Category: Europe

  • Grèce : Menaces de la Troïka à la veille du référendum

    troika_outPour la victoire du «Non»! Pour une campagne de masse de la classe des travailleurs en riposte à celle de la Troïka! Pour la défense de politiques socialistes!

    Les développement de la situation grecque ont jeté toute la zone euro dans la crise et menacent son existence même. Les banques grecques ont été fermées ce lundi après que la Banque centrale européenne (BCE) ait stoppé la ligne de liquidité qui a maintenu les banques grecques à flot pendant de long mois concernant leurs dépôts. Au moment de la publication de cet article, il fallait encore voir si le dernier paiement de la Grèce au FMI dû pour le 30 juin allait être effectué. La Grèce se dirige probablement vers un défaut de paiement.

    Par Andreas Payiatsos et Niall Mulholland

    Tout cela est survenu après que le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, au nom du cabinet grec, ait appelé à la tenue d’un référendum le 5 juillet en proposant de voter «Non» face aux exigences des créanciers (la BCE, la Commission européenne et le FMI). (Voir notre article à ce sujet).

    Ce référendum a choqué la troïka, qui avait prévu d’exiger de Tsipras encore plus de concessions et sa capitulation totale face à leurs dernières demandes d’austérité draconiennes. Ces institutions voulaient humilier SYRIZA et le peuple grec en envoyant ainsi le message clair qu’aucun mouvements anti-austérité ne serait toléré par l’élite européenne. Mais l’arrogante et autocratique Troïka a été trop loin.

    Tsipras était également soumis à une énorme pression de la classe des travailleurs grecque et de la gauche de SYRIZA pour ne pas continuer à reculer face à la Troïka. Si Tsipras avait accepté les termes de la Troïka, cela aurait pu conduire à une scission au sein de SYRIZA et à la chute du gouvernement. Les enjeux étaient très élevés. En annonçant le référendum, Tsipras a déclaré: «La proposition des Institutions [le nouveau nom de la Troïka] comprend: des mesures conduisant à une plus grande déréglementation du marché du travail, la réduction des retraites, de nouvelles réductions de salaire dans le secteur public et une augmentation de la TVA sur les denrées alimentaires, les repas et le tourisme, tout en éliminant les allègements fiscaux pour les îles grecques.»

    La Troïka a également été irritée par la proposition de SYRIZA d’augmenter les impôts sur les plus riches en Grèce et d’augmenter l’impôt des sociétés. Même ces taxes – relativement douces – étaient de trop pour l’euro-zone capitaliste.

    Certains porte-parole de la Troïka ont menacé que ce référendum signifiait dans les faits la fin de l’adhésion de la Grèce à la zone euro. Mais, en dépit de leur préparation tant vantée pour un «Grexit», les gouvernements de l’Union européenne craignent qu’un départ forcé de la Grèce n’ait d’incalculables répercussions financières, économiques et politiques. Quel pays pourrait être le prochain à potentiellement suivre la Grèce? Le Portugal? L’Espagne? L’Irlande? L’Italie même? L’administration Obama est également préoccupée par la chute économique et géostratégique qui pourrait découler d’un Grexit. La Maison Blanche appelle Bruxelles à faire des compromis dans le but de garder la Grèce, membre de l’OTAN, au sein de la zone euro, pour empêcher le régime de Poutine de prendre avantage de la situation.

    Un mandat Anti-austérité

    La section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) en Grèce, Xekinima, a, dès le début du gouvernement de SYRIZA, appelé à systématiquement respecter le mandat anti-austérité qui a été donné par les électeurs grecs. Cela signifiait de refuser de payer la dette, en imposant des contrôles de capitaux contre les marchés, et de nationaliser les secteurs clés de l’économie sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs. À la lumière de la nouvelle crise, le gouvernement de SYRIZA aurait dû stopper la fuite des capitaux en saisissant les biens et les avoirs des grands capitalistes et des grandes entreprises.

    Au lieu de cela, Tsipras s’est engagé dans des mois de «discussions» infructueuses avec la Troïka, qui ne veut qu’imposer encore plus de son programme d’austérité antisocial. Cette politique a conduit à l’échec. Xekinima a appelé Tsipras à quitter la dernière ronde de «négociations» et à faire appel au peuple grec; à dire la vérité sur ce qui se passe à Bruxelles et à expliquer que les «Institutions» exercent un chantage sur le gouvernement : accepter un nouveau mémorandum d’austérité massive ou être expulsé de la zone euro. Sur cette base, SYRIZA aurait dû adopter une position claire et nette pour quitter la zone euro en liant cela à l’instauration d’un programme socialiste destiné à remettre l’économie sur les rails dans l’intérêt des travailleurs et des pauvres. Comme l’a expliqué Xekinima, selon les circonstances, cela aurait pu être adopté par le peuple grec par le biais de nouvelles élections, par exemple, et une position combattive aurait remporté une victoire écrasante.

    Malheureusement, Tsipras a de nouveau refusé de rejeter totalement l’austérité et les politiques néo-libérales. En fait, le gouvernement grec a même ajouté des propositions de privatisation qui ne figuraient pas dans la liste de la Troïka, y compris la vente des aéroports de district (voir notre article : Tsipras recule devant les menaces de la Troïka. Que doit faire la gauche de Syriza?). Tsipras appelle maintenant à la tenue d’un référendum sur le dernier projet austéritaire de la Troïka et a précisé que SYRIZA soutient le «Non», mais sans faire aucune proposition positive au peuple grec de ce par quoi remplacer les propositions de la Troïka. Au contraire, il ne se lasse pas de dire qu’un vote «Non» ne serait qu’un outil de négociation destiné à forcer la Troïka à faire plus de propositions «sensibles» au gouvernement grec. Les contrôles de capitaux auraient dû être introduits en février et les banques immédiatement nationalisées.

    Alors que de nombreux Grecs considèrent ce référendum comme un moyen de leur permettre d’émettre démocratiquement leur avis dans ces événements et comme une chance de riposter contre la Troïka, il contient de réels dangers. Les médias de masse de droite vont passer cette semaine à essayer de jouer sur le chantage et à intimider les travailleurs grecs et les classes moyennes selon la rhétorique qu’il vaut mieux être avec un diable que l’on connait (un autre paquet de mesures de la Troïka) qu’avec un diable que l’on ne connait pas ne (le défaut de paiement, l’expulsion de la zone euro et, éventuellement, de l’UE, suivie par un nouvel appauvrissement collectif). Cela peut influencer certains Grecs, mais peut aussi en repousser encore plus d’autres.

    La politique des dirigeants de SYRIZA repose toujours sur les négociations avec la Troïka, plutôt d’opérer une réelle rupture avec l’austérité sans fin de la zone euro des patrons en introduisant des politiques favorables à la classe des travailleurs, des politiques socialistes. Tsipras espère revenir à Bruxelles avec le mandat d’un «Non» massif et une position plus forte pour négocier et gagner plus de concessions de la part de la Troïka, dont une diminution de la dette. Mais même en supposant que la Troïka soit toujours prête à négocier avec SYRIZA après la tenue du référendum, tout accord signifiera encore plus d’austérité en Grèce, encore plus d’attaques contre les travailleurs, contre les retraités et contre les pauvres.

    Une campagne d’intimidation massive a lieu au travers des médias de masse contrôlés par les armateurs, banquiers et industriels grecs. Ils affirment que les caisses seront vides pour les pensions et les salaires à la fin du mois. Si SYRIZA continue à ne pas présenter de plan d’action et de lutte clair, le danger est réel que la campagne de peur lancée par la classe dirigeante puisse entraîner la défaite du «Non».

    Voter «Non» n’est pas assez

    Malgré ces critiques, Xekinima s’est entièrement lancé dans la campagne pour le «Non» dimanche prochain. Environ 150.000 tracts et 3.500 exemplaires du nouveau journal de Xekinima ont été imprimés pour cette semaine. Dans le même temps, Xekinima est fortement impliqué dans la tentative de construire des comités de quartiers pour le «Non», en réunissant les différentes sections de la gauche grecque. Fait intéressant, ANTARSYA (une alliance de gauche anticapitaliste) qui a traditionnellement une approche sectaire envers le reste de la gauche et SYRIZA en particulier, est maintenant énergiquement impliqué dans cette action. Malheureusement, ce n’est pas le cas du KKE (parti communiste grec), qui a adopté une approche absolument sectaire, en appelant les électeurs à gâcher leurs bulletins de vote (c’est-à-dire à s’abstenir). Étant donné le fait que le KKE dispose toujours d’un soutien important parmi les travailleurs, cette approche pourrait aider la victoire du «Oui». Un tel scénario verrait probablement la chute du gouvernement de SYRIZA et l’arrivée d’une nouvelle coalition dominée par le centre-droit prête à s’entendre avec la Troïka sur l’application de nouvelles mesures d’austérité brutales.

