’humanité a détruit la nature, que ‘‘nous avons mis fin à ce qui, du moins dans les temps modernes, a défini pour nous la nature – sa séparation de la société humaine’’. Nous avons modifié la chimie de l’atmosphère, affirme-t-il, de sorte qu’il n’y a pas d’endroit sur Terre où l’on puisse voyager sans être touché par l’humanité.

    Pourtant, notre ‘‘séparation de la nature’’ est un phénomène récent, un produit du capitalisme, qui combine le travail salarié et la production sociale pour le profit privé, séparant les humains de la Terre sur laquelle ils travaillent pour se nourrir. Pendant la plus grande partie de l’existence humaine, nous avons été intimement liés à la Terre, nous avons appris et accumulé des connaissances sur ses changements saisonniers et nous en avons fait l’expérience dans le cadre de notre existence, même si nous n’avons pas compris ses forces motrices. Comme l’explique Marx, ‘‘l’homme vit de la nature, c’est-à-dire que la nature est son corps, et il doit maintenir un dialogue continu avec elle s’il ne veut pas mourir’’. Ainsi, la conception que nous sommes soi-disant séparés de la nature est également récente, et est liée au développement du capitalisme.

    L’idée que c’est la société industrielle moderne qui pose problème, et que l’on devrait retourner à la production directe de la Terre, est à la fois trop simpliste et ahistorique. Elle extrait la civilisation de l’histoire de l’humanité et mesure son impact en se basant sur la situation présumée meilleure qui existait avant la civilisation – pour la Terre peut-être, mais clairement pas pour les humains car nous mourrions alors de toutes sortes de problèmes de santé qui peuvent maintenant être traités et évités.

    De plus, cette idée ignore que les humains prémodernes ont aussi grandement modifié la Terre. Depuis que nous avons inventé les bateaux (il y a plus de 10.000 ans) et que les gens ont traversé les mers, d’abord à la recherche de nourriture, puis pour la conquête impérialiste et/ou en quête de liberté religieuse, nous avons transporté sans le savoir (mais aussi souvent en connaissance de cause) des espèces d’un bout à l’autre de la Terre, modifiant radicalement les écosystèmes, faisant prospérer certaines espèces dans de nouveaux environnements et d’autres disparaissant. Les partisans de la date la plus précoce comme début de l’Anthropocène soutiendraient que l’avènement de l’agriculture à la fin de la dernière période glaciaire a même modifié la chimie de l’atmosphère, preuve que les humains changeaient radicalement la planète dès 8.000 ans en arrière.

    De plus, nous ne sommes même pas la première espèce à transformer l’atmosphère. Pour donner un exemple extrême, il y a environ 2,7 milliards d’années, des cyanobactéries (également appelées algues bleu-vert) sont apparues, devenant les premiers organismes à photosynthétiser et à produire de l’oxygène comme sous-produit. Avant qu’ils n’évoluent et ne commencent à pomper de l’oxygène, il n’y avait pratiquement pas d’oxygène dans l’atmosphère. Sans cyanobactéries, nous n’existerions pas.

    L’interaction avec la nature sans l’altérer est impossible. Les organismes vivants doivent échanger du matériel avec la Terre pour vivre, influençant ainsi leur environnement, leur évolution et celle des autres. Comme l’écrivent Richard Levins et Richard Lewontin dans ‘‘Le Biologiste Dialectique’’  (1985), ‘‘l’environnement et l’organisme se déterminent mutuellement’’. Mais si toutes les espèces ont un impact sur la nature d’une manière ou d’une autre, sommes-nous, avec notre population croissante et notre activité industrielle extensive, relégués au rôle de destructeurs perpétuels de la nature ?

    Avec ou sans la planète ?

    Notre capacité à comprendre l’impact que nous avons sur la planète, que cela aura des conséquences négatives pour nous à court et à long terme, et les décisions que nous prenons pour changer le cours de l’histoire, est ce qui nous distingue des cyanobactéries et autres organismes. Le travail n’est pas seulement une source de richesse. C’est aussi ce qui a créé l’humanité, la pensée consciente, la planification consciente et l’accumulation de connaissances.

    L’avènement des outils, et avec lui le co-développement de l’esprit, l’activité sociale de la chasse et la création du langage, nous ont mis sur la voie de la production de surplus alimentaires, base même de la société de classe, de la civilisation et de la compréhension scientifique. Bref, toute l’histoire de l’humanité peut se résumer à l’organisation du travail et de la technique, et aux changements simultanés dans la culture, la société et notre environnement.

    Lorsque le capitalisme a remplacé le féodalisme, il a commencé le long processus d’éloignement d’une partie toujours plus grande de la population des fermes vers les usines et les villes, et a changé nos idées sur la nature par rapport à nous-mêmes. Nous ne nous considérions plus comme faisant partie de la nature, mais comme des êtres séparés. Pour les capitalistes, la nature est devenue une source de richesse libre qui, moulée par le travail humain, a produit d’énormes profits pour eux. Pour la nouvelle classe ouvrière, aliénée de la nature, le déchirement de la Terre pour les matières premières, le déversement de toxines dans les rivières et le ciel de suie au-dessus des centres urbains, représentaient une attaque contre la nature, une dégradation d’espaces autrefois beaux. A chaque moment alors que l’humanité passait de la révolution agricole à la révolution industrielle, nos idées sur nous-mêmes par rapport à la nature ont changé.

    Vers un avenir socialiste

    ‘‘Nous ne voulons pas seulement une amélioration de la société actuelle, mais l’établissement d’une nouvelle société’’  (Engels, cité par John Green dans ‘‘Une Vie Révolutionnaire’’, 2008). Le capitalisme a maintenant dépassé son utilité pour l’humanité. Il détruit l’environnement, perturbe notre climat et relègue un milliard de personnes à la mort lente pour causes de faim et de malnutrition. Personne ne pourrait prétendre qu’un système fondé sur le profit résoudra un problème dont il dépend pour exister. Le capitalisme ne peut pas offrir les moyens de rétablir l’équilibre écologique parce qu’il n’accorde aucune valeur à la nature. Pourtant, pour jeter toute la civilisation moderne, encouragée par l’immense richesse, la technologie, et les ressources développées par le capitalisme, à la poubelle, comme certains le suggèrent, parce qu’elle a aussi produit la destruction de l’environnement, c’est ignorer le potentiel, également créé par ce système, de créer un avenir durable.

    Lorsque le capitalisme a triomphé du féodalisme, il a libéré la science des limites de la religion qui cherchait à étouffer les découvertes qui remettaient en question son pouvoir. Le développement de la technique capitaliste, de la production socialisée, de la division du travail et de la machinerie exigeait des avancées majeures dans la science. Et bien que l’investissement dans la recherche scientifique soit principalement axé sur les moyens de maximiser davantage les profits, la classe dirigeante d’aujourd’hui ne peut pas non plus retenir les découvertes qui finissent par saper son autorité. Qu’il s’agisse de plastique fabriqué à partir de pelures de banane ou de routes solaires, la science appliquée aux problèmes environnementaux et sociaux érode l’autorité de ceux qui défendent que les combustibles fossiles sont nécessaires.

    Le capitalisme a aussi développé la force qui a le pouvoir de libérer toute l’humanité : la classe ouvrière. Comme le capitalisme a forcé les gens à quitter leurs terres et à travailler principalement dans les villes, il a créé la force qui a l’intérêt commun et le potentiel de la renverser et de créer une société qui bénéficie à la majorité. Tout autour de nous, nous voyons la classe ouvrière se lever et exiger des changements parce que, non seulement le capitalisme freine la transition vers les énergies renouvelables, mais il refuse aussi d’investir dans la société.

