Category: Amérique du Nord

  • Trump est battu : analyse socialiste et prochaines étapes de la lutte

    Joe Biden supervisera l’une des crises les plus profondes de l’histoire du capitalisme américain. Il s’efforcera de servir les intérêts de la classe des milliardaires, comme il l’a fait tout au long de sa carrière politique. Cela conduira des millions de personnes à chercher une alternative à la direction du Parti démocrate et plus généralement.

    Déclaration de Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux USA)

    Les célébrations ont commencé. Trump a clairement perdu, et il quittera la Maison Blanche au début de l’année prochaine. Des dizaines de millions de personnes dans tout le pays et des centaines de millions dans le monde entier poussent un soupir de soulagement. Pourtant, nous devons reconnaître que la pandémie, le changement climatique, la crise économique et le racisme institutionnel ne disparaîtront pas lorsque Trump quittera ses fonctions. Biden lui-même a déclaré qu’il ne souhaitait pas de changement fondamental et qu’il “tendrait la main” aux républicains. Nous aurons encore besoin de mouvements de masse déterminés pour arracher des conquêtes sociales pour les travailleurs, pour lutter contre l’extrême droite et pour contester le règne désastreux de la classe des milliardaires.

    Bien entendu, Trump continue de prétendre que les résultats sont frauduleux et que l’élection lui a été volée. On ne peut pas exclure que certaines parties de ses partisans se mobilisent pour s’opposer à ce qu’il quitte ses fonctions. Si Trump tente de rester, il faudra organiser des mobilisations de masse pour le chasser.

    Mais il est également assez évident que la classe dirigeante ne veut pas de nouveau chaos. Les médias et même certaines sections de l’establishment républicain ont eu du mal à souligner que la démocratie capitaliste “fonctionne”. Même les tribunaux, dont Trump espérait qu’ils interviendraient pour arrêter le comptage des voix totalement ou en partie, ont jusqu’à présent refusé de le faire. Il est également peu probable que les comptages effectués dans plusieurs États modifient le résultat.

    Pourquoi Trump était-il si proche de la victoire ?

    Les sondages et les experts se sont encore trompés. Il n’y a eu ni large percée de Biden ou de vague démocrate prenant une majorité au Sénat. Les Démocrates ont également perdu un certain nombre de sièges à la Chambre et subi des pertes au niveau des États. Quelques victoires progressistes ont toutefois eu lieu à la Chambre avec l’élection de Cori Bush et de Jamaal Bowman qui vont maintenant rejoindre “The Squad” aux côtés d’Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib et d’autres.

    Durant la campagne électorale, la répression des électeurs (décourager les électeurs d’aller voter, une spécialité républicaine) a atteint des niveaux inédits dans le contexte de la pandémie. De plus, le collège électoral figure parmi les institutions les plus antidémocratiques (avec la Cour suprême) dans un système politique américain déjà conçu à la base pour masquer la domination de la classe des milliardaires. Cette répression des électeurs a eu un effet mais, en réalité, les propos incessants de Trump sur la fraude du vote par correspondance et l’état du service postal n’ont fait que rendre les gens plus déterminés à venir voter. C’est ce qui a conduit à une participation électorale vraiment remarquable, le plus haut pourcentage d’électeurs inscrits depuis 1908.

    Les experts libéraux supposaient que cette participation massive favoriserait fortement les Démocrates. Mais l’issue fut loin d’être décisive. En fait, Trump aurait facilement pu être battu, surtout si Bernie Sanders avait été le candidat démocrate. Trump a l’un des taux d’approbation les plus faibles de tous les candidats présidentiels en exercice, et les Démocrates ont mené une très faible campagne contre lui avec un candidat pro-entreprise horriblement peu inspirant.

    Dans un sondage de Fox News, 72% des électeurs se sont déclarés en faveur d’un programme de santé géré par le gouvernement. En Floride, où Trump l’a emporté, 61% des électeurs ont également voté pour une mesure en faveur d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure dans tout l’État. Cela illustre qu’un appel clair aux électeurs de la classe ouvrière, ce que Bernie Sanders aurait pu faire efficacement, aurait probablement battu Trump d’une manière écrasante.

    Trump a mal géré la pandémie de COVID-19 (qui a fait des centaines de milliers de morts aux États-Unis) et a supervisé le développement d’un chômage de masse tandis que des millions d’Américains sombraient dans la pauvreté. Et pourtant, les Démocrates ont quasiment fait tout ce qu’ils pouvaient pour perdre.

    Ils ont présenté un candidat gênant au point qu’il a été tenu à l’écart du public. Ils n’ont pas mené de campagne de terrain dans les principaux États charnières. Ils ont refusé de défendre des politiques très populaires comme l’assurance maladie pour tous et la taxation des riches. Ils n’ont pas mené de campagne d’inscription massive sur les listes d’électeurs afin de gagner des millions de nouveaux électeurs qui méprisent Trump. Pourtant, les plus grands échecs des Démocrates n’étaient en aucun cas des “erreurs” : il s’agit plutôt d’une expression de leur nature fondamentale de parti pro-entreprises contrôlé par des bailleurs de fonds milliardaires.

    Les sondages de sortie des urnes montrent que les électeurs qui ont considéré la pandémie comme l’enjeu principal ont voté pour Biden avec une marge de 82 %, tandis que ceux qui considéraient l’économie comme l’enjeu principal ont voté pour Trump avec une marge tout aussi importante. Ces chiffres montrent que le Parti démocrate n’a littéralement rien eu à dire aux travailleurs ou même à une grande partie de la classe moyenne, qui a extrêmement peur de l’avenir ou qui est déjà aux prises avec des dettes, des pertes d’emploi, etc. Le message de Trump “d’ouvrir l’économie” a résonné chez beaucoup de personnes inquiètes pour leur avenir. Il n’est pas exagéré de dire que sans la pandémie et la mauvaise gestion criminelle de Trump – ou s’il avait été un peu plus compétent – il aurait facilement vaincu Biden.

    L’hostilité des Démocrates à l’égard de la politique progressiste

    Au cours des derniers jours de la campagne, Biden a clairement fait savoir qu’il n’interdirait jamais la fracturation hydraulique, qu’il ne réduirait jamais le financement de la police et qu’il accepterait un nouvel ajout de droite à la Cour suprême. En réponse aux meurtres racistes de la police, il a (encore !) déclaré que les flics devraient plutôt tirer dans la jambe des suspects ! Il a refusé de soutenir le principe d’une assurance-maladie pour tous alors que ces élections prenaient place au plus fort de la pandémie. Il n’est pas surprenant qu’un sondage Axios ait montré que plus de 58% des électeurs démocrates étaient été motivés à voter “contre Trump” plutôt que “pour Biden”.

    Tout cela a laissé de la place à Trump pour se présenter comme un “outsider” malgré sa présence à la Maison Blanche ! Trump a critiqué Biden de la “gauche” au sujet de son projet de loi raciste de 1994 concernant la criminalité, ainsi que pour son soutien aux guerres en cours et aux accords commerciaux favorables aux entreprises. Il a combiné ces attaques à un cocktail de racisme, de sexisme, d’autoritarisme, d’appels à l’extrême droite, de théories du complot et de rhétorique de maintien de l’ordre qui a permis à Trump de trouver un écho auprès d’une certaine partie des électeurs blancs conservateurs.

    Dans sa déclaration aux médias du 4 novembre, Trump est allé jusqu’à dire que “les Démocrates sont le parti des grands donateurs, des grands médias, de la grande technologie, semble-t-il. Et les Républicains sont devenus le parti du travailleur américain“. Bien sûr, pour un milliardaire qui a rempli son cabinet d’autres super riches, dire cela est très absurde. En fait, les électeurs qui gagnent moins de 100.000 $ par an ont voté pour Biden plutôt que pour Trump avec une marge importante. Mais le fait que cela puisse trouver un écho nous en dit beaucoup sur l’establishment démocrate.

    Pourtant, les experts libéraux chercheront à prétendre que cette situation est due à des personnes qui n’ont pas voté (surtout les personnes de couleur), à des électeurs qui ont voté pour des candidats indépendants, aux idées racistes dans la classe ouvrière blanche (ce qui est un facteur réel que nous abordons plus bas), ou à l’association des Démocrates avec la “gauche radicale”. La direction du Parti démocrate doit plutôt se regarder dans le miroir pour constater qui a offert à Trump la possibilité de tenter de voler ces élections. Sanders lui-même n’aurait pas dû capituler devant Biden. Il n’aurait pas dû s’autocensurer au sujet de ses précédentes critiques du Parti démocrate. Cela a permis à Trump de se présenter comme un candidat anti-establishment.

    Le jeu des reproches

    Les experts libéraux et certains activistes de gauche minimisent la nature peu inspirante et pro-entreprises de la campagne de Biden. Ils affirment que l’augmentation du vote de Trump à partir de 2016 n’est due qu’au racisme de la classe ouvrière blanche. Bien sûr, la société aux États-Unis est profondément raciste. L’extrême droite s’est développée et continuera à constituer une menace contre laquelle les socialistes et le mouvement ouvrier doivent lutter.

    Mais cela seul n’explique pas les gains réalisés par Trump lors de cette élection et ce serait une très grave erreur de passer cela sous silence en considérant que ses partisans ne sont qu’un seul bloc monolithique d’électeurs blancs racistes. En fait, le seul segment de la population où son pourcentage de soutien a diminué est celui des électeurs blancs non diplômés de l’enseignement supérieur. Cela ne change rien au fait que les deux tiers de cette population ont soutenu Trump, mais cela montre que c’est loin d’être monolithique.

    Le soutien de Trump s’est par contre accru parmi les électeurs noirs et latinos, des votes considérés comme acquis aux Démocrates depuis longtemps. En fait, il a remporté le plus grand nombre de voix parmi les personnes de couleur de tous les candidats républicains à la présidence en 60 ans ! Un certain nombre de facteurs entrent en jeu, mais un élément important qui explique pourquoi une partie des électeurs noirs et latinos de la classe ouvrière a choisi Trump est à nouveau dû à l’économie et à l’échec complet des Démocrates à parler de la crise à laquelle les travailleurs sont confrontés en ce moment.

    Les organes capitalistes comme le New York Times voient un avantage à résumer cette élection de cette manière, puisque cela peut ébranler la foi dans le potentiel de solidarité multiraciale de la classe ouvrière tout en détournant l’attention des échecs des démocrates. Bien qu’ils ne le disent pas ouvertement, ils s’opposent activement à l’émergence d’un mouvement de masse multiracial centré sur la classe ouvrière qui prendrait le pouvoir de la classe des milliardaires qu’ils défendent. Quand les grandes entreprises se saisissent de la question du racisme, ce n’est que dans le but de défendre la domination capitaliste.

    Là encore, il est cependant indéniable que Trump a profité des sections de la société américaine ayant les idées les plus arriérées concernant le racisme en utilisant une rhétorique de maintien de l’ordre.

    Le besoin d’une véritable unité de la classe ouvrière face au racisme est crucial. Mais par quels moyens réaliser cette unité dans une société aussi extrêmement polarisée ? La réponse est complexe. Nous estimons que c’est possible sur base d’un programme de lutte qui comprend à la fois des revendications qui améliorent la vie des travailleurs dans leur ensemble et une position claire en faveur de la libération des Noirs et des droits des immigrants.

    Le soulèvement multiracial massif de cet été – et le large soutien au soulèvement dans la société – à la suite du meurtre de George Floyd par la police a précisément illustré le potentiel d’une lutte unie contre le racisme et les inégalités économiques. Mais le manque de leadership, d’organisation et de stratégie claire a donné à la classe dirigeante l’occasion de se ressaisir. Cela a également donné à Trump et à l’extrême droite une possibilité d’exploiter les craintes des gens vis-à-vis du chaos. La réaction contre le soulèvement (en particulier dans les zones rurales) est réelle mais ne doit pas être exagérée.

    À quoi ressemblera cette présidence ?

    Il est clair qu’une administration Biden/Harris ne résoudra aucun des problèmes clés auxquels sont confrontés les travailleurs. Il est prévisible qu’ils se cacheront derrière le contrôle républicain potentiel du Sénat pour justifier l’impossibilité d’apporter des changements. Même pendant la campagne, alors que les Démocrates essayaient de gagner le contrôle du Sénat, Biden a déclaré qu’il “travaillerait avec les républicains”, l’excuse éternelle pour accepter des attaques massives contre les intérêts des travailleurs. Il y a plus de chances de voir de riches républicains dans le cabinet de Biden que Bernie Sanders.

    Dès le départ, ce sera une administration faible qui supervisera la crise profonde de la pandémie et la dévastation économique. La Réserve fédérale et les économistes capitalistes sont presque unanimes pour dire qu’il faut beaucoup plus de mesures de relance budgétaire pour éviter un effondrement encore plus important. Mais si le complément de 600 dollars aux allocations de chômage doit être rétabli d’urgence, ce n’est pas du tout la même chose que d’apporter des changements fondamentaux dont nous avons besoin comme le New Deal vert et l’assurance maladie pour tous. Malheureusement, les dirigeants démocrates sont très clairement opposés à ces deux programmes pourtant très populaires.

    Une victoire finale

    Nous devons de toute urgence construire un mouvement de masse pour lutter en faveur d’un plan de relance d’urgence pour les travailleurs, d’un Green New Deal socialiste, d’un contrôle communautaire de la police, d’un système de santé pour tous, et bien plus encore.

    Nous ne pouvons pas compter sur les Démocrates contrôlés par les entreprises pour changer fondamentalement la situation. Biden a répété à maintes reprises qu’il ne proposera pas les politiques dont nous avons si désespérément besoin.

    Biden supervisera l’une des crises les plus profondes de l’histoire du capitalisme américain. Il s’efforcera de servir les intérêts de la classe des milliardaires, comme il l’a fait tout au long de sa carrière politique. Cela conduira des millions de personnes à chercher une alternative à la direction du Parti démocrate et à la politique mainstream en général.

    Dans ce contexte, l’extrême droite pourrait se développer encore plus sous une présidence Biden. Afin de lutter efficacement contre les racistes, nous avons besoin d’un programme qui puisse mobiliser les travailleurs dans l’action. Nous ne pouvons pas limiter nos exigences à ce qui est acceptable pour la direction du parti Démocrate et ses bailleurs de fonds milliardaires. Nous devons plutôt nous battre pour les besoins de milliards de personnes dans le monde entier plutôt que pour les milliardaires. Ce type de lutte entrerait inévitablement en conflit avec le système capitaliste lui-même.

    Cette élection montre que les Démocrates ne peuvent pas vaincre l’extrême droite de manière décisive. Socialist Alternative estime que nous avons besoin d’un nouveau parti reposant sur la classe ouvrière. Nous préconisons que ce nouveau parti s’empare des richesses des grandes entreprises et les place sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs. Trump n’est qu’un symptôme. La maladie, c’est le capitalisme et le remède : le socialisme.

