Manifestation à Marseille, avril 2018. Photo : Els
Le mois dernier, cela faisait un an qu’Emmanuel Macron avait accédé à la présidence. En un an, son gouvernement a mis les bouchées doubles pour réaliser un programme qui ressemble furieusement à une liste de souhaits du Medef, l’organisation patronale française. Pour reprendre les termes de Blazac, c’est ‘‘l’apothéose du coffre-fort’’.
Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de juin de Lutte Socialiste
L’exemple de la lutte des cheminots
Selon une enquête du Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po) menée du 25 avril au 2 mai 2018, 55 % des sondés estiment qu’Emmanuel Macron et son gouvernement sont trop autoritaires, 76 % d’entre eux trouvent que leur politique ne profite qu’aux plus riches.
Sur le terrain de la lutte sociale, les manifestations et grèves n’ont pas manqué. C’est d’ailleurs pour tenter d’essouffler et de disperser la résistance que Macron a voulu implémenter ses mesures à un rythme aussi haletant.
En s’en prenant aux cheminots, l’offensive antisociale a atteint un nouveau stade qui vise à briser les reins d’un secteur particulièrement organisé et combatif de la classe ouvrière française. L’idée est qu’une défaite des cheminots puisse être utilisée pour démoraliser le reste des travailleurs et de la jeunesse, à l’image de ce que Margareth Thatcher avait fait dans les années ’80 au Royaume-Uni avec les mineurs.
Les cheminots ont réagi avec une grève portant sur trois mois (deux jours par semaine) depuis le début du mois d’avril jusqu’à la fin du mois de juin. Elle avait été préparée à l’aide un journal gratuit tiré à 500.000 exemplaires pour provoquer la rencontre entre militants syndicaux et usagers. Laurent Brun, Secrétaire général de la CGT Cheminots, a souligné l’importance de cette initiative pour ‘‘recréer le lien cheminots-usagers et remettre les cheminots en mouvement, les pousser à militer de nouveau’’(1). La caisse de solidarité des cheminots s’est remplie, dépassant les 700.000 euros, tandis qu’une caisse de solidarité lancée par des artistes et des intellectuels a dépassé la barre du million d’euros.
Concernant les revendications à défendre contre le projet du gouvernement, Laurent Brun explique : ‘‘On s’est adressé à nos cheminots : ‘‘Vous allez élaborer vos plans d’urgence locaux, vous allez écrire, vous, ce qui faut pour que votre service tourne et que vous travailliez dans de bonnes conditions.’’ Ensuite, on a transformé ça en plan d’urgence national.’’ Fin mai, après deux mois de lutte, le taux de grévistes était le même qu’au début du mouvement.
A côté de cela, des grèves ont également éclaté dans certains hôpitaux et des bureaux de poste, les étudiants sont entrés en lutte avec des blocages et des occupations d’universités,… La situation politique est très instable et risquée pour le gouvernement, mais il pouvait toujours tabler sur la dispersion de la résistance.
Une ‘‘marée populaire’’
A l’automne déjà, Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise avaient lancé un appel pour rassembler les forces syndicales et les partis de gauche lors d’une manifestation pour ‘‘déferler à un million sur les champs Elysées’’. Malheureusement, cet appel pour construire un front commun contre Macron n’avait pas été repris.
Les choses ont considérablement évolué depuis lors. En avril, François Ruffin (France Insoumise), Benoît Hamon (Génération-s), Pierre Laurent (PCF) et Olivier Besancenot (NPA) avaient affiché ensemble leur solidarité avec la lutte des cheminots. Le 14 avril, à Marseille, une manifestation a réuni quelques dizaines de milliers de personnes à l’initiative de la section départementale locale de la CGT au côté de la France Insoumise, présente en grand nombre. Il y a aussi eu ‘‘La Fête à Macron’’ le 5 mai.
Ensuite est arrivée la date du 26 mai, une mobilisation visant à faire déferler sur le pays une ‘‘marée populaire’’. L’initiative provient de la France insoumise, rejointe par la CGT – qui a ainsi rompu avec une tradition syndicale de distance vis-à-vis des partis politiques – les syndicats Solidaires, FSU, UNEF, SAF, Syndicat de la magistrature ; des associations et mouvements comme ATTAC, Droit au logement, Collectif pour les droits des femmes, etc. ; et les partis à la gauche du PS. Du jamais-vu !
Mélenchon a expliqué “Je milite pour une forme d’unité populaire qui décloisonne le syndicalisme, la politique et le monde associatif”, en appelant notamment à la constitution de ‘‘comités du 26 mai’’ pour mobiliser dans un secteur ou une entreprise.
Cette approche tranche singulièrement avec l’essentiel des formations de gauche en Europe qui ont plutôt tendance à diviser artificiellement le ‘‘syndical’’ et le ‘‘politique’’ et à rester cantonnées aux élections. Cette attitude est un bon pas en avant pour que la France Insoumise devienne un véritable outil politique de résistance sociale, un vrai parti de masse des travailleurs qui doit encore se structurer pour être réellement démocratique afin d’appliquer un programme de rupture anticapitaliste.
La convergence inclusive syndicale, politique et associative qui a vu le jour ce 26 mai est un événement d’une grande importance et une leçon cruciale pour la lutte anti-austérité dans les autres pays.
La prochaine étape doit être réfléchie, le mieux étant l’élaboration d’un plan d’action vers une grève nationale interprofessionnelle et une grève générale reconductible pour totalement bloquer l’économie.
Trois mois après les élections générales du 4 mars, l’Italie a de nouveau un gouvernement. Le 1er juin, la naissance du gouvernement vert-jaune a officiellement été annoncée par l’avocat Giuseppe Conte et les deux vice-premiers ministres – le chef politique du Mouvement des cinq étoiles (M5S) Luigi di Maio et le secrétaire de La Lega, Matteo Salvini. Le vote de confiance dans ce nouvel exécutif devrait avoir lieu au cours des prochains jours au Sénat et à la Chambre des députés. C’est, à quelques exceptions près, le même gouvernement que celui qui été rejeté la semaine dernière par le président de la république, Sergio Mattarella.
Par Giuliano Brunetti, Resistenze Internazionale (section italienne du Comité pour une Internationale Ouvrière)
Le refus du président de nommer Paolo Savona au poste de ministre des finances a été écarté par ce dernier, qui a accepté de faire partie du gouvernement en tant que ministre sans portefeuille aux affaires européennes. La position délicate de ministre des finances sera reprise par le professeur Giovanni Tria, un eurosceptique, très proche de la Lega et nommé sur l’avis du même Savona.
C’est la proposition de nommer Savona au ministère des finances la semaine dernière qui a provoqué un tollé de désapprobations de la part des chancelleries européennes et une certaine panique sur les marchés internationaux. Mattarella, sous la pression de ces mêmes marchés pour adopter une approche “responsable”, a largement utilisé ses prérogatives présidentielles pour bloquer l’émergence d’un gouvernement perçu, à tort ou à raison, comme fondamentalement eurosceptique.
Paolo Savona a provoqué l’inquiétude des ministères européens des finances, des bourses et des agences de notation qui le considèrent comme quelqu’un capable d’envoyer l’Union européenne au diable. Paolo Savona a quatre-vingt-deux ans et une longue carrière politique derrière lui en tant que représentant de l’establishment et des grandes banques. Il a été ministre du gouvernement Ciampi (1993-94), directeur de la Banca Nazionale del Lavoro (BNL), fondateur de l’université privée de la Confindustria, Luiss, etc. En bref, cet homme est totalement issu de l’establishment et de la grande bourgeoisie italienne. Mais il est considéré comme étant capable sous pression de se retourner contre l’Union européenne et contre l’Euro.