    La recherche de profits pousse toutes les grandes sociétés et les petites entreprises à se faire concurrence pour obtenir une part du marché, à faire baisser les salaires, à réduire les avantages sociaux et à menacer de ruiner l’économie en réduisant les impôts. Le capitalisme n’est plus capable de cultiver suffisamment de réserves pour offrir à la classe ouvrière une part des bénéfices. L’élite dirigeante mondiale n’a aucune idée de la manière de faire pour restaurer la croissance économique et en même temps assurer le paiement de leurs énormes dettes.

    Les mouvements anti-austérité, de l’Irlande à l’Espagne en passant par la classe ouvrière héroïque en Grèce, ont refusé d’accepter leur sort. Les protestations contre les accords commerciaux – le Partenariat transpacifique et le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement – révèlent que les travailleurs comprennent que les entreprises cherchent à cimenter leur domination dans le droit international, ignorant les besoins des gens et de la planète.

    Surmonter un système qui repose sur l’exploitation de nous tous, qui nous sépare de la nature et qui nous conduit vers un avenir totalement insoutenable, commence avant tout par le rejet de ses idées. Si nous limitons ce qu’est l’humanité, ignorons ce qu’elle était et, surtout, ne comprenons pas comment elle est passée de l’une à l’autre, alors nous rejetons effectivement l’idée que nous avons évolué et, surtout, que nous sommes toujours en train d’évoluer.

    L’état de la planète au cours de l’Anthropocène, que nous acceptions la date de début au plus tôt ou au plus tard, est celui du changement constant. Notre évolution de chasseurs-cueilleurs à la société industrielle moderne a impliqué une interaction constante avec notre environnement. Il nous a façonnés. Nous l’avons façonnée. Grâce à ce processus, nous avons développé des idées sur ce que nous sommes, ce qu’est notre environnement et nos relations les uns avec les autres. L’humanité, avec toutes les connaissances et l’expérience accumulées par les générations passées, a également développé au cours de cette période la capacité d’aller finalement au-delà de la simple survie pour vivre réellement.

    Les vastes ressources, la technologie, la richesse et l’ingéniosité humaine pourraient être exploitées et dirigées vers l’élimination des afflictions inutiles, l’élévation du niveau de vie dans le monde et la réalisation d’un équilibre écologique. Si nous saisissons ce fait et l’utilisons pour informer nos actions, alors nous pouvons prendre le contrôle des changements qui se produisent aujourd’hui et qui se produiront à l’avenir. Cette vision a le potentiel d’unir la classe ouvrière dans sa tâche historique de renverser le capitalisme. Nous sommes devant un précipice duquel nous pouvons choisir de sauter, en espérant que le capitalisme trouvera un moyen de tirer profit de la construction d’un filet de sécurité, ou nous pouvons nous approprier les outils, la technologie et les ressources pour construire un pont vers un avenir socialiste.

  • Y’en a assez de cette société ! Réponse socialiste pour un urgent changement de système

    On n’oubliera pas de sitôt ces dizaines de milliers de jeunes grévistes pour le climat qui, des mois durant, ont notamment crié ‘‘system change, not climate change!’’ (‘‘changeons le système, pas le climat !’’) avec une colère mêlée d’espoir et d’angoisse. Nous sommes de plus en plus à en être convaincus: il n’y a plus de temps à perdre ! Le changement climatique est déjà là et nous n’avons qu’une petite fenêtre d’opportunité face à nous pour éviter la catastrophe totale. Alors il est urgent de comprendre ce que représente ce système, ce sur quoi il repose et comment il est possible de le renverser au plus vite.

    Dossier, par Nicolas Croes

    Le système capitaliste nous pousse à l’abîme

    Les rapports scientifiques et commentaires d’experts se suivent et se ressemble. S’ils divergent sur l’étendue de la gravité de la situation, ils s’accordent sur un point : les dix années à venir seront cruciales. En juin, l’ancien ministre français de l’environnement (2001-2002) Yves Cochet déclarait ‘‘L’humanité n’existera plus en tant qu’espèce en 2050’’. Au même moment, les scientifiques australiens du Breakthrough National Centre for Climate Restoration publiaient un rapport qui défend que ‘‘La planète et l’humanité auront atteint un point de non-retour à la moitié du siècle (…) sans une action radicale immédiate, nos perspectives sont faibles’’.

    En août 2018, une étude de la revue Proceedings of the National Academy of Sciences indiquait encore que la Terre se trouvait proche de son ‘‘point de rupture’’, avec une température pouvant se stabiliser à 4 ou 5 degrés Celsius supplémentaires par rapport à celles de l’ère préindustrielle. À l’ouverture de la COP24, en décembre 2018, David Attenborough (la voix des documentaires Planet Earth de la BBC) déclarait : “Si nous ne faisons rien, il faut s’attendre à l’effondrement de nos civilisations et à la disparition de la nature dans sa quasi-totalité.”

    Certains nuancent. Mais même une augmentation de 3 degrés – c’est-à-dire la perspective faisant l’objet du plus large accord si la tendance actuelle se confirme – signifierait une destruction des écosystèmes de l’Arctique et de l’Amazonie. Les sécheresses que cela impliquerait soumettraient la moitié de la population mondiale à vingt jours par an de ‘‘chaleur létale’’, c’est-à-dire à des vagues de chaleur mortelles similaires à celles qui ont causé des dizaines de morts en juin dernier au Nord de l’Inde. Il est impératif de réduire drastiquement les émissions pour garder le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle et ainsi se prémunir des conséquences les plus dramatiques.

    Et s’il n’y avait que les émissions de gaz à effet de serre ! À rythme inchangé, il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans en 2050! Aujourd’hui déjà, l’être humain absorbe environ cinq grammes de plastique par semaine, soit l’équivalent du poids d’une carte bancaire, selon le Fonds mondial pour la Nature (WWF). Chaque année, 600.000 tonnes de plastique sont rejetées dans la mer Méditerranée !

    L’eau est amenée à devenir un enjeu géopolitique, et nous savons très bien ce que cela signifie dans ce système où règnent les ‘‘guerres pour le pétrole’’ et le pillage néocolonial des ressources. En 2018, les guerres et les persécutions ont poussé 71 millions de personnes à fuir : jamais il n’y a eu autant de réfugiés et de déplacés à travers le monde que l’an dernier. Qu’en sera-t-il avec les profonds changements climatiques qui s’annoncent ? Si nous ne parvenons pas à inverser le cours des choses, la barbarie sera poussée jusqu’à de nouveaux sommets effroyables.

    Ni fatalité, ni résignation

    Ce futur apocalyptique n’est toutefois inévitable que si on l’accepte ! Prendre conscience qu’il faut changer les choses est un premier pas mais, sans perspective, il est facile de se laisser envahir par un profond sentiment d’impuissance (on parle aujourd’hui d’éco-anxiété) et les discours catastrophistes. Il n’est pas question d’embellir le constat, mais de l’analyser pour déterminer quelles sont les forces sociales capables de délivrer un changement concret et, sur cette base, de développer une stratégie pour arracher la victoire.

    Une chose est sûre : nous ne devons pas nous en remettre à ce qui a échoué jusqu’ici. Cela fait des décennies que les divers gouvernements se réunissent, palabrent, promettent, versent des larmes de crocodiles… et n’agissent pas, où alors pour balancer de la poudre aux yeux. Comment ne pas éclater de rage face au gouvernement canadien de Justin Trudeau qui a fait déclarer ‘‘l’urgence climatique’’ au parlement le 17 juin… et a approuvé une extension massive de l’exploitation du pétrole dans le pays le 18 juin, moins de 24 heures après ?!

