Category: Europe

  • Les élections européennes vont-elles ébranler le “projet européen” ?

    Photo: WikimediaCommons

    Est-ce un choix entre le nationalisme et l’Europe ? Entre l’extrême droite et les droits démocratiques ? Ou se cache-t-il d’autres enjeux ?

    Partout en Europe, les politiciens et les partis politiques ont commencé leur campagne pour l’élections du Parlement européen en mai. Les sondages d’opinion indiquent la fin de la “grande coalition” conclue entre le PPE (Parti populaire européen) et les sociaux-démocrates (S&D). Ce sont surtout ces derniers qui s’inquiètent des élections, car ils pourraient perdre encore plus de soutien et connaître un creux historique. Cela pourrait entraîner des crises au sein des partis au pouvoir et/ou des gouvernements dans divers pays européens.

    Par Sonja Grusch, SLP (section autrichienne du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    La probable percée des partis populistes et des partis d’extrême droite effraie beaucoup de monde, en particulier les jeunes. Leur renforcement est également un problème pour les classes dirigeantes européennes. Non pas en raison d’un problème fondamental avec leurs positions racistes, sexistes et antidémocratiques, mais parce que la fin de la “grande coalition” et la montée de l’extrême droite peuvent accroître l’influence de la Russie et peuvent, avec l’aggravation du conflit entre l’UE et les Etats-Unis, accélérer les tendances “centrifuges” au sein de leur “projet Européen”.

    Le contexte économique de la crise

    Cette crise de l’UE survient dans le contexte économique difficile et de crise des institutions politiques qui en découle. Les effets de la crise économique de 2007 n’ont pas été surmontés et la reprise si applaudie ne s’est pas étendue à des couches plus larges de la société. La faible reprise touche déjà à sa fin, ce qui place la classe dirigeante dans une position inconfortable.

    Les prévisions de croissance économique sont loin d’être optimistes, surtout en raison de la faible performance des grandes économies comme l’Allemagne, pour laquelle l’OCDE a dû réduire de moitié ses prévisions, la France et encore plus l’Italie qui entrera très probablement en récession en 2019. L’insécurité par rapport à la Grande-Bretagne et au Brexit, qui pourrait avoir des effets de grande ampleur sur l’UE et l’euro, est un autre facteur inquiétant pour les classes dirigeantes européennes.

    Les représentants sérieux du capitalisme savent qu’ils ne peuvent promettre des dépenses publiques plus élevées afin de gagner des voix. Ils sont conscients de la colère croissante et craignent les protestations et les luttes de classe à venir. Les débats houleux se poursuivent derrière les portes closes pour savoir comment ou si une récession pourrait être reportée par le biais d’interventions. Toutefois, ils sont aussi conscients ça sera encore plus difficile qu’en 2007, car la dette s’est aggravée.

    Le retour du nationalisme reflète les besoins économiques, l’opposition à l’UE et l’absence d’une gauche qui offre une véritable alternative socialiste.

    Les capitalistes sont piégés par leurs propres besoins contradictoires. L’UE a toujours eu diverses fonctions pour le capitalisme européen. Il vise à fournir un cadre pour la mise en commun des ressources afin de renforcer l’impact collectif des États membres face aux autres blocs économiques, comme les États-Unis et à l’origine le Japon, puis, vis-à-vis de la Chine et, pour des raisons géopolitiques, de la Russie. Cela se reflète dans les débats sur la création d’une armée européenne et les tensions accrues avec les Etats-Unis. Bien que ces dernières soient présentées comme un conflit avec “Mad” Trump, c’est avant tout dû au contexte économique, mesures protectionnistes et aux intérêts impérialistes concurrents. Une autre fonction de l’UE est de maintenir l’Europe de l’Est et les Balkans sous son contrôle.

    Enfin et surtout, l’UE est une arme qui peut être utilisée contre la classe ouvrière européenne afin mettre en œuvre les mesures “nécessaires” au maintien de la compétitivité de chaque Etat, ainsi que du capitalisme européen. En période de croissance économique, la pression concurrentielle entre les intérêts nationaux au sein de l’UE peut être reléguées au second plan. Mais, au moins depuis le début de la crise économique de 2007, ils sont revenus.

    L’UE a toujours été un compromis entre les intérêts nationaux qui prendrait fin – dans sa forme actuelle – si le prix de ces compromis devait l’emporter sur les avantages. La question de savoir quand ce point sera atteint dépend des divers intérêts économiques des différents capitalistes. La croissance du nationalisme parmi les classes dirigeantes n’est que le reflet du fait que le capital, tout en opérant au niveau international, est généralement lié à son propre État-nation. Le fait que divers partis dans un certain nombre d’Etats membres se dirigent vers une protection nationaliste ne représente pas des différences idéologiques, mais des intérêts économiques concurrents.

    Les partis qui compose le PPE et en particulier ceux du bloc social-démocrate craignent que le renforcement des forces d’extrême droite et populistes n’accélère les forces centrifuges au sein de l’UE. La Russie accroît son influence grâce à des liens politiques et économiques avec des partis et des gouvernements d’extrême droite comme le FPÖ autrichien qui a signé un traité d’amitié de cinq ans avec la “Russie unie” de Poutine en 2016. La Lega italienne bénéficierait d’un accord pétrolier très rentable avec Rosneft. La Hongrie sera le nouveau siège de la Banque internationale d’investissement (IBB) russe qui, en retour, financera certains des projets du Premier ministre Orban. Il est important pour la classe dirigeante russe de renforcer son influence en Europe, non seulement pour se débarrasser des sanctions liées au conflit Ukraine/Crimée, mais aussi pour des raisons politiques et économiques plus larges. L’influence accrue que la Chine tente d’exercer en Europe par le biais des Balkans et via la “Nouvelle route de la soie ” inquiète également les classes dirigeantes basées en Europe.

    La social-démocratie remplace la classe ouvrière par l’UE

    Avec leur bourgeoisification, les partis sociaux-démocrates ont trouvé leur nouveau mantra au sein de l’UE dans la représentation des intérêts du capital. En perdant leur base sociale et leur lien avec la classe ouvrière, presque tous les dirigeants sociaux-démocrates ont abandonné toute référence aux luttes et ont transformé leur idéologie réformiste en l’idée qu’un capitalisme ordonné et fonctionnel serait le meilleur pour tous.

    Ils font valoir qu’un gâteau plus gros entraînerait une part plus importante pour les couches les plus pauvres de la société, même si la part ne change pas. Pour les dirigeants sociaux-démocrates, l’UE et les instruments à sa disposition sont devenus une poule aux œufs d’or. Alors que la social-démocratie traditionnelle perdait de l’influence à l’échelle nationale dans un certain nombre de pays, l’UE et son Parlement est devenue encore plus importants. De nombreux dirigeants syndicaux sont allés plus loin en se tournant vers l’UE pour obtenir des réformes.

    Une logique similaire s’applique à d’autres partis “progressistes” comme les Verts, ainsi qu’aux tendances ouvertement néolibérales. Ce concept pourrait être en danger s’il n’y a pas de majorité pour le PPE et le bloc S&D après les prochaines élections. Ainsi, même s’ils utiliseront une certaine rhétorique de gauche sociale dans la campagne, leur orientation principale est de maintenir l’UE. Ils exagéreront le rôle du Parlement européen qui n’est pas la locomotive de l’Europe, mais a une forte fonction de propagande. Si le statu quo ne peut être maintenu en raison de la croissance des formations de droite, nationalistes et populistes, l’avenir de leur projet européen sera en danger.

    Le soutien croissant aux différents partis populistes reflète principalement l’aliénation croissante face à la situation actuelle dans chaque pays et dans l’UE en tant que telle. Les élections européennes seront également un test pour diverses nouvelles formations politiques de droite et de gauche qui ont bénéficié de l’aliénation générale au cours de la période récente, mais qui ont intégré l’establishment et sa politique. La déception face au développement de ces formations, comme dans le cas de Syriza, mais aussi de La République En Marche de Macron augmentera le rejet de la politique et sera un facteur de complication pour les projets de la gauche dans le futur.

    Les valeurs européennes ?

    L’UE a toujours été vendue à coup de propagande sur son projet de paix, d’instrument de stabilité sociale et de démocratie, bien qu’elle ne l’ai jamais été ! Mais avec les attaques toujours plus agressives contre les droits démocratiques de la part des gouvernements de droite d’Europe de l’Est et la menace de victoires électorales pour les organisations antidémocratiques d’extrême droite, une partie des classes dirigeantes en Europe retourne, pour des raisons de propagande, à l’argument de “défense de la démocratie” (tout en attaquant les droits démocratiques, en même temps).

    Les principaux thèmes sur lesquels l’extrême droite se concentre sont la “sécurité” et les migrants. En l’absence d’une critique de gauche du caractère capitaliste et antidémocratique de l’UE, ce sera l’opposition d’extrême droite ainsi que les partis gouvernementaux, comme Fidesz en Hongrie ou la Lega en Italie qui vont battre le tambour raciste et combiner la critique de l’UE avec le nationalisme.

    Orban affirme que “l’époque de la démocratie libérale a pris fin” et, en un sens, c’est plus honnête que ce qu’affirment les soi-disant défenseurs libéraux de la démocratie. L’autoritarisme d’Orban n’empêche pas des entreprises comme BMW, Daimler, Continental, Bosch, Thyssenkrupp, Schäffler et Siemens d’investir des milliards en Hongrie. Il est vrai que les gouvernements de droite, comme ceux de Pologne et de Hongrie ont pris des mesures pour accroître leur emprise sur les médias et amener l’appareil d’État, en particulier le système judiciaire, sous leur contrôle total. Mais nous ne devons pas oublier que la France a également maintenu l’état d’urgence pendant deux ans.

    Les manifestants réclamant l’indépendance sont attaqués et traduits en justice, comme en Catalogne par l’État espagnol. Les États membres et l’UE elle-même ont pris part à des conflits militaires. L’UE finance également des dirigeants dictatoriaux et corrompus dans le nord de l’Afrique. Sa politique de “Europe forteresse” provoque chaque jour la mort de réfugiés à ses frontières. En même temps, les dirigeants de l’UE parlent de “nos valeurs” qui doivent être “défendues”. L’austérité brutale imposée à la Grèce par l’UE et la Troïka (FMI, UE et Banque mondiale), ainsi que la politique anti-travailleurs et anti-syndicale de l’UE et des gouvernements nationaux qui la composent ont démenti la propagande sur une “Europe sociale”. L’UE, ses institutions et même certains aspects du système capitaliste ont perdu beaucoup d’autorité. La répartition de plus en plus inégale de la richesse et l’enrichissement des plus riches tandis que les travailleurs souffrent de coupes budgétaires ont contribué à démasquer “l’union sociale”. Cela se traduit par une baisse de la participation aux élections européennes, qui est passée de près de 2 électeurs éligibles sur 3 en 1979 à un peu plus de 40 % en 2014. Elle se reflète également dans l’ambiance générale anti-élite et anti-système qui blâme, à juste titre, l’UE pour les résultats de ses politiques (bien que les gouvernements nationaux en soient également responsables).