    Le «Non» ne sera pas suffisant en soi. Une campagne de masse dans les rues et sur les lieux de travail est nécessaire pour activement impliquer la classe des travailleurs dans l’opposition à la Troïka. Les énormes manifestations appelées à Athènes le 29 juin par SYRIZA ont démontré le potentiel de résistance de masse présent dans le pays. Des comités d’action dans les communautés et sur les lieux de travail peuvent mener la lutte contre la Troïka.

    Une rupture décisive avec la Troïka, le refus de payer la dette publique, les nationalisations et un programme de politiques socialistes pourraient disposer d’un énorme soutien parmi la classe des travailleurs et les classes moyennes qui souffrent depuis longtemps. Un appel à la classe des travailleurs européenne pour manifester sa solidarité par des actions de masse pourrait, en particulier dans les autres pays de la zone euro endettés comme l’Espagne, le Portugal et l’Irlande, recevoir un écho immédiat et puissant. La seule véritable alternative à l’austérité et l’Union européenne des patrons, c’est une confédération socialiste européenne sur une base volontaire et égale.

  • Grèce : “NON”

    Le dimanche 5 juillet, nous dirons “NON” au gang des créanciers!

    Déclaration de  Xekinima (section du Comité pour une Internationale en Grèce)

    tsipras_nonLe gouvernement de SYRIZA a, enfin, pris la bonne décision en faisant appel à la volonté du peuple grec sur la question de «l’accord» avec les créanciers et en proposant son rejet par référendum!

    Les reculs initiaux du gouvernement ont conduit les soi-disant «Institutions» (c.-à-d la Troïka avec un nouveau nom) à devenir arrogantes au-delà de toutes proportions. Elles voulaient transformer le nouveau gouvernement en une réplique de la Nouvelle Démocratie, du PASOK et de Potami pour le forcer à appliquer les mêmes politiques, à le faire plier sur ses genoux, à le ridiculiser et à soumettre l’ensemble de le peuple grec à travers son gouvernement. De cette façon, elles voulaient faire un exemple et ainsi menacer d’autres en Europe qui seraient tentés de remettre en question leurs diktats.

    Le gouvernement de SYRIZA a dit non ! Enfin, un grand NON, bruyant, qui peut ébranler l’Europe et atteindre tous les coins de la planète!

    Le peuple grec – et nous entendons par là les travailleurs, les chômeurs, les pauvres et les petites entreprises et les couches moyennes détruits par la crise capitaliste – doit mener la bataille pour le NON de toutes leurs forces.

    Dans le camp d’en face, les forces de la réaction concentreront leurs forces – les banquiers, les armateurs, les industriels, les grands constructeurs, les médias, l’establishment européen, les organisations internationales (FMI, BCE, etc.), les multinationales – vont essayer de «convaincre» que si nous disons «non», nous serons confrontés à une catastrophe.

    La catastrophe serait de voter «oui» aux mesures que les créanciers veulent imposer, des mesures qui signifieraient la poursuite des mêmes politiques appliquées durant les 5 dernières années et qui ont détruit l’économie et provoqué une catastrophe sociale.

    Ces «Messieurs» (et «Dames») ont le courage de nous dire que si nous disons «non» à ceux qui ont causé la catastrophe sociale actuelle, alors nous allons provoquer une catastrophe. Ce sont ces mêmes menteurs, qui, dès le début, ont affirmé que leurs politiques permettrait de résoudre «nos» problèmes, conduiraient à la croissance et au développement et pourraient nous «sauver». En plus de cela, ils nous ont humilié et méprisé en nous qualifiant de gens «paresseux», «corrompus» et «inutiles», qui gaspillent leur argent et leur temps.

    Il est maintenant temps de leur donner la réponse appropriée

    Dans le même temps, nous devons être clair : voter NON se traduira par la sortie du pays de la zone euro. Le passage d’une monnaie internationale forte comme l’euro à la drachme, la monnaie d’une économie de petite taille, comprend des dangers. Mais ces dangers peuvent être bloqués si les bonnes politiques – qui rompent avec le système pourri actuel – sont appliquées.

    La propagande des représentants du capital selon laquelle le retour à la drachme serait équivalent à l’entrée en enfer est un énorme mensonge de la part de ceux qui ont fait tout un art de la tromperie. Ont-ils jamais, ces représentants corrompus de l’establishment, dit la vérité pour que nous puissions les croire aujourd’hui?

    Poursuivre sur la voie capitaliste, voilà la route vers l’enfer. Grâce à une série de mesures, l’économie grecque peut se remettre d’aplomb et commencer à servir les intérêts de la société au lieu des profits de la ploutocratie. Les contrôles de capitaux doivent être immédiatement imposés de façon à empêcher le grand capital d’exporter ailleurs son argent et ses profits, en d’autres termes la richesse produite par notre travail. Une limite doit être instaurée quant aux retraits bancaires hebdomadaires, qui soit suffisante pour couvrir les besoins des familles des travailleurs et des petites entreprises, pour empêcher les capitalistes de vider les réserves des banques.

    Et le 30 juin, lorsque nous serons censés payer au FMI 1,5 milliard d’euros supplémentaires, nous devons dire «nous ne paierons pas». Nous avons assez payé, cette dette ne nous appartient pas, nous n’allons pas la payer!

    Il ne fait aucun doute que le grand capital va saboter toute tentative de remettre l’économie sur ses pieds. Par conséquent, il est absolument essentiel et urgent de nationaliser le système bancaire, c’est-à-dire de transférer la propriété, le contrôle et la gestion des banques à la société. Et puis de nationaliser les secteurs dominants de l’économie sous le contrôle et la gestion sociale des travailleurs. De cette façon, nous pourrions planifier la production et de la distribution en fonction des besoins des masses et ne pas voir l’économie tourner pour servir les intérêts des armateurs et des industriels.

    Aujourd’hui est un jour historique! Regardez la panique sur les visages des représentants de la classe dirigeante et dans les déclarations de la Nouvelle Démocratie, du PASOK et de Potami! Réjouissez-vous Pour le travailleur, pour le pauvre, le chômeur, le désespéré, ceci est un grand jour! Le sourire peut retourner sur leurs visages!

    Mais parallèlement, nous devons tous demander à SYRIZA de ne pas restreindre la lutte au NON. Il faut aller de l’avant avec audace et détermination, afin de retirer le grand capital du pouvoir ; de placer les secteurs dominants de l’économie dans les mains de la société et de procéder à la planification démocratique de l’économie sous le contrôle et la gestion des travailleurs pour en finir une fois pour toutes avec le pillage de notre travail, avec les scandales, avec la corruption et avec le vol.

    De telles mesures socialistes audacieuses pourrons redonner l’espoir, et pas seulement pour le peuple grec. Cela pourrait devenir un catalyseur pour les peuples d’Europe et du monde entier.

    Les «Institutions» veulent un «changement de régime» en Grèce, elles craignent à juste titre que la résistance en Grèce contre les classes dirigeantes inspire des mouvements similaires dans toute l’Europe. Leur crainte est juste. Le potentiel est grand que la résistance des travailleurs grecs déclenche des mouvements similaires dans d’autres pays. Voilà pourquoi les gouvernements irlandais, portugais et espagnols sont si particulièrement hostile au peuple grec: ils craignent pour leur avenir.

  • Allemagne : Grève illimitée à l’hôpital Charité, un conflit d’importance nationale

    dag4charite1Ce lundi 22 juin, des centaines de travailleurs se sont lancés dans une grève illimitée afin d’exiger plus de personnel à la Charité, le plus grand hôpital universitaire d’Europe, où travaillent un total de 13.000 personnes, dont 4.400 infirmières. Les trois premiers jours ont été marqués par la combattivité, dans une ambiance électrisante. Plus de 600 travailleurs sont jusqu’à présent impliqués dans l’organisation de l’action de grève. 1.000 des 3.000 lits de l’hôpital sont touchés. Les 200 opérations qui sont menées quotidiennement sont annulées. Stephan Gummert, membre du SAV (Sozialistische Alternative, section allemande du CIO) et l’un des meneurs de la grève, a déclaré lors de la manifestation du deuxième jour de la grève: «Depuis hier, je vois à nouveau rire les visages de ceux qui sont en colère à cause des horribles conditions de travail à l’hôpital – et qui comprennent que l’ensemble du système est malade.»