    L’autorité de ces marionnettes politiques hypocrites soumises aux grandes entreprises disparaît à vue d’œil. Mais les préjugés qu’ils ont répandu des années durant ne s’évanouissent pas si facilement. Ces dernières décennies, le règne quasi sans partage de la pensée néolibérale a conduit à une forte individualisation dans la société. Si tellement de gens se sentent si mal face à l’état de l’environnement, c’est non seulement faute de stratégie globale, mais aussi parce que l’establishment – et certains écologistes aussi hélas – font tout pour les culpabiliser en accentuant que le problème, ce sont avant tout les comportements individuels.

    Quel magazine n’a pas publié de questionnaire sur l’empreinte écologique et l’impact sur la planète de nos habitudes alimentaires ou de transport? Systématiquement, cela débouche sur des recommandations personnalisées. Il n’y a aucun mal à réfléchir à sa consommation, mais un mode de vie n’est pas un mode de lutte. Il est impossible de combattre le réchauffement climatique simplement en recyclant nos déchets. Mettre l’accent sur le recyclage, c’est non seulement sous-estimer l’immensité du problème, mais également l’immensité du pouvoir que nous avons pour changer les choses.

    Le recyclage individuel tel qu’il est considéré aujourd’hui est d’ailleurs né de la campagne Keep America Beautiful lancée par Coca-Cola, d’autres géants de la boisson et Phillip Morris après le vote d’une loi interdisant la vente de boissons en emballages non réutilisables en 1953 dans le Vermont, aux Etats-Unis. L’objectif visé était de mettre pression sur les législateurs (la loi fut effectivement abrogée) et de convaincre le public que le problème, ce n’était pas la production et la vente, mais bien la consommation et l’utilisation.

    Nous sommes bien plus que des consommateurs, et le champ de nos actions dépasse de loin le cadre étroit du caddie d’un magasin. Présenter le capitalisme comme un simple choix de vie revient à culpabiliser l’individu au lieu de condamner le système, ce qui revient à faire un beau cadeau à ce dernier. Au final, tout est fait pour qu’il nous soit plus facile d’envisager l’effondrement de toute civilisation ou la fin de la planète plutôt que la fin du capitalisme.

    Un système qui repose sur le gaspillage

    En 2015, une série d’enquêtes journalistiques révélaient que les multinationales pétrolières avaient conclu que le réchauffement climatique était un risque réel à partir de 1977 déjà. Elles avaient donc décidé en toute connaissance de cause de dépenser des millions de dollars en relations publiques et lobbying pour convaincre les politiciens et le grand public que le réchauffement climatique n’existait pas ou qu’il s’agissait d’un phénomène naturel. De plus récentes études montrent que ces entreprises étaient au courant depuis 1954 au moins (date du rapport du géochimiste Harrison Brown à l’American Petroleum Institute).

    Récemment, ExxonMobil, Shell, Chevron, BP et Total ont reconnu leurs erreurs et annoncé leur soutien affiché à la maîtrise du réchauffement climatique. Mais, dans les faits, l’ONG InfluenceMap a révélé que ces géants du pétrole ont dépensé un milliard de dollars en lobbying visant à ‘‘étendre leurs opérations en matière d’énergies fossiles’’ depuis les Accords de Paris sur le Climat, en 2015 ! Ces entreprises sont capables de tout sacrifier – environnement, santé, droits des peuples indigènes,…- pour satisfaire l’avidité de leurs actionnaires.

    Ce ne serait que justice d’exproprier ces multinationales criminelles, il faut les empêcher de nuire. C’est là que se situe le problème fondamental : le capitalisme repose sur la propriété privée des moyens de production et d’échange ainsi que sur la concurrence dans le but d’accumuler du profit. C’est l’exploitation de la majorité au profit de la minorité possédante.

    Ce système entrave la technologie et ce qu’il est possible de faire pour le bien de la planète ou de l’humanité. C’est de toute évidence le cas au niveau des énergies renouvelables. Mais les moyens techniques actuels permettraient aussi, par exemple, de libérer l’être humain d’énormément de temps de travail. Au lieu d’augmenter le bien-être de chaque être humain, des masses de gens sont jetées dans la précarité. La seule manière d’assurer que le remplacement du travail manuel par la technologie puisse libérer les travailleurs sans atteindre leurs conditions de vie est la diminution du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires. Pour cela, il faudra posséder nous-mêmes les lieux de travail, les capitalistes n’accepteront jamais pareille atteinte à leurs bénéfices.

    Plutôt que d’être réinvesties dans la protection de l’environnement et le développement social, culturel ou technologique, les richesses sont stockées dans des paradis fiscaux et servent, par exemple, à spéculer sur le prix des denrées alimentaires ou bien dorment sur des comptes en banque pour générer des intérêts. Les investissements dans la technologie de guerre étant plus rentables que pour sauvegarder notre environnement, nous nous retrouvons avec des machines à tuer sophistiquées à la durée de vie certainement plus longue que les téléphones et autres outils du quotidien volontairement programmés pour ne fonctionner correctement qu’un court laps de temps.

    Ce fonctionnement est une pure aberration. Le fait que le résultat des recherches scientifiques faites par des entreprises privées ne soit pas collectivisé amène les entreprises concurrentes à refaire ces recherches avec le risque évident de refaire les erreurs de la première. C’est un gaspillage complet de temps, d’énergie et d’argent. Ce non-sens n’est justifiable que par la logique de profit et la concurrence du secteur privé. Cette logique agit comme un frein au progrès: retient des nouveaux brevets, refus de produire de nouveaux médicaments tant que les anciens stocks ne sont pas écoulés, production polluante car moins coûteuse, etc.

    Concentrer la colère vers les fondements du système

    Nous ne sommes pas que des consommateurs : nous sommes surtout des producteurs de richesses, c’est notre travail qui fait tourner l’économie. Cette force sociale, c’est la faiblesse du système capitaliste. La classe sociale dominante possède les moyens de production et les utilise comme bon lui semble, mais cette puissance peut être vaincue lorsque la classe des travailleurs se croise les bras et que plus rien ne tourne. Grâce à la grève, il nous est possible de bloquer l’économie toute entière. C’est une étape déterminante non seulement pour se rendre compte de notre force collective, mais aussi pour remettre en question la propriété de ces moyens de production. Les patrons ont besoin des travailleurs, mais les travailleurs n’ont pas besoin de patrons !

    Imaginons ce qu’il serait possible de faire si les secteurs stratégiques de l’économie tels que l’énergie et la finance étaient expropriés et placés dans les mains de la collectivité ! Que ne serait-il pas possible de réaliser en possédant ces moyens et en décidant démocratiquement de la manière de les gérer dans le cadre d’une planification rationnelle de la production !

    Ce système est à bout de souffle. Dix ans après la grande récession, une certaine reprise économique a eu lieu, essentiellement basée sur les ressources injectées dans l’économie par les autorités. Cela a contribué à creuser davantage le fossé entre riches et pauvres. L’élite au sommet de la société en a profité alors que la vaste majorité de la population a souffert de l’austérité. Mais aujourd’hui, l’économie mondiale est à nouveau au bord de la crise.