    Les classes dirigeantes européennes sont conscientes qu’une réduction des coûts de l’itinérance pour les téléphones mobiles à travers l’UE ne suffit pas à convaincre des couches plus larges de la société des avantages de l’UE, compte tenu des coupes budgétaires imposées et des atteintes brutales aux droits démocratiques dans l’UE. C’est pourquoi ils doivent insister davantage sur la question des “valeurs”. Il est fort probable que la campagne électorale pour le Parlement européen sera présentée comme une bataille entre le nationalisme populiste d’un côté et les défenseurs de la démocratie de l’autre.

    Pour défendre leur projet économique européen, les classes dirigeantes utilisent la peur de la montée de l’extrême droite. Les sondages d’opinion situent l’AfD allemand entre 10-16% et placent le Rassemblement National (ex-FN) en France en tête. Une étude du Conseil européen des relations extérieures (ECFR) s’attend à ce que les différents partis populistes droite et d’extrême droite obtiennent entre un quart et un tiers des sièges du futur Parlement européen.

    Quelle position les socialistes devraient-ils adopter ?

    L’état d’esprit par rapport à l’UE est pour le moins mitigé et confus. C’est ce qu’a montré le vote du Brexit qui comportait un fort élément de révolte sociale de la classe ouvrière contre les politiques d’austérité et l’UE des patrons. Le Socialist Party (CIO en Angleterre et au Pays de Galles) appelle à un Brexit en faveur des travailleurs ; il met en avant que la solution n’est pas un capitalisme plus ou moins européen, mais la lutte des travailleurs et des syndicats contre l’austérité et le capitalisme. Si Corbyn demandait un Brexit dans l’intérêt des travailleurs et que les syndicats luttaient contre toutes les mesures d’austérité, les travailleurs, y compris ceux qui ont déjà voté pour des partis de droite, seraient attirés par cette approche. Le programme d’austérité de la droite conservatrice crée les conditions pour la croissance des partis populistes de droite. En mettant fin à tout nouveau compromis avec les parlementaires et les conseillers travaillistes blairistes, en mobilisant la classe ouvrière et la jeunesse au travers de slogans anti-austérité et socialistes clairs, Corbyn peut couper la voie aux forces populistes de droite.

    Il existe des attitudes anti-ouvrières parmi certains militants progressistes. Ils peignent une image méprisante de la classe ouvrière furieuse contre l’UE et considèrent que voter pour des partis populistes et/ou d’extrême droite est “stupide” et montre un manque “d’éducation”. Au lieu de faire campagne pour des organisations ouvrières qui défendent réellement les intérêts de la classe ouvrière, ces militants se réfugient dans cette “explication” pyramidale qui ignore l’effet négatif des partis dits de gauche qui ne font que gérer le capitalisme et les dirigeants syndicaux qui ne sont pas prêts à lutter. Il en résulte une logique du “moindre mal”, c’est-à-dire l’appel au vote pour des partis sociaux-démocrates ou verts (ou des partis “progressistes” pro-UE similaires). Cette stratégie signifie la poursuite des mêmes politiques qui ont permis à l’extrême droite d’obtenir son soutien en premier lieu !

    Mais nous devons également tenir compte du fait que la jeune génération a grandi dans l’UE et que certains d’entre eux sont trop jeunes pour être conscients des coupes brutales de la troïka en Grèce qui ont commencé au début de cette décennie. Cette génération a appris dans les écoles et les universités que l’UE est un projet pour la paix et d’harmonie. Ils voient les faiblesses de l’UE, mais considèrent aussi de manière confuse la notion d’”Europe” comme progressiste et internationaliste. Des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs voyagent, étudient et bossent dans d’autres pays européens et bénéficient donc de cet aspect de l’UE. Ainsi, les initiatives “pro-européennes” trouvent un certain écho auprès d’une couche similaire de jeunes “instruit” favorables à l’idée d’une Europe unie. D’autres, en particulier la jeunesse, sont de plus en plus aliénés par l’UE en raison de sa politique anti-réfugiés brutale. Ils voient que l’UE, au lieu de prendre des mesures contre le changement climatique, préfère répondre aux besoins des grandes entreprises, en particulier de l’industrie automobile.

    Les votes exprimés par une partie frustrée de la population européenne en faveur de partis populistes, souvent d’extrême droite, et le vote “moins malfaisant” d’une partie plus jeune de la population, en particulier pour les partis “progressistes” sont les deux faces d’une même médaille : ils sont, en partie, le produit d’un manque de véritables organisations ouvrières de lutte dans différents pays et à l’échelle européenne, avec une politique clairement anti-capitaliste, anti-raciste et un programme socialiste.

    Une Europe de lutte

    Nous n’avons aucun espoir ou illusion dans le projet capitaliste de l’UE. Mais notre solution ne réside pas dans l’État-nation. C’est pourquoi nous soutenons la lutte pour l’autodétermination en Écosse et en Catalogne, dans le cadre de la lutte contre l’austérité. Nous lions cela à la nécessité de rompre avec le capitalisme et de mettre en avant la demande des fédérations socialistes dans ces régions et dans l’ensemble de l’Europe. Depuis 2007, dans toute l’Europe, des mobilisations prennent place : manifestations, grèves et même grèves générales contre les politiques d’austérité. Ces dernières années, les manifestations contre le racisme et le sexisme se sont multipliées. Plus récemment, une nouvelle génération de jeunes s’est mobilisée autour de la question du réchauffement climatique qui a donné lieu à de grandes protestations, avec l’adoption de la méthode de la classe ouvrière de la grève le 15 mars.

    L’UE et ses institutions ne sont, à juste titre, pas considérées comme un instrument permettant de résoudre ces questions. Les socialistes ne doivent pas laisser ceux qui sont en colère contre l’Europe des patrons et sa politique de coupes aux mains de l’extrême droite opportuniste. Et nous ne devons pas laisser ceux qui veulent lutter contre les dangers antidémocratiques et racistes aux forces libérales et petites-bourgeoises pro-UE. Nous défendons tous les droits démocratiques pour lesquels la classe ouvrière s’est battue, mais notre réponse n’est pas l’UE et ses structures antidémocratiques.

    Nous défendons les droits sociaux et démocratiques des travailleurs. Cela signifie que nous exigeons plus d’argent pour le secteur de la santé et de l’éducation. Nous exigeons une réduction du temps de travail hebdomadaire et, en même temps, une augmentation des salaires. Nous exigeons que la richesse soit prise aux riches pour répondre aux besoins de la classe ouvrière et de la jeunesse. Nous nous battons pas seulement pour une plus grande part du gâteau, mais pour “toute la boulangerie”. Nous exigeons des droits démocratiques qui ne se limitent pas à des élections à quelques années d’intervalle, mais qui confèrent un réel pouvoir sur les richesses de la société à ceux qui les produisent.

    L’UE, ses partis et ses institutions ne sont pas des outils pour mettre fin au racisme et à la croissance de l’extrême droite, car l’UE fait partie du problème et non de la solution. Nous luttons contre l’Europe des patrons, contre les coupes budgétaires, le racisme et l’extrême droite. Cela signifie la fin de cette UE, de ses institutions et de sa politique de coupe et de distribution de la richesse des pauvres aux riches. Nous exigeons l’égalité des droits pour toutes les personnes vivant en Europe, la fin de la forteresse Europe et que les richesses des super-riches soient utilisées pour permettre une vie décente pour tous.

    Nous luttons pour une Europe socialiste unie, gérée démocratiquement et construite sur une base volontaire. Cela signifie que notre solution aux problèmes en Europe ne réside pas dans les États-nations, mais dans le pouvoir des travailleurs de diriger et de contrôler l’économie et la société, sur la base des besoins et non des profits.

    Nous sommes conscients que cela semble une chimère pour beaucoup. Mais la notion d’une Europe véritablement démocratique, pacifique et sociale sous le capitalisme n’est-elle pas véritablement l’option utopique, étant donné la nature et les contradictions du capitalisme ?

    Vu la force de l’extrême droite dans les sondages d’opinion, on peut se demander comment cela pourrait être réalisé. N’oublions pas qu’après la crise économique de 2007, la première réaction de la classe ouvrière et de la jeunesse a été de résister aux politiques d’austérité capitalistes. Il y avait une ouverture énorme pour la gauche, pour les solutions socialistes. Seule la capitulation de diverses forces de gauche, comme Syriza en Grèce, à la “logique” du capitalisme et à leur trahison vis-à-vis de la classe ouvrière, a jeté les bases pour que l’extrême droite grandisse.

    En 2016, lorsque des centaines de milliers de réfugiés désespérés sont arrivés en Europe, la première réaction des masses a été de les aider. Ce n’est que lorsque la gauche et les forces syndicales n’ont pas apporté de réponse sur comment financer les besoins des personnes qui dépendent de l’aide (ou des réponses limité  à un appel moraliste, comme l’UE l’a également fait) que l’extrême droite a commencé sa percée. Le fait que les dirigeants syndicaux, partout en Europe, défendent l’UE malgré son projet politique de privatisation, de déréglementation et de réduction de l’Etat-providence (ou de ce qu’il en reste) a donné à l’extrême droite la possibilité de combler ce vide.

    Une lutte réussie contre l’extrême droite ne doit pas se limiter à des appels aux “valeurs européennes”. Elle a besoin d’un changement fondamental dans l’attitude des syndicats vis-à-vis de l’UE et de la manière dont ils luttent pour les intérêts de la classe ouvrière. Ce combat exige des organisations et des partis de gauche, socialistes et populaires qui ne tombent pas dans le piège de défendre l’UE comme un “moindre mal” à l’extrême droite, mais qu’ils adoptent une position de classe indépendante. Cela nécessite des forces socialistes qui lient la lutte contre l’extrême droite à la lutte contre le capitalisme et pour des États socialistes volontaires, démocratiques et unis d’Europe.

     

  • Le Brexit bloqué, les Conservateurs en pleine débâcle – Le mouvement ouvrier doit agir

    Le compte à rebours du 29 mars, date initialement prévue pour le retrait de du Royaume Uni de l’Union européenne, a beau être terminé, le jeu n’est pas fini. Le gouvernement conservateur est en crise politique profonde. Au moment où nous écrivons ces lignes, la Première ministre Theresa May a été incapable d’obtenir une majorité parlementaire pour son projet d’accord de retrait. Le chaos est tel qu’une source européenne anonyme a comparé le Royaume-Uni à un ‘‘État en faillite’’(1).

    Par Ciaran Mulholland, Socialist Party, Irlande du Nord, article tiré de l’édition d’avril de Lutte Socialiste

    L’accord de retrait avait déjà été rejeté à deux reprises par une large majorité des parlementaires. Dans des circonstances normales, la défaite du gouvernement sur sa priorité politique le ferait s’effondrer, mais nous ne sommes pas dans une période normale.

