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  • Soudan : solidarité avec les luttes des étudiants!

    soudan

    Pour la libération immédiate de tous les étudiants arrêtés !

    Alternative Socialiste Soudan et le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO, dont le PSL est la section belge) apportent leur solidarité pleine et entière aux étudiants et à tous ceux qui se sont opposés à la décision de vendre le terrain de l’Université historique de Khartoum et sont héroïquement descendus dans la rue pendant plusieurs jours pour exprimer leur mécontentement.

    Déclaration d’Alternative Socialiste (CIO-Soudan)

    La décision de ce gouvernement est dans la logique de son acharnement à vendre pratiquement tout ce qui a de la valeur pour le peuple soudanais, et ce peu importe les intérêts de la majorité de la population. Cette décision, qui a fuité via le ministère du tourisme du pays, a déchaîné la colère des étudiants et fait suite à une série d’attaques sur le système éducatif.

    Nous déclarons notre rejet total de cette décision et condamnons fermement toute forme de violence d’État et d’oppression utilisée contre la communauté étudiante – ou contre toute autre section de la population.

    Nous condamnons l’arrestation arbitraire de dizaines d’étudiants. Nous condamnons l’usage de gaz lacrymogène et de flash-balls par les forces de sécurité et l’envahissement du campus par la police.

    Ces mesures ont pour objectif d’empêcher le développement de manifestations pacifiques. Et d’étouffer le mouvement avant qu’il n’inspire d’autres sections de la populations soudanaise : les jeunes, les pauvres et les travailleurs, qui en ont tous marre de la pauvreté grandissante et du manque de droits démocratiques dans notre pays.

    Nous soutenons entièrement l’appel du Syndicat des Professeurs de l’Université qui appelle « tous les secteurs du peuple soudanais à résister » et à « rejeter la manière dont l’État joue avec les trésors de la nation ».

    Nous revendiquons

    • la libération inconditionnelle et immédiate de tous les étudiants arrêtés, et le retrait des forces d’État du campus
    • l’organisation d’actions résolues et organisées par les étudiants, les professeurs et les travailleurs pour défendre leur université
    • la tenue d’une enquête entièrement indépendante de la décision de vendre l’Université de Khartoum
  • Côte d'Ivoire. Réélection de Ouattara au terme d'un scrutin d'un «calme à faire peur»

    La dictature se consolide tandis que l’«opposition» se ridiculise – temps de tourner la page!

    AlassaneCe dimanche 25 octobre était une date depuis longtemps attendue par l’ensemble de la population de Côte d’Ivoire mais aussi de la «communauté internationale» et des fameux «investisseurs étrangers» qui, parait-il, attendaient la fin de ce scrutin avant de venir nous arroser de leur pluie de milliards. Les élections présidentielles se sont bien déroulées, et, à la suite d’une campagne marquée par de nombreuses irrégularités, l’arrogance du pouvoir, la neutralisation de l’opposition et un sentiment de résignation de la part de la population désabusée face à une élection sans enjeu, ont fini par mener à la réélection du président sortant Alassane Dramane Ouattara, sans que cela ne surprenne ni n’émeuve qui que ce soit.

    Ouattara, vainqueur sans gloire, s’incruste à la tête de son État policier et de son gang de pillards. Pendant ce temps, les partis d’opposition bourgeois et petite-bourgeois, notamment les deux tendances du FPI, ont confirmé aux yeux du monde entier leur impuissance, leur désorganisation, leur manque de vision et de stratégie.

    Maintenant qu’une page a été tournée, il est plus que temps de rassembler les forces éparses de la gauche ivoirienne, tirer ensemble les leçons qui s’imposent et réorganiser un mouvement de lutte prolétarienne, véritablement national, armé d’un programme socialiste, en tant que seul outil de lutte pour une transformation radicale de la société ivoirienne, la liberté, la justice, le développement, la richesse partagée, la souveraineté nationale et l’indépendance véritable politique et économique.

    Déclaration du Comité pour une Internationale Ouvrière – Côte d’Ivoire

    Les élections : une véritable mascarade

    On ne cesse de le répéter depuis deux ans : les conditions dans lesquelles se sont déroulées ces élections ont été lamentables. Tout d’abord, la Commission électorale indépendante, composée en majorité de personnes proches du pouvoir et avec à sa tête le même Youssouf Bakayoko qui a été un des acteurs majeurs de la crise de 2010, n’inspirait confiance à personne. Ensuite, l’absence de tout débat politique entre pouvoir et opposition : aucun dialogue, aucune liberté de meeting, aucun droit de passage à la télévision… Sans compter les très nombreux prisonniers politiques et exilés, qui n’ont bien entendu pas eu leur mot à dire ! Le tour majeur a été la division organisée par le régime, avec la corruption de certains cadres, l’enfermement d’autres, et la mise au pas de partis tels que le PDCI dont les membres ont été brutalisés pour accepter le fameux «appel de Daoukro» qui faisait d’Alassane Ouattara « le candidat du PDCI» sur simple volonté de Bédié et contrairement aux décisions du congrès.

    Ensuite, la question de l’éligibilité de Ouattara qui a fait couler tellement d’encre et marcher tellement de gens (une question que nous avons toujours considéré comme un faux débat). Alors que le débat a duré pendant toute l’année, ce n’est finalement qu’à quelques semaines des élections que le Conseil constitutionnel, dirigé par un certain Mamadou Koné depuis la démission de Francis Wodié, a tout à coup annoncé qu’Alassane pouvait bel et bien être candidat. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

    Puis on a vu la défaillance dans l’opération d’inscription des nouveaux électeurs du mois de juin, qui a dû être prolongée d’un mois vu le faible engouement. Alors qu’on s’attendait à «entre 2,3 et 3,3 millions de nouveaux votants» (le gouvernement n’a même pas de chiffres de population fiables !), seul 108 387 jeunes Ivoiriens sont venus s’inscrire (chiffres donnés entre autres par le magasine Jeune Afrique). Alors que le nombre d’électeurs potentiels devait être de 8 à 9 millions selon le recensement de l’année passée, on n’avait que 6 millions d’inscrits cette année. Puis ça a été la même comédie avec les cartes d’électeurs qui devaient être retirées dans les semaines avant le scrutin. Selon le code électoral, la date limite de retrait des cartes ne peut dépasser 8 jours avant le vote. Mais vu que les foules, une fois de plus, ne se pressaient pas, le régime s’est vu contraint de reporter le délai au vendredi 23/10… pour finalement annoncer qu’il serait possible de voter sans sa carte d’électeur ! Tant le régime a commencé à s’inquiéter du fait que l’élection serait véritablement boudée par les Ivoiriens.

    Après avoir manœuvré pendant cinq ans pour s’assurer la mort de toute opposition politique, et après deux ans de meetings tournants régionaux de « précampagne » financés par la caisse de l’État, voilà que tout à coup le régime s’est rendu compte que la campagne électorale n’intéressait absolument personne, tant il était évident que Ouattara serait réélu. Le gouvernement a alors pris la décision d’accorder 100 millions de francs à chaque candidat « pour faire campagne », de façon totalement illégale.

    Pendant ce temps, les gares ne désemplissaient pas, vu le grand nombre de personnes qui cherchaient à fuir Abidjan pour aller se réfugier qui en brousse, qui au Ghana ou au Burkina, en attendant l’issue des élections.

    Le jour même du vote, on constatait que les tablettes censées permettre une identification rapide, facile et infaillible des électeurs, ne fonctionnaient pas. Des tablettes achetées pour la somme de 11 milliards de francs au même M. Kagnassi, responsable de nombreux cafouillages électoraux dans toute la sous-région, y compris en Côte d’Ivoire en 2010 (la fameuse opération d’enrôlement des électeurs à 160 milliards de francs) ; le même M. Kagnassi est aussi celui à qui on a confié la «rénovation» de l’université de Cocody (source : L’Éléphant déchainé, 30/10/15). On se demande bien comment un tel individu peut encore se voir attribuer le moindre marché public. Bref…

    Le soir du dimanche, le pouvoir a commencé par annoncer un taux de 60 % de participation. Devant la risée générale, y compris de plusieurs ambassades, le taux a été revu à la baisse, à 55 %… Avant d’être « rectifié » à 52 %. Mais qu’on soit bien clairs : ces 52 % expriment 3 129 742 suffrages sur 6 301 189 inscrits (si les chiffres donnés par le régime lui-même sont véridiques, et ils s’approchent sans doute de la réalité). Or, si l’on prend en compte le fait que 3 millions de jeunes « nouveaux électeurs » n’ont pas été s’inscrire, les 3 129 742 électeurs qui se sont exprimés le 25 octobre, sur une population en âge de voter de 9 millions d’habitants, nous donnent en réalité un taux de participation d’à peine 35 %, et non 52 % !

    Si on avait compté, comme le régime a voulu le faire, que le taux de participation est de 60 %, alors Ouattara avec ses 83,66 %, aurait obtenu le chiffre magique de 50,2 %, ce qui représenterait une majorité absolue de la population. Mais si on prend en compte le taux de participation réel de 35 % (en tenant compte des non-inscrits et des inscrits non votant), Ouattara n’a dans les faits reçu les suffrages que de 29 % des Ivoiriens.

    En réalité, avec ses 2 618 229 voix selon le résultat officiel, Ouattara n’a quasiment pas amélioré son nombre de voix de 2 483 164 au second tour des élections de 2010. Si en 2010 les 2 483 164 voix donnaient 54 % (chiffre contesté), comment 2 618 229 voix peuvent-elles donner 84 % ? N’oublions non plus que dans toutes ces voix, la moitié lui viennent du PDCI…

    Il n’y a donc pas lieu de brandir les soi-disant «11 % de taux de participation» que sort d’on ne sait où le FPI-Sangaré pour décrédibiliser cette élection. Les chiffres officiels donnés par le régime nous suffisent amplement à dire qu’Alassane Dramane Ouattara n’est pas le dirigeant légitime de ce pays.

    Et ce sont ces élections organisées à la va-vite, truquées, trafiquées, muselées, boudées… que la plupart de la presse occidentale cherche aujourd’hui à nous présenter comme étant «les premières élections pacifiques jamais organisées en Côte d’Ivoire.»

    Voici ce qu’écrivait le journal français Le Monde à ce sujet : «En Afrique, une victoire au premier tour n’est pas nécessairement un bon signe démocratique. Surtout avec un score «à la soviétique» de 83,6 %, tel que celui obtenu par Alassane Ouattara. Rien de cela en Côte d’Ivoire. La réélection au premier tour du chef de l’État sortant intervient à l’issue d’un vote apaisé, reconnu, endossé par les observateurs sur place et l’ensemble de la communauté diplomatique internationale. Même si la logistique ne fut pas sans reproche le jour du vote. Mais l’on passe beaucoup de choses au président Ouattara, et personne n’insistera sur les manquements de ce scrutin. Fort de son score et d’un taux de participation honorable (près de 55 %), le président sort crédibilisé de ce scrutin »

    Et de rappeler que les élections de 2010 s’étaient soldées par un bain de sang, pour lequel Gbagbo a été emprisonné… comme si Ouattara n’avait lui, par contre, rien à voir avec cette violence ?!

    L’opposition : impuissante, désorganisée, sans vision

    L’opposition nous a donné un bien piètre tableau tout au long de cette année électorale. Il lui a fallu énormément de temps pour se mettre en route, et les nombreuse hésitations des «leaders» n’ont pas contribué à l’engouement. Pourtant, comme nous l’avions analysé il y a maintenant un an, la situation n’avait jamais été aussi mure pour l’émergence d’un candidat indépendant. En effet, les Ivoiriens sont fatigués de ce feuilleton qui n’en finit pas des trois partis politiques et de leurs leaders. Ces trois partis perdent petit à petit leurs membres et leur implantation, et c’est ce qui avait été révélé par les élections municipales de 2013, où pour la première fois dans l’histoire de notre pays, la majorité des communes ont été occupées par des indépendants et non par un des trois grands partis. L’intérêt pour les candidats indépendants s’exprimait aussi par tout le débat qui a eu lieu à propos d’un éventuel régime de transition.

    Mais de manière générale, la CNC et ses «leaders» ont trahi tous les espoirs, non seulement les nôtres, mais aussi ceux des Ivoiriens qui espéraient voir un changement de tête au sommet de l’État pour tourner la page et présider à une véritable «réconciliation».

    Ainsi, nous écrivions, dans le premier numéro de notre bulletin, L’Étincelle, paru en février 2015, que KKB était pour nous le candidat qui avait le plus de potentiel de présider à la constitution d’un front radical large anti-Ouattara. Cependant, nous écrivions aussi que «pour cela, KKB devra rompre avec son parti en prenant avec lui autant de militants que possible, faire une autocritique franche et honnête de ses prises de position passées, et adopter un programme de lutte autour de thèmes militants tels que l’emploi, l’enseignement, le pouvoir d’achat, le logement et la nationalisation des secteurs-clés de l’économie et des ressources naturelles, en développant une véritable dynamique autour de ces thèmes.» KKB a été le candidat le plus virulent par ses déclarations fracassantes qui souvent touchaient juste, mais étaient essentiellement destinées à susciter l’intérêt des pro-Gbagbo. Il a aussi été le premier candidat à se rendre à La Haye pour rendre visite à Laurent Gbagbo, créant un véritable buzz autour de sa personne. Il bénéficiait aussi du fait d’e?tre un jeune et d’apporter un peu de sang neuf dans la course électorale, par rapport aux vieux politiciens usés.

    Malheureusement, KKB n’a pas du tout cherché à créer un mouvement autour de lui, se contentant de faire du bruit. Il n’a pas non plus donné de vision claire de son programme avant la fin du scrutin – un programme qui d’ailleurs ne tranchait pas avec l’impérialisme, puisque pour lui : «Pour industrialiser notre pays, il faut avoir des capitaux. Des capitaux qui viennent de l’étranger. Il faut faire en sorte que la Côte d’Ivoire redevienne une sorte de paradis fiscal pour attirer les capitaux étrangers.» Bref, on voit qu’avec son score de 4 % et sa place de troisième candidat, il aurait pu faire beaucoup mieux, s’il l’avait voulu.

    Mais le voulait-il ? Voici quelqu’un qui, quelques jours avant les élections, lançait encore : «De même qu’un pont peut valoir deux mandats, aujourd’hui débarrasser les Ivoiriens de Ouattara peut valoir dix voire quinze mandats». La même personne qui, devant un public conquis à la cause de Laurent Gbagbo, lançait il y a à peine trois mois : «Le président des Ivoiriens est à l’étranger, alors que le président des étrangers est en Côte d’Ivoire!», ou encore : «Ouattara ne peut pas gagner d’élection en Côte d’Ivoire, parce qu’il n’a jamais gagné d’élection en Côte d’Ivoire!» Et revoilà le même KKB qui, avant même la proclamation des résultats, félicite déjà Ouattara pour sa victoire, allant même jusqu’à «souhaiter que cet autre mandat soit pour lui l’opportunité de continuer à rassembler les ivoiriens, à les unir et à leur offrir le bonheur qu’ils sont en droit d’attendre de leurs dirigeants. Que Dieu l’aide dans cette noble mission.» La candidature de KKB n’était-elle donc qu’une autre farce orchestrée pour le régime, à la recherche de candidats pour «accompagner» Ouattara ?

    Essy Amara est lui aussi l’exemple type de cet opposant indécis qui déçoit les grandes attentes placées en lui. Alors que ses partisans étaient venus l’accueillir nombreux à l’aéroport et ont même été jusqu’à créer leur propre journal, voilà que la cérémonie d’investiture a été sans cesse retardée, que l’individu se livre à un jeu de passe-passe au moment de (ne pas) rejoindre la CNC, et finit tout bonnement par se retirer de lui-même de la course électorale. Au moins a-t-il été consistant dans son refus de s’engager dans ce simulacre d’élections.

    Tout le contraire de Banny, qui lui, a tout donné et s’est enfoncé comme il le pouvait dans la «campagne électorale», jusqu’au vendredi avant-veille du scrutin. C’est à n’y rien comprendre. Si les conditions pour l’élection n’étaient pas réunies, alors pourquoi participer ? Mais si on a participé, c’est qu’à un moment on pensait que les conditions étaient réunies, ou du moins sur le point d’être réunies ? Au final, Banny, qui a fait deux fois le voyage à La Haye et comptait certainement, à tort, sur un éventuel appel de Gbagbo aux militants du FPI, ressort la queue entre les jambes. Le laissera-t-on prendre sa retraite au PDCI ?

    Finalement, la CNC a péché par son manque de stratégie et de vision. Tout d’abord, étant dominée par des individus aux visées opposées, elle ne s’est jamais fixé pour objectif une candidature unique contre Ouattara, préférant se cantonner à demander des «élections véritablement transparentes». Or, même cet objectif minime n’a jamais pu être atteint. Qu’aurait-il fallu faire pour l’obtenir ? Il aurait fallu mobiliser les foules pour faire pression sur le régime. Or, pour bon nombre d’Ivoiriens, à quoi bon se battre pour des élections transparentes, si aucun des candidats potentiels ne répond à leurs attentes ? Quand on sait en plus les risques que cela peut engendrer. Qu’y a-t-il à y gagner ? Il n’aurait été intéressant d’avoir des élections véritablement transparentes que si, à la clé, cela aurait pu assurer de pouvoir élire un candidat qui suscite un engouement.

    D’autre part, pendant que la CNC avait été officiellement constituée pour appeler à des élections transparentes et apaisées, la majorité de ses membres étaient issus du FPI-Sangaré qui, lui, appelait à boycotter les élections et n’est jamais revenu sur ce mot d’ordre. Comment peut-on appeler à boycotter des élections qu’on désire en même temps «libres et transparentes» ?? Au final, le seul slogan qui était véritablement repris lors des meetings de la CNC était «Libérez Gbabgo!»

    Pendant ce temps, les indépendants issus du PDCI semblaient considérer ces meetings comme des « primaires » pendant lesquelles ils auraient pu convaincre la base FPI de les adopter comme candidat. C’est pourquoi chacun d’eux a cherché à rivaliser de discours assassins envers le régime, allant jusqu’à tomber dans la pure démagogie, avec des propos peu susceptibles de rassembler l’ensemble de la population.

    Bref, empêtrée dans ses multiples contradictions, la CNC n’a jamais pu donner de mots d’ordre clairs à la population ni la moindre orientation quant aux objectifs à atteindre. Elle s’est contentée de dénoncer Ouattara en tant qu’individu sans chercher à décortiquer son programme de société néolibéral et pro-impérialiste, ni à présenter une alternative «nationaliste». De plus, par ses  attaques à la nationalité», la CNC n’a fait que donner du crédit aux discours de Soro et repousser dans les bras du RDR les nombreux nordistes qui commençaient à douter de Ouattara et de sa politique. En divisant les Ivoiriens, elle a donc renforcé le régime et sa base sociale.

    D’ailleurs, le programme de l’ensemble des candidats de l’opposition était finalement le même que celui d’Alassane, à part l’un ou l’autre détail. Tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut «développer le pays par l’industrialisation et la transformation de nos matières première grâce à l’apport de capitaux étrangers, ce qui nécessite de créer un environnement propice aux affaires». Mais n’est-ce pas ce que fait déjà le régime RHDP ? Alors à quoi bon risquer de déstabiliser une fois de plus le pays, si c’est pour de toute façon obtenir la même chose ?

    Enfin, la CNC a été incapable d’identifier les moyens qui auraient pu ébranler le régime. Pourtant, il est clair qu’on ne chassera pas Ouattara et qu’on ne mettra pas un terme à sa politique néolibérale pro-impérialiste simplement en marchant à Yopougon, à Dabou ou à Bonoua, quand bien même la marche regrouperait des milliers de personnes (ce qui n’était de loin pas le cas). La seule arme capable d’effectuer un véritable changement est un front uni des syndicats des travailleurs, en lutte pour leurs droits.

    Pourquoi l’impérialisme soutient-il Ouattara ? Parce que c’est lui qui assure que les Ivoiriens travaillent dans les entreprises françaises qui contrôlent 40 % de notre économie et rapportent des profits considérables à quelques grands patrons français. Si, par la grève, nous faisons en sorte que plus aucun argent ne rentre dans les poches de ces grands patrons, alors le règne de Ouattara touchera à sa fin. Mais ce n’est que la dernière semaine que la CNC est parvenue à arracher à certains syndicats une motion, selon laquelle les syndicats se disaient inquiets des conditions dans lesquelles se déroulaient le scrutin. Trop peu, trop tard.

    Au final, la raison fondamentale pour laquelle la CNC a été incapable de jouer un véritable rôle, n’est pas le simple «manque de vision», «manque de formation» ou «individualisme» de tel ou tel «leader de l’opposition». La raison est que la CNC était un conglomérat de forces bourgeoises ou petites-bourgeoises qui sont liées au capitalisme et n’ont aucun intérêt à voir les syndicats jouer un rôle de premier plan dans la politique du pays, ni à donner le pouvoir à la masse populaire. Puisqu’une fois arrivés au pouvoir, tous ces dirigeants partagent un programme dans lequel les travailleurs ivoiriens devront docilement travailler pour le compte d’«investisseurs étrangers», censés «développer le pays» pour le plus grand profit de la bourgeoisie nationale ivoirienne. Il ne faut donc pas s’étonner que la CNC, dès le début, donne l’impression de se battre avec un bras dans le dos. Seule une force prolétarienne pourra proposer aux habitants de Côte d’Ivoire un véritable programme de lutte et d’action pour rompre à la fois avec la dictature, l’impérialisme et le capitalisme.

    Le FPI : toujours la même soupe

    L’aile du FPI, dorénavant surnommée comme «messianique» par l’Éléphant déchainé (c’est-à-dire, qui attend le Messie qui viendra les libérer), brille également par son incohérence et son incapacité à mener le moindre débat sérieux. Voilà des gens qui ne parviennent pas à organiser le moindre mouvement depuis quatre ans, mais qui tout d’un coup sont convaincus qu’ils parviendront à faire tomber Alassane en deux semaines par l’organisation de marches éclatées. Qui, pour ne pas s’associer avec des « ennemis de Gbagbo », vont s’associer à d’autres ennemis de Gbagbo.

    Des gens dont la presse ne fait que relayer les moindres rumeurs venant de l’Élysée et qui appellent de toute leur âme l’intervention de la France pour chasser Ouattara. Les mêmes qui avaient fêté la victoire de François Hollande sur Sarkozy, croyant que cela allait changer quelque chose. Incapables de mener le moindre combat sans leur leader emprisonné et de développer le moindre projet de société.

    Incapables aussi de tirer les moindres leçons du passé et notamment de leur défaite de 2010. Le congrès de Mama aurait pu servir de lieu de débat serein pour identifier les raisons qui ont fait perdre le pouvoir au FPI et tirer les conclusions révolutionnaires qui s’imposaient en terme de stratégie et de programme. On aurait ainsi pu convaincre les «affidés» de la justesse du combat à mener. Au lieu de ça, la simple réélection de Gbagbo pour soi-disant clouer le bec à Affi, n’a fait que tirer le parti encore plus en arrière. Le FPI-Sangaré ressemble de plus en plus à une secte, qui s’enfonce dans le mysticisme et préfère les «songes» et «prophéties» à l’analyse politique rationnelle.

    Au lieu d’envoyer leurs nombreux militants en campagne dans les quartiers et dans les zones industrielles pour mener une agitation et organiser la population autour de thèmes concrets : contre la cherté de la vie, pour des hausses salariales, pour plus d’investissement dans les secteurs publics, etc., le FPI-Sangaré préfère se croiser les bras tant que Gbagbo n’est pas libéré.

    Au lieu de reconnaitre Ouattara pour les quelques mérites de sa politique, de poser le pour et le contre mais en démontrant les tares de sa politique néolibérale et pro-impérialiste et d’en tirer des conclusions argumentées en termes politiques, le FPI-Sangaré préfère rester au niveau de la calomnie, des ragots, des attaques personnelles, des alertes au complot… Et les titres de la presse bleue deviennent de plus en plus fantaisistes de jour en jour.

    Au lieu d’utiliser contre lui-même les chiffres donnés par le pouvoir, qui montrent selon nos calculs (et ceux d’Essy Amara, d’ailleurs) qu’Alassane n’a été réélu que par 29 % des Ivoiriens, le FPI-Sangaré préfère balancer un taux de participation sorti d’on ne sait où, de 11 %, et s’y tenir.

    Le FPI-Sangaré considère que les « 89 % » qui n’ont pas voté ont suivi son appel au boycott. En réalité, on sait bien que le faible taux de participation, de 35 % (52 % des 67 % d’inscrits), est dû à toute une série de facteurs, notamment la peur de voir les élections dégénérer, la crainte de représailles, le manque d’intérêt d’un scrutin dont on connaissait déjà le vainqueur, l’absence de tout candidat crédible… L’appel au boycott a été un facteur, mais un facteur parmi d’autres.

    En réalité, lorsqu’Alassane Ouattara déclare au lendemain des élections que « le FPI sera vidé de sa substance », il ne fait qu’observer le processus déjà en cours au sein du FPI à l’heure actuelle.

    Affi : la solitude pour avenir

    En vérité, comme le titrait l’Éléphant déchainé la semaine passée, le FPI a enfin tenu son congrès. C’était là le seul véritable enjeu de ces élections. Affi, qui prétendait avoir la majorité des membres du FPI derrière lui, parviendra-t-il, oui ou non, à obtenir un score honorable ? Avec ses 9 % sur un taux de participation réel de 35 %, Affi a donc obtenu le vote de 3 % des Ivoiriens. Pas terrible. Alors que 1 756 504 personnes avaient voté pour Gbagbo au premier tour des élections de 2010, Affi fait 290 780 voix, sachant que ces élections auraient dû compter 3 millions d’électeurs supplémentaires…

    Affi, contrairement à ses opposants «frondeurs», a cherché à tirer les leçons de la défaite de 2010. Le problème est qu’il a tiré des conclusions totalement opposées aux nôtres. Pour Affi et son groupe, le FPI a perdu le pouvoir parce qu’il a été «trop radical», parce qu’il n’a pas cherché à bien négocier avec la «communauté internationale», parce qu’il a été  trop dans l’idéologie». Le camp Affi a donc développé une nouvelle doctrine «social-démocrate» pour qui l’idéal socialiste est une idée du passé, une utopie. Le camp Affi s’est en outre fourvoyé en prétendant que, Sarkozy ayant perdu le pouvoir, «Ouattara avait perdu ses fétiches».

    Ce camp accepte le capitalisme et le compromis. Il ne faut donc pas s’étonner d’y retrouver la plupart des membres de la « bourgeoise FPI », tels que Marcel Gossio, Christophe Gnéhiri, etc. des individus riches pour qui les affaires priment sur l’idéologie et la lutte. Pour cette bourgeoisie, le combat du FPI est essentiellement axé sur un partage du gâteau plus équitable entre bourgeoisie étrangère et bourgeoisie nationale. Sans compter qu’Affi N’Guessan lui-même n’est en liberté que par une décision de justice qui lui a accordé un sursis tandis que Simone Gbagbo a été condamnée à 20 ans de prison.

    Le camp Affi s’est de plus décrédibilisé aux yeux des militants sincères par son refus d’organiser le congrès, par ses nombreux recours judiciaires à l’encontre de ses camarades de parti, par ses attaques à peine voilées contre la personne de Laurent Gbagbo. Le but d’Affi et de ses amis est de faire du FPI un parti « normal », de tourner la page des années Gbagbo. Il ne faut donc guère s’étonner de sa défaite électorale retentissante.

    D’où vient le soutien à Alassane ?

    Malgré les nombreuses irrégularités qui ont entaché le scrutin, on ne peut dire qu’Alassane ne jouit d’aucun soutien dans la société. Son premier atout est la passivité et la résignation. En l’absence de la moindre alternative crédible à sa politique, il a pu déployer toute la force de sa machine de répression pour faire taire les quelques mouvements d’opposition qui tentaient de se constituer, allant jusqu’à attaquer une marche de mamans de Yopougon qui voulaient protester contre les enlèvements d’enfants. Pour beaucoup d’Ivoiriens, même si tout ne va pas bien et que les ministres RHDP se complaisent dans la corruption et l’impunité, «au moins, le pays avance, nous avons une certaine stabilité et nous pouvons réaliser nos projets». Personne n’est prêt à prendre le risque de jeter à nouveau le pays dans le chaos pour mettre en place un politicien qui appliquera de toute manière le même programme qu’Alassane. La réconciliation, la démocratie, «ça ne se mange pas».

    Alassane Ouattara est quand même parvenu à accomplir de grands travaux d’infrastructure (et pas seulement un ou deux ponts), à améliorer le revenu des paysans, à diminuer la fréquence des coupures d’eau et d’électricité, à faire revenir toute une série d’investisseurs étrangers… Même si les fruits de la croissance tardent à se faire sentir dans la poche des Ivoiriens (ce qui est normal vu la nature néolibérale de sa politique), même s’il mène une politique avant tout à destination des riches, même si de très nombreuses promesses n’ont pas été tenues, de l’avis de beaucoup de gens, le pays est mieux géré qu’avant.

    Non, Alassane n’est pas indéboulonnable, mais en l’absence d’une alternative, d’une stratégie de lutte capable de redonner la foi à la majorité désabusée, et d’un projet de société crédible, il reste en place « par défaut ».

    Vers où allons-nous à présent ?

    Il est clair que l’ensemble des facteurs de déstabilisation et de mécontentement sont toujours là. Mais la population ne trouve aucune force et aucun leader crédible capable d’organiser et de donner une voix à ce mécontentement, de l’orienter sur le chemin de la lutte et de donner des objectifs et des mots d’ordre clairs.

    Alassane n’ayant plus de nouvelle échéance électorale devant lui, on aurait pu s’attendre à ce qu’il cherche à mettre en place un gouvernement d’« union nationale » auquel toutes les forces politiques du pays auraient été conviées. Malheureusement, galvanisé par sa victoire, le pouvoir RHDP continue dans la même arrogance qui le caractérise. « Je suis un libéral et qu’est-ce que j’aurais à faire avec des gens du FPI qui sont socialo-marxistes ? ». On trouvera peut-être l’un ou l’autre petit poste pour KKB et Banny… C’est tout.

    Alassane va surtout chercher maintenant à consolider son régime pour assurer sa succession, en faisant fusionner le PDCI et le RDR avec la bénédiction de Bédié, en modifiant la constitution pour créer un poste de vice-président qui pourrait être taillé sur mesure pour Guillaume Soro… avant d’éventuellement prendre sa retraite pour raisons médicales d’ici 2-3 ans.

    Vu que de nombreux capitalistes étrangers attendaient la fin du scrutin pour lancer leurs projets d’investissement dans le pays, il est probable que nous allons assister à une réelle croissance de l’économie. Déjà, le chocolatier Cémoi a annoncé la construction de la toute première usine de chocolat d’Afrique de l’Ouest, qui devra engager 400 personnes, tandis que la brasserie Heineken sera la première à s’installer dans la nouvelle zone industrielle au PK24 pour faire travailler 700 ouvriers. On s’attend encore à l’extension du port d’Abidjan, à la construction d’hôtels sur le littoral « déguerpi » à Port-Bouët, à l’ouverture du grand magasin Carrefour à Marcory, à plus d’unités de transformation de l’anacarde et du coton… L’arrivée de ces grands groupes, venus pour exploiter le travail des Ivoiriens, renforcera le pouvoir potentiel de la classe ouvrière en tant qu’acteur de transformation sociale.

    Comment assurer la victoire de la démocratie, la souveraineté, le développement et la juste répartition des richesses ?

    Nous devons être clairs sur le fait qu’Alassane Ouattara n’est qu’un élément de la chaine de domination impérialiste sur notre continent. Fidèle à sa logique libérale, il mène une politique d’amélioration du «climat des affaires» censée permettre l’épanouissement d’entreprises capitalistes sur notre territoire. Nous ne devons pas nous leurrer : ce n’est pas comme cela que nous arriverons à une situation de développement partagé et de mieux-être pour tous, vu que la présence de ces entreprises sur notre sol sera conditionné au fait que les salaires resteront bas, que les travailleurs ne pourront bénéficier de conditions de travail décentes, que les taxes à payer resteront minimes, que l’État s’engagera à subsidier leur implantation (entre autres par la mise en place de soi-disant « partenariats public-privé »), et que la police sera toujours là pour chicoter les grévistes. Tout cela en persévérant dans le discours de division afin d’empêcher une lutte commune de l’ensemble de la population de Côte d’Ivoire contre le système et pour un mieux-vivre commun.

    Alassane est remplaçable. Ce n’est pas étonnant si la plupart de la campagne électorale s’est réalisée à l’étranger, dans des salons à Paris et à New York, avant même d’avoir commencé ici. L’impérialisme a déjà préparé ses pièces de rechange au cas où Alassane venait à faillir. Tant qu’Alassane satisfait ses patrons étrangers, tant qu’il maintient les Ivoiriens au travail, ils le soutiendront. Au cas où il ne parviendrait plus à maintenir la stabilité nécessaire à la bonne marche de l’exploitation capitaliste, ils le remplaceront par un autre candidat bourgeois, que ce soit via des élections ou via un coup d’État et un soi-disant «régime de transition».

    Notre rôle en tant que révolutionnaires est de ne pas nous laisser berner par toutes ces petites manœuvres et d’y voir clair à travers l’ensemble du processus. Notre rôle est d’expliquer patiemment aux masses que la croissance obtenue sous Ouattara n’est qu’un leurre qui ne profite pas aux populations de Côte d’Ivoire, mais à quelques grands patrons étrangers et à leurs représentants ivoiriens.

    Notre rôle est de pouvoir identifier et mobiliser les masses populaires autour de thèmes de campagne qui correspondent aux véritables problèmes des habitants de Côte d’Ivoire : cherté de la vie, mauvaise qualité de l’enseignement, désorganisation des transports, bas salaires, dégradation de la fertilité des terres agricoles, manque d’accès à la terre, au crédit, aux services publics, au logement, etc. Dans tout cela, nous devons adopter un discours qui permettent aux populations du Nord comme du Sud d’ouvrir les yeux et de comprendre la véritable nature des enjeux et des diverses forces politiques en présence.

    Notre rôle est d’encadrer les masses et la classe ouvrière dans la création de véritables organes de lutte syndicale afin de pouvoir déployer le plein potentiel de notre force de frappe, par des grèves, des occupations et des marches de solidarité, le tout partie prenante d’une véritable stratégie pour le changement.

    Enfin, il nous faudra toujours expliquer qu’aucun développement, aucune indépendance véritable ne sera possible tant que nous resterons dans le cadre du capitalisme et que nous suivrons des politiciens petits-bourgeois dont le seul but est de tromper les masses pour obtenir un compromis avec l’impérialisme et s’accrocher à la « mangeoire » étatique.

    Cela veut dire que nous devons œuvrer patiemment mais obstinément à la création d’un nouveau parti politique, un parti prolétarien autofinancé et totalement indépendant de la politique bourgeoise, armé d’un programme socialiste et tissant des liens forts avec des groupes révolutionnaires dans toute l’Afrique de l’Ouest (notamment via le Comité pour une Internationale Ouvrière), afin de rompre une bonne fois pour toute avec le capitalisme et tout son cortège de misère, d’ignorance, de division, de mensonges, de violence et d’oppression.

  • Le Balais Citoyen à Bruxelles : une soirée enrichissante sur les luttes au Burkina

    Balais01Dimanche 18 octobre était organisée une conférence des représentants du Balais Citoyen. Ses représentants n’étaient autres que Smockey et Sams’k, artistes très connus au Burkina, à l’initiative du mouvement.

    Par Laure et Ousmane (Bruxelles)

    Alors qu’ils n’avaient été invités qu’une semaine auparavant, leur présence a suscité l’engouement parmi la population tant belge que burkinabé et africaine de manière générale. La salle de l’horloge du sud était plus que remplie par près de deux cent personnes, sans compter celles qu’il a fallu refuser par manque de place. Les discussions au sortir de la conférence étaient également très passionnées sur la question d´un mouvement révolutionnaire pour le Burkina et pour l´ensemble de l´Afrique.

    Balais03La conférence était riche en partages d´expériences sur l´organisation et la naissance du mouvement du Balais Citoyen qui a suscité une grande attention au delà des frontières.

    Les orateurs ont souligné l´importance de s´organiser par quartiers, de manière hebdomadaire, et aussi en coordination nationale et internationale (différents “cibals”, des cercles du Balais Citoyen, ont été créés dans de nombreux pays où la communauté burkinabé est présente). Ils ont également insisté sur la nécessité de conscientiser les masses laborieuses, mais aussi de préserver cette vigilance du peuple qui s´est encore illustrée lors du putsch en septembre. Ils ont également expliqué la volonté de mettre sur place un programme politique, une charte et un projet de société propre au Balais Citoyen.

    Balais02“Il faut suivre vos convictions, pas suivre des leaders. Si vous suivez vos convictions, vous serez les leaders de demain.” disait Smokey

    Néanmoins, on a pu dénoter des limites à la stratégie du Balais qui refuse de prendre le pouvoir et cherche seulement à se poser en “garde fou” des représentants politiques, de l´Etat. Ils mettent en avant la personnalité des hommes politiques comme seule responsable de leurs actes et minimisent l’impact du système capitaliste sur les politiques menées. Or, tant que le système capitaliste restera en place, les marionnettes de l´impérialisme continueront de se succéder, et le peuple burkinabé continuera de se faire exploiter.

    Ce qui est inquiétant, c´est que dans cette situation potentielle de double pouvoir, refuser d’aller plus loin équivaut à prendre une hyène pour garder des chèvres. C’est ainsi exposer le peuple à la répression au sortir des prochaines élections. Il est pourtant évident que la seule solution pour les travailleurs et les pauvres est de prendre en main le pouvoir politique par eux-même, par une révolution sociale, pour en finir avec le système capitaliste. Ce n’est qu’à ces conditions qu’il sera possible d’enfin se réapproprier les richesses du pays, de décider démocratiquement de leur utilisation et de leur partage tout en éradiquant la pauvreté.

    Pour mener à bien cette révolution, il faudra que le Balais Citoyen s´organise avec les organisations syndicales, étudiantes et l´ensemble des organisations révolutionnaires de la société civile qui ont participé à la révolte populaire qui a renversé le dictateur en place.

    Lorsqu´une telle société prendra place, il est certain que l´impérialisme cherchera non seulement à boycotter mais surtout à anéantir le pouvoir indépendant du peuple. Il sera donc indispensable d´en appeler à la solidarité révolutionnaire des travailleurs et des jeunes d´Afrique et du reste du monde.

    => Dossier : Burkina Faso : La révolte des masses fait chavirer le coup d’État manqué

  • Burkina Faso : La révolte des masses fait chavirer le coup d'État manqué

    burkina_coupLa solution ne viendra que par une action politique des travailleurs indépendante de la bourgeoisie

    Il y a moins d’un an aujourd’hui qu’un mouvement de masse des travailleurs et des jeunes a contraint le dictateur du Burkina Faso, Blaise Compaoré, à quitter le pouvoir. Depuis lors, aucun évènement politique significatif n’est survenu dans ce pays enclavé, qui a à présent bénéficié d’une couverture médiatique internationale avec le récent coup d’État survenu dans le pays. Le gouvernement de transition a été renversé le mercredi 16 septembre 2015 lors d’un coup d’État organisé et perpétré par l’unité d’élite de 1300 hommes du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), loyal à Compaoré. Les putschistes ont installé le général Gilbert Diendéré, ancien chef d’état-major de Compaoré, en tant que nouveau dirigeant du pays.

    Par Abbey Trotsky, DSM (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Nigeria et parti-frère du PSL)

    Au cours de ce processus, le dirigeant du gouvernement de transition, M. Michel Kafando, ainsi que son Premier ministre, M. Yacouba Isaac Zida, qui dirigeaient le pays depuis qu’une insurrection populaire avait renversé le dictateur Blaise Compaoré en octobre dernier, ont été arrêtés. Ces évènements ont immédiatement déclenché une guerre de position sérieuse entre les putschistes et la masse des travailleurs et de la jeunesse dans les rues, poussées par leur instinct révolutionnaire à exprimer le mécontentement de masse contre le coup d’État.

    Pour des milliers de jeunes et de travailleurs qui ont convergé dans les rues de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, ce coup d’État n’était pas seulement un moyen technique d’empêcher le processus de transition en cours, mais aussi une tentative de revenir à l’ancien régime par des voies dérobées. Parmi les revendications des putschistes, ceux-ci s’opposaient au projet de démantèlement de leur régiment de garde présidentielle par le gouvernement de transition, qui projetait de les faire intégrer l’armée régulière. Leur deuxième préoccupation était la loi électorale qui interdisait de se présenter aux élections du 11 octobre aux membres du parti de Compaoré, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), ainsi qu’à tous ceux qui avaient soutenu les efforts entrepris par Blaise Compaoré pour modifier la constitution afin de se maintenir au pouvoir.

    La détermination parmi les travailleurs à tout faire pour ne pas permettre aux putschistes de s’installer au pouvoir était si grande, malgré la mort de plus de 10 personnes (et 100 blessés), que la confrontation entre la masse des travailleurs et des pauvres et la garde présidentielle n’a cessé de croitre. C’est pourquoi les troupes de l’armée régulière ont été envoyées le 20 septembre dans la capitale Ouagadougou, afin de court-circuiter cette colère croissante des masses. La première chose que l’armée a faite en réinvestissant la capitale a été d’ordonner aux manifestants de rentrer à la maison. L’armée avait exprimé son opposition au coup d’État dans un ultimatum aux putschistes, par lequel elle réclamait la réinstallation immédiate du gouvernement de transition. Or, il était clair que cette même armée dans un premier temps n’était pas prête à mener une véritable bataille. C’est ce qu’on a vu avec l’accord détestable signé avec le RSP devant le Mogho Naba (le roi des Mossis, le chef traditionnel le plus influent du pays).

    Selon l’accord signé entre l’armée et le RSP, ce dernier devait quitter toutes les positions dont il s’était emparées à Ouagadougou, tandis que l’armée devait se replier à 50 km de la capitale et garantir la sécurité des membres du RSP et de leurs familles. Ce genre d’accord négocié par le plus important chef traditionnel et les puissances régionales montre bien que la classe dirigeante est fort consciente du fait que le véritable pouvoir ne se trouvait ni entre les mains du RSP, ni entre celles de l’armée, mais bien dans la rue. Les deux factions de la classe dirigeante, dans leur lutte pour le pouvoir politique, ont été contraints de trouver une stratégie pour faire retomber la colère des masses, de peur de voir ces mêmes masses s’emparer du pouvoir à leur place.

    C’est pour la même raison que la Cédéao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), agissant selon les ordres de ses maitres impérialistes (la France, l’Europe, les Nations-Unies) a bien été forcée d’exprimer son opposition à ce coup d’État. Le véritable souci de ces puissances n’est pas la démocratie pour les masses, mais bien au contraire, la crainte que de telles aventures militaires puissent déclencher une véritable révolte populaire qui irait jusqu’à menacer le système capitaliste lui-même. Sans compter le risque toujours présent d’instabilité politique, de guerres civiles, de rébellions et d’interventions militaires qui existe dans de nombreux pays du continent africain.

    L’ombre de Thomas Sankara s’étendait sur l’ensemble du mouvement qui a chassé Compaoré l’an passé et encore une fois cette année. Le capitaine Thomas Sankara, qui a dirigé le pays de 1983 à 1987, a été tué lors d’un coup d’État organisé par Blaise Compaoré et par le même putschiste d’aujourd’hui, Gilbert Diendéré. Pendant les quelques années passées au pouvoir, même s’il n’est pas parvenu à bâtir une véritable économie socialiste et démocratique, Sankara a captivé l’ensemble du continent par ses réformes socioéconomiques progressives ainsi que par sa rhétorique anti-impérialiste. Surnommé le « Che Guevara d’Afrique », l’image de Sankara montre à la jeunesse africaine la possibilité d’un autre mode de développement, qui tranche radicalement avec les dogmes néolibéraux et la logique irrationnelle du « marché » prescrite par le FMI et la Banque mondiale ; une logique qui produit des taux de croissance fantastiques tout en maintenant le peuple dans la pauvreté et en aggravant les inégalités.

    L’impérialisme est effrayé par l’idée que des mouvements populaires indépendants puissent se développer en Afrique parmi la jeunesse radicalisée et les masses des travailleurs et des pauvres. Cette frayeur s’est accentuée depuis les révoltes de masse de 2011 en Tunisie et en Égypte. L’impérialisme craint à juste titre que sans son intervention, ces mouvements pourraient dépasser les simples revendications démocratiques pour également s’orienter vers une lutte contre le système capitaliste et contre la domination impérialiste du continent, les véritables causes de la misère, de l’ignorance et de toutes les guerres.

    C’est pourquoi l’impérialisme a cru bon d’intervenir en Libye pour tuer Kadhafi, afin de couper court au mouvement qui avait pourtant tout d’abord commencé par une révolte populaire indépendante, pro-démocratique et anti-impérialiste. Le résultat aujourd’hui est la déstabilisation de la Libye et sa division entre divers groupes armés et milices sectaires, tandis que les conditions sociales n’ont plus rien à voir avec ce qu’elles étaient avant la révolte des masses.

    L’intervention de la Cédéao pourra-t-elle résoudre la crise politique au Burkina Faso ?

    La rapidité avec laquelle le pouvoir putschiste s’est désintégré au Burkina démontre l’énorme force que représentent les jeunes et les masses laborieuses du pays. À chaque étape de leurs négociations, les agents des différentes agences régionales et impérialistes, tout comme le gouvernement de transition, étaient conscients du fait que la seule solution de se sortir de cette crise était de trouver une solution qui puisse satisfaire les masses dans la rue. Par exemple, le plan proposé par la Cédéao de ne pas pourchasser les dirigeants du coup d’État et de laisser participer aux élections les politiciens pro-Compaoré a été rapidement jeté à la poubelle dès qu’il est apparue qu’elle était vomie par les manifestants et par la société civile, pour qui « Le général Diendéré a du sang sur ses mains, la garde présidentielle ne mérite aucun pardon ». Plusieurs personnes disaient aussi « Les propositions de la Cédéao ne sont pas acceptables. Nous allons prendre notre destin en main. Le futur de cette nation nous appartient à nous ». Le président de la transition Kafando a donc été forcé de se conformer à la pression de la rue en déclarant que « En ce qui concerne les propositions de la Cédéao pour une sortie de crise, il est évident que nous ne les suivrons que si elles prennent en compte les aspirations des Burkinabés ».

    À présent, la garde présidentielle tant détestée a été démantelée après une brève bataille. Les principaux responsables du coup d’État tels que Diendéré ont été arrêtés. Mais la vérité reste que le processus de transitions tel qu’il est à présent formulé ne peut déboucher que sur la formation d’un gouvernement pro-capitaliste qui va non seulement échouer à répondre aux aspirations de la masse des Burkinabés sur le plan socioéconomique, mais aussi très certainement encore plus aggraver la situation pour ces masses.

    En tant que marxistes, nous devons toujours être à l’avant de la lutte pour les droits démocratiques. Cependant, nous devons aussi toujours rappeler que le fait de remporter quelques droits démocratiques ne peut pas mener en soi à un véritable changement dans la vie de la population, pas tant que le système d’exploitation capitaliste ne sera pas remplacé par une alternative socialiste et démocratique.

    Nous parlons d’un pays où sur 18 millions d’habitants, 50 % ont moins de 500 francs par jour. Plus de 70 % de sa population est sans emploi. Le salaire minimum est de tout juste 30 000 francs. Le pays est classé 183e sur 186 pays en terme d’indice de développement humain (un indice prenant en compte le revenu, l’éducation et la santé des populations). Dans un tel cadre, il est évident que la seule voie qui s’offre véritablement aux Burkinabés est de ne pas avoir la moindre illusion dans l’une ou l’autre faction de la classe dirigeante capitaliste, civile ou militaire. Au lieu de ça, les masses laborieuses et la jeunesse doivent rester unies dans la lutte pour les droits démocratiques aussi bien que dans le combat pour mettre un terme à la misère de masse causée par le capitalisme.

    Pour une alternative socialiste populaire et indépendante

    La révolte populaire de 2014 au Burkina Faso a porté en avant le mouvement Balai citoyen, un mouvement de la société civile qui a joué un rôle crucial dans la mobilisation populaire qui a mené au renversement du régime de Compaoré, et à nouveau, à la défaite du général Diendéré. Même si les dirigeants de ce mouvement se disent inspirés par l’héritage de Sankara, les idées et le discours de ce mouvement restent très limités pour l’instant. Il est urgent et nécessaire de comprendre qu’il n’y aura pas de démocratie véritable, pas de fin à la misère qui prévaut dans le pays, tant que l’on n’aura pas construit un parti politique prolétarien et indépendant, qui représente les véritables intérêts de la majorité des masses pauvres et qui s’oriente dans une lutte pour sortir du système capitaliste. Cela veut dire que la classe des travailleurs doit s’organiser en-dehors de toute influence de la bourgeoisie et des partis et dirigeants pro-capitalistes qui dépendent de la bourgeoisie (nationale ou étrangère). Cette idée deviendra certainement de plus en plus populaire après les élections, lorsqu’il sera devenu clair aux yeux des masses qu’aucun des partis politiques en présence ne défend véritablement les intérêts des travailleurs, des jeunes et des pauvres.

    Une des principales faiblesses du mouvement de masse est que, bien que des travailleurs aient rejoint les manifestants dans les marches et sur les barricades à titre personnel, la classe ouvrière n’est pas intervenue dans le mouvement de façon organisée et en tant que classe, via ses propres organisations. Cela, malgré la présence de syndicats puissants tels que la Confédération générale des travailleurs du Burkina (CGTB), qui avait organisé une grève nationale de deux jours en 2008 contre la cherté de la vie.

    Alors que toute l’expérience historique nous montre que tant que la classe des travailleurs ne s’organise pas avec tous les pauvres pour mener une lutte révolutionnaire contre le capitalisme et pour une nouvelle société socialiste, une victoire permanente ne peut être assurée. Par conséquent, la lutte pour la démocratie et pour une vie meilleure nécessite que les mouvements de la société civile comme le Balai citoyen et les syndicats organisent une conférence nationale à laquelle seront conviés l’ensemble des travailleurs, des jeunes, des paysans, des chômeurs et des simples soldats et policiers qui eux aussi vivent dans une misère crasse. Cette conférence devra s’étendre à tous les quartiers, villages, écoles et entreprises du pays afin de débattre de la stratégie à adopter. Une telle conférence permettrait non seulement d’approfondir les échanges et les débats sur la nature des crises politiques et économiques qui frappent avant tout les travailleurs et les jeunes et sur la manière de défendre les droits démocratiques, sociaux et économiques de la population, mais constituerait également la plateforme rêvée en vue de la création d’une nouvelle formation politique prolétarienne, d’un parti politique des travailleurs, des jeunes et des pauvres, capable de se lancer dans la lutte pour le pouvoir politique.

    Ce n’est qu’en s’emparant du pouvoir politique par une révolution sociale que les travailleurs et les pauvres pourront commencer à envisager la possibilité d’en finir avec les crises économiques et politiques qui ravagent le Burkina Faso. Cela nécessite tout d’abord de faire passer les ressources et les richesses du pays entre les mains du public, sous le contrôle des masses laborieuses. Par exemple, les mines, le coton et les institutions financières doivent être nationalisées et gérées par des représentants élus des travailleurs. Ainsi, on sortirait d’une situation où les trois plus grandes banques du pays, qui contrôlent 60 % des capitaux, appartiennent à une petite élite d’hommes d’affaires nationaux ou étrangers. En récupérant la mainmise sur les secteurs stratégiques de l’économie, nationalisés sous contrôle démocratique des travailleurs et dans le cadre d’un plan socialiste, on verrait alors s’ouvrir la possibilité de mettre un terme à la misère et à la pénurie de masse. Ce sont ces éléments qui doivent se trouver au cœur du programme d’un nouveau parti des travailleurs indépendant, pour apporter la solution au marasme social et économique qui frappe les pauvres du pays, unir l’ensemble de la population à travers tout le pays, et éviter de plonger dans une guerre civile qui ne fera que desservir les intérêts des différents groupes bourgeois parasites qui luttent pour le pouvoir, soutenus chacun par différentes puissances impérialistes.

    Comme il est inévitable qu’un tel programme socialiste sera saboté et boycotté par l’impérialisme qui cherchera à contrer la volonté indépendante du peuple, il sera nécessaire d’appeler à la solidarité révolutionnaire des travailleurs et des jeunes de toute l’Afrique et du reste du monde pour contrer les velléités d’intervention contre-révolutionnaire.

    L’exemple des révolutions et mobilisations de masse en Afrique du Nord et au Moyen Orient en 2011 nous a bien montré qu’une révolution dans n’importe quel pays d’Afrique peut très rapidement s’étendre d’un pays à l’autre comme un feu de brousse en parcourant tout le continent, ce qui rendra impossible l’intervention impérialiste et nous permettra d’avancer vers la victoire.

  • Une militante expulsée d'Afrique du Sud

    Cette semaine, Liv Shange, membre du Workers and Socialist Party (WASP) en Afrique du Sud, a été forcée de quitter le pays. Liv a vécu 12 ans en Afrique du Sud, et y a eu trois enfants. Elle figure parmi les militants les plus éminents de la cause de la classe des travailleurs et s'est notamment illustrée dans la défense des mineurs contre les violences policières à Marikana. Le gouvernement refuse de l'accepter plus longtemps dans le pays, ce qui l'a force à temporairement retourner en Suède. Liv Shange avait déjà été politiquement active en Suède au sein du Rättvisepartiet Socialisterna, section du Comité pour une Internationale Ouvrière, et avait été conseillère municipale à Lulea. Le WASP a publié une déclaration en anglais concernant le départ forcé de Liv Shange et divers médias y ont également accordé de l’attention.

  • Nigeria : Élections 2015 : le parti au pouvoir s'effondre suite à des élections historiques

    Seule la lutte de masse pourra assurer la défense des intérêts des masses populaires sous la présidence Buhari

    buhari_nigeriaLes élections du 28 mars 2015 ont sans nul doute constitué un important point tournant dans l’histoire du Nigeria. C’est la première fois en 55 ans depuis l’indépendance du Nigeria qu’un parti dirigeant a été chassé du pouvoir par les élections – en l’occurrence, il s’agit du départ du Parti démocratique populaire (PDP) qui dirigeait le PAYS depuis maintenant 16 ans (soit depuis la fin de la dictature militaire en 1999). Bien que 14 partis et candidats aient concouru, le scrutin s’est essentiellement joué entre les deux principaux partis politiques de l’élite procapitaliste du pays : le PDP au pouvoir, et le Congrès panprogressiste (APC).

    Analyse du Comité exécutif national du Democratic Socialist Movement (DSM, CIO-Nigeria)

    Le vainqueur des élections est le candidat de l’APC, le général Muhammadu Buhari, un ancien dictateur militaire, musulman originaire du nord-ouest du pays, d’ethnie peule. Ces élections sont sa quatrième tentative de se faire élire. Il a obtenu 15 424 921 voix (54 %), remportant le scrutin avec 2,6 millions de voix de plus que le candidat du PDP et président sortant, Goodluck Jonathan, qui a reçu 12 853 162 voix. Ce n’est pas une très grande différence si on la compare aux résultats des autres élections qui ont eu lieu depuis le retour du régime civil en 1999, mais cela représente malgré tout une importante défaite pour le PDP.

    Le PDP sera désormais un parti minoritaire au sein de la prochaine Assemblée nationale, vu que l’APC, en même temps qu’il a remporté la présidence, a aussi gagné plus de 60 sièges de députés au sénat comme à la chambre des représentants. Cependant, malgré cela, l’APC n’a pas pu obtenir la majorité des deux tiers à l’Assemblée qui est nécessaire pour pouvoir faire passer des décisions importantes. Néanmoins, c’est la première fois que l’APC se retrouve en position de pouvoir nommer les responsables de l’Assemblée nationale.

    Les élections précédentes ont souvent vu le PDP se maintenir au pouvoir en utilisant la force conférée par son mandat présidentiel, les fonds étatiques, la police et de l’armée pour organiser une fraude électorale massive en sa faveur. La confiance que le PDP avait placée dans son immense machine de fraude électorale était telle qu’un des anciens présidents du parti a été jusqu’à proclamer que son parti allait encore certainement rester au pouvoir pour les 60 prochaines années.

    Mais ces élections ont consacré un transfert du pouvoir d’une section de la classe dirigeante à une autre faction de cette même classe. Pour la plupart des Nigérians qui ont participé aux élections, celles-ci ont représenté l’occasion de se débarrasser d’un gouvernement qui était fortement méprisé à cause de la politique antisociale menée, malgré le fait qu’il avait été porté au pouvoir par une vague de « relatif soutien populaire ».

    Mais en janvier 2012, soit un an à peine après son élection, Jonathan a surpris tout le monde en augmentant le prix de l’essence, qui est subitement passé de 65 à 140 naïras/litre (de 180 à 420 francs CFA/litre). Cette décision a provoqué la colère des masses ; des millions de travailleurs partout au Nigeria sont partis en grève générale.

    À présent, après que l’élite dirigeante à la corruption exubérante a dilapidé les bénéfices du cours élevé du pétrole pour son propre compte, la menace d’un redoublement de la politique d’austérité couplée à l’inaptitude du gouvernement à faire cesser l’insécurité représentée par Boko Haram n’ont fait que s’ajouter à la colère populaire qui s’est exprimée dans les urnes.

    Malgré le fait que le vainqueur de ces élections n’est jamais qu’un autre représentant de l’élite dirigeante capitaliste, les masses pauvres et laborieuses ont à présent pris la pleine mesure de leur pouvoir qui est la possibilité de punir un parti par la voie des urnes et de forcer un changement de gouvernement. « S’il n’y a pas de changement dans notre situation, alors nous allons changer de gouvernement tous les quatre ans » : cette phrase est devenue comme un refrain repris en chœur par toute une couche de la population.

    Pour les socialistes et pour les militants de gauche, cependant, il faut tirer les leçons de ces élections. Cela signifie par exemple que dans la période à venir, un parti politique prolétarien authentique pourrait émerger, se battre pour le pouvoir et gagner. Même s’il y a très peu de chances pour que le parti de la classe dirigeante accepte de céder le pouvoir de manière pacifique au cas où il serait battu lors des élections par un véritable parti du « changement », càd. un parti politique prolétarien qui remette fondamentalement en question les intérêts du capitalisme et les privilèges de l’élite dirigeante corrompue. Cependant, la confiance que les masses laborieuses et la jeunesse ont acquises en participant à ces élections sera cruciale pour mener à bien la construction d’une telle alternative politique prolétarienne de masse.

    Des manifestations de joie spontanées ont éclaté dans la soirée du mardi 31 mars dans de nombreuses villes comme Lagos, Ibadan, Osogbo et dans le nord du PAYS. La dernière fois où on a vu des élections susciter autant d’engouement populaire était les élections du 12 juin 1993, dont les résultats avaient été annulés par le régime militaire du général Badamosi Babangida.

    Il est certain qu’aucune des élections que nous avons connues depuis le retour à un régime civil il y a 16 ans n’a eu le même impact. Néanmoins, il faut tout de même remarquer que moins de la moitié des électeurs ont été voter : le taux de participation n’a été que de 43 %, ce qui montre que des dizaines de millions de personnes ne se sont pas senties concernées ou n’ont trouvé aucun candidat qui les arrange parmi les différents partis en lice.

    Pourquoi ce scrutin a été exceptionnel

    Plusieurs facteurs économiques et politiques expliquent pourquoi ces élections ont été si différentes :

    Le premier facteur est l’échec total du PDP sur le plan socio-économique. Ce parti n’a pas pu apporter la moindre amélioration à la vie des masses populaires du pays. Pendant 16 ans de pouvoir PDP, les masses laborieuses n’ont connu que la souffrance, une aggravation de leurs conditions de vie, sociales et économiques, alors qu’on ne faisait que parler d’une manne pétrolière.

    Malgré le fait que l’économie se soit accrue jusqu’en 2014 grâce à la hausse des cours du pétrole et à l’importance des exportations de pétrole brut, la grande majorité de la population n’a connu que la hausse des inégalités face à des hauts cadres de l’État qui ne faisaient que piller les finances publiques et se plonger dans la corruption. Le département de l’Énergie des États-Unis estime que le pétrole a fait gagner au Nigeria 200 000 milliards de francs CFA entre 2010 et 2014. Mais on n’a rien vu de cet immense revenu ni en termes de développement de l’infrastructure, ni en ce qui concerne les conditions de vie de la population.

    Le deuxième facteur très important est la crise économique qui touche le pays depuis à peu près juillet 2014, due à l’effondrement du cours du pétrole sur le marché mondial. Le pays s’est tout à coup retrouvé incapable de répondre à ses obligations du fait de la baisse de son revenu. 18 gouvernements régionaux doivent entre cinq et deux mois de salaires à leurs employés, y compris dans les États dirigés par l’APC qui vient de remporter les élections.

    Le pétrole compte pour 70 % dans le revenu du Nigeria et 90 % dans le total de ses exportations. Le déclin du prix du pétrole a causé un trou dans les finances du pays : la Banque centrale du Nigeria estime que les réserves en devises étrangères ont encore diminué de 5 % au mois de mars, pour ne plus s’élever qu’à 18 000 milliards de francs CFA. À cause de ça, la monnaie nationale, le naïra, est en chute libre : il a perdu 20 % de sa valeur contre le dollar (il y a un an, 1 dollar coutait 160 naïras, mais aujourd’hui c’est 200 naïras), ce qui pèse très fortement sur les performances des banques et sur les opérations des industriels et des importateurs.

    Juste après les élections, le magazine The Economist de Londres écrivait que « l’inflation qui est à présent de 8,4 % … pourrait atteindre les 15 % d’ici la fin de l’année », et que la forte baisse du revenu pétrolier pourrait vouloir dire qu’« il faudra plus de coupes budgétaires. Les projets de construction de routes et autres seront sans doute gelés parce qu’il n’y a plus d’argent pour payer les constructeurs ».

    Tout cela cause de l’inquiétude parmi les investisseurs dont la profitabilité est menacée. Mais surtout, cela suscite évidemment aussi la colère parmi les masses populaires qui, même si elles n’avaient rien gagné de la hausse du prix du pétrole, voient pourtant depuis peu leurs conditions de vie fortement empirer à cause de la baisse de ce même prix. Il n’est donc pas surprenant de constater que mis à part la rébellion de Boko Haram, l’enjeu le plus important de la campagne pour tout le monde était l’économie, notamment la gestion du revenu national et la corruption du régime.

    Le troisième facteur qui a contribué à l’engouement populaire lors de ces élections est la perception selon laquelle la présidence Jonathan a été le gouvernement capitaliste le plus incompétent qu’a connu le PAYS depuis 1999. Jonathan avait été élu avec un assez large soutien populaire en 2011, bénéficiant de 24 millions de voix (c’est à dire presque autant de voix que celles que lui et Buhari ont obtenues ensemble cette année !). Les masses pauvres du pays avaient vraiment espéré que ce cadre du PDP assez peu connu, issu d’un milieu pauvre, qui déclarait qu’il n’avait même pas de chaussures à ses pieds pour aller à l’école quand il était enfant, allait enclencher un nouveau développement économique et social qui allait permettre au pays de progresser avec toute la population.

    Mais tout comme les camarades du DSM (Mouvement socialiste démocratique, section du CIO au Nigeria) l’avaient expliqué, la présidence Jonathan était un gouvernement capitaliste qui œuvrait dans les intérêts de ce système et de l’impérialisme. Sa politique antisociale de privatisation a été une catastrophe pour les travailleurs et les pauvres. De même en ce qui concerne la corruption à grande échelle de son gouvernement et son échec à tous points de vue, y compris face à la rébellion du Boko Haram dans le Nord-Est.

    C’est ainsi que huit mois à peine après avoir été élu, le président Jonathan a été confronté dès janvier 2012 à un mouvement de masse à l’échelle nationale accompagné d’une grève générale, déclenché par le triplement du prix de l’essence à cause de l’abandon des subsides étatiques.

    Dans ce contexte, de nouvelles divisions se sont ouvertes au sein de la classe dirigeante, et de nouvelles alliances ont été nouées entre les divers clans rivaux, culminant avec l’abandon de Jonathan par l’ancien président Obasanjo et une épidémie de départs du PDP. Son autorité affaiblie, Jonathan a rapidement vu les principales puissances impérialistes prendre leurs distances par rapport à lui.

    Malgré la nature bourgeoise de celui qui a gagné les élections, la défaite de Jonathan et du PDP est un évènement qui mérite d’être célébré ; il s’agit d’une défaite bien méritée. Déjà en janvier 2012, alors que le mouvement de contestation atteignait son paroxysme, les masses avaient appelé à la chute du régime Jonathan.

    Donc, en réalité, le gouvernement antisocial du président Jonathan aurait déjà dû avoir été dissout dès 2012 ; la seule chose qui l’a sauvé a été la trahison de la direction du Congrès nigérian du Travail (NLC) et du Congrès des syndicats (TUC) qui, apeurée par l’ampleur de la radicalisation qui se développait dans la rue et qui était en train de donner naissance à un sentiment révolutionnaire dans tout le Nigeria, a appelé à mettre fin à la grève sans avoir obtenu la moindre revendication, pas même le retour des subsides étatiques sur l’essence (sans parler de la chute du gouvernement).

    Donc au vu de tout cela, les élections du 28 mars 2015 ont essentiellement constitué un référendum sur la présidence de Jonathan. D’une certaine manière, c’était également un verdict populaire contre l’inefficacité et la tactique de collaboration de classes suivie par la direction syndicale. Dans tous les cas, c’est cette revendication politique, formulée dès janvier 2012, que les masses rendues furieuses par la politique antisociale et procapitaliste du gouvernement PDP en plus de tous ses échecs (notamment vis-à-vis du Boko Haram) ont à présent concrétisée dans les urnes.

    Buhari

    Le quatrième facteur dans ces élections a été la candidature du général Muhammadu Buhari, un ancien dictateur militaire qui a dirigé le Nigeria de son coup d’État de décembre 1983 jusqu’au coup d’État d’août 1985 qui l’a chassé du pouvoir. Pendant ses vingt mois passés à la tête de l’État, il avait entrepris beaucoup d’efforts pour mettre un terme à la corruption et au gaspillage de l’argent public, mais avait en même temps perpétré de nombreuses attaques contre les droits démocratiques, avec la fermeture de plusieurs journaux, la censure, l’expulsion des travailleurs immigrés, la répression brutale des grèves et des manifestations, et des licenciements collectifs pour les travailleurs grévistes. Tout cela avait été accompagné par une politique d’austérité capitaliste destinée à freiner les dépenses publiques par des coupes budgétaires drastiques.

    Il est intéressant de constater que le régime Buhari avait rompu les liens avec le FMI lorsque cette institution avait ordonné à son gouvernement de dévaluer le naïra de 60 % ; cependant, les réformes qu’il avait mises en place par lui-même étaient tout aussi rigoureuse et brutales que celles exigées par le FMI. Par exemple, Buhari avait décidé d’arrêter les subsides aux restaurants étudiants sur les campus des universités publiques, ce qui avait suscité une opposition de masse, en particulier de la part des étudiants. En 1984, la Nans (Association nationale des étudiants nigérians), dirigée par Lanre Arogundade, avait organisé une grève et une marche nationale pour manifester contre les attaques antisociales de Buhari dans l’enseignement. Parmi les autres mesures prises par lui à l’époque, on peut citer la fin du recrutement au service civil fédéral et l’arrêt de plusieurs grands projets d’État.

    Il ne fait aucun doute que le régime Buhari de 1983-85 s’est véritablement démené pour faire cesser la corruption et le gaspillage. Parmi ses efforts, on peut citer l’arrestation de nombreuses personnes accusées de détourner les fonds publics, de spéculateurs et de blanchisseurs d’argent, ainsi qu’un décret pour condamner à la peine de mort les coupeurs de route et braqueurs, qui a été appliqué avec effet rétroactif (en violation flagrante de tous les droits démocratiques). Cependant, et comme c’est bien souvent le cas de la part des réformistes procapitalistes, la plupart de ces actions ont échoué pour la bonne raison qu’elles cherchaient à soigner les sympto?mes de la maladie plutôt que la véritable racine du problème : le système capitaliste qui est la source fondamentale de la corruption.

    De plus, certaines de ces actions étaient ciblées et visaient des critiques du régime. C’est ainsi que le grand chanteur d’afrobeat Fela Kuti, qui avait beaucoup critiqué Buhari, a été arrêté le 4 septembre 1984 à l’aéroport de Lagos au moment où il allait prendre son avion avec son groupe pour aller jouer aux États-Unis. Fela était accusé d’avoir exporté de l’argent étranger illégalement, alors qu’il était évident que cette opération avait pour but le financement de ses musiciens qui étaient déjà partis sur le terrain pour préparer sa tournée américaine. Son arrestation a suscité un scandale au Nigeria et un peu partout à l’étranger, avec des déclarations d’Amnesty International, etc. Mais cela n’a pas empêché que Fela soit enfermé pour cinq ans.

    On a aussi vu de nombreux journalistes comme Tunde Thompson et Nduka Irabor du Guardian se faire arrêter au nom du fameux « décret nº4 » selon lequel était interdite tout « fausse accusation » envers des cadres du régime.

    Par contre, au même MOMENT, le 10 juin 1984, l’émir de Gwandu (un émirat haoussa du nord-ouest du PAYS), dont le fils était l’aide-de-camp de Buhari, est revenu d’Arabie saoudite avec 53 valises remplies de billets de banque sans qu’aucune de ces valises ne soit contrôlée par la douane à l’aéroport.

    En même temps, Buhari a aussi lancé une « guerre contre l’indiscipline » le 20 mars 1984, par laquelle le régime avait décidé de remédier à ce qu’il considérait comme un manque de moralité publique et de responsabilité citoyenne dans la société nigériane. Ainsi, les fonctionnaires qui arrivaient en retard au travail étaient humiliés et forcés de « faire la grenouille » devant les soldats. On forçait également les Nigérians « turbulents » à faire de jolis rangs aux arrêts de bus encadrés par l’armée, laquelle avait le droit de fouetter toute personne jugée « pas assez sage ».

    C’est pourquoi, malgré toutes les tentatives faites aujourd’hui par les propagandistes de son parti pour embellir son passé, le régime militaire de Buhari était à l’époque haï pour sa politique procapitaliste brutale et pour ses nombreuses attaques à l’encontre des droits démocratiques, des droits de l’homme et des conditions de vie.

    Mais malgré toutes ces caractéristiques dictatoriales et procapitalistes de Buhari, il reste perçu par les populations pauvres du nord du pays (et également à présent par de larges couches des masses populaires et des jeunes des villes du Sud) comme une personne incorruptible, au train de vie modeste voire austère, qui a toujours refusé de vivre dans le luxe affiché par les anciens dirigeants du pays. Les populations pauvres du Nord voient aussi Buhari comme quelqu’un qui ne fait pas partie de l’élite bourgeoise ni de l’aristocratie haoussa/peule qui détient le pouvoir dans le nord du pays.

    C’est donc cette combinaison de plusieurs facteurs : l’image de Buhari, l’absence d’une alternative politique prolétarienne authentique et crédible, l’abandon de la lutte par la direction syndicale, en plus de l’incompétence flagrante du gouvernement Jonathan, qui a suscité toute cette popularité et cet enthousiasme dans le cadre de ces élections. Il ne faut par conséquent pas considérer ce résultat comme étant un plébiscite en faveur de Buhari et/ou de l’APC.

    Buhari et l’APC sont plutôt les bénéficiaires d’un désir ardent de dégager un gouvernement antisocial qui avait échoué à tout point de vue. Si un véritable parti prolétarien de masse avait pu mener campagne avec un programme politique et économique socialiste et anticapitaliste, Buhari et l’APC n’auraient sans doute pas pu constituer un tel point de ralliement ; parce que la population aurait vu qu’il aurait existé une véritable alternative par rapport à la corruption, à la décadence et à l’arriération représentée par le PDP autant que par son frère jumeau qui est l’APC.

    Cependant, confrontées à la possibilité d’un nouveau mandat de quatre ans pour le PDP qui promettait un nouveau tour de politique antisociale, les masses laborieuses ont décidé que Buhari représentait le « moindre mal » ou, selon le bon mot du magazine The Economist : « le moins affreux des deux ».

    Les pièges ethniques et religieux

    Malheureusement, l’éternelle division du Nigeria selon des lignes ethniques et religieuses s’est inévitablement invitée dans la campagne électorale. Cela ne veut cependant pas dire que les facteurs ethniques et religieux ont été aussi déterminants que lors des élections précédentes. Mais cela démontre qu’à cause de la question nationale du Nigeria qui reste jusqu’ici non résolue, l’élite dirigeante nécoloniale et procapitaliste du Nigeria, qu’il s’agisse du clan rangé derrière le PDP ou de celui de l’APC, reste incapable de formuler un véritable discours politique pour tout le Nigeria sans que la question ethnique ou religieuse ne pointe encore et toujours sa vilaine tête. Il suffit de jeter un œil aux résultats région par région pour s’en rendre compte.

    Par exemple, mis à part le Sud-Ouest (région de Lagos et pays yoruba) où les deux candidats ont obtenu à peu près la même proportion de voix, Jonathan et Buhari ont obtenu des votes massifs et décisifs dans les régions dont ils sont originaires. Buhari, un musulman nordiste, a obtenu 1,9 millions de voix dans la ville de Kano ; Jonathan, un chrétien sudiste, a quant à lui reçu 1,4 millions de voix dans l’État des Rivières (région de Port Harcourt dans le delta du Niger, en pays igbo). Le taux de participation au Nord comme au Sud était aussi bien plus élevé qu’au Sud-Ouest. Dans le Sud-Ouest, le facteur ethnique et religieux a eu très peu d’importance (mis à part certaines personnes originaires de l’Est, du delta du Niger ou du Nord qui ont voté selon des lignes ethniques) vu qu’aucun des candidats ne venait de cette région.

    Mais surtout, les masses laborieuses de la région ont déjà connu des gouvernements PDP et APC au niveau régional, qui ont tous rivalisé dans la politique antisociale et dans la corruption. Quatre États du Sud-Ouest sont dirigés par l’APC. Le plus important d’entre eux est l’État de Lagos, qui est dirigé par l’APC depuis MAINTENANT 16 ans. Ce parti n’a jamais rien fait pour améliorer le sort de la grande majorité des pauvres Lagotiens.

    Tout en affirmant vouloir transformer Lagos en une « métropole moderne », le gouvernement APC de Lagos a perpétré des attaques brutales sur les masses laborieuses. Les chauffeurs de taxi-moto se sont fait ôter leur revenu, les chauffeurs de bus et de taxi sont constamment harcelés par toutes sortes de taxes de même que les artisans et les commerçants ruinés par les impôts, les médecins du public et autres fonctionnaires qui s’étaient vus contraints de partir en grève se sont faits licencier pour ce motif, etc.

    Il y a trois ans, les frais d’inscription à l’université publique de Lagos sont passés de 75 000 francs CFA à un million de francs par an ! Ce n’est que par une lutte de masse des étudiants, alliés au personnel de l’université, à laquelle ont activement participé aussi la Campagne pour le droit à l’enseignement et le Front d’action uni, que le gouvernement a été forcé d’annuler cette hausse des frais.

    Dans d’autres États dirigés par l’APC, comme l’État de Osun, les fonctionnaires n’ont pas été payés depuis cinq mois. Alors que les gouvernements régionaux prétendent que leurs finances sont à sec à cause de la baisse du cours du pétrole, ces mêmes gouvernements régionaux ont trouvé les moyens pour financer la campagne électorale de l’APC.

    Tout cela a créé parmi la population du Sud-Ouest un sentiment d’indifférence par rapport au jeu politicien entre le PDP et l’APC. C’est pour cela que les deux partis ont obtenu à peu près les mêmes scores dans la plupart des États du Sud-Ouest. À Lagos, seuls 1 495 975 personnes sont venues voter sur un nombre total d’électeurs de 5 827 846, soit un taux de participation d’à peine 26 %. Cela montre bien que les gens sont fatigués et de l’APC et du PDP, mais sans qu’aucune alternative ne soit proposée. Si à Lagos, 792 460 personnes ont voté pour Buhari et 632 327 pour Jonathan, le troisième candidat, celui de l’Alliance pour la démocratie, n’a obtenu de son côté qu’à peine 4453 voix.

    Bien entendu, contrairement à 2011, le PDP a perdu de nombreux États qui avaient autrefois voté pour lui au Nord comme au Sud, tandis que Buhari a obtenu pour la première fois dans l’histoire de son parti un très grand nombre de voix dans le Sud, y compris la majorité dans cinq des six États du Sud Est (delta du Niger). La doctrine de « changement » promue par l’APC a certainement eu un effet sur les électeurs au-delà des divisions ethniques et religieuses. Les efforts du PDP pour effrayer les électeurs chrétiens en leur racontant que « Buhari cherche à islamiser le Nigeria » n’ont pas eu le moindre effet.

    Il est instructif de noter que Buhari a obtenu un important soutien dans les États centraux, dont la population est essentiellement chrétienne. Il y a gagné la majorité dans quatre des six États. Dans ces États, surtout dans l’État de Benué (où vit l’ethnie Tiv, chrétienne), la population a mis de côté la question religieuse pour punir le gouvernement PDP qui ne payait pas les salaires des enseignants et à cause de qui les écoles ont été fermées pendant plusieurs mois entre 2013 et 2014 alors que le pétrole se vendait toujours au-dessus des 100 $ du baril. En outre, les fonctionnaires de cet État n’ont pas été payés depuis six mois.

    Mais d’un autre côté, Buhari a pu compter sur les voix des Nordistes qui lui ont permis de remporter les élections de manière décisive. S’il est vrai qu’on a vu la population fêter la victoire de Buhari dans tout le pays, y compris à Port Harcourt (qui est la base de Jonathan), cela ne fait que masquer la division ethnique qui reste cachée telle une bombe à retardement.

    Chose étonnante, c’est le journal The Nation, l’organe de l’APC, qui a été le premier à annoncer cette inquiétude dans la presse bourgeoise du Nigeria. Dans son édition du 1er avril consacrée aux résultats des élections, son rédacteur en chef Emmanuel Oladesu a souligné les points suivants : « Contrairement aux élections du 12 juin 1993 qui avaient élu le candidat du Parti social-démocrate, feu chef Moshood Abiola, le mandat octroyé au général Buhari pourrait ne pas être perçu comme un mandat pannigérian, vu le vote qui s’est beaucoup exprimé selon des lignes ethniques ou religieuses ».

    Poursuivant, il écrit : « La position prise par le Nord musulman dans la bataille pour la présidence a été clairement façonnée par son désir de voir un changement de pouvoir. De même, le comportement des électeurs dans le Sud et le Sud-Est a également été influencé par la question ethnique et religieuse ». Dans son commentaire sur le nouvel alignement des forces politiques causé par les résultats électoraux, Emmanuel Oladesu dit aussi que : « L’alliance apparemment naturelle entre le Nord et le Sud/Sud-Est qui datait d’avant la Première République a maintenant disparu. Pour la première fois, c’est le Sud-Ouest et le Nord qui semblent s’être mis d’accord ».

    Même si cette problématique a pour l’instant été mise en sourdine par le fait que le président Jonathan a admis sa défaite publiquement et immédiatement même avant que tous les votes ne soient comptés, le mécontentement ethnique va inévitablement revenir sur le devant de la scène à partir d’un certain moment.

    Ceci, parce que le capitalisme – que Buhari et son parti l’APC comptent bien perpétuer avec leur accès au pouvoir – est à sa base un système injuste qui empêche toute distribution équitable des richesses, puisqu’il a pour mécanisme leur concentration entre quelques mains. Seule une action décisive du mouvement syndical peut unifier les luttes de la population ; par contre, sans cette unification, le mécontentement des masses pourrait prendre un caractère ethnique ou religieux. Les factions rivales au sein de la classe capitaliste peuvent chercher à exploiter les divisions ethniques. Ce n’est donc pas un hasard si, dans son allocution à la suite de la proclamation des résultats par la CEI, l’agent national du PDP, l’ancien ministre Godsdey Orubebe, a accusé le président de la CEI, M. Jaga, d’être un « tribaliste ».

    Cela pourrait signifier qu’à partir d’un certain moment, les habitants du delta du Niger et du Sud qui produisent le pétrole vont à nouveau commencer à se sentir marginalisés et délaissés, malgré le fait que la situation de la population de cette région ne s’est aucunement améliorée lorsque le « fils du Sud » Jonathan était au pouvoir. Dans la plupart des États du Sud, y compris l’État de Bayelsa où est né Jonathan, la majorité de la population reste pauvre, souffre de l’exploitation et de la répression par les multinationales pétrolières, n’ont pas accès à l’électricité, aux routes ou à l’infrastructure. De nombreux jeunes désespérés se lancent dans le raffinage informel du pétrole afin de survivre.

    Le magazine Financial Times le souligne également : « Selon des dirigeants politiques du delta du Niger, il y a un risque important que d’anciens militants qui ont profité de la présidence de M. Jonathan tentent à présent de se MAINTENIR coute que coute en provoquant des troubles » (31 mars 2015).

    Des élections pas si libres et ouvertes

    Comme la plupart des observateurs locaux et internationaux l’ont rapporté, ces élections se sont distinguées par un nombre qualifié de très bas d’irrégularités, de fraude et de violence. Cela n’a tout de même pas empêché, selon la Commission national des droits de l’homme, 50 personnes de se faire tuer pendant le vote samedi 28 mars. On a aussi entendu parler d’actes de violence dans l’État des Rivières, où quatre personnes ont trouvé la mort, y compris un soldat. Cela, malgré le fait que 360 000 policiers avaient été déployés dans tout le pays à des emplacements stratégiques avec des chiens renifleurs, etc. en plus de la mobilisation de l’armée.

    Dans son rapport, la Mission d’observation du scrutin de l’Union européenne a mentionné des failles dans le processus comme par exemple l’ouverture tardive de certains bureaux de vote, les dysfonctionnements de l’identification biométrique, certains incidents violents regrettables et la réouverture des bureaux le dimanche. Selon le Groupe de suivi de la transition, les voix de l’État des Rivières et d’autres États du Sud (base du président sortant Jonathan) semblent avoir été fortement gonflées pendant le comptage.

    Lundi, des milliers de manifestants ont assiégé le bureau de la CEI pour exiger la tenue d’un nouveau scrutin dans leur État. Lors d’un de ces accidents, le siège d’une délégation locale de la CEI dans l’État des Rivières a été incendié par les manifestants. On a également eu des rapports selon lesquels dans le Nord, qui soutient Buhari, des mineurs sont venus voter et les voix ont été exagérées lors du comptage.

    En outre, un des traits distinctifs de ces élections a été les sommes astronomiques dépensées tant par le PDP que par l’APC. Bien entendu, le PDP qui était le parti au pouvoir au niveau fédéral disposait d’une source quasi illimitée de fonds pour financer sa campagne. Le régime du PDP a mis à profit la période de six semaines de report des élections (du 14 février au 28 mars) pour dépenser des milliards et des milliards de naïras pour sa campagne avec des publicités, des meetings, des réunions avec divers regroupements et associations, des clips et des documentaires de propagande.

    Mais l’APC n’était pas loin derrière. Des milliards de naïras ont également été dépensés par l’APC qui a plongé les mains dans les finances de tous les États sous son contrôle. Cela explique en partie pourquoi dans de nombreux États, comme l’État d’Osun, les fonctionnaires n’ont pas été payés depuis cinq mois.

    Dès le départ, au moment de choisir les formulaires de vote, le PDP comme l’APC avaient déjà décidé que le résultat du scrutin serait une simple affaire de savoir qui des deux factions rivale de l’élite dirigeante allait dépenser le plus d’argent, tandis que les masses populaires étaient malheureusement reléguées au rang de simples spectateurs tout juste bons à applaudir l’un ou l’autre dirigeant.

    Malgré son discours contre la corruption et pour le « changement », Buhari a pris le formulaire de nomination présidentiel de l’APC pour 27,5 millions de naïras (80 millions de francs), tandis que le président Jonathan a payé 22 millions de naïras pour le formulaire du PDP (65 millions de francs).

    C’est une autre raison pour laquelle les illusions des masses dans la présidence de Buhari vont certainement être rapidement réduites à néant. C’est celui qui paye le musicien qui décide de la musique. Buhari a parcouru tout le PAYS d’un bout à l’autre en volant dans des jets privés : il n’aurait jamais pu se lancer dans une campagne aussi couteuse – bien plus couteuse que ses trois dernières campagnes réunies –, sans d’énormes investissements de la part des nombreux escrocs et détourneurs de fonds publics qui abondent au sein de l’APC.

    Ces individus vont à présent certainement exiger un retour sur investissement et des compensations en termes de contrats juteux et de mesures économiques favorables après l’intronisation de Buhari. Cela veut donc dire que, comme cela s’est passé avec tous les gouvernements précédents, malgré ses bonnes intentions affichées, l’argent censé financer l’enseignement, la santé ou les services sociaux terminera à la place dans les poches et sur les comptes en banque des riches soutiens et parrains de son parti, qui ne vont pas perdre de temps à s’emparer de leur part du gâteau dès que le nouveau gouvernement aura été mis en place.

    Les perspectives pour les masses populaires

    Les masses populaires, surtout les couches qui ont placé le plus d’illusions dans Buhari, vont entrer dans une nouvelle période où ces illusions seront soumises aux tests et vérifications les plus sévères. Il sera extrêmement important que les socialistes et les militants de gauche utilisent la période actuelle pour maintenir et renforcer les liens avec la classe des travailleurs, la jeunesse et les masses pauvres ainsi qu’avec leurs organisations afin de tirer ensemble les leçons que nous réserve la nouvelle période qui s’ouvre au Nigeria.

    À la suite de ces élections, l’enthousiasme délirant des dernières semaines semble en train de doucement faire place à une certaine sobriété. Même le journal Punch, dans son éditorial du mardi 2 avril 2015, a reconnu le fait que « Le Nigeria a déjà vu de fausses aurores auparavant, surtout après les élections générales de 2011, lorsque les électeurs ont porté Jonathan au pouvoir sur une vague de sympathie à la suite du décès soudain du président Umaru Yar’ Adua ».

    Il ne fait aucun doute que le nouveau gouvernement de Buhari va prendre le pouvoir dans une période extrêmement sombre pour le capitalisme. Les revenus d’État sont en chute libre à cause de l’effondrement du cours du pétrole. La naïra a perdu une grande partie de sa valeur, tandis que l’inflation s’est accrue de +0,25 points de pourcentage entre janvier et février pour atteindre 8,4 %.

    Après que ses prédécesseurs aient dilapidé la majorité du revenu provenant de la vente du pétrole lorsque l’économie se portait bien, le nouveau gouvernement va avoir relativement peu de moyens (pour un gouvernement capitaliste) avec lesquels démarrer. Pour ce gouvernement capitaliste dans lequel les larges masses populaires ont placé leurs espoirs et leurs aspirations à une vie meilleure, l’évolution de la situation économique va le restreindre sérieusement et le forcer à abandonner bon nombre de ses promesses à un moment où la population s’attend justement au « changement ». Il ne fait aucun doute que le gouvernement Buhari sera un gouvernement de crise.

    Le gouvernement entrant, malgré l’intégrité personnelle de Buhari, ne sera jamais qu’un autre gouvernement capitaliste, càd. un gouvernement dont l’objectif est de rendre les riches plus riches et ce, aux dépens de la majorité pauvre, via une politique de privatisation, de commercialisation et de soi-disant « partenariats publics-privés ». Né il y a deux ans de la fusion de différents partis d’opposition et de personnes qui ont quitté le PDP au pouvoir, l’APC qui a choisi Buhari comme son candidat aux élections est un parti procapitaliste qui s’inscrit dans la même idéologie de privatisation et de dérégulation que le PDP, et a déjà démontré dans les États où il a remporté les élections, qu’il est bien plus efficace en tant que défenseur du capitalisme.

    Le journal The Guardian du 2 avril 2015 a fait état de l’enthousiasme sur les marchés à l’annonce de la victoire de Buhari. Selon un rapport, la capitalisation sur le marché à la bourse du Nigeria s’est accrue de 8,5 % mercredi, soit 906 milliards de naïras de plus (2700 milliards de francs). Les opérateurs expliquent que « On n’a jamais connu un tel rebond du marché dans toute l’histoire de notre bourse informatisée ». Un courtier a décrit cette amélioration comme étant un signe de « retour de la confiance des investisseurs ».

    Le naïra a lui aussi opéré un brusque demi-tour en reprenant de la valeur face aux principales devises alors qu’il ne faisait que baisser jusqu’ici. Le directeur exécutif de Highcap Securities Limited, M. Tunde Adanri, a résumé cette humeur en disant qu’il espère que le nouveau régime soutiendra l’enthousiasme des investisseurs en mettant en œuvre des « mesures économiques tournées vers le marché ».

    Cela veut dire que, après quelques concessions temporaires faites au départ afin de répondre quelque peu aux attentes des masses, il est plus que certain que la politique de l’administration Buhari sera la même que celle suivie par les gouvernements précédents, faites de mesures procapitalistes telles que la privatisation, la dérégulation, le sous-financement de l’enseignement, la hausse des frais d’inscription, etc. Cela signifie que le Nigeria restera plongé de manière indéfinie dans la même situation paradoxale d’une misère de masse au milieu d’une abondance de richesses.

    En particulier, en conséquence de la baisse du revenu national, le gouvernement va tenter d’imposer une politique d’austérité tout en lançant quelques actions symboliques de haut vol contre quelques personnes notoirement archicorrompues. Mais dans le contexte de chute du cours du pétrole, l’austérité constituera le gros de la politique qui se présentera au gouvernement Buhari. L’austérité va mener à des pertes d’emplois, à la dépression économique et à une aggravation des conditions de vie. Cela a été confirmé par le Financial Times du 31 mars 2015 pour qui « ayant pris le pouvoir dans une période tout aussi morose dans les années ’80, le général Buhari a déjà une bonne expérience pour ce qui est d’imposer l’austérité ».

    Cependant, les masses laborieuses et la jeunesse dont la puissance a fini par dégager le gouvernement PDP ne vont pas rester là à regarder sans rien faire tandis que leurs conditions de vie sont attaquées. La présidence Buhari pourrait par conséquent mener à une explosion de la lutte populaire. Des manifestations et grèves de masse pourraient être à l’ordre du jour tôt ou tard.

    On peut voir un développement de luttes qui, si elles sont menées de manière décisive, pourraient arracher des concessions. Mais dans ce contexte de crise, ces concessions ne seront que temporaires. Ce dont nous avons besoin est un mouvement qui se batte pour une rupture complète avec le système capitaliste.

    Au fur et à mesure que la déception envers le gouvernement Buhari se répandra et que les masses commenceront à ouvrir les yeux, de plus en plus de gens vont partir en quête d’une alternative. Mais si le mouvement syndical, les socialistes et les militants de gauche ne sont pas prêts avec une alternative politique sous la forme d’un parti prolétarien de masse, il y a un risque que des couches de la population et de la jeunesse déçues placent à nouveau leurs espoirs dans un autre parti ou candidat de la même élite dirigeante capitaliste. Au niveau régional, nous avons d’ailleurs déjà vu le pouvoir passer du PDP à l’APC et vice-versa sans que cela n’amène le moindre changement dans les conditions de vie des masses.

    C’est pourquoi la meilleure façon d’éviter de se retrouver à nouveau dans cette situation où la classe des travailleurs met sa foi dans l’une ou l’autre faction bourgeoise rivale de laquelle elle attend un salut qui ne vient jamais, est que les syndicalistes, les socialistes et les militants de gauche commencent la tâche cruciale de la construction d’une alternative politique sous la forme d’un parti prolétarien de masse.

    Nous, membres du DSM (section nigériane du CIO) et du Parti socialiste du Nigeria (SPN), réitérons donc notre appel au mouvement syndical à se hâter, en particulier suite à ces élections de 2015, de convoquer un congrès des syndicats, des socialistes et de la société civile où pourra être posée la question de la construction d’un parti politique prolétarien de masse représentant une véritable alternative.

  • Allégeance de Boko Haram à l'Etat Islamique : propagande ou menace réelle ?

    bokoharam_EILe groupe islamique fondamentaliste nigérian Boko Haram s’est récemment formellement affilié à l’Etat Islamique d’Irak et de Syrie. Depuis un certain temps maintenant, le leader de Boko Haram Abubakar Shekaku avait fait des signes d’ouverture au leader de l’Etat Islamique (EI), Abu-Bakr al-Baghadi, dans des messages audio et des vidéos notamment.

    Par H.T Soweto, Democratic Socialist Movement (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Nigéria)

    L’Etat Islamique est une branche du noyau dur d’Al-Qaïda qui a déjà établi un califat dans des territoires capturés dans certaines partie d’Irak et de Syrie. Comme Boko Haram, l’EI est une secte islamique sunnite qui se dévoue à une interprétation extrémiste du Coran. Ceci signifie une opposition à l’éducation occidentale, l’interdiction de boire, fumer ou encore bannir les élections et les droits démocratiques. ISIS souhaite établir un califat appliquant la Charia et dirigé par un seul chef, le calife. Le groupe est connu pour ses vidéos macabres de décapitations, d’exécutions de masse, de crucifixions, d’asservissement de femmes et le meurtre de quiconque se tient sur le chemin de leur programme sectaire.

    Porté par le succès enregistré lors de ses campagnes militaires, des tentatives ont été faites de décrire cette alliance comme rien de plus qu’une propagande pour Boko Haram comme pour l’EI. Par exemple, Simon Tisdall du Guardian (Londres) écrit qu’ « il est peu probable que la nouvelle alliance, unilatéralement proclamée dans le week-end par le leader de Boko Haram Abubakar Shekaku, mène à des opérations conjointes sur le terrain. Cela pourrait en fait plutôt être un appel à l’aide étant donné les récentes défaites subies par Boko Haram ». Mais il est également prompt à reconnaître que les implications vont au-delà de cela. Selon lui, « Pour l’EI, l’offre de Boko Haram d’une alliance idéologique est un boost pour sa propagande qui lui confère une crédibilité internationale. Pour Boko Haram, l’aura de l’EI et les zones non-gouvernées du Sahel fournissent potentiellement de nouvelles connexions vers d’autres conflits dans le monde musulman en termes de recrues, d’armes, de finances, de technique et d’intelligence. Pour les gouvernements occidentaux, ce scénario évoque leur pire cauchemar- la perspective d’un djihad uni et globalisé » (Guardian (Londres) 9/3/15).

    Le lien maintenant formellement établi entre l’EI et Boko Haram fait potentiellement du Nigéria la destination préférée pour toutes sortes de djihadistes-en-devenir qui n’auraient pas pu franchir la frontière vers la Syrie ou l’Irak pour rejoindre l’EI. La sophistication que ces djihadistes étrangers peuvent apporter amène sur la table la perspective effrayante que, même si bouté hors des territoires capturés, Boko Haram puisse continuer à être une menace pour les peuples du Nigéria et ses voisins, à travers des attentats suicides, des kidnappings etc. Ceci signifie également que le Nigéria pourrait devenir dans la prochaine période un centre global du djihadisme, avec toutes les conséquences que cela entraîne.

    Dans sa déclaration où il acceptait l’allégeance de Boko Haram, le porte-parole de l’EI Abu Muhammed Al-Adani a appelé les musulmans qui ne peuvent rejoindre l’EI en Irak ou en Syrie à s’engager dans les combats en Afrique en disant que l’engagement de Boko Haram avait ouvert « une nouvelle porte pour émigrer en Terre d’Islam et se battre » (Guardian (Londres), 9/3/15).

    Si cela arrivait, cela signifierait certainement qu’une fin à l’insurrection de six ans est loin d’arriver malgré quelques victoires substantielles sur le plan militaire. Cela signifierait même plutôt que Boko Haram en alliance avec d’autres groupes en Libye, en Egypte et en Algérie pourraient développer des attaques contre des intérêts locaux et étrangers à l’intérieur même de l’Afrique. C’est la forme que pourrait prendre une « opération conjointe ». Par exemple, le Punch du 12 mars reporte que « un législateur américain, Stephen Lynch, est actuellement au Nigéria en concertation avec le gouvernement fédéral pour revoir la sécurité de l’ambassade américaine » en raison des récentes explosions à Maiduguri « et le gage d’opérations conjointes avec l’Etat Islamique d’Irak et de Syrie ». Ce n’est pas une réaction de panique. Même en soi-même, Boko Haram a démontré qu’il avait une force de frappe et une capacité largement plus grande que simplement les attaques envers l’état nigérian. Le vendredi 26 août 2011, le groupe revendiquait l’explosion d’une voiture au bâtiment des Nations Unies dans la capitale nigériane Abuja, qui a fait 21 morts et 60 blessés.

    L’entrainement que l’EI peut fournir à Boko Haram est également significatif. Selon la BBC (13/3/15), même l’ancien Président Goodluck Jonathan a déclaré dans Voice of America (VOA) que « les militants de Boko Haram voyagent jusqu’aux camps de l’EI pour s’entrainer ». Des experts ont également pointé le professionnalisme de certains enregistrements vidéos de Boko Haram, mettant en évidence le fait qu’ils aurait pu recevoir de l’aide de l’EI, qui est largement connu pour ses vidéos de propagandes professionnelles ainsi qu’une forte présence sur les réseaux sociaux.

    La résistance de Boko Haram et sa capacité à rebondir sont aussi significatives. Dans une certaine mesure, Boko Haram partage certaines méthodes et des aires géographiques avec le mouvement Maitasine qui a culminé dans la première moitié des années ’80 dans des combats qui ont coûté la vie à près de 4000 personnes. Plus tard, en 2009, Boko Haram, qui attira ensuite des masses de gens pauvres et de jeunes désillusionnées dans l’état de Borno par son enseignement de la Charia et sa critique des excès des élites corrompus, s’est fait connaitre du grand public par une sanglante répression par l’état où furent massacrés beaucoup des membres de Boko Haram dont son fondateur Mohammed Yusuf, de façon totalement extra-judiciaire. Déjà là, ils furent capables de se reformer en peu de temps pour commencer des représailles sanglantes, qui continuent encore aujourd’hui et qui l’ont amené à contrôler actuellement une partie du Nigéria de quasiment la taille de la Belgique.

    Les forces de combat de Boko Haram sont estimées entre 6000 et 9000. Un analyste de la finance et de la sécurité anglais a estimé que les revenus annuels de Boko Haram tournaient autour de 10 millions de dollars US pour des demandes de rançon, des braquages de banques et des razzias de village (BBC News 26 janvier 2015). Alors que ces ressources ont pu être réduites à cause du recul de certains territoires occupés, il souligne cependant le potentiel de Boko Haram à rebondir, même même s’ils se trouvent enlisés l’offensive militaire en cours.

    C’est pourquoi il n’y a aucun optimisme à avoir malgré les quelques récentes victoires des assauts militaires. Par exemple, Boko Haram, peut-être par désespoir, apparaît aujourd’hui avoir changé de tactique. Il semble qu’ils se soient renouvelés dans les attentats suicides dans les parcs d’autobus, les marchés les lieux publics etc. contrôlés par l’armée, ce qui est un rappel inquiétant que malgré que les assauts militaires poussent Boko Haram sous terre, ceux-ci gardent la capacité de frapper n’importe où, n’importe quand. Alors que la fin des élections approche, il est incertain que le vote puisse prendre place dans le Nord-Est sans une menace d’attentats suicides à Maiduguri et d’autres villes dans les états de Borno, Yobe et Adamawa.

    La forte résistante à l’EI dans les zones kurdes d’Irak et de Syrie est un exemple de comment une population mobilisée peut vaincre Boko Haram, bien qu’en Irak et en Syrie il y ait un danger omniprésent de tomber dans une guerre religieuse ou ethnique. D’où l’appel constant du Democratic Socialist Movement (DSM) de construire des comités de défense armée multi-ethniques et multi-religieux indépendants de l’état mais sous le contrôle démocratique des communautés et du mouvement ouvrier pour protéger les communautés des attaques de Boko Haram. Mais l’insurrection de Boko Haram n’est qu’un produit de la non-résolution de la question nationale au Nigéria, qui n’est rendu possible que par une situation, induite par le capitalisme, avec une extrême pauvreté et un chômage massif à côté de richesses abondantes. À son paroxysme, une telle situation mène inéluctablement à des crises de violence et des extrémismes.

    Personne d’autre que l’ex-Président du Nigéria, Olusegun Obasanjo, a admis récemment que « Boko Haram a des griefs légitimes » (IBTimes UK, 16/3/2015). Selon lui « alors que 79% des Nigérians reçoivent une éducation dans le Sud-Ouest du pays et 77% dans le Sud-Est, dans les fiefs de Boko Haram dans le Nord-Est les taux ne se situent qu’à 19% ». Ces chiffres interpellants seuls montrent pourquoi un groupe terroriste peut émerger dans le Nord-Est contre l’éducation occidentale. Dans beaucoup de zones du Nord, l’éducation occidentale est vue comme un privilège de quelques riches suite au niveau rudimentaire des infrastructures d’éducation dans la région. Ceci arrive malgré que des membres de l’oligarchie corrompue du Nord aient gouverné le Nigéria, soit à la tête de l’armée soit dans le gouvernement civil, pendant plus de la moitié de l’histoire du pays depuis son indépendance. Plutôt que d’utiliser les ressources du pays pour développer l’éducation publique, les élites n’ont jusqu’à présent que largement utilisé ces fonds pour s’enrichir elles-mêmes, formant le lit pour un discours, comme celui de Boko Haram, qui lie « éducation occidentale » avec la corruption et présence cette éducation comme « anti-islamique ».

    Ce qui est responsable de cet état déplorable des choses est le capitalisme, qui a vu le Nigéria s’enrichir de quelques milliardaires alors que l’écrasante majorité des 170 millions d’habitants vit avec moins de 2$/jour. Même dans le Sud-Ouest aujourd’hui, l’Université est réservée aux riches, suite à l’augmentation des frais d’inscription. Aussi longtemps que subsisteront ces injustices socio-économiques, Boko Haram et d’autres formes d’extrémisme persisteront. C’est parce que beaucoup de gens, y compris de nombreux jeunes, continueront de se sentir marginalisés et aliénés par une société qui ne sert d’aux riches. En l’absence d’un mouvement de travailleurs qui met en avant énergiquement une alternative au capitalisme, ces éléments de la société seront prédisposés à tomber sous l’influence d’idées sectaires, qui tentent de substituer des idées réactionnaires, religieuses et ethniques à une compréhension de classe de comment la société est menée à l’oppression et à l’injustice par le capitalisme.

    Confier la sécurité des gens à un gouvernement corrompu qui est largement responsable de la situation n’est pas une solution. Il est nécessaire de répondre aux causes de ces mouvements comme à leurs conséquences.

    Il est donc essentiel de construire ces comités de défense armée dans chaque communauté pour combattre Boko Haram et chaque groupe extrémiste. Le mouvement des travailleurs a la tâche urgente de construire un mouvement de masse qui unit les ouvriers et les pauvres contre les idées sectaires autour d’un programme de lutte pour un salaire minimum, contre l’austérité qui se profile, contre les idées sectaires et pour l’amélioration des conditions de vie, des emplois et des services publics de santé et d’éducation. Un tel mouvement doit également mener le combat pour prolonger ces mesures par la construction d’une alternative politique de masse pour mettre fin au système injuste du capitalisme et instaurer un système démocratique et socialiste. Seul un gouvernement socialiste, formé et soutenu par la classe ouvrière elle-même est capable d’allouer judicieusement les vastes ressources du Nigéria pour prendre soin de tous, au Sud, à l’Ouest, à l’Est et au Nord du Nigéria, contrairement à la situation actuelle où à peine quelques personnes possèdent plus que 80% des Nigérians.

  • Afrique du Sud. Le WASP refondé en tant que parti révolutionnaire

    waspLe 14 Février 2015, à la veille de son deuxième anniversaire, les militants du Worker and socialist party se sont réunis à Johannesburg pour un bosberaad (réunion nationale) afin de faire le point et de discuter de l’avenir du parti. La réunion a pris la décision historique d’entamer une nouvelle étape dans la vie du parti: Le WASP va poursuivre sa construction en tant que parti révolutionnaire pour mieux poursuivre la lutte pour une société socialiste.

    Cela nécessite de mettre les structures de WASP en concordance avec son programme politique révolutionnaire en construisant le parti sur les principes d’un véritable centralisme démocratique. En outre, le WASP va s’affilier au Comité pour une internationale ouvrière (CIO) afin de contribuer à la lutte pour la création d’un parti révolutionnaire mondial. Ce processus débutera immédiatement et aboutir à une re-fondation du Congrès à la fin de l’année.

    Qu’a pu concrétiser le WASP?

    Durant la courte vie de WASP, beaucoup d’objectifs ont pu être réalisés. Les grèves suite au massacre de Marikana ont trouvé leur expression politique dans la création du WASP. De nombreux dirigeants du comité de grève ont été les fondateurs et premiers membres, dont le Comité de grève nationale qui s’est affilié au WASP en Mars 2013. Au plus fort de la grève, ce Comité national de grève a représenté 150 000 mineurs. Des mineurs de Nord-Ouest, Gauteng, du Cap Nord, Mpumalanga et Limpopo ont assisté au lancement de WASP le 21 Mars 2013.

    Le WASP a dirigé des protestations de masse des commerçants de rue à Johannesburg et des communautés locales à Limpopo. Nous avons gagné l’affiliation de membres importants, dont le syndicat radical des transports NTM et Moïse Mayekiso, le premier secrétaire général du NUMSA (National Union of Metalworkers of South Africa, la plus grande centrale professionnelle d’Afrique du Sud, NDT). Le WASP a donné naissance à une aile jeune : le Mouvement des jeunes socialistes qui est maintenant une force puissante sur les campus. Surtout, le WASP a démontré son sérieux en participant aux élections de 2014. L’existence de WASP a aiguisé les débats au sein de la classe ouvrière et a servi à l’orienter vers la création d’un parti ouvrier de masse.

    Pourquoi le WASP avait-il été fondé?

    Nous avons fondé le WASP pour aider la classe ouvrière à franchir une étape vers la création d’un parti ouvrier de masse. Pour réunir autant de militants que possible, le WASP a été fondée comme un parti fédéral permettant à ceux qui s’identifiait avec la bannière du WASP de conserver leur propre identité tout en collaborant dans le cadre du WASP. La base politique pour s’affilier au WASP était l’accord avec les principes suivants: (1) Le WASP est un parti ouvrier, (2) il est socialiste, et (3) il est basé sur les luttes de la classe ouvrière. Le WASP serait une «large église» tant qu’il y aurait accord sur ces idées de base.

    Mais pour le Mouvement démocratique socialiste (DSM) – les co-fondateurs de WASP aux côtés des mineurs – WASP n’est pas une fin en soi. Le DSM estime que l’inégalité, le chômage et la pauvreté ne seront éradiqués par la classe ouvrière qu’en menant une révolution mettant fin au capitalisme et créant une société socialiste. Pour cela, la classe ouvrière a besoin d’un parti de masse révolutionnaire basé sur le marxisme et de cadres du parti disciplinés. Cependant, tandis que les couches dirigeantes de la classe ouvrière en particulier aspirent à une alternative à la gauche de l’ANC, la majorité de la population n’a pas encore une idée claire sur les tâches qu’impose la révolution socialiste.

    C’est pourquoi le DSM a plaidé pour la création d’un parti rassemblant une large masse des travailleurs afin d’aider la classe ouvrière à tirer les conclusions révolutionnaires nécessaires. En lançant le WASP, nous avons franchis une étape pour aider à un tel parti à voir le jour. Un parti qui pourrait unir les luttes de la classe ouvrière – la lutte ensemble est a meilleure des écoles- et qui permette des débats sur la société dont la classe ouvrière a besoin, le programme, la tactique et la stratégie pour y parvenir. Mais cela ne permettrait pas nécessairement, dans un premier temps, de développer une compréhension claire de ce que la lutte pour la transformation socialiste de la société implique. Pour cela, la combinaison de l’expérience de la lutte et de la présence au sein de ce parti d’un cadre marxiste révolutionnaire est nécessaire. Un tel noyau marxiste révolutionnaire ferait en sorte que les débats au sein de ce large parti de masse permettent à la classe ouvrière de comprendre la nécessité du socialisme et du marxisme. Ceci permettant de poser les bases d’un parti révolutionnaire de masse à l’avenir.

    Comment la situation a-t-elle changé en deux ans?

    Lorsque le WASP a été créé, il était seul. Mais maintenant, le FEP et NUMSA, deux organisations de masse très différentes, remplissent partiellement le paysage anti-ANC. ON doit compter aussi sur l’AMCU est une nouvelle force de masse reposant sur les travailleurs des mines avec une direction hostile au WASP. La lutte des classes ne va jamais de l’avant d’une manière linéaire. L’émergence de la FEP, de l’AMCU, et surtout la rupture du NUMSA d’avec l’ANC ; les initiatives que le NUMSA a prises à ce jour, y compris le lancement de son Front uni et les préparatifs pour un Mouvement pour le socialisme et un parti ouvrier, représentent un pas en avant pour la classe ouvrière. L’ancien soutien à l’ANC a disparu parmi les principales sections de la classe ouvrière et de la jeunesse et il y a une aspiration à une alternative. Mais aucune de ces organisations post-Marikana ne répond encore à ce dont la classe ouvrière a vraiment besoin. Au contraire, ils s’agit de premières expériences.

    Nous devons aider la classe ouvrière à éviter nombre d’impasses. Dans le NUMSA, il y a déjà deux positions opposées qui ont été adoptées sur les questions fondamentales de la nécessité du socialisme et d’un parti ouvrier. Dans le Front uni, la classe moyenne et la gauche académique jouent un rôle anti-parti et anti-marxiste, avec même des arguments anti-socialistes. Et même si le reste de la direction en faveur du lancement d’un nouveau parti a rompu de façon claire avec le Parti communiste d’Afrique du Sud, elle croit encore que la Révolution nationale démocratique (aboutissant à l’égalité des droits entre noirs et blancs, NDT) est “le plus court chemin vers le socialisme». Pour elle, il est juste nécessaire que la Charte de la Liberté (déclaration de principes adoptée entre autre par l’ANC et le parti communiste en 1955 et se prononçant pour l’égalité des droits et un programme de réformes sociales, NDT ) soit «radicalement» mise en œuvre. Pourtant, la révolution nationale démocratique est une révolution bourgeoise et la charte de la liberté n’est pas non plus un programme socialiste, ce que la direction du NUMSA reconnaît elle-même. En d’autres termes, la direction du NUMSA qui est en faveur de la création d’un nouveau parti (indépendant de l’ANC, NDT) est encore sous l’influence de la théorie des deux étapes stalinienne qui a conduit à des défaites désastreuses pour la classe ouvrière dans un certain nombre de pays au cours du siècle dernier.

    Dans le FEP, on trouve les positions erronées de l’ancienne direction de la ligue des jeunes de l’ANC, tel que la politique de nationalisation partielle. Il y a aussi les positions explicitement anti-ouvrières du nationalisme noir et des idées panafricanistes au sein de la FEP. La direction de l’AMCU explique aux mineurs que la leçon de Marikana est que les syndicats ne devraient pas être politiques. Au contraire, nous pensons que pour aider la classe ouvrière à continuer à aller vers le socialisme, nous devons l’aider à comprendre le nouveau paysage politique en s’engageant dans le débat d’idées tout en restant à la pointe de la lutte.

    Vers la révolution socialiste!

    Pour lutter efficacement dans la bataille des idées qui est devant nous, le WASP ne peut pas être une trop «large église ». Le WASP doit être un parti avec une identité politique claire. Cette identité doit être fondée sur un programme politique explicitement marxiste révolutionnaire qui montre sans crainte à la classe ouvrière dans le chemin de la révolution socialiste. Étant donné que les forces du WASP ont, au cours du travail en commun, développé un haut degré d’unité politique illustré dans le document clé du WASP Only Socialism means Freedom, the beginnings of a programme for the socialist revolution, il n’a plus de raison de maintenir le WASP comme une organisation large.

    Il est nécessaire de refonder le WASP comme un parti révolutionnaire pour fonder notre travail de masse sur des bases plus solides, ce qui nous permettra d’intervenir efficacement avec notre programme dans la confusion politique actuelle. Nous allons éclairer la route vers le socialisme en aidant la classe ouvrière à établir son indépendance politique et à fusionner autour d’idées socialistes claires. Re-fondé comme un parti révolutionnaire, le WASP s’est fixé pour tâche de former un cadre capable d’influencer sur le processus historique et de pousser sans relâche dans le sens d’un nouveau parti ouvrier. Nous devons continuer à défendre la création d’un parti ouvrier de masse sur base des meilleurs éléments de la classe ouvrière, en particulier autour du NUMSA, qui a été politiquement réveillé par les développements dramatiques de ces deux dernières années. Une telle conquête représenterait une avancée majeure sur la voie de la révolution socialiste.

    Nous étions les premiers à faire face à la nouvelle situation politique issue des événements de Marikana et nous avons été les premiers à agir sur ces changements avec le lancement du WASP comme un parti large. A nouveau, nous sommes à même de reconnaître les changements de la situation politique qui nécessitent un changement dans le caractère du parti. Unir les forces organisées dans le WASP sur de nouvelles bases révolutionnaires permettra la création du parti révolutionnaire le plus important d’Afrique du Sud et de la région et nous permettra de rester à la pointe de la lutte de classe.

  • Nigeria. Massacre de Baga : socialisme ou barbarie

    nigeriaBHLes 4 jours de massacre à Baga, au Nigeria, rappellent durement qu’aussi sanglante que soit déjà l’insécurité dans le pays, il n’y a aucune limite au point auquel les choses peuvent dégénérer. Le décompte initial faisait état de 2.000 morts et de 35.000 personnes évacuées. L’armée a cependant rejeté ce chiffre, qui est selon eux une exagération. Dans une déclaration officielle, le Général Chris Olukolade, porte-parole de l’armée, a déclaré que le nombre de personnes tuées, y-compris les combattants de Boko Haram, « n’a pas encore excédé les 150 personnes ». Mais que ce soient 2000 ou 150 personnes qui aient été tuées, il s’agit d’un incroyable nombre de pertes de vies humaines en un seul jour.

    H.T Soweto, Democratic Socialist Movement (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Nigéria)

    Au total, 3.720 maisons, cliniques et écoles ont été rasées au cours des attaques sur Baga et Doron Baga. Les survivants racontent qu’ils ont traversé des villages vides jonchés de cadavres. C’est inacceptable, condamnable et impensable. Les défenseurs des idées du socialisme condamnent ce carnage et se joignent aux Nigérians pour exiger la fin de ces pertes de vies humaines quotidiennes.

    Dans les dernières images satellites, Amnesty International a décrit l’attaque de Baga comme « la dévastation de deux villes en proportions catastrophiques, l’une d’entre elle ayant presque disparu de la carte en l’espace de quatre jours. » De tous les assauts perpétués par la secte, c’est « le plus large et le plus destructif ».

    Qualifier simplement les 6 ans d’offensive de Boko Haram d’attaques terroristes est maintenant un euphémisme à tous les niveaux. C’est une véritable guerre qui fait rage au sein des territoires d’une nation souveraine. Dans certains endroits des 3 Etats du Nord-Est, l’autorité gouvernementale s’est effondrée alors que les membres de la secte règnent en maîtres. La secte contrôle maintenant une grande partie de la frontière entre le Nigeria et le Tchad et le Cameroun, ce qui lui donne le contrôle du commerce.

    Par ses exploits, Boko Haram – un groupe terroriste islamiste – met la barre du terrorisme mondial de plus en plus haut. Dans la nuit du 14 au 15 avril 2014, 276 écolières ont été enlevées par ce groupe terroriste dans la ville de Chibok, dans l’État de Borno. Mis à part quelques-unes qui ont réussi à s’enfuir dans la brousse pendant le transport vers le repaire du groupe, il n’y a aucune nouvelle d’elles depuis lors, malgré l’indignation mondiale et la campagne tumultueuse pour leur libération au Nigeria (#BringBackOurGirls). Au lieu de se calmer, Boko Haram a continué de pratiquer des carnages meurtriers quotidiens. Au Cameroun, ils ont récemment kidnappé environ 80 personnes, dont beaucoup d’enfants, et en ont tuées trois autres au cours d’une attaque transfrontalière contre des villages dans le Nord du pays.

    Impuissance militaire

    La capacité incroyable de cette secte à commettre des violences est tellement alarmante qu’à peine le public s’est remis d’un carnage qu’un nouveau se produit. Tout aussi alarmante est l’impuissance de l’armée. Pendant l’attaque contre Baga, il a été rapporté que des soldats ont «rejoint les civils qui s’échappaient dans la brousse». Baga est en fait le quartier général du Multinational Joint Task Force (MNJTF, force multinationale conjointe) – une force internationale de soldats du Nigeria, du Niger et du Tchad mise sur pied en 1994 pour faire face aux problèmes de sécurité transfrontalières et, récemment, à Boko Haram. Quand les combattants de Boko Haram sont arrivés, ils ont d’abord envahi les baraques militaires de MNJTF. Il y a des rapports de soldats s’enfuyant après avoir repoussé les membres de la secte pendant 9 heures sans recevoir de renforts.

    La déroute de l’armée nigériane montre la perte de confiance générale en le régime et le système. Les années de corruption ont laissé pourrir l’armée, avec un manque d’équipements et d’armements adéquats et des soldats du rang dont le niveau de vie est aussi pauvre que celui du reste de la classe des travailleurs. En résultat, les soldats ne veulent pas risquer leurs vies pour l’élite dominante corrompue. Il y a eu des mutineries et une série de procès en court martiale. En septembre 2014, 12 soldats ont été condamnés à mort pour mutinerie. A la fin de l’année dernière, 54 soldats de plus ont été condamnés à mort pour désobéissance à un ordre direct. Plus de 100 sont encore en jugement pour des charges qui vont de perte de fusil au cours des opération à la négligence et la lâcheté. Cependant, au lieu de restaurer la discipline, les mesures répressives ont continué de générer la colère parmi les soldats, leurs familles et ceux qui dépendent d’eux.

    Par exemple, le vendredi 16 janvier 2015, environ 227 membres ont manifesté à Jos, dans l’Etat du Plateau, contre leur licenciement par l’armée nigériane en conséquence de la guerre en cours contre Boko Haram. Le dirigeant des soldats mécontents, le Sergent Abiona Elisag, a brossé un tableau violent des conditions qui rendent extrêmement difficile aux soldats d’être préparé physiquement et mentalement à se confronter à Boko Haram : «Nous sommes surpris qu’on puisse nous traiter ainsi dans notre propre pays. Nous avons été envoyés sans armes nous battre contre les insurgés. Beaucoup de nos collègues ont été tués au cours de la défense de notre patrie. Même ceux qui sont à l’hôpital pour soigner les blessures qu’ils ont reçues sur le champ de bataille ont été licenciés alors qu’ils étaient encore hospitalisés. Le pire, c’est que les familles des collègues tués à Adamawa et à Yobe se meurent de faim puisque l’Armée Nigériane refuse de payer leurs indemnités.» (This Day, 17 janvier 2015).

    En plus, il est de nouveau apparu que les soldats, la police et d’autres agents de sécurité doivent souvent acheter leurs propres uniformes, équipements et dans certains cas doivent acheter les balles eux-mêmes quand ils sont déployés dans des zones de trouble avec très peu d’approvisionnement en munitions. Les conditions pitoyables de l’armée, de la police et du personnel de sécurité, malgré les milliards de nairas votés annuellement pour «la guerre contre la terreur» depuis 2009 et que l’insurrection de Boko Haram a aidé à exposer, méritent une campagne vigoureuse de la part du mouvement syndical. Les soldats du rang font partie de la classe ouvrière ; qu’ils soient envoyés se faire massacrer méritent notre condamnation et notre solidarité fraternelle.

    Ce n’est absolument pas la même chose que de soutenir la «guerre contre la terreur» du gouvernement ; il s’agit plutôt de se solidariser avec les membres de la classe ouvrière dans l’armée et de les unir au reste de leur classe sociale. Une telle campagne doit exiger l’annulation de toutes les actions disciplinaires contre les soldats sur le front, l’amélioration des conditions de vie des soldats du rang et du personnel de base de la police et des autres agents de sécurité, une compensation adéquate pour les familles des morts au combat, des blessés ou des invalides et une rémunération convenable de ceux en service, la démocratisation de l’armée et de la police et le droit des soldats, de la police et du personnel de sécurité à former un syndicat pour défendre leur droit.

    Pas d’issue en vue

    L’existence de plus d’un million de déplacés internes et l’invasion totale d’une grande partie des 3 Etats du Nord-Est (Borno, Yobe et Adamawa) créent une crise sérieuse pour la tenue des élections présidentielles et législatives de 2015, qui doivent commencer le 14 février. Mis à part la question générale d’à quel point ces élections vont être démocratiques, on peut douter de la capacité de la Commission Électorale Nationale Indépendante (INEC) à organiser le vote dans les 3 Etats du Nord-Est sur lesquels le gouvernement Nigérian a perdu le contrôle face aux assauts continuels contre ses bases militaires et au rasage de villes et de villages par Boko Haram.

    La question de comment mettre fin au carnage de Boko Haram a dominé les campagnes présidentielles du 14 février prochain. Dans cette élection, le président du Peoples Democratic Party (PDP) Goodluck Jonathan, qui a dirigé pendant 6 ans un gouvernement capitaliste contre les pauvres, généralement acclamé pour sa contre-performance même selon les critères nigérians, fait face à la tâche ardue de maintenir la tradition selon laquelle les sortants sont souvent réélus. Le concurrent principal, le général à la retraite Muhammadu Buhari du All Progressive Congress (APC), s’est engagé à mettre fin à l’insurrection s’il est élu. Mais il ne dit pas clairement en quoi il va approcher la question différemment du régime actuel.

    Cependant, il est clair que ce que les candidats du PDP comme de l’APC prévoient comme solution à l’insurrection de Boko Haram est plus ou moins d’augmenter les actions militaires. En tant que général à la retraite et ancien chef d’État militaire, Muhammadu Buhari espère faire valoir son expérience martiale ainsi que son avantage particulier d’être un Musulman du Nord.

    Toute désirable que puisse être une solution militaire aux yeux des Nigérians traumatisés, la réalité est que cela n’apporterait qu’un soulagement temporaire. Il ne peut pas y avoir de «solution» miliaire simple à Boko Haram. C’est la faillite monumentale de l’élite capitaliste dirigeante qui crée les conditions favorables au recrutement massif de jeunes et de pauvres par Boko Haram. Le fondateur décédé de Boko Haram, Muhammed Yusuff, était capable d’attirer les masses dans le Nord-Est du Nigéria, réputées les plus pauvres et les moins développées du pays, parce que les prêches et les sermons contre les inégalités dans la société et la corruption de l’élite dominante trouvaient une résonance dans les cœurs et les esprits des jeunes sans emplois et des pauvres qui existent en marge de la société.

    Il est cependant important de rappeler que les Nigérians ne doivent pas oublier que c’est l’exécution extra-judiciaire de Muhammed Yusuff pendant sa garde à vue en 2009, après l’avoir exhibé devant les caméras de télé, qui a fait de Boko Haram la terreur qu’elle est maintenant. En plus du meurtre extra-judiciaire de Yusuff et d’autres dirigeants de la secte et de soutiens financiers, plus de 700 membres de la secte ont été massacrés dans une répression majeure au cours de laquelle la police nigériane, alors mieux armée, a engagé le combat avec des membres de la secte équipés d’arcs et de flèches dans une opération qui visait à les exterminer complètement. Cependant, au lieu de cela, la secte est simplement tombée sous la direction d’une aile plus extrémiste représentée par Abubakar Shekau et d’autres qui auraient des liens avec Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). Au moment où Boko Haram s’est réorganisé et a commencé une série d’attaques vengeresses, il était maintenant équipé de bombes, de lances-roquette, de kalachnikovs et avait acquis une grande expertise technique et des combattants dont la rumeur dit qu’ils ont été entraînés en Somalie et dans d’autres centres du terrorisme en Afrique.

    Ainsi, même si Boko Haram est abattu, dans la mesure où toutes les contradictions de l’aliénation de la vaste majorité, en particulier des jeunes, de la richesses de la société, continuent à exister, il y a toujours une possibilité que des campagnes d’agitation violentes éclatent ailleurs au Nigéria. Par exemple, le fait qu’il y avait un vice-président (plus tard devenu président) du Delta du Niger en la personne de Goodluck Jonathan peut avoir contribué à rendre possible l’achat temporaire des militants du Delta du Niger dans un accord d’amnistie qui valait des milliards de Nairas.

    Mais même si un président musulman du Nord avec une expérience miliaire rendrait jusqu’à un certain point possible d’en finir avec le carnage de Boko Haram, les Nigérians devraient s’attendre à ce que des campagnes d’agitation violentes et cacophoniques similaires émergent dans d’autres groupes ethniques, religieux et parmi d’autres extrémistes. Boko Haram n’est pas le premier mouvement de ce type dans le Nord, «son credo réactionnaire et religieux a commencé bien plus tôt, avec la recrudescence du mouvement Maitasine au début des années 1980» (“Socialist Democracy”, juin-juillet 2014). Et, aussi longtemps qu’existent les conditions de crise, de pauvreté et de corruption, l’écrasement militaire de Boko Haram ne va pas en lui-même empêcher des mouvements similaires d’émerger dans le futur.

    Ceci parce qu’en premier lieu, les crises ethniques et religieuses apparemment inextricables du Nigeria sont le produit de la question nationale non résolue du Nigeria, qui inclut la façon non-démocratique dont les colonialistes britanniques ont fusionné différentes entités qui se sont rassemblées pour former le Nigeria, le système exploiteur et inégalitaire du capitalisme, ainsi que l’héritage de l’élite capitaliste néo-coloniale qui joue régulièrement avec les sentiments religieux et ethniques pour inciter à l’agitation, de façon à poursuivre leurs propres buts et ambitions politiques dans leurs propres intérêts.

    Une solution socialiste

    Ainsi, la seule manière durable et sûre de mettre définitivement fin à Boko Haram et d’autres formes de crise ethno-religieuse est d’assurer que l’énorme richesse en pétrole et en minerai du Nigeria, qui sous le système actuel du capitalisme bénéficie seulement à 1% de la population, soit maintenant utilisée au bénéfice de la grande majorité. C’est le seul moyen pour commencer à saper la division ethnique et religieuse. Cela requiert que l’État s’embarque dans un programme social financé publiquement, qui comprendrait le développement et l’amélioration à une large échelle des conditions infra-structurelles et socio-économiques du Nigeria, l’éducation et les soins de santé gratuits, la création massive d’emplois et la redistribution des richesses. Cependant, pour que ces programmes sociaux soient un succès, les masses ouvrières doivent remplacer le système exploiteur et inéquitable du capitalisme par un système socialiste démocratique

    Si par exemple, on procurait l’éducation gratuite à tous les niveaux, une formation professionnelle et des emplois décents pour tous, il serait possible de commencer à engager les millions d’almajiris (les plus pauvres des pauvres du Nord) qui finissent par suivre Boko Haram et les autres forces extrémistes. Cela empêcherait sensiblement Boko Haram de trouver de nouvelles recrues et commencerait à saper son attrait. Boko Haram lui-même maintient son autorité sur son armée d’anciens enfants des rues et jeunes aliénés en partie parce qu’il leur procure de la nourriture, de l’argent et garantit un certain niveau de vie, ce qui est la responsabilité constitutionnelle du gouvernement mais que le capitalisme rend impossible à accomplir.

    C’est un fait qu’aucune section des élites dominantes ne souscrit à une alternative socio-économique et politique qui peut apporter cette solution. Par exemple, les deux principaux partis politiques en lice pour la présidence dans les élections générales de 2015 (PDP et APC) sont tous deux renommés pour leurs politiques capitalistes néo-libérales anti-pauvres de sous-financement de l’enseignement, d’augmentation des tarifs et de commercialisation. Aucun des deux partis ne peut donc procurer aucune solution permanente aux défis du Nigeria, y compris à l’insurrection de Boko Haram.

    La responsabilité de sauver la nation de la barbarie repose uniquement sur les masses travailleuses et la jeunesse du Nigeria. Toute illusion en n’importe quelle composante de la classe dominante essuiera une déception. Il y a un besoin urgent pour le mouvement ouvrier de se soulever maintenant pour prendre la tête et unir les Nigérians autour d’un programme d’action pour lutter pour une amélioration socio-économique. C’est l’incapacité de la direction du mouvement ouvrier à donner une alternative révolutionnaire audacieuse à l’impasse de l’exploitation capitaliste du Nigeria qui a créé le vide dans lequel Boko Haram est entré avec son idéologie extrémiste.

    La gravité de la situation est telle que même une partie de la presse demande pourquoi la direction du mouvement ouvrier est pratiquement silencieuse et inactive ? Le jour de l’an, l’éditorial du journal Punch écrivait à propos des dirigeants politiques «célébrant dans l’opulence avec leur famille, pendant que beaucoup de travailleurs Nigérians ont faim et sont en colère» et finissait par ces mots «le NLC (Nigeria Labour Congress) doit donner un signal et lutter pour le bien-être des travailleurs Nigérians». Mais malheureusement, les dirigeants syndicaux, tout en lançant parfois des revendications, n’ont pas proposé d’action concrète pour les obtenir. C’est cette inactivité qui donne un espace aux groupes comme Boko Haram pour mobiliser une partie des plus aliénés et des plus pauvres.

    Mais il y a un grand potentiel latent pour une lutte conjointe. En janvier 2012, pendant la grève générale contre la suppression des subventions sur le carburant menée par le mouvement des travailleurs, le Nord a connu certains des moments les plus glorieux du formidable mouvement de masse. Des images de manifestants chrétiens faisant une chaîne de leurs bras autour des manifestants musulmans pendant leur prière sur les barricades ont déferlé dans les médias. Cela atteste de la capacité des masses ouvrières à surmonter les divisions ethniques et religieuses et à s’unir pour lutter pour une cause commune, en particulier quand une direction hardie est donnée par le mouvement des travailleurs.

    Tant que la direction du Labour continue à abandonner son rôle historique de diriger les masses ouvrières et pauvres hors des abysses du capitalisme, les groupes fondamentalistes vont continuer à servir leur poison meurtrier à laper aux masses désespérées. Nous avons besoin d’une alternative politique et révolutionnaire pour construire un mouvement unifié qui puisse offrir au régime capitaliste imbibé de questions ethniques et religieuses un futur d’unité, de solidarité et de fraternité authentique à tous les membres de la classe ouvrière sans distinction d’ethnie ou de croyances religieuses. Une telle société n’est pas possible sur base du capitalisme. Comme le disait Rosa Luxembourg, la socialiste et révolutionnaire allemande, c’est soit le socialisme, soit la barbarie.

    Le Democratic Socialist Movement (DSM) et le Socialist Party of Nigeria (SPN, parti large auquel collabore le DSM) appellent à :

    – Des actions indépendantes qui sont maintenant vitales pour défendre les quartiers et les communautés contre les attaques de Boko Haram. Le Democratic Socialist Movement (DSM) et le Socialist Party of Nigeria (SPN) appellent à fonder et à armer des comités de défense multi-ethniques et multi-religieux composés de travailleurs et de jeunes et sous leurs contrôle et autorité démocratiques, pour sécuriser les quartiers et les communautés.

    – Nous exigeons l’amélioration des conditions dans les camps de réfugiés, y compris des approvisionnements adéquats en nourriture, eau potable, équipements sanitaires, literie et matériaux de couchage, soins de santé et un programme de réintégration. Le mouvement syndical doit intervenir et visiter les centres de réfugiés pour vérifier les conditions des Nigérians dans ceux-ci et prenne en main la lutte pour leur amélioration.

    – L’annulation des peines de mort et des licenciements de l’armée prononcés contre les soldats et les autres membres des forces de sécurité accusés de désobéissance aux ordres, de négligence et de lâcheté dans la guerre contre Boko Haram.

    – Nous demandons l’amélioration de la solde et des conditions des soldats du rang et des autres agents de sécurité, y compris leur droit à former et à rejoindre des syndicats, à appeler à la grève et à contester les décisions inacceptables de leur commandement.

    – L’organisation d’actions de solidarité, comme des rassemblements et des manifestations, par le mouvement des travailleurs et la société civile pour commencer à unir les masses ouvrières contre l’insurrection de Boko Haram ainsi que les politiques capitalistes anti-pauvres qui permettent le développement des conditions pour le recrutement des jeunes et des pauvres par Boko Haram.

    – Pour que le mouvement des travailleurs construise un mouvement indépendant capable de lutter contre les politiques anti-pauvres et pour l’enseignement gratuit, des emplois décents, l’augmentation du salaire minimum national et pour de meilleures conditions de vie.

    – Pour que le Nigeria Labour Congress et le Trade Union Congress appellent à une conférence des organisations syndicales, socialistes et pro-masses à discuter de la formation d’un parti de la classe ouvrière armé d’idées socialistes pour lutter pour la prise du pouvoir politique par la classe ouvrière et pour une société libérée de la division ethnique et religieuse.

  • Afrique : ou le socialisme, ou une barbarie sans cesse plus grande

    L’Afrique est ravagée par un ouragan de pauvreté. C’est le seul continent devenu plus pauvre depuis 1980. Près de la moitié de la population vit avec moins d’un dollar par jour. La faim s’étend presque comme une maladie. Des millions d’africains sont mort faute de nourriture. Et l’avenir s’annonce plus triste encore. Le rapport de l’UNDP/UNICEF dit qu’en 2015 l’Afrique pourra nourrir moins de la moitié de sa population.

    Dagga Tolar et Peluola Adewale (2006)

    2015 est aussi l’année que les dirigeants du monde ont fixé comme date pour réduire la pauvreté et la faim de moitié entre autres « Objectifs du Millénaire pour le Développement » (OMD). Ces objectifs incluent également la réduction de la mortalité infantile de 75% et l’arrêt de l’extension de l’épidémie de SIDA/HIV. Cependant, la Banque Africaine de Développement a déclaré que l’Afrique est la région la moins prête à réaliser ces objectifs. Les Nations Unies ont exposés que si les indices de développement sociaux continuent sur leur voie, l’Afrique ne pourra rencontre les OMD qu’après 150 ans ! Plus de trois quarts des décès dû au SIDA se situent en Afrique sub-saharienne, et 65% des malades du SIDA vivent sur ce continent. Pour rendre les choses pires encore, l’histoire post-coloniale de l’Afrique est remplie des horreurs de la guerre qui ont pris la vie de millions de travailleurs.

    Les statistiques ci-dessus qui démontrent largement le sous-développement de l’Afrique sont horribles. Qu’est ce qui a bien pu se passer pour que la situation soit si épouvantable malgré des richesses stupéfiantes ? Les Socialistes disent que le capitalisme est coupable. Lénine le qualifiait d’horreur sans fin. Ce système basé sur les inégalités répand ses méfaits en Afrique plus encore que partout ailleurs. En terme de ressources naturelles, l’Afrique est peut-être le continent le plus riche au monde. Mais le capitalisme, à toutes ses étapes de développement, a extirpé du continent ses ressources, du commerce trans-Atlantique d’esclaves à travers le colonialisme à l’époque impérialiste. Les politiques néo-libérales d’aujourd’hui n’ont fait qu’empirer la situation des masses. Le continent est pillé de ses ressources pour financer son développement et pourvoir aux besoins basiques de la population. Les gouvernements comptent sur le capital étranger, pour la plupart sous forme de prêt avec des intérêts exorbitants qui sont autant de fardeaux étouffants.

    A présent, l’impérialisme mondial utilise la triade de la dette, de sa domination sur le commerce mondial et de la corruption des dirigeants africains comme armes pour forcer l’Afrique à se prosterner face au pillage impudent de ses richesses à travers les politiques néo-libérales.

    Les fardeaux de la dette et le néo-libéralisme

    En octobre 2005, l’Afrique avait remboursé 580 milliards de dollars à ses créditeurs (les nations et institutions impérialistes) pour une dette originale de 540 milliards de dollars, et il reste encore 330 milliards de dollars à payer. En luttant pour rembourser ces dettes, les gouvernements négligent l’éducation, la santé, l’approvisionnement en nourriture et autres besoins basiques des travailleurs. Les gouvernements ont pris le poison du Programme d’Ajustement Structurel (PAS) ou les politiques néo-libérales de privatisation, de commercialisation, de libéralisation du commerce, de coupes dans les dépenses publiques, etc., comme conditions pour récupérer les possibles restes de la souffrance due à une dette largement fictive et odieuse.

    Ce n’est donc pas accidentel si l’Afrique a le plus haut taux de malades du SIDA. Africa Action a dénoncé qu’en 2003 les pays africains ont dépensés plus de 25 milliards de dollars en remboursement de dettes, et ce même si 2,3 millions d’Africains ont perdu leur vie à cause du SIDA. Cette année, l’Organisation Mondiale de la Santé a déclaré que 4,1 millions d’Africains touchés par la maladie ont un besoin urgent de médicaments anti-rétroviraux, mais seulement 50.000 personnes peuvent en avoir.

    Le capitalisme et les politiques néo-libérales sont les causes majeures de faim en Afrique. Craig Timberg, du Washington Post a écrit que, bien plus que les désastres naturels comme la sécheresse ou le changement de climat, la famine que connaît le Niger est principalement due à la politique de libre marché débridée appliquée par le gouvernement nigérien. A la demande de la Banque Mondiale, le Niger a abolit le contrôle des prix avec pour conséquence que les prix de la plupart des denrées comestibles sont maintenant au-dessus des moyens d’une large part des travailleurs. Les taxes imposées sur la nourriture ont menés à deux actions de protestation massives pour le seul mois de mars 2005. Tout cela dans la lignée des demandes de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International concernant les « Pays Pauvres Hautement Endettés », initiatives entraînant le néo-libéralisme. Ceci explique pourquoi les autres pays pauvres, comme le Burkina Faso, la Mauritanie, l’Ethiopie et le Mali sont dans la même angoisse face à la faim que le Niger et neufs autres pays africains, récemment assurés de l’annulation de leur dette extérieure après des années de soumission ininterrompues aux dictats du FMI et de la Banque Mondiale.

    Commerce inéquitable

    A travers le commerce inéquitable, l’Afrique a été pillée de ses énormes ressources. Entre 1980 et maintenant, la part du continent dans le commerce mondial a chuté de deux tiers, de 6% en 1980 à moins de 2%. Le prix de ses principales exportations ne cesse de plonger. Une étude a révélé qu’entre 1980 et 2001, les prix du café ont plongé de 85%, ceux du cacao de 67%, d’huile de palme de 60% et ceux du cuivre de 41%. Les autres exportations du continent à l’exception du pétrole, suivent la même tendance. Les pays impérialistes qui prêchent le dogme du libre commerce, libéré de tout subsides, etc. imposent des barrières artificielles aux produits africains et subsidient lourdement leurs riches fermiers. On estime que les pays développés dépensent 200 milliards de livres sterling par an pour subsidier leurs agriculteurs, soit 17 milliards de livres sterling en plus que le Produit Intérieur brut de l’entièreté des pays africains. La Banque Mondial déclare que si l’Amérique du Nord, le Japon et l’Europe laissaient tombés leurs barrières aux produits africains, les exportations africaines augmenteraient de 1,5 milliards de livres sterling par an.

    Mais pourquoi l’Afrique est-elle dans cette situation? Fondamentalement, la réponse est que l’économie mondiale est depuis longtemps dominée par les classes dirigeantes et compagnies des pays riches. Les 500 plus grandes compagnies internationales contrôlent 70% du marché mondial, alors que les 50 plus grosses banques et compagnies financières contrôlent 60% du capital global. Aujourd’hui, 300 multinationales et banques importantes effectuent 70% des investissements directs à l’étranger.

    Cette domination bloque le développement de rivaux indépendants de ces monopoles. Là où de nouvelles technologies et produits se développent, ils sont rapidement dominés par les pouvoirs impérialistes. Les exceptions à cette règle générale, comme la Corée du Nord ou la Malaisie, furent aidés par l’Ouest durant la guerre froide pour des raisons stratégiques. Dans le cas unique de la Chine, les bases économiques de son récent développement furent construites sur les avancées initiales dans l’infrastructure et l’éducation rendues possibles par une économie nationalisée et planifiée, malgré les effets de la direction anti-démocratique du stalinisme maoïste.

    Dirigeants corrompus

    La douleur de l’Afrique est combinée à la corruption caractéristique de ses dirigeants. Il est intéressant de voir que la corruption n’est en rien limitée à l’Afrique ou aux pays en voie de développement. La chute d’Enron, le géant américain de l’énergie, par exemple, démontre que la corruption est universelle sous le capitalisme. La plupart des ressources qui échappent au commerce inéquitable ou au remboursement de la dette sont volées par les dirigeant pro-occidentaux corrompus et placés dans des comptes privés en Europe et en Amérique du Nord. Ce vol montre aussi qu’ils n’ont aucune confiance envers le développement des pays africains sur une base capitaliste. Le capitalisme néo-libéral, philosophie régnante de gouvernance, a donné plus d’assises aux dirigeants africains pour le pillage, car ils n’ont plus à utiliser ses ressources pour les besoins basiques de la population. Les gains initiaux qui suivirent l’indépendance et avaient procurés des investissements relatifs de la part des gouvernements nationaux dans les services sociaux et entreprises publiques ont été érodés par les politiques néo-libérales de privatisation, de commercialisation et de coupes dans les dépenses publiques.

    La guerre et la question nationale

    Le néo-libéralisme pousse la masse de la population vers la pauvreté et la marginalisation et ne peut résoudre les questions nationales, héritage du colonialisme, qui sont dans la majorité des cas aux racines des guerres qui ravagent le continent. La plupart des pays africains sont des créations artificielles des maîtres coloniaux pour leurs intérêts stratégiques et économiques sans regards pour les différentes nations, histoires, traditions et langages qu’ils ont réunis.

    Il est clair que l’élite bourgeoise africaine est incapable de résoudre la question nationale. Les sections mécontentes de l’élite dirigeante capitalisent le désenchantement des masses laborieuses pour assoir leurs gouvernements et exploitent les différentes ethnies pour les mobiliser dans des guerres, qui sont en fait dirigées pour servir leurs seuls intérêts. Hors de ces conflits, ils tirent des avantages excessifs pour prendre directement le pouvoir ou négocier pour être intégrer dans la classe dirigeante, au détriment des masses laborieuses utilisées comme chair à canon. Ces guerres ont laissés des millions de travailleurs sans vies, blessés pour le restant de leurs jours, ou encore sans logements. Les statistiques révèlent qu’il y a eu 4 millions de morts au Congo, 2 millions au Soudan, et 1 million au Rwanda, sans parler du Sierra Leone, du Liberia, de l’Ethiopie/Erythrée, de la Côte d’Ivoire, etc. où les guerres ont récemment coûtés des centaines de milliers de morts.

    Seule les masses laborieuses peuvent résoudrent les questions nationales en supportant les droits des nations et minorités, en incluant l’autodétermination des peuples, tout en luttant pour des mouvements unifiés contre les ennemis communs. Une caractéristique d’un réel mouvement des travailleurs est de voir des personnes issues de différentes nationalités marchant côte à côte contre les attaques capitalistes contre leurs conditions de vie. Cela montre le potentiel pour construire des mouvements unifiés capables de transformer la société.

    Le rôle des travailleurs

    La descente actuelle de l’Afrique vers la barbarie est une expression de la faillite de l’impérialisme et des élites capitalistes locales à développer l’économie africaine et les standards de vie de la population. Pour toute la période qui suivit l’indépendance de l’Afrique, tant les militaires que les sections civiles de la classe capitaliste ont dirigés le continent avec les mêmes effets contre-productifs et ruineux. En terme de développement économique général et de niveau de vie des travailleurs, l’Afrique aujourd’hui est encore plus loin derrière l’Europe et les pays capitalistes avancés que ce n’était le cas il y 4 ou 5 décennies.

    Cependant, une infime partie de la population africaine est aussi indécemment riche que les capitalistes des pays développés. C’est le résultat du vol des budgets gouvernementaux, et de la collaboration avec l’impérialisme pour piller le reste des africains et les ressources matérielles.

    Il ressort de l’histoire du capitalisme, et en particulier de l’histoire limitée du capitalisme en Afrique, que seule la classe ouvrière possède le potentiel de mettre fin à ce système qui signifie la misère pour les masses à côté d’une abondance indescriptible.

    Les progrès de la civilisation moderne restent pour une large part une application des connaissances technologiques pour convertir les ressources naturelles en produits fini consommables. Sous la logique capitaliste qui prévaut actuellement, la plupart de ces connaissances technologiques et des ressources mondiales sont passées sous la propriété privée d’une poignée de corporations ou de propriétaires capitalistes. Et c’est là que ce situe la contradiction majeure. Alors qu’au niveau international et même dans plusieurs secteurs de l’économie, continents ou pays, il existe une abondance de connaissance techniques et de ressources pour donner une vie décente à toute personne sur terre, la nature d’égoïsme et de profit du capitalisme fait que dans la majorité des cas, ces potentiels sont irréalisés.

    Pourtant, le côté positif du capitalisme est le développement et l’existence de la classe ouvrière. C’est la classe sociale qui a en main les clefs des opérations journalières du système sans lesquelles rien ne peut se passer et qui est également capable d’actions collectives.

    Pour pourvoir aux besoins de tous, et non d’une minorité, la classe ouvrière, supportée par d’autres couches de pauvres, doit mener une révolution sociale. Cela entraînera la propriété commune et un contrôle démocratique des commandes de l’économie et des ressources avec une planification et une organisation centralisée vers l’utilité, et non le profit.

    Il est extrêmement important de remarquer que l’histoire contemporaine de l’Afrique est en elle-même très riche en mouvements de masses et de luttes. Uniquement l’an dernier se sont déroulées des protestations de masse contre les politiques néo-libérales et capitalistes au Mali, au Liberia, au Burkina Faso, au Niger, en Afrique du Sud, au Nigeria etc.

    Des années ’90 au début des années 2000, c’est la classe ouvrière qui a mené les protestations/luttes/révoltes qui aidèrent à la défaite des gouvernements capitalistes impopulaires de Kerekou en République du Bénin, et de Kenneth Kaunda en Zambie. Le Mouvement pour des Changements Démocratiques au Zimbabwe dirigé par Morgan Tsvangirai s’est initialement développé à partir des syndicats et de la résistance de la classe ouvrière contre le gouvernement de Robert Mugabe. En Afrique du Sud, seul le COSATU a mené des grèves et des manifestations de masse contre la politique anti-pauvre et néo-libérale du gouvernement capitaliste de l’ANC.

    Au Nigeria, l’actuel pro-impérialiste et anti-pauvre gouvernement du président Olusegun Obasanjo a été ébranlé jusqu’aux racines en plusieurs occasions par une série de grèves et de protestation massives menées par le mouvement syndical.

    Malheureusement cependant, toutes ces luttes, nombreuses et collectives, ont montré la faiblesse qui doit être dépassée pour passer de la protestation et de la défensive vers le changement du système. Cela requiert la construction d’un mouvement avec un programme clair et une direction n’ayant pas peur d’affronter le capitalisme.

    Les socialistes disent que l’Afrique sortira seulement du cercle vicieux de déclin en rompant avec le capitalisme et en prenant les ressources économiques du continent des griffes de l’impérialisme et des capitalistes locaux. C’est seulement sur base d’une économie démocratiquement planifiée que les ressources seront utilisées dans les intérêts de la majorité de la population. Ce n’est pas l’ancien système où l’élite locale pille l’Etat et les entreprises nationalisées à leurs propres fins. Au contraire les socialistes luttent ils pour une nationalisation sous contrôle démocratique des travailleurs pour prévenir de la corruption et assurer que les ressources sont utilisées dans l’intérêts des masses laborieuses.

    L’Afrique n’est pas seule à avoir un avenir incertain sous le capitalisme. La santé de l’économie mondiale aujourd’hui est de plus en plus précaire. Internationalement, les travailleurs, y compris d’Europe et des USA, ne voient qu’un avenir fait d’attaques continuelles envers leur niveau de vie et leurs emplois. Dans cette situation si, même dans un pays africain, une cassure socialiste avec le capitalisme est effectuée, cela aura un écho gigantesque dans les autres pays africains et au-delà. C’est à travers cet impact international que l’isolement d’un pays en rupture avec le capitalisme pourra être dépassé. C’est sur cette base que les socialistes voient l’unité réelle des peuples d’Afrique.

    Mais pour faire cela, un programme et une politique clairement socialiste ainsi qu’une classe ouvrière disciplinée sont nécessaires. Sans cela, il y a le danger que les luttes ne mènent qu’à un simple changement du gang de voleurs au pouvoir. C’est ce qui s’est produit dans la Zambie de Chiluba, un gouvernement formé d’anciens activistes des syndicats, qui mène une politique néo-libérale. Bien sûr les travailleurs peuvent lutter aux côtés d’autres forces sociales dans certaines luttes, quand cela concerne des buts économiques, sociaux ou politiques. Cependant, à l’intérieur de ces mouvements, les socialistes défendront qu’un changement fondamental, la fin du capitalisme, est nécessaire pour rendre permanente n’importe quelle victoire obtenue lors de ces luttes partielles.

    En République du Bénin, les mouvements de masse de la classe ouvrière furent assez fort que pour mettre fin au gouvernement de Kerekou, mais par manque de leurs propres organisation et dirigeants, il n’y eu d’autre choix que d’investir Mr Soglo, un dissident de la classe dirigeante capitaliste, qui ne fit naturellement que continuer la politique antisociale au pouvoir.

    Tristement également, la tentative de créer un parti des travailleurs au Zimbabwe ne s’est soldée que par la fondation du parti pro-capitaliste MDC, ce qui a enlevé à la population une opportunité de combattre et de vaincre le parti capitaliste du dirigeant Mugabe. De façon similaire, c’est le manque d’alternative, de politique socialiste et de détermination pour chasser le gouvernement Obasanjo qui a permis que le très haï président du Nigeria soit capable de comploter pour s’assurer de revenir au pouvoir après la fin de sa législation, en mai 2007.

    Pour arrêter le déclin économique et les horreurs de la guerre qui ravagent l’Afrique, la création de mouvements politiques et d’organisations de luttes pan-africaines de la classe ouvrière jointes à la tâche ultime de l’abolition du capitalisme, la cause principale de l’inégalité sociale et des troubles. Cette tâche ne peut être transposée par les masses laborieuses africaines, les jeunes et les révolutionnaires.

    Rejoignez nous!

    “Tout spectateur est autant un lâche qu’un traître”– Amica Cabra. Si vous êtes mécontent des politiques anti-pauvres menées par les gouvernements africains pro-impérialistes et intéressés de lutter contre ces politiques, l’organisation à rejoindre est le Comité pour une Internationale Ouvrière. Le CIO (CWI en anglais) est une organisation socialiste internationale présente dans près de 40 pays et qui travaille à l’unité de la classe ouvrière et les peuples opprimés contre le capitalisme et pour lutter pour un monde socialistes. Le CIO a des sections au Nigeria et en Afrique du Sud.

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