    Cependant, tout comme les aristocrates se sont accrochés au pouvoir alors que le féodalisme était obsolète face au nouveau système naissant, la bourgeoise – qui possède les moyens de production autant que les aristocrates possédaient les terres à l’époque – s’accroche au pouvoir malgré la preuve évidente que son système est dépassé. Des mouvements de masses menant directement à des révolutions ont été nécessaires pour arracher le pouvoir à la vieille aristocratie, il en ira de même pour arracher le pouvoir des mains des capitalistes.

    L’ère des mouvement de masse

    A la suite de la crise économique de 2007-8, des mouvements de masse exceptionnellement dynamiques ont eu lieu de par le monde, y compris de dimension révolutionnaire ou prérévolutionnaire comme ce fut le cas avec les révolutions de 2011 en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ou avec les luttes des travailleurs grecs dans la période de 2010 à 2013. Ces luttes n’ont hélas pas réussi à conduire à un changement de système.

    En Egypte, en Syrie et en Libye, les révolutions se sont transformées en contre-révolutions ouvertes en raison de l’absence d’un parti révolutionnaire de masse capable d’orienter la colère à l’aide d’une stratégie claire et d’un programme visant à renverser tout le système et non pas seulement les dictateurs. En Grèce, le parti de gauche SYRIZA a capitulé une fois arrivé au pouvoir en 2015 faute de disposer d’un programme de rupture anticapitaliste et socialiste. C’est l’absence de partis révolutionnaires de masse qui a permis à la classe dirigeante de mener une contre-offensive à l’échelle mondiale et de faire payer aux masses populaires de la planète la crise que le système capitaliste avait lui-même créée.

    Mais en dépit de ces défaites, des dizaines de millions de travailleurs et de jeunes se sont radicalisés et sont à la recherche d’idées et de méthodes de lutte. La méthode de la grève a fait son retour sur le devant de la scène. En Belgique, le plan d’action syndical de 2014 a remis au goût du jour la grève générale politique, contre un gouvernement, et a popularisé l’idée d’un plan d’action. L’outil de la grève a également été saisi par le mouvement pour le climat à travers le monde sous l’impulsion de la jeunesse ou encore par le mouvement pour l’émancipation des femmes.

    Lors de ce mois de juin uniquement, alors que les mobilisations de masse se poursuivaient en dépit de la répression en Algérie ou au Soudan, le régime de droite du président brésilien Bolsonaro a fait face à une grève générale qui a mobilisé 45 millions de travailleurs. A Hong Kong, plus de deux millions de personnes (plus d’un quart des habitants !) se sont mobilisées contre une loi répressive et contre la soumission au régime de Pékin. En Suisse, 500.000 personnes ont participé aux mobilisations dans le cadre d’une grève féministe organisée par les syndicats.

    La colère est vaste et profonde. L’ingrédient crucial qui manque est une alternative politique de masse pour organiser la classe des travailleurs, les opprimés et les pauvres à l’échelle internationale autour d’un programme cohérent de transformation socialiste de la société. Nous sommes confrontés à un choix. Soit l’infime minorité parasitaire continue à piller la planète tout en continuant à s’enrichir en ruinant la vie de la grande majorité de la population. Soit nous parvenons à une société socialiste démocratique, qui ferait en sorte que toutes les ressources, les connaissances scientifiques et les capacités productives modernes soient mises au service de la société tout entière, et dans le respect de l’environnement.

  • Leçons de 20 semaines de grèves pour le climat

    Le mouvement pour le climat de ces derniers mois fut historique. Dans les médias, certains disent qu’au vu des résultats limités de Groen et de la percée moins forte que prévu d’ECOLO, le mouvement n’a pas réussi. C’est n’importe quoi. Ce mouvement ne peut pas se résumer aux partis verts. De plus, la lutte contre le changement climatique peut revenir plus forte que jamais si nous tirons les leçons des premières actions et si nous nous préparons mieux.

    Par Arne (Gand)

    La lutte paie !

    Les grèves et manifestations pour le climat ont changé l’agenda politique pour des mois et des mois. L’incapacité et la réticence de l’establishment à réagir au changement climatique sont devenues plus évidentes que jamais. L’establishment a également été durement touché : la ministre flamande de l’enseignement a dû démissionner et le gouvernement flamand a été contraint d’investir 75 millions d’euros supplémentaires dans des mesures pour le climat.

    Il faudra beaucoup, beaucoup plus pour stopper le changement climatique. Des centaines de milliers de jeunes à travers le monde sont entrés en contact avec l’arme de la grève et ont participé aux manifestations. Nous nous sommes rebellés contre la politique dominante et c’est très important. Nous devons nous organiser et nous battre pour une planète viable et des conditions de travail et de rémunération décentes. Nous n’aurons rien sans nous battre.

    C’en est assez !

    Lors des premières grèves, l’establishment a fait tout ce qui était en son pouvoir pour minimiser la protestation. Nous n’étions qu’une bande d’hypocrites et, pour le président du CD&V Wouter Beke, les grèves étaient une conspiration d’extrême gauche. Le gouvernement en a rajouté en envoyant des coaches climats expliquer dans chaque école comment vraiment vivre dans le respect de l’environnement et culpabiliser les élèves. Toute notre vie, nous avons été soumis à d’énormes pressions pour vivre le plus écologiquement possible, mais l’impact de ces mesures individuelles a été presque nul. La menace écologique ne fait qu’augmenter.

    La conclusion scientifique selon laquelle un changement radical est nécessaire a forcé des millions de personnes à descendre dans la rue dans le monde entier. Le 2 décembre, la ministre de l’énergie Marghem (MR) a manifesté avec 100.000 jeunes et travailleurs et, deux jours plus tard, elle a voté contre des normes d’émission européennes plus strictes pour le secteur énergétique ! C’en était assez. La lutte devait passer à une nouvelle étape. C’est alors que Youth for Climate a appelé à partir en grève tous les jeudis.

    3.000 – 15.000 – 35.000

    Au cours des premières semaines, le nombre de grévistes pour le climat est passé de 3.000 à 35.000. Des milliers d’autres suivront au cours des 20 semaines, mais cela n’était encore qu’un aperçu de ce qu’il est possible de réunir. Le tarif des billets de train et les intimidations et sanctions des directions d’écoles en ont retenu plus d’un à l’école.

    Afin d’éviter que cela ne se produise, des comités ont été mis sur pied à quelques endroits. Ils ont organisé des actions adaptées aux conditions spécifiques de l’endroit. Là où les comités locaux étaient actifs, cela s’est reflété en de plus grandes manifestations et en grèves réussies.

    Il y avait encore un beau potentiel à exploiter, mais de nombreux comités ont malheureusement perdu leur influence lorsque Youth for Climate a attiré toute l’attention sur une manifestation nationale hebdomadaire. C’est dommage : un ancrage local plus fort aurait pu donner un énorme élan à des actions nationales bien choisies. De plus, le développement des comités locaux aurait pu conduire à des assemblées générales où des représentants élus par école ou comité local auraient pu démocratiquement décider des actions à mener pour la suite et des revendications à défendre.

    Les faux amis

    Puisque l’establishment n’est pas parvenu à éteindre les flammes de la contestation avec un discours moralisateur, il est parti à la recherche d’autres méthodes. C’est ainsi qu’a été lancé ‘‘Sign for my future’’, avec l’implication de multinationales belges, voire de banques qui investissent des milliards dans les énergies fossiles. Soudainement, ces gens-là étaient devenus des champions de l’écologie ! La plupart des grévistes pour le climat sont d’accord : ce sont de faux amis. Mais l’équipe centrale de Youth for climate a décidé de soutenir la campagne, sans que la moindre discussion ne soit organisée. Un moment douloureux. Il n’y a pas eu non plus de discussion organisée sur les revendications. Cela a permis aux politiciens de nous mettre des revendications dans la bouche, comme la taxe sur les avions et d’autres écotaxes antisociales qui sont la norme sous le capitalisme.