    Par Aron Amm, Socialiste Alternative (section allemande du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    Des dimensions historiques

    Cette lutte est unique à plus d’un titre. Entre la Seconde Guerre mondiale et 1989, pas une seule grève n’a éclaté dans un hôpital à travers toute l’Allemagne. Cela a changé ces deux dernières années.
    A la Charité il y a vingt ans de cela, un petit groupe d’activistes de gauche, principalement socialistes, ont commencé à construire une section du plus grand syndicat du secteur public (ver.di). Des membres du SAV ont joué un rôle de premier plan dans ce processus de construction. Le développement d’un tel groupe combattif a permis d’organiser des grèves impressionnantes en 2006 et en 2011. Ces luttes et la conquête de quelques améliorations ont contribué à élargir le noyau militant de base et à paver la voie pour ce nouveau conflit.

    Après la lutte de 2011, le groupe de ver.di a demandé aux travailleurs quelles étaient les questions les plus brûlantes qui devaient être traitées – l’écrasante majorité a souligné que la pression au travail était trop forte et qu’il était nécessaire d’employer plus de travailleurs. Une nouvelle lutte a donc été lancée à la Charité il y a deux ans, conduisant à la première grève dans un hôpital en Allemagne exigeant un contrat de négociation collective qui régit le rapport entre infirmières et patients. Sur base de nombreuses discussions, les revendications concrètes sont maintenant: «pas de nuits prestée seul», ainsi que qu’un rapport entre personnel et patient de 1pour 2 dans l’unité de soins intensifs et de 1 pour 5 dans les services de médecine générale, ce qui signifie concrètement 600 nouveaux emplois au total.

    Nationalement, les hôpitaux souffrent d’un déficit de 162.000 emplois en Allemagne. Le syndicat réclame une loi pour réglementer le rapport patients / infirmières. A la Charité, l’opinion générale est qu’il ne faut pas attendre. Trois militants syndicaux de l’hôpital universitaire d’Essen ont visité le piquet de grève à Berlin en soutien et ont déclaré: «Si vous remporté la victoire, vous ouvrez les vannes» en motivant les travailleurs des autres hôpitaux à suivre cet exemple.

    L’autre Allemagne

    Dans l’un des pays les plus riches de la planète, qui est également la puissance économique majeure de la classe des travailleurs est maintenant confrontée au plus grand secteur à bas salaires sur le continent européen, après la Lettonie. Par habitant, plus d’hôpitaux ont été privatisés qu’aux États-Unis. On estime que 40.000 patients et visiteurs contractent annuellement des maladies mortelles dans les hôpitaux.

    Des piquets de grève actifs et vivants

    Chaque matin, au sein des trois principaux sites de l’hôpital de la Charité implantés dans différentes parties de la ville, les grévistes se réunissent en assemblées. Puis, des «piquets volants» visitent toutes les salles et tentent de convaincre davantage de travailleurs de rejoindre la grève et le syndicat. D’autres groupes se dirigent vers les arrêts de transport en commun, le centre-ville et les quartiers pour distribuer des tracts et coller des affiches de soutien à la grève.

    Mardi, une délégation de la Charité a visité un meeting d’un millier de postiers, eux aussi en grève. La compréhension est bien entendu grande, et l’idée était de voir comment coordonner la riposte et s’apporter un soutien à chacun. Mardi après-midi, 2.000 travailleurs de Charité et sympathisants de la lutte ont manifesté dans le centre-ville de Berlin au sein d’un cortège extrêmement combattif et inspirant. Des délégations de postiers, de travailleurs de chez H&M et d’autres secteurs ont encore étaient elles aussi présentes.

    Des réunions de discussion pour les travailleurs (partiellement organisées par des membres du SAV) au sujet de questions comme les «grèves politiques» ont également lieu pendant la grève.

    La démocratie dans la lutte

    Officiellement, sept syndicalistes font partie de la délégation qui se rend aux négociations, tandis que 21 font partie de la commission chargée d’examiner les revendications et les offres possibles des employeurs. Afin d’impliquer le plus de gens possible dans ces discussions, d’énormes efforts sont entrepris pour construire un corps de «conseillers» dans le but que chaque groupe de travailleurs (infirmières, travailleurs administratifs, travailleurs chargés des questions techniques, etc.) soit impliqué. En outre, des réunions sont régulièrement organisées pour que les grévistes puissent discuter et décider des questions clés. La décision a aussi été prise de ne pas suspendre la grève au cours des négociations.

    Solidarité et soutien public

    Lucy Redler (dirigeante du SAV et porte-parole de la campagne de l’alliance des hôpitaux (“Krankenhausbündnis” en allemand) a commencé son discours lors de la manifestation des grévistes en disant «nous sommes les 99%». Un tabloïde berlinois, le «Berliner Kurier», a rapporté qu’un sondage organisé par leurs soins avait mis en lumière un soutien ou une compréhension de 99% des sondés par rapport aux raisons de la grève. Seul un pour cent s’est dit opposé au mouvement… Les 99% des habitants ne sont très certainement pas favorables à la grève, mais la grande majorité l’est. La société de gestion de la Charité a engagé une agence de publicité pour développer une campagne d’affichage sous le slogan «la grève n’est pas une solution» en imitant la mise en page traditionnelle du syndicat ver.di. Mais il est très difficile de trouver ces affiches ou ces autocollants dans les abords des sites hospitaliers, puisque non seulement les travailleurs mais aussi de nombreux patients les détruisent.

    Il y a deux ans, une alliance («Les Berlinois pour plus de personnel dans les hôpitaux») a été créée pour soutenir la lutte à la Charité, une campagne dans laquelle les membres du SAV ont joué un rôle des plus actifs. Ce vendredi 19 juin, un meeting de 200 personnes a pris place dans les locaux du syndicat du secteur public avec des représentants d’autres hôpitaux mais aussi de Daimler, de Telekom et de nombreux autres lieux de travail et secteurs, qui tous ce sont exprimés en solidarité avec la riposte organisée par le personnel de la Charité.

    Les députés de Die Linke («la gauche», un parti de gauche large à l’intérieur duquel nos camarades du SAV sont impliqués, NDT) ont distribué une déclaration de solidarité avec les grévistes et quelques figures de proue du parti ont visité les piquets de grève. Certaines sections de Die Linke, avec la participation de membres du SAV, ont produit des tracts et des banderoles de solidarité et ont organisé des activités destinées à expliquer l’importance de la lutte dans les quartiers de Berlin. Mais même si les instances dirigeantes de Die Linke à Berlin et au niveau national ont déclaré leur soutien à la grève, elles n’ont pas, jusqu’à présent, utilisé tout le potentiel qui est à leur disposition pour soutenir la lutte.

    Un tournant dans la situation

    Au cours de cette dernière année, la reprise économique généralement anémique en Allemagne a ralenti. Paradoxalement, les problèmes croissants (le manque de demande dans les pays dits «émergents» et la crise de l’euro) ont conduit à une diminution spectaculaire des prix du pétrole et de la valeur de l’euro, ce qui a donné encore un certain coup de pouce à l’économie allemande. Mais l’expérience de l’aggravation des conditions de travail et les augmentations salariales mineures ont alimenté la colère et conduit à une confiance plus élevée parmi une couche de travailleurs pour partir en action.

    Le journal conservateur «Frankfurter Allgemeine Zeitung» appelé ce qui se développe maintenant comme étant une nouvelle «vague de grève». A ce stade, c’est un peu exagéré. Mais avec le débrayage des infirmières des écoles maternelles et des travailleurs sociaux (pour quatre semaines), avec la grève des postiers et celles des conducteurs de train et d’autres secteurs, cette année est déjà celle qui comprend le plus de journées «perdues» en raison d’une grève depuis 1992. Malheureusement, les dirigeants syndicaux ne relient pas ces différents foyers de lutte les uns avec les autres, ce qui est possible et surtout nécessaire.

    Mais l’état d’esprit plus favorable parmi les travailleurs à entrer en conflit en Allemagne va de pair avec une ligne dure adoptée par la classe dirigeante dans de nombreux conflits. Carsten Becker, membre du SAV et porte-parole de du groupe ver.di à la Charité, avait déclaré durant la grève d’avertissement de 48 heures de mai dernier: «Nous n’avons plus de patience, mais nous avons de longue endurance.» Cela pourrait bien être nécessaire dans le conflit qui a éclaté à la Charité.

  • Tsipras recule devant les menaces de la Troïka. Que doit faire la gauche de Syriza?