    Theresa May espérait pouvoir encore une fois essayer de faire passer son accord au vote avant la date limite du 29 mars. En pariant sur le fait qu’un vote proche de l’échéance mettra une pression énorme sur les députés et qu’un nombre suffisant d’entre eux changeront de camp plutôt que de risquer une sortie sans accord. Certains députés conservateurs avaient en effet indiqué vouloir changer d’avis dans un tel scénario, tandis que, dans les coulisses, les pourparlers avec le DUP(2) se poursuivaient pour tenter de convaincre ses 10 députés.

    May perd le contrôle

    Theresa May marche sur une très fine couche de glace. Quoi qu’elle fasse, elle risque de déclencher une réaction en chaîne qui provoquerait sa chute. Ses adversaires au sein du Parti conservateur ressemblent à des vautours prêts à la pousser dans un précipice pour lui succéder. Pour les éloigner, elle pourrait envisager de passer par-dessus la tête des députés avec des élections anticipées, mais elle craint que cela aboutisse à la victoire du parti travailliste de Corbyn.

    May est bloquée parce qu’elle ne peut pas obtenir la majorité parlementaire. Il y a plusieurs raisons à cela, mais la question critique est celle du ‘‘backstop’’ (‘‘filet de sécurité’’), un arrangement présenté comme nécessaire pour éviter le retour d’une frontière physique sur l’île d’Irlande. L’argument avancé est le fait que tout durcissement de la frontière irlandaise ‘‘mettrait en péril le processus de paix’’. L’UE insiste sur le fait qu’il doit y avoir une frontière ‘‘dure’’ (c’est-à-dire avec un contrôle du trafic de marchandises et des taxes d’importation) quelque part afin de protéger ses intérêts commerciaux. Si la frontière irlandaise reste ouverte, de nouveaux contrôles des marchandises traversant la mer d’Irlande devront être effectués, c’est-à-dire une frontière Est-Ouest, entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne.

    La majorité des protestants d’Irlande du Nord s’oppose à de nouveaux contrôles des marchandises traversant la mer d’Irlande. Une frontière Est-Ouest, aussi molle soit-elle, représente aujourd’hui une menace pour l’union entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne. Tout durcissement de la frontière Nord-Sud, aussi mineur soit-il, est considéré comme une menace pour les aspirations nationales des Catholiques irlandais. La seule façon de respecter les droits des deux communautés est de garder les deux frontières ouvertes, mais la logique de l’UE capitaliste n’en veut pas.

    Quoi qu’il en soit, le conflit entre les aspirations des communautés protestantes et catholiques en Irlande du Nord aurait été problématique. Mais le fait accidentel que le DUP détienne l’équilibre du pouvoir au Parlement, pour la toute première fois, a précipité une crise majeure et a bloqué le retrait prévu du Royaume-Uni vis-à-vis de l’UE. Le DUP a froidement profité de sa position centrale pour s’aligner avec l’aile pro-Brexit du Parti conservateur contre toute menace perçue sur le statut de l’Irlande du Nord au Royaume-Uni. Pour les pro-Brexit comme pour le DUP, c’est un mariage de convenance. Dans certaines circonstances, chacun abandonnerait l’autre pour en tirer un avantage tactique. Pour l’instant du moins, leurs intérêts continuent à coïncider.

    Non à des frontières plus dures !

    Le Socialist Party, parti-frère du PSL en Irlande, s’oppose à l’UE, une institution créée dans l’intérêt du capitalisme. L’UE n’est l’amie d’aucun travailleur d’Irlande, du Nord ou du Sud, ni d’aucun travailleur d’Angleterre, d’Écosse, du Pays de Galles ou du reste de l’Europe. Les travailleurs ne peuvent pas compter sur l’UE pour assurer un avenir meilleur, pas plus qu’ils ne peuvent compter sur les gouvernements de Leo Varadkar en République d’Irlande et de Theresa May au Royaume-Uni, ni sur la coalition DUP-Sinn Fein en Irlande du Nord, dans l’hypothèse où elle reviendrait un jour au pouvoir.

    Le Socialist Party s’oppose au projet d’accord parce qu’il agit contre les intérêts économiques et sociaux de la classe ouvrière et appelle le mouvement ouvrier à faire de même. Il est essentiel que le mouvement ouvrier prenne également en compte l’impact potentiel de l’accord de retrait sur les divisions sectaires dans le Nord. Le mouvement ouvrier unit les travailleurs catholiques et protestants dans une lutte commune pour une vie meilleure – dans les luttes sur les lieux de travail et dans les campagnes parmi les communautés locales pour défendre nos services. Cette unité doit être défendue et ne peut être tenue pour acquise. Il est d’une importance vitale que les syndicats et les véritables partis de gauche, anti-sectaires, s’opposent à toute démarche qui affaiblit l’unité de la classe ouvrière.

    Le projet d’accord décrit un scénario dans lequel surgirait une frontière Est-Ouest. Cela augmentera les tensions sectaires et affaiblira l’unité des travailleurs. Nous sommes opposés à l’accord sur cette base. Si le Royaume-Uni quitte l’UE sans accord, un durcissement de la frontière Nord-Sud deviendrait ‘‘inévitable’’. Si cela devait se produire, cela aussi augmenterait les tensions sectaires et affaiblirait l’unité des travailleurs. Nous sommes là aussi résolument opposés à ce scénario.

    L’UE et le gouvernement britannique pourraient éviter d’avoir des frontières dures en prenant la décision politique de maintenir la frontière Nord-Sud ouverte et de ne pas laisser se développer une frontière Est-Ouest, quel que soit l’impact supposé sur le commerce et la circulation des personnes. Nous n’avons aucune confiance dans le fait qu’ils feront cela, à moins qu’ils ne soient soumis à d’immenses pressions venant d’en bas. Pour protéger les intérêts de la classe des travailleurs, il est essentiel que le mouvement ouvrier – les syndicats et les véritables forces politiques de gauche – intervienne dès maintenant armé d’un programme socialiste basé sur une indépendance de classe. Le mouvement ouvrier devrait tracer ses propres «lignes rouges» sur les questions-clés.

    Le mouvement ouvrier doit maintenant agir

    Le référendum de 2016 pour le retrait de l’UE était une manifestation de l’aliénation généralisée d’un establishment politique qui mène les politiques néolibérales depuis des décennies. La majorité de ceux qui ont voté pour le Brexit l’ont fait pour exprimer leur colère face aux années d’austérité. Ils étaient bien conscients du rôle central qu’ont joué les institutions de l’UE pour faire payer à des millions de personnes l’avidité des milliardaires.

    Durant la campagne vers le référendum, il y avait une campagne de gauche qui a plaidé en faveur du retrait de l’UE. Le syndicat des cheminots RMT en Grande-Bretagne et le syndicat du secteur public NIPSA en Irlande du Nord ont pris des positions principielles d’opposition à l’UE et en faveur d’une alternative de gauche. Ces syndicats ont montré la voie à suivre. Si les syndicats apportaient leur poids à un mouvement pour une nouvelle Europe, organisée dans l’intérêt des 99%, des millions de personnes pourraient être mobilisées à travers les Iles britanniques et toute l’Europe, à la fois contre un Brexit qui favorise la classe capitaliste et contre l’UE.

    (1) Financial Times, 21 mars 2019.
    (2) Democratic Unionist Party, parti nord-irlandais soutenant le gouvernement minoritaire May.

  • Grève illimitée des enseignants polonais

    Ce lundi 8 avril marque le début d’une grève illimitée des professeurs en Pologne, la plus importante depuis 1993. Plus de 85 % des écoles seraient touchées par le mouvement. Les grévistes exigent une hausse de 30 % de leur salaire. L’article ci-dessous est écrit par Damian Winczewski, un enseignant membre de notre organisation-soeur polonaise, Alternatywa Socjalistyczna.

    Il est temps de faire grève !

    La lutte des enseignants est cruciale pour la lutte des employés du secteur public et de l’ensemble de la classe ouvrière polonaise.

    Depuis de nombreuses semaines, le conflit s’aggrave entre les enseignants et le gouvernement de Droit et Justice (en polonais : Prawo i Sprawiedliwo??, PiS). A la base de ces tensions se trouve la négligence des divers gouvernements capitalistes successifs. Le travail des enseignants est de première importance, mais les représentants de cette profession sont aux prises non seulement avec des augmentations de salaires minimes, mais aussi avec des charges bureaucratiques croissantes et avec la pression des autorités ainsi que des parents eux-mêmes.

    Leurs problèmes reflètent ceux de l’ensemble du secteur public, qui souffre d’un sous-financement chronique et d’une réglementation bureaucratique dépassée. Le secteur de l’éducation comme l’ensemble du secteur public est confronté à des pressions extérieures résultant de raisons idéologiques. L’idéologie capitaliste et les principes de la reproduction du capital conduisent à penser que, depuis la restauration du capitalisme en Pologne, l’éducation est une industrie au même titre que les autres et qu’il faut donc y appliquer les méthodes capitalistes d’organisation et de gestion. En d’autres termes, les écoles fonctionnent comme des sociétés capitalistes.

    Il en résulte que les enseignants sont traités comme de la main-d’œuvre bon marché et comme des employés d’une entreprise fournissant un certain type de services, et non comme des spécialistes clés responsables du développement intellectuel de la société. En raison des bas salaires et des maigres budgets, personne ne devrait être surpris que le niveau de l’enseignement soit critiqué par les gens de divers horizons. Les réglementations en vigueur, les exigences des entreprises et les salaires de misère font planer le doute quant à la survie de cette profession. La crise de l’éducation menace dans tout le pays.

    Les enseignants entendent à juste titre s’en prendre à cette question des plus urgentes. Ils réalisent intuitivement que, sans résoudre les problèmes économiques fondamentaux du secteur de l’éducation, il est difficile de développer la science et la culture. L’attitude intransigeante du gouvernement, qui subventionne volontiers les entreprises privées mais étouffe tout aussi volontiers les besoins salariaux des employés du secteur public, doit faire face à une lutte de classe de grande ampleur. Cette lutte coûte très cher aux travailleurs, mais comme les faits le démontrent, la grève est une méthode efficace pour améliorer s? condition. C’est ce qu’à démontré la bataille des employés de LOT[la compagnie aérienne nationale].

    La lutte des enseignants suplante les divisions syndicales. Les dirigeants du syndicat Solidarité (Solidarnosc), derrière Piotr Duda, essaient d’obéir au gouvernement en raison de leurs liens politiques avec les dirigeants du PiS. Mais la base syndicale est au courant de cette situation et est prête à faire grève. Les syndicats ZNP et FZZ sont officiellement à la tête de la grève, mais ce sont en fait les enseignants ordinaires qui n’ont eu jusqu’ici aucun contact avec les syndicats qui sont la force motrice du mouvement. Il s’agit donc d’un processus de masse qui peut non seulement apporter des avantages économiques aux enseignants, mais aussi des avantages politiques. Cette pression populaire des masses enseignantes oblige les syndicats à radicaliser leurs actions.