    Il n’a hélas pas été possible de décider par vote quelles revendications défendre et d’élaborer un programme sur cette base. Students for Climate a bien tenté de le faire, mais les réunions sont restées modestes. Les choses n’ont pas pris de la même manière parmi les étudiants du supérieur. Les comités de chaque faculté auraient pu contrarier cela en discutant des revendications et des méthodes nécessaire pour mener campagne et convaincre les étudiants d’entrer en action.

    Les défis à relever pour le mouvement

    Le plus grand défi est que le mouvement se développe de manière démocratique. Nous devons faire participer le plus grand nombre possible au débat sur les actions et les revendications. Annoncer des micros ouverts ou des comités via Facebook sont des possibilités pour lancer les choses. Cela permettra également d’indiquer clairement où se situe le problème : au sein du système. Il faut un ensemble de revendications sociales qui soit soutenu par le plus grand nombre possible de jeunes et de travailleurs.

    Un appel a été lancé aux syndicats pour qu’ils se mettent en grève pendant la journée internationale de grève du 15 mars. Cela reste un défi : les travailleurs et les jeunes ont les mêmes intérêts, mais nous avons besoin de la force économique des travailleurs pour vraiment changer les choses. Le mouvement syndical organisé peut frapper le système là où ça lui fait mal : à ses profits. Le changement doit être imposé par la lutte !

    Rise for Climate et la grève planétaire de septembre

    Le 22 septembre, il y aura une nouvelle manifestation de Rise for Climate à Bruxelles. Cinq jours plus tard, une grève de la Terre est annoncée. La campagne pour la manifestation doit être utilisée pour organiser autant de grèves que possible cinq jours plus tard, voilà qui pourrait donner une nouvelle dynamique à la lutte pour le climat.

    Nous ne devons pas nous laisser démoraliser. Ni à cause du ton pessimiste des médias, ni à cause de l’urgence de réduire nos émissions. Jeunes et travailleurs solidaires : résistance internationale à la pollution du capital !

  • C’est soit le capitalisme, soit une planète saine ! Impossible d’avoir les deux !

    En lutte pour un changement socialiste, pas un changement climatique !

    Le changement climatique menace l’avenir de l’humanité, notre avenir. Cette nouvelle inquiétante confirmée par les scientifiques a conduit des centaines de milliers de jeunes et de moins jeunes à manifester. La journée d’action du 15 mars fut historique : 1,6 million de manifestants ont occupé les rues de 2.200 villes de 120 pays ! En Belgique aussi, les grandes manifestations de milliers de jeunes n’ont pas manqué. Ce n’était qu’un début : la lutte pour notre avenir doit se poursuivre sans répit !

    Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime qu’un basculement radical s’impose pour les 11 prochaines années, faute de quoi les changements climatiques auraient des conséquences graves et imminentes. Ce que nous voyons aujourd’hui va déjà très loin : le plastique asphyxie les mers et menace notre santé et la survie d’espèces animales. Nous vivons actuellement la sixième grande vague d’extinction d’espèces. C’est la première fois que cette vague est causée par l’être humain lui-même. Pas par tout le monde bien sûr : par le système de production capitaliste qui exploite nos vies et la planète.

    Nous ne pouvons pas attendre de solutions du capitalisme. Depuis la signature des Accords de Paris sur le climat en 2015, 33 banques ont investi pas moins de 1,9 billion de dollars dans les énergies fossiles. Plus de 70% des émissions de gaz à effet de serre depuis 1988 sont le fruit de seulement 100 grandes entreprises. Pas moins d’un cinquième des émissions mondiales de carbone dans l’industrie sont subventionnées par des investissements publics. Les grandes entreprises polluent parce qu’elles en tirent des profits record. Les gouvernements parlent de plans climatiques, mais entre-temps ils continuent de dépenser l’argent de la collectivité au bénéfice des grands pollueurs.

    Ces faits sont importants : pour s’attaquer au problème, nous devons nous attaquer aux grands pollueurs. Nous ne sommes pas les responsables, mêmes si nous mettons parfois un steak sur le barbecue ou si nous voyageons en avion après un an de dur labeur. Non, les grands pollueurs qui font la différence en matière d’émissions de carbone sont les grandes entreprises et leurs propriétaires. Ce sont les capitalistes ultra-riches qui veulent seulement faire plus de profit, même si c’est au détriment de la santé de la population et de la planète. Le capitalisme et une planète saine ne vont pas de pair : il faut changer le système !

    Aujourd’hui, la collectivité ne contrôle pas ce qui est produit et la manière de le faire. Ce sont les actionnaires qui décident de tout, alors que les seules sources de richesse sont les travailleurs et la nature. Toutes deux sont exploitées par le capitalisme. C’est là que réside la force capable de tout changer : les travailleurs. Ils peuvent faire grève, occuper leurs entreprises et prendre la production en main afin que les profits soient investis dans la production d’énergie sans CO2 sans perdre d’emplois.

    La lutte contre le réchauffement climatique doit nous conduire à maîtriser les secteurs-clés de l’économie, où se situent la pollution et la solution au problème climatique. La production doit être planifiée démocratiquement et écologiquement dans l’intérêt des êtres humains et de la planète. Aujourd’hui, la majorité de la population – les travailleurs et les jeunes – font face aux ultra-riches pollueurs. Pour remporter la bataille du climat, nous devons organiser cette masse opprimée pour combattre le système capitaliste qui étouffe la planète et le renverser. Une économie socialiste rationnellement planifiée partirait des besoins des humains et de la planète.

    Le combat pour un tel type de changement de société n’est pas fini. Les actions de masse de ce premier semestre n’étaient qu’un début. Cet automne, une nouvelle journée internationale de grève pour le climat

    aura lieu le 20 septembre et un sommet sur le climat prendra place au Chili du 11 au 21 novembre : la COP 25. Comme l’a dit Greta Thunberg : ‘‘Pour tout changer, nous avons besoin de tous. Nous devons nous engager dans une résistance massive – nous avons montré que l’action collective fonctionne.’’ Rejoignez-nous !

  • Luxembourg : les jeunes en mode rébellion pour le climat

    Ils étaient près de 15000, le 15 mars, à manifester sous la pluie pour le climat. Les jeunes luxembourgeois ont signé à cette occasion un record national et mondial dans la mobilisation pour le climat, si l’on rapporte le nombre de manifestants à la population du Grand-Duché.

    Par Jean (Luxembourg)

    Après un tel succès, ils ne voulaient pas en rester là. Et ce ne sont certainement pas les réponses du monde politique qui auraient pu les inciter à rentrer chez eux. Que du contraire, puisque les Verts qui font partie du gouvernement se sont distingués en votant CONTRE une résolution décrétant l’urgence climatique déposée par Déi Lenk (gauche radicale).

    Bref, le 24 mai était une journée d’action internationale et les jeunes luxembourgeois comptaient bien y participer. Et depuis le 15 mars, il y avait de la radicalisation dans l’air, d’une part grâce à l’exemple donné par Extinction Rebellion et d’autre part, par la dynamique du mouvement en elle-même. Résultat : les jeunes ont décidé d’organiser une occupation sans demander la permission ni à leurs écoles, ni au ministère de l’éducation ni à la police. Un mode transgressif qui a également permis aux syndicats des enseignants de se profiler en soutenant leurs élèves et en appelant leurs professeurs à les rejoindre, ou du moins à ne pas les sanctionner.