  • Élections aux États-Unis : Dégageons Trump et bloquons le système !

    Cette élection montre que les Démocrates sont incapable de vaincre l’extrême droite de manière décisive. Socialist Alternative estime pense que nous avons besoin d’un nouveau parti reposant sur la classe ouvrière, un parti qui a l’ambition de saisir les richesses des grandes entreprises pour les placer sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs.

    Bryan Koulouris, Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux USA)

    Entrons en action pour empêcher Trump de voler les élections !

    Afin de chasser Trump de la Maison Blanche, nous devons entrer dans une désobéissance civile de masse et des actions de grève étudiantes et de travailleurs. Nous ne pouvons pas simplement attendre et voir ce qui se passera ; Trump fait tout ce qu’il peut pour voler l’élection, et nous devons agir rapidement et de manière décisive. Les manifestations qui ont eu lieu aujourd’hui (le 4 novembre) ne doivent être qu’un début. Des réunions d’urgence sur les lieux de travail, sur les campus, dans les syndicats et dans les communautés doivent être organisées pour discuter de la voie à suivre pour construire une lutte de masse visant à forcer Trump à céder. De nombreux syndicats ont déclaré leur intention de faire la grève si Trump tente de voler les élections, et maintenant nous devons agir ! Le mouvement ouvrier doit prendre l’initiative de mobiliser un mouvement pour le chasser.

    Au milieu de la nuit précédant la rédaction de cet article, Trump a déclaré sa victoire malgré le fait que des millions de votes n’aient pas encore été comptabilisés. Il a qualifié la poursuite du comptage de “fraude envers le peuple américain”. Il peut tenter d’utiliser les assemblées législatives des États républicains et les tribunaux, y compris la Cour suprême, pour tenter d’empêcher le comptage des votes. Nous devons nous organiser et riposter en exigeant que chaque vote soit compté !

    Le rapport de forces

    L’administration Trump s’est préparée à cela, et elle met en mouvement les forces réactionnaires de droite. Ce n’est pas le moment d’être paralysés par la peur. Nous ne pouvons pas non plus compter sur la direction du Parti démocrate pour combattre Trump à notre place ; les Démocrates ont laissé Bush voler les élections en 2000 et, plus récemment, ils ont laissé la fondamentaliste chrétienne Amy Coney Barrett être confirmée juge de la Cour suprême sans la moindre protestation.

    Nous devons compter sur la force des jeunes, des opprimés et des travailleurs. Ce sont les travailleurs sont essentiels à notre économie, et non les rapaces et les pillards milliardaires. Nous avons le pouvoir de bloquer ce système et nous devons préparer d’urgence une grève générale des travailleurs et des étudiants combinée à une désobéissance civile de masse pour forcer Trump à céder.

    Une grève de masse, soutenue par un soulèvement généralisé, ébranlerait la classe des milliardaires jusqu’à son noyau, les forçant potentiellement à essayer de prendre enfin des mesures contre l’autoritarisme de Trump. Si nous nous organisons et nous nous mobilisons, nous pouvons gagner bien plus que simplement repousser Trump ; nous pouvons nous battre pour les politiques socialistes dont les travailleurs ont besoin pour faire face à la pandémie, au changement climatique, au racisme institutionnel et aux inégalités.

    Comment en sommes-nous arrivés là ?

    La répression des électeurs – une spécialité républicaine – a été intensifiée cette année dans le contexte de la pandémie. De plus, le collège électoral est l’une des institutions les plus antidémocratiques (avec la Cour suprême) dans un système politique américain conçu pour masquer la domination de la classe des milliardaires. Malgré tout cela, Trump aurait facilement pu être battu, surtout si Bernie Sanders avait été le candidat. Trump a l’un des taux d’approbation les plus bas de tous les candidats présidentiels en exercice, et les Démocrates ont mené une campagne très faible autour d’un candidat capitaliste horriblement faible.

    Dans un sondage de FoxNews hier, 72% des électeurs se sont déclarés en faveur d’un programme de santé géré par le gouvernement. En Floride, où Trump l’a emporté, 61% des gens ont également voté en faveur d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure dans tout l’état. Cela montre qu’un appel clair aux électeurs de la classe ouvrière, ce que Bernie Sanders aurait pu faire efficacement, aurait probablement battu Trump d’une manière écrasante.

    Trump a très mal géré la pandémie – qui a fait des centaines de milliers de morts aux États-Unis -, a supervisé le chômage de masse et a fait sombrer des millions d’Américains dans la pauvreté, et pourtant les Démocrates ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour perdre ces élections. Ils ont présenté un candidat gênant qui a été tenu à l’écart du public, n’ont pas mené de campagne de terrain dans les principaux États charnières, ont refusé d’adopter des politiques très populaires comme l’assurance maladie pour tous et la taxation des riches, et n’ont pas mené de campagne d’inscription massive des électeurs pour obtenir le vote de millions de nouveaux électeurs qui méprisent Trump. Les plus grands échecs des Démocrates n’étaient pas seulement des “erreurs”, mais plutôt une expression de leur nature de parti pro-entreprises contrôlé par des bailleurs de fonds milliardaires.

    Dans les derniers jours de la campagne, Biden a clairement fait savoir qu’il n’interdirait jamais la fracturation hydraulique, qu’il ne réduirait jamais le financement de la police et qu’il accepterait un autre membre de droite à la Cour suprême. Il a (encore !) déclaré que les flics devraient tirer sur les suspects “dans la jambe” comme solution aux meurtres racistes de la police, et il a refusé de soutenir l’assurance-maladie pour tous alors que l’élection prenait place au plus fort de la pandémie. Il n’est pas surprenant qu’un sondage Axios ait montré que plus de 58% des électeurs démocrates étaient motivés à voter “contre Trump” plutôt que “pour Biden”.

    Tout cela a permis à Trump de se présenter comme un “outsider” malgré sa présence à la Maison Blanche ! Trump a critiqué Biden de la “gauche” sur le projet de loi raciste de 1994 sur la criminalité, ainsi que son soutien aux guerres en cours et aux accords commerciaux favorables aux entreprises. Cette approche s’est combinée à un cocktail vicieux de racisme, de sexisme, d’autoritarisme, d’appels à l’extrême droite, de théories du complot et de rhétorique du maintien de l’ordre.

    La direction du Parti démocrate a lutté plus durement et plus efficacement contre Bernie Sanders lors des primaires que contre Trump lors des élections générales. Pourtant, les experts libéraux chercheront à prétendre que cette situation est due aux personnes qui n’ont pas voté (surtout les personnes de couleur), aux électeurs indépendants, aux idées racistes de la classe ouvrière blanche (ce qui est un facteur réel), ou au fait que les démocrates sont associés à la “gauche radicale”. Mais c’est la direction du Parti démocrate qui a donné à Trump l’espace de voler cette élection. De plus, Sanders lui-même n’aurait pas dû capituler devant Biden, et il n’aurait pas dû s’autocensurer pour ses précédentes critiques du Parti démocrate. Cela a permis à Trump de se présenter comme un candidat anti-establishment.

    La direction du Parti démocrate n’a rien fait pour préparer les gens à ce résultat tout à fait prévisible d’un vote contesté. Des millions d’entre nous savaient que Trump allait essayer de voler cette élection si on lui en donnait l’occasion. Ils n’ont pas préparé de mobilisations parce que les Démocrates sont un parti du capitalisme qui privilégie la stabilité à la vie des travailleurs. Alors que de nombreux dirigeants syndicaux ont adopté des résolutions appelant à des grèves générales, ils n’ont pas fait grand-chose pour préparer leurs membres à agir. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons besoin de réunions de masse sur les lieux de travail, dans les communautés et les campus pour discuter de la manière d’intensifier nos la lutte.

    La victoire finale

    Si nous sommes capables de construire une forte rébellion qui renverse le régime de Trump, alors nous ne devrions pas nous arrêter là. Nous devons organiser le mouvement pour lutter en faveur d’un plan de relance d’urgence pour les travailleurs, d’un Green New Deal socialiste, d’un contrôle communautaire de la police, d’une assurance maladie pour tous, et bien plus encore. La pandémie, le changement climatique, la crise économique et le racisme institutionnel ne disparaîtront pas lorsque Trump quittera la Maison Blanche. Nous ne pouvons pas compter sur les démocrates contrôlés par les entreprises pour changer fondamentalement la situation, et Biden a répété à maintes reprises qu’il ne proposera pas les politiques dont nous avons si désespérément besoin.

    Si nous forçons Trump à céder, alors Biden supervisera l’une des crises les plus profondes de l’histoire du capitalisme américain. Biden s’efforcera de servir les intérêts de la classe des milliardaires, comme il l’a fait tout au long de sa carrière politique. Cela conduira des millions de personnes à chercher une alternative à la direction du Parti démocrate et à la politique générale en général.

    Dans ce contexte, l’extrême droite pourrait se développer encore plus sous une présidence Biden. Afin de lutter efficacement contre les racistes de droite, nous avons besoin d’un programme qui puisse mobiliser les travailleurs dans l’action. Nous ne pouvons pas limiter nos exigences à ce qui est acceptable pour la direction du parti démocratique et ses bailleurs de fonds milliardaires. Nous devons plutôt nous battre pour les besoins de milliards de personnes dans le monde entier plutôt que pour les milliardaires. Ce type de lutte entrerait inévitablement en conflit avec le système capitaliste lui-même.

    Cette élection montre que les Démocrates ne peuvent pas vaincre l’extrême droite de manière décisive. SSocialist Alternative estime pense que nous avons besoin d’un nouveau parti reposant sur la classe ouvrière, un parti qui a l’ambition de saisir les richesses des grandes entreprises pour les placer sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs.

    Nous faisons partie d’un mouvement international présent sur tous les continents visant à lutter contre les injustices du capitalisme dans le monde entier. Cela pourrait constituer la base pour mettre fin à toute exploitation et oppression. Organisez-vous et rejoignez-nous dès aujourd’hui !

    Trump n’est qu’un symptôme, c’est le capitalisme la maladie, et le socialisme démocratique est le remède. Ensemble, nous pouvons construire un puissant mouvement pour renverser Trump. Cela peut contribuer à accroître la confiance, l’organisation et l’éducation des travailleurs en lutte. Les manifestations d’aujourd’hui ne sont que le début, et nous avons besoin qu’elles soient une rampe de lancement pour lutter pour un avenir socialiste !

  • Joe Biden ne représente pas la solution contre Trump, il faut construire un nouveau parti !

    À l’approche de l’élection présidentielle américaine, la pression monte pour nous faire voter pour Joe Biden afin de mettre Trump à l’écart. Même le New York Times a publié un éditorial intitulé « Pourquoi les socialistes devraient soutenir Joe Biden ». Mais les véritables socialistes ne doivent pas abandonner leur lutte et se soumettre à un “moindre mal” électoral.

    Par Keely Mullen, Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux USA)

    J’habite New-york, et au cours du dernier mois, et dans pratiquement chaque conversation que j’ai eu à propos des élections, j’ai entendu le même son de cloche : « Trump c’est une catastrophe, et Biden ne vaut pas beaucoup mieux. Mais je voterai pour Biden parce que je déteste Trump ». Je comprends cette logique. Elle vient de l’envie irrépressible des gens de résoudre le chaos qui nous entoure et de mettre un terme à la croissance de la droite. Mais cette position, bien que tout à fait compréhensible, laisse de côté la situation d’ensemble que les socialistes ont pour obligation d’expliquer. Les médias institutionnels et l’establishment Démocrate affirment religieusement que « revenir à la normale » et combattre la droite signifie qu’il faut donner sa voix au « Démocrate du jour ». Les organisations de gauche, les organisations socialistes et des figures socialistes importantes comme Alexandria Ocasio-Cortez et Bernier Sanders ne devraient pas reprendre docilement cette logique.

    Aussi lamentable que soit Trump et malgré ce que sa réelection signifierait pour les travailleurs, des millions d’Américains n’éprouvent absolument aucun enthousiasme à l’idée de voter pour Biden. Dans une telle situation, imaginez qu’au lieu d’avoir cédé et plié le genou devant l’establishment, Bernie Sanders soit en train de faire campagne pour un nouveau parti des travailleurs ! Dans le contexte d’une pandémie globale, d’un soulèvement contre les violences policières racistes, du soutien écrasant pour la revendication d’un système universel de soins de santé (Medicare for All) et une taxe sur les fortunes, cela aurait pu galvaniser des millions de jeunes et de travailleurs. Ça aurait représenté une opportunité historique de briser le carcan qu’est le Parti Démocrate.

    A cause du refus de Sanders de poser ces pas en avant, nous assistons impuissants à une compétition entre deux mauvaises options pour les travailleurs, sans nulle part vers où tourner le regard. Les socialistes ont la responsabilité de clarifier les raisons pour lesquelles nous en sommes là et quelles sont les opportunités qui ont été manquées.

    Les débats dans la gauche

    Dans un article, deux figures majeures des Democratic Socialists of America (DSA) Eric Blanc et Neal Meyer écrivent : « Les socialistes ne peuvent pas empêcher ce cauchemar d’eux-mêmes. Mais nous pouvons – et nous devons – faire partie du mouvement plus large qui peut le faire. Oui, malheureusement, cela signifie de voter pour Joe Biden et de faire le maximum pour convaincre nos amis, nos collègues, nos voisins, nos camarades et notre famille de faire de même – et cela indépendamment de l’endroit où l’on vit. »

    Il s’agit d’une rupture par rapport à l’approche pourtant déjà conservatrice adoptée par un certain nombre de personnalités des DSA qui ont signé une promesse appelant à un « vote anti-Trump » sans jamais mentionner le nom de Biden. Les DSA sont une organisation qui n’est pas loin de rassembler 80.000 membres, avec des positions élues dans des gouvernements locaux et d’Etat, mais aussi dans les syndicats ; une telle organisation à l’obligation de diriger la lutte contre l’extrême droite, plutôt que d’y renoncer au simple prétexte qu’il y a une élection qui se prépare.

    Il existe des millions de personnes qui en ont ras-le-bol que le Parti Démocrate tienne leur vote pour acquis et qui sont mûrs pour suivre une direction de gauche audacieuse. A ces personnes, Blanc et Meyer répondent que s’organiser pour le compte de Joe Biden est la manière la plus efficace de combattre la droite. Il s’agit d’une tragique capitulation.

    Des centaines de millions de dollars se déversent sur les comptes de campagne de Biden, des milliers d’ONG travaillent à convaincre les gens d’aller voter, et des personnalités comme Obama et même Bernie Sanders courent aux quatre coins du pays pour appeler à voter Biden. Et ce serait de la responsabilité de travailleurs désillusionnés, qui ont été abandonnés et méprisés par le Parti Démocrate de faire campagne pour appeler à voter Biden ?