    Le succès possible de cette grève pourrait encourager les enseignants à devenir plus actifs au sein des syndicats, ce qui rendrait ces derniers plus viables et permettrait d’accroitre l’affiliation syndicale dans les écoles privées et les écoles publiques où les syndicats sont jusqu’à présent absents.

    Cette protestation a aussi un contenu politique important : le comportement des dirigeants et les manœuvres des médias nous font réaliser que le nœud du problème est le transfert des relations de production capitalistes au secteur de l’éducation. Le gouvernement capitaliste et ses administrations scolaires recourent largement aux contacts avec le secteur privé de l’éducation. Ils s’efforcent actuellement de mobiliser les enseignants des écoles privées pour agir comme briseurs de grève. La résistance de la communauté enseignante est toutefois trop grande pour qu’une telle manœuvre réussisse à long terme.

    Les enseignants luttent non seulement pour leur existence, mais aussi pour que la logique capitaliste ne détruise pas le secteur de l’éducation. Le but du capital est de faire de l’éducation un outil pour imposer l’obéissance. La lutte des enseignants est un autre symptôme de la lutte de l’ensemble du secteur public pour des salaires plus élevés, face à des années de “gel” des salaires malgré la bonne situation économique.

    Les enseignants ont besoin de la solidarité des autres travailleurs. La lutte de classe montre que plus les masses de travailleurs engagés sont grandes et unies, plus les gouvernements capitalistes sont prêts à faire des concessions. Par conséquent, la meilleure défense des droits des travailleurs est l’offensive des travailleurs. Nous avons besoin d’une lutte commune entre les employés du secteur public – enseignants, facteurs, travailleurs de la santé, personnel administratif, etc. – pour la réalisation de leurs revendications.

    Une grève générale du secteur public peut briser le gouvernement capitaliste et donner aux travailleurs la possibilité d’obtenir le respect de leurs droits. C’est pourquoi Alternatywa Socjalistyczna (section polonaise du Comité pour une Internationale Ouvrière) appelle à la solidarité avec la lutte des enseignants, à la participation aux actions de grève et à une lutte commune ! L’unification des travailleurs du secteur public dans la lutte permettrait d’augmenter le taux de syndicalisation. Mais nous avons également besoin d’élaborer une plate-forme politique commune visant à représenter les intérêts de la classe des travailleurs contre ceux du capital et de la droite nationaliste pour qui l’éducation est un moyen de renforcer son influence idéologique. C’est l’heure de la grève générale !

  • Percée de l’extrême droite aux Pays-Bas

    Il est urgent d’organiser la riposte de la gauche !

    Les élections au Conseil provincial du 20 mars dernier aux Pays-Bas ont montré que l’establishment a un gros problème. Les partis établis se fragmentent davantage et la date d’expiration d’un populiste de droite est à peine dépassée que le prochain est déjà prêt.

    Après Fortuyn et Wilders, c’est au tour de Thierry Baudet. Notre organisation-sœur néerlandaise, Socialistisch Alternatief, a écrit : ‘‘Seule la sauce est nouvelle, ce sont les mêmes vieilles pommes de terre pourries.’’

    Baudet est un sexiste, un raciste et un climato-sceptique. Son bien mal nommé Forum pour la démocratie (FvD) est devenu le plus grand parti. Il tente de limiter l’agenda politique à la migration, à l’opposition aux mesures climatiques et à l’opposition à l’UE d’un point de vue populiste de droite et nationaliste.

    Baudet n’est pas un inconnu. Fin 2017, il a été le principal conférencier lors d’un dîner de Doorbraak.be, un site d’information populaire dans les cercles de la N-VA. Cinq ans plus tôt, il était orateur lors d’une réunion du Vlaams Belang (après quoi, selon le site d’extrême droite RechtsActueel, il a rendu visite à la N-VA).

    Mais il y a également eu de bonnes nouvelles aux Pays-Bas : de grandes mobilisations pour le climat ont eu lieu, de même que pour les droits des femmes. Une grève dans l’enseignement et une autre dans les prisons ont également été bien suivies. Mais le parti de gauche radicale Socialistische Partij (SP) n’a pas su en profiter, il a perdu quasiment la moitié de ses suffrages. Il lui est absolument nécessaire de trouver un lien avec ces protestations de la rue pour constituer une alternative de gauche combative contre l’austérité.

  • 8 mars. Une nouvelle mobilisation historique dans l’Etat espagnol !

    Nous sommes à nouveau entrés dans l’histoire ! Des millions de personnes étaient dans la rue pour lutter contre la violence sexiste et l’oppression capitaliste.

    Il semblait difficile de surpasser l’ampleur de la mobilisation menée le 8 mars dernier, Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Mais nous l’avons encore fait ! Des millions de femmes de la classe des travailleurs ont fait un nouveau pas en avant, soutenues par des centaines de milliers de leurs collègues, et une autre journée de grève a été inscrite en lettres capitales dans l’histoire des luttes sociales et politiques de l’État espagnol.

    Par Izquierda Revolucionaria (section du CIO dans l’Etat espagnol) et ‘Libres y Combativas’

    Le matin, les mobilisations organisées par le Sindicato de Estudiantes et Libres y Combativas ont été écrasantes : 2,5 millions d’étudiants en grève et plus de 400.000 personnes dans les dizaines de manifestations que nous avons organisées dans tout le pays. Dans l’après-midi, dans les mobilisations féministes unitaires, la participation a dépassé les prévisions les plus optimistes : près de 5 millions de travailleurs, avec des centaines de milliers de sympathisants à nos côtés, ont provoqué un tsunami qui a déclenché une vive inquiétude dans la classe dirigeante.

    De nombreux signes ont précédé l’explosion que nous avons connue. Tout d’abord, ni l’oppression, ni l’exploitation, ni la violence que nous subissons n’ont été résolus en dépit de la rhétorique “féministe” du PSOE. Cette situation a donné lieu à une véritable rage contre la justice patriarcale et les provocations du bloc politique réactionnaire et franquiste – Parti populaire (PP), Ciudadanos (Cs) et Vox.

    La pression sociale a été d’une telle ampleur que les dirigeants des syndicats ouvriers – CCOO et UGT – n’ont pas été en mesure d’appliquer la politique de paix sociale qu’ils ont pratiquée ces dernières années. La lutte de classe et le mouvement massif des travailleuses pour leurs droits les ont forcés à élargir leur appel à une grève de 2 heures vers une grève de 24 heures dans différents secteurs, comme l’avaient déjà fait d’autres syndicats (CGT, Cobas, CNT, CIG, LAB, ELA,…). Dès les premières heures du matin, le 8 mars, les médias n’ont eu d’autre choix que de souligner la participation à la grève, à laquelle près de sept millions de travailleurs ont participé.

    La jeunesse en première ligne de la lutte

    Le rôle de la jeunesse fut à nouveau crucial, comme en ont témoigné les mobilisations étudiantes massives qui ont rempli les rues et les places de tout l’État espagnol. Plus de deux millions et demi de personnes ont quitté leurs salles de classe pour soutenir la grève générale de 24 heures organisée par le Sindicato de Estudiantes et Libres y Combativas. Plus de 400.000 jeunes ont participé aux manifestations.

    A Barcelone, plus de 130.000 étudiants ont participé à notre manifestation. Plus de 6.000 autres ont manifesté à Tarragone. A Madrid, plus de 120.000 étudiants se sont rendus à la Puerta del Sol et ont bloqué la Gran Vía auprès du Ministère de la Justice. A Bilbao, Gasteis, Donosti et Iruña – dans le Pays Basque – la mobilisation a été énorme – des dizaines et des dizaines de milliers de personnes ont manifesté, tout comme à Valence, où 30.000 jeunes ont rempli les artères principales de la ville. Les manifestations étudiantes ont inondé tous les coins du pays avec des dizaines de milliers de manifestants à Séville, Malaga, Cádis, Córdoba, Grenade, Almería, Vigo, Ferrol, Oviedo, Gijón, Saragosa, aux Illes Baléares, à Guadalajara, Murcia et dans des dizaines d’autres villes.

    Les jeunes étudiants, au côté de nos camarades, ont rejoint des millions de travailleurs dans cette mobilisation massive contre la violence sexiste, la justice patriarcale et l’oppression capitaliste. Dans toutes les manifestations, les slogans étaient forts et clairs : “Assez de justice sexiste”, “Nous voulons être vivants, libres et combatifs”, “La Manada (la meute, en référence à un cas de viol collectif), c’est le système ” ou “Vive la lutte des femmes de la classe ouvrière” !

    Les manifestations organisées par le Sindicato de Estudiantes et Libres y Combativas ont été si massives que le journal bourgeois El País en a fait son principal titre du matin : “Les étudiants mènent la manifestation des femmes du 8 mars dans la rue”.

    Une marée humaine dans les manifestations de l’après-midi

    La mobilisation des jeunes le matin n’était que le prélude à ce qu’allait être les manifestations féministes unitaires de l’après-midi. Dès le début de l’après-midi, les bus, les métros, les trains et les rues de tous les quartiers de dizaines de villes étaient tous violets, remplis d’affiches et de banderoles faites maison, de visages peints, d’un désir de se battre et de montrer sa force et sa détermination.

    Plus de cinq millions de femmes et de jeunes de la classe des travailleurs, ainsi que des camarades de lutte, ont rempli tous les coins de l’État espagnol. Les images parlent d’elles-mêmes. A Madrid, plus d’un million de personnes sont descendues dans la rue ; tout comme à Barcelone. Des centaines de milliers de personnes ont manifesté à Valence, Bilbao, Séville, Séville, Grenade, Malaga, Gasteis, La Corogne, Gijon, Valladolid et dans des dizaines de villes…. Une marée humaine a rempli les manifestations qui étaient si massives qu’il n’était même pas possible de marcher.

    Cette journée historique de lutte a également fait apparaître clairement qui sont les véritables protagonistes de cette lutte. Ce sont les femmes et les filles de la classe ouvrière qui ont rempli les rues et fait de cette grève un succès. Ce sont elles qui souffrent continuellement de l’oppression de ce système, de la précarité, des bas salaires, du chômage de masse et des expulsions. Les femmes pauvres sont victimes des formes les plus extrêmes de violence sexiste, y compris la prostitution, et d’autres formes de marchandisation de notre propre corps, comme les mères porteuses rémunérées. Ce sont surtout les femmes et les jeunes filles de familles de travailleurs qui sont tuées, violées et maltraitées, et que la justice de classe et la justice patriarcale humilient par leurs peines honteusement légères.