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    «Nous sommes parvenus au même résultat budgétaire, mais d’une manière plus équitable.» C’est de cette façon que le ministre grec George Stathakis s’est exprimé à la télévision nationale ERT ce lundi 22 juin en défense des propositions faites par le Premier ministre Alexis Tsipras aux soi-disant «Institutions» [la troïka : FMI, BCE et UE]. Celles-ci seront très probablement à la base d’un nouvel accord. De la même manière, le ministre Nikos Pappas, la «main droite» d’Alexis Tsipras, a défendu les propositions du gouvernement grec sur le programme radio Kokkino ce mardi 23 juin.

    Déclaration de Xekinima (section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière) [du 23 juin 2015]

    Le «deal» proposé par Alexis Tsipras correspond à des coupes budgétaires à hauteur de 7,9 milliards € à partir de maintenant jusqu’à la fin de l’année 2016. À partir de 2017, les excédents budgétaires primaires ne diffèreront pas fondamentalement (environ 0,5%) de ceux qui avaient été acceptés par le gouvernement de coalition Nouvelle-Démocratie-PASOK avec la Troïka.

    Tant Stathakis que Pappas affirment qu’ils ont atteint le «même résultat budgétaire» (exigé par la troïka), mais de manière un plus «équitable», ce qui signifierait de ne pas s’en prendre aux salaires et aux pensions, une plus grande partie de l’effort serait transféré à la charge des plus riches de la société (ce qui, selon eux, respecterait les «lignes rouges» de SYRIZA).

    La réalité est cependant la suivante:

    • Les propositions de montant d’Alexis Tsipras concernant les «mesures supplémentaires» destinées à atteindre cette somme de 7,9 milliards € vise à remettre cet argent aux grands créanciers des institutions capitalistes. Cela représente la somme faramineuse de 4,5% du PIB, ce qui aura inévitablement tendance à pousser l’économie dans une nouvelle récession. Ainsi, la direction de SYRIZA abandonne-t-elle la promesse électorale faite au peuple grec d’annuler les «mémorandums» [les mesures d’austérité draconiennes imposées par la Troïka] et de sortir l’économie grecque de sa profonde récession pour la remettre sur les rails.
    • Le gouvernement grec a tenté de faire reposer plus de «charges» sur les couches les plus riches de la société et sur les entreprises au lieu d’instaurer de nouvelles attaques contre les travailleurs et les pauvres, c’est vrai. Cela ne change toutefois pas la caractéristique fondamentale de l’accord proposé, à savoir qu’en coupant un montant supplémentaire de 7,9 milliards € dans les budgets publics sur un laps de temps de 18 mois, il pousse l’économie dans la récession. La plus grande partie de ces 7,9 milliards € de coupes budgétaires sera payée par la classe des travailleurs à travers une hausse de la TVA sur les biens de consommation de masse et une augmentation des contributions personnelles à la sécurité sociale.
    • Alexis Tsipras a abandonné la promesse de «répudier la plus grande partie de la dette souveraine». Les tentatives de Zoé Konstantopoulou (présidente du parlement grec) et de la «Commission pour la vérité sur la dette publique grecque» qui qualifie la dette grecque comme étant «odieuse, illégitime et illégale» ne devraient finalement représenter qu’un intérêt académique et historique.
    • Alexis Tsipras, depuis le début des négociations avec la Troïka, a abandonné la position de SYRIZA de mettre fin aux privatisations, à la seule exception de l’arrêt du processus visant à vendre la compagnie d’électricité DEI. Cela signifie que l’économie grecque va continuer à fonctionner sous le contrôle du grand capital – grec et international – et sous le règne des «lois» du marché. Dès l’instant où un «accord» est trouvé selon ces lignes, la classe dirigeante imposera au gouvernement de nouvelles mesures qui s’attaqueront à la classe des travailleurs. Cela conduira à une récession plus profonde et à la misère. Sans investissements, il ne peut y avoir de croissance et les conditions dans lesquelles ces investissements auront lieu seront décidées par ceux-là même qui contrôlent les capitaux.
    • Sur base des propositions effectuées par Tsipras, le contrôle du système bancaire est laissé aux mains de Stournaras (le président de la Banque centrale grecque) et de ses caprices. Le système bancaire grec a été «sauvé» par l’Etat grec avec d’énormes quantités d’argent, qui dépassent de loin le PIB du pays. Mais son fonctionnement reste aux mains de ceux qui étaient aux commandes avant l’arrivée au pouvoir du gouvernement dirigé par SYRIZA. Ces individus ne sont pas responsables devant le gouvernement grec (ne parlons même pas de la société grecque), mais devant la Banque centrale européenne. Malheureusement, SYRIZA a accepté la poursuite de ce système pourri et scandaleux.

    Grece_xekinima_02Sur base de ce qui précède, est-il possible d’imaginer que l’économie grecque puisse entrer sur le chemin de la croissance et que SYRIZA applique des politiques favorables à la classe des travailleurs?

    Xekinima (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Grèce (CIO) et parti-frère du PSL) a expliqué, au lendemain de la proclamation du Programme de Thessalonique (le Manifeste électoral de SYRIZA, septembre 2014) qu’en dépit de toutes les bonnes intentions d’Alexis Tsipras et de la direction de SYRIZA, ce programme était inapplicable car reposant sur le fait de considérer le grand capital comme moteur de la croissance et du développement de l’économie grecque. Le Programme de Thessalonique ne considère pas que le secteur public, fonctionnant selon des principes socialistes démocratiques, peut être le moteur de l’économie.

    Comme nous l’avons expliqué à plusieurs reprises ces derniers mois, le capital grec et international, en étroite collaboration avec leurs différentes institutions, ne pourraient jamais soutenir et investir dans une économie sous contrôle et gestion d’un gouvernement de gauche visant à restaurer et accroître le niveau de vie et les droits de la classe des travailleurs et des masses (en particulier dans une région comprenant des pays comme la Bulgarie, où le salaire moyen est de 300 € et la pension moyenne de seulement 125€).

    Au cours de ces dernières années, la direction de SYRIZA n’a pas réussi à comprendre la profondeur réelle de la crise du système capitaliste, non seulement en Grèce mais aussi à l’échelle mondiale. La direction de SYRIZA s’est avérée incapable de comprendre que la crise de la dette souveraine en Europe et la crise de l’euro ne sont que le reflet de la crise du système capitaliste dans son ensemble. Les dirigeants de SYRIZA n’ont pas saisi la nature de classe de l’Union européenne et de la zone euro. Au lieu de cela, ils ont entretenu l’illusion que des propositions «éclairées» de leur part, et en particulier du ministre des Finances Varoufakis, «aideraient» l’Europe à s’engager sur une «voie vertueuse».

    En conséquence de cela, le vieux slogan de SYRIZA – «pas de sacrifices pour l’euro» – a dans les faits été transformé en «encore plus de sacrifices pour l’euro»! La société grecque – les travailleurs, les chômeurs, les pauvres – sont une fois de plus appelés à payer le coût de la crise capitaliste et à rester au sein de la zone euro, mais cette fois par un gouvernement dirigé par SYRIZA!

    Quelle solution?

    Quelle est la solution pour trancher le nœud gordien de l’Euro? Défendre les intérêts et les droits des travailleurs grecs nécessite inévitablement d’entrer en conflit ouvert avec le système capitaliste et l’Union européenne des patrons et des multinationales, sur base d’un programme destiné à faire du secteur public le centre du pouvoir économique, par la nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie dans le cadre d’une planification démocratique de celle-ci. Mener ce combat au côté des travailleurs du continent est essentiel, dans le but d’instaurer une Europe socialiste démocratique.

    La condition préalable pour ce faire est de disposer d’une gauche de masse préparée à entrer en confrontation frontale avec la Troïka et le système capitaliste, une gauche fidèle aux idéaux du socialisme révolutionnaire. La construction de cette gauche reste la tâche la plus importante des marxistes en Grèce dans le cadre des crises que nous subissons.

    La direction actuelle de SYRIZA ne répondra pas à cette tâche. Au sein de SYRIZA, la balle est dans le camp de son aile gauche. Entend-elle franchir l’étape majeure de voter contre les propositions d’Alexis Tsipras quand (et si) elles viennent à être présentées au parlement grec? Entend-elle prendre le risque de se trouver en dehors de SYRIZA, sous le feu d’une offensive de masse de la classe dirigeante et des médias de droite? Considèrera-t-elle comme prioritaire l’objectif de construire un front commun avec les forces extérieures à SYRIZA fidèles aux idées du socialisme et non-sectaires afin de construire une gauche révolutionnaire de masse?