Une nervosité palpable
La controverse sur le contrôle de l’économie par Savona illustre les craintes et inquiétude quant à la possibilité qu’une politique économique “imaginative” puisse pousser l’Italie hors de la monnaie unique en quelques semaines. L’intervention scandaleuse de Mattarella exprimait l’ampleur de la peur et de la nervosité quant à l’avenir éprouvées par de nombreux membres de la classe dirigeante italienne et de la classe dirigeante européenne.
Une lutte de pouvoir est à l’œuvre entre les représentants du capitalisme italien. Un de ses secteurs produit essentiellement à destination du marché intérieur et se sent écrasé par la mondialisation. Il désire s’affranchir des restrictions de l’Union européenne. Mais, d’autre part, de grandes entreprises exportatrices sont liées au capital international. Ces dernières veulent une plus grande intégration des différentes économies nationales. Le président est intervenu au nom de l’establishment italien qui avait été clairement rejeté dans les sondages, comme en témoignent plus de 50% des électeurs qui soutiennent la Lega et le M5S ou encore la punition électorale subie tant par le Parti démocratique (PD) que par Forza Italia.
La proposition même de Savona au poste de ministre des finances a ouvert un nid de guêpes qui en dit long sur l’état de santé de l’économie et du système de crédit du pays. L’Italie est confrontée à d’énormes problèmes économiques : l’une des dettes publiques les plus élevées du monde, une croissance anémique, un taux de chômage de 11% et un système bancaire pourri et profondément instable. Dans cet État, elle menace l’ensemble de la monnaie unique et l’économie du vieux continent.
Le nouveau gouvernement
Le nouveau gouvernement de Giuseppe Conte sera en réalité dirigé par deux consuls – Salvini, le leader de la Lega, et Di Maio, du M5S – pour mettre en œuvre des éléments clés de leur programme électoral. En tant que ministre du Travail, Di Maio a l’intention de mettre en œuvre des mesures visant à compléter les revenus les plus faibles, si pas l’ensemble du plan de “revenu des citoyens”. Salvini, devenu ministère de l’Intérieur, a déclaré : “La lune de miel est finie pour les immigrés clandestins”. Au lendemain de cette déclaration raciste incendiaire, un ouvrier agricole malien et syndicaliste de l’USB, Sacko Soumayla, a été tué par balle alors qu’il ramassait des planches pour construire une maison de fortune dans le bidonville où il vivait.
Ce dramatique événement est une indication du climat qui existe dans le pays. Matteo Salvini a déclaré que sa promesse de campagne d’expulser tous les migrants sans-papiers – estimés aux environs de 500.000 personnes – sera respectée. Il n’est pas le seul ministre du gouvernement Conte à avoir des positions fort marquées à droite. Le nouveau ministre de la Famille, Véronèse, est un avocat catholique extrémiste de la Léga. Il croit, par exemple, que l’homosexualité représente un danger pour la société et a très clairement des positions sexistes et anti-avortement.
Le “Gouvernement du Changement” peut aussi se vanter d’avoir comme ministre de l’Administration publique l’avocat Buongiorno – autrefois avocat de l’ancien premier ministre de droite Giulio Andreotti. Moavero Milanesi, ancien ministre des gouvernements Monti et Letta et fonctionnaire européen de longue date, ira au ministère des Affaires étrangères. Son collègue au ministère de l’Éducation, des Universités et de la Recherche sera Marco Bussetti, ancien professeur d’éducation physique dans une école privée. Au ministère de l’environnement se trouvera un général du corps de police des Carabiniers, Sergio Costa.
En bref, ce nouveau “visage du changement” sera un gouvernement clairement positionné à droite avec des figures techniques visant à assurer “la bonne réputation des institutions” mais aussi avec des membres fascistes de la Lega et certains visages de l’ancienne Première République d’après-guerre. Ce gouvernement n’apportera pas de stabilité.
Au vu de l’ampleur du vote de mars dernier contre l’establishment italien et pour des partis populistes, un gouvernement de ce type entrera inévitablement en collision avec les travailleurs et les jeunes. La vague répressive qui frappera les militants, les délégués syndicaux, les migrants et les femmes suscitera une réaction puissante de la part des gens.
L’absence initiale d’une opposition de classe solide et crédible à ce gouvernement soulignera aux yeux de millions d’Italiens la nécessité de construire un nouveau parti des travailleurs pour riposter aux attaques. Resistenze Internazionali, la section italienne du Comité pour une Internationale Ouvrière, sera à l’avant-garde de la construction d’un tel parti.
Le mercredi 6 juin, notre camarade Tohil Delgado, ancien secrétaire général du Sindicato de Estudiantes (SE) et membre d’Izquierda Revolucionaria (section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’État espagnol), siégera sur le banc des accusés au tribunal pénal n° 8 de Madrid. Il risque trois ans de prison pour “atteinte à l’autorité”. Son crime est d’être venu en aide à une jeune migrante de 21 ans sauvagement battue lors d’une descente de police raciste.
Les événements se sont produits en 2010. Notre camarade aurait pu s’éloigner et regarder de l’autre côté, mais il ne l’a pas fait. Les parents de la jeune femme – également équatoriens – ont essayé d’éviter l’agression policière. Mais ils ont tous fini en prison 39 heures, avec Tohil. Lors de leur arrestation et de leur transfert ainsi que durant toute la durée de leur détention, ils ont été battus et ont reçu des menaces de mort de même que des insultes racistes. Ils n’ont pas reçu d’eau ou de nourriture pendant plus de huit heures. Ils n’ont pas eu le droit de communiquer avec qui que ce soit. Il ne s’agit malheureusement pas d’un cas isolé. C’est une réalité quotidienne pour de nombreux migrants, souvent victimes de persécutions policières et de raids racistes dans nos quartiers. Ils sont traités de façon déplorable, sans respecter leurs droits fondamentaux.
Le camarade Tohil risque trois ans de prison pour s’être opposé à un acte brutal et injuste. Deux des policiers qui l’ont attaqué prétendent que ce sont eux qui ont été attaqués. Mais des vidéos existent – enregistrées par des voisins alarmés – dans lesquelles il apparaît très clairement que la seule violence a été perpétrée par la police. Une fois de plus, nous sommes confrontés à cette réalité de plus en plus répandue qui consiste à traiter les victimes comme des agresseurs.
“Ils ne nous feront pas taire”
Cette grande injustice n’est pas non plus un cas unique, loin de là. Chaque jour, nous sommes témoins de l’utilisation de la justice contre tous ceux qui s’opposent à l’inégalité, qui dénoncent l’injustice et qui tentent de changer les choses. Pour cette simple raison, les prisons sont maintenant la destination des rappeurs, des twitterers, des syndicalistes et des militants de gauche. Pendant ce temps, des hommes politiques et des hommes d’affaires corrompus, des parents de monarques et d’autres personnes influentes, des défenseurs du régime, de la précarité, du sexisme et des expulsions règnent librement comme si rien ne s’était passé. Mais ils ne nous feront pas taire.
Le Sindicato de Estudiantes (SE) et Libres y Combativas, la plateforme féministe socialiste de SE et Izquierda Revolucionaria (section du CIO dans l’Etat espagnol), appellent tous ceux qui désirent que cela cesse à montrer leur solidarité avec notre camarade. Si Tohil Delgado est condamné à la prison, ce sera une sentence contre nous tous qui combattons dans la rue. Nous vous demandons de faire connaître cette affaire et de signer la résolution de protestation demandant son acquittement.
Une manifestation de solidarité pour Tohil et les autres accusés aura lieu le mercredi 6 juin devant le tribunal correctionnel de Madrid. Avec une pression de masse, nous pouvons empêcher cette injustice de se produire !
Assez du sexisme et du racisme de la police !