    Un féminisme révolutionnaire, anticapitaliste et de classe

    C’est la composition de classe du mouvement qui a une fois de plus fait tenir les mobilisations debout, mais dans une plus large mesure encore que le 8 mars dernier. Une fois de plus, il était évident que cette composition de classe était au cœur de ce soulèvement. Comme l’ont expliqué sans relâche Libres y Combativas, le Sindicato de Estudiantes et Izquierda Revolucionaria, dans cette grande bataille pour notre libération, toutes les femmes ne sont pas nos alliées.

    Ni Inés Arrimadas de Ciudadanos, ni son “féminisme libéral” (qui prône la légalisation des formes les plus répugnantes d’exploitation et de violence sexiste contre les femmes), ni les députées du PP ne nous représentent. C’est tout le contraire. Elles sont responsables des coupes budgétaires et de l’austérité, elles n’hésitent pas à s’allier à une formation ultra-droite telle que Vox. Elles partagent le même ADN franquiste. Elles se sont déclarées ennemies des femmes qui souffrent de l’oppression capitaliste ! Nous déclarons la même chose d’Ana Patricia Botín, cette banquière qui se joint maintenant au féminisme, mais qui amasse une fortune obscène à la suite de l’exploitation des travailleurs et des travailleuses, hommes et femmes. Ce sont les défenseurs du système capitaliste, de leur justice patriarcale et de classe. Elles sont responsables de notre oppression autant que leurs partenaires masculins.

    Le féminisme que nous défendons n’a rien à voir avec le fait de simplement porter un drapeau violet le 8 mars. Le gouvernement actuel du PSOE, qui se dit le plus féministe de l’histoire, n’a dans la pratique rien fait pour mettre fin à la situation qui a conduit des millions de femmes à déclencher cette rébellion. Il a fermé les yeux sur les sentences méprisables rendues par la justice patriarcale comme celle de la “manada”. Il a maintenu les coupes budgétaires, la réforme du travail et l’écart salarial. Il s’est incliné devant l’Église catholique en garantissant sa position privilégiée dans le système d’enseignement, ce grâce à quoi l’Eglise répand son message sexiste et homophobe.

    Pour mettre fin à notre oppression, nous devons défendre un féminisme révolutionnaire et anticapitaliste, opposé aux grandes puissances économiques et aux institutions qui soutiennent ce système.

    Non au bloc réactionnaire du PP, de Cs et de Vox. NO PASARÁN!

    Le 8 mars, nous avons très clairement indiqué qui est responsable de notre oppression. Nous, les femmes et les hommes qui ont occupé les rues de l’État espagnol, sommes très clairs sur une chose : cette lutte n’est pas seulement une question de genre, c’est aussi une question de classe.

    C’est pourquoi les riches – hommes et femmes – sont alliés contre nous et ont l’intention de s’attaquer aux droits des femmes, à ceux de la classe ouvrière et à ceux de la jeunesse dans son ensemble, avec l’objectif clair de continuer à s’enrichir aux dépens de notre exploitation et de notre souffrance.

    Nous sommes très conscients de la menace que représentent le PP, Cs et Vox. Leur objectif est de nous ramener dans le passé et de mettre fin à nos droits les plus fondamentaux. C’est pourquoi ce 8 mars a été la meilleure réponse possible : un cri assourdissant contre leur offensive franquiste, un exemple de lutte contre la droite et l’extrême droite : en nous organisant et en nous mobilisant dans la rue.

    La mobilisation de cette année pour la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes reflète notre énorme force. Mais elle représente aussi un thermomètre du processus de radicalisation et de virage vers la gauche qui s’approfondit parmi des millions de travailleurs et de jeunes. Cette forme massive de soulèvement, qui constitue un jalon historique dans la lutte des classes de l’Etat espagnol et au niveau international, est également une étape décisive pour vaincre le bloc réactionnaire du PP, de Cs et de Vox lors des élections générales du 28 avril prochain. Mais il ne s’agit pas seulement de voter ; il s’agit de transformer la société, de mettre fin au fonctionnement du système, de parvenir à une véritable libération et à l’égalité, ce que seul le socialisme peut offrir.

    Libres y Combativas, Izquierda Revolucionaria et le Sindicato de Estudiantes appellent tous les étudiants et tous les travailleurs à continuer le combat pour notre présent et notre avenir. Ce que nous avons fait le 8 mars était impressionnant, mais le combat doit continuer 365 jours par an. C’est pourquoi nous devons construire un féminisme indépendant du système, un féminisme que ce dernier ne peut ni assimiler ni domestiquer : un féminisme révolutionnaire, anticapitaliste et de classe. Nous appelons les étudiants et les travailleurs à le construire avec nous et à rejoindre Libres y Combativas

  • Grèce. Appel à la solidarité contre l’incinération des déchets à Volos

    Ces deux dernières années, un mouvement de masse s’est développé dans la ville grecque de Volos, une ville de 150.000 habitants. Les mobilisations visent à défendre l’environnement et à lutter contre l’incinération des déchets dans la cimenterie locale AGET.
    AGET appartient à la multinationale franco-suisse Lafarge-Holcim, le plus grand producteur mondial de ciment. Le gouvernement grec de Syriza a donné à AGET un permis légal pour brûler plus de 200.000 tonnes de déchets, dont d’énormes quantités de plastique, afin de servir de combustible pour produire du ciment. Une grande partie de ces déchets est importée du sud de l’Italie, où le traitement des déchets est contrôlé par la mafia.

    Le principal problème posé par l’incinération de ces déchets (dans les cimenteries mais aussi dans les incinérateurs de déchets) est l’émission de dioxines, de furannes, de métaux lourds et d’autres polluants très dangereux causant le cancer, des maladies des systèmes nerveux et respiratoires, des dommages au système cardiovasculaire, etc. Des métaux lourds et d’autres polluants dangereux sont également présents dans les cendres, qui sont généralement enfouies dans les décharges et polluent le sol, l’eau, etc.

    Le conseil municipal de Volos (dont le maire est un populiste de droite lié à la mafia grecque) a décidé de construire une usine de production de combustibles dérivés de déchets (CDD) à partir de déchets urbains, qui seront ensuite incinérés chez AGET. Les CDD sont des déchets déshydratés et comprimés d’où ont été retirés le verre et les métaux.

    Le 5 mai 2018, 6.000 à 8.000 personnes ont protesté contre cette incinération de déchets, contre le projet du conseil municipal d’installer une usine CDD et en faveur d’un traitement des déchets respectueux de l’environnement, sous contrôle public et démocratique de la communauté locale. Cette manifestation était plus importante que les manifestations qui ont eu lieu contre les mémorandums austéritaires et les mesures d’économies budgétaires réalisées au cours des années précédentes.

    La section du Comité pour une Internationale Ouvrière à Volos (Xekinima) fait partie du “comité populaire” local, qui joue un rôle de premier plan dans le mouvement. Un membre de Xekinima est conseiller municipal à Volos et a porté l’affaire au conseil municipal, avant même qu’une campagne contre l’incinération des déchets ne voit le jour. Bien entendu, nos camarades reviennent sans cesse sur cette question au conseil municipal afin de soutenir le mouvement.

    Xekinima était très présent lors de la manifestation du 5 mai dernier, où 250 exemplaires de notre journal ont par exemple été diffusés. Notre délégation préconisait une grève générale locale de 24 heures comme étape de la lutte. Le comité d’action a adopté ce slogan et l’a présenté aux syndicats locaux et autres associations locales (commerçants, médecins,…). Le comité d’action organise maintenant une nouvelle manifestation de masse le 16 mars 2019, un jour après la grève internationale pour le climat.
    Un appel a été lancé pour des messages de solidarité. Cela peut prendre la forme de photos de solidarité sur les médias sociaux, de lettres de protestation (voir le modèle de lettre ci-dessous), de messages de solidarité du mouvement climatique, de courtes vidéos, …

    Envoyez cela à :

    Voici ci-dessous une proposition de lettre (envoyez-là en anglais)

    “We have been informed that AGET cement factory in Volos, owned by the multinational Lafarge-Holcim, is being used since 2015 as a waste incineration in the city of Volos. Huge amounts of both local and imported waste is being incinerated, since the government gave AGET the license to incinerate up to 200.000 tons of waste per year. The waste incinerated is either in the form of plain waste or in the form of RDF/SRF.

    We strongly oppose and condemn the incineration of waste by AGET and also the decision of the City Council of Volos to build an SRF plant which will channel the city’s waste to the AGET incinerator.

    Incineration of waste (especially in cement factories) emits among other dioxins, furans, heavy metals and other extremely dangerous pollutants, which cause cancer, diseases of the nervous system, of the respiratory system, of the cardiovascular system etc. Heavy metals and other dangerous pollutants are also contained in the ash (byproduct of the incineration) which is usually buried in landfills and pollutes the ground, the water reserves etc.

    We support policies that minimize the production of waste (especially plastics) and treat the waste that is produced in an environmental friendly way ie recycling, compost producing etc. The latter can be easily achieved if the city council invests in a local public recycling centre under the control of the workers and the community of Volos.

    We want to express our solidarity and support to the mass movement of the people of Volos who are struggling against the environmental disastrous policies of the government and the city council of Volos and who sacrifice public health for capitalist profits.

    We stand with the Peoples` Committee of Volos against waste incineration in AGET.

    We express our support to the call for a mass demonstration on 16 of March.

    We demand that the government and the Minister of Environment redraw the permit given to AGET to incinerate waste.

    We demand that the Mayor of Volos cancels the plans to build an SRF plant.”

    Traduction:

    “Nous avons été informés que la cimenterie AGET de Volos, propriété de la multinationale Lafarge-Holcim, est utilisée depuis 2015 comme incinérateur de déchets dans la ville de Volos. D’énormes quantités de déchets locaux et importés sont incinérés depuis que le gouvernement a donné à AGET l’autorisation d’incinérer jusqu’à 200.000 tonnes de déchets par an.

    Nous nous opposons fermement et condamnons l’incinération des déchets par AGET ainsi que la décision du Conseil municipal de Volos de construire une usine de CDD qui canalisera les déchets de la ville vers l’incinérateur AGET.

    L’incinération des déchets (notamment dans les cimenteries) émet entre autres dioxines, furanes, métaux lourds et autres polluants extrêmement dangereux, qui causent le cancer, des maladies du système nerveux, du système respiratoire, du système cardiovasculaire etc. Les métaux lourds et autres polluants dangereux sont également contenus dans les cendres (sous-produits de l’incinération) qui sont généralement enfouis dans les décharges et polluent le sol, les réserves d’eau, etc.

    Nous soutenons les politiques qui minimisent la production de déchets (en particulier les plastiques) et traitent les déchets produits de manière écologique (recyclage, production de compost etc.). Nous voulons exprimer notre solidarité et notre soutien au mouvement de masse de la population de Volos qui lutte contre les politiques environnementales désastreuses du gouvernement et du conseil municipal de Volos, qui sacrifient la santé publique au profit du capitalisme.