    Grece_xekinima_03

  • Irlande : Condamnation du chantage de la Troïka contre la Grèce au Parlement

    A l'image du gouvernement Michel, le gouvernement irlandais a rejoint le camp de la Troïka. Au Parlement irlandais, notre camarade Paul Murphy (Socialist Party, section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière) a pris la parole pour dénoncer cette attitude du gouvernement qui a "poignardé le peuple grec dans la poitrine et le peuple irlandais dans le dos." Solidarité internationale avec les travailleurs et les jeunes grecs! Non à l'Europée capitaliste, pour une Europe socialiste!

    "Depuis tout ce temps, l'approche de l'establishment européen a été de parvenir à un des deux buts suivants: soit faire chuter le gouvernement grec et le remplacer par un autre plus docile, soit l'humilier et donner le message qu'il ne peut y avoir d'alternative, soit le renforcement du dogme thatchérien pour stopper tout autre force dans la périphérie ou ailleurs en Europe de défier le dogme néolibéral."

  • [VIDÉO] Appel à à manifester ce dimanche 21 juin en soutien au peuple grec

    Plus de 50 organisations appellent à manifester ce dimanche 21 juin contre l’austérité et en soutien au peuple grec. Le rassemblement est prévu à 13h30 à la Gare Centrale de Bruxelles. Des concerts de soutien et une exposition attendront les manifestant dès 15h30 sur la Place de l’Albertine. Cette activité s’inscrit dans le cadre d’une semaine européenne d’action en solidarité avec le peuple grec.

    A quelques jours du sommet du Conseil européen du 25 et 26 juin nous serons nombreux à montrer notre soutien au peuple grec et à exiger une autre Europe, démocratique et de justice sociale.

    Cette vidéo a été réalisée par ZinTV

     

  • État turc: percée historique pour la gauche tandis que l'AKP essuie sa pire défaite en 13 ans

    Quelhdp avenir pour le HDP?

    Le 7 juin a ébranlé le paysage politique de l’État turc. Le soir des élections, de nombreux militants de gauche et kurdes ont ressenti quelque chose de similaire à ce qu’ils avaient vécu au moment du mouvement du Parc Gezi, été 2013. Le parti islamiste et conservateur AKP a subi un plus grand revers que ce que la plupart des sondages avaient prévus en perdant pas moins de 2,6 millions de votes et 69 députés par rapport aux dernières élections législatives de 2011. Le parti de gauche pro-kurde «Parti démocratique du Peuple» (HDP) a remporté 13% des voix, soit plus que le seuil de 10% nécessaire à dépasser pour faire son entrée au Parlement. Ce seuil électoral constitue une mesure extrêmement anti-démocratique mise en œuvre à la suite du coup d’Etat militaire de 1980, précisément pour empêcher partis kurdes d’obtenir la moindre représentation parlementaire.

    Par Michael Gehmacher SLP (section autrichienne du Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO) & et des correspondants de Sosyalist Alternatif (section du CIO dans l’État turc). 

    Des rassemblements spontanés ont eu lieu dans le pays, surtout dans les régions kurdes du sud-est, pour accueillir la percée électorale du HDP. C’est la première fois de l’histoire de la Turquie qu’un parti pro-kurde arrive au Parlement. L’entrée au Parlement de nombreuses militantes du HDP ou encore de nombreux représentants de mouvements sociaux et politiques ou de différents types de minorités revêt une haute valeur symbolique dans le contexte du système politique turc traditionnellement dominé par des hommes de droite assez âgés. Bon nombre des 80 nouveaux élus du HDP appartiennent à des minorités ethniques, religieuses ou sociales. Leur présence au parlement turc est un coup dur pour l’élite nationaliste réactionnaire, tout comme le fut la présence du premier candidat ouvertement gay de l’histoire de la République turque.

    Cette élection a été marquée par une polarisation croissante car, au côté de la percée du HDP, les nationalistes d’extrême-droite du MHP (Parti d’action nationaliste) sont passés de 13% à plus de 16%. La campagne électorale a été secouée d’explosions de violence, en particulier contre le HDP, avec des dizaines d’agressions physiques contre des bureaux du HDP et ses militants à travers le pays.

    Le MHP a attisé le nationalisme turc, en particulier en qualifiant de «traître» l’AKP (Parti pour la justice et le développement, au pouvoir depuis 2002) en raison du processus de paix en cours entre le gouvernement et le mouvement kurde. Mais le MHP a également joué une carte sociale populiste. En combinaison d’éléments nationalistes, le MHP a plaidé pour l’augmentation du salaire minimum, pour la réduction des impôts sur le carburant et pour l’arrêt des licenciements dans le secteur public. Il s’agit d’une autre indication du fait que les questions sociales sont devenues plus importantes en raison des problèmes de l’économie turque et de la crainte de pertes d’emplois.

    L’AKP lèche ses plaies

    La situation sociale et économique qui prévaut actuellement a joué un rôle crucial dans cette élection. Nombreux sont ceux qui ont le sentiment que leurs conditions de vie se sont améliorées au cours des années où l’AKP s’est retrouvé au pouvoir. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles une couche des pauvres, en particulier ceux qui sont visés par les campagnes caritatives de l’AKP, a continué à voter pour ce parti au fur et à mesure.

    Les choses ont toutefois commence à changer. La situation économique s’est détériorée ces deux dernières années, le chômage et l’inflation sont repartis à la hausse et les difficultés ont été croissantes pour des millions de familles de la classe des travailleurs de Turquie. Avec l’accentuation générale des attaques contre les droits démocratiques et le renforcement des tendances autocratiques du régime (extension des pouvoirs de la police, attaques contre les droits syndicaux, emprisonnement de journalistes critiques et de militants opposés au régime, musèlement des médias sociaux, etc.), toute une couche d’électeurs et de partisans de longue date de l’AKP s’en sont détachés. Un des plus grands exemples de ce processus fut la tentative du président Erdogan de s’assurer une majorité parlementaire absolue (des deux tiers) dans le but de modifier la Constitution afin d’accroître son pouvoir personnel. Finalement, l’AKP a perdu sa majorité parlementaire, même simple, en n’obtenant plus que 41% des voix. Cela ouvre une période d’instabilité et d’incertitude politique quant à la formation du prochain gouvernement.

    La victoire du HDP

    Pour la gauche et pour tous ceux qui aspirent à une société meilleure, le remarquable succès électoral du HDP ouvre une fenêtre d’opportunités politiques. Depuis les élections, le HDP est devenu le sujet de de discussions dans les villes.

    Le HDP est une coalition entre groupes, partis et individus de gauche dont le coeur est originaire du mouvement national kurde. Au cours de ces derniers mois, la direction du parti a réussi à mobiliser de nombreux militants de différents mouvements sociaux et politiques, tels que le mouvement LGBTQI (Lesbiennes, Gays, Bisexuel(le)s, Transgenres, Queers et Intersexes) ou des défenseurs de l’environnement. Le BDP kurde (le bras politique du PKK interdit) reste la force dominante à l’intérieur du parti. Mais ce dernier a également commencé à attirer un nombre croissant d’électeurs turcs qui ont tiré la conclusion que l’AKP d’Erdogan et le principal parti d’opposition, le CHP (Parti républicain du peuple, kémaliste), ne représentent pas leurs intérêts. La grande majorité des électeurs du HDP sont des travailleurs, des retraités, de petits agriculteurs et des jeunes dont beaucoup ont été radicalisés par les importantes luttes des travailleurs et des jeunes qui ont eu cours ces dernières années pour exiger de meilleures conditions de travail, refuser le travail précaire, défendre les droits démocratiques, etc. Beaucoup de militants du HDP se considèrent comme socialistes ou communistes.

    Le HDP défend notamment un meilleur système de soins de santé, un système d’éducation plus fort et soutenu par l’Etat, une hausse du salaire minimum à 1.800 livres turques par mois et le raccourcissement de la semaine de travail à 35 heures sans perte de salaire. Tous les autres partis réclament beaucoup moins, mais le fait que le HDP ait amené ces questions sociales au cœur du débat public – même si cela ne dominait pas dans la propagande du parti – a forcé les autres partis à se positionner sur ces questions.