Signez la résolution de soutien
Prenez des photos de solidarité avec cette affiche et envoyez les à redaction@socialisme.be
Mattarella (au centre) défend les intérêts d’une partie du capital italien. Son veto à un ministre de la Léga et du Mouvement des cinq étoiles conduit à une nouvelle crise politique aux conséquences profondes. Ce pourrait être le début d’une nouvelle crise pour la zone euro et l’UE.
Ce qui était déjà une grave crise pour le capitalisme italien – le rejet, lors des élections générales de mars, des partis de l’establishment – s’est transformé en ce que l’on peut considérer comme une bombe à retardement qui menace également l’Union européenne et l’euro. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) a averti, à plusieurs reprises, que la tentative de conserver une monnaie commune et une économie intégrée sur une base capitaliste s’effondrera à un certain stade. La Grèce ne devait pas le dernier pays à menacer leur rupture. Ce qui se passe en Italie, ainsi que le départ du Royaume-Uni, pourrait entraîner un éclatement de la zone euro et/ou de l’Union européenne sous leur forme actuelle.
L’Italie, avec sa dette nationale massive et son économie stagnante, était un candidat de choix pour une nouvelle crise. Les racines de cette dernières puisent dans l’insatisfaction profonde des travailleurs et des pauvres du pays après des décennies d’absence de croissance et d’austérité paralysante. Les deux partis populistes qui ont “gagné” les élections de mars dernier, et qui devaient former un gouvernement, étaient le Mouvement des cinq étoiles (M5S) et la Lega. Leurs projets comprenaient des attaques contre les migrants et certaines expressions d’un nationalisme extrême, mais ces partis promettaient aussi un revenu de base, des impôts moins élevés et une augmentation des dépenses publiques. Ils ont comblé le vide créé par les politiques criminellement pro-capitalistes de la gauche italienne dans le passé, y compris le Parti de la refondation communiste – le RPC – qui s’est pratiquement effondré.
Aucun de ces partis n’a préconisé de quitter l’UE, pas plus que le ministre des finances choisi par les deux partis, Paolo Savona. Mais il était connu comme eurosceptique et les représentants des banques et des grandes entreprises savent que les pressions pour sortir de la camisole de force de l’UE pourraient bien pousser un gouvernement M5S/Lega vers une rupture.
De mal en pis
La décision du président italien d’aller à l’encontre de celle des partis élus et d’imposer un nom différent pour le ministre des finances – Carlo Cotterelli, qui vient du Fonds monétaire international (FMI) – a aggravé les choses et envoyé les bourses de l’Europe vers la chute libre.
La crise gouvernementale se développe d’heure en heure, le président italien utilisant ses pouvoirs autoritaires et parlementaires bonapartistes pour renverser les décisions et en proposer de nouvelles.
Outre la colère justifiable des électeurs face à l’intervention du président dans la recherche d’un gouvernement sûr pour le capitalisme et les appels à sa destitution, les actions du président ont alimenté un plus grand soutien aux partis qui ont remporté les élections ! Les attaques des représentants les plus enragés du capitalisme allemand ne peuvent qu’enflammer la situation. Le commissaire allemand au budget de l’UE, Gunther Oettinger, a déclaré que l’effondrement des marchés en Italie montrerait aux électeurs italiens les dangers de voter pour des populistes.
Ce n’est pas seulement en Italie que les marchés reflètent des craintes quant à l’avenir de l’UE et, en fait, de leur système, face à la colère populaire. Le financier George Soros a averti que la zone euro fait face à une crise existentielle. Comme l’a dit Larry Elliott dans le journal Guardian (Londres, 30 mai) : “Depuis des années, les marchés financiers se demandent d’où viendra la prochaine crise mondiale. Une rupture de l’euro causée par “Italeave” ferait certainement l’affaire.” Le titre de son article est le suivant : “L’union monétaire aurait survécu à la perte de la Grèce. Elle ne survivrait pas à la perte de l’Italie”.
Lorsque la Grèce a été intimidée de poursuivre la politique d’austérité sauvage comme condition pour des prêts supplémentaires, le CIO a fait valoir qu’une alternative existait. Elle impliquait de rompre avec le capitalisme et de diffuser les idées d’une alternative socialiste à travers l’Europe du Sud – l’Espagne, le Portugal et, surtout, l’Italie.
Nous luttons pour une confédération socialiste d’Europe, comprenant l’Allemagne. La lutte contre les politiques de l’impérialisme allemand doit inclure un appel à la classe ouvrière puissante de ce pays pour rompre avec les politiques réactionnaires de ses gouvernements capitalistes. C’est l’approche que les socialistes italiens doivent adopter – trouver un moyen d’exprimer la colère des travailleurs et des jeunes contre le système et s’efforcer de construire un nouveau parti des travailleurs pour lutter pour le socialisme – en Italie et au niveau international.
L’article suivant a été publié par Resistenze Internazionali (section italienne du Comité pour une Internationale Ouvrière):
Au cours du dernier épisode en date du drame politique post-électoral interminable en Italie, le Président de la République, Mattarella, a torpillé le gouvernement de coalition “jaune-vert” qui était sur le point d’être formé par la Lega et le Mouvement des cinq étoiles (M5S). Cinq jours seulement après sa nomination au poste de Premier ministre, le professeur de droit Giuseppe Conte a remis sa démission et va maintenant retomber dans l’obscurité politique.
Ces événements ont déclenché une grave crise politique, constitutionnelle, économique et financière qui a déjà des conséquences européennes et internationales. Au sommet, il s’agit d’une lutte de pouvoir politique qui reflète les divisions entre les différentes ailes de la classe capitaliste. Alors que des petites et moyennes entreprises du nord du pays ont trouvé une voix politique dans la Léga populiste de droite, les grandes entreprises et les entreprises davantage axées sur l’exportation ont vu leurs dernières représentations politiques – le Parti démocratique (PD) et Forza Italia – annihilées sur le plan électoral. Dans cette situation, Mattarella est devenu leur seul espoir.
Le déclencheur de la démission de Conte a été le refus de Mattarella de soutenir l’économiste Paolo Savona que la Lega et le M5S avaient proposé comme ministre de l’économie. Bien que cela ne soit pas sans précédent, le recours au veto présidentiel dans une telle situation est rare, reflétant la profonde crise politique à laquelle la bourgeoisie italienne est confrontée. Mattarella n’aurait pas pu être plus clair sur sa motivation. La nomination de Savona, a-t-il déclaré, était alarmante pour les investisseurs italiens et étrangers en raison de sa position sur l’euro.
Paolo Savona n’est guère un révolutionnaire. Bien que l’économiste de 81 ans ait décrit l’euro comme une erreur historique et a souligné l’importance d’avoir un “Plan B”, il n’a pas préconisé le départ de l’Italie, et une sortie de l’UE ne faisait pas partie du contrat gouvernemental Lega/M5S. En fait, Savona a derrière lui une longue carrière en tant que représentant de l’establishment, comme ministre, actif dans le secteur bancaire et dans la Confindustria, la fédération patronale. Pourtant, sous la pression des fonctionnaires de l’UE, des dirigeants des gouvernements de l’UE, des marchés financiers et des agences de notation, Mattarella, et derrière lui le PD et des sections de la classe capitaliste italienne, s’est montré prêt à adopter une mesure aussi radicale dans l’espoir de calmer la tourmente des marchés et de donner l’apparence d’un “business as usual”.