    Des centaines de milliers de combattants de la classe ouvrière pourraient être attirés au sein du mouvement socialiste si ce dernier était audacieux et décomplexé. Mais ce qu’ils ne peuvent que constater chez certains membres dirigeants des DSA et même chez Bernie Sanders, c’est encore et toujours la vielle rengaine.

    Nous espérons que les membres du rang des DSA écarteront respectueusement les conseils de Blanc et Meyer, et appelleront plutôt à voter pour Howie Hawkins, le candidat socialiste du Parti Vert, afin de montrer concrètement une voie pour sortir du Parti Démocrate. Même si nous ne sommes pas d’accord avec tout ce qu’il dit, la réponse de Jérémy Gong, membre des DSA, à l’article de Blanc et Meyer est dans son ensemble très positive et nous encourageons les membres des DSA à la lire. Nous accueillerions avec enthousiasme que les sections des DSA se joignent à Socialist Alternative dans nos efforts pour rassembler des coalitions dans nos villes afin de préparer des manifestations de masse et de désobéissance civile si Trump tente de voler les élections.

    Si Trump gagne, ce ne sera pas à cause de travailleurs qui ne se sont sentis représentés par aucun candidat et qui ont choisi de ne pas voter. Ce ne sera pas non plus la faute des gens qui auront fait un vote de protestation contre les deux candidats. Ce sera la faute du Parti Démocrate qui, pour vaincre Trump, a choisi comme candidat un représentant des entreprises parfois mentalement confus, alors qu’un candidat capable de galvaniser des millions de personnes était disponible en la personne de Bernie Sanders.

    L’élite démocrate a crée Trump

    Dans leur article, Blanc et Meyer ne consacrent pas une seule phrase à l’explication du rôle que le Parti Démocrate a joué pour créer l’espace dans lequel Trump et le trumpisme ont pu s’épanouir. Il ne s’agit pas d’un accident : toute investigation poussée sur la logique du « moindre mal » finira par prouver que les décennies d’attaques impitoyables des Démocrates sur les travailleurs ont fertilisé le sol dont on a vu Trump émerger. C’est une leçon historique cruciale que les activistes de la classe des travailleurs se doivent de tirer.

    Le 8 novembre 2016, la victoire électorale de Trump sur Clinton et son accession à la présidence a laissé tout le monde bouche bée. Les experts libéraux et leurs instituts de sondage étaient sous le choc, totalement incapables d’expliquer comment leur candidate parfaite, avec des décennies d’expérience à Washington, avait perdu face à un homme d’affaires milliardaire et une star de la télé-réalité. Ils n’ont pas pu comprendre que la montée de Donald Trump, tout comme celle du Tea Party avant lui, reposait sur leur propre incompétence et leur soumission à la classe des milliardaires.

    Les démocrates contrôlaient la Maison Blanche et les deux branches du Congrès pendant la pire crise financière que les États-Unis aient connue depuis la Grande Dépression (jusqu’à présent). Avec leur supermajorité, ils ont trouvé toutes les raisons de donner des milliards de dollars aux grandes banques de Wall Street, mais ont haussé les épaules face aux neuf millions d’emplois perdus et aux quatre millions de maisons saisies.

    Au cours des huit années qui ont suivi, alors qu’Obama et Biden étaient confortablement installés au pouvoir, la richesse des milliardaires a explosé et les classes ouvrières et moyennes sont restées sur les genoux. Certes, le chômage a diminué – mais la grande majorité des emplois créés sous l’administration Obama étaient des emplois de l’industrie des services, à bas salaire. Les mêmes emplois qui ont maintenant disparu avec l’arrivée du Covid-19 en 2020

    L’abandon prévisible des travailleurs par les démocrates sous l’administration Obama/Biden (qui a poursuivi les imprudentes politiques de prêt, de déréglementation et de financiarisation, ainsi que les attaques incessantes contre les acquis des travailleurs qui avaient marqué les présidences Clinton et Bush) a posé les bases de la victoire surprise de Trump en 2016. Ils n’ont pas été capables de motiver les travailleurs à voter pour Hillary Clinton, dont l’élection comme présidente n’aurait signifié que la poursuite des mêmes politiques. Plus de 200 comtés (communes) qui avaient voté pour Obama en 2012 ont voté pour Trump quatre ans plus tard !

    Durant sa campagne de 2016, M. Trump a également élaboré le programme xénophobe et réactionnaire qu’il n’a cessé de développer depuis. Les démocrates n’ont pas été en mesure de contester de manière crédible ses idées réactionnaires.

    Ainsi, non seulement les démocrates ont déroulé un tapis rouge allant de l’appartement de Manhattan de Trump jusqu’aux marches de la Maison Blanche, mais en plus ils n’ont absolument rien fait pour le combattre pendant les quatre années qu’il a passées là-bas !

    Ils ont littéralement déversé l’équivalent d’années d’attention et d’énergie dans le scandale du « Russiagate » et dans des absurdités comme l’Impeachment – se soustrayant ainsi aux véritables combats qui touchent les travailleurs. Ils ont substitué à toute lutte réelle contre Trump des actes symboliques de « résistance » et des tweets impertinents. La nomination sans heurt d’Amy Coney Barret à la Cour suprême, que les démocrates n’ont même pas prétendu combattre, en témoigne de façon déprimante.

    Si la gauche veut avoir l’oreille des gens, elle ne peut pas s’aligner derrière le premier cadavre que le Parti démocrate exhibe aux élections. Ce ne ferait que préparer la voie à quelque chose de pire encore que Trump en alimentant les forces qui lui ont donné le micro en premier lieu.

    Au vu de l’ampleur de la crise économique en cours, une administration dirigée par Biden pourrait bien être prête à dépenser des sommes significatives d’argent, mais il ne doit y avoir aucune illusion sur le fait qu’il puisse défendre ne serait-ce qu’un semblant d’agenda progressistes. Son administration, ainsi que la plupart des démocrates au Congrès, s’attaquera sans relâche aux travailleurs tout en renflouant les grandes entreprises, en octroyant des subventions aux grandes compagnies d’assurance et en s’opposant à des politiques populaires comme l’assurance maladie pour tous. L’espace pour l’extrême droite s’élargirait très probablement sous une administration Biden, et Trump pourrait très bien continuer à gagner du soutien pour ses idées même s’il perd les élections. En fait, une situation où Trump se déchaînerait en étant libre de rallier sa base en dehors des limites d’une fonction élue pourrait conduire à la création d’un parti d’extrême droite.

    Défaire la droite par une vraie politique indépendante des Démocrates

    Un véritable combat contre Trump, et les forces réactionnaires qui gravitent dans son orbite, nécessite des mesures décisives. Nous avons besoin que la gauche au sens large s’engage avec audace dans la campagne en faveur de l’assurance maladie pour tous, d’un New Deal vert, d’un soutien covid pour les travailleurs et du définancement de la police. Dans le cadre de la construction de ces mouvements, il est crucial que nous commencions à prendre des mesures pour construire une alternative politique indépendante de gauche en dehors du Parti démocratique.

    La véritable « réduction des risques » dans laquelle les organisations et les personnalités de gauche devraient s’engager consiste à mobiliser les rangs les plus larges de la classe ouvrière dans des mouvements de masse et à créer d’urgence un nouveau parti politique avec un programme de défense de la classe ouvrière et une stratégie basée sur la lutte de classe. Un parti qui puisse être un foyer politique pour les millions de gens ordinaires qui ont soutenu Bernie Sanders.

    Les organisations et les personnalités de gauche ne doivent pas mener les travailleurs désabusés dans le piège du Parti démocrate. Ils doivent mener, depuis le front, une marche directement vers l’extérieur du Parti démocrate et vers quelque chose de nouveau. Nous devons combattre la droite et la classe des milliardaires, et il n’y a pas de temps à perdre.

    Meeting en ligne ce 3 novembre : USA, quelle alternative ?

    Venez discuter de quelle alternative nous avons besoin avec les Étudiants de Gauche Actifs – EGA et son organisation sœur aux États-Unis Socialist Alternative. We Won’t Die For Wall Street !
    Discussion en FR, NL et EN (sous-titres et traduction prévus)

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  • USA : Des élections dans un contexte de crise sans précédent

    Ce journal a été imprimé avant les élections présidentielles du 3 novembre. Les résultats complets pourront prendre encore un certain temps. Plusieurs scénarios sont ouverts : une victoire de Biden de manière suffisamment convaincante pour que Trump se limiter à protester sur Twitter et à encourager les milices d’extrême droite à agir dans la rue, un résultat contesté où Trump utilise toutes les procédures et manœuvres imaginables pour voler les élections, ou bien une victoire de Trump. Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : la politique américaine est en crise profonde. La classe ouvrière a besoin de son propre instrument politique pour y faire face.

    Une crise sans précédent

    Il est impossible de comprendre l’état actuel de la politique américaine sans regarder l’état désastreux du capitalisme dans ce pays. Les États-Unis se sont plongés dans la deuxième vague de la pandémie alors que la première faisait toujours ses dégâts. Il y a plus de 7,5 millions de contaminations confirmées et 210.000 personnes décédées. Cela est principalement dû à l’aveuglement criminel de Trump : 200.000 personnes supplémentaires pourraient encore mourir avant la fin de la pandémie. Le tragique bilan serait alors proche de celui des pertes américaines pendant la Seconde Guerre mondiale.

    La pandémie a accéléré le développement de la crise économique qui est devenue le plus grand effondrement économique depuis la Grande Dépression. Les niveaux de chômage officiels ne racontent pas toute l’histoire. Les données plus larges du Bureau of Labor Statistics montrent que le taux de chômage réel est de 12,8%. C’est beaucoup moins que les 22,8% d’avril, mais cela reste désastreux. Des millions de personnes ont reçu une allocation de 600 dollars par mois, mais elle a pris fin en juillet. De nombreuses personnes doivent s’endetter pour payer leur loyer. Si nous n’assistons pas encore à des expulsions massives, c’est tout simplement parce qu’elles sont temporairement interdites.

    La récession est de plus en plus décrite comme une récession «en forme de K», ce qui signifie que les classes riches et moyennes supérieures s’en sortent encore mieux qu’avant, tandis que le reste de la situation de la population continue de s’appauvrir. Alors que les États-Unis sont censés être le pays le plus riche au monde, on estime qu’un tiers des enfants est confronté à l’insécurité alimentaire. Le Covid-19 et la crise économique ont affecté de manière disproportionnée la classe ouvrière noire et latino. Les femmes ont également été durement touchées par les licenciements, tandis que nombre d’entre elles ont été contraintes de quitter leur emploi pour rester à la maison et s’occuper de leurs enfants et des cours en ligne. Les jeunes voient leurs perspectives d’avenir s’effondrer. En juillet, un rapport du Centers for Disease Control des États-Unis a estimé qu’un jeune adulte sur quatre, âgé de 18 à 24 ans, avait envisagé de se suicider durant le mois précédent.

    Tout cela a ajouté à la nature explosive du soulèvement contre le racisme à la suite du meurtre de George Floyd par la police, fin mai. Mais alors que la plus grande vague de manifestations de l’histoire américaine a eu un effet positif sur la conscience, l’absence de structure démocratique, de direction et de programme clair du mouvement a laissé à l’establishment pourri – qu’il soit républicain au niveau national et démocrate dans les grandes villes – une opportunité de ressaisir. À Minneapolis, où a commencé le soulèvement, le conseil municipal est rapidement revenu sur sa promesse de réforme radicale de la police. L’extrême droite a également commencé à s’affirmer avec la bénédiction de Trump.

    A cela s’ajoutent les incendies de forêt qui se sont étendus de la Californie à l’État de Washington, soulignant à nouveau qu’en plus de la pandémie et de la dépression économique, nous sommes également confrontés à une catastrophe climatique. Cette crise, avec les deux autres, résulte du fonctionnement du système capitaliste malade.

    Voilà quelle était la situation alors que élections présidentielles entraient dans leur phase finale. Une situation explosive.

    Réagir avec un nouveau parti

    Vaincre la politique dominée par les grandes entreprises implique de construire un nouveau parti complètement distinct et indépendant de la direction du Parti démocrate, un parti aux véritables structures démocratiques et disposant d’un programme axé sur les besoins de la classe ouvrière. L’idée du «moindre mal» a perdu de sa substance avec le discrédit du Parti démocrate et la faiblesse de Joe Biden. Si Biden l’emporte, ce sera une présidence très faible confrontée à la pire crise économique et sociale depuis les années 1930.

    En 2016, nous avions appelé Bernie Sanders à transformer sa campagne pour former l’embryon d’un nouveau parti de gauche, mais il a complètement raté cette opportunité historique en 2016 et à nouveau cette année. Le Parti vert se présente aux élections présidentielles depuis les années 1990 avec des candidats comme Ralph Nader et Jill Stein. Ce parti s’est clairement positionné à la gauche des partis verts européens. Malgré des meetings de masse, notamment avec les campagnes de Nader, le Parti vert n’a pas réussi à devenir un facteur dans les luttes sociales. Pendant les mouvements de grève historiques de ces dernières années ou lors des manifestations de Black Lives Matter et même dans le mouvement pour le climat, le Parti Vert était largement absent. Une force purement électorale ne suffira pas à vaincre la classe des milliardaires. Mais son candidat actuel, Howie Hawkins, un socialiste autoproclamé ayant un passé de syndicaliste, est le plus crédible de tous ceux que le Parti vert a défendu. Nos camarades de Socialist Alternative appellent donc à voter pour Hawkins.

    La raison fondamentale pour laquelle les mouvements sociaux de ces dernières années n’ont pas réussi à imposer un changement à grande échelle est l’absence d’organisations combatives de masse aux États-Unis. La création d’un nouveau parti politique de masse changerait cela. Il pourrait abriter en sons sein des mouvements tels que Black Lives Matter, le mouvement ouvrier et toute lutte sociale contre l’exploitation et l’oppression. Chaque vote en faveur de Howie Hawkins peut renforcer cette perspective.

    Les gigantesques défis posés par la crise profonde du capitalisme américain ne seront pas résolus par les élections. Il faudra lutter à travers un mouvement social conséquent disposant d’une structure organisée et démocratique. Pour remporter des victoires substantielles, la lutte doit bénéficier de son expression politique indépendante.

    Pour garantir des soins de santé accessibles à tous, nous nous heurterons au secteur privé de l’assurance et aux politiciens qui la défendent. Pour parvenir à un Green New Deal sérieux, nous devrons nationaliser les grandes entreprises énergétiques et reconstruire le secteur sous le contrôle démocratique et la gestion des travailleurs. La classe des milliardaires ne contribuera financièrement de manière volontaire à la collectivité pour financer des logements abordables. Toutes nos revendications ont besoin d’un mouvement qui établisse un rapport de force et défende une société qui place les besoins de l’humanité avant le profit. Cela apporterait une contribution vitale à la construction d’un nouveau parti ouvrier.

    Le rôle des socialistes révolutionnaires

    Socialist Alternative démontre à Seattle qu’il est possible de remporter des élections avec un candidat socialiste. Mais aussi comment une lutte sérieusement construite peut mener à des victoires majeures, telles que l’instauration d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure ou la Taxe Amazon sur les grandes entreprises. Socialist Alternative n’estime pas pouvoir construire à elle seule un nouveau parti des travailleurs de masse, mais son énergie, ses analyses et son argumentation politique peuvent aider à faire avancer le processus. Un nouveau parti exigera des forces beaucoup plus larges, mais de petits groupes socialistes peuvent jouer un rôle important.

    Au XXe siècle, il y avaient des partis ouvriers de masse avec une base solide dans plusieurs pays. Des réformes sociales ont été arrachées en faveur de la classe ouvrière. Surtout en Europe occidentale, pendant le long boom économique d’après-guerre et avec la crainte de l’Union soviétique, les capitalistes ont fait des concessions majeures aux mouvements de masse et aux partis ouvriers. Ils l’ont fait pour empêcher la révolution et préserver le capitalisme. Les dirigeants des principaux partis réformistes ont approuvé cet arrangement. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation différente. Les nouveaux partis de gauche comme Syriza en Grèce sont testés beaucoup plus rapidement et tombent à la poubelle s’ils ne passent pas l’épreuve avec succès. Même pour des réformes limitées, ils se heurtent à une résistance capitaliste qui ne peut être brisée que par une lutte de masse et un programme de changement social.

    Un nouveau parti de gauche aura besoin d’un programme socialiste clair et d’une direction marxiste. En tirant les leçons du mouvement ouvrier international et de son histoire, un mouvement marxiste fort peut montrer la voie dans les luttes qui se déroulent ici et maintenant.

  • La question concerne des millions de personnes : comment stopper Trump ? Certainement pas avec Biden !

    Stopper Trump et le Trumpisme se fait par la lutte sociale

    L’année de crise 2020 n’est pas encore terminée, mais elle pourrait devenir encore plus turbulente. Les manifestations “Black Lives Matter”, qui constituent la plus grande mobilisation sociale de l’histoire américaine, se poursuivent. On constate une hausse effrayante de la violence des milices d’extrême droite en coopération avec la police militarisée. Le changement climatique (notamment la virulence des ouragans) et les économies réalisées en matière de prévention des incendies provoquent des dégâts sans précédents. Les conséquences de la pandémie sont exacerbées par l’incompétence de Trump et un système de santé tout entier dévolu aux profits du secteur privé. Quel que soit le résultat des élections présidentielles, tous ces problèmes ne feront qu’empirer tant qu’aucun mouvement de masse ne sera pas forgé pour fondamentalement changer de société.

    Un dossier de Bart Vandersteene

    Les démocrates ne peuvent que perdre

    Trump est détesté par des dizaines de millions d’électeurs. Mais il semble que nous nous dirigeons encore une fois vers une autre élection qui ne peut qu’être perdue par les Démocrates. L’avance de Biden dans les sondages en juillet est beaucoup plus faible aujourd’hui. Comme en 2016 avec Hillary Clinton, l’establishment démocrate, qui défend les intérêts des grandes entreprises, mène une campagne complaisante. La campagne de Biden ne fait pas de porte-à-porte, ne mobilise pas les jeunes électeurs pour qu’ils s’inscrivent, même dans les ‘swing states’ (États charnières), comme le Michigan. Pendant ce temps, la campagne de Trump frappe à la porte d’un million de foyers par semaine. Le duo Biden / Harris ne parvient pas à présenter un programme électoral qui inspire les travailleurs, les millions de chômeurs ou les jeunes. Pour vaincre Trump, une participation massive des électeurs sera nécessaire. Mais les Démocrates ne semblent pas en mesure de le faire.

    Trump fait campagne autour de l’idée qu’il préconise une politique de “la loi et de l’’ordre”. Il affirme que le pays sous la direction des Démocrates est en train de glisser dans l’abîme. Il dépeint les grandes villes dirigées par les Démocrates comme des bastions de la violence et de la misère. Il décrit les Démocrates comme la “gauche radicale”. Il encourage la violence de droite contre les militants de Black Lives Matter (BLM).

    En même temps, il tente de répondre aux critiques justifiées de la gauche en prenant lui-même des mesures sociales temporaires, telles que l’augmentation des allocations de chômage et un moratoire temporaire sur les expulsions. Cela doit donner l’impression que le président est du côté des plus faibles de la société. Le contraire est bien sûr vrai. Les plus riches n’ont jamais été aussi bien lotis que sous Trump. Le fossé entre riches et pauvres n’a fait que se creuser. Depuis le début de la pandémie, les 643 milliardaires se sont enrichis de 29% ! Au cours de la même période, 50 millions d’Américains ont perdu leur emploi.

    Robert Reich, ancien ministre sous Bill Clinton, a déclaré que le capitalisme américain a complètement déraillé. L’homme le plus riche du monde, Jeff Bezos, pourrait donner à tous les employés d’Amazon (et ils sont nombreux !) 105.000 dollars et toujours être aussi riche qu’avant la pandémie. Ces records pourraient bientôt être battus par l’industrie pharmaceutique qui recherche des méga profits sur les vaccins contre le coronavirus.

    Le Parti démocrate a peur des mouvements sociaux

    Aux États-Unis, les socialistes ont joué un rôle de pionnier dans la lutte contre la politique de droite, raciste et antisociale de Trump. La direction du Parti démocrate, en revanche, a offert une très faible “résistance”. À aucun moment, cette direction n’a tenté de mobiliser la colère présente dans un mouvement. Au lieu de cela, les dirigeants démocrates ont parlé de “Russiagate”, une question qui n’a pas incité les gens à agir. La raison est simple : les Démocrates ont peur des mouvements sociaux et d’une base active. Après tout, ils savent que les mobilisations de masse peuvent se retourner contre eux avec la même détermination.

    Dans cette campagne électorale contre un Trump affaibli mais toujours dangereux, le Parti démocrate ne peut pas aller plus loin qu’un candidat qui se met dans l’embarras, lui et son parti. Alors que le monde est en feu, Joe Biden se montre le moins possible en public. Beaucoup y voient une “incompétence” du candidat et du parti. Il n’y a pas que ça. L’establishment du Parti démocrate est entièrement contrôlé par le monde des affaires. Au début de cette année, il a coordonné une campagne extraordinaire pour battre Bernie Sanders lors des primaires démocrates. Le problème avec les dirigeants du Parti démocrate n’est pas qu’ils sont incompétents, mais qu’ils sont essentiellement une institution capitaliste qui vise à maximiser les profits de la classe des milliardaires. Pour faire cela, ils doivent essayer d’empêcher les mouvements de travailleurs et d’opprimés de remporter des victoires. C’est là leur véritable programme.

    Malgré la popularité croissante de la demande d’accès généralisé à une assurance maladie, ‘Medicare for All’, Biden et Harris s’y opposent avec véhémence. Il n’y a qu’une seule raison à cela. C’est parce que leur parti et leur campagne sont financés par des compagnies d’assurance et des entreprises pharmaceutiques.

    Est-ce que Biden ramènera la “normalité” ?

    Si Biden remporte les élections, ce ne sera pas grâce à l’enthousiasme qu’il suscite, mais plutôt en raison de la haine profonde ressentie envers Trump. Beaucoup de gens vont faire la fête en cas de défaite de Trump. Bien sûr, les socialistes seraient heureux si Trump disparaissait, mais sans illusions : nous savons que Joe Biden n’apportera pas de changement fondamental à la Maison Blanche.

    Sous la direction du président Biden, les Démocrates devront gérer la plus grande crise que le pays ait connue depuis la guerre civile. La polarisation politique va se poursuivre. Les groupes d’extrême-droite et les forces franchement fascistes continueront à renforcer leur soutien parce que les Démocrates n’apporteront pas de changement substantiel. Trump a pu devenir président en 2016 sur base de l’échec de la politique traditionnelle. Les forces et organisations encore plus à droite que Trump peuvent connaître un essor sous une présidence Biden.

    Pour lutter efficacement contre l’extrême droite, nous avons besoin d’un mouvement social et, en fin de compte, d’un nouveau parti qui se batte dans l’intérêt de la classe ouvrière. Dans la constellation actuelle du système bipartite, le système politique continue de se déplacer vers la droite. C’est l’une des raisons pour lesquelles Socialist Alternative, notre organisation-sœur aux États-Unis, rejette la logique du “moindre mal”.
    Dans ces élections, un vote de protestation pour le candidat vert Howie Hawkins, malgré toutes les faiblesses du Parti Vert, peut être un pas en direction de la création d’un parti de gauche pour la classe ouvrière. En plus d’une tactique pour les élections, il est encore plus important de construire par en-bas un mouvement ouvrier militant, de lutter contre le racisme, le sexisme et l’homophobie, de lutter contre les expulsions imminentes, de protester contre le changement climatique,… En fin de compte, nous avons besoin d’une rébellion pure et simple contre toutes les injustices du capitalisme. Ce combat va mettre en existence les bases du type de parti dont nous avons besoin.

    Trump peut-il voler l’élection ? Comment la gauche doit-elle réagir ?

    Le 12 septembre, dans un tweet, Donald Trump a exhorté ses électeurs à voter deux fois : par correspondance et en personne. Il tente également de discréditer le vote par correspondance en répandant des mensonges sur la perte de votes, en réalisant de nouvelles mesures d’austérité sur les services postaux et en menaçant de poursuites judiciaires contre le comptage des votes par correspondance avant le jour des élections. Les électeurs qui votent par correspondance votent en plus grand nombre pour les Démocrates. Il y a aussi la campagne habituelle pour limiter le nombre d’électeurs inscrits, réduire le nombre de bureaux de vote dans certains quartiers plus susceptibles de voter Démocrate,…

    A cela s’ajoute la pandémie. Même sans les mesures d’austérité réalisées par Trump à l’US Postal, il n’y avait pas suffisamment d’infrastructures pour répondre à la demande accrue de vote par correspondance. Le vote par correspondance pourrait entraîner le chaos. On s’attend également à ce que de nombreux préposés aux bureaux de vote ne se présentent pas, ce qui entraînera leur fermeture. Toutes ces restrictions des droits démocratiques toucheront principalement les plus faibles, les plus pauvres et les personnes de couleur.

    Dans un sondage de la NBC/WSJ, 26 % des électeurs de Biden ont déclaré qu’ils voteraient en personne le jour du scrutin, tandis que 66 % des partisans de Trump ont déclaré qu’ils voteraient de cette façon. Cela signifie que les résultats le soir des élections peuvent être extrêmement trompeurs. Trump peut avoir un résultat beaucoup plus fort le soir de l’élection que lorsque tous les votes ont été comptés.

    Trump a laissé entendre à plusieurs reprises qu’il n’a pas l’intention de quitter la Maison Blanche, même s’il perd les élections. Il a semé le doute sur la légitimité des élections pendant des semaines. On spécule déjà beaucoup sur le fait que Trump pourrait se déclarer vainqueur à tort le soir de l’élection, alors qu’il est en tête, même si seulement une petite partie des voix a été comptée. Certains groupes progressistes se préparent à ce scénario avec des plans de protestations de masse et de désobéissance civile, ce qui est un bon pas en avant.

    Si un “vol” électoral menace, Trump ne pourra être arrêté que lorsque des millions de travailleurs feront grève, soutenus par des manifestations de masse bien organisées dans chaque ville. Il est préférable que ces actions soient organisées indépendamment des dirigeants du Parti Démocrate. En 2000, la direction du Parti Démocrate a montré qu’elle préférait perdre plutôt que de construire un mouvement de masse pour défendre le résultat du vote. Bush junior a ainsi pu voler les élections de 2000.

    Les syndicats devraient être en première ligne pour protéger ces manifestations contre d’éventuelles violences de la part des militants de droite. Face à une crise économique, un chômage de masse, une pandémie mondiale, des assassinats policiers racistes et des incendies de forêt sans précédent, un mouvement de masse devrait exiger bien plus que le simple départ de Trump de la Maison Blanche.

    Des millions de personnes en grève et en manifestation contre le vol des élections renforceraient le pouvoir de la classe ouvrière organisée. Cela pourrait être le point de départ d’une nouvelle phase dans la lutte contre le racisme et toutes les formes d’inégalité et de discrimination.

    Bernie a loupé une occasion historique

    Début 2020, il semblait que Bernie Sanders pouvait surmonter tous les obstacles pour remporter les primaires démocrates. En fin de compte, l’establishment a réussi à manipuler la campagne de telle sorte qu’un candidat qui leur était sûr, Joe Biden, s’en est sorti. Malheureusement, Bernie s’y est résigné. Comme en 2014, Bernie avait un puissant mouvement derrière lui pour mener une campagne indépendante, séparée des Démocrates et des Républicains, en novembre, dans laquelle il aurait pu vaincre à la fois Trump et Biden. S’il avait déjà fait ce choix en 2014, Trump n’aurait peut-être jamais été élu.

    Même si Trump avait remporté une telle élection entre trois candidats (Sanders, Biden, Trump), la gauche aurait au moins disposé d’une force indépendante pour lutter contre la droite. Une telle campagne aurait posé les bases d’un nouveau parti de masse pour la classe ouvrière et aurait donné un énorme coup de pouce à tout mouvement pour la justice sociale.

    En raison de la capitulation de Sanders, un sentiment de déception et de défaitisme règne parmi une couche d’activistes. Heureusement, le mouvement historique BLM est entré en scène, ce qui a rapidement éliminé ce sentiment. Mais la question d’une représentation politique propore aux travailleurs n’est pas encore résolue.

  • La nouvelle norme climatique : Le capitalisme tue la planète

    La nouvelle norme climatique : Le capitalisme tue la planète

    Dans presque tous les systèmes de mesure des conditions météorologiques extrêmes, la Terre bat tous les records, des vagues de chaleur les plus chaudes aux pires incendies en passant par l’une des saisons d’ouragans les plus actives jamais enregistrées. C’est la nouvelle norme et, oui, c’est la réalité du changement climatique.

    Par Rebecca Green, Socialist Alternative (USA)

    Des millions de personnes ont été évacuées et des centaines de milliers ont perdu leur maison à cause d’incendies et d’inondations depuis le COVID-19, une pandémie qui illustre les dangers d’une dégradation sans entrave de l’environnement. Sur toute la côte ouest, sous un ciel orange menaçant, les gens ont été contraints de rester à l’intérieur pour éviter la fumée toxique d’incendies historiques en pleine pandémie respiratoire. Les incendies et la fumée ont créé un sentiment dramatique de peur et d’effroi parmi une grande partie de la population, non seulement en Californie, mais aussi dans l’État de Washington et celui de l’Oregon. Alors que des millions de personnes, en particulier les jeunes, sont conscients de la nécessité de mener immédiatement une action spectaculaire, il existe également un sentiment écrasant d’impuissance face au temps qui nous manque.

    Les deux principaux partis politiques des États-Unis s’opposent catégoriquement au changement radical nécessaire. La seule façon de sortir de cette crise est de le faire nous-mêmes et d’impliquer des millions de personnes dans un processus de planification démocratique de l’économie et dans la construction d’une société socialiste durable sur le plan environnemental.

    Conditions météorologiques extrêmes non maîtrisées

    Avec l’augmentation des températures mondiales, les climats secs deviennent encore plus secs, ce qui crée plus de combustible pour les incendies de champs et de forêts. Le temps plus chaud signifie également que dans les climats plus humides, l’air peut contenir plus d’humidité, ce qui signifie que les tempêtes tropicales et les ouragans sont plus menaçants en termes d’inondations. Même si nous devenions neutres en carbone à 100% demain, les conditions météorologiques extrêmes perdureraient. Si nous devons arrêter cette crise à sa source, nous devons également nous adapter à une nouvelle norme climatique.

    Il s’agit notamment de revoir de fond en comble notre gestion des forêts et notre réaction aux incendies de forêt. Les feux de forêt sont naturels dans des endroits comme la Californie, mais une approche « si ça brûle, éteignez ça » depuis des décennies a évité que des débris qui alimentent aujourd’hui les méga-feux ne soient déblayés petit à petit. Si l’on ajoute à cela des décennies de sous-financement dans la lutte contre les incendies et le recours à la main-d’œuvre carcérale (en nombre insuffisant en raison de l’épidémie de COVID-19), on obtient que la Californie lance un appel désespéré aux autres États et même à l’Australie pour envoyer des pompiers. Nous avons besoin d’un refinancement de la lutte contre les incendies et la gestion des forêts, y compris pour permettre des incendies contrôlés.

    Nous avons besoin de ressources adéquates pour répondre aux menaces climatiques, mais nous devons également reconsidérer les endroits où nous pouvons vivre et travailler. Si les émissions de carbone continuent d’augmenter comme elles le font, dans 30 ans, un demi-million de foyers seront inondés chaque année. D’ici 2070, 28 millions de personnes seront touchées par des méga-feux d’une taille équivalente à Manhattan.

    Et pourtant, depuis 2010, dans les États côtiers, ce sont les zones les plus inondables qui ont connu le plus grand taux de construction de logements, et le développement immobilier se poursuit également dans les zones touchées par les incendies sur la côte ouest.

    Les promoteurs immobiliers ont constamment combattu les règles de construction exigeant des fenêtres résistantes au feu et aux chocs, par exemple, alors que c’est ce qui fait souvent la différence entre une maison endommagée ou une maison complètement rasée.

    Pendant ce temps, le secteur des assurances tente de fuir ses responsabilités. L’année dernière, les autorités californiennes ont dû interdire aux assureurs d’annuler les polices d’assurance de 800.000 maisons. Des centaines de milliers de gens sont abandonnés par leurs compagnies d’assurance parce que l’assurance n’est tout simplement pas rentable lorsqu’une maison brûle ou est inondée.

    Les gens n’ont pas besoin d’une assurance à but lucratif. Nous devons assurer que tout le monde dispose d’un logement abordable et de qualité, avec la garantie d’une aide en cas de catastrophe naturelle. Il faut systématiser les fenêtres et toits métalliques à l’épreuve du feu dans les zones exposées au feu, ainsi que les volets métalliques de haute qualité et les sangles anti-tempête. Le secteur de l’assurance est un piètre substitut aux services sociaux.

    Nous avons besoin d’un programme d’emploi qui pourrait remettre des millions de personnes au travail dans des emplois syndiqués de haute qualité; de construction de logements abordables et durables ainsi que de rénovation des maisons pour qu’elles résistent aux conditions climatiques extrêmes ; le tout financé par une taxation des riches.

    Pas le temps d’attendre

    Le parti républicain et Donald Trump représentent des menaces évidentes pour l’environnement, mais la négligence criminelle du parti démocrate qui contrôle la Californie, l’Oregon et Washington est également une menace pour la vie. D’une main, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, impose que les voitures soient exemptes de combustibles fossiles d’ici 2035. De l’autre, il a approuvé 36 nouveaux permis de fracturation hydraulique depuis le début de l’épidémie de COVID-19. En juillet, il a réduit de 7,5% le salaire des pompiers. En mai, les réductions de son budget d’urgence en cas de pandémie ont fait que CalFire n’a ajouté que 167 pompiers à ses rangs, au lieu des 500 qu’ils avaient demandés, ce qui est bien en deçà de ce dont ils ont besoin. M. Newsom s’oppose également à l’augmentation des taxes sur les plus riches de l’État – alors d’où est censé venir l’argent destiné à la lutte contre les incendies ?

    Joe Biden a un plan climatique de grande envergure par rapport à ceux des démocrates du passé, mais il est encore loin de ce qui est nécessaire, et il ne soutient toujours pas un Green New Deal. Pour gagner même ses modestes mesures, Biden et les démocrates devraient s’attaquer directement à l’industrie des combustibles fossiles, aux promoteurs immobiliers et aux grandes industries polluantes, ce qu’ils refusent systématiquement de faire.

    Seulement 100 producteurs de combustibles fossiles sont responsables de 70% des émissions de ces deux dernières décennies – faut-il s’étonner qu’ils préconisent un changement de mode de vie individuel comme solution? Les milliardaires qui ont mis notre planète en péril sont au courant du changement climatique depuis des décennies, et ils savent que la situation s’aggrave. Tant que notre société sera gérée sur la base du profit, nous devrons lutter contre des intérêts financiers à chaque étape pour obtenir les changements les plus modestes. Et tant que les partis républicain et démocrate seront redevables à ces intérêts capitalistes, nous devrons les combattre.

    Nous n’avons plus le temps de les laisser nous ralentir : pour éviter un effondrement climatique de grande ampleur, nous devons renverser complètement le système capitaliste. Les entreprises privées de services publics et de combustibles fossiles doivent être prises en charge de manière démocratique par le secteur public. Nous devons nous appuyer sur le mouvement des jeunes en faveur du climat qui a fait descendre des millions de personnes dans la rue pour lutter pour notre avenir. Pour gagner, nous aurons besoin d’un mouvement révolutionnaire de masse de la classe ouvrière, la classe qui peut mettre la société à l’arrêt et la relancer sur des bases totalement différentes et durables.

    Nous exigeons :

    – Taxez les milliardaires et les grandes entreprises pour financer entièrement la lutte contre les incendies, les services de gestion des forêts et un Green New Deal ! Nous pouvons remettre des millions de personnes au travail dans des emplois syndiqués de qualité qui nous préparent à faire face aux conditions climatiques extrêmes, en rénovant les maisons pour qu’elles résistent au pire et en construisant de nouveaux logements durables et abordables.
    – Développer des pratiques de brûlage contrôlé dans le cadre de la gestion des forêts, en consultant les communautés indigènes qui utilisent cette pratique depuis des siècles;
    – Les travailleurs devraient avoir le droit de refuser des travaux non essentiels dans les zones où la qualité de l’air est médiocre!
    – Faire en sorte que les services publics privés et les grandes entreprises de combustibles fossiles deviennent des propriétés publiques et démocratiques. Ils devraient être immédiatement rééquipés pour les sources d’énergie renouvelables.
    – Un nouveau parti politique qui rejette l’argent des combustibles fossiles, et qui crée des mouvements de lutte pour lutter pour un Green New Deal et une action climatique spectaculaire MAINTENANT!
    – System change, not climate change : le système capitaliste continuera à exploiter la planète dans l’intérêt du profit. Il repose également sur l’exploitation de la classe ouvrière et des groupes particulièrement opprimés, qui souffrent de manière disproportionnée des effets du changement climatique. Pour sauver notre planète et débarrasser notre société du racisme, du sexisme, de l’homophobie et de toutes les formes d’oppression, nous devons lutter pour la transformation socialiste de la société afin qu’elle fonctionne de façon équitable et durable pour toutes et tous!

  • Élections présidentielles américaines : Trump en eaux troubles pendant que Biden se cache

    2020 n’est pas l’année électorale que l’on attendait. Les élections présidentielles sont aujourd’hui totalement liées à la pandémie mondiale qui a tué près de 165.000 personnes aux États-Unis au moment où nous écrivons ces lignes et qui a complètement changé la vie de la plupart de la population. Dès le début, Trump n’a pas seulement échoué à relever le défi de mener le pays à travers une pandémie : il a activement aggravé les choses.

    Par Erin Brightwell, Socialist Alternative (ASI – USA)

    Nous avions besoin d’une réponse coordonnée similaire aux temps de guerre, reposant sur les meilleures données scientifiques disponibles. Au lieu de cela, nous avons connu de graves pénuries de fournitures et d’équipements, une coordination quasi inexistante des ressources entre États et avec le gouvernement fédéral tandis que d’énormes profits étaient réalisés et qu’une intense campagne de désinformation était menée par la Maison Blanche elle-même. Il ne fait aucun doute que l’administration Trump porte la responsabilité principale de la gestion catastrophique durant la pandémie. Cependant, l’état déplorable de sous-financement du système de santé publique et la consolidation de l’industrie hospitalière privée qui a laissé de plus en plus de communautés rurales et urbaines pauvres sans services adéquats est un projet porté depuis des décennies tant par les démocrates que par les républicains. Les perspectives de réélection de M. Trump étant très incertaines, ses instincts autoritaires se manifestent encore plus. Il s’en est pris au vote par correspondance et parle ouvertement de reporter les élections et de contester les résultats.

    Joe Biden, architecte de l’incarcération de masse, politicien accompli soutenu par les entreprises et harceleur sexuel en série (dans le meilleur des cas), est en tête des sondages nationaux et dans la plupart des « swing États » (les Etats dont le vote change régulièrement). Cela semblait peu probable en février dernier, lorsque Bernie Sanders menait Biden avec une avance de 12 % dans les sondages nationaux. Cependant, Sanders a abandonné son programme et sa base à la suite des manœuvres féroces de l’establishment libéral pour convaincre les électeurs, surtout les plus âgés, que seul Biden pouvait battre Trump. Et ce, malgré le fait que les électeurs des primaires démocrates étaient bien plus d’accord avec Sanders sur des questions telles que l’assurance maladie pour tous. Malgré toutes ses faiblesses politiques et personnelles, qui sont énormes, Biden semble être de plus en plus bien positionné pour être le prochain occupant de la Maison Blanche. Mais les stratèges démocrates sont très nerveux à l’idée de voir le voir affronter Trump dans un débat puisque ses facultés mentales sont clairement en déclin.

    Sans rassemblements, sans candidats saluant les foules en personne et sans conventions, cette saison électorale ne ressemblera à aucune autre. Normalement, ces possibilités limitées de faire campagne auraient constitué un grand désavantage pour le challenger du président sortant, puisqu’il ne disposerait pas de la même plateforme qu’un président toujours en exercice. Au lieu de cela, le refus de Trump de prendre le coronavirus au sérieux compromet sérieusement ses chances en novembre. La stratégie de la campagne de Biden, qui consiste à se cacher dans le sous-sol pour limiter les interviews et les apparitions du candidat, a été jusqu’à présent couronnée de succès. Compte tenu de ses gaffes verbales incessantes et de son incapacité apparente à garder ses mains pour lui, la pandémie n’aurait guère pu arriver à un meilleur moment pour l’establishment démocrate.

    Si Biden, et sa vice-présidente Kamala Harris parviennent à gagner en novembre, cela ne signifierait pas la fin du trumpisme ou du populisme de droite aux États-Unis. Si une administration Biden refuse de prendre des mesures suffisamment audacieuses pour inverser la tendance à la paupérisation de larges pans de la population, et qu’aucune alternative politique de gauche n’est construite, un espace serait ouvert pour la croissance de l’extrême droite sur une échelle bien plus grande que tout ce qui a été vu aux États-Unis depuis très longtemps.

    Cela montre l’urgence avec laquelle une alternative politique doit être construite. Une alternative qui puisse défier la montée d’une force d’extrême droite plus efficacement que ne pourrait le faire le parti démocrate, qui n’est pas très actif et qui est favorable aux grandes entreprises.

    L’establishment démocrate : aucunement l’ami des travailleurs

    Bien qu’il ne soit pas judicieux de déjà écarter Trump de la course – l’état de la politique américaine contiendra probablement beaucoup de rebondissements dans les mois à venir – les socialistes et les progressistes doivent réfléchir à ce à quoi ressemblerait une présidence Biden. Le pays est en pleine crise, sans véritable voie pour maîtriser le coronavirus. Des dizaines de millions de personnes sont confrontées au chômage, à l’expulsion de leur logement et à l’insécurité alimentaire. La classe ouvrière a subi une vague de radicalisation à la suite de la plus grande vague de protestations de l’histoire des États-Unis – le soulèvement autour du meurtre de George Floyd – et est, dans son ensemble, plus consciemment antiraciste qu’à aucun autre moment de l’histoire du pays.

    D’importantes victoires ont été remportées par les socialistes démocratiques élus aux conseils municipaux et aux assemblées législatives des États. Les congressistes de gauche Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib et Ilhan Omar sont de véritables stars. L’aile progressiste des démocrates à la Chambre des représentants obtiendra des gains plus importants en novembre, notamment à New York et à St. Louis, où la militante du mouvement Black Lives Matter Cori Bush a récemment remporté les primaires.

    Malgré ces victoires, la gauche socialiste reste une force marginale dans les couloirs du pouvoir, non pas par manque de soutien potentiel à ses idées, mais par manque de coordination, de programme clair et de concentration sur la construction de mouvements.

    Bien qu’elle joue un rôle important dans la sensibilisation de la société en général, la présence de ces élus socialistes – à quelques exceptions près – ne s’est pas traduite par des victoires politiques majeures et concrètes. Le plus grand obstacle de la gauche socialiste est qu’elle reste emprisonnée au sein du Parti démocrate, un parti totalement antidémocratique et pieds t poings liés aux besoins des grandes entreprises.

    Cela contraste avec Kshama Sawant, membre du conseil de ville de Seattle et membre de Socialist Alternative. Elle a été élue et réélue deux fois en tant que socialiste indépendante et elle a contribué à diriger les mouvements vers des victoires titanesques. Seattle est devenue la première grande ville à adopter un salaire minimum de 15 dollars de l’heure et – plus récemment – à imposer une taxe de 240 millions de dollars par an sur Amazon et les grandes entreprises de Seattle pour financer des logements abordables en permanence.

    Joe Biden a obéi à la classe capitaliste tout au long de sa longue carrière. Il n’est prêt à s’en prendre à aucun des problèmes fondamentaux auxquels sont confrontés les travailleurs. Aux côtés de la grande majorité des démocrates établis à Washington, il continue de s’opposer à des mesures essentielles pour lutter contre la pandémie, comme l’instauration d’une assurance maladie pour tous. Quatre-vingt-sept pour cent des électeurs démocrates soutiennent l’initiative “Medicare for All”. Malgré cela, Joe Biden y est resté fermement opposé. Biden et l’establishment démocrate ne peuvent même pas prétendre soutenir des mesures progressistes. Cela illustre la totale futilité d’essayer de “transformer” le Parti démocrate en un instrument pour les travailleurs et les opprimés.

    Lorsqu’on l’interroge sur les meurtres de policiers, Biden suggère que les policiers, plutôt que de tirer pour tuer, doivent tirer dans les jambes. Il prend sans vergogne l’argent des banques et des grandes entreprises et est le plus grand bénéficiaire des contributions de l’industrie pharmaceutique. Biden serait peut-être plus performant que Trump dans le traitement de la crise COVID-19, mais il faut remarquer que Trump a fixé la barre particulièrement bas.

    Biden et l’establishment démocrate ne peuvent pas satisfaire à la fois leurs maîtres capitalistes et les aspirations de dizaines de millions de travailleurs en faveur de soins de santé gratuits et universels, d’un enseignement sûr et correctement financée, d’une stabilité économique et de justice raciale.

    S’il veut obtenir une transformation profonde du maintien de l’ordre, le mouvement contre la violence policière raciste devra construire des organisations de lutte de masse. L’expérience de ces derniers mois montre que pour obtenir des concessions, même minimes, de la part des politiciens démocrates, il faut la pression d’un mouvement de masse. Remporter des réformes durables exigera une lutte soutenue centrée sur le pouvoir social de la classe ouvrière au-delà des couleurs de peau. Le parti démocrate au pouvoir a prouvé aux manifestants à coups de bombes lacrymogènes et de votes aux conseils municipaux qu’il ne soutenait pas les objectifs du mouvement. Le dernier exemple en date se trouve à Seattle où la proposition de Kshama Sawant de diminuer le budget de la police de 50% a été rejetée par les démocrates au conseil de ville par un vote de 7 contre 1.

    De plus, le Parti démocrate a derrière lui une longue histoire de cooptation des mouvements sociaux : il a promu quelques individus à des postes de pouvoir en promettant un changement progressif tout en supervisant la démobilisation du mouvement. Pour éviter cela, nous aurons besoin d’un nouveau parti pour et par les travailleurs et les jeunes. Contrairement aux démocrates, ce serait un parti contrôlé démocratiquement à partir de la base, et dont les candidats seraient liés à la défense du programme du parti.

    Le besoin d’une alternative

    Il est tout à fait compréhensible que des millions de travailleurs estiment voter pour Biden comme un moindre mal en novembre, mais cela ne résoudra pas les problèmes plus profonds auxquels nous sommes confrontés. Les travailleurs et la jeunesse vont avoir à se battre encore et encore contre les institutions politiques des deux partis capitalistes dans la période à venir. Les socialistes et les militants de la classe ouvrière doivent préparer le terrain pour la construction d’un nouveau parti en clarifiant dès maintenant leur opposition à l’establishment démocrate pourri et en défendant que le plus de gens possible votent pour le plus fort des candidats indépendants de gauche, Howie Hawkins du Green Party (Parti Vert).

    Le Green Party ne repose pas sur des mouvements ou la lutte des classes. Ce fut encore illustré tout récemment avec les grèves pour le climat. Ce parti ne souligne pas la nécessité de construire un parti de lutte de masse des travailleurs. Mais en l’absence d’une force plus importante menant une campagne présidentielle, les socialistes devraient soutenir la candidature de Howie Hawkins à la présidence. Howie Hawkins, est un travailleur de longue date d’UPS, il défend un programme favorable aux travailleurs qui comprend un système d’assurance maladie pour tous, un “New Deal vert éco-socialiste” et un solide programme d’urgence pour faire face à la pandémie.

    La voie sans issue du moindre mal

    Le soutien à Biden illustre que la gauche reste coincée dans une logique du “moindre mal” qui continuera à étouffer les véritables luttes progressistes et ouvrières. La crise à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui, et l’incompétence de l’une ou l’autre des ailes de l’establishment politique pour y faire face, démontre toute l’urgence avec laquelle nous devons construire une nouvelle force politique.

    Ce que les démocrates ont montré, c’est qu’il leur suffit, pour gagner le vote progressiste, de dénoncer verbalement les pires politiques réactionnaires des républicains. Ils n’ont même pas besoin de se battre contre elles. Malgré le travail de groupes comme les Justice Démocrats, Our Revolution et le Working Families Party, les électeurs progressistes n’ont pas construit de véritable force au sein du Parti démocrate. Ce n’est pas par manque d’efforts ou de détermination, mais en raison de la nature totalement antidémocratique et non réformable du Parti démocrate. Les travailleurs sont contraints d’accepter qu’il est grand temps d’abandonner les efforts de réforme au sein d’un parti dont les principaux donateurs sont des personnalités de la classe des milliardaires.

    Il ne faut pas oublier la dernière administration démocrate. Pendant les deux premières années de la présidence Obama, les démocrates contrôlaient à la fois la Chambre et le Sénat. Ils auraient pu agir pour renflouer les familles de travailleurs, investir des milliards en faveur d’une transition vers l’énergie verte et commencer à s’attaquer aux inégalités structurelles. Mais alors que les travailleurs souffraient de ce qui était alors la pire crise économique depuis la Grande Dépression, Obama a rapidement pris des mesures pour renflouer Wall Street, les banques et l’industrie automobile. Obama a fait campagne sur le “système de soins de santé universel”, ce qui a été largement interprété comme signifiant que, au minimum, tout le monde bénéficierait d’une couverture très abordable. Au lieu de cela, l’option publique a été abandonnée et l’Affordable Care Act, bien qu’il constitue une amélioration pour certaines personnes, a permis de donner au secteur de l’assurance maladie des millions de nouveaux clients rentables en échange de la réduction de certains de ses pires abus. L’échec d’Obama à améliorer les conditions de vie des travailleurs a également contribué à créer un espace pour l’émergence du parti populiste de droite, le Tea Party.

    Compter sur les politiciens soutenus par les entreprises pour repousser la droite a été un échec sous l’administration Obama et ce fut un échec encore plus dramatique en 2016. Bernie Sanders était le candidat qui avait le plus de chances de battre Trump, pas Hillary Clinton qui ne voulait pas soutenir des revendications très populaires comme l’assurance maladie pour tous. En 2020, la pandémie a changé la nature de la course à la présidence, mais elle n’a pas changé la nature pro-capitaliste de Joe Biden.

    Que faire si Biden gagne ?

    S’il l’emporte en novembre, Biden entrera en fonction en pleine dépression économique catastrophique. Trump a fait savoir qu’il n’avait pas l’intention de se retirer discrètement s’il perdait. Il a adopté une approche ouvertement autoritaire au cours de ces derniers mois afin de détourner l’attention de son approche désastreuse face à la pandémie. Bien qu’il n’ait pas trouvé de soutien immédiat, même au sein de la classe dirigeante, pour des propositions telles que le report des élections de novembre, cette rhétorique lui est utile. Même s’il perd en novembre, il prépare le terrain pour continuer à consolider sa force de droite populiste.

    Il est extrêmement positif que la plus grande organisation socialiste du pays, les Democratic Socialists of America (DSA), ait choisi de ne pas soutenir Biden et appelle – au moins formellement – à la formation d’un nouveau parti. Nous pensons que les DSA rendraient un énorme service à la gauche s’ils déclaraient leur intention de rompre totalement avec les démocrates en appelant à voter pour Hawkins, y compris avec des appels de la part d’élus des DSA tels qu’Alexandria Ocasio-Cortez. Plus important encore, les socialistes, y compris ceux organisés avec les DSA, devraient soulever la nécessité d’une politique indépendante du parti démocrate au sein des mouvements sociaux et du mouvement ouvrier et en menant des campagnes socialistes indépendantes.

    Les travailleurs, en particulier les personnes de couleur, ont fait les frais de la pandémie. Ils subissent et subiront le plus fort de la vague d’expulsions de logement et de licenciements. Depuis des décennies, les démocrates ont prouvé à maintes reprises leur allégeance à l’élite capitaliste aux dépens des travailleurs et il est clair que Biden fera de même en tant que président.

    Les socialistes devraient utiliser la campagne de Hawkins comme une occasion de rallier celles et ceux qui voient la nécessité d’une nouvelle force politique de gauche aux États-Unis et de poursuivre ensuite ce combat avec urgence sous une administration Biden. Il n’y a pas de temps à perdre dans la construction d’une force politique qui se battra pour les besoins des travailleurs.

  • Seattle en révolte: Quand on se bat, on gagne!

    Coupure dans le budget de la police, interdiction qu’elle utilise des armes chimiques, taxation des grandes compagnies: les victoires s’accumulent à Seattle dans la foulée du mouvement #JusticeForGeorgeFloyd et de la crise sociale actuelle. Le rôle crucial joué par la conseillère et membre de Socialist Alternative Kshama Sawant montre comment une lutte de terrain combinée avec une position d’élue permet de faire déboucher les revendications des mouvements sociaux et ouvriers.

    Par Alternative Socialiste (section québécoise d’Alternative Socialiste Internationale)

    #JusticeForGeorgeFloyd

    Le samedi 30 mai, des manifestations de masse ont éclaté à Seattle afin de demander justice dans l’affaire George Floyd, assassiné par des policiers à Minneapolis cinq jours plus tôt. Les manifestants et manifestantes se sont immédiatement butées à la même violence policière que celle subie par les autres personnes manifestant partout aux États-Unis.

    Seattle est une ville avec un lourd passé de violence policière et de racisme systémique. Les loyers très élevés poussent d’une manière disproportionnée les personnes racisées hors de la ville ou dans la rue, où ils subissent la répression policière. Les protestations du début juin ont mené à l’occupation d’une zone du quartier de Capitol Hill pendant presque un mois.

    CHAZ et lutte contre la brutalité policière

    Après une semaine de manifestations, la police a été chassée de son bâtiment du East Precinct, le 8 juin. Ce dernier est devenu l’épicentre d’une occupation, la Capitol Hill Autonomous Zone (CHAZ). La CHAZ s’est étendue sur six coins de rue, en plein coeur du quartier LGBT, jusqu’à son démantèlement par la police le 1er juillet.

    Les protestations ont conduit à d’importantes victoires contre la brutalité policière et le racisme systémique grâce au soutien d’une représentante de la classe ouvrière au conseil municipal, Kshama Sawant de Socialist Alternative.

    Le 9 juin, l’équipe de Sawant a organisé une rencontre publique dans la zone de protestation. Plus de 2 000 personnes y ont assisté. Plusieurs activistes, syndicalistes de la base et leaders communautaires et religieux ont discuté des revendications du mouvement ainsi que la nécessité de continuer à organiser une lutte multiraciale de masse pour obtenir des gains concrets. Une synergie a pu s’établir entre la représentation politique de Sawant et le mouvement.

    Occupation de l’hôtel de ville et revendications

    Les personnes rassemblées se sont ensuite dirigées vers l’hôtel de ville auquel Sawant leur a donné accès. Les militants et militantes y ont tenu une brève assemblée stratégique sur les revendications concrètes à défendre pour aller de l’avant. Les trois demandes ayant obtenues le plus de résonance ont été :

    • la réduction de 50% du budget de la police et la réinjection de cet argent dans les communautés;
    • l’abandon de toutes charges contre les manifestants et manifestantes;
    • la taxation d’Amazon pour stopper l’embourgeoisement et financer le logement abordable.

    Le 15 juin, Sawant et une centaine de personnes ont poussé le conseil municipal a adopter à l’unanimité une interdiction des armes chimiques de contrôle des foules ainsi que de l’utilisation de dispositifs d’étranglement par la police de la ville. Depuis, Socialist Alternative (SA) revendique la libération de tous les manifestants et manifestantes arrêtées ainsi que la mise sur pied d’un conseil de surveillance communautaire élu ayant les pleins pouvoirs sur l’embauche et le licenciement de la police.

    Par la suite, Sawant a déposé un projet au conseil municipal exigeant la diminution d’au moins 50% du budget du département de la police de Seattle (200M$) au profit des communautés. Le 13 juillet, la mairesse Jenny Durkam a toutefois annoncé des coupures de 76M$ dans la police, dont l’objectif est de transférer certaines responsabilités à d’autres départements. Il s’agit d’un recul quant au projet initial de coupures de 50% exigé jusqu’ici par Sawant, les manifestant·es et la majorité du conseil municipal. Ce dossier demeure en développement.

    Taxer Amazon pour du logement abordable

    Dès le départ, Sawant et SA ont souligné que les coupures dans la police ne seront pas suffisantes pour financer adéquatement les écoles, les logements, les emplois, etc. Taxer les compagnies qui font leurs mégaprofits en imposant des conditions de travail misérables est une nécessité pour s’attaquer au racisme systémique. Cette mesure est nécessaire pour faire de Seattle une ville abordable pour tout le monde, en particulier pour les communautés racisées surreprésentées dans les emplois à bas salaire.

    Seattle est l’une des villes américaines où les loyers sont les plus élevés du pays. Plus de 12 000 personnes y sont sans domicile fixe. Les travailleurs et travailleuses racisées ont été massivement éjectés des quartiers centraux vers le sud et les banlieues. En parallèle, Seattle accueille les sièges sociaux des plus grandes compagnies du monde telles Amazon, Microsoft et Starbuck.

    Il n’est pas surprenant que la campagne Tax Amazon de SA a connu un fort engouement au sein du mouvement Black Lives Matter et à la CHAZ. Cette campagne s’active depuis 3 ans pour la construction de logements abordables publics financés par une taxe sur les grandes compagnies. Thème de la campagne de réélection de Sawant en 2019, Tax Amazon a été relancée en janvier 2020 comme une coalition d’organisations du monde du travail et des communautés.

    La campagne puise son succès du fait que les revendications mises de l’avant par Sawant sont représentatives des luttes de terrain. En organisant la lutte au sein de structures démocratiques larges, les activistes ont l’opportunité de discuter et voter leurs priorités collectivement.

    La pression du mouvement fait pencher la balance

    Durant le mois de juin, l’énergie explosive de milliers de personnes a été canalisée dans un mouvement soutenu pour taxer les plus grandes entreprises dont le siège social est basé à Seattle. Les militants et militantes ont réussi a cumuler les 30 000 signatures requises pour faire de cette taxe une question référendaire en novembre prochain. Ces signatures ont principalement été récoltées lors des manifestations.

    Le 6 juillet, la pression du mouvement a finalement obligé le conseil municipal a adopter une taxe de 200M$/an ponctionnée sur le 3% des plus grandes entreprises de la ville afin de financer du logement abordable. Il s’agit d’une grande avancée. Le montant d’argent est quatre fois supérieur à celui proposé par la première taxe Amazon. Cette dernière a été adoptée puis honteusement abrogée en 2018 sous la pression de Jeff Bezos et d’Amazon. Elle correspond toutefois à moins de la moitié du 500M$ réclamé initialement par les conseillères Kshama Sawant et Tammy Morales (progressiste).

    La nouvelle taxe est une victoire historique pour la classe ouvrière de Seattle et surtout pour les personnes racisées. Elle fait écho à la campagne victorieuse pour un salaire minimum à 15$/h de 2014. Et, comme pour cette campagne, la prochaine étape consiste à étendre la lutte à la grandeur des États-Unis. En revanche, elle démontre aussi la réalité de la lutte politique. À chaque étape il faut se battre contre la résistance de la classe capitaliste, représentée, entre autres, par Bezos à Seattle. Sans mobilisation de masse, les politiciens et politiciennes plient systématiquement devant la menace du pouvoir des grandes compagnies.

    Ces victoires montrent à quoi ressemble la solidarité de la classe ouvrière dans une ville. La présence d’une élue redevable uniquement aux travailleurs et aux travailleuses permet d’établir un rapport de force politique en faveur des mouvements sociaux et ouvriers. Les stratégies socialistes et marxistes de Socialist Alternative prouvent leur efficacité à Seattle depuis la première élection de Sawant, en 2014.

    Quelles leçons tirer pour le Québec?

    Le racisme systémique, les bas salaires et la pénurie de logements abordables nuisent également aux travailleurs et aux travailleuses du Québec. Au-delà des appels à se mobiliser autour de principes généraux ou de valeurs, les opportunités de lutter pour des revendications qui touchent concrètement la vie des gens ne manquent pas. En fait, plus le capitalisme est en crise, plus les inégalités s’accentuent!

    Ici aussi, des mouvements de luttes s’organisent au sein des communautés. Nous disposons du même potentiel de changement qu’à Seattle. Mais pour y parvenir, nous avons besoin de construire des mouvements de manière stratégique dont les objectifs sont clairs, concrets est gagnables. Prendre le temps de décider démocratiquement et de respecter la volonté majoritaire, faire signer des pétitions même en pandémie, récolter de l’argent, occuper des lieux, etc. Mais ce travail est essentiel pour contrer la résistance et le pouvoir de l’argent. Il s’agit de bâtir la confiance des gens à prendre en charge leur propre avenir.

    Toutes les luttes pour la justice sociale permettent aux travailleurs et aux travailleuses de se demander : pourquoi ne pas décider nous-mêmes pour qui et comment la société devrait fonctionner? Toute réforme qui bénéficie à la classe travailleuse fait diminuer les profits des grandes compagnies. Pas surprenant que Donald Trump peste sur Twitter contre la «gauche radicale» de Seattle! Cela signifie que de telles réformes sont constamment menacées d’être renversées.

    Cette menace nous oblige à être à la hauteur des combats que l’on entreprend. Comme à Seattle, les boss et leurs parlementaires d’ici feront tout pour éviter que l’on s’en prenne aux entrepreneurs, aux propriétaires ou à leurs privilèges d’élu·es.

    Savoir qui défendre

    Il n’y a donc rien à attendre de partis comme Projet Montréal. Face au scandale du profilage racial du service de police, la ville espère enrayer le racisme par l’éducation. Pourquoi ne pas réallouer une partie du budget de la police dans les services communautaires des quartiers où vivent les personnes racisées et marginalisées? Pourquoi ne pas impliquer ces communautés dans ces réformes? Il y a fort à parier que l’argent destiné à la répression ainsi qu’à militariser la police soit coupé! De ce point de vue, les initiatives pour définancer la police sont intéressantes. Elles rateront toutefois la cible si elles se limitent à faire pression sur des partis politiques qui sont beaucoup plus prompts à réprimer les mouvements sociaux qu’à les représenter.

    De plus, Projet Montréal encourage la construction de condos de luxe destinés à la spéculation immobilière depuis des années. C’est moins risqué que de récupérer directement cet argent des poches des grands propriétaires afin de construire les dizaines de milliers d’unités de logements abordables publics nécessaires pour répondre aux besoins actuels.

    Du côté de Québec solidaire (QS), sa direction fait tout pour obtenir une visibilité médiatique positive pour ses député·es. La direction cherche à séduire les personnes en détresse, tout en maintenant un discours acceptable pour les puissants. Pas surprenant que durant les grands rassemblements entourant le meurtre de George Floyd, le parti s’est contenté de faire adopter une motion au parlement. Cette dernière culmine avec une demande faite au gouvernement Legault de présenter un plan de lutte au racisme et à la discrimination «dans les meilleurs délais».

    QS n’a exigé aucune mesure concrète. Le parti n’a pas fait appel à ses propres membres. Il est évident que pour changer la société de manière significative, il nous faut établir un rapport de force face aux riches et aux puissants. Les gains réalisés à Seattle nous démontrent qu’un parti socialiste qui a des liens forts avec les luttes de terrain obtient ses propres victoires du rapport de force qu’exerce le mouvement de la base sur les structures de l’État. Se limiter à l’unique avenue du parlementarisme poli en revient à choisir sa propre défaite. C’est une stratégie inacceptable pour un parti qui se dit «de la rue».

    Une militance sur le terrain!

    La stratégie de communication politique de QS l’a coupé de la réalité des gens qu’il prétend défendre. Évoluant uniquement du côté de l’Assemblée nationale, QS échoue à influencer sérieusement et à jouer un rôle d’organisation politique dans les mouvements sociaux et ouvriers québécois. Les luttes et les victoires sociales n’émanent pas de tempêtes d’idées, de brillants cerveaux universitaires ou de discussions avec le premier ministre. Elles se bâtissent sur le terrain, avec les gens ordinaires.

    Contrairement à Projet Montréal, QS possède une structure démocratique locale que les militants et les militantes sérieuses peuvent utiliser afin d’organiser des luttes concrètes dans leurs communautés. C’est de cette manière qu’un parti peut apprendre et rester connecté à la réalité et aux besoins des travailleurs et des travailleuses. Les membres d’Alternative socialiste travaillent dans cette direction depuis des années. Si lutter et gagner vous intéresse, contactez-nous!

  • Seattle : une taxe historique imposée aux grandes entreprises comme Amazon. Réaction de Kshama Sawant

    Kshama Sawant, élue au conseil de ville de Seattle en tant que membre de Socialist Alternative, a prononcé un discours à l’Hôtel de ville alors qu’il venait d’être décidé de taxer les grandes entreprises comme Amazon dans le but de dégager des fonds pour s’en prendre à la crise du logement. Cette taxe qui devrait rapporter 200 millions de dollars ponctionnés sur 3 % des plus grandes entreprises dont le siège est basé à Seattle. Cette mesure est l’une des batailles dans laquelle se sont engagés Kshama Sawant et Socialist Alternative.

    Le vote d’aujourd’hui à Seattle en faveur de l’adoption de la Taxe Amazon est une victoire historique pour les travailleurs. Cette victoire a été âprement disputée et elle a été remportée de haute lutte par un mouvement qui ne refusait d’abandonner et qui a dû faire face à une série d’obstacles apparemment sans fin. Les démocrates pro-entreprises ont tenté de faire adopter une interdiction des taxes municipales sur les grandes entreprises au sein de l’assemblée législative de l’État. Il y a eu retards injustifiés au sein du conseil de ville tandis que la pandémie et le confinement ont empêché la collecte de signatures. La campagne a été systématiquement attaquée dans les médias dominants à Seattle et au niveau national.

    Mais nous sommes en train de gagner grâce à la détermination des travailleurs et des socialistes à briser tous les obstacles et à trouver le chemin de la victoire. Félicitations à la campagne populaire Tax Amazon menée par la coalition dirigée par mon organisation, Socialist Alternative, et les organisations et syndicats progressistes.

    Le vote d’aujourd’hui intervient huit mois après que les travailleurs aient battu Amazon aux élections, et deux ans après qu’Amazon et la Chambre de commerce aient intimidé le conseil de ville, la majorité du conseil ayant honteusement abrogé la Taxe Amazon en 2018. Aujourd’hui, Jeff Bezos et ses amis milliardaires aimeraient pouvoir faire marche arrière et récupérer la modeste taxe de 2018. Car cette nouvelle taxe sur les entreprises les plus riches de Seattle est quatre fois plus importante. Et chaque centime est nécessaire, et bien plus en fait, pour mettre fin à la gentrification raciste, aux loyers élevés et au sans-abrisme dans cette ville avec une expansion massive de logements publics abordables et d’emplois décents. Car il s’agit d’un projet de loi sur le logement et l’emploi.

    Ce n’est pas un hasard si elle intervient au beau milieu de la rébellion historique de Black Lives Matter. La légitimité du statu quo a été complètement détruite par le mouvement de protestation, la pandémie et la crise croissante du capitalisme. À Seattle, la revendication de taxer Amazon a largement été reprise lors des manifestations où nous avons recueilli 20.000 signatures en 20 jours. Aujourd’hui, le total est de plus de 30.000.

    La Taxe Amazon est peut-être la plus grande victoire progressiste à Seattle depuis que les socialistes et les syndicats ont ouvert la voie au salaire minimum de 15 dollars, qui est d’abord passé ici puis a été gagné dans les villes et les États du pays. Nous espérons qu’une fois de plus nous pourrons inspirer les travailleurs et la jeunesse au niveau national et mondial dans cette lutte cruciale contre la classe des milliardaires qui tente de forcer les travailleurs à payer pour la crise actuelle du capitalisme avec des coupes budgétaires massives. Notre cri de ralliement national doit être NON à l’austérité ! Taxez les grandes entreprises, pas les travailleurs ! La Taxe Amazon montre que les travailleurs n’ont pas besoin d’être uniquement sur la défensive, nous pouvons aussi passer à l’offensive et gagner gros.

    Nous devons rejeter toutes les tentatives pathétiques des médias dominants qui, après des années d’attaque contre l’idée de taxer les grandes entreprises et ceux qui se battent pour elles, veulent maintenant désespérément travestir le récit de cette lutte. Soyons clairs : la Taxe Amazon n’a rien à voir avec le “savoir-faire” des politiciens de l’establishment. Elle a TOUT à voir avec l’auto-organisation des travailleurs.

    Plus précisément, c’est la menace de l’initiative d’un vote populaire qui a fait pression sur l’establishment de la ville pour qu’il agisse. Tax Amazon a déposé cette mesure de vote après une série de “conférences d’action” démocratiques de base où des centaines de personnes ont été impliquées.

    Nous n’avons pas gagné tout ce que nous voulions et je m’oppose fermement à toute tentative de réduire la portée de la mesure. Mais si je ne suis pas d’accord avec les autres membres du Conseil qui veulent amoindrir la législation, je tiens à reconnaître leur soutien et leurs votes en faveur de l’adoption de cette Taxe Amazon. Je tiens à remercier le membre du Conseil Mosqueda pour son travail. Je tiens à remercier le membre du Conseil Morales pour son soutien à la proposition de taxer Amazon que nous avons présentée ensemble en solidarité avec le mouvement.

    Nous devons poursuivre sur notre lancée. Le mouvement visant à taxer Amazon et les grandes entreprises pour financer le logement et les services essentiels est nécessaire partout et nous devons le diffuser activement. Ici, à Seattle, nous devrons immédiatement mettre cette énergie à profit pour obtenir la libération de tous les manifestants arrêtés sans inculpation, et pour diminuer le budget de la police de Seattle d’au moins 50 %, pour arrêter les arrestations de sans abris et financer la construction de maisons notamment pour gagner au moins un millier de maisons dans le district central pour les familles de travailleurs noirs. La lutte pour la libération des Noirs impliquera également de faire campagne pour l’élection de conseils de surveillance communautaires ayant les pleins pouvoirs sur la police, y compris en matière d’embauche et de licenciement, de politiques et de procédures.

    Nous avons été clairs quant à la véritable force qui tire les ficelles : Amazon. Beaucoup ont fait valoir que nous ne devrions pas “contrarier” les grandes entreprises et essayer plutôt de négocier un accord, mais nous savons que notre pouvoir vient du fait que les travailleurs s’organisent, et non d’une quelconque négociation avec l’élite. Pour ceux qui nous regardent de l’extérieur de Seattle : ne laissez personne vous dire, dans votre lutte pour taxer les grandes entreprises de votre ville, que vous semez la discorde, parce que c’est la lutte des classes qui permet d’obtenir des acquis.

    Le marché privé du logement à but lucratif a totalement laissé tomber les travailleurs. Pas seulement ici et maintenant, mais partout et toujours. Parce que le capitalisme est totalement incapable de répondre aux besoins les plus fondamentaux des travailleurs.

    Sur le plan international, la classe ouvrière doit faire entrer les 500 plus grandes entreprises dans un système de propriété publique démocratique, géré par les travailleurs, dans l’intérêt des besoins humains et de l’environnement, et non de l’avidité des milliardaires.

    J’ai un message pour Jeff Bezos et sa classe.

    Si vous tentez à nouveau d’abroger la Taxe Amazon, les travailleurs se mobiliseront par milliers pour vous vaincre. Et nous ne nous arrêterons pas là.

    Parce que vous voyez, nous nous battons pour bien plus que cette taxe, nous préparons le terrain pour un autre type de société.

    Et si vous, Jeff Bezos, voulez faire avancer ce processus en vous acharnant contre nous dans nos modestes revendications, alors qu’il en soit ainsi.

    Car nous venons pour vous renverser vous et votre système pourri.

    Nous venons pour démanteler ce système capitaliste profondément oppressif, raciste, sexiste, violent et en faillite totale, cet État policier.

    Nous ne cesserons pas tant que nous ne l’aurons pas renversé et remplacé par un monde basé sur la solidarité, la démocratie véritable et l’égalité – un monde socialiste.

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  • Québec. « Relance économique » en pandémie : un projet de loi démasque l’austérité à venir

    Le gouvernement conservateur et nationaliste de François Legault a échoué son coup de force législatif visant à « relancer » l’économie du Québec. Il n’a pas réussi à faire adopter son projet de loi 61, qui vise à lui donner des pouvoirs extraordinaires afin d’accélérer des projets d’infrastructures qui seront réalisés par le privé. Le premier ministre promet de revenir à la charge cet automne. D’ici là, il continuera de diriger la province canadienne la plus éprouvée par la COVID-19 à coup de décrets austères, tout en bénéficiant de l’aide financière historique d’Ottawa.

    Par Julien D., Alternative Socialiste (section d’Alternative Socialiste Internationale au Québec)

    Déposé le 3 juin, le projet de loi omnibus sur la relance de l’économie québécoise visait a « accélérer » la réalisation de 202 projets publics d’infrastructures en octroyant des pouvoirs exceptionnels au gouvernement. Ces projets étaient toutefois déjà prévus par le Plan québécois des infrastructures des 10 prochaines années, un plan mis au point avant la pandémie de la COVID-19. Les projets visés par le projet de loi 61 (PL61) concernent surtout la construction de nouvelles autoroutes ainsi que la rénovation et la construction de CHSLD1, de « maisons des aînés » et d’hôpitaux. Certains projets prévoient aussi la rénovation et l’agrandissement d’écoles.

    La réalisation d’une bonne partie de ces travaux est essentielle pour maintenir l’offre de services publics. Toutefois, le gouvernement de la CAQ2 propose d’accélérer leurs travaux en ouvrant une nouvelle boite de pandore néolibérale.

    La première mouture du PL61 donnait au gouvernement des droits d’exproprier des terrains sans contestation possible. Les octrois de contrats publics pouvaient se faire sans appel d’offres. La reddition de compte était restreinte à une fois l’an et les ministres concernés pouvaient être placés hors d’atteinte des tribunaux. Le gouvernement provincial pouvait contourner plusieurs lois relatives à la qualité de l’environnement, à l’aménagement du territoire ainsi qu’à la protection des espèces menacées pour faire construire plus vite. Enfin, le PL61 étendait l’état d’urgence sanitaire pour une durée indéfinie, permettant ainsi au gouvernement de continuer à décréter les conditions de travail dans le secteur public.

    Sauvé par la fin de session parlementaire

    Comme le gouvernement a déposé le PL61 de manière tardive, il devait obtenir l’accord unanime des partis d’opposition pour l’adopter. Il a dû mettre de l’eau dans son vin pour faire avancer le projet. Autrement, il aurait tout simplement pu l’adopter grâce à sa majorité parlementaire.

    Dans la nouvelle mouture du projet gouvernemental, les promoteurs ne peuvent plus simplement détruire un milieu naturel contre de l’argent. Ils devront d’abord chercher à éviter, puis à minimiser les impacts environnementaux avant de compenser financièrement. Ensuite, seules les villes pourront passer un contrat sans respecter les normes prévues par la Loi sur les contrats des organismes publics.

    Le gouvernement a aussi convenu de limiter l’état d’urgence jusqu’au 1er octobre, période durant laquelle la 2e vague de la COVID-19 devrait déferler. Il a aussi acquiescé à supprimer l’article qui lui aurait permis d’échapper aux poursuites judiciaires dans l’exercice de cette nouvelle loi.

    Le jeu des procédures a permis aux partis d’opposition de modifier puis de freiner l’adoption du PL61 à la clôture de la session parlementaire. Le gouvernement aura néanmoins les coudées franches pour faire adopter son projet de loi cet automne, à la reprise des travaux parlementaires. Les concessions de surface qu’il a accordées n’ont pas fondamentalement altéré la raison d’être du PL61.

    La raison d’être du PL61, c’est compenser le plus rapidement possible les pertes de profits des grandes compagnies privées grâce à l’argent public.

    L’accélération, une politique au service du privé

    Le premier ministre Legault a répété en conférence de presse vouloir « accélérer pour les aînés ». Or, il semble que sa volonté de ne « pas perdre de temps » découle surtout des pressions du milieu des affaires.

    Le Conseil du patronat estime depuis la fin avril que l’ensemble des activités économiques aurait dû reprendre, alors que le Québec connaissait son pic de décès au coronavirus. De son côté, la Fédération des chambres de commerce souhaite que les mesures du PL61 « puissent devenir permanentes » et qu’elles deviennent applicables à l’ensemble du secteur privé. L’alliance de l’immobilier, formée par les quatre plus importantes associations de l’industrie de la construction et de l’immobilier commercial, partage la même position.

    Soyons clairs, le PL61 n’est pas un plan de sortie de crise. Il n’implique aucun investissement supplémentaire pour les secteurs publics qui en ont immédiatement besoin: la santé et les services sociaux, le logement abordable et le transport collectif. Peu importe sa mouture, le PL61 bénéficie d’abord et avant aux firmes privées de génie-conseil qui s’occuperont des travaux et aux grandes compagnies de construction qui les réaliseront.

    L’accélération des projets d’infrastructure vise à sécuriser le plus rapidement possible leurs contrats et leurs profits, même si cela signifie nuire à notre santé, polluer notre environnement et gérer l’argent public de manière arbitraire et opaque.

    Opportunité de corruption et de collusion

    La plupart des organismes de surveillance – de la protectrice du citoyen au comité de suivi de la commission Charbonneau – ont reconnu que le PL61 ouvre la porte au crime organisé, à la corruption et à la collusion.

    Les décennies de coupures dans les services publics, en particulier dans le personnel d’ingénierie du Ministère des Transports du Québec (MTQ) et des municipalités, ont conduit à une perte d’expertise interne en termes d’évaluation de projet. Cette situation est à l’origine des scandales de corruption ayant touché le secteur de la construction durant les dernières années.

    La journée même où le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, présentait le PL61 en conférence de presse, la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, publiait un rapport estimant que le MTQ est trop souvent incapable d’évaluer correctement la valeur des contrats qu’il octroie.

    Les « allègements » de procédures du PL61 risquent de replonger le Québec dans un nouveau cycle de collusion. Le premier ministre lui-même a reconnu la partisanerie derrière son projet de loi: les projets d’infrastructures choisis l’ont été en fonction du poids électoral de la CAQ au Québec!

    Contourner les lois pour rétablir le profit privé

    La CAQ tente de profiter de la crise actuelle pour en revenir aux belles années du néolibéralisme, voire à celles du libéralisme sauvage des années 30 sous Maurice Duplessis. Ce type d’économie « libérée » au maximum des contraintes de l’État ne sert ultimement qu’à une chose: garantir la profitabilité des grandes compagnies.

    La tentative du gouvernement québécois de contourner les lois environnementales en temps de pandémie s’inscrit dans une tendance canadienne. À titre d’exemple, le gouvernement fédéral de Justin Trudeau a annoncé au début juin qu’il exempte tous les forages d’exploration pétrolière réalisés en milieu marin, au large de Terre-Neuve, du processus d’évaluation environnementale. Même approche en Alberta où le gouvernement a suspendu sa réglementation environnementale, dont la reddition de compte des compagnies privées.

    L’austérité n’est pas une sortie de crise

    Du côté des secteurs public et parapublic, l’État du Québec est actuellement en négociation avec les syndicats représentant leurs employé·es en vue du renouvellement des conventions collectives 2020-2025. Le maintien de l’État d’urgence sanitaire jusqu’au 1er octobre permettra au gouvernement de garder le contrôle total sur leurs conditions de travail. La politique d’arrêtés ministériels pourra se continuer d’ici là.

    La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, pourra aller de l’avant dans ses plans de régime minceur. Que ce soit la modulation des primes de risques ou le recalcul des horaires du personnel, tout est bon pour minimiser les dépenses gouvernementales en temps de pandémie!

    Le 1er juin dernier, le ministre des Finances, Éric Girard, a d’ailleurs dévoilé en entrevue à Radio-Canada qu’après les déficits importants causés par la crise actuelle, son gouvernement « va rapidement se mettre sur une trajectoire de déclin de la dette ». En clair, la CAQ prépare le grand retour de l’austérité, celle-là même qui est à l’origine de la catastrophe de la COVID-19 au Québec.

    Épicentre de la COVID-19 au Canada

    En date du 14 juin, plus de 5 222 personnes sont mortes de la COVID-19 au Québec, soit 64% de tous les décès au Canada. Le Québec compte pour plus de 54% de tous les cas d’infections au pays (53 952/98 787), bien qu’il ne compte que pour 23% de sa population. Plusieurs facteurs ont été avancés pour expliquer la plus grande prévalence de la COVID-19 au Québec: retour des vacances de la relâche, âge de la population, santé de la population, etc.

    D’autres, à commencer par le directeur de la Santé publique du Québec, Horacio Arruda, tentent de masquer la gestion catastrophique de la crise en personnifiant le coronavirus comme une bête qui rôde et peut frapper à tout instant.

    Mais l’hécatombe dans les CHSLD a forcé tout le monde à se rendre à l’évidence. Des décennies d’austérité budgétaire et de course au profit effrénée ont engendré un manque de personnel critique, des conditions de travail et des salaires minables, une désuétude des infrastructures, un manque de place, des services dysfonctionnels et même la présence de criminels notoires comme propriétaires de CHSLD privés.

    Au moins 85% des personnes décédées de la COVID-19 au Québec résidaient dans un CHSLD (privé ou public) ou une résidence privée pour aîné·es. Plus de 200 de ces établissements sont toujours touchés par l’épidémie. Les conditions de travail des personnes préposées aux bénéficiaires (PAB) – responsables des soins de base – sont si basses que seulement 38% d’entre elles font toujours ce travail après 5 ans. Avant la pandémie, le réseau de santé et des services sociaux connaissait déjà un manque à gagner d’environ 6 400 PAB par année.

    Appelées en renfort, les Forces armées canadiennes ont produit un rapport le 27 mai sur l’action de leurs 1 350 militaires ayant œuvré dans 25 CHSLD québécois. Le rapport pointe du doigt les politiques désastreuses des gestionnaires. Il souligne leur difficulté à gérer les zones de contamination, leur laxisme à implanter une utilisation correcte des équipements de protection et leur manque de personnel.

    L’hécatombe du privé

    Ce n’est pas un hasard si le nombre de décès et d’infections à la COVID-19 se concentre dans les CHSLD complètement privés. Même si ces derniers ne représentent que 9,7% de tous les CHSLD, ils constituent près du tiers des établissements présents sur la « liste rouge » gouvernementale, c’est-à-dire les endroits où plus de 25% des résidents et résidentes sont infectés.

    Déjà en 2012, le vérificateur général du Québec a sonné l’alarme quant à la gestion catastrophique des CHSLD. Malgré les rapports accablants, les plaintes étouffées et les grèves pour de meilleures conditions de travail en CHSLD, le gouvernement caquiste a tout misé sur la préparation de places en hôpital pour affronter le coronavirus. Cette stratégie s’est avérée catastrophique.

    Avec le nombre de cas et de décès qui diminue en juin, le gouvernement Legault fait passer le déconfinement en vitesse supérieure. Le PL61 soulève l’enjeu d’un retour général et sécuritaire au travail, autrement dit d’un véritable plan de sortie de crise sanitaire, écologique et économique.

    Davantage vulnérables à une 2e vague

    Bien que la courbe d’infections a été aplatie et que le nombre de cas et de décès reliés à la COVID-19 diminue, les travailleurs et les travailleuses n’ont toujours pas de données fiables sur la contagion ni sur les stocks d’équipements de protection individuelle. La pénurie de personnel en santé est pire qu’avant: 5 000 travailleurs et travailleuses sont infectées et de nombreux autres sont en arrêt de travail pour épuisement. Les urgences de la plupart des hôpitaux de Montréal demeurent dangereusement près de leur capacité maximale ou au-dessus.

    La stratégie du gouvernement nous dirige tout droit vers une 2e vague d’infections, probablement en automne. Ottawa vient tout juste de prolonger la durée de la Prestation canadienne d’urgence à 24 semaines. Or, il y a fort à parier que les différents paliers de gouvernement soutiendront que les coffres « sont vides » cet automne. Sans les programmes publics de stimulation de la consommation privée, les gouvernements capitalistes n’auront qu’une seule option pour « relancer » l’économie: couper dans les salaires, les conditions de travail et les emplois.

    Entre l’austérité et l’argent de l’État

    Le gouvernement Legault a le beau jeu pour maintenir la ligne de l’austérité. L’essentiel de l’aide financière octroyée depuis le début de la pandémie aux entreprises et aux personnes ayant perdu leur revenu provient d’Ottawa. Déjà à la mi-mai, le gouvernement fédéral a annoncé 154 milliards de $ en aide directe. Il s’agit du programme de sauvetage économique le plus colossal de l’histoire du pays.

    Lors de la crise financière de 2008, le gouvernement conservateur de Stephen Harper s’était contenté d’injecter 40 milliards de $ sur deux ans. Quant à lui, le gouvernement québécois s’en est essentiellement tenu à des investissements en infrastructure.

    Douze ans plus tard, la nouvelle crise économique – accélérée par la pandémie – présente une gravité inégalée dans l’histoire. Avec le confinement, le taux de chômage au Québec est passé de 4,5% en février à 17% en avril. La province a enregistré la baisse de l’emploi la plus prononcée au Canada (-18,7% ou -821 000) durant la même période. La fermeture de tous les chantiers de construction le 23 mars a eu un impact significatif sur ces données.

    Retour au travail hâtif

    Cela n’a pas empêché le gouvernement Legault d’opter pour le même type de stratégie de relance que Jean Charest en 2008, mais en la bonifiant d’une aide indirecte de 2,5 milliards de $ aux entreprises. La CAQ a surtout misé sur des politiques agressives de retour au travail, sans consultation des travailleurs et des travailleuses concernées.

    Les premières mesures de reprise des activités économiques ont été décrétées à la mi-avril, en pleine ascension du nombre de cas de COVID-19, et malgré les recommandations de plusieurs scientifiques.

    Les mines ont redémarré le 15 avril tandis que la construction résidentielle a repris 5 jours plus tard. Début mai, le commerce de détail a repris ses activités graduellement à l’extérieur de la grande région de Montréal. Déjà 90% des travailleurs et travailleuses de la construction étaient de retour à la mi-mai, soit une semaine avant la réouverture complète des chantiers. Les écoles primaires, les services de garde et le secteur manufacturier ont aussi repris leurs activités à la mi-mai.

    Selon l’Institut de la statistique du Québec, la reprise a effectivement permis au taux de chômage de baisser à 13,7% et à l’emploi de grimper en mai, mais à quel prix? Commentant les mesures de déconfinement de la fin avril, le Dr Arruda a déclaré espérer que « pas trop de gens vont mourir ». Depuis, plus de 2 700 décès se sont rajoutés au funeste bilan.

    Sortir du cycle de l’austérité

    Il existe une alternative au cycle austérité/sauvetage par l’État/austérité. Renflouer les poches du privé avec l’argent public à chaque crise n’est pas une solution durable, bien que cela semble être le seul horizon des parlementaires et des directions des centrales syndicales.

    Certes, une sortie de crise passe par des réinvestissements massifs en santé et dans les services sociaux. Toutefois, pour sortir définitivement de la crise actuelle, l’État doit créer des emplois écologiques et de qualité par la prise de contrôle de toutes les compagnies privées liées à la production de matériel et de services médicaux essentiels. Ces compagnies, tout comme celles des autres secteurs clés de l’économie, doivent être placées sous la gestion des travailleurs et des travailleuses qui y œuvrent. Une planification démocratique générale de la production est la seule manière de répondre durablement aux vrais besoins de la population.

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