La campagne ROSA en Irlande a appelé à un certain nombre d’actions suite à l’acquittement d’une homme pour le viol d’une jeune femme de 17 ans.
Article repris du Socialist Party (section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière), organisation à l’initiative de la campagne ROSA – Irlande
« Est-ce que la preuve écarte la possibilité qu’elle ait été attirée par l’accusé et qu’elle ait été ouverte à rencontrer et à être avec quelqu’un ? Vous devez voir comment elle était habillée. Elle portait un string avec de la dentelle. »
Ces commentaires de l’avocate de la défense Elizabeth O’Connell dans un procès pour viol à Cork ont suscité l’indignation partout en Irlande et sur la scène internationale. L’avocate parlait d’une femme de 17 ans, et sans aucune objection de la part du juge. Ces remarques sont un exemple clair de l’utilisation de mythes sur le viol et du blâme des victimes en audience publique. Et ceci se produit alors que la majorité des viols et des agressions sexuelles ne sont déjà pas signalés et où seulement 10 % des signalements aboutissent à une condamnation.
Protestations dans toute l’Irlande
Sous le hashtag #ThisIsNotConsent, les femmes ont affiché des photos de leurs sous-vêtements. Des manifestations ont eu lieu dans différentes villes d’Irlande très rapidement. À Cork, 500 personnes ont marché jusqu’au palais de justice – où les commentaires ont été faits – beaucoup laissant des sous-vêtements sur les marches et les rampes de l’édifice. 500 personnes ont également manifesté dans le centre de Dublin, 250 à Belfast, 50 à Limerick et 40 à Galway. La plupart de ces protestations ont été lancées à l’initiative de ROSA – un mouvement socialiste féministe, initiative du Socialist Party.
Cette explosion de colère reflète le fait que, de plus en plus, les femmes et les jeunes ne sont plus prêts à accepter les reproches faits aux victimes et la misogynie omniprésente dans la société. En mars/avril de cette année, des milliers de personnes sont descendues dans la rue après l’acquittement de joueurs de rugby d’Ulster lors d’un procès pour viol à Belfast, où des tactiques similaires de blâme de la victime ont été utilisées. Un grand nombre de personnes ont participé activement à la campagne pour le referendum pour obtenir le droit à l’avortement en Irlande.
Il y a deux semaines, des employés de Google à Dublin ont quitté leur emploi pendant quelques heures dans le cadre d’une action mondiale contre le harcèlement sexuel. Ce dernier exemple montre le potentiel qu’ont les travailleurs de s’organiser sur leur lieu de travail pour lutter contre le sexisme, une question que le mouvement syndical doit prendre au sérieux.
Un string dans le Dáil (parlement irlandais)
Ruth Coppinger, élue parlementaire de Solidarity et membre du Socialist Party, a apporter cette discussion au sein du parlement lorsqu’elle a interrogé Leo Varadka, exigeant que le gouvernement prenne des mesures contre le blâme des victimes en montrant un string au sein de l’assemblée parlementaire. Il s’agit probablement d’une première dans l’histoire du Dáil. Et les caméras se sont rapidement éloignées de « l’objet offensant ». Cependant, comme Ruth l’a fait remarquer, si c’est incongru de montrer un string au parlement national, ce l’est encore plus pour des sous-vêtements utilisés devant un tribunal comme preuve contre une femme.
L’intervention audacieuse de Ruth a suscité une grande attention de la part des médias nationaux ainsi que les mobilisation qui ont suivi. Fait significatif, cela a également fait l’objet d’une couverture médiatique dans des pays aussi divers que la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Inde, la Turquie, le Canada, les États-Unis (y compris le New York Times, Newsweek et CNN) et dans de nombreux pays d’Europe.
Grève à l’occasion de la Journée internationale de la femme
Il existe un potentiel pour un nouveau mouvement autour de la question du blâme des victimes et de la violence sexiste. ROSA appelle à de grandes manifestations et à des grèves à l’occasion de la Journée Internationale de lutte pour les droits des femmes en 2019. Nous nous inspirons de l’exemple espagnol, où une « grève féministe » de 2018 a fait sortir des millions de personnes du travail et dans la rue.
Ce mouvement doit absolument revendiquer et lutter pour des changements tels que la formation obligatoire des juges et des jurys dans les cas de violence sexuelle et l’éducation au consentement dans les écoles. Toutefois, le cas de Cork n’est pas un exemple isolé. Le blâme des victimes et la misogynie sont endémiques dans le système judiciaire, dans l’État et dans la société en général dans un système capitaliste qui porte le sexisme et l’inégalité en son sein. Nous devons construire un mouvement de femmes, de jeunes, de personnes LGBTQI+ et de tous les groupes composant la classe des travailleurs autour d’un programme anticapitaliste et féministe socialiste – qui remet en cause ce système et toutes les injustices qu’il perpétue.
Des dizaines de milliers d’étudiants ont participé aujourd’hui à l’appel à la grève étudiante lancé dans l’Etat espagnol par Libres y Combativas (organsiation-soeur de la Campagne Rosa) et le Sindicato de Estudiantes (organisation-soeur des Etudiants de Gauche Actifs). Voici ci-dessous le texte de leur appel.
L’année dernière, des millions de travailleuses, de jeunes et d’étudiantes ont rempli les rues et ont porté un coup massif à ce système qui justifie, défend et légitime les violences contre les femmes. Nous avions aussi des milliers d’hommes à nos côtés qui soutenaient nos revendications et participaient à la lutte. La grève générale féministe historique du 8 mars en particulier ainsi que les mobilisations contre la condamnation honteuse de la « meute », en particulier la grande grève générale des étudiants du 10 mai ont clairement marqué un tournant dans la lutte.
Le mouvement féministe a joué un rôle clé dans la chute du gouvernement Rajoy et ce n’est pas un hasard si le nouveau gouvernement du PSOE veut hisser le drapeau féministe. Cependant, leur « féminisme » a été exposé avec les déclarations de leurs nouvelles ministres femmes qui annonçaient qu’elles ne pouvaient rien faire en ce qui concerne la libération honteuse des violeurs de « la Meute » par respect pour le système de justice patriarcal. Le Syndicat des Etudiants (SE) et Libres y Combativas (Libres et Combatives, la plateforme féministe socialiste du SE et d’Izquierda Revolucionaria) savent très bien ce qu’elles/ils devraient faire : exiger l’expulsion définitive du système judiciaire et poursuivre en justice ces juges qui encouragent la violence faite aux femmes.
Pour une éducation sexuelle inclusive maintenant ! Grève générale des étudiant.e.s le 14 novembre
La lutte contre le sexisme est également une tâche importante dans le mouvement éducatif. Une année après l’autre, des milliards de dollars d’argent public sont remis à la hiérarchie de l’Église catholique, qui enseigne le sexisme, l’homophobie, la transphobie et mène des campagnes contre le droit à l’avortement. Nous devons également subir des avertissements, et même des sanctions, lorsque nous portons des manches courtes ou des shorts en été, car cela pourrait « provoquer une impulsion irrépressible » ! Le fait que de tels arguments puissent être utilisés dans nos écoles est dégoûtant. Nos vêtements et nos corps ne provoquent rien ! Nous ne vivons plus sous le franquisme !
Il est temps de construire un grand mouvement d’étudiants et de jeunes contre le sexisme dans toutes les écoles et universités et d’exiger que le gouvernement de Pedro Sanchez et le ministre de l’Éducation cessent d’ignorer cette question et mettent un terme à cette situation.
État espagnol/14 nov – Grève générale des étudiants ! Le sexisme hors de nos écoles !
L’année dernière, des millions de travailleuses, de jeunes et d’étudiantes ont rempli les rues et ont porté un coup massif à ce système qui justifie, défend et légitime les violences contre les femmes. Nous avions aussi des milliers d’hommes à nos côtés qui soutenaient nos revendications et participaient à la lutte. La grève générale féministe historique du 8 mars en particulier ainsi que les mobilisations contre la condamnation honteuse de la « meute », en particulier la grande grève générale des étudiants du 10 mai ont clairement marqué un tournant dans la lutte.