    Globalement, les dirigeants du HDP ont mis davantage l’accent sur des idées vagues de «percée démocratique», de «démocratie radicale», de «grande humanité», etc. La campagne a aussi beaucoup porté sur les droits des minorités nationales et des personnes LGBTQI. La direction du HDP a aussi essayé de surfer sur les sentiments religieux d’une couche de la population. Dans un de ses discours de campagne, Figen Yüksegdag, co-dirigeant du HDP, a déclaré que de la corruption des dirigeants de l’AKP est une «insulte à l’islam». Ce que veut vraiment la direction du HDP n’est pas clair, ce qui est compréhensible au vu du fait que la composition sociale et politique du parti est loin d’être homogène. Le HDP veut-il devenir un nouveau parti des travailleurs ou entend-il se transformer en un parti libéral vaguement de gauche comme le sont les partis Verts dans la plupart des pays européens?

    La crise du capitalisme s’approfondit à travers le monde et la Turquie ne fait pas exception à la règle. Les travailleurs et les jeunes font face à des temps difficiles. Pour défendre les droits démocratiques et lutter pour des conquêtes sociales, un parti militant ancré au sein de la classe des travailleurs sera un instrument crucial, un parti ayant des liens solides avec les syndicats et les mouvements sociaux, un parti où les députés utilisent leur position élue comme plate-forme pour la défense des luttes sociales.

    Si les députés du HDP utilisent la première session parlementaire pour lancer une campagne audacieuse pour leurs revendications sociales et politiques (hausse du salaire minimum, semaine des 35 heures, suppression des lois anti-grève, etc.), ils pourraient gagner beaucoup de respect parmi les travailleurs et la jeunesse du pays. Cela permettrait également d’exposer le double discours de partis comme le CHP «kémaliste» et le MHP d’extrême-droite, qui avaient la hausse du salaire minimum dans leur programme électoral mais ne sont pas prêts à lutter pour faire de cette revendication une réalité. Un nouveau parti des travailleurs défendant leurs intérêts au travers de revendications sociales fortes pourrait grandement croître en Turquie. Des dizaines de milliers de jeunes et de travailleurs ont de grands espoirs envers le HDP pour qu’il joue ce rôle. Il est probable que son nombre d’adhérents augmente fortement.

    Pourtant, de nombreux travailleurs turcs sont toujours hostiles au HDP. Certains d’entre eux considèrent le HDP comme une manœuvre du PKK, comme un parti dominé par d’anciens cadres du PKK, où les décisions importantes sont prises entre le dirigeant emprisonné du PKK, Abdullah Ocalan, et les dirigeants du HDP. C’est une raison importante qui argumente en faveur de structures démocratiques et transparentes. Il est particulièrement important que les travailleurs et les jeunes puissent voir comment les décisions se prennent et qu’ils puissent constater qu’il n’y a pas «d’agenda caché du PKK».

    La direction du HDP a obtenu beaucoup de soutien du peuple turc durant ces élections, mais la grande majorité de ces partisans et électeurs appartiennent à la classe moyenne libérale. Construire un pont entre les travailleurs kurdes et turcs est une tâche essentielle pour l’avenir du mouvement ouvrier en Turquie. Le HDP, compte tenu de son succès électoral, peut faire des pas importants dans cette direction. En se saisissant de tout problème social, de chaque petite grève ou forme de résistance des travailleurs et en utilisant leur position dans les médias et au Parlement, le HDP pourrait devenir une «caisse de résonance» pour l’ensemble de la classe des travailleurs.

    Il est évidemment positif que le HDP ait exclu toute coalition avec l’AKP dès le début. Mais ils devraient aussi exclure sans équivoque toute coalition ou tout soutien à d’autres forces, ce qui n’est pas encore tout à fait clair. Quel que soit le nouveau gouvernement, il sera responsable de coupes sociales et d’une politique de droite. Plutôt que d’appeler tous les partis à être «responsables», à contribuer à la stabilité politique et en donnant priorité aux négociations de coalition avec les forces pro-capitalistes, la direction du HDP doit préparer la résistance à venir. Le HDP pourrait, par exemple, utiliser l’élan de sa campagne électorale réussie et sa position nouvellement acquise pour convoquer des assemblées de masse en invitant les travailleurs, les jeunes, les militants, etc. à venir discuter ensemble de comment construire les prochaines étapes de la lutte.

    L’expérience de nombreux partis de gauche à travers le monde montre qu’après des succès électoraux initiaux, le danger est réel que ces partis s’orientent ensuite vers la droite. Pour éviter cela, il faut développer un programme politique cohérent, des structures démocratiques à tous les niveaux et une implication active de la base.

    Défendre une véritable orientation socialiste pour le HDP, basée sur le soutien à l’action de masse de la classe des travailleurs et sur la nationalisation des banques et des grandes industries, sera une tâche clé des militants dans la période à venir. Construire des connexions organiques avec la base des mouvements sociaux et syndicaux sera également crucial pour assurer que cette formation ne finisse pas dans un bourbier de compromis politiques, de coalitions avec les forces pro-capitalistes et d’application de la politique d’austérité.

  • Grèce. Le temps presse pour SYRIZA

    tsipras_juin_01Les travailleurs et les pauvres n’ont pas à subir de nouvelles mesures d’austérité calamiteuses
    Un «Grexit» se profile-t-il à l’horizon? Récemment, la Grèce a semblé faire un pas de plus en direction du défaut de paiement de sa dette publique et sur la voie de sa sortie de la zone euro. Athènes tente depuis un bon moment de parvenir à un accord avec l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international (la Troïka, dorénavant appelée «Institutions») pour avoir accès à plus de 7 milliards d’euros de renflouement. La Grèce étant en manque d’argent, elle a besoin d’obtenir de nouveaux fonds d’ici la fin du mois de juin pour éviter un défaut de paiement. Mais ses créanciers ont mis des conditions véritablement draconiennes pour tout accord (qui signifient d’instaurer de nouvelles mesures d’austérité), ce que le gouvernement de gauche Syriza a, jusqu’ici, refusé d’accepter.

    Article de Niall Mulholland, publié le 10 juin dernier à partir de l’hebdomadaire The Socialist n°859, publication de nos camarades du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

    La Troïka a exigé d’opérer des coupes dans le budget des retraites, de réaliser de nouvelles privatisations, une ‘réforme’ du marché du travail, une augmentation de la TVA et d’autres attaques contre une sécurité sociale déjà aux abois. Les contre-propositions émises par le Premier ministre grec, Alex Tsipras, ont été catégoriquement rejetées par la Troïka. L’attitude hautaine et néocoloniale de cette dernière a provoqué le gouvernement grec à déclarer qu’il ne n’allait pas verser les 300 millions d’euros qu’il devait rembourser pour le 4 juin. Au lieu de cette date, la Grèce verserait ce montant ainsi que d’autres dus au FMI plus tard dans le mois.

    D’intenses tensions

    Illustrant les tensions qui existent entre la Troïka et le gouvernement grec, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a lancé une attaque verbale furieuse contre Tsipras au début du sommet du G7 qui s’est tenu en Allemagne. Tsipras est mis sous une pression immense de la part des élites dirigeantes et des ‘marchés’ internationaux pour conclure un accord avec la Troïka alors qu’il fait parallèlement face à la colère de l’opposition à toute nouvelle mesure d’austérité qui vit parmi la classe des travailleurs grecque et chez l’aile gauche de SYRIZA.

    Aujourd’hui, un tiers des Grecs vit déjà officiellement sous le seuil de pauvreté (la réalité est plus proche des 50%) et le ménage grec moyen a perdu 40% de ses revenus depuis 2010.

    Tsipras et la Troïka se disputent concernant la taille que devrait avoir l’excédent budgétaire des autorités grecques. Mais en tenant compte du paiement des intérêts, la dette publique est tout simplement impayable. Le montant de celle-ci équivaut à 175% du revenu national (PIB).

    Une croissance? Quelle croissance?

    Pourtant, les idéologues néolibéraux égarés dans les institutions de l’Union européenne insistent sur le fait que l’économie grecque peut croître de près de 3,5% en moyenne pour chacune des cinq prochaines années, ce qui réussirait à faire revenir la dette à 120% du PIB. Il serait alors possible, selon leur théorie fantaisiste, que la Grèce se tourne à nouveau vers les marchés financiers pour emprunter de l’argent, en dépit d’une économie une nouvelle fois ravagée par de nouvelles coupes budgétaires imposées par la Troïka.

    Le journaliste de la BBC Robert Peston estime de son côté que, même sur base des prévisions de croissance absurdes de la Troïka, il faudrait cinquante années d’austérité pour que la dette publique grecque retombe à des niveaux «soutenables». Même le FMI, réalisant à quel point cette position est absurde, aurait fait pression dans le passé pour une radiation partielle de la dette de la Grèce.