A la place de Conte, le remplaçant de Mattarella est Carlo Cottarelli, un ancien fonctionnaire du FMI et conseiller en matière d’examen des dépenses publiques (c’est-à-dire des coupes budgétaires), connu sous le nom de “M.Scissorhands” (Monsieur Ciseaux) en raison de son enthousiasme pour la promotion des coupes budgétaires, de l’austérité et de l’équilibre budgétaire. Ces politiques sont exactement à l’opposé des réductions d’impôt sur le revenu des particuliers et de l’augmentation des prestations sociales que le gouvernement M5S/Lega promettait. Mais loin de calmer les marchés, sa nomination a conduit à une nouvelle baisse de la Borsa, la bourse italienne, et à une hausse des spreads sur la dette publique au niveau le plus élevé depuis la fin 2013. Il sera presque impossible pour Cottarelli de remporter le vote de confiance du parlement, ce qui se traduira par une nouvelle élection, peut-être à l’automne, avec Cottarelli à la tête d’un gouvernement virtuel jusqu’à la dissolution du parlement, ou même une élection surprise en juillet.
Et ensuite ?
Plutôt que de freiner les populistes, le “coup présidentiel” de Mattarella aura joué dans leurs mains, renforçant le profond climat anti-establishment exposé au grand jour lors des élections du 4 mars en signe de protestation contre des années de crise économique et de corruption. La Léga et le M5S ont appelé à des manifestations de protestation pour le 2 juin (le Jour de la République). Selon l’Instituto Cattaneo, si le M5S et la Lega se présentaient ensemble aux prochaines élections (ce qui n’est pas du tout certain), ils remporteraient environ 70 % des sièges au parlement. Quoi qu’il en soit, ils seront probablement les plus grands gagnants. La Lega, en particulier, a rapidement augmenté son soutien (principalement aux dépens du parti de Berlusconi, Forza Italia) avec un sondage d’opinion lui donnant 27%, juste quelques points derrière le M5S. Dans le même temps, le mécontentement s’est accru au sein du M5S et l’on ne peut exclure que la direction de Di Maio soit contestée par ceux qui estiment qu’on leur a volé le pouvoir et que Di Maio a vendu le parti à Salvini, le chef de la Léga.
“L’Italie n’est pas une colonie”, a déclaré Salvini. “Les Allemands ne peuvent pas nous dire quoi faire”, a-t-il ajouté. Cela donne une idée du type de campagne électorale susceptible d’être menée : “Qui contrôle l’Italie – le peuple ou l’élite, les pouvoirs en place, les marchés financiers et l’UE”. Alors que l’Europe était à peine mentionnée durant les élections de mars, il est probable qu’elle occupera le devant de la scène cette prochaine fois. Dans cette situation, la gauche ne peut pas être perçue comme s’identifiant à l’un ou l’autre côté de la lutte pour le pouvoir politique. La coalition de gauche récemment créée (et encore petite et hétérogène), Potere al Popolo, devra se battre pour canaliser une partie de l’atmosphère anti-establishment dans une direction clairement anticapitaliste, loin de l’approche nationaliste et souverainiste de droite qui dominera pendant la campagne électorale. Ce ne sera pas une tâche facile, mais c’est absolument urgent et c’est pour cela que Resistenze Internazionali fera campagne.
Un candidat Premier ministre de compromis : Giuseppe Conte (wikimedia)
Après presque trois mois de négociations tortueuses et de marchandage, un gouvernement italien semble enfin avoir été accepté et n’a encore besoin que de l’approbation du Parlement. La réaction des marchés – une chute de la bourse et une augmentation des spreads (écarts entre les taux) sur les obligations d’Etat – bien que modérée par rapport à la crise de 2011, est le présage d’événements futurs.
Par Chris Thomas, Resistenze Internazionali (section italienne du Comité pour une Internationale Ouvrière)
Une coalition “jaune/verte” entre le Mouvement des cinq étoiles (M5S) et la Lega, les deux partis populistes qui ont remporté l’élection générale du 4 mars (32% pour le M5S et 17% pour la Lega) n’est clairement pas l’option favorite des grandes entreprises et des élites d’Italie et d’Europe. Mais face à l’effondrement électoral des plus grands partis, Forza Italia et le Parti démocrate, elles n’avaient guère le choix. L’alternative consistant à ce qu’aucun gouvernement n’émerge d’une élection pour la première fois en 70 ans. Le retour aux urnes menaçait d’être encore plus déstabilisant. Au lieu de cela, la majorité de la classe dirigeante est forcée d’agir par l’intermédiaire du président Mattarella, espérant ainsi faire pression sur le gouvernement pour qu’il agisse “de manière responsable”.
Comme Matteo Salvini, le dirigeant de la Léga, n’a pas pu accepter que le leader du M5S Luigi Di Maio soit Premier Ministre, et vice-versa, le compromis est Giuseppe Conte, un professeur de droit non-élu et pratiquement inconnu. Le “contrat pour un gouvernement de changement” de 52 pages rédigé par les deux dirigeants comprend un “comité de réconciliation” pour arbitrer les différends. Cela en dit long sur les perspectives de ce gouvernement bricolé qui tente de concilier deux programmes électoraux essentiellement opposés et de satisfaire des électeurs très différents. Le M5S a reçu beaucoup de voix dans le sud appauvri du pays, où les chômeurs et les travailleurs précaires ont été enthousiasmés de voter pour eux suite à la promesse d’introduire un revenu citoyen de 780 euros par mois pour les Italiens les plus pauvres. La Lega a obtenu ses meilleurs résultats dans le Nord, en courtisant sa base électorale de petites entreprises avec des propositions de réductions d’impôts par le biais d’une ‘‘flat tax’’, un impôt à taux unique.
Soixante pourcents de la population ont actuellement une vision favorable de la formation d’une coalition M5S/Lega. Beaucoup s’attendent à ce que ce gouvernement, contrairement aux précédents, fasse ce qu’il dit et améliore les conditions de vie après plus d’une décennie de dévastation économique. Toutefois, essayer de répondre à ces attentes signifierait entrer en collision frontale avec l’Union européenne et l’instabilité du marché. Ne pas satisfaire l’électorat risque de détruire le soutien électoral précaire des deux partis et de provoquer des troubles sociaux.
Tant le revenu citoyen que l’impôt à taux unique figurent dans le contrat, dans des versions modifiées, de même que les modifications apportées à la loi Fornero 2011 sur les pensions qui réduisent la valeur de nombreuses pensions et, l’année prochaine, porteront l’âge de la retraite à 67 ans. Le contrat promet également d’autres réformes, telles que l’introduction d’un salaire minimum légal et l’inversion des réductions budgétaires du système de santé. Le coût exact de ces réformes et la provenance de l’argent pour les payer ne sont pas entièrement expliqués. Certaines estimations parlent d’un coût de 100 milliards d’euros, d’autres de 30 milliards d’euros par an pendant la législature de cinq ans (en supposant que la coalition dure aussi longtemps, ce qui est douteux étant donné ses nombreuses contradictions).
Une croissance économique ?
Le contrat gouvernemental parle vaguement d’accroître la croissance économique (sans dire comment cela serait réalisé), ainsi que de réduire le gaspillage et de lutter contre l’évasion fiscale, ce qui ne se distingue pas des promesses faites (et brisées) par tous les gouvernements précédents. C’est une pure fantaisie de penser que ces changements à eux seuls permettraient de générer les finances nécessaires. L’économie elle-même est à peine en croissance en raison de la baisse de la production industrielle de 25% provoquée par la crise de 2007/8. Le ratio de la dette publique par rapport au PIB est le deuxième plus élevé d’Europe. L’impôt à taux unique (qui serait en réalité un impôt à deux niveaux) réduirait considérablement les recettes fiscales du gouvernement (50 % des bénéfices allant aux riches). Quelles sont les alternatives ? Soit des coupes budgétaires dans les dépenses publiques, ce qui est politiquement dangereux puisque les deux partis se sont engagés à mettre fin à l’austérité, soit une augmentation de la dette publique et un dépassement de la limite de 3% du déficit budgétaire imposé par l’UE.