Le mouvement féministe a joué un rôle clé dans la chute du gouvernement Rajoy et ce n’est pas un hasard si le nouveau gouvernement du PSOE veut hisser le drapeau féministe. Cependant, leur « féminisme » a été exposé avec les déclarations de leurs nouvelles ministres femmes qui annonçaient qu’elles ne pouvaient rien faire en ce qui concerne la libération honteuse des violeurs de « la Meute » par respect pour le système de justice patriarcal. Le Syndicat des Etudiants (SE) et Libres y Combativas (Libres et Combatives, la plateforme féministe socialiste du SE et d’Izquierda Revolucionaria) savent très bien ce qu’elles/ils devraient faire : exiger l’expulsion définitive du système judiciaire et poursuivre en justice ces juges qui encouragent la violence faite aux femmes.
Pour une éducation sexuelle inclusive maintenant ! Grève générale des étudiant.e.s le 14 novembre
La lutte contre le sexisme est également une tâche importante dans le mouvement éducatif. Une année après l’autre, des milliards de dollars d’argent public sont remis à la hiérarchie de l’Église catholique, qui enseigne le sexisme, l’homophobie, la transphobie et mène des campagnes contre le droit à l’avortement. Nous devons également subir des avertissements, et même des sanctions, lorsque nous portons des manches courtes ou des shorts en été, car cela pourrait « provoquer une impulsion irrépressible » ! Le fait que de tels arguments puissent être utilisés dans nos écoles est dégoûtant. Nos vêtements et nos corps ne provoquent rien ! Nous ne vivons plus sous le franquisme !
Il est temps de construire un grand mouvement d’étudiants et de jeunes contre le sexisme dans toutes les écoles et universités et d’exiger que le gouvernement de Pedro Sanchez et le ministre de l’Éducation cessent d’ignorer cette question et mettent un terme à cette situation.
Pour ces raisons, le SE (Syndicat des Etudiants) et Libres y Combativas appellent tous les jeunes à participer à une grève générale des étudiants le 14 novembre dans tout l’Etat, ainsi qu’à des manifestations. Les objectifs de cette grève sont très concrets. Nous exigeons que le gouvernement mette en œuvre immédiatement un programme d’éducation sexuelle inclusif, obligatoire dans toutes les écoles, pour enseigner que malgré notre sexe, notre orientation ou notre identité de genre, nous sommes libres d’être qui nous sommes. Ce programme devrait être enseigné dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur et devrait contribuer à combattre le sexisme, les abus, la culture du viol, l’homophobie et la transphobie.
Nous exigeons également que le gouvernement élimine toutes références sexistes aux vêtements des femmes dans les règlements scolaires internes, en défendant explicitement les droits de toutes les sexualités, de tous les genres et de la communauté LGBTQI+. Nous appelons à des mesures disciplinaires sévères à l’encontre des enseignants qui, même s’ils sont minoritaires, défendent des attitudes sexistes.
Nous appelons toutes les organisations et plateformes féministes, tous les mouvements sociaux et toutes les organisations syndicales et politiques de gauche à soutenir cette grève et à se joindre à nous dans des manifestations pour nos revendications.
Nous voulons le respect et la dignité, la liberté d’être qui nous sommes, la fin des abus et de l’humiliation. Nous voulons des actes, pas des mots. En avant pour une grève générale étudiante le 14 novembre ! Videz les salles de classe et remplissez les rues !
Le sexisme hors des salles de classe, hors du système judiciaire et de toutes les institutions ! STOP aux violences contre les femmes !
Publié sur Libres y Combativas (organisation-soeur de ROSA dans l’état espagnol).
Rassemblement devant le siège de la France insoumise mardi 16 octobre, juste après l’annonce des perquisitions
La justice à plusieurs vitesses, les perquisitions ciblées ou les assignations à résidence ne sont pas des méthodes nouvelles du pouvoir politique en France. Mais Macron en fait un usage assez systématique. Ce fut le cas pendant les mobilisations étudiantes contre Parcoursup l’an dernier qui ont abouti mercredi 17 octobre à la condamnation à 6 mois de prison ferme pour un étudiant mobilisé. C’est le cas aussi avec le harcèlement que subit Cédric Herrou qui en est à sa 10ème garde-à-vue/arrestation, sans compter les procès menés contre les militants syndicalistes postiers du 92, les cheminots grévistes du printemps dernier, etc… La répression des militants syndicalistes, des lanceurs d’alerte, des militants soutenant les migrants s’est amplifiée sous Sarkozy puis Valls et Hollande. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la perquisition à grande échelle qu’a subi la France insoumise mardi 16 octobre.
Article de la Gauche Révolutionnaire (CIO-France)
Pourquoi cette opération de perquisitions à la France insoumise ?
Le droit de perquisitionner Mélenchon, les locaux de la FI, du PG et les domiciles d’anciens assistants parlementaires a été donné vendredi dernier dans le cadre de la recherche d’éléments permettant d’ouvrir une enquête judiciaire contre Mélenchon sur l’embauche de ses assistants au Parlement européen et dans le même temps sur les comptes de campagne présidentielle. Il n’y a pour le moment aucune instruction judiciaire.
Le procureur de la république qui était sur les lieux a été envoyé par Macron. Il a fait le choix de perquisitionner avec près de 100 flics mobilisés simultanément mardi matin, jour de l’annonce officielle du gouvernement Philippe II et des débats à l’assemblée. Et le procureur a fait donner l’ordre de bloquer les responsables de la FI qui voulaient entrer dans leurs locaux et assister à la perquisition. Hasard ? Nous ne croyons pas ! L’affaire des assistants parlementaires remonte pourtant à 2012, alors même que la France insoumise n’existait pas. Quant aux comptes de campagne, ils ont déjà été validés officiellement.
Aujourd’hui l’ensemble des fichiers de la FI, ceux des membres des groupes d’action, les débats sur les plateformes… sont dans les mains du procureur. Une aubaine pour compléter les informations des renseignements territoriaux et mieux cerner le mouvement et l’ambiance.
Cette justice n’en est pas une !
Elle est à la solde du pouvoir. Le traitement de l’affaire Mélenchon est dès le départ hypermédiatisée et surjouée par le pouvoir. Pour rappel, le président Lorgerot de la cour des comptes a émis publiquement des doutes sur les comptes de campagne de la candidature Mélenchon, alors même que les comptes avaient été validés par cette même commission. Puis il s’est vu offrir une prime pour ses bons et loyaux services par le gouvernement lui-même (57% d’augmentation de salaire) ! Macron et LREM craignent une défaite aux prochaines élections et vont chercher à affaiblir les forces qui s’opposent à eux.
Ce n’est pas à Macron et à ses sbires de décider si a été commise une infraction. Il faut une commission indépendante du pouvoir. C’est la seule apte à enquêter sur l’ensemble des comptes de campagne et sur l’utilisation des fonds parlementaires, y compris ceux de Macron et du RN.
L’affaire Benalla avait soulevé le voile cet été sur un système d’hommes de mains à la solde des présidents, système qui a toujours dû exister mais que Macron a poussé plus loin en voulant avoir sa police privée.
Le caractère autoritaire du régime de Macron se renforce. Lui et son gouvernement sortent affaiblis d’un an et demi de pouvoir. La base des électeurs qui ont voté pour Macron s’effrite rapidement depuis quelques mois et la colère parmi les retraités, les travailleurs et les jeunes ne cesse pas de progresser. Nous le disions dès 2017, son élection est davantage la réussite d’un aventurier soutenu par des amis riches qu’un mouvement politique qui reposerait sur une base sociale large et solide. Au pouvoir, il y a une bande de ministres arrivistes, lobbyistes des multinationales d’AREVA ou de Danone et des députés En Marche issus du monde des affaires qui jour après jour montrent leur suffisance et leur débilité.
Pour les affronter, il faut exposer leurs stratagèmes mais surtout démonter le fond de leur politique qui s’en prend à la majorité des jeunes, des travailleurs, aux syndicalistes, aux migrants… Ce qu’ils craignent le plus aujourd’hui c’est une nouvelle force capable de mobiliser et de traduire sur le terrain politique la colère accumulée. Une nouveau parti assez large, combatif et massif permettrait de donner confiance dans la lutte et dans les revendications pour de meilleurs salaires, un emploi stable, un logement décent, pour le droit d’étudier ou encore le droit de se réfugier en France… C’est ce qu’attendent toute une partie des jeunes et des travailleurs qui regardent avec sympathie les idées de la FI et les luttes actuelles.
Le gouvernement minoritaire portugais du Partido Socialista Português social-démocrate (PSP) est soutenu par la gauche radicale (le Bloc de gauche et le Parti communiste portugais). Le gouvernement portugais est régulièrement cité en exemple pour sa gestion singulière de la crise. La politique d’austérité a effectivement été allégée et des réformes, quoique très timides, ont eu lieu. Qu’est-ce que le ‘‘modèle portugais’’, et quelles en sont les forces et les limites ?
Par Marisa (Bruxelles)
Mobilisation contre le gouvernement de droite
Les années 2011-2013 ont été marquées par une mobilisation soutenue contre la politique du gouvernement conservateur arrivé au pouvoir en 2011. La politique d’austérité s’est heurtée à une vive opposition avec cinq grèves générales, la première, en date du 14 novembre 2012, étant ibérique (simultanément dans tout l’Etat espagnol et au Portugal). Deux manifestations de masse ont réuni un demi-million de personnes particulièrement en colère. Si les dirigeants syndicaux avaient persévéré dans cette voie, le gouvernement de droite aurait été incapable de tenir si longtemps. Cependant, même au sein de la CGTP – la fédération syndicale où le PCP dispose d’une large influence – la direction a adopté une attitude attentiste.
Il a fallu les élections d’octobre 2015 pour mettre fin au gouvernement de droite. Le Bloc de gauche et le PCP en sont sortis considérablement renforcés en remportant 11 sièges. Les deux partis de gauche avaient défendu des revendications offensives telles que l’abolition des frais d’inscription pour les études supérieures, des investissements dans les services publics, un système de banques publiques, de meilleures conditions de travail et salariales, etc. A la suite du cours désastreux suivi par SYRIZA en Grèce, le Bloc de gauche s’est également positionné contre l’Europe du capital.
Au lendemain des élections, la droite s’est révélée incapable de constituer un gouvernement, mais la social-démocratie n’avait pas non plus obtenu de majorité. Notre organisation-sœur portugaise Socialismo Revolucionario a appuyé la position de soutien extérieur de la gauche radicale. Refuser de le faire aurait ouvert la voie à un nouveau gouvernement conservateur. Le PS n’était, de plus, pas en position de force : avec une mobilisation active des travailleurs, il était possible de forcer ce fragile gouvernement à accorder des concessions majeures, surtout si ce dernier voulait apparaître comme une force de gauche. Malheureusement, cette approche n’a pas été suivie par le Bloc de gauche et le PCP qui ont mené des négociations en coulisses pour soutenir le gouvernement minoritaire et ont bloqué toute mobilisation. Le résultat fut un accord comportant quelques modestes pas en avant, mais sans perspective pour obtenir davantage.
Des réformes limitées, la lutte reste indispensable
Le nouveau gouvernement a progressivement augmenté le salaire minimum de 530 à 600 euros, ce qui reste évidemment très bas. Selon nos camarades de Socialismo Revolucionario, il faut au moins 900 euros par mois pour éviter de vivre dans la pauvreté. Une réduction du temps de travail a été appliquée, mais sans embauche compensatoire. Tout cela n’a pas empêché le développement de la précarisation. Dans le secteur des centres d’appels, notamment, l’incertitude et les bas salaires règnent en maîtres. Des réformes ont eu lieu, sans pour autant résoudre quoi que ce soit.
La politique d’austérité n’a du reste pas complètement cessé : les dépenses publiques ont diminué de 7% sous le gouvernement Costa. Les conséquences en sont désastreuses, entre autres concernant les soins de santé et le transport, pour lesquels des actions ont été menées ces derniers mois. Le problème de la dette publique reste entier : le déficit public est supérieur à 130 % du PIB. Dans la zone euro, seules la Grèce et l’Italie connaissent un ratio plus important entre la dette publique et le PIB.
Les diktats de l’Union européenne exigent une réduction du déficit budgétaire et de la dette publique. Dans une période de croissance économique, il était possible de ralentir quelque peu l’austérité et de mettre en œuvre quelques réformes limitées. Mais une nouvelle récession remettra immédiatement à l’ordre du jour la question d’une politique d’austérité rigoureuse, peu importe qui fait partie du gouvernement.
La rue en résistance
Socialismo Revolucionario a appelé le Bloc de gauche et le PCP à ne pas approuver les mesures d’économie lors du vote du budget de cette année. La tâche de la gauche est de soutenir les mobilisations, que cela soit dans le secteur ou dans celui des dockers qui luttent depuis des années contre la libéralisation de leur secteur, parallèlement à des revendications politiques pour rompre radicalement avec l’austérité.
Progressivement, les jeunes et les travailleurs reprennent le chemin de la lutte, y compris contre les conséquences de la politique imposée depuis des années. La pression exercée sur le gouvernement s’accroît de même que celle ayant prise sur le Bloc de gauche et le PCP pour qu’ils adoptent une attitude ‘‘responsable’’, c’est-à-dire pour qu’ils ne jouent pas de rôle dans les mobilisations qui peuvent mettre à mal la position du gouvernement minoritaire. Cependant, une position passive laisserait penser au PS qu’il peut continuer à faire la sourde oreille face aux revendications sociales.
Pour l’instant, le PS parvient encore à s’en sortir. La politique d’austérité allégée et les quelques réformes positives sont ressenties comme un soulagement par la population. Le PS a su en profiter aux dernières élections locales lors desquelles le parti a connu une forte progression. Le Bloc de gauche et le PCP ont par contre reçu une correction. La gauche ne doit pas se distinguer du mécontentement social, elle doit utiliser la position minoritaire du PS au gouvernement pour arracher plus de concessions. Elle pourrait par exemple renforcer les mobilisations des secteurs des soins et de l’enseignement et les unifier dans le cadre d’un plan d’actions offensif.
Une nouvelle crise est inévitable, avec son lot de nouveaux défis. Elle conduira à un nouveau mouvement socialiste de masse au sein des jeunes générations qui essaient de se sauver et de protéger la planète du capitalisme. Renforcer ce mouvement – avec un programme socialiste et un parti révolutionnaire massif – sera essentiel pour obtenir des victoires.
Ginger Jentzen est membre de Socialist Alternative et fut organisatrice pour la campagne “15NOW Minneapolis” qui a gagné le 15$/h en juillet 2017. Elle est arrivée 2e durant les élections pour l’Hôtel de Ville de Minneapolis en novembre 2017 avec 44,2% des voix. Entretien réalisé par Alternative Socialiste, section québécoise du Comité pour une Internationale Ouvrière.
Quand as-tu rejoint Alternative socialiste ?
J’ai rejoint durant le mouvement Occupy Wall Street à Minneapolis. Il y avait beaucoup de discussions dans le mouvement pour déterminer sa prochaine étape et Alternative socialiste y défendait la nécessité d’aller dans les communautés pour répondre aux préoccupations des travailleurs.
Quand t’es-tu impliquée dans le mouvement pour le 15$/h ?
J’ai eu la chance de participer au lancement de 15NOW à Seattle peu de temps après l’élection de Kshama Sawant, la première socialiste élue aux États-Unis depuis un siècle, et de participer à cette campagne. Ce fut super éducatif. Seattle est devenu la première grande ville à gagner le 15$/h. 1
Comment la campagne pour le 15$/h a été menée à Minneapolis ?
Nous avons commencé en faisant des tables dans les quartiers populaires pour construire une base sociale dans les communautés et aller chercher des appuis dans différents groupes.
Un sondage avait démontré que 2/3 des répondant·e·s étaient en faveur du 15$/h maintenant. 15NOW Minneapolis est allé défendre cette idée au conseil municipal. Les conseiller·ère·s nous ont gentiment accueillis, mais sans s’y engager sérieusement.
Nous avons donc décidé de lancer une pétition réclamant un référendum. Nous avons recueilli 3 fois le nombre minimal de signatures requis pour un total de plus de 20 000 signatures. Malgré le fait que nous avons respecté toutes les exigences légales, le conseil municipal n’a pas fait de référendum sur la question. Plusieurs centaines de travailleurs·euses ont donc occupé l’Hôtel de Ville de Minneapolis. Nous avons finalement réussi à mettre suffisamment de pression pour que la ville adopte le 15$/h en juillet 2017.
C’est à ce moment que tu as eu l’idée de te présenter aux élections municipales ?
La décision avait été prise quelques mois auparavant. C’était la deuxième fois que Socialist Alternative présentait un candidat à Minneapolis. Ty Moore était arrivé deuxième en 2013 avec 42,07%. Il fut l’un des premiers à mettre de l’avant l’idée du 15$/h dans la ville.
Lors de ma campagne, nous avons mis de l’avant principalement le 15$/h et le logement abordable. La nécessité de résister à Trump et la question du logement sont devenues centrales pour notre mouvement.
Notre stratégie électorale vise la construction d’un mouvement de masse. C’est ce qui nous différencie clairement des autres candidats où certains avaient un discours de gauche près de Bernie Sanders, mais qui ne faisaient rien à l’extérieur des élections. Nous avons également mis de l’avant la question du salaire ouvrier, exactement comme Sawant à Seattle, c’est-à-dire que je ne percevrais pas plus que le salaire moyen d’un·e travailleur.euse. Cette idée était très populaire. Nous avons également pris l’engagement de ne pas prendre d’argent des grandes compagnies comme le font les démocrates. Malgré tout, uniquement avec de petits dons des travailleurs·euses, notre campagne a ramassé plus d’argent que toutes les autres avec 175 000$ de dons.
Nous avons gagné au premier tour, mais j’ai terminé deuxième au second tour avec 44,2%. Cette campagne a eu un important impact et plus d’un an plus tard les gens en parlent toujours. Le mouvement continue et Socialist Alternative à Minneapolis s’implique activement avec d’autres groupes dans une campagne pour le contrôle des loyers.
Entretien avec Giuliano Brunetti de Resistenze Internazionali
L’establishment politique italien a été rayé de la carte, à la faveur de la droite populiste, faute d’une alternative de gauche conséquente suffisamment visible. La Lega et le Mouvement 5 étoiles (M5S) ont formé un gouvernement ensemble. Nous en avons discuté avec Giuliano Brunetti de Resistenze Internazionali, notre organisation-sœur en Italie.
Comment la situation s’est elle développée depuis la formation du gouvernement ?
GB : Les élections législatives du 4 mars ont donné l’image d’une Italie épuisée, fatiguée des partis traditionnels et de l’élite, en colère, prête à tout essayer pour connaître un changement. Le nouveau gouvernement repose sur un accord a minima, sans véritable unité d’action ou d’intention. Le M5S ne dispose pas d’une orientation politique propre ni d’une vision du monde. Il est divisé entre une composante gouvernementaliste et opportuniste d’une part et, de l’autre, une minorité placée politiquement à gauche qui ne digère pas l’accord conclu avec la Ligue.
Le nouveau gouvernement comprend d’importants bureaucrates d’Etat comme Moavero Milanesi (ministre des Affaires européennes des gouvernements Monti et Letta, 2011-14) et Paolo Savona (ancien directeur général de la fédération patronale, la Confindustria) aux côtés de personnages embarrassants, comme le nouveau ministre de la Famille Lorenzo Fontana (Lega), lié à l’extrême droite, ou la nouvelle ministre de la Santé qui lorgne vers le mouvement anti-vaccins.
Cette situation particulière permet à la Lega et à son secrétaire, le nouveau ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, d’exercer une véritable hégémonie politique sur le gouvernement. Salvini utilise sa position de vice-Premier ministre et de ministre de l’Intérieur pour orchestrer une campagne de haine contre les migrants. Cette politique cynique et meurtrière vise à dévier l’attention des citoyens ordinaires en soulageant ainsi la pression sur la Lega et le M5S. Aucune des deux formations n’a la volonté de satisfaire leurs promesses électorales sociales, comme l’abolition de la loi Fornero qui augmente l’âge de départ en retraite.
Les déclarations racistes de Salvini ont créé un espace pour légitimer la violence contre les migrants. Pas un seul jour ne passe sans qu’il n’y ait d’agressions et de violences racistes. Cette situation crée une tension sociale explosive qui peut se retourner contre l’extrême droite. Mais, jusqu’ici, la Lega a réussi son pari.
Comment réagissent la gauche et les syndicats ?
GB : Le Partito democratico (PD) est, à juste titre, identifié comme le parti des banques et des industriels. À gauche du PD, les échecs et les trahisons des dernières années pèsent lourdement, notamment depuis la participation de forces comme le Parti de la Refondation Communiste (PRC) aux gouvernements, que cela soit à l’échelon local ou national. Cette gauche est identifiée aux élites et à ces riches qui n’ont pas de problèmes économiques et qui dénigrent le peuple.
Il n’y a pas eu jusqu’ici de réaction de masse face à la montée du racisme et aux agressions d’extrême droite. Du côté syndical, les grandes confédérations ont complètement abdiqué leur rôle social et ont été submergées par l’effondrement du PD. Le conflit de classe est aujourd’hui entre les mains des syndicats de base et des structures politiques qui n’ont pas abandonné l’anticapitalisme. C’est le cas de Potere al Popolo (le pouvoir au peuple), une formation politique de gauche née dans le cadre des dernières élections et avec laquelle nous collaborons. En général, les forces réellement à gauche sont petites, disposent de peu de ressources et naviguent actuellement à contre-courant dans la société et parmi les larges couches de travailleurs.
Comment la gauche s’est-elle retrouvée dans une telle situation défensive ?
GB : Nous subissons encore les conséquences de décennies de politiques désastreuses menées par le centre gauche et la gauche. La population ordinaire est fatiguée et est prête à compter sur n’importe qui, tandis que la gauche officielle est incapable de dialoguer avec elle.
L’effondrement du pont Morandi à Gênes, par exemple, a été intelligemment exploité par les forces gouvernementales. Le premier ministre Conte a immédiatement tonné contre la gestion des routes par le groupe ‘‘autostrade per l’Italia’’. Le ministre du Développement économique Di Maio (M5S) a annoncé que le gouvernement ne se contenterait pas d’une aumône de la part du groupe. Le ministre des Infrastructures Toninelli (M5S) a lancé la procédure de révocation de la concession au groupe. Salvini s’est exprimé de façon similaire, mais s’est par la suite rétracté. Ils ne vont très certainement pas assez loin, mais ils sont parvenus à trouver un ton qui les a placés en harmonie avec l’humeur des citoyens. De son côté, le PD s’est déclaré opposé au ‘‘jacobinisme du gouvernement’’ ainsi qu’à une politique qui pourrait brusquer les marchés.
Le climat de droite dans le pays a du reste été préparé par les gouvernements de centre-gauche. Sans être ouvertement raciste, le PD n’a pas été économe en politiques discriminatoires, notamment contre les migrants. Le prédécesseur de Salvini à l’Intérieur, l’ancien cadre du Parti communiste Marco Minniti (PD), était le spécialiste des mesures contre les migrants. Il n’a pas ménagé ses efforts pour mettre au pas les ONG opérant en Méditerranée. Il a aussi conclu des accords très opaques avec les clans libyens par lesquels ces derniers ont reçu des milliards d’euros en échange de l’enfermement dans des conditions abominables de migrants africains désireux d’atteindre les côtes italiennes.
Le ‘‘moindre mal’’ social-démocrate a ouvert un boulevard à la droite populiste et à l’extrême droite. Berlusconi s’est d’ailleurs lui aussi pris les pieds dans le tapis en pariant sur le fait que se lier à la Lega brûlerait les ailes de cette dernière. A partir des élections parlementaires de 2008, il a repris la Lega dans sa ‘‘coalition de centre-droit’’. Cela n’a pas mené à un affaiblissement de la Lega, mais bien à un recul de Forza Italia. Celui qui gouverne avec l’extrême droite en sort affaiblit. En l’absence d’une réponse de gauche combattive et offensive, l’extrême droite peut aussi se renforcer de l’intérieur d’un gouvernement. C’est aussi maintenant le cas : la Lega est entrée dans le gouvernement en tant que plus petit partenaire, mais selon les sondages, elle a déjà dépassé le M5S.
Comment contrer le pessimisme ?
GB : La popularité de Conte, Salvini et Di Maio repose sur l’impopularité des anciens présidents du conseil Renzi (PD) et Berlusconi (Forza Italia). Sous la triple pression de la bourgeoisie italienne, de l’Union européenne et des marchés, le gouvernement devra appliquer des politiques de massacre social opposées aux attentes de ses électeurs. Les sentiments des Italiens vont très rapidement changer. La confiance envers ce gouvernement peut être comparée à un boomerang qui se retournera brutalement contre lui.
La faillite de ce ‘gouvernement du changement’’ entrainera un nouvel essor des sentiments antiparti et de rejet des élites. De nombreux électeurs et militants du M5S rentreront chez eux déçus et découragés. Une partie se tournera à nouveau vers les anciennes formations politiques. Mais une petite minorité, y compris à la gauche du M5S, tirera des conclusions anticapitalistes de l’expérience de ce gouvernement et cherchera à s’organiser afin de changer la société. C’est notamment vers cette minorité que nous devons nous orienter dans cette phase.
L’an dernier, le taux de croissance économique turc était de 7,4%, soit la croissance la plus élevée des pays du G20, devançant même les 6,9% de la Chine. Aujourd’hui, la monnaie turque menace d’attirer l’ensemble de l’économie dans sa chute vertigineuse, la livre ayant perdu plus de 40% de sa valeur face à l’euro et au dollar entre début janvier et fin août 2018. Le président-dictateur turc Erdogan connait mieux que personne ce que pareille situation peut impliquer : si son Parti de la justice et du développement (AKP) créé en 2001 est arrivé au pouvoir l’année suivante, c’est à la faveur de la crise monétaire turque de 2000-2001 qui avait balayé les partis traditionnels.
Par Nicolas Croes
Une crise qui ne tombe pas du ciel
Sous les encouragements d’Erdogan, la croissance turque de ces dernières années a été essentiellement stimulée par l’accès au crédit bon marché sur les marchés internationaux. Depuis la fin des années 2000, il était plus avantageux d’emprunter en dollars qu’en livres turques, situation dont a largement abusé le secteur turc de la construction. Mais cette politique ne pouvait pas éternellement durer. Depuis décembre 2015, la Fed (la banque centrale américaine) a entamé un processus de relèvement de ses taux directeurs pour sortir de la période de taux d’intérêts excessivement bas. Cela participe à pousser le dollar vers le haut face aux autres devises, tandis que le coût des emprunts pour les entreprises turques endettées en dollar est devenu plus lourd à supporter. Le nombre de faillites a augmenté de 37% en 2017, et même de 120% dans le secteur du bâtiment-travaux publics.
Lorsque l’afflux de crédit bon marché dépasse largement la production de biens et de services, cela provoque inévitablement de l’inflation. Depuis ce début d’année, elle a commencé à durablement franchir le seuil des 10% en-dessous duquel elle avait été contenue jusque-là. Le pouvoir d’achat de la population s’est considérablement érodé. La situation économique est peu à peu devenue la première préoccupation des plus les 80 millions de Turcs en dépit de la propagande des médias contrôlés par le régime.
Les perspectives économiques pessimistes ont joué un rôle fondamental dans les motivations qui ont poussé Erdogan à avancer au 24 mai dernier la tenue des élections législatives et présidentielle, soit un an et demi plus tôt que prévu. Avant que l’économie ne se détériore davantage – l’inflation était déjà de 10,85% en avril et la monnaie avait perdu 10% de sa valeur face au dollar – Erdogan voulait briguer un nouveau mandat qui lui ouvrirait des pouvoirs présidentiels illimités.
A la suite du référendum constitutionnel de 2017, le pays est passé d’un régime parlementaire à un régime présidentiel, mais le nouveau système ne devait être introduit qu’après les prochaines élections. Cette précipitation s’apparentait donc à la panique. Alors que la campagne débutait à peine, l’agence de notation Standard and Poor’s abaissait la note de la dette turque, prévoyant ‘‘un atterrissage difficile’’ de l’économie du pays. Finalement, Erdogan a remporté les élections présidentielles (52%), mais son parti a perdu la majorité absolue des sièges qu’il détenait à lui seul à l’Assemblée nationale. Ce n’est que grâce à son alliance avec le Parti d’action nationaliste (MHP), une formation d’extrême droite, qu’Erdogan dispose d’une majorité à l’Assemblée.
Tensions grandissantes avec les Etats-Unis
Alors que le bilan de santé de la livre turque était problématique depuis le début de l’année, la décision des Etats-Unis début août d’imposer des sanctions contre deux ministres turcs et d’ensuite doubler les taxes à l’importation sur l’acier et l’aluminium turcs (jusqu’à respectivement de 50% et 20%) a précipité la dégringolade de la monnaie. Ce à quoi la Turquie a répliqué en relevant les tarifs douaniers sur l’importation de plusieurs catégories de produits américains tout en annonçant qu’Erdogan avait eu un entretien téléphonique avec Poutine pour discuter de la Syrie et des échanges commerciaux entre les deux pays.
Cette crise inédite entre les Etats-Unis et un de ses alliés de l’OTAN, parmi les plus anciens et les plus importants, est illustrative de la volatilité de la situation internationale actuelle, marquée par l’instabilité, les difficultés économiques, les conflits entre grandes puissances et les changements d’alliance.
Une décennie après l’éclatement de la crise, rien n’a été réglé. Au contraire, de nouveaux problèmes sont apparus, dont le développement de tendances protectionnistes et le début d’une guerre commerciale. Au moment où la livre turque plongeait en août, une nouvelle tranche de droits de douane imposés par les Etats-Unis portait à 50 milliards de dollars annuels la valeur des marchandises chinoises taxées à 25% en entrant sur le territoire américain.
Un colosse au pied d’argile
Fidèle à ses habitudes, Erdogan s’est réfugié dans une rhétorique nationaliste et religieuse qui le place à la tête d’un pays ‘‘assiégé’’ par des puissances hostiles et un ‘‘lobby du taux d’intérêt’’ tandis qu’il annonçait une nouvelle vague de répression, contre les ‘‘terroristes économiques’’ cette fois.
Les fondamentaux économiques resteront cependant sourds à ses menaces. L’agence de notation Standard and Poor’s prévoit que le pays entrerait en récession en 2019. L’éventualité d’un plan d’aide du Fonds monétaire international (FMI) ou d’un recours au contrôle des capitaux est de plus en plus ouvertement discutée. Si cela a été évité jusqu’ici, c’est parce que la Turquie a pu emprunter 15 milliards de dollars au Qatar. Cela suffira-t-il si l’économie continue sur cette pente glissante ? C’est loin d’être certain.
Parmi les masses, le ralentissement de l’économie ainsi que la poussée de l’inflation et du chômage alimentent la colère de même que le discrédit d’Erdogan. Les manœuvres autoritaires et paranoïaques du régime ne sont pas une preuve de force, mais une démonstration de faiblesse et de crainte face à ce que représente le géant du mouvement ouvrier dans l’Etat turc. Il n’est pas à exclure qu’Erdogan cherche à dévier son attention en ressuscitant les vieilles contradictions nationales par le biais d’une nouvelle offensive contre les Kurdes au Nord de la Syrie.
Le potentiel du mouvement ouvrier a encore été partiellement illustré à l’occasion des dernières élections. Le HDP (Parti démocratique des peuples) a ouvert ses listes en constituant dans les faits une alliance de gauche composée de militants et de syndicalistes tant kurdes que turcs. Cette alliance électorale doit être transformée en une force capable d’aider à organiser la résistance contre le régime d’Erdogan et tout ce qu’il représente. Le mouvement ouvrier doit riposter contre toutes les tentatives de faire payer la crise aux travailleurs et aux pauvres ainsi que contre chaque essai de diviser les masses, notamment sur base ethnique et religieuse.
Déclarations d’Alternatywa Socjalistyczna, section-sœur du PSL en Pologne
Depuis quelques années des mouvements importants concernant le droit à l’avortement ont pris place en Pologne : notamment lors du fameux « lundi noir » en Octobre 2016 où des dizaines de milliers de femmes défilaient à Varsovie et dans d’autres villes comme à Gdansk, Cracovie ou Poznan. Les femmes, qui s’étaient habillées en noir pour protester le « deuil de leurs droits reproductifs » s’étaient rassemblées pour contrer l’attaque du gouvernement qui tentait d’imposer une nouvelle loi interdisant totalement le droit à l’avortement, déjà fortement restreint dans ce pays où l’église catholique est encore toute puissante. Une grève des femmes avait eue lieu le même jour, inspirée de celle des femmes islandaises en 1975.
Ce mouvement avait alors eu un impact fort dans la société polonaise. Le gouvernement conservateur du parti Droit et Justice (PiS) s’était empressé de faire annuler le projet de loi, malgré la pression des organisations pro-vies polonaises qui avaient initiées ce projet. Tandis que certains au sein du mouvement femmes appelaient à continuer la lutte, celui-ci avait fini par ralentir et peu d’actions avaient suivies, malgré l’appel à une seconde grève des femmes le 24 Octobre 2016.
Alors que le gouvernement avait reculé depuis les mobilisations, la lutte des femmes pour le contrôle sur leur corps a été par la suite marquée par deux événements clés en 2018 : le rejet du projet de « Sauvons les femmes » (de la plateforme pro-choice) par le Sejm (le parlement polonais) et le ralentissement du développement du projet « Arrêtons l’avortement » (de la plateforme pro-vie).
Ces deux projets de loi ont été soumis au parlement polonais en janvier 2018. D’un côté, les réactionnaires demandaient une interdiction de l’avortement même lorsque le fœtus est malformé, tandis que de l’autre, le mouvement « Ratujmy Kobiety » (« Save Women ») revendiquait le droit à l’avortement sur demande jusqu’à 12 semaines de grossesse.
Comme en 2016, le Parlement a voté pour discuter du projet de loi limitant l’avortement et a rejeté la proposition pro-choix en première lecture. L’opposition libérale traditionnelle (la « Plate-forme civique » et « Nowoczesna ») a joué un grand rôle dans le rejet du projet de loi, car de nombreux députés se sont abstenus, n’ont pas voté ou ont même voté contre. Ils n’étaient pas prêts à adopter une position claire.
Entre-temps, une majorité de leurs partisans était en faveur d’une loi plus libérale sur l’avortement. Beaucoup de leurs électeurs, qui n’ont jamais été intéressés par cette question, ont été convaincus par les arguments pro-choix au cours des deux dernières années qui ont suivies les mobilisations et ont été surpris de découvrir que leurs députés ne l’étaient pas.
Le comité « Ratujmy Kobiety » et ses partisans avaient passé des mois à recueillir suffisamment de signatures pour que le projet de loi proposant l’avortement sur demande soit discuté au Parlement, pour que leurs efforts soient aussitôt supprimés par la soi-disant opposition. Cela fut perçu comme une trahison par la couche du mouvement qui avait encore des illusions dans ces partis.
Dans toute la Pologne cette année, il y a eu des actions organisées par le parti de gauche « Razem » (Ensemble) et des manifestations appelées par « Strajk Kobiet ». Dans leurs discours à Cracovie, « Strajk Kobiet » (les organisateurs de la grève des femmes) a qualifié de “traîtres” les députés libéraux qui ont voté contre le droit à l’avortement, et a remercié ceux qui ont voté pour le projet de loi, appelant à voter pour les candidats pro-choix de n’importe quel parti lors des prochaines élections. Cela les a toutefois mis en décalage avec le mouvement, qui a appris à travers l’expérience la nécessité d’une indépendance par rapport aux partis capitalistes établis.
Nouvelles mobilisations
En contrepartie, la proposition d’interdire l’avortement en cas de malformation fœtale (la seule exception possible en Pologne) a été examinée par le comité parlementaire de la « politique sociale et de la famille ». Après l’échec de la précédente tentative de criminaliser l’avortement, la nouvelle initiative des fondamentalistes catholiques a été traitée avec prudence par le parti au pouvoir.
Malgré tout, en Janvier 2018 la menace de ce projet de loi a été soudainement mise en œuvre par le PiS. Le projet a été adopté dans l’attente de nouvelles procédures parlementaires. Cependant, la date exacte à laquelle le projet de loi pourrait être discuté de nouveau n’a pas été donnée. La commission parlementaire de la justice et des droits de l’homme n’a pas inscrit le projet de loi sur l’interdiction de l’avortement à son ordre du jour de janvier à juin.
Mais tout cela a changé après que l’épiscopat (la Conférence des évêques) ait demandé au gouvernement d’accélérer le projet d’interdiction de l’avortement. Les députés se sont mobilisés sous le fouet de l’Église catholique et, le 19 mars, ils ont adopté le projet de loi en commission, après une parodie de débat. Les étapes suivantes, à savoir l’approbation du projet de loi par la commission des affaires sociales, puis un deuxième vote au Parlement prévu pour le 23 mars, se sont déroulées en moins d’une semaine, ce qui a laissé très peu de temps au mouvement femmes pour se mobiliser.
Malgré cela, une manifestation nationale a été organisée à Varsovie pour le jour du vote (qui, au moment de la manifestation, a été reporté au mois d’avril). Des milliers de personnes de Varsovie et d’autres de toute la Pologne ont répondu à l’appel et ont envahies les rues. Selon l’estimation la plus courante, 55 000 personnes ont défilé à Varsovie ce jour-là – un chiffre supérieur à celui de la première grève des femmes en 2016. Ce taux de participation montre la colère existante et la perspective de résistance, surtout si l’on considère que la manifestation a eu lieu un jour de travail, avec un préavis très court. Alors que la manifestation nationale était la priorité, des milliers de personnes qui n’ont pas pu se joindre à la capitale ont protesté dans d’autres villes. Notamment 8 à 10 milles personnes ont manifesté à Cracovie, quelques milliers ont marché à Katowice, Wroc?aw, Pozna?, ?ód?, et Gda?sk. De petits piquets de grève ont eu lieu dans des douzaines de villes à travers la Pologne.
Alors que la manifestation à Varsovie marchait du Sejm jusqu’au siège du parti au pouvoir, des slogans ont été chantés contre l’interdiction, contre l’ingérence de l’Église catholique, pour le choix et pour des soins de santé décents pour les femmes. Des slogans antigouvernementaux plus radicaux ont également pu être entendus.
Le Rôle de la droite
Le gouvernement actuel est ouvertement anti-femmes et réactionnaire. Cependant, les idées qui criminalisent ou interdisent totalement l’avortement ne prédominent pas dans la société polonaise ; même la base électorale du parti au pouvoir ne soutient pas l’interdiction. Après le mouvement de 2016, le PiS a commencé à se pencher plus attentivement sur la question, essayant même de donner l’impression qu’ils étaient ouverts à la discussion sur la libéralisation. Cependant, le vrai visage du gouvernement a été montré une fois que le groupe de pression le plus puissant de la réaction – l’Église catholique – s’est exprimé sur la question. Le PiS s’est rapidement remis dans les rangs. Cela a soulevé une grande colère : comment un corps non élu d’hommes âgés (l’épiscopat) pourrait-il avoir plus de poids pour décider des droits reproductifs des femmes que les femmes elles-mêmes ? C’est pourquoi, dans de nombreux endroits, les manifestations ciblaient les curies locales (administrations) de l’Église catholique.
Face à ces manifestations, le parti au pouvoir a d’abord tenté de discréditer les manifestations en prétendant qu’elles n’étaient “qu’un simple piquet de grève”. La télévision d’Etat est allée jusqu’à présenter les protestations comme des “féministes réclamant le droit de tuer des enfants”. Au fur et à mesure que les protestations se sont déroulées, certains politiciens du PiS ont commencé à assouplir leur position. Un eurodéputé PiS a donné l’impression dans une interview que le PiS ne s’opposerait pas de front au “compromis sur l’avortement” mais laisserait plutôt la Cour constitutionnelle décider. Étant donné que cet organisme est également contrôlé par le PiS, sa décision pourrait aller dans un sens ou dans l’autre.
Quelle est la prochaine étape ?
Le taux de participation et la réaction rapide et massive à l’attaque montrent la colère et l’énergie sous-jacente de la résistance contre la réaction. Depuis, le travail sur le projet de loi a été stoppé et, étant donné le bilan de ce gouvernement, il est probable qu’il y ait encore une tentative d’accepter le projet de loi du jour au lendemain pour surprendre le mouvement ou bien de le faire sortir plus tard pour fatiguer le mouvement.
Les dirigeantes de la ” Grève des femmes ” ont annoncé que si le projet de loi était adopté dans la chambre basse du parlement, elles protesteraient devant le Sénat et organiseraient un mouvement massif, cette fois au niveau local. « Alternatywa Socjalistyczna », la section-sœur polonaise du PSL déclare qu’il est important de construire le mouvement pour donner aux masses l’espoir d’une lutte victorieuse.
Répéter la même méthode de démonstration à chaque nouvelle attaque sans aucune préparation ou construction entre les deux peut décourager et épuiser les participants. Le mouvement de masse devrait essayer de développer une structure démocratique – comme les comités d’action basés dans les écoles, les lieux de travail et les communautés – qui pourrait discuter et prendre des décisions sur les prochaines étapes, permettant plus d’espace pour une action plus directe, la désobéissance civile, etc. Nous pensons également que la lutte des femmes pour le choix est une question de classe qui devrait être abordée avec les syndicats, ce qui pourrait aider à transformer la « grève des femmes », largement symbolique, en une véritable action de grève.
L’arrêt de l’attaque actuelle ne résoudra pas les problèmes auxquels sont confrontées les femmes polonaises en matière de droits reproductifs, en particulier ceux des femmes et des étudiantes de la classe ouvrière. Quel que soit le résultat de cette bataille, le groupe de pression fondamentaliste reviendra avec d’autres attaques – comme l’interdiction totale de l’avortement, la restriction de la contraception, etc. Des problèmes sous-jacents comme les lois restrictives sur l’avortement (un soi-disant compromis), un système de santé peu fiable, le manque d’éducation sexuelle et l’insuffisance des infrastructures de garde d’enfants doivent encore être combattus dans le cadre d’un programme socialiste de droits reproductifs complets et de services publics appropriés.
Nos revendications :
Construisons un mouvement démocratique ! Pour la création de comités démocratiques au niveau local, municipal et national
Pas de compromis ! Pour la libéralisation du droit – pour des avortements légaux, sûrs et gratuits sur demande
Des soins de santé gratuits et de bonne qualité – à bas les médecins qui se cachent derrière leur “conscience” !
Accès complet à la contraception gratuite
Remplacer la religion à l’école par l’éducation sexuelle obligatoire
Traitement de FIV (Fertilisation In Vitro) gratuit pour toutes celles qui en ont besoin
Une place garantie pour chaque enfant dans les crèches et les écoles maternelles gratuites de l’État
Les images sont choquantes : plus de 5.000 militants d’extrême droite ont manifesté dans le centre-ville de Chemnitz, en Saxe (Allemagne). Ils ont frappé des migrants, jeté des bouteilles et des pierres sur les manifestants, attaqué les journalistes. La police n’est pas prête ou pas en état de stopper les nazis.
Article de Steve Kühne, SAV (section allemande du Comité pour une Internationale Ouvrière)
Derrière cette mobilisation, il y a la mort tragique d’un homme de 35 ans lors d’un festival à Chemnitz. Le contexte de cette mort n’est pas clair. Un Syrien et un Irakien ont été arrêtés. Des rumeurs ont couru sur Internet concernant un deuxième cadavre. Il a été dit que la cause de la bagarre était que plusieurs femmes avaient été harcelées. La Fondation Antonio Amadeo (fondation allemande créée en 1998 pour lutter contre l’extrême droite, le racisme et l’antisémitisme, NDT) a par la suite précisé que tout cela avait été inventé pour créer une atmosphère de pogrom. Le journal Bild (quotidien allemand de type tabloïd qui a la plus forte diffusion en Allemagne et en Europe occidentale, NDT) a joué un rôle particulièrement important dans la diffusion de cette histoire de l’attaque d’Allemandes où trois Allemands seraient ensuite intervenus. Même la police a été forcée de nier cela.
Des groupes de droite comme ‘‘Chaotisch Chemnitz’’ ou ‘‘NS Jongens’’ sont immédiatement entrés en action, mais les populiste de droite de l’AfD (Alternative für Deutschland) étaient également présents pour appeler à des manifestations de rue le dimanche, le jour du crime. Environ un millier de personnes ont rejoint ce rassemblement à partir duquel des migrants et des antifascistes ont été attaqués. La police n’a pratiquement rien fait pour les contrer. Le lendemain, plus de 5.000 manifestants d’extrême droite s’étaient nationalement mobilisés.
La mort d’un homme à Chemnitz peut difficilement être considérée comme la véritable raison de cette orgie de violence. L’homme lui-même avait des origines cubaines et n’était certainement pas partisan de groupes tels que “Chaotisch Chemnitz”, “NS Jongens” ou l’AfD. En fait, à parti de son profil Facebook, on trouve des liens avec des groupes tels que ‘Die Linke Chemnitz’’ (la page de la section locale du parti de gauche Die Linke) ou ‘‘FCK NZS’’ (Fuck Nazis).
Il est inconcevable que le décès de la victime soit la seule raison de cette violence incontrôlable de la part de l’extrême droite. Même le ministre de l’Intérieur du gouvernement de Saxe, Wöller (CDU), a dû admettre que la violence d’extrême droite a atteint un nouveau stade.
Saxe : les incidents de violence d’extrême droite s’accumulent
Le mouvement raciste Pegida a commencé à descendre dans les rues de Dresde en octobre 2014. Aujourd’hui, ces marches n’attirent plus qu’une fraction du nombre de personnes initial. Mais les groupes d’extrême droite se sont sentis renforcés. Comme le souligne l’ancienne présidente de l’organisation de jeunesse de l’AfD Franziska Schreiber dans son livre, l’AfD s’est attiré de nouveaux sympathisants lors des manifestations de Dresde. Le succès électoral obtenu par ce parti de même que les discours racistes de personnalités de premier plan ont renforcés la confiance des brutes d’extrême droite.
Durant ce mois d’août, un incident a eu lieu avec une équipe de tournage de la chaîne ZDF lors d’une manifestation de Pegida contre la chancelière Angela Merkel. Un responsable de la police a encourager des agents à entraver le travail des journalistes sous prétexte de contrôle. Cela montre à quel point l’appareil d’État de Saxe a été infiltré par l’extrême droite et les racistes. Il y a eu aussi eu le cas du juge Jens Meyer, qui siège maintenant au parlement régional pour l’AfD. Dans un de ses discours, il a fait l’éloge du parti néonazi NPD, qu’il qualifie de parti ayant toujours défendu les intérêts des Allemands. De tels incidents se produisent tous les jours en Saxe.
Il est clair que la lutte contre les racistes, les nazis et les populistes de droite ne peut être remportée qu’en nous organisant nous-mêmes. Nous ne devons pas compter sur l’appareil d’État pour faire quelque chose. Pour stopper l’extrême droite, il faut s’organiser et se mobiliser sur son lieu de travail, à son école ou à l’université, dans son quartier, etc. Il nous faut aussi nous organiser pour nous défendre de la violence d’extrême droite. Pour cela non plus, nous ne pouvons pas compter sur la police.
Le ministre saxon de l’Intérieur a déclaré faire pleinement confiance à la police. Des villes saxonnes telles que Heidenau, Bautzen, Freital, Colditz, etc. sont connues pour des faits de violence raciste. Des refuges pour demandeurs d’asile ont été incendiés, des agressions physiques ont été commises, etc. La liste des actes de violence est longue et effrayante. La police n’a joué un rôle sérieux pour mettre fin à la violence dans aucun cas. La droite a eu carte blanche, tandis que des opérations impressionnantes ciblaient les contre-manifestations de gauche.
L’AdD peut particulièrement trouver un écho dans des endroits où Die Linke est davantage perçu comme faisant partie de l’establishment, ce qui est clairement le cas en Allemagne de l’Est. Selon les dirigeants de l’AfD tels que Meuthen et Alice Weidel, les pensions devraient être entièrement entre les mains du secteur privé, alors que les personnes à faible revenu n’ont guère accès aux régimes de pension privés. Weidel est membre de la Fondation néo-libérale Hayek, dont l’objectif est de supprimer tout ce qui peut faire barrage à la volonté des grandes entreprises. L’AfD ne vise pas à enrayer la démolition sociale, ce parti veut au contraire sa poursuite, de façon bien plus radicale.
Nous pouvons vaincre !
Tout espoir n’est cependant pas perdu. Lorsque le mouvement fasciste des identitaires a organisé une manifestation à Dresde le 25 août, 400 personnes seulement ont répondu à leur appel tandis que 2.000 personnes participaient à la contre-manifestation. A l’occasion des élections législatives, les scores de l’AfD étaient plus faibles là où les sections de Die Linke sont plus combatives et plus offensives contre le racisme.
Le dernier mot de la lutte contre l’extrême droite n’est pas encore tombé. Les syndicats, Die Linke et les mouvements sociaux doivent prendre à bras le corps le combat antiraciste et le combiner à la défense d’une véritable alternative. C’est sur cette base que de grandes mobilisations sont possibles. En combinant les luttes pour plus de personnel dans les soins de santé, de meilleures écoles et contre l’AfD, il est possible de mettre en évidence les intérêts sociaux communs des travailleurs, indépendamment de leur couleur de peau, de leur origine ou de leur religion. Face au coût de la vie sans cesse plus insupportable, ceux qui sont nés en Allemagne ont les mêmes intérêts que la famille qui a fui la Syrie. Le racisme nous divise et, par conséquent, nous affaiblit. La solidarité, par contre, nous renforce et ouvre la voie vers la victoire.
– Stoppons les nazis et les racistes !
– Luttons ensemble contre l’austérité et contre le racisme !
– Que les syndicats et Die Linke combattent le danger de l’extrême droite !
– Pour la création de comités réunissant les syndicats, les mouvements sociaux et les groupes de migrants afin de contrôler la police !
– Pas de racisme ! Solidarité !
– Assez de ce système qui conduit aux inégalités et aux pénuries sociales ! A bas le capitalisme !
ROSA “Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité”, une campagne lancée par nos camarades de Socialismo Revolucionario, la section portugaise du Comité pour une Internationale Ouvrière.
Alors qu’auparavant les Portugaises pratiquant un IVG étaient passibles de trois ans d’emprisonnement, depuis le référendum de 2007 au Portugal, l’avortement était devenu légal et gratuit : jusque 10 semaines sur demande. A l’époque, 59,24% des Portugais avaient approuvé la proposition, un engagement électoral du Parti socialiste au pouvoir et son Premier ministre, José Sócrates.
Par Brune, Bruxelles
Lors du référendum, seulement 43,61 % des électeurs inscrits s’étaient rendus aux urnes. Comme l’abstention était supérieure à 50%, selon la Constitution portugaise, ces résultats n’étaient pas « juridiquement » contraignants et le Parlement pouvait légalement décider de les ignorer. Sócrates avait néanmoins confirmé qu’il élargirait les circonstances dans lesquelles l’avortement était autorisé. Cette décision ne venait pas de nulle part : le contexte social, la crise économique de la même année et les nombreuses mobilisations et la campagne pour le « Oui » ont poussé les sociaux-démocrates de « gauche » à légiférer.
Depuis 11 ans d’existence, ce droit a été souvent menacé, et depuis 2015 le vote d’un projet de loi par le Parlement restreint le droit à l’avortement au Portugal ; les femmes devaient désormais payer les frais d’opération et se soumettre à un examen psychologique avant d’avorter.
Parmi les examens en question, l’obligation également de se rendre au Planning familial avant l’interruption de grossesse. Par ailleurs, lors du premier rendez-vous pour l’IVG, les femmes se verraient détailler clairement, par écrit et à l’oral, les allocations auxquelles elles auraient droit dans le cas où elles décideraient d’aller au bout de leur grossesse ! Cela reflète les limites du mouvement de 2007 : alors que la campagne pour le « Oui » a vu de nombreuses jeunes femmes se mobiliser, le mouvement a atterri une fois le vote obtenu.
Malgré cette attaque sur le droit à l’avortement, une militante de notre section-sœur au Portugal (Socialismo Revolucionario) nous fait part lors de la semaine de discussions de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) notamment sur la victoire du « Oui » en Irlande, de ce qui semble être contradictoire à la légalisation de l’avortement : il existe depuis quelques années une décroissance des avortements au Portugal. Beaucoup prennent aujourd’hui chez leur médecin la pilule abortive, celle-là même qui a joué un rôle décisif dans la législation des 12 semaines en Irlande.
D’un autre côté, malgré l’existence des 10 semaines, beaucoup de femmes migrantes n’y ont pas accès, de par leur précarité. La gratuité ne concerne en réalité que les femmes « portugaises ». 10 semaines est aussi relativement bas en comparaison avec les Pays Bas ou l’Angleterre qui proposent respectivement 22 et 24 semaines sur demande. Cela entraine une « fuite » des femmes portugaises qui se rendent en Espagne pour se faire avorter une fois les 10 semaines passées. Cela concerne surtout les plus aisées d’entre elles, qui peuvent se permettre de voyager.
Le problème de l’austérité se pose également, avec les coupes budgétaires beaucoup d’hôpitaux ou services de natalité ferment, ce qui restreint –surtout dans les zones rurales- l’accès à l’avortement. Notre approche « pro-choix» est plus que jamais importante dans la lutte pour les droits reproductifs et les droits des femmes en général : la précarité s’aggravant ; beaucoup de familles au Portugal et ailleurs se voient dans l’impossibilité d’avoir des enfants, les coûts étant trop élevés. L’absence de crèches, des services de mauvaise qualité, ne font qu’aggraver la situation. C’est pour cela qu’il est important de rappeler que le mot « choix » signifie non pas que l’accès à l’avortement mais aussi l’accès à des conditions de vie dignes afin de ne pas être contraint à avorter.
Aujourd’hui, des conditions de vie « dignes » ne sont pas à l’agenda des gouvernements, même celui de « gauche » du Portugal.
C’est pourquoi il est essentiel de faire le lien entre la lutte contre l’austérité (et pour des services publics gratuits et de qualité) à la lutte contre ce système. Les droits des femmes au Portugal ne sont pas plus assurés qu’ailleurs ; si le mouvement qui a vu le « oui » l’emporter en 2007, comme celui qui a fait du référendum de 2018 une victoire historique en Irlande ne continue pas sur sa lancée, les capitalistes et leurs alliés politiciens vont reprendre ces droits fondamentaux durement obtenus.
Le droit à l’avortement en est un, et son interdiction est une expression de l’oppression des femmes sous le capitalisme, parce que celles-ci ne peuvent pas faire de choix sur leur propre corps. La lutte contre le sexisme doit être liée à la lutte contre le système qui produit cette même oppression : le capitalisme. C’est pourquoi ROSA en Belgique, en Irlande et récemment au Portugal défendent un féminisme socialiste, pour en finir définitivement avec la racine de toutes les oppressions, le système capitaliste.