    Mais cela a fortement été contesté par les puissances de la zone euro, par l’Allemagne en particulier, qui craignent qu’un allégement de la dette entraîne d’autres pays endettés – comme le Portugal, l’Espagne et l’Irlande – à exiger un traitement similaire.

    Lors du sommet du G7, le président américain Barack Obama a appelé à un «compromis» entre l’UE et la Grèce, mais en précisant qu’Athènes aurait à faire «des choix politiques difficiles». Washington craint que la sortie de la Grèce de la zone euro ait des répercussions néfastes sur une économie mondiale anémique.

    La Maison Blanche (mais aussi l’Allemagne et d’autres puissances européennes) craint également que le régime de Poutine saisisse l’occasion pour accorder une aide financière à la Grèce et user de son influence sur des membres de l’OTAN pour gêner les puissances occidentales.

    ‘Grexit’

    Un «Grexit» est une possibilité réelle, que cela soit par «accident» ou volontairement. Sous l’immense pression de la classe des travailleurs grecque, qui souffre depuis longtemps de l’impact des politiques antisociales, le gouvernement Syriza pourrait décider de refuser les nouveaux diktats de la Troïka et se retrouver ainsi jeté hors de la zone euro.

    Anticipant cette possibilité, l’agence de notation Moody a annoncé une perte de 5 milliards d’euros des dépôts des banques grecques en mai. Elle s’attend à ce que la ruée sur les banques conduise à des contrôles de capitaux.

    Un Grexit mettrait un terme à l’austérité imposée de l’extérieur et permettrait au gouvernement grec de dévaluer sa monnaie et de radier une grande partie de sa dette. Exporter reviendrait ainsi meilleur marché, c’est vrai, mais les importations coûteraient par contre plus cher, ce qui aurait un effet négatif sur l’épargne et les conditions de vie de la population ordinaire. En restant au sein des limites du système capitaliste, un Grexit ne résoudrait aucun des problèmes fondamentaux auxquels sont confrontées l’économie et la société grecques.

    En dépit du fait que les puissances de la zone euro estiment être mieux préparées à l’éventualité d’un Grexit par rapport à il y a quelques années, elles restent inquiètes quant aux conséquences politiques possibles : «l’intégration européenne» et l’orthodoxie austéritaire seraient confrontées à de graves revers.

    A moins que Tsipras ne se plie complètement aux exigences de la Troïka, avec des conséquences désastreuses pour SYRIZA, il est encore possible que la Grèce et la Troïka parviennent à la conclusion d’un nouvel accord «truqué» impliquant la révision à la baisse des exigences antisociales des créanciers et le versement de nouveaux fonds à Athènes pour faire face aux remboursements de la dette, avec même la possibilité d’un «oubli » d’une certaine partie de la dette.

    Aucun trucage!

    Tsipras a menacé de soumettre ce genre d’accord à un référendum ou à convoquer de nouvelles élections. Mais pour les travailleurs et les pauvres, il ne peut y avoir le moindre trucage à propos de l’effet désastreux de toute nouvelle mesure d’austérité. Au sein de ce système capitaliste en pleine faillite, la grande majorité de la population grecque devra faire face à des difficultés sans fin, que cela soit au sein ou en dehors de la zone euro.

    Xekinima (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Grèce et section-sœur du PSL) appelle SYRIZA à être cohérent avec ses promesses électorales anti-austéritaires et à rompre avec l’austérité en adoptant un programme de type socialiste.

    Cette approche inclut de refuser de rembourser la dette publique; d’instaurer un contrôle sur les flux de capitaux ainsi que le monopole d’Etat sur le commerce extérieur; de nationaliser les banques et les secteurs fondamentaux de l’économie sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs; de créer de l’emploi pour tous avec de bons salaires; d’instaurer un accès gratuit à des soins de santé de qualité, à l’enseignement et de renforcer considérablement la sécurité sociale. Une planification de l’économie basée sur la satisfaction des besoins de la population et non sur la soif de profits des capitalistes – une réorganisation socialiste de la société – mettrait un terme aux crises économiques, à la pauvreté, au chômage et à l’émigration forcée.

    Pour y parvenir, il est essentiel de renforcer une ligne de politiques d’indépendance de classe à l’intérieur et à l’extérieur de SYRIZA. Cela signifie concrètement la création d’assemblées populaires et de comités d’action impliquant la base des travailleurs sur les lieux de travail et dans les quartiers.

    La participation active de la classe des travailleurs et des jeunes dans la lutte contre la Troïka pour une alternative socialiste est essentielle. Cela ferait appel à l’imagination des travailleurs et des jeunes à travers l’Europe pour combattre l’austérité et lutter pour une Europe socialiste démocratique.

  • Contre l’Europe du capital: Ne laissons pas les Grecs lutter seuls!

    ls202_versoCes dernières décennies, on nous rabâche les oreilles avec l’idée que, pour soutenir notre économie, il faudrait rendre nos entreprises plus compétitives, et ce au détriment de nos conditions de travail et de salaire. Bien entendu. Lorsque l’économie va mal, ce sont systématiquement vers les travailleurs et les chômeurs que l’on regarde…

    Lorsque nous revendiquons des salaires décents et de vrais contrats de travail pour tous, nous sommes, selon l’idéologie dominante, des égoïstes. D’après le dogme néolibéral, l’austérité – avec des cures de plus en plus sévères – représente la seule méthode pour sortir de l’impasse. Cette vision des choses est partagée par l’ensemble des partis traditionnels et des institutions internationales, comme l’Union européenne, qui l’exerce avec une agressivité féroce. Pourtant, même des organisations que l’on ne peut qualifier de gauche défendent que l’austérité n’est en rien une solution, que du contraire.

    Les politiques d’austérité conduisent à des inégalités inédites au sein des pays industrialisés de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Ainsi, les 10% les plus riches ont un revenu près de dix fois plus élevé que les 10% les plus pauvres. En 1980, c’était sept fois plus. On ne parle ici que des salaires , les inégalités de fortune étant encore plus importantes. L’OCDE – qui n’est pas précisément une association de gauche radicale… – préconise même d’assurer de toute urgence une meilleure répartition des richesses tant les inégalités deviennent une menace pour l’économie.
    L’austérité n’est pas néfaste pour tous, loin de là. L’establishment et les spéculateurs n’hésitent pas à enfoncer la majorité de la population dans la pauvreté afin de s’enrichir encore plus. Mais pour l’OCDE, cela menace les bases mêmes du système capitaliste, c’est le serpent qui se mord le bout de la queue. Angel Gurria, Secrétaire général de l’OCDE, a ainsi expliqué: ‘‘Ce n’est en rien idéologique. Plus d’égalité des revenus, cela crée plus de croissance économique, plus de cohésion sociale et plus de confiance envers la politique.’’

    Pourtant, on nous répète inlassablement que c’est la crise, qu’il faut nous serrer la ceinture. Mais ce ‘nous’ ne fait référence qu’aux jeunes, aux travailleurs et allocataires sociaux, car la crise représente une opportunité de s’enrichir encore plus pour l’élite capitaliste. Toutefois, l’arrogance des super-riches qui en veulent sans cesse plus et l’application servile des préceptes néo-libéraux par les politiciens à leurs bottes conduisent à une résistance sociale grandissante.

    Ainsi, l’austérité croissante entraine une grande instabilité politique à travers l’Europe. Les différentes élections sont marquées par une polarisation accrue. De nouvelles formations populistes de droite, mais aussi d’autres réunissant des forces de gauche, paraissent sur le devant de la scène. Ces dernières années ont également été marquées par une croissance des luttes sociales, avec notamment de grandes mobilisations en Europe du Sud. Comme l’a illustré le plan d’action de l’automne 2014 en Belgique, cette vague de protestations commence à déferler sur le Nord de l’Europe.

    Malgré cela, l’Union européenne et les gouvernements capitalistes restent jusqu’à présent encore obstinément bloqués sur la même ligne politique d’inégalités croissantes et d’austérité, condamnant un nombre croissant de personnes à la pauvreté. De la sorte, l’élite capitaliste essaye de faire plier le gouvernement de gauche en Grèce, dans le but d’ensuite mettre cet exemple en exergue pour tenter de nous convaincre que toute résistance est futile et que nous devons nous soumettre à l’austérité.

    Force est de constater que nous ne parviendrons pas à convaincre l’establishment capitaliste avec de bons arguments, aussi judicieux soient-ils. Voilà ce qui ressort des ‘‘négociations’’ entre le gouvernement grec et l’Union européenne. La lutte et une mobilisation à la base de la société sont nécessaires et cruciales. Même les experts du FMI doivent bien reconnaitre que cela fonctionne, au contraire des négociations. Deux chercheurs du FMI ont d’ailleurs écrit dans un rapport que des syndicats forts retardent l’accroissement des inégalités. Et si ces dernières sont moins fortes en Belgique que dans d’autres pays, cela est d’ailleurs à mettre en lien avec la force des syndicats dans notre pays.