    Quel était le plan ? Tout simplement occuper LE point stratégique majeur qui relie le centre-ville au quartier d’affaires du Kirchberg, à savoir le Pont Rouge où se trouvent également les institutions européennes. Il était clair dès le départ qu’on ne pourrait pas mobiliser autant de monde que le 15 mars, vu le caractère transgressif de la manifestation. Quelques jours avant l’action, on se disait que 500 serait déjà très honorable.

    Au final, ce furent 1500 jeunes (et pas mal de moins jeunes). Le tout dans une ambiance à la fois joyeuse et radicale, avec des slogans visant directement les responsables politiques du désastre annoncé et notamment les institutions européennes voisines. La formule de blocage filtrant a permis au message de d’être diffusé parmi les automobilistes qui passaient au compte-goutte sur le pont. Entre slogans, mini-concerts improvisés et chorégraphies diverses, le temps s’est arrêté sur le Pont Rouge habitué à un balais incessant de véhicules et de gens pressés. Avant de lever le camp vers 18 heures, les jeunes ont même réussi à imposer un blocage complet du pont, pendant 15 minutes, après tractations avec la police.

    La « rébellion négociée » est un concept typiquement luxembourgeois. Il peut paraître étrange, mais ce jour-là, il a bien fonctionné… Il faut dire que depuis la 1ère manifestation pour le climat au mois d’octobre 2018, le rapport de force a sensiblement changé au Grand-Duché.

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  • Le cri d’alarme de ‘‘Nous sommes le climat’’

    ‘‘Vous nous dites que nous devons ranger notre chambre et vous espérez que nous étudierons beaucoup, que nous deviendrons tous de brillants scientifiques et que nous tenterons tous de résoudre votre problème planétaire. Du moins : s’il est encore temps pour cela. Parce qu’en attendant, le temps presse. Nous entendons le tic-tac.’’

    Par Geert Cool

    Dans leur livre ‘‘Nous sommes le climat’’, Anuna De Wever et Kyra Gantois appellent à l’adoption de mesures sérieuses pour le climat. L’urgence est au centre du petit livre : nous entendons tous résonner le tic-tac du temps qui passe. C’est précisément ce sentiment d’urgence qui, depuis des semaines, mobilise des dizaines de milliers de jeunes dans un mouvement qui a rendu célèbres Anuna et Kyra. Ce mouvement montre quelle est la force de la mobilisation : la colère et la peur ont été transformées en détermination.

    Cette lettre ouverte dénonce l’inaction alors que les scientifiques indiquent clairement que le temps nous manque. Sans changement fondamental au cours des dix à douze prochaines années, un changement climatique irréversible et auto-renforçant menace. Les deux jeunes tracent un parallèle intéressant avec les plans d’évacuation en cas d’incendie qui existent pour chaque école. ‘‘Nous le pratiquons trois fois par an, en laissant tout en place, en fermant les fenêtres, en courant en rangées et en nous réunissant dans la petite place derrière l’école. La planète est en feu, mais il n’y a pas de plan.’’

    Le livre reste plus hésitant au sujet des alternatives et des solutions. La nécessité d’augmenter les moyens pour les transports en commun est précisée et les auteurs ont raison de souligner que des milliards sont consacrés aux combustibles fossiles actuellement ou encore que les milliards n’ont pas manqué il y a dix ans afin de sauver les banques. Pourquoi est-ce impossible pour le climat ? Ces observations ne sont pas neuves : elles remettent directement en question le fonctionnement du système actuel et ouvrent le débat sur l’alternative à lui opposer.

    Répondre que nous sommes tous sur le même bateau et que nous devons écouter les recommandations des experts est hélas insuffisant. Anuna et Kyra soutiennent que le climat n’est ni de gauche ni de droite et que tout le monde devrait se battre pour l’avenir de la Terre-Mère. Mais pourquoi donc les choses tournent-elles aussi mal s’il en est ainsi ? Est-ce la faute de nos aînés qui n’ont pas compris le problème à temps ou à cause des politiciens qui se disputent trop entre eux au lieu de s’en prendre aux problèmes ? Cela peut jouer un rôle, mais la racine du problème est beaucoup plus profonde : le système – et appelons-le par son nom : le capitalisme – ne repose que sur la recherche de profits pour une infime élite, il exploite toutes les sources de richesse, tant le travail que la nature. Accepter ce constat est un fait politique et idéologique.

    Le capitalisme s’oppose à nos intérêts. Anuna et Kyra indiquent à juste titre qu’une planification rationnelle de l’utilisation des ressources disponibles est nécessaire. Des solutions très logiques sont également proposées comme le transfert des milliards de dollars de subventions aux combustibles fossiles vers les transports publics. Nous pourrions réunir des milliers d’autres experts qui confirmeraient les avantages de cette mesure, mais ce ne sera pas suffisant pour en faire une réalité. Pour y arriver, nous ne pourrons pas faire l’économie d’une lutte de masse. Même les mesures les plus évidentes pour préserver notre avenir exigeront une lutte acharnée contre les intérêts des utlra-riches, en développant nos revendications dans le contexte plus large d’un ambitieux projet de société alternative. Sans toutefois parler de socialisme, le livre ouvre la discussion sur cette alternative. Passons d’une pensée utopique à une vision scientifique de la société et de notre alternative à la barbarie du capitalisme.

     

  • 24 mai: Grève mondiale pour le climat

    Développer nous-mêmes le mouvement pour s’en prendre aux grands pollueurs

    “Demain, je veux voir les ouragans à la télé, pas dans par la fenêtre’’, voilà le slogan que l’on retrouve sur l’affiche distribuée par Sign For My Future, une initiative de grandes entreprises et de certaines organisations de la ‘‘société civile’’ pour encadrer le mouvement pour le climat. Elle illustre clairement le danger qui existe si les jeunes et les travailleurs ne prennent pas en main l’initiative. Les patrons (que l’on trouve en nombre dans Sign For My Future) sortent alors des slogans cyniques conçus par des agences de publicité qui ne correspondent pas du tout à ce que de nombreux jeunes et leurs (grands) parents ont défendu en manifestant. C’est un changement global de système que nous voulons !

    Le changement climatique causé par l’être humain est désastreux. 40% des événements climatiques extrêmes supplémentaires survenus entre 1980 et aujourd’hui sont attribuées au réchauffement de la planète. En 2018, 5.000 personnes sont mortes des suites directes de catastrophes naturelles. Si l’on tient compte de la sécheresse, des canicules, de la famine, des maladies, etc., le nombre de décès grimpe à 300.000. De plus, en 2018, 29 millions de personnes ont été déplacées en raison du changement climatique. Les groupes les plus vulnérables vivent en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et du Sud-Est, en Amérique latine, dans les États insulaires et en Arctique. On estime que le nombre de décès dus au changement climatique atteindra les 500.000 d’ici 2030. Sign For My Future a perdu ça de vue lorsqu’ils ont conçu leur affiche.

    Ce n’est pas une omission accidentelle, mais une conséquence logique du caractère de Sign For My Future. Pour les grandes entreprises, le véritable défi n’est pas de trouver des solutions de fond, mais de faire du greenwashing et de nous faire porter la responsabilité du changement climatique. Les capitalistes se moquent de la misère, de la destruction et de la pauvreté que le changement climatique cause à des millions de personnes. Leurs collègues millionnaires dans les zones à risques cycloniques peuvent se permettre de déménager dans des zones plus sûres ou de construire des bunkers. Ce n’est pas le cas de la population ordinaire.