    Nous nous joignons au Comité populaire de Volos contre l’incinération des déchets de l’AGET, nous exprimons notre soutien à l’appel à une manifestation de masse le 16 mars, nous demandons que le gouvernement et le ministre de l’Environnement redessinent le permis accordé à AGET pour l’incinération des déchets et nous demandons au maire de Volos d’annuler le projet de construire une usine SRF.”

  • Manifestation antiraciste à Milan. Un excellent point de départ

    La manifestation antiraciste qui a eu lieu à Milan ce samedi 3 mars représente un succès incontesté du point de vue de la participation. Environ 200.000 personnes ont pris part à la manifestation organisée dans la ville de Matteo Salvini pour protester contre le racisme et les politiques discriminatoires du gouvernement !

    Par Giuliano Brunetti de Resistenze Internazionali (section italienne du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    L’événement qui a pu compter sur une présence massive de jeunes et de femmes. Une importante délégation du syndicat de la Confédération générale italienne du travail (CGIL était également présente, aux côtés de l’ANPI (l’association nationale des partisans italiens, fondée par des membres de la résistance italienne contre le régime fasciste italien et l’occupation nazie), de nombreuses organisations non gouvernementales et de dizaines d’associations et d’organisations antiracistes issues de tout le pays, notamment du Sud.

    Cette journée de lutte fut absolument positive et encourageante. Le caractère populaire et festif de l’événement a été malheureusement gâché par une tentative maladroite d’infiltrer la manifestation conduite par les principaux représentants du centre-gauche national qui se sont placés en tête du cortège. Parmi ceux-ci se trouvait l’actuel secrétaire du PD, Nicola Zingaretti et son prédécesseur direct, Maurizio Martina.

    Ces politiciens professionnels ont essayé de toutes les manières possibles de récupérer notre succès populaire. Les représentants du Parti démocrate sont à la recherche d’une nouvelle virginité politique maintenant que les primaires ont consacré Nicola Zingaretti comme secrétaire “de gauche”. Ce même Zingaretti a pourtant été responsable du démantèlement de la santé publique de la région de Lazio lorsqu’il l’a présidée. Les représentants du PD ont parlé de “réveil de la conscience démocratique”, de “grande réponse de l’opposition”, etc. Parmi toutes ces voix se trouve celle du maire de Milan, Giuseppe Sala, qui essaie de se profiler comme le principal organisateur de la manifestation de samedi pour tenter d’endosser le rôle d’improbable nouveau chef politique de la gauche italienne…

    Le PD et ce nouveau secrétaire “de gauche” peuvent temporairement essayer de se présenter sous un nouveau visage. Ils peuvent essayer de porter le masque de l’antiracisme, mais ils ne tarderont pas à montrer leur vraie nature. Dans la campagne électorale, le “nouveau” secrétaire a très explicitement affirmé être en faveur du TAV (la liaison ferroviaire transalpine Lyon – Turin qui fait l’objet d’une opposition populaire massive). Il s’est également dit opposé à une taxation sur base du patrimoine de même qu’à la réintroduction de l’article 18 du statut des travailleurs qui les protégeait en cas de licenciement illégitime.

    La présence de parlementaires du PD dans la manifestation n’est pas la bienvenue, non pas parce que nous voulons construire des barrières et diviser le front antiraciste, au contraire, mais bien parce que nous les savons directement responsables de la croissance des organisations d’extrême droite dans notre pays ! Ils sont responsables de la méfiance légitime que des millions de travailleurs italiens ressentent à présent à l’égard des idées “de gauche”.

    La tentative opportuniste de politiciens professionnels de s’approprier notre succès populaire doit être rejetée ! Au-delà de la présence de ces sombres personnages, la journée du 3 mars illustre clairement la volonté de dizaines de milliers de travailleurs, de jeunes et de citoyens ordinaires de s’opposer aux politiques racistes du gouvernement et des organisations politiques qui gouvernent. Cette manifestation démontre la volonté de rompre avec les discriminations et la guerre contre les pauvres.

    Contrairement à ce que prétendent tous les discours sur l’apathie, la passivité et le pessimisme, une partie de l’Italie – essentiellement composée de gens normaux qui étudient et travaillent – ne soutient pas le gouvernement. Cette couche est véritablement antiraciste et refuse de s’allier aux évêques des privatisations, aux partisans du néolibéralisme et à ceux qui défendent les politiques de rigueur et de massacre social souhaitées par la Commission européenne.

    Il est indéniable que nous avons assisté à une dangereuse résurgence d’attaques racistes et de gestes d’intolérance ces derniers mois. Nous assistons à une croissance des idées et des organisations néo-fascistes et d’extrême droite. Cette croissance peut être stoppée. Le succès de la manifestation de Milan montre que la croissance de la droite dans notre pays génère un fort sentiment d’opposition à tout ce qui nous divise. Ce sentiment, pour le moment embryonnaire, va croître dans les mois à venir et amènera des milliers d’Italiens, des jeunes en particulier, à choisir la voie de la lutte contre la barbarie d’un gouvernement qui utilise l’arme du racisme pour diviser le front des pauvres. En ce sens, le racisme institutionnel du gouvernement et des politiciens professionnels est un puissant boomerang qui se retournera contr eux.

    Afin que le mouvement antiraciste que nous avons vu occuper les rues de Milan et qui commence à émerger dans tout le pays soit credible et puisse construire un véritable dialogue avec la majorité des travailleurs italiens – ceux qui aujourd’hui soutiennent, même de manière critique, le gouvernement – ce mouvement doit clairement énoncer son caractère de mouvement populaire en rupture contre le gouvernement actuel mais aussi avec la prétendue opposition du PD et de Forza Italia. Cette opposition revêt aujourd’hui les vêtements antiracistes alors qu’elle applique depuis des décennies les mêmes politiques racistes contre lesquelles les Italiens doivent aujourd’hui se rassembler !

    Si le mouvement antiraciste veut grandir et se structurer, il doit se doter d’un programme radical capable d’indiquer une véritable alternative aux millions d’Italiens qui se méfient de ce gouvernement mais aussi à ceux qui le soutiennent en absence d’une alternative crédible ou parce que déçu ou plein d’illusions. Il faut essentiellement un programme anticapitaliste capable de parler à la majorité de la société, un programme capable d’unir les jeunes et les travailleurs dans la lutte contre l’austérité imposée par Rome et Bruxelles en défendant des revendications et des slogans simples et accessibles à tous.

    Ces mots d’ordre doivent partir des besoins fondamentaux de chacun d’entre nous. Nous devons tout d’abord revendiquer la fin des politiques de coupes budgétaires et de massacres sociaux. Cela signifie de se battre pour le retrait immédiat des coupes prévues par la loi de financement et pour le retrait des mesures de privatisation et de vente d’actifs publics prévues pour 2019 (la loi prévoit la privatisation d’actifs pour plus de 18 milliards d’euros).

    Nous devons instaurer un salaire minimum intersectoriel garanti de 1.200 euros pour tous et une allocation de chômage générale pour tous, y compris pour ceux qui recherchent un emploi pour la première fois. Le “revenu de citoyenneté” de 780 euros par mois en échange de l’obligation d’accepter tout travail pour les plus pauvres d’entre nous ne nous satisfait pas ! Nous voulons un travail décent pour vivre sans essayer de survivre!

    En outre, il est nécessaire de lutter pour le retrait de la réforme Fornero et pour la pension à 60 ans, quelles que soient les années de cotisation versées. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons lutter contre le fléau du chômage des jeunes, qui pousse 40% de nos jeunes dans l’extrême pauvreté et l’émigration. Nous devons également nous mobiliser pour le démantèlement de la “bonne école” (une offensive antisociale contre l’enseignement public), pour la suppression de l’alternance école / travail et des stages gratuits, ainsi que pour la révocation des mesures liberticides et préjudiciables à la dignité humaine prévues par les décrets Minniti-Orlando et Salvini.

    Le gouvernement Salvini-Di Maio est particulièrement odieux, mais n’oublions pas que le gouvernement précédent a présenté le décret Minniti-Orlando. Ce décret a ouvert la voie à la violation des droits démocratiques à laquelle nous assistons aujourd’hui.

    Samedi 3 mars, nous avons manifesté et continuerons de manifester contre Salvini et contre les politiques migratoires barbares d’un gouvernement condamnant à mort plusieurs centaines d’êtres humains laissés à la dérive sur les bateaux de la mer Méditerranée.

    Mais nous sommes également descendus dans les rues pour protester contre le gouvernement Renzi, pour défendre l’article 18 du statut des travailleurs et pour lutter contre la ‘‘bonne école’’. Nous étions dans la rue contre le ministre Minniti qui, avec ses politiques de gestion de l’ordre public et d’immigration, a ouvert la voie à la violation systématique des droits des Italiens et des migrants du ministre Salvini.

    Seule la lutte de masse des jeunes et des travailleurs réussira à faire reculer les gouvernements. Le seul moyen d’obtenir de réels changements et de défendre les droits démocratiques des travailleurs et des pauvres est de renverser le pouvoir de la classe dirigeante avec l’instrument de la lutte de masse. La manifestation antiraciste de samedi est un excellent point de départ dans cette direction.

  • 8 députés de droite quittent le Parti travailliste. Que les autres dégagent aussi !

    Le parti conservateur est en crise et le gouvernement menace de s’effondrer. C’est pourtant à ce moment précis que huit députés ont choisi de quitter le Parti travailliste pour constituer leur propre ‘‘groupe indépendant’’.

    Version raccourcie d’un édito de l’hebdomadaire ‘The Socialist’

    Cette ‘‘bande des Huit’’ a choisi de commettre cet acte de sabotage en prévision d’une éventuelle élection générale, qui pourrait survenir au cours de ces prochains mois, surtout si l’impasse parlementaire sur le Brexit continue et si une action syndicale de masse est organisée pour faire chuter les Conservateurs.

    Depuis l’élection de Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste, une guerre civile fait rage entre l’aile gauche et l’aile droite. Cette dernière reste dominante au parlement, dans les conseils municipaux et dans la machine bureaucratique du parti. Des députés travaillistes de droite ont témoigné de leur répugnante sympathie envers les huit députés qui ont quitté le parti, mais il est scandaleux que certains dirigeants syndicaux se soient également fait l’écho de ces sentiments.

    La droite du parti ne mérite aucune confiance !

    Des membres de la section travailliste de Wavertree, d’où provient une députée de la bande des Huit, avaient précédemment cherché à obtenir un vote de défiance à son égard. Mais ils ont été soumis à diverses pressions pour retirer leur motion au nom de ‘‘l’unité’’. La direction du parti autour de Jeremy Corbyn continue hélas de chercher à conclure des compromis avec la droite du parti. C’est ce qui a permis à cette 5e colonne nostalgique de Tony Blair de continuer à saper sa position.

    Cette scission ne représente qu’une petite partie de l’aile pro-austérité du Parti travailliste. Elle comprend des personnalités relativement importantes mais le fait que la majorité des députés pro-austérité soient restés au parti travailliste est certainement une stratégie calculée. Jusqu’à présent, cette ‘‘scission’’ n’est visible qu’au niveau parlementaire. Aucun nouveau parti n’a été lancé. Cela pourrait être le cas plus tard.