    L’establishment capitaliste est organisé au niveau international pour s’en prendre à notre niveau de vie. Nous devons donc riposter en nous organisant au-delà des frontières étatiques. La manifestation européenne contre le prochain sommet de l’UE, fin juin, est en cela une bonne étape. Il est temps de nous organiser à l’échelle européenne avec une action syndicale forte et des journées d’action européennes qui ne se résument pas à des promenades symboliques dans les rues de Bruxelles. Le plan d’action de l’automne 2014 avait grandement affaibli le gouvernement de droite, imaginons quel serait l’impact d’une telle approche mobilisatrice au niveau européen…

    Dans cette lutte, les travailleurs doivent utiliser leurs deux bras : d’une part, la force mobilisatrice du syndicat et d’autre part, une alternative politique au système capitaliste nauséabond. Des premières tentatives ont été faites en ce sens, notamment avec SYRIZA en Grèce et Podemos en Espagne. Ces formations sont actuellement testées dans la pratique, par la confrontation à la machine austéritaire de l’UE, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international.

    Utilisons nos deux bras ! Jouons sur la force de notre nombre et défendons ensemble un programme de rupture anticapitaliste et socialiste démocratique !

    => Ce 21 juin : Manifestation et concerts «Avec les Grecs»

  • La Méditerranée, ce charnier du capitalisme

    crise_refugiesLes drames récents en mer Méditerranée sont une macabre illustration de l’incapacité du système à répondre aux crises qu’il génère. Les guerres, la misère économique, les dégradations environnementales, l’instabilité politique, l’absence de sécurité et le non-respect des droits élémentaires entrainent une augmentation des demandes d’asile. Quelle est la réponse du capitalisme et de ceux qui défendent ce modèle ? Quelle alternative mettons-nous en avant ?

    Par Alain (Namur)

    Le drame du 19 avril 2015 et le chacun-pour-soi de l’Union européenne

    Le naufrage d’un bateau à 220 kilomètres de L’ile Lampedusa en Italie a causé la mort d’environ 700 personnes. Selon C. Sami, porte-parole du Haut-Commissariat aux Réfugiés, si ces chiffres se confirment il s’agit de ‘‘la pire hécatombe jamais vue en Méditerranée’’. Cette mer devient la route la plus dangereuse du monde. (Libération, 19 avril 2015)

    Le nombre de morts en Méditerranée est en augmentation depuis que l’Europe a repris les missions de sauvetage par l’intermédiaire de son agence Frontex. En 2013, suite à la pression populaire et à l’émotion suscitée par les drames à répétition sur ses côtes, l’Italie avait mis en place une opération de surveillance et de sauvetage au large de ses côtes, nommée Mare Nostrum. Celle-ci a permis de sauver 150.000 personnes en un an. Toutefois, dans les pays du sud de l’Europe – particulièrement touchés par la question migratoire – tous les courants de droites ont instrumentalisé cette question. Ainsi, en Italie, la Ligue du Nord, l’ancien parti de Berlusconi, mais aussi Beppe Grillo (du Mouvement des 5 étoiles) ont critiqué cette démarche. Ils ont notamment mis en avant le cout : 9 millions d’euros à la seule charge de l’Italie.

    L’Union européenne a depuis développé sa propre opération de sauvetage nommée Triton. Cependant, les moyens affectés ne sont que de 2,9 millions d’euros avec moins de matériel alloué pour mener à bien cette tâche. Pour l’Union européenne, la seule solution est la répression et la militarisation. La Commission européenne a décidé de dépêcher des bâtiments de guerre au large des côtes libyennes et lancent des opérations de type Mos Maiorum visant à arrêter les immigrants en situation irrégulière.

    Parallèlement à cela, le Président de la Commission européenne émet également l’idée de répartir les réfugiés entre les différents pays de l’UE par une méthode de quotas qui seraient fonction du nombre d’habitants et de paramètres économique. Mais cette idée se heurte à la résistance de plusieurs pays comme le Royaume-Uni, la Pologne et les États baltes.

    Les causes des migrations

    Depuis que l’humanité est, des phénomènes migratoires ont existé. Ceux-ci ont eu des causes multiples à travers l’Histoire. Poussé par la recherche de nourriture, par des contraintes écologiques, par la compétition pour les ressources naturelles (etc.), l’Homme s’est déplacé. L’espèce humaine telle que nous la connaissons est née près de la vallée du Rift et a, depuis, colonisé toutes les niches écologiques habitables.

    À l’heure actuelle, les crises du système et ces différentes manifestations poussent les gens à émigrer et à aller demander l’asile. Les chiffres du Haut-Commissariat aux Réfugié(e)s sont clairs : 900.000 demandes d’asile ont été enregistrées en 2014. C’est une augmentation de 45% par rapport à 2013. L’origine des demandeurs est à mettre en parallèle avec les actuelles impasses géostratégiques de la politique occidentale au Proche et Moyen- Orient : 150.000 demandes de Syriens (une demande d’asile sur cinq dans les pays industrialisés), 68.000 demandes d’Irakiens, 60.000 demandes d’Afghans, suivent ensuite les Serbes et les Érythréens.

    En termes de pays d’accueil, pour les pays industrialisés, c’est l’Allemagne et les États-Unis qui ont recueilli le plus de demandes (respectivement 173.000 et 121.000). Mais ne nous y trompons pas ! Si tous les courants de droite utilisent cette question pour diviser les travailleurs sur base de l’austérité, il faut rappeler que la plupart des déplacés de pays en crise le sont au sein du pays lui-même et dans les pays voisins. La Turquie accueille ainsi 1,5 million de réfugiés syriens.

    Les immigrés, une main d’oeuvre bon marché

    Pour le patronat, il est très intéressant de disposer d’une main-d’oeuvre bon marché et pour qui s’organiser pour défendre ses revendications reste compliqué. Cela permet de faire pression à la baisse sur les conditions de travail et de vie de tous les salariés. C’est ainsi que le ministre de l’Intérieur italien A. Alfano a rappelé qu’il était légalement possible de faire travailler les migrants gratuitement. Actuellement, c’est en Allemagne que ce débat connait le plus de vigueur, notamment face à l’émergence du mouvement anti-immigration et anti-islam Pegida. Le patronat soutient l’immigration choisie pour son industrie afin de diviser les travailleurs pour toucher toujours plus de profits. En effet, au-delà du vieillissement de la population, les patrons allemands sont confrontés à une remontée des luttes syndicales. Ces dernières ont récemment conduit à l’adoption d’un salaire minimum, mais aussi à des augmentations substantielles de salaires, notamment dans le secteur de la métallurgie.

    Notre réponse : la solidarité au-delà des frontières et quel que soit le statut.

    Contrairement à ce que propose le secrétaire d’État à l’Asile et aux Migrations Théo Francken (N-VA), nous ne pensons pas que bombarder les bateaux au départ des côtes africaines soit la solution! Les voies terrestres et aériennes étant bloquées, l’Union européenne veut désormais s’attaquer à la voie maritime. Cependant, tant que les causes profondes qui poussent les personnes à émigrer seront présentes, on ne fera qu’amonceler des tombes à nos frontières.

    Le bombardement de la Lybie par les États impérialistes y a créé des conditions de quasi-guerre civile. Dans cette situation, des seigneurs de guerre et des bandes mafieuses se livrent au commerce de la misère humaine. Le même processus est à l’oeuvre en Irak et en Afghanistan. La déstabilisation de la Syrie n’a fait qu’amplifier le phénomène. Nous devons continuer à nous opposer à toutes les guerres et interventions impérialistes, car comme la situation actuelle l’indique, elles ne créent que davantage de misère. Il nous faut soutenir dans ces pays les mobilisations des masses en faveur de l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail.

    Nous devons également nous battre dans notre propre pays pour lutter contre la politique d’austérité. En effet, c’est au nom de ce genre de politique que l’Italie a abandonné Mare Nostrum. Nous devons aussi lutter pour renforcer l’organisation et l’implication dans la lutte de tous les travailleurs, quel que soit leur statut. Cela permettra de lutter contre la concurrence entre travailleurs dans la situation de chômage de masse que nous subissons. L’implication des travailleurs sans-papiers dans les récentes manifestations et actions syndicales est en ce sens un excellent signal d’unité.

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