Pendant la campagne électorale et les négociations gouvernementales, les deux partis ont été soumis à des pressions croissantes pour modérer leur rhétorique anti-euro et anti-UE. Le président Mattarella a averti Salvini et Di Maio qu’il a le pouvoir politique d’opposer son veto à une législation anticonstitutionnelle (le “Pacte fiscal” de l’UE qui exige des budgets équilibrés est inscrit dans la Constitution italienne). Une version antérieure du contrat qui a fait l’objet d’une fuite dans la presse parlait du retrait de l’euro et demandait à l’UE d’annuler 250 milliards d’euros de la dette publique de l’Italie. Ces deux éléments ont été retirés de la version finale. Salvini et Di Maio parlent maintenant de la réforme du droit fiscal et des traités de l’UE, y compris l’Accord de Dublin, qui oblige les migrants à demander l’asile dans le premier pays où ils arrivent. Que se passera-t-il si l’UE refuse, comme ce sera sans aucun doute le cas ? L’UE deviendra-t-elle l’excuse commode pour ne pas mettre en œuvre le contrat ou y aura-t-il une confrontation directe avec l’Europe ?
Bien que Salvini, en particulier, continue d’être extrêmement bruyant dans ses attaques contre l’ingérence de l’UE et le droit du gouvernement de “faire une priorité des Italiens”, la première option semble être la plus probable. Mais la seconde ne peut pas être totalement exclue, surtout si une crise des marchés se développe comme en 2011. Tirant les leçons de la crise grecque, le M5S et la Lega ont sérieusement envisagé ou proposé l’option d’émettre des obligations d’État (appelées “mini-bots” par la Lega) qui pourraient ensuite être utilisées pour payer des impôts ou payer les services publics. Il s’agirait en fait d’une monnaie parallèle à l’euro. Ce serait inévitablement considéré comme un pas vers la sortie de l’euro, provoquant un affrontement avec l’UE et de nouvelles turbulences sur le marché. L’Europe pourrait devenir la question qui déchire la coalition.
Le mécontentement peut rapidement croître
Le contrat comprend diverses propositions concernant l’éthique au Parlement et la lutte contre la corruption, qui, si elles étaient mises en œuvre, seraient généralement très populaires étant donné la corruption profondément enracinée dans la classe politique et les organes de l’État. Il contient également des attaques sévères contre les migrants, y compris le détournement des fonds alloués à l’aide aux réfugiés pour déporter jusqu’à 500.000 migrants “illégaux”. Plus de crèches sont promises, mais seulement pour les “familles italiennes”. Le sécuritaire et la création d’un environnement plus dur pour les réfugiés jouent sur des couches des deux électorats qui estiment que l’Italie accueille un nombre disproportionné de migrants traversant la Méditerranée en provenance d’Afrique et que ces migrants sont en concurrence avec les Italiens pour les emplois, les logements et des allocations sociales toujours plus basses.
Mais les questions économiques seront au cœur des perspectives de la coalition. Le mécontentement pourrait se développer très rapidement. Les sondages montrent déjà un déclin du soutien au M5S, très probablement d’anciens électeurs de “gauche” qui s’opposent à la coalition avec l’extrême droite de la Lega. Le M5S a essayé d’être tout pour contenter tout le monde, des fractures sont susceptibles de s’approfondir et le mouvement peut imploser à un certain stade. Dans une situation où la bureaucratie syndicale est ossifiée et léthargique et en l’absence d’un parti de gauche large, la manière dont le mécontentement social s’exprimera n’est pas claire à ce stade. Mais le populisme, en particulier le populisme ‘ni de gauche ni de droite’ du M5S, sera exposé et trouvé insuffisant. Cela ouvrira la voie à la reconstruction des organisations sociales et politiques nécessaires pour défendre réellement les intérêts des travailleurs.
Déclaration des députés irlandais de Solidarity et membres du Socialist Party Ruth Coppinger, Paul Murphy et Mick Barry.
Le référendum irlandais du 25 mai a livré un résultat sans appel : une large majorité a voté en faveur de la levée de l’interdiction constitutionnelle de l’avortement, comme le prévoit le 8e amendement à la Constitution. Après une campagne féroce, dans laquelle les opposants au droit à l’avortement se sont tournés vers le mensonge et l’intimidation, l’emprise de l’establishment conservateur et religieux sur la population irlandaise s’est avérée plus limitée que prévu. Dans la campagne du Oui, les activistes de la campagne féministe socialiste ROSA, de Solidarity (l’alliance électorale plus large à laquelle participe le Socialist Party) et des parlementaires comme Ruth Coppinger ont joué un rôle majeur. Voici la réaction immédiate des trois députés de Solidarity (Ruth Coppinger, Paul Murphy et Mick Barry).
La claire et splendide victoire du ‘‘oui’’ dans ce référendum représente un tremblement de terre politique et un tournant pour l’Irlande. C’est une grande victoire, en particulier pour les femmes d’Irlande, qui se sont débarrassées de l’oppression du 8e amendement après 35 ans. Aucun retard ne peut désormais être justifié. Rien n’empêche le Dail (parlement) d’adopter rapidement une loi pour donner effet aux propositions du Comité de l’Oireachtas (la commission parlementaire). Plus personne ne doit souffrir.
Cet événement fait partie d’une révolte mondiale féministe et LGBTQI contre une discrimination de longue date. Cette victoire est un énorme coup de pouce pour tous ceux qui luttent contre l’oppression et pour l’égalité réelle à travers le monde. C’est tout particulièrement le cas pour les femmes d’Amérique latine, qui meurent littéralement faute de disposer du droit à l’avortement, qui voient leur lutte renforcée par ce résultat.
Mettre fin à l’hypocrisie
C’est aussi une victoire livrée principalement par la jeunesse, une génération souvent dénigrée comme étant la “génération snowflakes” (terme péjoratif qui vise à catégoriser les jeunes comme étant plus facilement offensés que par le passé, NDT). Ce sont eux qui ont dit qu’il y en avait assez et qui ont fait de cette question un thème crucial, en particulier après la mort tragique et inutile de Savita Halappanavar (décédée en 2013 des suites de complication de sa grossesse et à qui un avortement avait été refusé, NDT). Ce sont les jeunes femmes qui ont refusé d’accepter l’hypocrisie de la “solution irlandaise à un problème irlandais” et ont exigé et organisé ce changement contre un establishment politique pétrifié et réticent.
Il faut aussi dire haut et fort qu’une fois de plus, comme ce fut le cas avec le mouvement contre la taxe sur l’eau et le référendum sur le mariage égalitaire, la classe ouvrière a véritablement été la ‘‘fondation sûre’’, comme le disait James Connolly, de cet énorme changement social. En raison de l’expérience vécue, le sens de la solidarité est inné dans la classe ouvrière. C’est la force qui fait avancer les choses dans ce pays, comme on l’a vu pendant la campagne et comme le démontre l’ampleur des votes dans les communautés ouvrières.
Un mouvement de base
Une vaste campagne officielle du ‘‘Oui’’ a eu lieu, puis un mouvement populaire indépendant s’est développé au cours des dernières années, des derniers mois et des dernières semaines. C’est ce mouvement qui a fait la différence décisive, notamment en répondant à l’alarmisme et aux mensonges scandaleux du camp du ‘‘non’’.
Cette victoire a également été encadrée dans une large mesure au cours des dernières années par ceux qui ont été les plus ardents partisans du droit au choix, les anticapitalistes socialistes et les activistes de gauche. Jusqu’à tout récemment, le groupe parlementaire Solidarity – People Before Profit était la seule entité politique du parlement à lutter en faveur du droit à l’avortement, avec une position clairement pro-choix.