    Il est probable que l’on espère que cette scission pourra contribuer à empêcher l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement dirigé par Corbyn. Cela pourrait ainsi remplir un rôle similaire à celui la scission du Parti social-démocrate en 1981. Mais compte tenu de la colère générale dans la société et de la crise profonde à laquelle le Parti conservateur est confronté, il est loin d’être certain que cette initiative sera couronnée de succès.

    Du point de vue de la classe capitaliste, il est logique que la majorité de ses représentants au sein du parti travailliste y restent pour l’instant. Ces députés de droite pourraient être utilisés efficacement pour saboter un gouvernement dirigé par Corbyn s’il était élu et tentait de mettre en œuvre une vraie politique de gauche. Une sortie massive des députés de droite peut être gardée en réserve et utilisée à l’avenir pour précipiter la chute d’un gouvernement dirigé par Corbyn.

    Le secrétaire général du syndicat Unite, Len McLuskey, demande à juste titre que des élections partielles soient déclenchées dans les circonscriptions que représentent ces anciens députés travaillistes. Si des combattants de la classe des travailleurs étaient choisis comme candidats travaillistes à leur place, cela pourrait constituer un excellent premier test pour apprécier le soutien réel qui existe dans la société pour un agenda réellement de gauche.

    L’incapacité de Corbyn d’articuler une approche socialiste de la question du Brexit de manière claire et cohérente permet à d’autres forces d’obtenir un certain soutien en jouant sur la confusion et la division qui existent au sein de la classe des travailleurs sur cette question. Cela souligne l’importance pour Corbyn d’adopter une approche socialiste claire de la question, en faisant valoir qu’un gouvernement dirigé par lui se battrait pour rouvrir les négociations sur une base totalement différente.

    Un point de départ pour ce faire serait de définir un programme de protection et d’amélioration des droits des travailleurs, y compris les droits des travailleurs migrants et des réfugiés ; d’abolir toutes les lois et règles antisyndicales comme la directive européenne sur le détachement des travailleurs – que les employeurs peuvent utiliser pour faciliter une ‘‘course vers le bas’’ des salaires et des conditions de travail ; de lutter contre toutes les réglementations européennes qui agissent contre les intérêts des travailleurs, comme celles qui font obstacle aux politiques gouvernementales comme les aides publiques et les nationalisations ; et de définir un nouveau programme pour une collaboration des citoyens européens sur une base socialiste.

    Dans une situation où des emplois sont actuellement menacés, le spectre d’un Brexit sans négociation étant souvent utilisé par les patrons pour justifier les fermetures d’entreprises et les licenciements, Corbyn devrait immédiatement dire ce qu’un gouvernement travailliste ferait pour protéger les emplois : nationaliser les entreprises menacées de fermeture.

    La bande des Huit a exposé plus clairement la nature de la bataille qui fait rage dans le parti travailliste, avec le potentiel qu’il devienne un parti démocratique défendant le socialisme avec une structure fédérative. Le Socialist Party appelle à la tenue d’une conférence du Parti travailliste à laquelle pourraient participer toutes les forces anti-austérité, dont les syndicats et les groupes socialistes.

    Une telle conférence pourrait discuter des tâches urgentes qui attendent notre mouvement. Dans l’immédiat, il s’agit notamment d’organiser une mobilisation de masse pour se battre dans la perspective d’une élection générale et de la révocation des députés de droite pour les remplacer par des candidats socialistes combattifs, et construire la lutte pour transformer une transformation socialiste de la société.

  • Pour une république catalane des travailleurs et du peuple !

    Le procès des prisonniers politiques accusés d’avoir organisé le référendum du 1er octobre souligne une fois de plus le caractère antidémocratique et réactionnaire de l’État espagnol et la décision du gouvernement du PSOE de ne pas tenir compte des aspirations démocratiques du peuple catalan.

    Esquerra Revolucionària, Etat Espagnol

    En sautant dans le train du nationalisme réactionnaire espagnol, le PSOE a été le plus ardent défenseur du régime monarchique de 1978.

    Liberté pour les prisonniers politiques !

    Le bureau du procureur général et le bureau de l’avocat général nommés par le gouvernement de Pedro Sánchez ont non seulement soutenu les arguments des procureurs du PP [Parti populaire] – considérant l’exercice du droit de décider par référendum démocratique un crime – mais aussi les peines appliquées par la Cour suprême pour les personnes poursuivies – entre 7 et 25 ans de prison, ainsi que les autres peines, dont la radiation du mandat de la Cour.

    Ces décisions ont scandalisé les avocats et les organisations de défense des droits de l’homme dans le monde entier. Le PP et le Cs (Cuidadanos) ont donné le feu vert mais le gouvernement de Pedro Sánchez restera dans l’histoire comme le gouvernement qui a permis l’exécution de ce jugement politique, semblable à ceux organisés par la dictature franquiste.

    Nous sommes confrontés à une véritable farce judiciaire. Le verdict est déjà décidé et le seul objectif est d’envoyer un message aux millions de personnes qui ont voté pour la république le 1er octobre.

    Cela s’adresse aussi à tous ceux qui, à l’intérieur et à l’extérieur de la Catalogne, luttent contre le régime de 78. Une attaque d’une telle ampleur ne peut être résolue que par une mobilisation massive dans les rues comme celle qui a paralysé la Catalogne les 1er et 3 octobre 2017.

    La meilleure façon d’assurer que la grève générale convoquée pour le jour du début du procès (ainsi que la mobilisation de masse pour la liberté des prisonniers politiques et la reconnaissance de la république) atteigne ses objectifs est de lier ces revendications à la lutte contre les coupes budgétaires, les évictions, la pauvreté énergétique, contre le machisme, la justice patriarcale, la discrimination raciale, la lutte pour des conditions décentes, la défense des salaires plus favorables et un système de qualité dans le domaine de la santé et de l’enseignement.

    Cela élargirait la bataille pour inclure non seulement ceux qui luttent pour les droits démocratiques nationaux et la république, mais aussi les jeunes et les travailleurs qui rejettent Vox, PP et Cs, et qui ne font pas confiance au gouvernement du PSOE, mais qui restent suspicieux du processus en raison des politiques de coupes, privatisations et attaques contre leurs droits, mises en œuvre depuis des années par la droite catalane du CiU, maintenant connu comme PDeCAT, et même par les dirigeants sociaux-démocrates du ERC au gouvernement.
    Pour un front uni de la gauche en faveur de la lutte.

    Luttons pour la république avec un programme socialiste !

    Le gouvernement dirigé par Torra, le PDeCAT et de nombreux dirigeants d’Esquerra, réclament la liberté des prisonniers politiques dans leurs discours et appellent à l’unité afin de faire avancer la république sous une forme abstraite.

    Dans la pratique, cependant, ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher la croissance du mouvement de masse dans les rues.

    Leur objectif est de parvenir à un accord avec Pedro Sánchez et les dirigeants du PSOE et bien qu’ils aient clairement indiqué qu’ils considéraient le droit à l’autodétermination comme non négociable, ils autorisent la poursuite de la répression engagée par le PP.
    Une grève générale réussie pour la liberté des prisonniers et la reconnaissance de la république, liée à un plan de lutte soutenu pour atteindre ces objectifs, aurait un impact énorme sur le contexte social actuel.

    Un contexte marqué par la grève générale féministe imminente et les manifestations du 8 mars, qui seront de nouveau massives, et par le fait que de plus en plus de travailleurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Catalogne, tirent la conclusion que face aux promesses vides du PSOE et à la menace d’un gouvernement de PP-Cs soutenu par Vox, la seule alternative consiste à descendre dans la rue et à unifier les luttes pour tous nos droits et revendications, contre toute oppression : sexe, race, national, classe…

    Il est donc essentiel de construire un seul front de gauche : CUP, CDRs, syndicats alternatifs, la base de l’ANC et Òmnium, les sections de Podemos et Catalunya in Comú.µ

    Tous doivent être prêts à lutter pour la république aux côtés des organisations féministes et étudiantes…. Un seul front qui peut écarter les éléments de droite du mouvement qui veulent freiner le combat.

    Nous devons armer le mouvement avec un programme socialiste. La république catalane pour laquelle nous luttons n’est pas une république où tout reste inchangé, la république pour laquelle nous luttons est une république socialiste des travailleurs et du peuple, qui apporte une véritable libération nationale et sociale et met un terme à tous les maux et formes d’oppression que le capitalisme nous impose dans la société.

    Avec Esquerra Revolucionària (gauche révolutionnaire catalane), nous soutenons cette grève et appelons à une mobilisation aussi large que possible, déterminée et étendue.

    Les dirigeants de l’ANC et de l’Òmnium, ainsi que ceux des syndicats comme IAC, CGT, COS…. doivent également soutenir cette initiative et y mettre tous les moyens nécessaires pour assurer un appui maximal.

    En même temps, les dirigeants du CCOO et de l’UGT de Catalogne doivent être contraints d’arrêter de détourner le regard, ils doivent rompre avec leur politique de pactes et se joindre sans équivoque à l’appel à la grève générale et à la lutte pour la défense des droits démocratiques, notamment la reconnaissance de la république pour laquelle les Catalans ont voté le 1er octobre.

  • État espagnol : Annonce d’élections anticipées

    ‘‘Vaincre la droite dans les urnes et dans les rues !’’

    S’en est finit du mandat de Pedro Sanchez. Un gouvernement formé il y a huit mois après le vote de défiance contre Rajoy, a été renversé par le rejet des propositions budgétaires au Parlement. Mais au-delà de l’arithmétique parlementaire, ce que ces élections anticipées montrent, c’est l’instabilité totale et le discrédit qui corrodent le régime de 1978 établi après la fin de la dictature de Franco. Ses expressions les plus visibles sont le mouvement de masse pour l’autodétermination et l’instauration de la république en Catalogne, la progression de l’extrême droite – stimulée par la montée du nationalisme espagnol et la crise du PP – et une mobilisation sociale qui puise ses racines dans l’appauvrissement de la population et les inégalités croissantes. Cette mobilisation sociale ne connait pas de répit malgré toutes les tentatives faites par des dirigeants syndicaux, la social-démocratie et Podemos pour la désactiver.

    Déclaration du Bureau exécutif d’Izquierda Revolucionaria (section espagnole du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    Les leçons du passé

    Nous assistons à une grande polarisation politique, un phénomène que la plupart des analystes ne peuvent ignorer. Dans ces circonstances, il convient de réfléchir à ce qui s’est passé dans les années 1930, en soulignant, évidemment, que nous ne sommes pas dans une situation de révolution ouverte et de contre-révolution. Cependant, pour comprendre la dynamique et les perspectives de la situation actuelle, il est très utile de ne pas oublier les leçons du passé.