    Nous ne pouvons abandonner notre mouvement à de telles acrobaties publicitaires contre-productives et cyniques. Sign For My Future tente de se positionner comme partenaire des étudiants et des travailleurs mais vise à éviter que le mouvement climatique ne se retourne contre les grands pollueurs. La meilleure façon de riposter est de défendre notre propre programme et de nous unir au mouvement des travailleurs. Ce n’est qu’en s’attaquant aux grands pollueurs et en se concentrant sur les intérêts des travailleurs et de leurs familles, au travers de solutions collectives, que nous pourrons parvenir à un véritable changement de système ! Ne perdons plus de temps à attendre une transition écologique volontaire de la part du monde des affaires. Le capitalisme et la concurrence sont irréconciliables avec la planète !

    Nouvelle grève mondiale pour le climat

    Après la grève mondiale pour le climat du 15 mars, le 24 mai a été lancé comme nouvelle date internationale. La date est symbolique: deux jours avant les élections européennes, qui coïncident en Belgique avec les élections régionales et fédérales. Cela permet d’orienter le mouvement durant les examens et de bénéficier d’un temps fort avant les vacances d’été.
    La meilleure façon de faire du 24 mai un succès est de l’organiser nous-mêmes. Cela peut se faire en réunissant les jeunes et les travailleurs par le biais d’Assemblées générales dans les écoles et sur les lieux de travail, afin de mettre en place la mobilisation et d’élaborer des slogans. Cela permettrait de discuter de la manière dont l’appel pour le 24 mai pourrait saisi tant par les élèves que par les enseignants, mais aussi par les syndicats. Un certain nombre de structures syndicales ont à nouveau signé l’appel à la grève.

    Les partis politiques traditionnels se présentent tous comme des écologistes durant cette campagne électorale. La grève mondiale du 24 mai peut donner une idée de ce qui arrivera quand ces partis qui font de nombreuses promesses les trahiront.
    Ils espèrent que leurs promesses électorales, nos examens et les vacances d’été vont nous calmer. Pour maintenir le cap, nous devons mettre en place des comités de mobilisation efficace pour le 24 mai, mais aussi pour préparer les vacances d’été. À partir du mois de septembre, ces comités de mobilisation devront à nouveau se réunir pour reconstruire le mouvement avec des manifestations et des actions locales dans les écoles. Nous aurons également besoin d’un plan d’action plus large vers de grandes grèves dans le cadre du Sommet international sur le climat (COP26) annuel qui se tiendra début décembre au Chili.

  • Climat. Relancer le mouvement de masse

    Ces derniers mois les mobilisations pour le climat ont dominé l’actualité. L’adoption de la méthode de grève et l’ampleur du mouvement des jeunes ont été décisives à cet égard. Elles ont eu un impact impossible à atteindre seulement par des actions symboliques, des actions au sein des écoles ou même des manifestations du week-end. Le caractère massif des mobilisations représente un changement qualitatif. Cela a fait comprendre aux jeunes qu’ils ne sont pas seuls, que leurs inquiétudes et leur colère sont partagées par des milliers, des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers d’autres..

    Par Michael Bouchez

    La détermination des jeunes a été renforcée, le monde politique a été mis sous pression et ces manifestations ont été répercutées sur le plan international. Le fossé entre les jeunes manifestants et le monde politique est béant. Tous les politiciens n’ont pas qualifié ces grèves d’»irresponsables, contrairement à De Wever, Schauvlieghe ou Jinnih Beels. Mais cela a tout de même montré que le débat de société dépasse ce que les médias ou la politique en font en temps ‘‘normal’’. Ce n’est que sous la pression des actions de la jeunesse que les partis traditionnels ont dû mettre de côté leur train-train habituel pour se prononcer sur la question climatique.

    Reconstruire l’action de masse

    Depuis le 15 mars, le nombre de grévistes et de manifestants du jeudi est moins élevé. Il est bien sûr impossible de faire croître continuellement un mouvement de masse ou de mobiliser le même nombre de grévistes et de manifestants semaine après semaine. Cela ne signifie pas pour autant que de nouvelles mobilisations de masse sont exclues. Lorsque le mouvement faiblit, il faut s’interroger sur la manière de relancer un nouveau plan d’action constructif et massif.

    Beaucoup de jeunes sont conscients des obstacles à la poursuite du mouvement : vacances, examens, pression scolaire, pression à la maison ou de la direction. Et si le monde politique reste sourd, notre mouvement aura-t-il été vain ? Comment les mettre vraiment sous pression ? Les élections vont-elles résoudre quelque chose ? Comment continuer après les élections ? Allons-nous continuer à nous battre ? À niveau local ou national ? Ces questions restent sans réponse pour beaucoup de jeunes.

    L’action Occupy For Climate rue de la Loi était une nouvelle forme d’action, porteuse d’un message direct et justifié : le monde politique est responsable de l’immobilisme et refuse de faire quoi que ce soit. Cette occupation et le ‘‘camping’’ rue de la Loi, puis place du Trône a défié le monde politique, taxé de laxisme. Les médias et réseaux sociaux ont largement répercuté ces événements, cela aurait pu donner un nouvel élan au mouvement. Une telle action alternative et sa répercussion médiatique étaient l’occasion de lancer un appel aux comités étudiants pour organiser des actions locales partout à travers le pays et construire une nouvelle grève nationale d’ampleur.

    L’occasion a été manquée, car l’action visait uniquement à convaincre les partis traditionnels à voter en faveur d’une loi Climat) et pas suffisamment à impliquer les dizaines de milliers d’écoliers entrés en action ces derniers mois. L’occupation de la rue de la Loi a d’ailleurs été préparée dans le secret et il était difficile de la rejoindre. Cette forme d’action a aussi peut-être créé l’illusion qu’il n’était plus nécessaire de promouvoir et construire la participation de masse sur le terrain, avec des comités de mobilisation et de discussion. Cela s’est encore accentué dans les semaines qui ont suivi. Depuis l’action rue de la Loi, l’idée que les actions de grève de masse pourraient faire place à des actions plus restreintes à l’initiative de certaines organisations et des groupes individus a grandi.

    Le caractère de masse des premiers mois du mouvement n’est pas un détail, c’est un facteur décisif pour son impact. Il est donc important de voir comment nous pouvons reconstruire ce caractère de masse.

    Ne pas laisser l’initiative aux partis établis, mais avancer nos propres propositions

    L’enjeu des mobilisations a lui aussi évolué. Au cours des premières semaines, les écoliers ont quitté leurs classes en grand nombre pour se faire entendre, pour montrer qu’ils en avaient assez de voir que rien ne bouge. Aujourd’hui, cela ne suffit plus : les jeunes savent-ils s’ils ont été entendus même si rien n’a encore changé. Si les partis traditionnels restent sourds aux appels de la rue quel est alors l’objectif du mouvement ? Qu’exigeons-nous en tant que mouvement ?

    Le mouvement climatique doit discuter du programme. Cela doit aller au-delà d’une loi Climat et des élections. De nombreux étudiants sont en faveur de transports publics plus nombreux, de qualité et gratuits. Pourquoi ne pas en faire l’une des revendications centrales du mouvement ?

    Beaucoup savent que le secteur de l’énergie est le secteur le plus polluant. Les grandes compagnies pétrolières ne sont pas seulement les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, ce sont aussi elles qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour forer et consommer chaque goutte de pétrole. Pour ces entreprises, seul le profit compte, pas notre planète.

    Les comités d’école mis en place au cours du mouvement peuvent organiser des réunions ouvertes pour discuter des revendications. Nous pensons que le mouvement climatique serait grandement renforcé en revendiquant une gestion démocratique du secteur de l’énergie par la population, afin que le profit ne détermine pas ce qui est produit et comment on le produit, mais que cela soit géré dans l’intérêt commun de l’humanité et de la nature.

    De telles revendications s’attaquent aux grands pollueurs et apportent des solutions collectives. Elles pourraient offrir au mouvement climatique une voie à suivre et de nouvelles perspectives. En même temps, de telles revendications permettraient de contrecarrer des campagnes telles que Sign For My Future, lancées par le monde patronal, profitant de l’absence de revendications concrètes et faire croire que nous sommes tous responsables de manière égale. Nos gouvernants veulent empêcher le mouvement climatique d’entrer en conflit avec les intérêts des grands pollueurs et la logique capitaliste. Mais c’est ce qu’il faut faire : depuis 1989, 100 grandes entreprises sont responsables de 71 % des émissions de gaz à effet de serre. Le capitalisme est au cœur du réchauffement climatique. Obtenir un véritable changement signifie lutter contre ce système.

    Pour en savoir plus, commandez notre livre Socialisme ou Catastrophe écologique (108 pages, paru en janvier 2019, 8 euros – frais de port inclus).

  • Climat. Relancer le mouvement de masse

    Ces derniers mois les mobilisations pour le climat ont dominé l’actualité. L’adoption de la méthode de grève et l’ampleur du mouvement des jeunes ont été décisives à cet égard. Elles ont eu un impact impossible à atteindre seulement par des actions symboliques, des actions au sein des écoles ou même des manifestations du week-end. Le caractère massif des mobilisations représente un changement qualitatif. Cela a fait comprendre aux jeunes qu’ils ne sont pas seuls, que leurs inquiétudes et leur colère sont partagées par des milliers, des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers d’autres..

    Par Michael Bouchez

    La détermination des jeunes a été renforcée, le monde politique a été mis sous pression et ces manifestations ont été répercutées sur le plan international. Le fossé entre les jeunes manifestants et le monde politique est béant. Tous les politiciens n’ont pas qualifié ces grèves d’»irresponsables, contrairement à De Wever, Schauvlieghe ou Jinnih Beels. Mais cela a tout de même montré que le débat de société dépasse ce que les médias ou la politique en font en temps ‘‘normal’’. Ce n’est que sous la pression des actions de la jeunesse que les partis traditionnels ont dû mettre de côté leur train-train habituel pour se prononcer sur la question climatique.

    Reconstruire l’action de masse

    Depuis le 15 mars, le nombre de grévistes et de manifestants du jeudi est moins élevé. Il est bien sûr impossible de faire croître continuellement un mouvement de masse ou de mobiliser le même nombre de grévistes et de manifestants semaine après semaine. Cela ne signifie pas pour autant que de nouvelles mobilisations de masse sont exclues. Lorsque le mouvement faiblit, il faut s’interroger sur la manière de relancer un nouveau plan d’action constructif et massif.

    Beaucoup de jeunes sont conscients des obstacles à la poursuite du mouvement : vacances, examens, pression scolaire, pression à la maison ou de la direction. Et si le monde politique reste sourd, notre mouvement aura-t-il été vain ? Comment les mettre vraiment sous pression ? Les élections vont-elles résoudre quelque chose ? Comment continuer après les élections ? Allons-nous continuer à nous battre ? À niveau local ou national ? Ces questions restent sans réponse pour beaucoup de jeunes.

    L’action Occupy For Climate rue de la Loi était une nouvelle forme d’action, porteuse d’un message direct et justifié : le monde politique est responsable de l’immobilisme et refuse de faire quoi que ce soit. Cette occupation et le ‘‘camping’’ rue de la Loi, puis place du Trône a défié le monde politique, taxé de laxisme. Les médias et réseaux sociaux ont largement répercuté ces événements, cela aurait pu donner un nouvel élan au mouvement. Une telle action alternative et sa répercussion médiatique étaient l’occasion de lancer un appel aux comités étudiants pour organiser des actions locales partout à travers le pays et construire une nouvelle grève nationale d’ampleur.

    L’occasion a été manquée, car l’action visait uniquement à convaincre les partis traditionnels à voter en faveur d’une loi Climat) et pas suffisamment à impliquer les dizaines de milliers d’écoliers entrés en action ces derniers mois. L’occupation de la rue de la Loi a d’ailleurs été préparée dans le secret et il était difficile de la rejoindre. Cette forme d’action a aussi peut-être créé l’illusion qu’il n’était plus nécessaire de promouvoir et construire la participation de masse sur le terrain, avec des comités de mobilisation et de discussion. Cela s’est encore accentué dans les semaines qui ont suivi. Depuis l’action rue de la Loi, l’idée que les actions de grève de masse pourraient faire place à des actions plus restreintes à l’initiative de certaines organisations et des groupes individus a grandi.

    Le caractère de masse des premiers mois du mouvement n’est pas un détail, c’est un facteur décisif pour son impact. Il est donc important de voir comment nous pouvons reconstruire ce caractère de masse.

    Ne pas laisser l’initiative aux partis établis, mais avancer nos propres propositions.

    L’enjeu des mobilisations a lui aussi évolué. Au cours des premières semaines, les écoliers ont quitté leurs classes en grand nombre pour se faire entendre, pour montrer qu’ils en avaient assez de voir que rien ne bouge. Aujourd’hui, cela ne suffit plus : les jeunes savent-ils s’ils ont été entendus même si rien n’a encore changé. Si les partis traditionnels restent sourds aux appels de la rue quel est alors l’objectif du mouvement ? Qu’exigeons-nous en tant que mouvement ?

    Le mouvement climatique doit discuter du programme. Cela doit aller au-delà d’une loi Climat et des élections. De nombreux étudiants sont en faveur de transports publics plus nombreux, de qualité et gratuits. Pourquoi ne pas en faire l’une des revendications centrales du mouvement ?

    Beaucoup savent que le secteur de l’énergie est le secteur le plus polluant. Les grandes compagnies pétrolières ne sont pas seulement les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, ce sont aussi elles qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour forer et consommer chaque goutte de pétrole. Pour ces entreprises, seul le profit compte, pas notre planète.

    Les comités d’école mis en place au cours du mouvement peuvent organiser des réunions ouvertes pour discuter des revendications. Nous pensons que le mouvement climatique serait grandement renforcé en revendiquant une gestion démocratique du secteur de l’énergie par la population, afin que le profit ne détermine pas ce qui est produit et comment on le produit, mais que cela soit géré dans l’intérêt commun de l’humanité et de la nature.

    De telles revendications s’attaquent aux grands pollueurs et apportent des solutions collectives. Elles pourraient offrir au mouvement climatique une voie à suivre et de nouvelles perspectives. En même temps, de telles revendications permettraient de contrecarrer des campagnes telles que Sign For My Future, lancées par le monde patronal, profitant de l’absence de revendications concrètes et faire croire que nous sommes tous responsables de manière égale. Nos gouvernants veulent empêcher le mouvement climatique d’entrer en conflit avec les intérêts des grands pollueurs et la logique capitaliste. Mais c’est ce qu’il faut faire : depuis 1989, 100 grandes entreprises sont responsables de 71 % des émissions de gaz à effet de serre. Le capitalisme est au cœur du réchauffement climatique. Obtenir un véritable changement signifie lutter contre ce système.

    Pour en savoir plus, commandez notre livre Socialisme ou Catastrophe écologique (108 pages, paru en janvier 2019, 8 euros – frais de port inclus).

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