Il existe une grande différence entre ceux qui ont voté ‘‘non’’ et les organisateurs de la campagne du ‘‘non’’. La campagne ‘‘du non’’ a donné un aperçu effrayant du type d’Irlande dans laquelle la droite religieuse voudrait que nous vivions tous. Sombrant dans la misogynie, la campagne du ‘‘non’’ a diffamé femmes et les a dépeintes comme des tueuses égoïstes et des meurtrières. Ils ont blâmé les femmes du début à la fin, c’est totalement inacceptable.
Les idées rétrogrades ont été rejetées
Nombreuses ont été celles qui se sont senties plus vulnérables et moins en sécurité au fur et à mesure que leur rhétorique s’intensifiait. Mais leurs idées rétrogrades ont clairement été rejetées lors de ce référendum. Le fait que la majorité des représentants publics du parti Fianna Fáil a participé à cette campagne ne doit pas et ne sera pas oublié par la population.
Ce référendum a des implications pour l’Irlande du Nord, où les femmes et les jeunes n’accepteront pas d’être laissés pour compte. Les militants de la campagne du Socialist party ROSA y lancent une campagne majeure pour revendiquer le droit à l’avortement, en commençant par un Bus4Choice qui voyagera dans tout le Nord la semaine prochaine avec des pilules abortives.
Ce vote retentissant doit conduire à l’adoption rapide de la législation et au développement des services de santé nécessaires pour permettre d’avorter jusqu’à 12 semaines sur demande et pour raisons de santé. Le projet de loi de Solidarity sur l’éducation sexuelle doit être adopté. La contraception gratuite doit maintenant être fournie dans les services de santé et promue dans la société.
Pour que cela se produise, l’establishment politique doit être maintenu sous pression par le mouvement populaire. Rappelez-vous que nous avons dû attendre plus de cinq ans après la mort de Savita avant d’avoir enfin un référendum ! Cela ne doit pas se reproduire.
Les jeunes ont été la dynamique clé de voûte de cette victoire contre l’oppression et pour le contrôle de leur propre corps. Il ne s’agit pas de savoir si, mais quand, ils agiront contre un système éducatif de plus en plus oppressif ; sur le fait qu’ils ne peuvent obtenir d’emplois avec un salaire et des conditions décentes ; qu’ils n’ont pas les moyens de louer ou d’acheter un logement décent.
Construire une gauche socialiste
Le premier ministre Leo Varadkar pourrait bénéficier de ce résultat, ayant sauté à la dernière minute du bon côté de l’Histoire. Mais lui, le Fine Gael et les autres partis qui défendent et mettent en œuvre des politiques capitalistes seront confrontés à la force du séisme de la jeunesse qui arrive parce qu’ils n’ont pas de solutions à offrir face à ces questions brûlantes. Ils ne peuvent pas satisfaire le désir profond de justice et d’égalité qui pousse de manière décisive les jeunes générations vers la gauche et les idées socialistes dans de nombreux pays comme l’Amérique, la Grande-Bretagne et l’Espagne et, après le vote d’hier, en Irlande aussi.
En tant que députés de Solidarity et membres de longue date du Socialist Party, nous disposons d’une longue expérience sur ces questions et sur la lutte pour le droit de choisir. Nous sommes fiers d’avoir fait partie de la campagne Time4Choice de ROSA qui a donné une réelle longueur d’avance au camp du ‘‘oui’’ et a facilité le développement du mouvement populaire. Ce mouvement et ROSA ne vont pas disparaître et vont viser à devenir une force féministe socialiste majeure en lutte pour une transformation radicale de ce pays.
Le référendum historique visant à abroger le huitième amendement à la constitution irlandaise, qui équivaut à une interdiction quasi totale de l’avortement, a lieu ce 25 mai. Les citoyens irlandais voteront ” oui ” pour un avenir progressiste où le droit de choisir est enfin reconnu par la loi irlandaise, ou ” non ” pour une société encore dans l’ombre dans l’Église catholique répressive et misogyne.
Par Keishia Taylor, Socialist Party (section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière) et ROSA – Dublin.
Le mouvement féministe très militant et jeune qui lutte pour l’abrogation rompt avec la répression du passé. À chaque fois, l’establishment politique s’est opposé au droit à l’avortement et au mouvement pro-choix.
Le gouvernement a tout fait pour tenter d’éviter l’organisation d’un référendum. Ensuite, ils ont tenté de diluer les revendications pro-choix pour n’autoriser l’avortement que dans les “cas difficiles” comme les anomalies fœtales graves et une grossesse résultant d’un viol.
ROSA – Mouvement socialiste féministe( campagne sœur de la campagne ROSA en Belgique) a joué un rôle extrêmement important en défendant une position pro-choix sans compromis. Au sein de ROSA militent des membres du Socialist Party, y compris la députée Ruth Coppinger, figure importante du mouvement pro-choix.
ROSA a mis en évidence la question de l’utilisation des pilules abortives, prouvant que l’avortement a lieu tous les jours, malgré l’interdiction. Mais il ne se réalise pas avec un avec un encadrement médical sûr. Cela a poussé le référendum sur la problématique du droit de choisir.
L’énergie et l’enthousiasme de la jeunesse pour un vote en faveur du OUI correspondent à l’état d’esprit dominant, en particulier à Dublin. Les jeunes, les femmes, les LGBTQI+ et les travailleurs sont très favorables à l’abrogation.
Cependant, les anti-choix les plus arriérés sentant que leur contrôle des femmes leur échappe font preuve d’une grande agressivité. Les derniers sondages suggèrent une victoire du camp des pro-choix face à l’interdiction de l’avortement sexiste, mais nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers et nous ferons campagne jusqu’à la fermeture des bureaux de vote.
Gagner le droit à l’avortement serait une énorme victoire. Elle porterait un coup dur à l’Église conservatrice et répressive et à l’establishment capitaliste et constituerait un pas en avant important vers une séparation complète entre l’Église et l’État.
Le Sindicato de Estudiantes (SE) et Libres y Combativas, la plate-forme féministe socialiste du SE et d’Izquierda Revolucionaria (section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’État espagnol) avaient appelé à une grève générale étudiante. Les classes ont été vidées et plus de 100.000 personnes ont manifesté dans les rues !
Cette grève générale étudiante, qui s’est déroulée le 10 mai, entendait réagir face au jugement scandaleux qui a disculpé de viol cinq hommes se surnommant La Manada (la meute). Elle fut un grand succès. Plus d’un million d’élèves ne se sont pas rendus aux cours et plus de 100 000 d’entre eux ont assisté à plus de 60 manifestations organisées par le Sindicato de Estudiantes et Libres y Combativas. Le centre-ville de Madrid a été occupé par plus de 20.000 jeunes dans une atmosphère exceptionnellement combative. Il en va de même pour Barcelone où plus de 40.000 personnes ont rempli les rues de la capitale catalane. Au Pays Basque, des milliers de personnes ont défilé à Bilbao, Gasteiz, Donosti et Iruña, ainsi que dans toutes les provinces d’Andalousie, de Valence, de Galice, d’Aragon, d’Extremadura, etc. Des dizaines de milliers d’élèves ont crié haut et fort ‘‘c’était un viol’’, ‘‘Sœur, nous sommes ta meute’’, ‘‘Je te crois’’ et ‘‘A bas la justice sexiste’’ !
Ce fut une journée extraordinaire de lutte au cours de laquelle les étudiants ont exprimé leur soutien et leur solidarité avec la victime de “la meute” ainsi que leur rejet de toutes ces attaques sauvages au sein d’un système de ‘‘justice” qui protège leurs auteurs.
Libres y Combativas et le Sindicato de Estudiantes tiennent à remercier les dizaines d’organisations féministes qui ont participé à cette grève, de même que les travailleurs de Kellys et de Coca Cola, l’organisation de défense de la mémoire des victimes du franquisme et le mouvement de défense des pensions publiques, qui ont tous soutenu cette journée d’action et y ont participé.
Ce que nous avons démontré ce jour-là, c’est que les féministes qui défendent un programme de lutte et d’anticapitalisme élargissent leur influence. C’est un féminisme qui n’a pas peur d’appeler les choses par leur nom, qui n’hésite pas à dénoncer le système judiciaire qui protège les violeurs et qui combat les politiques réactionnaires du PP, de Ciudadanos et de toutes les personnes qui se prétendent féministes tout en soutenant ce système capitaliste qui nous opprime et nous tue.
Le jugement de “La Meute” fait partie intégrante de la misère imposée quotidiennement par le système capitaliste et ce gouvernement de droite corrompu à des millions de femmes, de jeunes et de travailleurs. Le 26 avril (lorsque la sentence a été prononcée) sera considéré comme un jour d’infamie, comme le jour où la “justice” espagnole a permis une attaque brutale contre l’un de nos droits les plus fondamentaux, celui de ne pas être violées, en absolvant ceux qui devaient être blâmés.
Ce qui est arrivé n’est pas un accident. Cela fait partie intégrante de ce voyage dans le temps qui rappelle l’époque du franquisme et qui voit le PP au pouvoir encourager tous les éléments les plus réactionnaires du système judiciaire à attaquer les opprimés, à commencer par les femmes. C’est la “justice” capitaliste. Les artistes, les syndicalistes, les tweeters et les féministes sont harcelés par des procès, des amendes et des peines d’emprisonnement tandis que tous les voleurs qui détiennent des cartes de membre du PP, les banquiers qui nous expulsent et les patrons qui nous exploitent continuent de régner sur la société. C’est ce qu’ils appellent la “démocratie”, mais nous savons que c’est loin d’être le cas.
Nous nous sommes habitués à cette “justice” sexiste soulignée par des cas précédents. Ils veulent nous envoyer un message clair : ceux qui se défendent sont persécutés tandis que les sexistes et les politiciens et patrons corrompus connaissent l’impunité.
Aujourd’hui, une fois de plus, nous avons marqué l’histoire avec la lutte pour la liberté. Mais nous ne pouvons pas baisser notre garde. Libres y Combativas et le Sindicato de Estudiantes appellent tous les jeunes à rester mobilisés contre toutes les oppressions. Nous vous invitons à nous rejoindre pour construire un mouvement féministe révolutionnaire et anticapitaliste.
Le 26 avril, les salles de classe des écoles et des universités de Catalogne étaient vides en raison de la grève générale étudiante appelée par le Sindicat d’Estudiants. Encore une fois, les jeunes sont sortis dans la rue, face à la répression franquiste du PP pour dénoncer haut et fort le bloc réactionnaire : nous exigeons la démocratie et la liberté pour les jeunes et le peuple de Catalogne et nous n’acceptons pas les attaques antidémocratiques qui menacent de détruire nos droits.
Par le Sindicat d’Estudiants
Plus de 10.000 jeunes ont défilé à Barcelone et des centaines d’autres villes de Catalogne pour réclamer la liberté des prisonniers politiques, la fin de l’article 155 de même que pour dénoncer la criminalisation et la persécution des comités CDR (comité de défense du référendum) et de tous ceux qui se sont soulevés contre cette offensive antidémocratique.
Nous savons que l’intention du PP et de ses alliés est d’humilier un peuple entier et d’envoyer un message clair, non seulement aux jeunes et aux travailleurs de Catalogne, mais aussi dans le reste de l’État espagnol. Aujourd’hui, ils emprisonnent et persécutent les gens aux idées indépendantistes, mais ils commencent aussi à agir de la sorte contre ceux qui dénoncent la corruption, l’injustice du gouvernement PP et le rôle de la monarchie. Aujourd’hui c’est le mouvement indépendantiste, les rappeurs, les tweeters, les jeunes basques et d’autres qui sont victimes de la police. Mais demain, ces méthodes seront utilisées contre ceux qui organisent des grèves étudiantes, des mobilisations comme la grève féministe du 8 mars, le mouvement des retraites et le mouvement anti-évictions. Nous ne pouvons pas accepter cela ! En Catalogne, le 26 avril, nous l’avons rendu plus que clair et nous sommes sortis pour lutter, comme nous l’avons fait le 15 avril lorsque plus d’un million de personnes ont défilé à Barcelone. Cela montre la voie à suivre pour résister à l’oppression !
Pour cette raison, le Sindicato de Estudiantes dans le reste de l’État espagnol a activement mobilisé en soutien à ses camarades catalans. Nous avons organisé des rassemblements de protestation au Pays basque, ainsi que des assemblées et des arrêts dans le reste de l’État. Tant en Catalogne qu’à l’extérieur, notre ennemi est le même : le bloc réactionnaire du PP qui nous attaque, nous inflige des coupes budgétaires et nous refuse une vie digne, mais qui veut aussi nous museler quand nous sortons pour lutter.
Nous voulons également remercier le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) qui a organisé des actions de solidarité avec notre grève au niveau international. Des manifestations ont eu lieu devant les ambassades et consulats à Londres, Berlin, Dublin, Edimbourg, Cracovie, Vienne, Québec, Hong Kong et bien d’autres. Ils ont contribué à visibiliser notre lutte partout dans le monde.
Lorsque nous organisons et combattons, nous sommes très forts, comme nous l’avons montré le 1er octobre, le 3 octobre lors de la grève générale historique qui a paralysé la Catalogne, et de nouveau le 15 avril. Il n’y a pas de répression qui puisse arrêter un peuple mobilisé ! Il est nécessaire d’entendre le message que les jeunes ont envoyé dans les rues de Catalogne le 26 avril, et de répondre par une grève générale de tous les travailleurs et des jeunes. C’est ainsi que nos parents et nos grands-parents ont obtenu des droits démocratiques dans les années 1970 et c’est ce que nous allons réaliser aujourd’hui !
Manifestation du 14 avril à Marseille. Photos : Els Deschoemacker.
Elu sur les ruines des partis traditionnels en France, Macron et son parti La république en marche (LREM) ont vaincu Marine Le Pen et le FN au 2ième tour des élections présidentielles françaises de l’année passée. Moins d’un an plus tard, un tsunami de protestations déferle sur le pays. Le parallèle saute aux yeux avec la Belgique quelques mois après l’arrivée au pouvoir du gouvernement de droite. Les questions posées au mouvement social sont identiques : comment les jeunes et les travailleurs peuvent-ils l’emporter contre une force qui prétend vouloir préserver le dialogue social avec les syndicats mais qui, en pratique, le vide de tout contenu. « La démocratie, ce n’est pas la rue », est le maître-mot de Macron. Où encore avons-nous déjà entendu ça ?
Interview de Rachel Mahé, membre de la Gauche Révolutionnaire (section française du CIO), candidate de la France Insoumise aux législatives de 2017 à Montélimar. Propos recueillis par Els Deschoemacker.
Près d’un an après son arrivée au pouvoir, quel bilan tirer du ‘‘changement’’ de Macron ?Aujourd’hui, personne ne croit plus à la propagande de sa campagne électorale qui voulait répondre au rejet des partis politiques traditionnels et de leurs politiques. L’état de conscience qui domine actuellement, c’est que la politique de Macron est la même que celle de ses prédécesseurs, une politique qui ne sert que les intérêts des plus riches.
Et c’est même pire que ça. Macron va encore plus loin dans la destruction des conquêtes de la classe ouvrière. La deuxième Loi travail repose sur la casse complète des contrats à durée indéterminée. Elle facilite les licenciements pour prétexte économique, même si les entreprises réalisent toujours des bénéfices ! Elle comprend aussi une attaque contre la représentation syndicale qui vise à réduire le nombre d’élus des syndicats dans les négociations. Les patrons d’entreprises peuvent maintenant directement régner par référendums entreprise par entreprise, ce qui est bien pratique pour contourner les syndicats et diviser la classe ouvrière.
Une autre attaque du gouvernement est la baisse des pensions pour toute une partie des retraités. Il y a encore la suppression de 120.000 postes de fonctionnaires dans la santé, l’éducation,… Alors que parallèlement, le parlement ne s’est pas gêné pour voter une augmentation des indemnités (salaires) parlementaires ! L’impôt sur les grandes fortunes a également été revu pour faire épargner 3 milliards d’euros aux plus riches ! Ce n’est pas difficile de voir dans quel camp Macron se place !
Encore un autre aspect important de sa présidence est la constitutionnalisation de l’état d’urgence, qui représente un impressionnant recul pour nos droits. Cela signifie plus de possibilités pour surveiller la population et réprimer la contestation sociale. On voit concrètement aujourd’hui que le gouvernement n’hésite pas à recourir à une violente répression contre le blocage des universités ou contre la ZAD de Notre-Dame des Landes car c’est la seule solution qu’il a pour tenter d’étouffer les contestations.
Cette politique n’est pas tout simplement acceptée, une impressionnante vague de protestations a recouvert la France !
Oui. En fait, la contestation a commencé peu de temps après sa prise de pouvoir, d’abord contre sa Loi travail. Mais il est vrai qu’aujourd’hui les luttes sont très nombreuses et la colère généralisée. Les secteurs publics, comme la SNCF, la santé, l’éducation… connaissent une mobilisation importante. Les conditions de travail actuelles sont déjà insupportables et le gouvernement continue d’attaquer. Il veut notamment supprimer 120 000 postes dans la fonction publique (les annonces de fermeture de classe, de suppression de postes de professeur commencent à tomber). Et à côté de ça, on observe aussi beaucoup de grèves dans le privé, pour de meilleures conditions de travail et pour des augmentations salariales.
Début 2018, c’est le secteur public qui a relancé un mouvement national, avec la grève du 22 mars où se sont retrouvés les cheminots, l’éducation (jeunes et professeurs), la fonction territoriale, la santé, l’énergie… Cela a nourri la mobilisation de la jeunesse et des étudiants contre les lois réformant le Bac et instaurant la sélection à l’université. Aujourd’hui, nous sommes encore dans une phase où de nouvelles universités sont bloquées chaque semaine et où le nombre d’étudiants présents en assemblée général augmente chaque fois.
Ce qui domine le tableau aujourd’hui, c’est la lutte des cheminots qui, comme celle des étudiants, s’inscrit dans la durée. Les cheminots voient leur statut attaqué et s’opposent à la privatisation du rail. Ils ont lancé une grève perlée, jusqu’à la fin du mois de juin et certains sont localement en grève reconductible depuis le 03 avril. D’autres secteurs ont commencé à rejoindre les cheminots certains jours de grève, comme les étudiants, les travailleurs de l’énergie et ceux d’Air-France.
Peux-tu un peu plus nous parler de l’objectif de leur plan d’action et du rôle des syndicats ?
Les syndicats subissent une pression énorme pour entrer en action et ils sont pour le moment le moteur des protestations. Mais les directions ne sont pas tout à fait prêtes à aller jusqu’à mettre en danger le gouvernement. Comme Philippe Martinez (le secrétaire général de la CGT) l’a expliqué dans une interview au journal Le Monde, il appelle Macron à ‘‘redescendre de son piédestal’’, c’est-à-dire à écouter les gens pour reculer ou abandonner ses projets. C’est totalement illusoire ! Le problème, c’est que les syndicats refusent d’aborder la dimension politique inclue dans la bataille qui se déroule.
L’opposition politique a donc un grand rôle à jouer, surtout la France Insoumise. Mélenchon est devenu le plus grand challengeur politique de Macron.
C’est vrai. Au cours de la campagne électorale déjà, Mélenchon a incarné celui qui ramenait le débat sur les questions sociales et il a averti quelque part de ce que serait une présidence Macron. Sa campagne était très pédagogique, dénonçant le fonctionnement du capitalisme et la nécessité de rompre avec ces politiques. Il est parvenu à mobiliser des milliers de jeunes et de travailleurs lors de ses meetings et cela représente un potentiel énorme pour construire une opposition politique à Macron.
Quel a été son rôle depuis lors ?
A l’automne déjà, Mélenchon a lancé un appel pour rassembler les forces syndicales et les partis de gauches derrière une manifestation pour ‘‘déferler à un million sur les champs Elysées’’. Mais malheureusement cet appel n’a pas été repris. Pourtant, selon nous, il s’agissait d’un bon pas en avant pour construire un front commun contre Macron. Cette question reste pertinente, elle est même cruciale. C’est bien lui qui porte la question de l’alternative politique à opposer au gouvernement mais la France insoumise, en l’état actuel, n’est pas perçue pour autant comme un outil dont les jeunes et les travailleurs en lutte pourraient s’emparer.
La grande manifestation à Marseille le 14 avril fut la première à être capable de réunir officiellement les forces syndicales, politiques et associatives en lutte contre Macron. C’est la CGT départementale qui était à l’initiative de cet appel et qui a d’une certaine manière, reprit l’idée de Mélenchon. C’est sur cette voie que nous devons continuer. Quelques dizaines de milliers de personnes étaient présentes. Dans le cortège, l’état d’esprit qui dominait était que l’unité est nécessaire et que, pour gagner, il faut être forts, solides et nombreux. Cette manifestation a rassemblé la CGT, des cheminots, des postiers, des dockers, le syndicat Sud et quelques professeurs, des jeunes (peu nombreux malheureusement), des collectifs de défense des migrants et des partis politique de gauche dont la France Insoumise, qui a fermé la marche en grand nombre.
Quel rôle joue la Gauche Révolutionnaire dans la FI et quels sont nos mots d’ordres pour le mouvement ?
Nous continuons à construire les groupes d’action de la FI et débattons à l’intérieur du rôle que les insoumis doivent jouer dans la lutte contre la politique de Macron. Pour que la FI continue d’attirer et devienne un véritable outil politique pour défendre notre camp, la structuration du mouvement est nécessaire, vers un vrai parti de masse des travailleurs qui soit réellement démocratique.
Et dans le mouvement lui-même, nous soutenons bien évidemment tous les secteurs en lutte et leurs revendications propres mais nous insistons sur l’importance de parvenir à une convergence car elle seule pourra arrêter le rouleau compresseur que conduit Macron. Il est crucial que nous parvenions à un rassemblement autour de revendications globales telles que l’abrogation des lois travail et de réforme dans l’éducation, l’augmentation du smic, la réduction de la semaine à 32h… Nous posons la question de l’élaboration d’un véritable plan qui permette à chaque secteur de se mobiliser et de tous se retrouver pour une grève nationale interprofessionnelle. Il faudrait pouvoir aller vers une grève générale de 24h, voire d’une grève reconductible pour bloquer totalement l’économie.
Beaucoup de références sont faites vers un nouveau mai ’68. Est-ce possible ?
Tout juste 50 ans après Mai 68, nous connaissons une large contestation et une remise en cause profonde du système. La situation est différente de 1968 sous bien des égards mais l’histoire doit nous inspirer et nous donner confiance en notre capacité à défier le pouvoir. D’un autre côté, il est crucial aussi de tirer les leçons des limites qui ont empêché que n’éclate une véritable révolution socialiste car c’est bien là notre objectif. Construisons dès à présent une force politique déterminée à prendre le pouvoir et à changer de système !
Manifestation du 14 avril à Marseille. Photos : Els Deschoemacker.