    Aujourd’hui, quelle que soit l’ampleur de la propagande que les partisans du régime de 1978 tentent de faire pour contredire ce fait, l’appareil d’État conserve tous les défauts autoritaires et réactionnaires hérités de la dictature, ce qui a été souligné une fois de plus dans sa réponse répressive à la lutte des classes. Les tendances bonapartistes du régime de 1978 ont été accentuées par le recours aux lois permettant de museler la parole des militants et aux procès des activistes de gauche, des syndicalistes et des artistes pour des ‘‘crimes’’ fabriqués de toutes pièces. Tout cela visait à freiner les mobilisations et à intimider les organisations combatives. La meilleure preuve de tout cela est encore ce qui s’est passé en Catalogne, avec le refus retentissant de reconnaître le droit légitime du peuple catalan à l’autodétermination, le déclenchement d’une offensive répressive, policière et judiciaire sans précédent et l’essor du nationalisme espagnol le plus enragé.

    Dans les années 1930, la crise révolutionnaire qui a déferlé sur la Deuxième République a été marquée par différents facteurs, mais le plus important a été l’incapacité du Parti socialiste (PSOE), en coalition avec les républicains bourgeois, à mener à bien les réformes sociales que les gens attendaient. Dans le contexte d’une crise profonde du capitalisme espagnol et international, la social-démocratie a échoué dans sa tentative de mener à bien la réforme agraire : les grands propriétaires terriens ont continué à jouir du pouvoir absolu et à imposer la misère à des millions de travailleurs journaliers. Le PSOE n’a pas non plus été en mesure d’améliorer les salaires et les conditions de vie des travailleurs, ni de faire face au sabotage économique de la bourgeoisie. Il a renoncé à séparer l’Église de l’État et n’a pas mis fin aux privilèges de la hiérarchie catholique dans l’enseignement et dans l’économie. Il est resté soumis aux éléments réactionnaires de l’armée et du pouvoir judiciaire, a refusé d’accorder à la Catalogne le droit à l’autodétermination et a refusé de mettre fin à l’occupation coloniale du Maroc.

    La frustration engendrée par cette désillusion politique a alimenté une polarisation et donné lieu à des phénomènes apparemment contradictoires. En premier lieu, il y a eu le triomphe électoral de la droite, la CEDA à sa tête, en novembre 1933. Puis vint l’insurrection ouvrière d’octobre 1934 contre la tentative d’établir un Etat fasciste par des moyens ‘‘légaux’’. Enfin, l’éclatement du régime parlementaire bourgeois sous la pression incessante de la lutte de classe et du coup d’Etat militaire franquiste, a provoqué l’explosion révolutionnaire en territoire républicain et une guerre civile qui a duré trois ans.

    Bien sûr, il serait stupide de dire que nous sommes confrontés à une séquence d’événements similaires et d’affirmer que la situation va se répéter dans le même sens. Mais il est instructif de se référer au passé pour comprendre la situation objective et être capable d’expliquer les causes qui conduisent à cette instabilité chronique et à une polarisation sociale et politique que rien ne semble pouvoir arrêter.

    Un maillon faible du capitalisme

    La crise du capitalisme espagnol est la base matérielle qui explique tous ces développements politiques convulsifs. Actuellement, les chiffres montrent un ralentissement rapide de la croissance économique après des années de catastrophe sociale. Plus de 9 millions de travailleurs gagnent moins de 800 euros par mois et, parmi les jeunes de moins de 25 ans qui travaillent, il s’agit de 600 euros par mois. 90% des contrats signés cette année sont temporaires et la précarité est telle une marée noire qui n’épargne aucun secteur de production. Le chômage touche plus de 3,5 millions de personnes et la perspective d’une nouvelle restructuration industrielle est à nos portes. La situation est désespérée pour la majorité de la population. Dans ces conditions, il n’est pas possible d’espérer une stabilité politique.

    Des politiciens bourgeois, de droite et sociaux-démocrates, aspirent encore au retour des années de la ‘‘Transition’’ (après Franco). Ce n’est pas une surprise ! La situation révolutionnaire des années 1970 a été frustrée par la capitulation des directions des partis de gauche – le PCE (“communistes”) et le PSOE (“socialistes”) – face aux grands capitalistes et à l’appareil politique dictatorial. Mais les conquêtes démocratiques ont été gagnées grâce à la mobilisation massive de la classe ouvrière et de la jeunesse et au sang de centaines de combattants assassinés par les forces répressives de l’Etat qui jouissaient d’une impunité totale. La “démocratie bourgeoise” particulière qui s’est créée dans le feu de cette confrontation a bénéficié du reflux politique du mouvement de masse ainsi que de la croissance économique de la fin des années 1980 et des années 1990, en plus de l’aide substantielle obtenue de l’UE. Le régime de 1978, aidé par des facteurs internes et externes, est parvenu à obtenir une alternance de pouvoir entre la social-démocratie et la droite, avec des gouvernements plus ou moins stables.

    La situation actuelle n’a pas grand-chose en commun avec ces années-là. L’offensive sauvage contre les droits économiques et syndicaux de la classe ouvrière, le démantèlement de l’Etat-providence, les coupes budgétaires tristement célèbres dans l’enseignement et le système public de soins de santé, le manque d’opportunités pour les jeunes, sauf l’exil économique forcé, ont créé une situation explosive.

    Une révolte sociale sans précédent depuis les années soixante-dix est née de ce changement drastique de la situation objective suite à la grande récession de 2008 : il y a eu des grèves générales, des mouvements de masse comme la Marée Verte et Blanche, les Marches pour la Dignité, Gamonal (célèbre lutte victorieuse dans la ville de Burgos contre la spéculation criminelle), les grandes grèves étudiantes, les mobilisations pour l’autodétermination et la république en Catalogne, la grève générale remarquable du 8 mars 2018 et les manifestations des pensionnés.

    L’escalade de la lutte de classe et le déplacement vers la gauche de larges secteurs de travailleurs, de jeunes et de la classe moyenne appauvrie expliquent un certain nombre de développements importants de ces dernières années, comme l’émergence de Podemos, les élections du 20 décembre 2015 qui n’ont pas conduit à la formation d’un gouvernement et devant se répéter le 26 juin 2016. Pour que Rajoy soit investi comme président du gouvernement, la bourgeoisie espagnole a dû réaliser un putsch au PSOE afin d’y chasser Pedro Sánchez !

    Le plus ironique, c’est que ce mouvement d’envergure – dans lequel ont été impliqués les barons socialistes, Felipe Gonzalez lui-même et tout le groupe de médias PRISA – a échoué. Pedro Sanchez a été réélu secrétaire général du PSOE, en l’emportant contre toute attente face à Susana Diaz grâce à la mobilisation des membres du parti.

    Vaincre la droite dans les urnes et dans les rues ! Pour une gauche de combat !

    Pedro Sánchez n’a pas la même image déplorable que Felipe González a auprès des masses. Il n’apparaît pas comme un dirigeant intégré à l’oligarchie. Les attaques qu’il a subies de la part de la droite ces dernières semaines – qui l’a accusé d’être un traître à la patrie et l’a qualifié de chef d’un Front populaire actuel (pour ses pactes avec Podemos) – lui ont même donné plus de crédibilité que ce qu’il mérite auprès de certains travailleurs. Quelque chose de similaire s’est produit concernant son approche de la Catalogne. Bien qu’il ait soutenu l’application de l’article 155 de la Constitution espagnole (qui autorise le gouvernement central à suspendre l’autonomie de la Catalogne), qu’il nie fermement le droit à l’autodétermination et qu’il défend l’action infâme du ministère public contre les dirigeants indépendantistes emprisonnés, la droite le considère comme le principal promoteur du ‘‘séparatisme’’. N’y a-t-il pas des similitudes entre ce comportement politique des forces réactionnaires en 2019 et le comportement de celles des années 1930 ?

    L’élection surprise du mois d’avril entraînera une nouvelle escalade de la polarisation politique. Le dilemme présenté est évident : soit un gouvernement du bloc réactionnaire PP, Ciudadanos et Vox, soit une éventuelle coalition entre le PSOE et Podemos avec le soutien parlementaire du nationalisme catalan et basque. Dans ces circonstances, il serait téméraire de faire une prédiction définitive de ce qui pourrait sortir des urnes le 28 avril.

    Le PSOE a contribué de manière décisive à la démobilisation de la base électorale de la gauche, avec sa politique de coupes budgétaires et d’austérité, avec ses promesses non tenues et avec son acceptation de la logique du capitalisme. Les dirigeants de Podemos ne sont pas non plus innocents. Ils veulent entrer au pouvoir à tout prix en abandonnant la mobilisation sociale et la confrontation avec le système. Ils imitent le programme et le parlementarisme de la social-démocratie. Mais les événements en Andalousie et la montée de Vox ont eu un impact énorme sur la conscience de millions de travailleurs et de jeunes dans tout l’Etat. Inspirée par l’instinct de classe des familles de travailleurs, la discussion est vive en leur sein concernant ce qui se déroule actuellement : ‘‘Pouvons-nous permettre à la droite de vaincre ?’’

    La réponse à cette question reposera sur la campagne électorale, dans un environnement très volatile et changeant. La mobilisation ‘‘patriotique espagnole’’ de Madrid le 10 février dernier a connu l’échec. Le PP, CS et Vox n’ont pu mobiliser leur base sociale dans la rue. Le 16 février, une grande manifestation en faveur du droit à l’autodétermination a eu lieu à Barcelone avec plus d’un demi-million de participants. La pression sociale est énorme sur les dirigeants des organisations catalanes PDeCAT et ERC et leur vote contre les budgets. La droite peut être battue, c’est ce que cela illustre, de même que les énormes manifestations en faveur des soins de santé publics en Galice et à Teruel, les multiples manifestations de retraités dans toutes les régions, la grande grève des taxis à Madrid, ou ce qui s’annonce comme une nouvelle journée de grève historique le 8 mars, qui remplira les rues de millions de femmes et de jeunes de la classe ouvrière, avec leurs collègues – les travailleurs masculins.

    Izquierda Revolucionaria contribuera de toutes ses forces à cette défaite. Mais nous ne le ferons pas pour donner un chèque en blanc à Pedro Sánchez ou au PSOE, mais pour souligner l’idée que voter ne suffit pas. Nous devons vaincre la droite dans les urnes, oui, mais pour vaincre les politiques de la droite et forcer la gauche parlementaire à mettre en œuvre une politique qui sert les intérêts des travailleurs et des opprimés. Nous devons poursuivre la mobilisation massive dans les rues et construire une gauche combative, avec des racines fortes dans le mouvement des travailleurs et dans les syndicats, parmi les jeunes et les étudiants et dans les mouvements sociaux, en proposant un programme pour le droit à l’autodétermination et une république socialiste.

    Pas de temps à perdre ! Pour vaincre la droite dans les urnes et dans les rues, rejoignez Izquierda Revolucionaria !

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop